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Le droit pénal en (Nouvelle)

France sous l’Ancien


Régime
CRM1701 – Histoire du savoir criminologique
Alexandre Pelletier-Audet
Automne 2022
Semaine 2
Cette semaine
• Survol de l’histoire politique et juridique
de la France (16-17e siècle)
• Les guerres de religion en France
• Louis XIV et le despotisme éclairé

• Droit pénal et criminel en France et en


Nouvelle-France
• Structures et institutions
• Lois criminelles
• Procédure
• Sentences criminelles sous l’Ancien-Régime
Les guerres de religion
• La Réforme protestante entraîne plus d’un siècle
de conflits armés et de guerres civiles à travers
l’Europe occidentale.
• La Paix d’Augsbourg (1555) établit le principe
« cujus regio, ejus religio » (Tel prince, tel religion)
dans le Saint-Empire.
• En France, il y a eu HUIT différentes guerres civiles
entre 1562 et 1598, qui ont leur point culminant
avec le Massacre de la Saint-Barthélémy (24 août
1572)
• L’Édit de Nantes (1598) promulgué par le roi Henri
IV établissait la liberté de culte dans le royaume
de France
Naissance d’une raison d’État
• Centralisation de plus en plus grande du
pouvoir féodal entre les mains du roi
• Le cardinal de Richelieu, ministre du roi Louis
XIII de 1630 à 1642, est à l’origine d’une
révolution dans « l’art de gouverner » qu’on a
plus tard nommé raison d’État.
• Politique étrangère: la France (catholique) entre
dans la Guerre de Trente Ans dans le camp
protestant.
• Politique intérieure: l’État doit désormais veiller à
maintenir l’ordre et la paix intérieure, à assurer le
bien-être de ses sujets.
L’absolutisme royal
sous le roi Louis XIV
• Assumant pleinment le pouvoir en 1661, le roi
Louis XIV intenta un procès à son principal
ministre, Nicolas Fouquet, Surintendant des
Finances, pour détournement du trésor public.
• Condamné à la confiscation de ses biens et au
bannissement du royaume, sa sentence est
aggravée par Louis XIV, qui le condamne à la
réclusion à perpétuité.
• Jusqu’à sa mort en 1715, Louis XIV
administrera la France à titre personnel, sans
ministre, modèle du « despotisme éclairé »
• En 1685, l’Édit de Fontainebleau révoque l’Édit
de Nantes et force des milliers de Protestants
vers l’exil.
Structure sociale sous l’Ancien Régime
• Structure sociale encore très rigide, qui offre très peu
de mobilité:
• Noblesse (d’épée/de robe)
• Le clergé
• La petite et grande bourgeoisie (artisans, commerçants, etc.)
• Les roturiers
• Les paysans
• La Nouvelle-France s’établit dans un régime seigneurial
similaire à celui qu’on retrouvait en Europe: lien semi-
féodal entre seigneur et censitaires
• La société d’Ancien Régime vouait à l’honneur (et la
dignité) une importance quasi-sacrée
Le droit coutumier
• Chaque province (voir carte)
possédait sa propre coutume
• Les coutumes étaient
principalement dévouées aux
règlements civils, mais elles
pouvaient également contenir
certaines lois criminelles.
• Les édits et lois criminelles
royales étaient néanmoins
valables sur ces territoires.
La Gabelle: l’impôt sur le sel

• Quelle était l’importance du sel


à cette époque-là?

• Quelles sont les inégalités


sociales que cette situation
provoquait?
La lettre de cachet
• Elle est devenue symbolique de la nature arbitraire du pouvoir royal
sous la monarchie absolue
• Ce document qui portait le sceau royal permettait l’internement
d’une personne sans procès, et sans date de libération fixée.
• Lettre de grand cachet : Ordonnance émise directement par le Roi
lui-même.
• Lettre de petit cachet : livrée à la demande d’un individu privé, et
qui visait à interner pour cause de folie, d’excès de jeunesse, de
libertinage ou de mariage illégal, ou pour des crimes contre la
personne ou les biens.
La Coutume de Paris
• C’est le recueil des lois civiles qui s’appliquaient au territoire sous la
juridiction de la Prévôté de Paris.
• Elle servait à régler toutes sortes de situations conflictuelles ou
litigieuses entre individus.
• Droits seigneuriaux et censives, fiefs, biens meubles et immeubles,
hypothèques, successions et testaments, communautés de biens, etc.
• À partir de 1627, la Coutume de Paris sera en vigueur sur l’ensemble
du territoire de la Nouvelle-France et de la Louisiane.
• Dans le cas de l’Acadie, la Coutume du Poitou a été appliquée jusqu’à la
conquête anglaise (1713).
L’administration coloniale (Lachance)
• L’administration de la justice royale incombait à
l’intendant de la colonie, qui assignait un
Lieutenant-Général pour veiller à l’administration
des tribunaux.
• Trois districts judiciaires ont été constitués:
Québec, Montréal et Trois-Rivières
• Le Tribunal de l’Amirauté (est. 1717) avait
juridiction uniquement sur les cas survenus en mer
(ou sur le Fleuve St-Laurent)
• La Maréchaussée avait pour fonction de rechercher
les criminels et de les ramener à la Justice.
• Crimes contre la personne
• Violences verbales, voies de fait, duel, homicide,

