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Carnaval de Venise

Bentzel Sabina

Le carnaval de Venise est une fête traditionnelle italienne remontant au Moyen Âge. Il
commence dix jours avant le mercredi des Cendres et se poursuit jusqu'au mardi gras. Connu
pour ses costumes et ses masques, il attire des foules considérables.

Les masques et les costumes


Le public est composé de différentes classes sociales. Les masques et costumes garantissent
l'anonymat, il est même possible de mentir sur sa classe sociale, son sexe, sa religion. On
choisit souvent la classe inverse à la sienne (par exemple, un pauvre prendra souvent l'habit
d'un riche). La joie et l’anonymat sont au cœur de ce festival. C'est un temps pour oublier le
quotidien et tous les préjugés. Les costumes pour le carnaval ont engendré un véritable
marché des masques et des costumes. Après la phase de confection des modèles, on y ajoute
des détails tels que des dessins, des broderies, des perles, des plumes et autres. Le fait
d’endosser un costume ne suffisait pas, le carnaval de Venise était un état d’esprit tout entier.
Il fallait donner un personnage à son costume et le jouer. Inspiré de la Commedia dell'arte, le
déguisement traditionnel est la bauta, comprenant le tabarro, la larva et le tricorne, ou encore
le masque d'arlequin. Son habit est coloré à losanges. Au XVIe siècle, loin d'être élégant, l'habit
était simplement rapiécé pour figurer les haillons d'un mendiant.
Le plus ancien masque du carnaval est l’arlequin. Ses origines sont médiévales. Son costume
se compose d'un masque noir et d’une robe à losanges multicolores. C'est un masque
Lombard, originaire d'Italie et appartenant à la Commedia dell'arte.
La bauta est l'un des costumes les plus courants dans le carnaval. La forme particulière du
masque assure la possibilité de manger et de boire sans avoir à l’enlever.
Un autre costume typique est la Gnaga. Elle est composée de vêtements féminins et d’un
masque de chat. La personne porte un panier à son bras qui habituellement contient un chaton.
Le personnage émet des sons stridents, miaule et est moqueur.
Beaucoup de femmes portaient un déguisement appelé moretta. Il se compose d'un petit
masque de velours noir et d’un chapeau délicat. La moretta était un déguisement peu pratique.
Le masque devait tenir sur le visage en le tenant avec la bouche à l’aide d’un bouton à
l’intérieur du masque.
Cependant, le port du masque fut de nombreuses fois contesté au fil des années. Alors qu’il
permettait de transgresser les règles sans être reconnu, il fut interdit au XIVe siècle, mais
uniquement la nuit puis à l’intérieur des endroits religieux et durant les fêtes religieuses,
même celles qui se déroulaient pendant le carnaval. Le but était de rétablir la morale et les
bonnes mœurs que les porteurs de masque perdaient en étant anonyme. À partir de 1776, alors
que le port du masque était interdit dans les maisons de jeux, les femmes devaient porter
le taborro, le volto ou encore la bauta pour se rendre au théâtre.
Derrière les masques et les costumes se cachent des personnes qui veulent faire partager leur
passion pour Venise. Lors du dernier week-end du carnaval, un jury international choisit le
prix du masque le plus beau.

