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Chapitre 2

Espaces vectoriels

2.1 Généralités
Dans ce qui suit, nous noterons par K un corps commutatif, souvent le corps R des
nombres réels ou C celui des nombres complexes.

Définition 2.1. On appelle espace vectoriel sur K tout ensemble non vide E, muni
d’une loi de composition interne additive + : E × E → E et d’une loi de composition
externe . : K × E → E telles que :
1. (E, +) est un groupe commutatif dont l’élément neutre est noté 0E ou seulement 0.
2. ∀α, β ∈ K, ∀x, y ∈ E, on a :
i. α.(β.x) = (αβ).x
ii. (α + β).x = α.x + β.x
iii. α.(x + y) = α.x + β.y
iv. 1.x = x
Les éléments de E sont dits des vecteurs et ceux de K des scalaires.

Remarque 2.2. 1. Un espace vectoriel sur R est dit un espace vectoriel réel et un
espace vectoriel sur C est dit un espace vectoriel complexe.
2. Dans un espace vectoriel E, on a :
i. 0.x = 0, ∀x ∈ E. En effet x = 1.x = (1 + 0).x = 1.x + 0.x = x + 0.x. Donc 0.x = 0.
ii. Le vecteur nul 0 est unique, car s’il y a un autre élément neutre 00 pour l’addition
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de E, on aura 0 = 0 + 00 = 00 .
iii. α.0 = 0, ∀α ∈ K. En effet α.0 = α.(0 + 0) = 2α.0. Donc α.0 = 0.
iv. ∀α ∈ K, ∀x ∈ E, on a : (α.x = 0) ⇐⇒ (x = 0 ou α = 0). En effet si α = 0 ou
x = 0, alors d’après ce qui précède, α.x = 0. Réciproquement supposons que α 6= 0 et
1 α
que α.x = 0. Alors .(α.x) = ( ).x = x = 0. D’où le résultat.
α α
v. ∀x ∈ E, on a : (−1.x = −x). En effet, 0 = 0x = (1−1).x = 1.x+(−1).x = x+(−1).x.
D’où (−1).x = −x.
Exemple 2.3. 1. (Rn , +, .) est un espace vectoriel réel, où pour tout (x1 , . . . , xn ) ∈ Rn
et tout λ ∈ R,

(x1 , . . . , xn ) + (y1 , . . . , yn ) = (x1 + y1 , . . . , xn + yn ) et α.(x1 , . . . , xn ) = (αx1 , . . . , αxn ).

2. L’ensemble RN de toutes les suites à valeurs réelles, muni de l’addition

(xn )n∈N + (yn )n∈N = (xn + yn )n∈N

et de la multiplication externe

α.(xn )n∈N = (αxn )n∈N

est un espace vectoriel sur R.


3. L’ensemble C([0, 1], R) (resp. C([0, 1], C)) des fonctions continues de [0, 1] vers R

(resp. vers C), muni de l’addition des fonctions (f + g)(x) := f (x) + g(x) et de la

multiplication par un scalaire (λf )(x) = λf (x) , est un espace vectoriel sur R (resp.
sur C).
4. L’ensemble Kn [X] des polynômes à coefficients dans K et de degré inférieur ou égal
à n, muni de l’addition des polynômes et de la multiplication par un scalaire, est un
espace vectoriel sur K.
5. L’ensemble K[X] de tous les polynômes à coefficients dans K, muni de l’addition des
polynômes et de la multiplication par un scalaire, est un espace vectoriel sur K.

2.2 Sous-espaces vectoriels


Définition 2.4. On appelle sous-espace vectoriel d’un espace vectoriel (E, +, .) sur
K, tout sous-ensemble non vide F de E qui, muni des mêmes lois + et . de E, est

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lui-même un espace vectoriel sur K.

Remarque 2.5. Lorsqu’il n’y a pas de confusion à craindre, nous omettrons d’écrire les
lois d’un espace vectoriel (E, +, .). Nous écrirons alors E seulement au lieu de (E, +, .).
De plus nous omettrons aussi d’écrire le point (.) dans la multiplication externe α.x.
Nous écrirons seulement αx.

Théorème 2.6. Soient E un espace vectoriel sur K et F 6= ∅ une partie de E. Alors


les assertions suivantes sont équivalentes :
1. F est un sous-espace vectoriel de E.
2. F est stable par l’addition et par le produit par un scalaire.
3. ∀x, y ∈ F, ∀λ ∈ K, x + λy ∈ F .