Lois infanticide, enlèvement, homicide de soi même…


• Crimes contre les biens

criminelles • Vol, recel, incendie criminel, escroquerie…


• Crimes contre les mœurs

sous le • Prostitution, concubinage, rapt de séduction,


adultère, bigamie, viol, attentat à la pudeur,
vagabondage
Régime • Crimes de lèse-majesté
• Crimes envers la religion, faux-monnayage,
français piraterie, rébellion, sédition, trahison, régicide
• Crimes contre la religion
• Blasphème, sorcellerie
Procédure criminelle sous l’Ancien Régime
1. La plainte
• Le Lieutenant général civil et criminel recevait la plainte d’un individu, ou du
Procureur du Roi.
2. L’information
• Le magistrat se rendait sur les lieux pour faire enquête, interroger les témoins
qui faisaient leur déposition secrètement, à tour de rôle;
• Ces informations étaient transmises au Procureur du Roi qui déterminait s’il y
avait lieu de porter des accusations.
3. Le décret de prise de corps
• Le mandat d’arrêter le prévenu incombait au prévôt de la maréchaussée;
• Si le prévenu avait pris la fuite, la procédure se poursuivait par contumance.
Procédure criminelle sous l’Ancien Régime
4. L’interrogatoire
• Au plus tard 24h après son arrestation, le prévenu était conduit devant le juge
qui l’interrogeait en présence du greffier.
• Le prévenu n’avait pas le droit d’être assisté ou conseillé par un avocat. Il ne
peut pas avoir accès au dossier d’accusation et ne pouvait pas connaître
l’identité de ses dénonciateurs.
• Le Procureur du Roi devait ensuite examiner ces interrogatoires:
• Dans le cas de crimes mineurs, il suggérait au juge une sentence légère à prononcer
contre l’accusé
• Dans le cas de crimes graves, passible de peines corporelles ou infamantes, il suspendait
sa décision et recommandait au juge de pousser plus loin l’enquête vers le Règlement
extraordinaire.
Procédure criminelle sous l’Ancien Régime
5. Le règlement extraordinaire
• Les témoins étaient convoqués, ils devaient confirmer leur déposition
originale (récolement), puis devaient confronter l’accusé.
• L’accusé pouvait pour la première fois entendre les dépositions des témoins
qui étaient lues par le greffier, et y réagir dans l’immédiat
• C’est le seul moment de la procédure (avec l’interrogatoire) où l’accusé était
en mesure de se défendre adéquatement… s’il en avait les facultés
intellectuelles.
• À l’issue des témoignages, l’accusé devait nier, ou confirmer la véracité des
témoignages contre lui.
Procédure criminelle sous l’Ancien Régime
• Dans le droit français d’Ancien Régime, l’aveu de l’accusé est considéré
la « Reine des preuves ».
• L’aveu du crime était un prérequis obligatoire pour condamner un individu à
mort.
• On distinguait les preuves directes (témoignages) des preuves
indirectes (ex.: pièces à conviction, preuves conjecturales)
• Faute d’un aveu, le témoignage de DEUX individus irréprochables pouvait s’y
substituer pour obtenir la condamnation (demi preuves)
• La concordance d’un seul témoin oculaire avec plusieurs preuves indirectes
(quarts de preuve) pouvait mener à la condamnation si l’accusé ne parvenait
pas à trouver les arguments pour réfuter les accusations contre lui.
Procédure criminelle sous l’Ancien Régime
6. La question ordinaire
• Si le Procureur du Roi estimait à ce stade qu’il n’y avait pas suffisamment de
preuves réunies pour condamner l’accusé, ET que le crime était suffisamment
grave pour être passible de la peine de mort, on procédait alors à la question
ordinaire.
• Étaient présents:
• L’accusé, l’exécuteur des hautes œuvres, le magistrat, le greffier, un médecin
• Si l’accusé subissait la question sans avouer, la justice le considérait innocent
des accusations.
La question
Les brodequins Cure par l’eau
Procédure criminelle sous l’Ancien Régime
7. La question extraordinaire
• Si l’accusé était reconnu coupable d’un crime capital, le Procureur du Roi était
libre d’ordonner une seconde séance de question après la sentence, cette fois
dans le but de faire avouer d’autres crimes, ou de dénoncer des complices.
• La question extraordinaire était encore plus longue que la question ordinaire
(on pouvait administrer le DOUBLE des coups de brodequins)
7. Le prononcé de la sentence

