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DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11265-5.p.0243
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7 Le Casino-Cadet était sis au 18, rue Cadet ; à l’époque où écrivent les Goncourt, la
danseuse la plus célèbre en était Rigolboche, véritable star de la chahut sous le second
Empire (voir C. Paillet, « La féminisation du chahut-cancan sous le Second Empire pari-
sien », art. cité). C’est précisément vers 1865 que la chahut, originaire des bals publics,
s’introduit dans les cafés-concerts – d ’abord à l’Alcazar d’hiver puis dans tout Paris.
Comme le note Jean-Claude Lebensztejn à propos de l’histoire de la chahut : au cours
du siècle, « les cafés-concerts prirent la relève » des bals publics, devenus plus bourgeois
(Chahut, op. cit., p. 58).
8 Arthur Symons, dans un poème de 1892, appelle Nini-Patte-en-l’air – célèbre cancaneuse
du Moulin-Rouge – « the Mænad of the Decadence » (cité par G. Ducrey, Corps et graphies.
Poétique de la danse et de la danseuse à la fin du xixe siècle, Paris, Champion, 1996, p. 282).
Dans les années 1840, déjà, un voyageur allemand à Paris, Ludwig Rellstab, décrivait
les chahuteuses qu’il avait vues lors d ’un bal au théâtre des Variétés c omme des « ménades
extatiques » (cité in D. Price, Cancan !, op. cit., p. 29). Sur la figure de la « ménade pari-
sienne » à l’époque de Symons, voir S. Vitacca, « La métamorphose de la Bacchante dans
l’art de la seconde moitié du xixe siècle : du mythe antique à la “ménade parisienne” »,
actes de la sixième séance de L’Atelier du xixe siècle, Paris, S. E. R. D., publication en
ligne : serd.hypotheses.org/latelier-du-xixe-siecle, consulté le 13 sept. 2019. Voir égale-
ment A. Sotropa et S. Vitacca (éd.), Bacchanales ! Ivresse des arts au xixe siècle, Bordeaux,
P. U. de Bordeaux, 2018 et S. Buratti-Hasan et S. Vitacca (éd.), Bacchanales modernes ! Le
nu, l’ivresse et la danse dans l’art français du xixe siècle, catalogue d’exposition, Bordeaux,
Ajaccio et Cinisello Balsamo, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux, Musée Fesch-Ville
d’Ajaccio et Silvana Editoriale, 2016.
9 Georges Montorgueil c ompare La Goulue, célèbre danseuse de chahut sous la troisième
République, à une moderne et « impure Circé, surveillant du coin de l ’œil la métamor-
phose » (Paris dansant, illustrations de Willette, Paris, Théophile Belin, 1898, p. 172).
Érastène Ramiro (pseudonyme d’Eugène Rodrigues) note de son côté dans son Cours de
danse fin de siècle : « La Goulue est une enchanteresse. / Combien vraie toujours la fable
de Circé, la charmeuse, métamorphosant les c ompagnons d’Ulysse en pourceaux » (Gil
Blas, supplément illustré, 10 et 23 mai 1891, rééd. augmentée et sans nom d ’auteur pour
le texte, illustrations de Louis Legrand, Paris, Dentu, 1892, p. 6).
10 Gustave Kahn, qui fut le premier propriétaire de ce tableau (voir J. Rewald, Georges
Seurat, New York, Wittenborn, 1943, p. 70) écrivit à propos de Chahut : « [V]oyez cet
admirable groin de spectateur, archétype de noceur gras » (« Seurat », in L’art moderne,
vol. II, no 14, Bruxelles, 5 avril 1891 [p. 107-110], p. 109 b ; je souligne).
Fig. 1 – Georges Seurat, Chahut, huile sur toile (171,5 x 140,5 cm), 1888-1889,
Otterlo (Pays-Bas), Collection Kröller-Müller Museum.
Dans l’équivalence posée par les Goncourt entre folie et danse obs-
cène, le moyen terme implicite est l ’hystérie, ainsi que l ’indique, à la fin
de la phrase, la référence à l’hôpital dont Charcot dirigeait depuis 1861
le service de neurologie. Dans son livre sur les établissements de danse
parisiens, c’est les soirées du Moulin-Rouge que Georges Montorgueil
assimile quant à lui au Bal de la Salpêtrière : « […] le vrai bal des folles
est au Moulin-Rouge, quand le quadrille, conduit par Rayon-d’Or ou la
Glu, déchaîne cette hystéro-épilepsie que les clowns femelles traduisent
en d ’impudiques envolées de jupons11 ». Or, ce n ’est pas seulement un
tel caractère « impudique » qui provoqua la c omparaison de ces danses
avec l ’hystérie. Aux yeux de nombreux c ontemporains en effet, le propre
de la chahut n’était pas seulement d’exhiber les jambes des danseuses
de manière indécente12 mais de tordre et de rompre le corps humain par
des mouvements contre-nature faisant ressembler les « chahuteuses » à
des malades en proie à une crise d’hysteria major.
On retrouve de tels mouvements dans « Mes petites amoureuses »,
envoyé par Rimbaud à Paul Demeny le 15 mai 1871. La danse forcenée
qu’orchestre le je-violoniste (« j’ai l’archer en main, je c ommence », écrit
l’épistolier en guise d’introduction à ce poème de la cruauté13) y mor-
celle le corps des jeunes filles et en désosse un à un les membres tour-
noyants. Comme le tableau de Seurat, ce poème enregistre et déconstruit
simultanément l ’inquiétude sociale liée aux danses populaires et à leur
(mauvais) traitement du corps humain. Un chroniqueur de la Revue et
gazette musicale de Paris écrivait déjà pendant la monarchie de Juillet, à
propos des quadrilles de bals publics :
11 G. Montorgueil, Paris dansant, op. cit., p. 116 (sur La Glu – à ne pas c onfondre avec La Goulue –,
voir R. B. Gordon, Dances with Darwin, 1875-1910. Vernacular Modernity in France, Burlington,
Ashgate, 2009, p. 50, n. 89). Voir aussi M. F. Zimmermann, Seurat and the Art Theory of
His Time, Anvers (Belgique), Fonds Mercator, 1991, trad. J. Ferry, S. Schnall et K. Fanny
Willems : Les mondes de Seurat : son œuvre et le débat artistique de son temps, Paris, Albin Michel,
1991, p. 370. Voir la gravure « Le Bal des Folles et des Hystériques à la Salpêtrière » parue
dans Le Courrier français, 11 avril 1886 (reproduite in R. B. Gordon, Dances with Darwin,
op. cit., p. 16). Sur les rapports entre culture du spectacle et hystérie sous le second Empire
et à la Belle Époque, voir l’étude indispensable de R. B. Gordon, Why the French Love Jerry
Lewis : From Cabaret to Early Cinema, Stanford, Stanford U. P., 2001 (trad. par l ’auteure : De
Charcot à Charlot. Mises en scène du corps pathologique, Rennes, P. U. R., 2013).
12 Vidocq parle de « l’indécente chahut » : Mémoires de Vidocq, t. III, Paris, 1828-1829, p. 85
(cité in Trésor de la langue française, entrée « Chahut », en ligne : atilf.fr, consulté le 6 juil.
2019). Le Dictionnaire de l’Académie française, en 1843 définit la chahut « une manière
de danser extrêmement indécente », ajoutant que cette danse s’est introduite en France
« dans quelques endroits mal famés, bien que la police l’interdise dans tous les lieux
publics » (« Chahut, s. f. », Complément du Dictionnaire de l’Académie française, Paris, 1843,
cité par J.‑C. Lebensztejn, Chahut, op. cit., p. 10).
13 « Ici, j’intercale un second psaume, hors du texte : veuillez tendre une oreille complaisante
– et tout le monde sera charmé. – J ’ai l’archet en main, je c ommence : [Mes petites
amoureuses] » (Œuvres complètes, éd. A. Guyaux, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », 2009, p. 344).
Au lieu de figurer tout uniment avec le plus d’élégance et de grâce possible, ils
[les « inventeurs de danses prohibées »] ont inventé des mouvements de pied,
des mouvements de bras, des mouvements de tête. Plus de formes c onvenues,
plus de routine, plus d’uniformité : au contraire, c’est un assaut de pantomimes
spirituelles et comiques, un feu roulant de saillies muettes. En un mot, dans
ce système, la c ontredanse est une forme dramatique où chacun improvise
suivant son génie et met en relief son individualité14.
Cette dernière expression, as if their legs had taken leave of their senses,
décrit à la fois une prise d ’autonomie et un devenir-fou de ces membres
laissés à eux-mêmes : la danse de carnaval, dans sa dimension éruptive
et centrifuge, se rapproche dangereusement de la crise hystérique.
Un tel traitement du corps, caractéristique des bals populaires,
se retrouve dans les scandaleux c af’conc’ ainsi que dans les cabarets
d’artistes, tous lieux carnavalesques où se desserre l’emprise des normes
sur les corps16. Quelques années plus tard, à l’aube du xxe siècle,
14 Revue et gazette musicale de Paris, 21 février 1841, cité in F. Gasnault, Guinguettes et lorettes.
Bals publics et danse sociale à Paris entre 1830 et 1870, Paris, Aubier, 1986, p. 48-49.