La démonstration est immédiate.

Exemple 2.7. 1. Si E est un espace vectoriel sur K, alors {0} et E sont des sous-
espaces vectoriels de E. On les appelle les sous-espaces triviaux de E.
2. Si on confond un triplet (x1 , x2 , x3 ) de R3 avec le n-uplet (x1 , x2 , x3 , 0, 0 . . . , 0), alors
on peut voir R3 , muni des lois (x1 , x2 , x3 ) + (x01 , x02 , x03 ) = (x+ x01 , x2 + x02 , x3 + x03 ) et de
λ(x1 , x2 , x3 ) = (λx1 , λx2 , λX3 ), comme sous-espace vectoriel de Rn , n ≥ 4.
3. L’ensemble Rn [X] de tous les polynômes de degré plus petit ou égal à n, muni de
l’addition des polynômes et du produit par un scalaire, est un sous-espace vectoriel de
R[X], l’espace vectoriel de tous les polynômes sur R.

Remarque 2.8. 1. Une intersection quelconque de sous-espaces vectoriels d’un espace


vectoriel E est un sous-espace vectoriel de E.
2. Un sous-espace vectoriel G d’un sous-espace vectoriel F d’un espace vectoriel E est
un sous-espace vectoriel de E.
3. La réunion d’une famille (Fi )i∈I de sous-espaces vectoriels d’un espace vectoriel E
n’est pas nécessairement un sous-espace vectoriel de E. C’est vrai, si la famille est
filtrante croissante, i.e. ∀i, j ∈ I, ∃k ∈ I tel que Fi ∪ Fj ⊂ Fk . En fait dans R2 , la
réunion des deux droites x = 0 et y = 0 n’est pas un sous-espace vectoriel.

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2.3 Espace vectoriels produits


Soient (E1 , +, .) et (E2 , +, .) deux espace vectoriel sur K.

Proposition 2.9 (et Définition). Le produit cartésien E = E1 × E2 , muni des lois de


composition interne définies pour tous x, x0 ∈ E1 , y, y 0 ∈ E2 et λ ∈ K par

(x, y) + (x0 , y 0 ) = (x + x0 , y + y 0 ) et λ(x, y) = (λx, λy),

est un espace vectoriel . Il est appelé l’espace vectoriel produit de E1 et E2 .

Remarque 2.10. Par récurrence, on peut montrer que tout produit d’espaces vec-
toriels, muni des opérations composante par composante, est un espace vectoriel sur
K.

En fait on a :

Proposition 2.11. Soient I un ensemble non vide et, pour tout i ∈ I, (Ei , +, .) un
Y
espace vectoriel sur K. Alors le produit cartésien E := Ei des Ei est un espace
i∈I
vectoriel sur K pour les lois :

(xi )i∈I + (yi )i∈I = (xi + yi )i∈I et λ(xi )i∈I = (λxi )i∈ .

La preuve est immédiate.

Exemple 2.12. 1. R2 n’est rien que l’espace vectoriel produit R×R. Plus généralement
Rn est l’espace vectoriel produit de n copies de R.
2. Si on confond chaque n + m-uplet (x1 , . . . , xn , xn+1 . . . , xn+m ) avec le couple dont les
éléments sont (x1 , . . . , xn ) et (xn+1 , xn+m ), i.e., avec le couple ((x1 , . . . , xn ), (xn+1 , xn+m )),
on peut montrer que Rn+m n’est rien que l’espace vectoriel produit Rn × Rm .

2.4 Dépendance linéaire


Soit E un espace vectoriel sur K. Soit e1 , e2 , . . . , em des vecteurs de E.

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Définition 2.13. On dit qu’un vecteur x ∈ E est une combinaison linéaire des vecteurs
e1 , e2 , . . . , em , s’il existe des scalaires x1 , x2 , . . . xm tels que

x = x1 e1 + x2 e2 + · · · + xm em .

Si tous les xi ci-dessus sont nuls, alors x = 0. Ainsi le vecteur nul est toujours com-
binaison linéaire de toute famille non vide de vecteurs de E. C’est donc la combinaison
linéaire nulle des vecteurs e1 , . . . , em .

Définition 2.14. On dit que les vecteurs e1 , e2 , . . . , em sont linéairement indépendants,


ou que la famille {e1 , e2 , . . . , em } est libre, si la seule combinaison linéaire nulle des
vecteurs e1 , e2 , . . . , em est celle dont tous les coefficients sont nuls. Ceci veut dire que
si x1 e1 + x2 e2 + · · · + xm em = 0, alors tous les xi sont nuls.
Si les vecteurs e1 , e2 , . . . , em ne sont pas linéairement indépendants, on dit qu’ils
sont linéairement dépendants ou que la famille {e1 , e2 , . . . , em } est liée.