Châtiments non-capitaux

• Châtiments corporels
• Le fouet
• La flétrissure
• Peines contre l’honneur
• L’amende honorable et l’exposition au
pilori
• Le bannissement ou l’exil
• Détention
• Les galères
• Déportation (Bagne)
• Avec la désuétude des galères dans la marine méditerranéenne au 18 e siècle, il fallut trouver
une nouvelle vocation aux travaux forcés.
• Les premiers bagnes (en sol métropolitain) se situaient sur les villes portuaires comme Nice
(photo), Toulon, Cherbourg, Brest, etc.

Le bagne • Avec l’établissement des colonies outre-mer il devenait possible d’y expédier des personnes
jugées indésirables.
• Environ 1000 personnes ont été transportés en Nouvelle-France en vertu d’une
condamnation judiciaire.
• L’usage de la déportation pénitentiaire s’accentuera en France seulement APRÈS la
conquête de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne (Bagne de Guyane fondé en 1854).
La peine de mort sous le Régime français
Décapitation (Noblesse) Pendaison (Les autres)
Le droit pénal sous le Régime français (1608-
1760)
Le bûcher Le supplice de la roue
Procès au cadavre
“Nous avons déclaré ledit Dupuy dument
attaint et convaincu de s’être homicide lui
même, pour reparation de quoi condamnons sa
mémoire à perpétuité et que son cadavre soit
attaché par l’exécuteur de la haute justice au
derrière d’une charette la tête en bas et la face
contre terre par les rues de cette ville jusqu’à la
Place Royale, et de là ramené devant les prisons
de cette ville, où ledit cadavre sera pendu par
les pieds à une potence. Après y avoir demeuré
24 heures sera jeté à l’eau faute de voirie. Et
que tous ses biens soient confisqués en ce pays
au profit de Sa Majesté” (Québec, 1735)
Dispositifs
• Carcan: Disposé sur la place du
marché ou une autre place
publique, le carcan servait à
l’expiation de l’amende
honorable.
• Gibet: Échafaud permanent,
généralement situé à l’extérieur
des murs des grandes villes. Les
cadavres des condamnés y
restaient suspendus après
l’exécution.
L’exécuteur des hautes oeuvres
• Personnage ignoble, méprisé, impur, le bourreau devait mener une
vie à l’écart du reste de la société.
• En Nouvelle-France, trouver un bourreau compétent était souvent
une tâche difficile
• Selon André Lachance (1966), il y a eu 14 bourreaux en Nouvelle-France sur
une période d’un siècle
• La fonction était souvent offerte à des criminels condamnés à mort en
échange d’un pardon pour leurs crimes
• En Europe, cette fonction se transmettait souvent par des liens de
parenté
Statistiques criminelles de la Nouvelle-France
• D’après André Lachance (1966), il y a eu sous le régime français:
• 432 châtiments corporels
• 47 condamnations aux galères
• 30 individus (4 femmes) soumis à la question
• 69 exécutions par pendaison, 6 exécutions par la roue, 3 fusillés, 3 décapités
• 6 procès intentés aux cadavres
Statistiques criminelles de la Nouvelle-France
• Palmarès des condamnations à mort (Lachance, 1966):
• 37 pour vol (11 vols nocturnes, 9 vols avec effraction)
• 36 pour meurtre
• 16 pour crimes sexuels (viol, inceste, avortement, dissimulation de grossesse)
• 14 pour faux monnayage
• 4 pour duel
• 1 pour trahison
• 2 pour avoir vendu de l’eau-de-vie aux Autochtones
• 1 pour non-respect de l’ordonnance sur les coureurs des bois
• 1 pour espionnage
Semaine prochaine
• Droit et procédure pénale en Grande Bretagne à l’époque du Code
sanglant (18e siècle)
• Distinctions entre droit français et droit anglais
• Distinctions entre les « libertés britanniques » du 18e siècle et celles du 21e

• À lire:
• Georges Lamoine, Une procédure criminelle en Angleterre au XVIIIe siècle

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