15 J. Sanderson, The American in Paris, Philadelphie, Carey & Hart, 1847, p. 171, cité in
C. Parfitt, Capturing the Cancan, op. cit., p. 88 (je traduis et souligne, R. L.‑G.).
16 Rimbaud parle explicitement du cabaret dans au moins un poème, « Au Cabaret-vert,
cinq heures du soir » (éd. citée, p. 111). Sur la fonction poétique et politique du cabaret
dans ce sonnet de 1870, voir R. Chambers, « Rimbaud forain. À propos d’“Au Cabaret-
Vert, cinq heures du soir” », in Parade sauvage, oct. 2008, « Hommage à Steve Murphy »,
p. 324-337 et R. St. Clair, Poetry, Politics, & the Body in Rimbaud : Lyrical Material, Oxford,
Oxford U. P., 2018, p. 123-164. Sur l’histoire des cafés-concerts et les différences entre
café-concert et cabaret, voir A. Rifkin, « Cultural Movements and the Paris Commune »,
in Art History, vol. II-2, juin 1979, p. 202-221 ; J. Rancière, « Le bon temps ou la barrière
des plaisirs », in Les révoltes logiques, printemps-été 1978, repris dans Les scènes du peuple,
Lyon, Horlieu, 2003, p. 203-252 ; T. J. Clark, The Painting of Modern Life. Paris in the
Art of Manet and His Followers, Princeton, Princeton U. P., 1984, ch. 4, « A Bar at the
Folies-Bergères » (p. 205-258) ; C. Rearick, Pleasures of the Belle-Époque. Entertainment and
Festivity in Turn-of-the-Century France, New Haven, Yale U. P., 1985, p. 81 sqq. ; A. Sallée
et P. Chauveau, Music-hall et café-concert, Paris, Bordas, 1986 ; W. Barthelmess, Das Café-
Concert als Thema der französischen Malerei und Grafik des ausgehenden 19. Jahrhunderts, Berlin,
1987, en particulier p. 1-20 ; M. Angenot et D. Geoffrion, Café-concert. Archéologie d’une
industrie culturelle, Montréal, CIADEST, 1991 ; É. Pillet, « Cafés-concerts et cabarets », in
Romantisme, no 75, 1992, p. 43-50 ; C. Condemi, Les cafés-concerts, histoire d’un divertissement,
1849-1914, Paris, Quai Voltaire, 1992 ; A. Weill et F. Caradec, Le café-concert (1848-1914),
Paris, Fayard, 2007 ; et P.‑R. Leclercq, Soixante-dix ans de café-concert, 1848-1918, Paris,
Les Belles Lettres, 2014.
17 Voir en particulier F. T. Marinetti, « The Music-Hall » (1913), reproduit in G. Lista (éd.),
Marinetti et le futurisme. Études, documents, iconographie, Lausanne, L’Âge d’homme, 1977,
fac-similé, section non paginée du livre (planches photographiques).
18 Ibid.
PANTINS HYSTÉRIQUES
des bals publics avec des sauts exagérés et des gestes impudents27 ». À
propos du bal masqué de l ’Opéra qui eut lieu lors du carnaval de 1856,
Montorgueil décrit une danse inventée par Clodoche, célèbre danseur
comique de l’époque : « L’orchestre attaqua un quadrille : les drôles,
comme électriquement secoués, de gesticuler et de bondir28 ! ». Quant au
peintre Jean-François Raffaëlli, il écrivait des danses c ontemporaines que
« Nous ressentons les rythmes musicaux avec frénésie » et « y répondons
[…] par des bonds et des sauts insensés29… ».
Le « déboîtement » de la farandole rimbaldienne (« Vos omoplates
se déboîtent, / Ô mes amours ! ») donne à chaque membre – genoux
(« Entrechoquez vos genouillères / Mes laiderons ! »), seins (« … les tran-
chées / De ton sein rond ! »), mains (« … pour ces éclanches30 »), reins
(« Une étoile à vos reins qui boitent […] ! ») – une autonomie effrayante.
Les « Amoureuses » du poème sont en ce sens les petites sœurs des
27 Dictionnaire Littré, en ligne (www.littre.org), entrée « Cancan », page consultée le 2 juin 2019.
Sur Rimbaud et le cancan, voir la remarque d’Ida Zajdel à propos d’une rime étrange des
« Premières communions » (cité in M. Ascione, « Premières (et dernières) c ommunions »,
in Parade sauvage, colloque no 1 : Rimbaud ou « la liberté libre », 1987 [p. 30-44], p. 36) : aux
vers 37-42 du poème, qui évoquent le « lointain nasillement des danses » réprouvées par
le prêtre de village, les rimes font précisément surgir le son can-can – « Cependant le Curé
choisit pour les enfances / Des dessins ; dans son clos, les vêpres dites, quand / L’air s’emplit
du lointain nasillement des danses, / Ils se sent, en dépit des célestes défenses, / Les doigts
de pied ravis et le mollet marquant ; / – La Nuit vient, noir pirate aux cieux d’or débar-
quant ». Voir aussi B. de Cornulier, « Le rimeur étourdi des “Premières c ommunions” »,
in Parade sauvage, no 17-18, août 2001 (p. 43-80), p. 53-54. Steve Murphy a fait remarquer
(« La double vision des “Premières c ommunions”. Approche en zigzag », in Francofonia,
no 72, printemps 2017 [p. 141-160], p. 149) que le sizain cité pouvait renvoyer au débat
qui avait fait rage un demi-siècle plus tôt entre le curé d ’Ars – qui voulait voir proscrites
les danses de village, jugées lubriques – et Paul-Louis Courier, qui au contraire défendait
ces danses populaires (Pétition pour des villageois que l ’on empêche de danser, Paris, 1822) ; voir
également S. Murphy, « De la répression de l’ivresse des chevaliers », art. cité, p. 91-92.
28 G. Montorgueil, Paris dansant, op. cit., p. 104.
29 J.-F. Raffaëlli, « Étude des mouvements de l’art moderne et du beau caractériste », in
Catalogue illustré des œuvres de Jean-François Raffaëlli exposées 28 bis, avenue de l ’Opéra, Paris,
1884, p. 60.
30 Voir M. L. Premuda Perosa, « Les éclanches d ’Arthur », in Parade sauvage, colloque
no 3 (sept. 1991), Rimbaud cent ans après, éd. S. Murphy, 1992, p. 56-74 et, de la même,
« Lexique rimbaldien », in Parade sauvage, colloque no 4 (sept. 2002), Rimbaud : textes et
contextes d’une révolution poétique, éd. S. Murphy, 2004, p. 135-144 (p. 135-138 sur le mot
« éclanche »). Pour une lecture différente de ce terme d’« éclanche », célèbre crux du corpus
de 1871, voir les analyses lexicographiques de J.‑P. Chambon (« Quelques problèmes de
vocabulaire : II. Éclanche », in Arthur Rimbaud, IV, Paris et Caen, Minard, 1980, p. 97-98)
et de P. Délot (« “Mes Petites Amoureuses” : notes critiques », in Parade sauvage, no 5,
1988, p. 38-49).
Érastène Ramiro, dans son Cours de danse fin-de-siècle, écrit des danseurs
de chahut que leurs « jambes fléchissent, bringuebalent34 », et parle au
sujet de la danseuse Nini-Patte-en-l’air de « cheville désarticulée35 ». Des
36 M. Lefèvre, « Les gestes de la chanson », in Le Journal pour tous, 1er juillet 1896, p. 3 (je
souligne).
37 J. Claretie, La Vie à Paris. 1885, sixième année, 2e éd., Paris, 1886, p. 523. Paulus, le
« chanteur agité », imitait sur scène les gesticulations des pantins : voir R. B. Gordon,
« Le caf’conc’ et l’hystérie », in Romantisme, no 64, 1989 (p. 53-67), p. 55. Sur les rap-
ports entre les marionnettes, l’hystérie et la danse dans l’art du tournant du siècle,
voir N. J. Timpano, Constructing the Viennese Modern Body : Art, Hysteria, and the Puppet,
Londres, Routledge, 2017. Sur les rapports entre la neurologie, le café-concert et les
corps-marionnettes, voir R. B. Gordon, « The Cabaret and the Body out of Control », in
Why the French Love Jerry Lewis, op. cit., p. 60-112, trad. française citée, p. 81-136. Voir
également R. B. Gordon, Dances with Darwin, op. cit., p. 34. Notons que ces relations
étroites entre maladie nerveuse et c ulture populaire, caractéristiques de la Belle Époque,
refont parfois surface dans la seconde moitié du xxe siècle : Rae Beth Gordon évoque
l’exemple de Jerry Lewis (voir Why the French Love Jerry Lewis, op. cit., p. 203-216), mais on
pourrait penser également à Kurt Cobain intitulant « Tourette’s » une chanson de 1993
du groupe Nirvana inspirée de l’affection neurologique mise au jour par Georges Gilles
de la Tourette en 1885 (et c onnue dans les pays anglo-saxons sous le nom de Tourette’s
syndrome ou Tourette’s tout court), ou encore à Ian Curtis, le chanteur du groupe post-punk
Joy Division, qui puisait dans sa propre expérience de patient épileptique (en particulier
les crises toniques-cloniques dont il souffrait) les mouvements des danses convulsives
qu’il performait sur scène en 1979-1980 (voir G. Marcus, The History of Rock’n’Roll in
Ten Songs, New Heaven, Yale U. P., p. 44).