Exemple 2.15. 1. Dans un espace vectoriel quelconque toute famille de vecteur conte-
nant le vecteur null 0 est liée. En effet si e1 , e2 , . . . , em sont des vecteurs quelconques de
E. Alors la famille {0, e1 , e2 , . . . , em } est liée, car 1.0+0.x1 +. . . 0.xm = 0 et évidemment
1 6= 0.
2. Une famille à un seul élément non nul est toujours libre.
3. Dans Rn , la famille e1 , e2 , . . . , en est libre, où ei est le n-uplet dont toutes les com-
posantes sont nulles sauf la iième qui est égale à 1. Par exemple dans R2 , les vecteurs
(1, 0) et (0, 1) sont linéairement indépendants. En effet si x1 (1, 0) + x2 (0, 1) = (0, 0),
alors (x1 , x2 ) = (0, 0). D’où x1 = x2 = 0.
4. La famille {(1, 0), (0, 1), (2, 3)} est liée. Car 2.(1, 0) + 3.(0, 1) − 1.(2, 3) = (0, 0).

Théorème 2.16 (et Définition). Soit une famille {e1 , e2 , . . . , em } de vecteurs d’un es-
pace vectoriel E. L’ensemble de toutes les combinaison linéaires des vecteurs e1 , e2 , . . . , em
est un sous-espace vectoriel de E.
On l’appelle le sous-espace vectoriel de E engendré par les vecteurs e1 , e2 , . . . , em , ou
par la famille {e1 , e2 , . . . , em }.
On le note Vect(e1 , e2 , . . . , em ) ou span(e1 , e2 , . . . , em ).

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Remarque 2.17. Si F est une famille infinie de vecteurs de E, on peut également


considérer le sous-espace vectoriel de E engendré par F. C’est l’ensemble de toutes les
kx
X
combinaisons linéaires finies des éléments de F. C’est à dire de la forme x := xj e i j ,
j=1
avec kx ∈ N∗ dépendant de x et eij ∈ F pour tout j = 1, . . . , kx .
Définition 2.18. Une famille {e1 , . . . , ek } de vecteurs de E est dite génératrice dans
E, si l’espace vectoriel engendré par {e1 , . . . , ek } coı̈ncide avec E tout entier. C’est à
dire si E = Vect(e1 , . . . , ek ).
En d’autres termes, {e1 , . . . , ek } est génératrice dans E si
k
X
k
∀x ∈ E, ∃ (x1 , . . . , xk ) ∈ K : x= xi e i .
i=1
2
Exemple 2.19. 1. Dans R la famille {(1, 0), (0, 1)} est génératrice.
2. Dans R3 la famille {(1, 0, 0), (1, 2, 4), (0, 1, 2)} n’est pas génératrice, car le vecteur
(0, 1, 0) n’est pas une combinaison linéaire de cette famille.
3. Dans C la famille constituée du seul élément i est génératrice quand on considère C
comme un espace vectoriel sur C. En effet z = (−iz)i. Ici −iz est le scalaire et z est le
vecteur. Cependant si on considère C comme R-espace vectoriel, cette famille est libre
mais pas génératrice. Par exemple pour le vecteur z = 1 + i, il n’existe aucun scalaire
réel a tel que ai = 1 + i.
4. Dans RN , la famille formée par tous les vecteur en := (0, 0, . . . , 0, 1, 0, . . . , ), où 1 est
à la nième place, est libre mais pas génératrice. Cette même famille est génératrice dans
le sous-espace vectoriel R(N) des suites nulle à partir d’un certain rang.
Définition 2.20. Dans un espace vectoriel E, on dit qu’une famille de vecteurs est
une base si elle est à la fois libre et génératrice.
Exemple 2.21. 1. Dans Rn , la famille des ei := (0, 0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0), i = 1, . . . , n,
où 1 est à la iième place, est une base.
2. Toujours dans Rn , la famille (e1 , e2 − e1 , . . . , en − e1 ) est aussi une base.
Théorème 2.22. Une famille de vecteurs d’un espace vectoriel E est une base si, et
seulement si, tout vecteur de E s’écrit de manière unique comme combinaison linéaire
d’éléments de cette famille.