Histoire
Des traces attestées du carnaval de Venise apparaissent dès le Xe siècle lors de spectacles
publics les derniers jours précédant les mortifications du carême2. En 1094, le carnaval est
mentionné dans un édit du premier doge de Venise Vitale Falier3. Rituel civique, il sert
initialement à façonner la cohésion civique et politique de la commune constituée
de sestieri (quartiers) marqués par leur forte identité. Il est progressivement pris en main les
siècles suivants par l'aristocratie qui canalise la fête mais continue à associer le peuple aux
jeux publics (notamment la pyramide humaine appelée « Forces d'Hercule », la chasse aux
porcs au XIIIe siècle, remplacée par la chasse aux taureaux au XVIe siècle, suivie d'une mise à
mort et d'une distribution de viande4), aux fêtes (épousailles du Doge avec la mer, fête des
Maries remplacée à la fin du XIVe siècle par le jeudi gras marqué par le sacrifice rituel du
taureau et de douze porcs), voulant ainsi par ces spectacles affirmer la puissance de sa cité2.
Le but premier du carnaval de Venise était d’abolir les contraintes sociales habituelles. Le
riche devenait pauvre et vice versa, les personnes qui se connaissaient bénéficiaient du
privilège de ne plus avoir à se saluer grâce à l'incognito procuré par les masques apparus
au XIIIe siècle. Le port du costume permettait une liberté inconnue pendant le reste de l'année,
les individus pouvaient transgresser certaines règles sans se faire reconnaître. Institutionnalisé
et « codifié » à la Renaissance, le carnaval s'ouvre à l'opéra à partir du XVIe siècle et accueille
les princes d'Europe (auparavant le théâtre avec ses prix d'entrée réduits était plus populaire).
C’est à partir du XVIIe siècle, à l'époque baroque, que le mythe du carnaval de Venise s’est
répandu dans toute l'Europe, et c'est l'image du XVIIIe siècle qui nous est la plus familière
grâce aux tableaux de Canaletto, Francesco Guardi, Giandomenico Tiepolo et surtout Pietro
Longhi. Longtemps célébré entre l'Épiphanie et le Carême, il s'étend à cette époque pendant
plusieurs mois de l'année, en hiver, en mai-juin et à l'automne (jusqu'à six mois dans l'année),
sa démesure tentant à cette époque de masquer l'angoisse du déclin commercial et politique de
Venise2.
En 1797, avec l'arrivée des troupes du Directoire dirigées par Napoléon Bonaparte, la
tradition est interrompue pour éviter des troubles au sein de la population, Napoléon ayant
peur de la force révolutionnaire, subversive, et des émeutiers se cachant sous leurs masques.
Quelque temps après, les Autrichiens réhabilitent quelque peu la fête, le carnaval
s'embourgeoisant au XIXe siècle qui marque son lent déclin. À partir de cette époque, le
carnaval ne connaît plus le même enthousiasme populaire, et les masques ont presque disparu
jusque dans les années 1970. À cette époque, quelques adolescents renouent avec la tradition
des œufs pourris5, qui avait été interdite en 1268. D'autres étudiants férus de théâtre tentent de
rétablir les mascarades en 1978. Sous l'initiative d'associations de citoyens, de la municipalité
de Venise, de La Fenice et de la biennale de Venise en 1979, il est décidé de relancer avec
faste le carnaval2.
Depuis sa réintroduction officielle en 1980, le carnaval de Venise est devenu un événement
touristique important et spectaculaire, des dizaines de milliers de visiteurs venant y participer
en raison de l'atmosphère de la ville et des masques. Les jeux au détriment des animaux
n’existent plus mais les attractions médiévales du carnaval (jongleurs, acrobates, musiciens,
danseurs) subsistent et les spectacles ont traditionnellement lieu sur les places de Venise, en
particulier sur la Piazza San Marco. Le carnaval actuel comprend le défilé inaugural des plus
beaux costumes, le lâcher des ballons, la parade nautique, l’Envol de l’ange, la Procession des
Maries. Il est marqué par ses spectacles publics dans les rues; des manifestations payantes
dans les hôtels, palais et restaurants et ses divertissements privés (soupers fins, bals, concerts
baroques) dans les palais. Il se tient traditionnellement les dix jours précédant le mercredi des
Cendres6.
Cependant l’enjeu économique est devenu tel qu'il peut ternir le caractère spontané de cette
fête. Le costume traditionnel de la bauta est plutôt remplacé par ceux de Pierrot et
de Colombine, le spectacle publicitaire envahit les rues, au point de faire dire à Philippe
Sollers : « Rien de plus faux, parodique et grimaçant que le carnaval moderne. C’est un truc
d’écran pour couturiers et sponsors divers. Du bruit, de la laideur, de l’outrance, des masques
empilés sur des masques, des contorsions pour la caméra »7.

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