38 Le Concert Européen était situé 5, rue Biot, près de la place Blanche (à l’emplacement
de l’actuelle salle de c oncert « L’Européen »). Sur ce dessin, voir G. Tinterow, « The
Café-Concert, 1886-1888 », in R. L. Herbert et alii, Georges Seurat, 1859-1891, catalogue
d’exposition, New York et Paris, MET et Musée d’Orsay, 1991 (p. 296-304), p. 299.
Dans l’autre dessin qui porte le même titre39, une différence notable
avec le dessin de Providence est l’inclinaison du buste de la danseuse,
plus marquée encore, ce qui accentue la ressemblance avec un pantin que
manipuleraient des fils invisibles. Quelques années plus tôt, Émilie Bécat
– créatrice du genre de la « chanson épileptique40 » et future propriétaire
de l’établissement de la Gaîté Rochechouart – avait été représentée dans
une position similaire par Edgar Degas, dans la gravure Mademoiselle
Bécat au Café des Ambassadeurs41 (1877-1878). Sur cette lithographie, la
chanteuse adopte une pose caractéristique de son « style épileptique »,
le buste incliné, les mains levées et les doigts écartés. Sa tête tombe
vers l ’avant comme celle d ’un pantin affaissé que le manipulateur aurait
abandonné dans un coin de sa loge après la fin d ’un spectacle.
Or le corps hystérique est lui aussi, à l’époque, comparé à celui des
marionnettes. Ainsi le narrateur de L’Éternelle Poupée de Jules Bois (roman
paru en 1894) décrit-il le personnage de Reine Chantil, « petite figure
dévastée d ’hystérie », comme un corps « déchiré » s’agitant au bout de
fils invisibles : « Et les bras aussi, les jambes, sous la robe, prête à un
déchirement d ’os, allaient et venaient, – selon un rhythme, cependant,
un rhythme de rire, – comme tirés par des fils d’au-delà dans la main
de quelque épileptique démon42 ». Le pantin, analogon inanimé du corps
humain, est l’image même de la perte de maîtrise sur le corps propre.
Une patiente de Pierre Janet, parlant de ses états de dissociation, se
39 Seurat, À la Gaîté Rochechouart, crayon Conté et gouache sur papier (30,7 x 23,4 cm),
1887-1888, Cambridge (Massachusetts), Harvard University : The Fogg Art Museum.
40 Sur Émilie Bécat, voir R. B. Gordon, Why the French Love Jerry Lewis, op. cit., p. 72 sqq.,
et Dances with Darwin, p. 34 sqq. ainsi que M. Shapiro, « Degas and the Siamese Twins of
the Café-Concert : The Ambassadeurs and the Alcazar d ’Été », in Gazette des beaux-arts,
avril 1980 (p. 153-164), p. 156-157 et n. 17 p. 163. Sur les enjeux c ulturels de l ’épilepsie
et son importance dans le spectacle populaire à l’époque, voir également S. Baxendale
et F. Marshall, « The Epileptic Singers of Belle-Époque Paris », in Medical Humanities,
vol. XXXVIII-2, déc. 2012, p. 88-90.
41 E. Degas, Mademoiselle Bécat au Café des Ambassadeurs, lithographie (20,4 x 19,4 cm),
1877-1878, Boston, Museum of Fine Arts. Sur Degas, Seurat et la Bécat, voir
les remarques de Gary Tinterow dans J. Sutherland Boggs (éd.), Degas, catalogue
d’exposition (Paris, Ottawa, New York), Paris, Galeries nationales du Grand Palais,
1988, p. 437-438.
42 J. Bois, L’Éternelle Poupée (1894), éd. J. de Palacio, Paris, Séguier, 1995, p. 56-57. Les fils
« d’au-delà » et l ’expression de « démon épileptique » font de ce paragraphe une réécri-
ture décadente du « Au lecteur » des Fleurs du Mal déjà mentionné (« C’est le diable qui
tient les fils qui nous remuent »). Le motif du pantin revient c omme un leitmotiv dans
le roman de Jules Bois : voir p. 112, 163, 184, 246.
posés57 ». Blanche Wittmann fait ici songer aux Pinocchio en bois dont
les enfants font lever les bras ou sautiller les jambes en tirant vers le
bas un fil qui traverse le corps du fantoche par le milieu. La patiente,
dont la tête est inclinée vers la droite à la manière d’un Polichinelle de
burattini inanimé, regarde son poignet droit comme s’il s’agissait d’un
membre étranger, d’un objet. « Elle ressemblait beaucoup à une statue ou
plutôt à ces marionnettes dont se servent les histrions pour amuser les
enfants58 », écrivait déjà Boissier de Sauvages à propos de Magdeleine
Vallette, cataleptique, entrée à l’hôpital en 173759.
64 G. Seurat, Au Divan japonais, crayon Conté et gouache sur papier (31,5 x 23,5 cm),
1887-1888, collection particulière. Sur cette identification, voir M. Weauver Chapin,
« Stars of the Café-Concert » in Toulouse-Lautrec and Montmartre, catalogue d ’exposition
(Washington et Chicago), National Gallery of Art, Washington, Art Institute of Chicago
et Princeton U. P., 2005, p. 138. Seurat exposa Au Divan japonais, entre autres dessins,
au quatrième Salon des Indépendants, en 1888 ; l’œuvre est aujourd’hui à New York
(longtemps considéré comme perdu, ce dessin réalisé en 1887-1888 a été vendu pour 5
millions d’euros à Sotheby’s, à Paris, en 2008).
65 L’atelier de Seurat se trouvait à l’époque passage de l’Élysée-des-Beaux-arts, aujourd’hui
rue André-Antoine.
66 Voir M. Shapiro, « Degas and the Siamese Twins of the Café-Concert », art. cité, p. 153 sqq.
67 H. de Toulouse-Lautrec, Le Divan japonais, lithographie (80,2 x 61,8 cm), 1892-1893,
Chicago, The Art Institute of Chicago.
68 Pour cette raison, l ’historien du cancan David Price suggère que Seurat a, dans Chahut,
contaminé deux types de lieux distincts, « associant de la sorte, au sein d’un seul tableau,
l’atmosphère bouillonnante des cafés-concerts de petite taille » et l ’ampleur du spectacle
des « salles de bal plus grandes » (Cancan !, op. cit., p. 148, je traduis).
69 Sur l’absence d ’articles dans les titres de Seurat (Parade, Chahut, Cirque, etc.), et ses enjeux,
voir les analyses de Jean-Claude Lebensztejn dans Chahut, op. cit. (cf. M. Foa, Seurat, the
Art of Vision, New Haven, Yale U. P., 2015, p. 190 sq.). L ’ouvrage de Lebensztejn est
fondamental et les analyses présentées dans le présent article lui doivent beaucoup.
se contenter des danses « dépravées » que l’on déploie dans les bals de
grisettes des Maréchaux, ou au mieux dans les quadrilles de caf’conc’80.
Beaucoup des danseuses de cancan les plus célèbres de la monarchie de
Juillet (telles Élise Sergent alias la reine Pomaré, ou Céleste Mogador,
surnom d ’Élisabeth-Céleste Vénard) ou du second Empire (telle Blanche
d’Antigny à la Closerie des Lilas81) étaient aussi courtisanes ; au Bal Mabille
ou à Bullier, danser était en même temps un moyen d’attirer de potentiels
clients82. C’est précisément sur cette ambiguïté de la danse que joue le
sujet lyrique rimbaldien lorsqu’il fait asseoir ses « amoureuses » sur ses
genoux telles des filles de cabaret : « Descends ici, que je te fouette / En
mon giron83 ». Le je du poème souligne cruellement le statut dégradé de
cette danse q u’il fait effectuer aux jeunes filles, en rappelant au passage
à ces dernières leur statut de danseuses-prostituées :
Hop donc ! Soyez-moi ballerines
Pour un moment84 !…
par Littré à l’époque – ni par l ’Académie dans la 7e édition de son Dictionnaire, en 1877
(il faut attendre la 8e édition [1933]) –, le Trésor de la langue française (entrée « Étoile »,
atilf.fr, consulté le 10 juin 2019) cite un exemple de 1862, soit neuf ans avant notre
poème, se référant directement au sens de « danseur (euse) promu(e) aux premiers rôles
dans une troupe ou un corps de ballet ».
80 Jean Lorrain parlait de la Goulue comme de l’« étoile du chahut » (Les Âmes d’automne,
Paris, Fasquelle, 1898, p. 146). Georges Montorgueil écrit de son côté qu’à la fin du siècle
« le quadrille naturaliste alla aux nues » au point que « ses partenaires passèrent au rang
d’étoiles » (Paris dansant, op. cit., p. 175).
81 Blanche d’Antigny, l’un des modèles de la Nana de Zola, dansa à la Closerie des Lilas
– qui devint vite c onnue c omme Bal Bullier, du nom de son propriétaire – dès l ’âge de
quatorze ans. Voir notamment D. Price, Cancan !, op. cit., p. 16.
82 C. Paillet (« La féminisation du chahut-cancan sous le Second Empire parisien », art. cité)
le signale : « Rigolboche, au même titre qu’Irma Carabine ou Rose Pompon, est inscrite
sur le registre des prostituées de la préfecture de police » ; il s’agit du registre BB2,
« Femmes galantes 1859 ». À partir des années 1880, qui voient le cancan se profession-
naliser, les danseuses auront de moins en moins souvent recours à la prostitution (voir
à ce sujet D. Price, Cancan !, op. cit., p. 17, 21 et ch. 2, p. 45-71), quoique le mythe de la
danseuse-prostituée perdure bien au delà de cette période. Sur l’importance des femmes
dans la c ulture du spectacle à la fin du siècle et la place de la danse, voir l’étude de
C. Hindson, Female Performance Practice on the Fin-de-Siècle Popular Stages of London and
Paris : Experiment and Advertisement, Manchester, Manchester U. P., 2007.