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Démonstration. Soit B := (v1 , . . . , vm ) une famille de vecteurs de E. Si B est une base,


alors elle est génératrice. Donc tout vecteur de E est combinaison linéaire d’éléments
de B. Supposons qu’un vecteur x ∈ E s’écrit de deux manières x = x1 v1 + . . . xm vm =
x01 v1 + . . . x0m vm . Alors (x1 − x01 )v1 + · · · + (xm − x0m )vm = 0. Comme B est libre, on a
bien xi = x0i pour tout i = 1, . . . , m.
Réciproquement, si tout élément de E s’écrit comme combinaison linéaire d’éléments
de B, alors B est génératrice. De plus soient α1 , α2 , . . . , αm des scalaires tels que α1 v1 +
· · · + αm vm = 0. Comme 0 = 0v1 + · · · + 0vm , le vecteur 0 s’écrit de deux manières. Par
unicité de l’écriture, on tire que αi = 0 pour tout i = 1, . . . , m. D’où B est aussi libre.
Donc c’est une base.

Remarque 2.23. 1. Toute sous-famille d’une famille libre est aussi libre.
2. Toute sur-famille d’une famille liée est aussi liée.

2.5 Espaces vectoriels de dimensions finies


Définition 2.24. Soit F une famille de vecteurs d’un espace vectoriel E. On appelle
1. ordre de F le nombre de ses éléments, i.e., ordre(F) = card(F).
2. rang de F le plus grand nombre de vecteurs linéairement indépendants parmi les ei .
On le note rg(F).

Exemple 2.25. Si E = R2 , le rang de la famille ((1, 0), (2, 1), (0, 1)) est 2. Car
((1, 0), (0, 1)) est libre et la famille en entier est liée.

Remarque 2.26. 1. Une famille est libre si, et seulement si, son rang coı̈ncide avec
son ordre.
2. Le rang d’une famille (nécessairement infinie) peut être +∞.

Théorème 2.27 (de l’échange). Soient E un espace vectoriel, B := (e1 , e2 , . . . , en ) une


famille libre de E et C := (e01 , e02 , . . . , e0n ) une famille génératrice de E. Alors n ≤ m.
De plus on peut remplacer n vecteurs de C par les n vecteurs de B et obtenir une
nouvelle famille génératrice de E.

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Démonstration. Comme C est génératrice, il existe x1,1 , x1,2 , . . . , x1,m ∈ K tels que
m
X
e1 = x1,i e0i . Comme e1 6= 0, il existe au moins un i ∈ {1, . . . , m} tel que x1,i 6= 0.
i=1
Quitte à changer l’ordre des vecteurs, on peut supposer que i = 1. Donc x1,1 6= 0. Ainsi
m
1 X
e01 x1,i e0i .

= e1 −
x1,1 i=2

Donc (e1 , e02 , e03 , . . . , e0m ) est génératrice. Par suite il existe x1 , x2,2 , . . . , x2,m ∈ K tels
X m
que e2 = x1 e1 + x2,i e0i . Puisque (e1 , e2 ) est libre, il existe existe i ∈ {2, 3, . . . , m} tel
i=2
que x2,i 6= 0. Quitte, encore une fois, à changer l’ordre des vecteurs, on peut supposer
m
0 1 X
que x2,2 6= 0. Dans ce cas, on aura e2 = e2 − x1 e1 − x2,i e0i . Il en résulte que
x2,2 i=3
(e1 , e2 , e03 , e04 , . . . , e0m ) est génératrice. Ainsi de proche en proche jusqu’à épuisement des
ei si n ≤ m, ou épuisement des e0j si n > m. Supposons que m < n. Alors la famille
(e1 , e2 , e3 , . . . , em ) est génératrice. Donc en s’écrit comme combinaison linéaire des ei ,
i = 1, . . . , m. Ceci est impossible puisque B est libre. Donc n ≤ m. Par suite la famille
(e1 , . . . , en , en+1 , . . . , en ), une fois les vecteurs de C réarrangés plusieurs fois selon le
besoin, est génératrices.
Définition 2.28. Un espace vectoriel E sur K est dit de dimension finie, s’il admet
une famille génératrice d’ordre fini.
Théorème 2.29 (d’existence de base). Soit E un espace vectoriel de dimension finie
sur K. Alors E admet une base finie.
Démonstration. Soit G := (e1 , e2 , e3 , . . . , ep ) une famille génératrice de E et soit r son
rang. Alors, en réarrangeant les ei , on peut supposer que (e1 , e2 , e3 , . . . , er ) est libre.
Donc pour tout j > r, la famille (e1 , e2 , . . . , er , ej ) est liée. Donc ej est combinaison
linéaire des ei , i = 1, . . . , r. Par suite tout vecteur, étant combinaison linéaire des
ej , j = 1, . . . , p, est aussi combinaison linéaire des ei , i = 1, . . . , r. D’où la famille
(e1 , e2 , . . . , er ) est génératrice. Comme elle est libre, c’est une base.
Proposition 2.30 (et Définition). Soit E un espace vectoriel de dimension finie. Si
B et B 0 sont des bases de E, alors elles ont le même nombre d’éléments. Ce même
nombre s’appelle la dimension de E et est noté dim(E).