83 Deux ans plus tard, dans le prologue sans titre d’Une saison en enfer, c ’est la Beauté elle-
même que Rimbaud traitera c omme une prostituée : « Un soir, j’ai assis la Beauté sur
mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée » (éd. A. Guyaux citée, p. 245).
84 Sur la danseuse-courtisane et ses rapports avec la médecine et l’hygiénisme à Paris au
xixe siècle, voir l’étude de Felicia McCarren sur Giselle de Gautier et la pathologisation
’est alors littéralement que tout spectacle carnavalesque est une forme
C
d’hystérie, et inversement l ’hystérie une danse clownesque. Janet parle
d’une patiente dont le cas lui « a semblé curieux106 » : son hystérie se
manifeste par des mouvements sauvages, non réglés. « Barb., âgée de
quatorze ans, semble présenter le type de la chorée de Sydenham, mou-
vements incoordonnés de tous les membres, sans aucun rythme, “qui
rappellent ceux des baladins”107. » Chez les hystériques, c’est toujours
le corps incoordonné qui menace de faire retour : et ce corps est aussi
celui de la danse de carnaval, celle des spectacles forains que donnent
les « baladins » mentionnés par Janet. Symétriquement, lorsque Lucien
Rigaud qualifiait le chahut d’« hystérie de la danse108 », on c omprend à
présent que l’expression doit être prise au pied de la lettre.
Aussi « Mes petites amoureuses » est-il avant tout une hystérisation
des corps. Et passé l’effet de choc et de dégoût – indéniables – ressentis
par le lecteur devant la haine et la violence que déploie le sujet lyrique
contre les jeunes filles, ce qui l’emporte est surtout l’inquiétante étran-
geté induite par la mécanisation hystérique des corps. L’hystérie, c’est
ici la désarticulation (« Vos omoplates se déboîtent, / Ô mes amours ! /
Une étoile à vos reins qui boitent, / Tournez vos tours ! »), et le malaise
du lecteur tient sans doute avant tout à cette atomisation du corps, où
chaque membre gagne une effrayante vie séparée. Il s’agit d’une inversion
carnavalesque de l’esthétique du ballet109, dans lequel les postures au
MÉSAVENTURES DE LA SYNTHÈSE
110 Voir par exemple Claude-François Menestrier, Des Ballets anciens et modernes selon les regles
du theatre, Paris, 1682 (en particulier les commentaires de Platon à propos de l’origine
du ballet dans l’harmonie ; p. 41 : le ballet comme « compos[ition d’]un tout » ; voir
aussi les p. 196 sqq. qui évoquent « le mouvement d’ensemble, comme tout le corps de
l’homme se meut quand il marche… » : p. 199). Voir également Louis de Cahusac, La
Danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse, La Haye, 1754, t. I, p. 166 (au
sujet de la danse théâtrale à l ’époque d ’Auguste) : « Leurs mouvemens, leurs pieds, leurs
mains, leurs bras, n ’étoient que les diverses parties du tableau, aucune de ces parties
ne devoit rester oisive, toutes devoient c oncourir à former cet assemblage heureux d ’où
résultent l ’harmonie & l ’ensemble » ; et p. 168 : « … nous avons […] des pieds excellens,
des jambes brillantes, des bras admirables. Quel dommage, que l ’Art de la Danse nous
manque ».
111 Les Français peints par eux-mêmes, ch. « Le Chicard » cité, p. 371.
112 G. Didi-Huberman, Invention de l’hystérie. Charcot et l’iconographie photographique de la
Salpêtrière, Paris, Macula, 1982, p. 75 (souligné par l ’auteur).
113 Sur le lien entre démembrement et anarchie, voir R. B. Gordon, De Charcot à Charlot.
Mises en scène du corps pathologique, op. cit., p. 86. C. Parfitt résume ainsi ce point : « De
Floury, 1911, p. 82-85. Lire cependant N. Broude, « New Light on Seurat’s “Dot” :
Its Relation to Photo-Mechanical Color Printing in France in the 1880s », in The Art
Bulletin, vol. LVI-4, déc. 1974, p. 581-589 et R. Shiff, « Realism of Low Resolution »,
in Apollo, no 144, nov. 1996, p. 3-8.
116 F. Ferretti, « La nature comme œuvre d’art : Élisée Reclus et les (néo)impressionnistes »,
art. cité, § 53.
117 Voir R. Roslak, « The Politics of Aesthetic Harmony : Neo-Impressionism, Science, and
Anarchism », art. cité et, de la même, Neo-Impressionism and Anarchism in Fin-de-Siècle
France, op. cit., en particulier p. 4-5 : « La version anarchiste de l ’utopie, de même que la
description par Fénéon des visées idéalisantes du tableau néo-impressionniste typique,
étaient le résultat d ’une réorganisation scientifique – analogue au processus chimique
de la synthèse – du monde c ontemporain » (je traduis ; voir aussi p. 28 et tout le premier
chapitre). Jonathan Crary (Suspensions of Perception : Attention, Spectacle, and Modern Culture,
op. cit., p. 178-185) a étudié les rapports entre Seurat et Durkheim du point de vue de
cette question de l ’« organisation ». D. D. Egbert insistait déjà sur ces deux facettes de la
notion d’harmonie à l’époque du néo-impressionnisme : « La technique même employée
par les néo-impressionnistes, avec ses touches de couleurs individuelles fortement
accentuées et formant néanmoins une harmonie générale dans le tableau saisi comme
tout, coïncide avec l’esprit individualiste et pourtant communautaire de l’anarchisme
communaliste » (Social Radicalism and the Arts : Western Europe, a Cultural History from
the French Revolution to 1968, New York et Londres, A. A. Knopf-G. Duckworth and Co,
1970, p. 240 ; je traduis). Sur cette pensée de la synthèse picturale comme harmonie et
contraste à la fois, plus précisément c omme interdépendance (et non pas c ontradiction)
entre ordre et liberté – équivalent esthétique des théories anarchistes –, voir T. J. Clark,
Farewell to an Idea, op. cit., p. 105-107 et 107-108.
118 Voir A. Martinet, Éléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, 1960, rééd.
augmentée 1980, p. 13-15 et 61-144.
119 P. Signac, manuscrit inédit et sans date (vers 1902), cité in R. L. Herbert, « Les artistes et
l’anarchisme d’après les lettres inédites de Pissaro, Signac et autres », art. cité, p. 9. Sur le
problème de l’« harmonie » dans le néo-impressionnisme en général, voir J. G. Hutton,
Neo-Impressionism and the Search for Solid Ground. Art, Science and Anarchism in Fin-de-Siècle
France, op. cit., p. 37 sqq.
120 J’emprunte le rapprochement de ces deux expressions à R. Roslak, « The Politics of
Aesthetic Harmony… », art. cité, p. 384 a. La citation du Journal de Signac vient de
J. Rewald (éd.), « Extraits du journal inédit de Paul Signac, partie I », in Gazette des
beaux-arts, VIe série, no 36, juil.-déc. 1949 (p. 166-174), p. 170.
121 À propos d’un phénomène similaire dans Parade de cirque (1888), Jonathan Crary parle de
« tension entre cohésion et désintégration » (Suspensions of Perception : Attention, Spectacle,
and Modern Culture, op. cit., p. 176, je traduis). Voir aussi R. H. Brain, « Seurat’s Method »,
in The Pulse of Modernism. Physiological Aesthetics in Fin-de-Siècle Europe, Seattle, University
of Washington Press, 2015 (p. 133-149), p. 148, à propos du néo-impressionnisme en
général et du problème – déjà posé par Signac – de la bonne distance où se placer par
rapport au tableau : « Les oscillations entre l ’analogique [la “Gestalt totale de l ’image”]
et le numérique [la “touche […] discrète”] varient constamment avec les changements
de position [du spectateur], donnant l’impression que l’image est inachevée ou encore
en train de se former » (je traduis).
122 Le « divisionnisme » néo-impressionniste repose sur l’utopie d’une couleur-lumière
(« peindre avec la lumière », écrivait déjà Helmholtz, et Georges-Albert Aurier devait
dire de Pissaro q u’il peignait directement avec le soleil), où la synthèse des tons ne se
qui fait sans cesse revenir la contradiction – dans les corps146, sous la
forme du symptôme, cette torsion qu’exemplifient les membres bistour-
nés des quatre danseurs de Seurat. L’hystérie est la contradiction même,
faite chair ; comme le dit la préface du dernier volume de l ’Iconographie
photographique de la Salpêtrière :
’est ainsi que le besoin de manger pourra être exagéré (boulimie) ou tout à
C
fait nul (abstinence), qu’une constipation opiniâtre sera remplacée par de la
diarrhée ; – q u’une polyurie sera suivie d’une ischurie plus ou moins c omplète ;
– que, chez une malade anesthésique, on trouvera des points où la sensibilité
sera considérablement exaltée147 […].
de leur esprit, en une dystopie de fétichisme et d’objectification » (je traduis). Sur cette
brisure qui passe – comme chez les hystériques de Janet – au sein même des corps et
des sujets, dans ce tableau de Seurat, voir déjà ce qu’écrivait Gustave Kahn, « Seurat »,
art. cité, p. 109 b : « la tête de la danseuse, d’une admirable beauté, par le contraste du
sourire officiel, quasi sacerdotal, et de la finesse fatiguée des traits tous menus, fins et
empreints de désir […] » (je souligne).
146 Je rappelle la célèbre phrase des Études sur l ’hystérie : « … l’incident déterminant c ontinue,
des années durant, à agir […] : c ’est de réminiscences surtout que souffre l’hystérique »
(J. Breuer et S. Freud, Études sur l ’hystérie [1895], trad. A. Berman, Paris, P. U. F., 1956,
Communication préliminaire, p. 3).
147 Iconographie photographique de la Salpêtrière, volume III cité, « Du sommeil chez les hysté-
riques », p. 3.
148 G. Didi-Huberman, Invention de l’hystérie, op. cit., p. 75.
149 A. Hewitt, Social Choreography : Ideology as Performance in Dance and Everyday Life, op. cit.,
p. 35. Sur les rapports entre rythmes modernes, dance et pathologie, voir aussi l’étude
de Felicia McCarren sur les ballets de L.‑F. Céline : Dance Pathologies, op. cit., p. 172-222.
150 A. Hewitt, op. cit., p. 35 (sur la question du trébuchement, voir ibid., p. 78-116). Les
analyses proposées par Hewitt permettent de complexifier le problème des rapports entre
chahut et modernité. Le discours c onservateur, en effet, n ’a pas le monopole de cette
critique des corps « chahutants » ; on trouve aussi une condamnation de cette danse chez
les représentants du mouvement esthétique socialiste anglais, par exemple chez John
Ruskin, pour qui le cancan devient la dystopie capitaliste par excellence, une chorégra-
phie sociale néfaste (Social Choreography, op. cit., p. 54-58). Selon Ruskin (Time and Tide
[1867], IX, aux accents adorniens avant la lettre), le cancan certes implique que les corps
s’auto-disciplinent dans une technique brillante, mais cette discipline n’est que le revers
sombre de la rationalisation technologique du mouvement opérée par le taylorisme, et
la virtuosité des danseuses est mise au service de l’immoralité et de la marchandisation
(commodification) des corps. « Ruskin critique le cancan non c omme éruption d ’une force
pré-civilisée et anarchique, mais comme l’annexion de telles forces aux modes les plus
modernes de (re)production » (p. 57 ; je traduis). En somme, « La danse théâtrale, sous
la forme du cancan, marque la commercialisation de la révolte dionysiaque » (p. 58).
151 Sur le trébuchement dans la neurologie de la Salpêtrière, voir en particulier la thèse
de Georges Gilles de la Tourette, soutenue en 1885, Études cliniques et physiologiques sur
la marche (Paris, Progrès médical-Delahaye & Lecrosnier, 1886) ainsi que la seizième
« leçon du mardi » de Charcot, « Un cas d ’abasie trépidante survenue à la suite d ’une
intoxication par la vapeur de charbon », in Leçons du mardi à la Salpêtrière. Polyclinique.
1888-1889, éd. Dr Blin, Charcot et Colin, Paris, Progrès médical-Lecrosnier & Babé,
1888, policlinique du 5 mars 1889, p. 355-377. Voir aussi G. Gilles de la Tourette,
« L’attitude et la marche dans l’hémiplégie hystérique », in Coll., Nouvelle iconographie de
la Salpêtrière, vol. I, op. cit., p. 1-12 et D. Michaïlowski, « Étude clinique sur l’athétose
double », art. cité.
152 Sur l’involontaire neurologique (le tic, la chorée) et la différence entre geste et gesticulation
du point de vue d’une histoire du geste, voir l’important article de Giorgio Agamben,
« Notes sur le geste », trad. D. Loayza, in Trafic, no 1, hiver 1991, repris dans Moyens sans
fins : notes sur le politique, Paris, Payot & Rivages, 2002, p. 59-71. Pour un c ommentaire
d’Agamben du point de vue de l’histoire de la danse, voir K. Gotman, Choreomania,
161 Sur l’absence de profondeur qui marque tous les grands tableaux de Seurat après La
Grande Jatte, voir J. Crary, Suspensions of Perception : Attention, Spectacle, and Modern
Culture, op. cit., p. 189-190 (et plus généralement p. 188-214, sur la mise à mal de la
perspective). Sur la frontalité et l’écrasement de l’espace dans le néo-impressionnisme,
voir les remarques de Rosalind Krauss à propos de la préhistoire de la grid moderniste :
R. E. Krauss, « Grids », in The Originality of the Avant-Garde and Other Modernist Myths,
Cambridge (Massachusetts), MIT Press, 1985 (p. 8-22), p. 15.
162 Cet effet de frise crée un écho avec les décorations, étagées verticalement, qui couvrent le
mur de gauche. On peut remarquer que Parade de cirque, de son côté, évoque l ’esthétique
du bas-relief, impression renforcée par les spectateurs du premier plan, qui ressemblent
aussi aux figurines d ’un théâtre d ’ombres. Dans le dessin Une parade (1886-1888, The Fine
Arts Museum of San Francisco) – qui n’est pas une esquisse préparatoire pour Parade de
cirque mais une œuvre indépendante – la frontalité et l’absence de premier plan donnent
au dessin un aspect hiératique rappelant les frises de l’art égyptien (R. L. Herbert et alii,
Georges Seurat, 1859-1891, catalogue cité, p. 266). Voir le passage de Charles Blanc sur
les frises égyptiennes dans son ouvrage – que Seurat avait lu de près – Grammaire des
arts du dessin : architecture, sculpture, peinture, Paris, Vve Jules Renouard, 1867, rééd. 1931,
p. 440. À propos de Seurat et de la frise, Kahn devait écrire dans sa notice nécrologique :
« Ses dilections pour les œuvres d’art antérieures allaient aux hiératiques, tels que les
Égyptiens et les primitifs. Il était particulièrement séduit par des œuvres plus flexibles,
telles les frises grecques » (« Seurat », art. cité, p. 109 a).
163 Freud, « Considérations générales sur l’attaque hystérique » (1909), G. W., VII, trad.
D. Guerineau in Névrose, psychose et perversion, Paris, P. U. F., rééd. 2010 (p. 161-165),
p. 161.
164 On peut penser à cette malade de Janet qui relit toujours la même page d ’un roman, car
parvenue au bas de la page elle en a oublié le début : voir L’état mental des hystériques, t. I,
Les stigmates mentaux, op. cit., p. 94. Plus largement, sur la question du temps et du passé
dans l’hystérie selon Janet, voir l’article de ce dernier intitulé « L’amnésie hystérique »
(conférence faite à la Salpêtrière le 17 mars 1892), in Archives de neurologie, vol. XXIV,
1892, p. 29-55 (voir à ce propos M. Larroque, « Le temps et la névrose selon Pierre Janet »,
parution en ligne sur le site des éditions L ’Harmattan, https://www.editions-harmattan.
fr/minisites/index.asp?no=2&rubId=33, c onsulté le 30 juin 2019). Sur la temporalité
173 Voir le c ommentaire de Bruno Claisse, « “Parade” ou l’œuvre monstre », art. cité, p. 95.
174 Sur le danger de destruction du monde dans « Parade », voir A. Raybaud, Fabrique
d’Illuminations, op. cit. et B. Claisse, art. cité. Voir également M. Murat, L’art de Rimbaud,
Paris, José Corti, rééd. augmentée 2013, p. 221 : « Les acteurs sont d’abord des “drôles”,
une cohorte de Vautrins lâchés sur “vos mondes” : police dévoyée, dont l’ambivalence
sexuelle agressive est formulée par un recours à l’argot obscène (“prendre du dos”) ».
175 Dans ce passage, il est difficile de ne pas entendre – jusque dans la syntaxe et le rythme
de la phrase – un souvenir de la vision du saint Antoine de Flaubert : « les poitrines se
bombent, les griffes s’allongent, les dents grincent, les chairs clapotent » (La Tentation
de saint Antoine, ch. vii, éd. C. Gothot-Mersch, Paris, Gallimard, 1983, p. 234). Cet
hypotexte me semble plus vraisemblable, pour cette phrase de « Parade », que la source
proposée par J. Bienvenu (un passage de Constantinople de Gautier : « ils roulèrent bientôt
à terre, ruisselants de sang ») dans son article « Parade ou la caricature de l ’hermétisme »,
art. cité, p. 183.
176 A. Artaud, « Le théâtre et la science », publié dans L’Arbalète, no 13, été 1948 ; in Œuvres,
éd. É. Grossman, Paris, Gallimard, 2004 (p. 1544-1548), p. 1544 (c’est la première phrase
du texte). La citation suivante est à la même page.
Pourquoi ?
Parce-que le théâtre n’est pas cette parade scénique où l’on développe vir-
tuellement et symboliquement un mythe
mais ce creuset de feu et de viande vraie où anatomiquement,
par piétinement d’os, de membres et de syllabes,
se refont les corps,
et se présente physiquement et au naturel
l’acte mythique de faire un corps.