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Démonstration. On applique le théorème d’échange.

Exemple 2.31. 1. dim(Rn [X]) = n + 1, une base est données par (1, X, . . . , X n ).
2. dim(Rn ) = n. Une base est donnée par (e1 , . . . , en ), avec ei := (0, . . . 0, 1, 0 . . . , n), 1
à la iième place.

Propriétés.
1. Toutes les bases d’un espace vectoriel E de dimension n ont le même ordre n, i.e.,
le même nombre d’éléments.
2. Si une famille A est génératrice, alors son ordre est au moins n.
3. Si une famille A est libre, alors son ordre est au plus n.
4. Si l’ordre d’une famille A de vecteurs est n et A est libre ou génératrice, alors c’est
une base.
5. Si F est un sous-espace vectorielde E, alors dim(F ) ≤ dim(E). Si de plus dim(F ) =
n, alors E = F .

Théorème 2.32 (de la base incomplète). Soit E un espace vectoriel de dimension


finie n. Si B := (e1 , e2 , . . . , en ) est une base de E et A := (x1 , x2 , . . . , xm ) est une
famille libre, alors il existe n − m éléments (ei1 , . . . , ein−m ) de B tels que la famille
(x1 , x2 , . . . , xm , ei1 , ei2 , . . . , ein−m ) est une base de E. En d’autre termes toute famille
libre A peut être complétée en une base par des éléments de B.

Démonstration. On applique le théorème d’échange.

Remarque 2.33. 1. D’après le théorème précédent, toute famille libre d’un un espace
vectoriel de dimension finie n peut être complétée en une base.
2. Si A := {e1 , . . . , ep } est une famille finie de vecteurs de E, alors rg(A) = dim(Vect(A)).
En effet, puisque A ⊂ Vect(A), on a rg(A) ≤ dim(Vect(A)). Par ailleurs, si {e1 , . . . , er }
est une sous-famille libre maximale de F (i.e. rg(A) = r), alors chaque ej , j = r +
p
X
1, . . . , p, est combinaison linéaire des ei , i = 1, 2, . . . , r. Donc si x := xi ei ∈ Vect(A),
i=1
r
X
alors il existe yi , i = 1, . . . , r, tels que x := yi ei . Ceci donne que {e1 , . . . , er } est
i=1
génératrice dans Vect(A). Par suite dim(Vect(A)) ≤ r = rg(A). D’où l’égalité.

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2.6 Somme de sous-espaces vectoriels


Soit E un espace vectoriel et F et G deux sous-espaces vectorielsde E.

Proposition 2.34 (et Définition). L’ensemble

F + G := {z ∈ E, ∃x ∈ F, ∃y ∈ G : z = x + y}
= {x + y, x ∈ F, y ∈ G}

est un sous-espace vectorielde E, appelé l’espace vectoriel somme de F et de G.


Plus généralement, si F1 , F2 , . . . , Fp sont des sous-espaces vectorielsde E, alors l’en-
p
X
semble Fi := {x1 + x2 + · · · + xp , xi ∈ Fi , i = 1, . . . , p} est un sous-espace vectorielde
i=1
E, dit l’espace somme des Ei , i = 1, . . . , p.

Démonstration. Ceci découle du fait que chaque Fi est un sous-espace vectorielde E.