On retrouve à nouveau Artaud : « Nous supprimons la scène et la salle qui sont rempla-
cées par une sorte de lieu unique, sans cloisonnement, ni barrière d’aucune sorte, et qui
deviendra le théâtre même de l ’action. Une c ommunication directe sera rétablie entre le
spectateur et le spectacle, entre l’acteur et le spectateur, du fait que le spectateur placé
au milieu de l’action est enveloppé et sillonné par elle. Cet enveloppement provient de
la c onfiguration même de la salle » (« Le théâtre de la cruauté », premier manifeste, in
Le Théâtre et son double, Paris, Gallimard, 1938, p. 103). La tentative de briser la frontière
entre le public et la scène – et, plus largement, entre la vie et l ’art – est le trait principal
des avant-gardes historiques (le second trait définitoire de ces dernières étant le refus de
toute séparation entre les genres et media artistiques – d ’où les pratiques de montage, de
mélange, de collage) ; à ce propos, voir les ouvrages classiques de R. Poggioli (The Theory
of the Avant-Garde [Bologne, 1962], trad. G. Fitzgerald, Cambridge [Massachusetts],
Harvard U. P., 1968) et de P. Bürger (Théorie de l’avant-garde [Francfort, 1974], trad.
J.‑P. Cometti, Paris, Questions théoriques, 2013). Voir également M. Perloff, The Futurist
Moment. Avant-Garde, Avant Guerre, and the Language of Rupture, Chicago, University
of Chicago Press, 1986. Marinetti, rétrospectivement, résumait les serate futuristes par
la formule : « l’introduction brutale de la vie dans l’art » (entretien « In tema del futu-
rismo », La Diana, Naples, janv. 1915, cité par G. Berghaus dans « Futurist Performance,
1910-1916 », in E. Adamowicz et S. Storch, Back to the Futurists. The Avant-Garde and Its
Legacy, Manchester, Manchester U. P., 2013 [p. 176-194], p. 184).
185 Du « Manifeste des dramaturges futuristes » (1911) au « Manifeste du théâtre synthétique »
(1915). Sur la théorie et la pratique futuristes des arts vivants (danse, « théâtre », perfor-
mance, cinéma, etc.), les quatre ouvrages les plus importants sont : M. Verdone, Teatro
del tempo futurista, Rome, Lerici, 1969 ; M. Kirby et V. Nes-Kirby, Futurist Performance,
New York, Dutton, 1971, rééd. New York, PAJ, 1986 ; G. Lista, La scène futuriste, op. cit. ;
et surtout l’étude monumentale (et de loin la plus c omplète) de G. Berghaus, Italian
Futurist Theatre, 1909-1944, Oxford, Oxford U. P., 1998.
186 Voir G. Lista (éd.), Marinetti et le futurisme. Études, documents, iconographie, op. cit. Comme
l’indique le catalogue de l’exposition de Yale F. T. Marinetti and Futurism, ce manifeste fut
publié dans Lacerba le 1er octobre 1913 (vol. XIX, no 1) sous le titre « Il teatro di varietà »
(il avait d’abord été distribué sous forme de prospectus à Milan, en français et en italien,
le 29 septembre précédent), puis dans The Mask de Edward Gordon Craig à Florence
(no 6, 1913 ; voir « Teatro di Varietà », in F. T. Marinetti : Teoria e invenzione futurista, éd.
L. De Maria, Milan, Mondadori, 1968, p. 80-91), et enfin à Londres le 21 novembre de
la même année, avec un titre modifié, « The Meaning of the Music Hall » (M. G. Wynne
et L. Marinetti Barbi, « F.T. Marinetti and Futurism », in The Yale University Library
Gazette, vol. LVII, no 3-4, avril 1983 [p. 104-137], p. 121). Il fut ensuite traduit en russe et
parut dans Teatr I Iskusstvo (no 5, 1914). Voir G. Berghaus, Italian Futurist Theatre, op. cit.,
p. 161. Dans sa correspondance, Marinetti cite en général ce manifeste en l’intitulant de
manière abrégée « Le Music-Hall » ; je ferai ici de même.
187 Sur l’énergétisme dans « Parade », voir le commentaire d ’A. Raybaud, Fabrique
d’Illuminations, op. cit., p. 152. À propos de l’influence de Charles Henry sur Marinetti,
voir G. Lista, « Esthétique du music-hall et mythologie urbaine chez Marinetti », in
Théâtre années 20, numéro « Du cirque au théâtre », 1983, p. 48-64. Sur la question de
l’énergie dans le futurisme en général, voir É. Benoit, « Pulsions et dépenses (futurisme,
surréalisme, Bataille) » in Modernités, no 42 (« Écritures de l’énergie »), 2017, p. 203-216.
188 Je cite à chaque fois entre parenthèses dans le corps du texte le numéro de l ’alinéa dans
la publication originale (le manifeste de Marinetti est en effet constitué d ’une liste de
paragraphes, numérotés par l ’auteur).
189 Dans le manifeste, cette phrase (après le § 19) est soulignée d ’un trait. Sur les rapports
entre le théâtre de variété fin-de-siècle en France et le manifeste « The Music-Hall » de
Marinetti (primitivisme, énergétisme, promotion de la maladie nerveuse et du choc),
voir R. B. Gordon, Dances with Darwin, op. cit., p. 266 ; sur le rapport entre le music-hall,
les avant-gardes du xxe siècle et l’inconscient corporel, voir ibid., p. 56. Sur le futurisme
marinettien et la pathologie nerveuse, voir L. Rainey, « Shock Effects : Marinetti, Pathology,
and Italian Avant-Garde Poetics », in M. Micale (éd.), The Mind of Modernism : Medicine,
Psychology, and the Cultural Arts in Europe and America. 1880-1940, Stanford, Stanford
U. P., 2004, p. 197-213. Sur le contexte épistémologique et esthétique de cette psycho-
physiologie des arts, voir R. M. Brain, The Pulse of Modernism : Physiological Aesthetics in
Fin-de-Siècle Europe, op. cit., passim.
190 Sur Marinetti, les foules et l’hystérie, lire F. T. Marinetti, « Les émeutes milanaises de
mai 1898. Paysages et silhouettes », in La Revue blanche, vol. XXII, no 173, août 1900,
p. 561-570. Voir A. Colombo, « Marinetti e il ’98 », in Il Politico, vol. LXIII-1, no 184,
Pavie, janv.-mars 1998, p. 5-26. Sur les implications esthétiques de l’article de Marinetti
sur les émeutes de Milan, voir C. Salaris, « Le futurisme et l’esthétique de la foule »,
trad. O. Bosc in Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, no 28, 2010, p. 59-82 et surtout
C. Poggi, « Folla/Follia : Futurism and the Crowd », in Critical Inquiry, vol. XXVIII-3,
printemps 2002, p. 709-748, article qui souligne l’influence de Le Bon et de Tarde sur
le futurisme.
191 Rae Beth Gordon rappelle que la stupor – qui est également l’état conclusif des crises
d’épilepsie – est une catégorie mobilisée dans la description des réactions du public
au c af’conc’ : par exemple à propos de la chanteuse Polaire, dont on supposait q u’elle
induisait sur l ’assistance une quasi-crise d ’hystérie – « La salle, figée de stupeur, oublie
d’applaudir », note Jean Lorrain (La Ville empoisonnée. Pall-Mall Paris [1936], cité par
R. B. Gordon, De Charcot à Charlot. Mises en scène du corps pathologique, op. cit., p. 120).
192 B. Hart, « The Hysterical Laughter », recension de l’article de J. Ingegnieros, « Le rire
hystérique » ( Journal de psychologie normale et pathologique, nov. 1906), in The British Journal
of Psychiatry, vol. LIII, no 221, avril 1907 (p. 411-412), p. 412 (je traduis).
193 Voir R. B. Gordon, De Charcot à Charlot, op. cit., ch. 2 (en particulier p. 70-80), et Dances
with Darwin, op. cit., p. 266 sqq. Voir aussi les pages de Jonathan Crary sur Seurat et
Gabriel Tarde dans Suspensions of Perception : Attention, Spectacle, and Modern Culture, op. cit.,
p. 240 sqq.
194 Cité in M. Causey, Theatre and Performance in Digital Culture : From Simulation to Embeddedness,
Londres, Routledge, 2006, ch. i, 4 (p. 68-90), p. 87 ; je traduis (R. L.‑G.). Sur l ’utilisation
des gaz hilarants dans un c ontexte performatif (en particulier dans les cirques ambulants),
voir E. Hickey Grayson, « Social Order and Psychological Disorder : Laughing Gas
Demonstrations, 1800-50 », in R. Garland Thomson (éd.), Freakery : Cultural Spectacles
of the Extraordinary Body, New York, New York U. P., 1996, p. 108-120.
195 Voir à ce propos R. Goldberg, Performance. Live Art, 1909 to the Present, New York, Harry
N. Abrams, 1979, ch. 1, « Futurist Performance : The Untamables » (p. 9-21).
196 Sur la participation du public au spectacle comme fait propre au music-hall, mobilisé
par Marinetti c ontre le théâtre bourgeois traditionnel, voir G. Berghaus, Italian Futurist
Theatre, op. cit., p. 170-171.
197 Voir R. B. Gordon, Dances with Darwin, op. cit., p. 33. Sur les échanges performatifs et
phatiques entre artistes et public dans le music-hall britannique, P. Bailey, « Conspiracies
of Meaning : Music-Hall and the Knowingness of Popular Culture », in Past & Present,
no 144, août 1994, p. 138-170.
198 Sur la question des bruits et le rapport au public dans la musique et la performance
futuristes, voir G. Berghaus, « Noise : A Category in Futurist Theatre and Music », in
Zbornik radova Akademije umetnosti, no 6, Université Novi Sad, 2018, p. 15-35.
199 Voir en particulier Luci (« Lumières ») de Francesco Cangiullo (deux versions différentes :
1919 et 1922), où le rideau se lève sur une scène vide, toute la salle étant plongée
dans la plus complète obscurité ; la performance est réalisée par le public lui-même,
dont on attend qu’il crie, de plus en plus fort : « Lumières ! ! ! » (voir les deux proto-
coles de performance cités par M. Kirby et V. Nes-Kirby, Futurist performance, op. cit.,
p. 254-255).
200 Un autre exemple de participation du public est la performance qui fut donnée à la galerie
Sprovieri de Naples le 14 mai 1914 : il s’agissait d ’une nouvelle mise en scène de Piedigrotta
(poème de Cangiullo inspiré de la fête carnavalesque napolitaine et du théâtre de variétés,
dont la première avait eu lieu à Rome le 29 mars 1914) dans laquelle « la déclamation
dynamique et simultanée du poème motlibriste fut exécutée avec l’accompagnement
de pétards et de feux d’artifice distribués au public » (G. Lista, La scène futuriste, op. cit.,
p. 135).
201 Sur ce texte, voir G. Lista, La scène futuriste, op. cit., p. 173.
202 Cité in G. Lista, Marinetti et le futurisme, op. cit., p. 279-280, je souligne (R. L.‑G.).
203 À l’époque où Rimbaud écrivait, un tel transfert énergétique, proche du fluidisme uni-
versel des magnétiseurs, était identifié par certains c omme la base même du spectacle
de café-concert : ainsi le publiciste catholique Louis Veuillot écrivait-il dans Les Odeurs
de Paris (Paris, Palmé, 1867, p. 150) que « La physionomie générale de l’auditoire est
une sorte de torpeur troublée. Ces gens-là ne vivent plus que de secousses » (cité in
M. Angenot et D. Geoffrion, Café-concert. Archéologie d ’une industrie c ulturelle, op. cit., p. 4).
Sur les rapports entre danse, visibilité, énergie et hystérie à l’époque, voir la dense étude
de Felicia McCarren sur Loïe Fuller et Charcot : F. McCarren, « The “Symptomatic Act”
circa 1900 : Hysteria, Hypnosis, Electricity, Dance », in Critical Inquiry, vol. XXI-4,
été 1995, p. 748-774 (repris sous une forme très augmentée in Dance Pathologies, op. cit.,
p. 113-171).
204 Sur la contagion de la danse obscène (« poses et les tendresses bestiales », etc.), voir,
outre la tradition du c af’conc’, le cinéma des premiers temps, en particulier Alice Guy,
Le piano irrésistible (Gaumont, 1907) et Louis Feuillade, La Bouss-Bouss Mee (Gaumont,
1909, sur une manie dionysiaque provoquée par un spectacle de café-concert). Sur cette
question, je renvoie à R. B. Gordon, « Hysterical Gesture and Movement in Early Film
Comedy », in Why the French Love Jerry Lewis, op. cit., p. 167-202 ainsi q u’à S. Frézzato,
« Le dévoiement du dionysisme dans le cinéma des premiers temps », in S. Buratti-Hasan
et S. Vitacca (éd.), Bacchanales modernes !, op. cit., p. 321-327.
205 Sur Braid et Charcot, lire par exemple G. Gilles de la Tourette, L ’hypnotisme et les états
analogues au point de vue médico-légal, Paris, Plon, 1887, p. 40-79. Sur la place de Braid
dans l’histoire du magnétisme, voir H. F. Ellenberger, The Discovery of the Unconscious.
The History and Evolution of Dynamic Psychiatry, New York, Basic Books, 1970, p. 112-113
et 175 ; et J. Carroy, Hypnose, suggestion et psychologie : l’invention de sujets, Paris, P. U. F.,
1991, p. 56-64 et 157 sqq.
206 Voir A. Harrington, « Metals and Magnets in Medicine : Hysteria, Hypnosis and Medical
Culture in Fin-de-Siècle Paris », in Psychological Medicine, no 28, 1988, p. 21-38.
207 Le texte central à ce propos – quoique l’assimilation de l’hypnose à l’hystérie y reste
implicite – est la c ommunication de Charcot à l’Académie des sciences intitulée « Sur
les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les hystériques », in Comptes
rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, t. XCIV, Paris, janv.-juin 1882
(séance du 13 février 1882), p. 403-405. Cf. G. Gilles de la Tourette et P. Richer : « un
individu hypnotisable est souvent un hystérique, soit actuel, soit en puissance, et toujours
un névropathe, c ’est-à-dire un sujet à antécédents nerveux héréditaires susceptibles d ’être
développés fréquemment dans le sens de l ’hystérie par les manœuvres de l ’hypnotisation »
(« Hypnotisme », in Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, Paris, Hasselin et
Houzeau, 1887 [p. 67-132], p. 75 ; voir aussi A. Binet et C. Féré, Le magnétisme animal,
op. cit., p. 55, 60, et avec plus de nuances p. 252 ; et J. Babinski, Hypnotisme et hystérie :
du rôle de l ’hypnotisme en thérapeutique, Paris, Masson, 1891, p. 14-17 et passim). Dès 1865,
Lasègue faisait déjà l ’hypothèse que la catalepsie hypnotique « ne survient que chez les
femmes en pleine évolution hystérique » (cité in D. Barrucand, Histoire de l’hypnose en
France, Paris, P. U. F., 1967, p. 53). C’est là la principale pomme de discorde entre la
Salpêtrière et l’école de Nancy, Liébault et Bernheim soutenant au contraire que tout
individu est hypnotisable et que l’hypnose, résultat de la suggestion, n ’est nullement
pathologique en soi.
c onvulsives chez des sujets prédisposés. Rappelons que les femmes étaient en
majorité, que la première crise qui se déclarait produisait une contagion, et
nous serons pleinement édifiés sur la nature hystérique de ces manifestations208.
208 A. Binet et C. Féré, Le magnétisme animal, op. cit., p. 8. Sur les rapports entre magné-
tisme, fluidisme, hypnose et hystérie dans la France fin-de-siècle, outre les études déjà
citées de H. E. Ellenberger, D. Barrucand et J. Carroy, voir : A. Harrington, « Hysteria,
Hypnosis, and the Lure of the Invisible : The Rise of Neo-Mesmerism in Fin-de-Siècle
French Psychiatry », in Coll., The Anatomy of Madness, Londres, Routledge, 1985-1988,
t. III, p. 226-246 ; G. Paicheler, « Charcot, l’hystérie et ses effets institutionnels : du
“labyrinthe inextricable” à l’impasse », in Sciences sociales et santé, vol. VI, no 3-4, 1988,
p. 133-144 ; A. Gauld, A History of Hypnotism, Cambridge, Cambridge U. P., 1992, p. 297-
363 ; R. Porter, « The Body and the Mind, the Doctor and the Patient », in S. L. Gilman
et alii, Hysteria Beyond Freud, Berkeley, University of California Press, 1993 (p. 225-
285), p. 258 sqq. ; Adam Crabtree, From Mesmer to Freud : Magnetic Sleep and the Roots of
Psychological Healing, New Haven, Yale U. P., 1994, p. 266 sqq. et 307 sqq. ; P. H. Castel,
La querelle de l’hystérie. La formation du discours psychopathologique en France, 1881-1913,
Paris, P. U. F., 1998 ; et J. Munro, Silent Partners : Artist and Mannequin from Function to
Fetish, catalogue d ’exposition cité, p. 113 sqq.
209 Plus généralement, les similitudes entre spectacle forain et magnétisme ont été notées
en particulier par deux historiennes du cinéma, A.‑M. Quévrain et M.‑G. Charconnet-
Méliès, dans leur article « Méliès et Freud : un avenir pour les marchands d’illusions » (in
Méliès et la naissance du spectacle cinématographique, Paris, Klincksieck, 1984, p. 221-239) :
les auteures de cet article soulignent ainsi « l’étroite parenté qui lie les séances d ’hypnose
et les tours des illusionnistes » (p. 227).
210 Dictionnaire Littré, en ligne (www.littre.org), entrée « Magnétisme », page consultée le
17 juin 2019.
211 Voir à ce propos N. Edelman, Histoire de la voyance et du paranormal. Du xviiie siècle à nos
jours, Paris, Seuil, 2006. Dans La fille Élisa d’Edmond de Goncourt (1877), le person-
nage d’Alexandrine Phénomène est une hystérique magnétique – on parlait au xixe siècle
de « somnambulisme spontané » ; voir C. Richet, « Du somnambulisme provoqué », in
Journal de l’anatomie et de la physiologie normales et pathologiques de l’homme et des animaux,
vol. XI, 1875, p. 348-377 (et l’article, différent mais portant le même titre, paru dans
la Revue philosophique de la France et de l’étranger, vol. X, juil.-déc. 1880, p. 337-374).
212 A. Artaud, « Le théâtre et la cruauté », in Le Théâtre et son double, op. cit., p. 91.
213 « Un athlétisme affectif », in Le Théâtre et son double, op. cit., p. 141.
214 Ibid., p. 147. Voir aussi « En finir avec les chefs-d’œuvre », p. 87 : « Si la musique agit sur
les serpents ce n’est pas par les notions spirituelles qu’elle leur apporte, mais parce que
les serpents sont longs, qu’ils s ’enroulent longuement sur la terre, que leur corps touche
à la terre par sa presque totalité ; et les vibrations musicales qui se c ommuniquent à la
terre l’atteignent comme un massage très subtil et très long ; eh bien je propose d’en
agir avec les spectateurs comme avec des serpents qu’on charme et de les faire revenir
par l ’organisme jusqu’aux plus subtiles notions ».