Proposition 2.35. Soient F1 , F2 , . . . , Fp des sous-espaces vectorielsde E et F :=


p
X
Fi . Les assertions suivantes sont équivalentes :
i=1
p
Y
1. Pour tout élément x ∈ F , il existe un unique p-uplet (x1 , . . . , xp ) ∈ Fi vérifiant
i=1
x = x1 + x2 + · · · + xp .
p
Y
2. Pour tout p-uplet (x1 , . . . , xp ) ∈ Fi , si on a l’égalité x1 + x2 + · · · + xp = 0, alors
i=1
x1 = x2 = · · · = xp = 0.
X
3. Pour tout j ∈ {1, 2, . . . , p}, Fj ∩ Fi = {0}.
i6=j

Démonstration. 1. =⇒ 2. Supposons 1. vraie et que x1 + x2 + · · · + xp = 0, avec xi ∈ Fi .


Puisque 0 = 0 + 0 + · · · + 0 et 0 ∈ Fi pour tout i = 1 . . . , p, chaque xi = 0 d’après
l’unicité de l’écriture.
X
2. =⇒ 3. Supposons que 2. est vraie et que Fj ∩ Fi 6= {0} pour un certain j ∈
i6=j
X
{1, 2, . . . , p}. Alors il existe xj ∈ Fj non nul tel que xj ∈ Fi . Alors il existe xi ∈ Fi ,
i6=j

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i 6= j tels que
xj = x1 + · · · + xj−1 + xj+1 + · · · + xp .
De là
x1 + . . . xj−1 − xj + xj+1 + · · · + xp = 0.
D’après 2. tous les xi sont nul, ce qui contredit xj 6= 0.
3. =⇒ 1. Supposons que 3. est vraie et qu’il existe x ∈ F qui s’écrit de deux manières
différentes, disons x = x1 + · · · + xp et x = x01 + · · · + xp . Alors

(x1 − x01 ) + (x2 − x02 ) + . . . (xp − x0p ) = 0.


p
X
Ceci donne que x01 −x1 = (x2 −x02 )+. . . (xp −x0p ). Donc x01 −x1 ∈ F1 et x01 −x1 ∈ Fi .
i=2
Ceci montre que x1 = x01 . On fait la même chose pour tous les i et l’on obtient que
xi = x0i . Ceci contredit l’hypothèse que les deux écriture sont différentes.

Définition 2.36. On dit que F est la somme directe de F1 , F2 , . . . , Fp , si F vérifie


l’une des assertions de la proposition précédente. On écrit alors F = ⊕pi=1 Fi .
En particulier, E est somme directe de F1 et F2 si et seulement si E = F1 + F2 et
F1 ∩ F2 = {0}.

Théorème 2.37. Soit E un espace vectoriel de dimension finie n et F un sous-espace


vectorielde E. Alors il existe un sous-espace vectorielG de E tel que E = F ⊕ G et
dim(E) = dim(F ) + dim(G).
Un tel G s’appelle un supplémentaire de F .

Démonstration. Si B1 := (e1 , . . . , er ) est une base de F , alors B1 peut être complétée


en une base de E par des vecteurs er+1 , er+2 , . . . en . Alors G := Vect(er+1 , er+2 , . . . en )
remplit la condition requise.

Remarque 2.38. Si F = ⊕pi=1 Fi , alors la dimension de F est la somme de celles des


Fi , i.e., dim(F ) = dim(F1 ) + dim(F2 ) + · · · + dim(Fp ). En effet si Bi est une base de
Fi , alors la réunion des Bi est une base de F . D’où le résultat.

Corollaire 2.39. Soit F et G deux sous-espaces vectorielsd’un même espace vectoriel


E. Alors
dim(F + G) = dim(F ) + dim(G) − dim(F ∩ G).

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Démonstration. Comme F ∩ G est un sous-espace vectorielà la fois de F et de G, il


admet un supplémentaire H dans F et un autre K dans G. Alors F + G = H ⊕ (F ∩
G) ⊕ K. En effet, il est clair que F + G = H + (F ∩ G) + K. De plus, si h + y + k = 0,
avec h ∈ H, y ∈ (F ∩ G) et k ∈ K, alors h = −y − k ∈ K et k = −y − h ∈ H. D’où
h, k ∈ H ∩ K ⊂ F ∩ G. Puisque H ∩ (F ∩ G) = {0} et K ∩ (F ∩ G) = {0}, h = k = 0
et donc aussi y = 0. D’où la somme est directe. Maintenant, on a

dim(F + G) = dim(H ⊕ (F ∩ G) ⊕ K)
= dim(H) + dim(F ∩ G) + dim(K)
= (dim(H) + dim(F ∩ G)) + (dim(K) + dim(F ∩ G)) − dim(F ∩ G)
= dim(F ) + dim(G) − dim(F ∩ G).

D’où le résultat.

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