215 « Le théâtre et la cruauté », loc. cit., p. 91.
216 « En finir avec les chefs-d’œuvre », in ibid., p. 88-89.
dont le Cinéma ensuite a tiré parti » (ibid., p. 45). Voir aussi p. 92 : « Pratiquement,
nous voulons ressusciter une idée du spectacle total, où le théâtre saura reprendre au
cinéma, au music-hall, au cirque, et à la vie même, ce qui de tout temps lui a appartenu.
Cette séparation entre le théâtre d ’analyse et le monde plastique nous apparaissant
comme une stupidité ».
220 Sur le carnavalesque dans « Parade », voir A. Raybaud, Fabrique d’Illuminations, op. cit. et
P. Piret, « Lire l ’ambivalence : Parade, Paradis, Parodie », art. cité. Rappelons la descrip-
tion du corps grotesque que cite Bakhtine ; elle correspond exactement à la « parade »
des saltimbanques de notre poème : « un bègue qui s’adresse à Arlequin est incapable de
prononcer un mot compliqué : il fait des efforts terribles, s’étouffe, se couvre de sueur, ouvre grand
la bouche, tremble, s’asphyxie, sa face s’enfle, ses yeux lui sortent des orbites » (F. Schneegans,
Geschichte der grotesken Satire, Strasbourg, 1894, cité in M. Bakhtine, L ’œuvre de François
Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance [première publ. 1965],
trad. A. Robel, Paris, Gallimard, 1970, p. 303, je souligne [R. L.‑G.]).
221 Dans le premier paragraphe du poème, le manuscrit donne la leçon « hébêtés » (sic) pour
hébétés.
222 Sur cet aspect de la danse futuriste, voir P. Veroli, « Futurism and Dance », in V. Greene
(éd.), Italian Futurism, 1909-1944 : Reconstructing the Universe, catalogue d ’exposition, New
York, Solomon R. Guggenheim Museum, 2014, p. 227-230 ; A. Duffey, Confronting the
Boundaries of Art and Recovering the Futurist Legacy : The Futurist Avant-Garde and Avant-
Garde Dance of the 1960s, MPhil dissertation, New York, Barnard College, 2010. Voir
également l’article de Yokota Sayaka, « La danza nel futurismo : la sensibilità corporea
di Filippo Tommaso Marinetti », in Danza e Ricerca. Laboratorio di studi, scritture, visioni,
vol. VII-6, 2015, non paginé.
223 Le substantif luxŭs, ūs, viendrait (si l’on en croit Arnout et Meillet, Dictionnaire étymolo-
gique de la langue latine, Paris, Klincksieck, 1931, rééd. 2001, p. 374 b) de l’adjectif luxus,
signifiant « mis de travers » (voir fr. « luxation »). Autrement dit, le luxe est à la fois un
excès et un dé‑règlement, une mise de biais : voir les roués xviiie siècle des Fêtes galantes
de Verlaine : « L’abbé divague. – Et toi, marquis, / Tu mets de travers ta perruque » (« Sur
l’herbe ») ; « L’abbé c onfesse bas Églé, / Et ce vicomte déréglé / Des champs donne à son
cœur la clé » (« En bateau »).
224 F. Gaffiot, Dictionnaire latin-français, Paris, 1934, rééd. 2016, entrée « Luxus », p. 814 c :
« débauche ».
225 Les « tendresses bestiales » de Rimbaud et les « ravalements » de la luxure de Marinetti
nous font retrouver la chahut en tant que pantomime dégradée, et dégradante, de
l’érotisme : c’est bien souvent ainsi que cette danse était décrite au xixe siècle, en par-
ticulier pendant la monarchie de Juillet. Ainsi, une description de la chahut dansée au
Grand Saint-Martin en 1833 en fait une « danse passionnée qui met tout en scène, tout !
depuis la timidité du premier aveu, jusqu’aux joies délirantes de la possession, jusqu’au
dégoût de l’assouvissement » (cité in A. Faure, Paris carême-prenant. Le carnaval à Paris
au xixe siècle, op. cit., p. 79). Cf. à ce propos Les Français peints par eux-mêmes, ch. « Le
Chicard » cité, p. 371 : « […] tout est réuni dans cette c omédie licencieuse q u’on nomme
la chahut. Ici les figures sont remplacées par des scènes ; on ne danse pas, on agit ; le
drame de l’amour est représenté dans toutes ses péripéties ; tout ce qui peut c ontribuer
à en faire deviner le dénoûment est mis en œuvre […] ». Cela rattache une fois de plus
la chahut à l’hystérie : pour Freud, le symptôme hystérique est toujours en quelque
façon la pantomime d’un acte sexuel – voir les « Considérations générales sur l’attaque
hystérique » : « La crise hystérique et l’hystérie en général réinstallent chez la femme un
fragment d ’activité sexuelle qui avait existé dans les années d ’enfance » (trad. Guerineau
citée, p. 165). Dans ses Croquis parisiens, Huysmans associe les danses de cabarets à une
jouissance sexuelle hystérique : les danseuses des Folies-Bergère, par exemple, sont des
« corps crispés et attendant, aboutissant enfin par le tracas triomphal des cymbales et
des cuivres, au cri de douleur et de joie de la chose venue » (Croquis parisiens, VII, in Croquis
parisiens, À vau-l’eau, Un dilemme, Paris, Plon, 6e édition, 1908, p. 25, je souligne). La
chahut est, littéralement, une hystérie codifiée.
226 Les « faciès déformés » font en effet songer aux faradisations de Duchenne de Boulogne
ainsi qu’aux altérations nerveuses et autres paralysies faciales des visages dans les
photographies que reproduit l’Iconographie photographique de la Salpêtrière. Le jeu des
comédiens rimbaldiens a bien lieu, précise le poème, au « plus violent Paradis de la
grimace enragée ».
227 Sur le contexte d ’une telle revendication à l’époque du manifeste de Marinetti et dans
la période immédiatement antérieure, et sur les rapports entre hystérie et arts visuels au
tournant du siècle, voir les travaux de Céline Eidenbenz, en particulier sa thèse Expressions
du déséquilibre : l’hystérie, l’artiste et le médecin (1870-1914), Genève, Université de Genève,
2011 et les deux articles de la même chercheuse « L’âme renversée. L ’arc hystérique et
ses corps à rebours autour de 1900 » et « Les mots de l’hystérie : de la Salpêtrière au
serpentinisme », in Pulsion(s). Art et déraison, catalogue d’exposition, Namur et Waterloo,
Musée Félicien Rops et Éd. Renaissance du Livre, 2012, p. 51-89 et p. 91-169. Voir éga-
lement : D. Silverman, « Sigmund Freud – Jean-Martin Charcot », in J. Clair (éd.), Vienne
1880-1938. L’apocalypse joyeuse, catalogue d’exposition, Paris, Centre Pompidou, 1986,
p. 576-585 (sur le c ontexte de ces interactions entre art et pathologie, voir D. Silverman,
Art Nouveau in Fin-de-siècle France : Politics, Psychology, and Style, Berkeley, University of
California Press, 1989) ; S. Schade, « Charcot and the Spectacle of the Hysterical Body.
The “Pathos Formula” as an Aesthetic Staging of Psychiatric Discourse – A Blind
Spot in the Reception of Warburg », in Art History, vol. XVIII, no 4, déc. 1995, p. 499-
517 ; R. Rapetti, Le symbolisme, Paris, Flammarion, 2005, p. 256-264 ; G. Blackshaw
et L. Topp, Madness and Modernity : Mental Illness and the Visual Arts in Vienna 1900,
catalogue d’exposition (Londres, Wellcome Collection), Burlington, Lund Humphries,
2009 ; N. J. Timpano, Constructing the Viennese Modern Body : Art, Hysteria, and the Puppet,
op. cit. ; et C. Barde, « Courbes névrosées, lignes asthmatiques : usages de la métaphore
médicale dans la réception de l’art nouveau », in S. Leroy (éd.), Medicine and Maladies :
Representing Affliction in Nineteenth-Century France, Leiden et Boston, Brill/Rodopi, 2018,
p. 251-270.
228 P. Janet, L’état mental des hystériques, t. II, Les accidents mentaux, op. cit., p. 158.
Renaud Lejosne-Guigon
que l’on prendrait. Il y a des gens qui goûtent là un plaisir d’ironie facile, et aussi un plaisir
d’encanaillement. Mais il convient de se défier, car, à la longue, on sentirait naître en soi un
imbécile qui s’amuserait de la même façon que les autres » (« Les cafés-concerts », article
daté du 23 novembre 1885, in Impressions de théâtre, 2e série, 1888, p. 291, je souligne).
235 G. Coquiot, Seurat, Paris, Albin Michel, 1924, ch. « Au café-concert », p. 108. Dans un
autre livre, le même Gustave Coquiot écrit à propos des affiches publicitaires des cabarets
et des cafés-concerts qu’elles « exagèr[ent] une physionomie niaise […], apothéosant le
geste d’un crétin, la grâce maniérée d’une fille, faisant du rire avec des déformations
physiques, célébrant la cachexie cérébrale d ’un cabot de marque » (Les cafés-concerts, Paris,
Librairie de l’Art, s. d., p. 17).