PREFACE EPISTEMO-CRITIQUE
Comme on ne peut pas plus saisir un tout dans
Ie sav
manque
faut nécessairement penser Ia science comme un art,
si nous voulons qu’on puisse en attendre une manitre
quelconque de totalité. Et ce n’est pas dans Puni-
versel, dans Vexcts, qu'il nous faut la chercher,
mais puisque T'art s‘exprime toujours tout entier
dans chaque ceuvre singulitre, la science elle aussi
devrait se montrer tout entire dans chacun de ses
objets particuliers.
Johann Wolfgang von Goethe,
Notes pour Phistoire
de la Théorie des Couleurs.
Le propre de la littérature philosophique est que dans toutes
ses versions elle est & nouveau confrontée & la question de
la présentation, Sans doute, sous sa figure achevée, sera-
telle doctri nest pas au pouvoir de Ja simple
pensée de lui donner ce caracttre d’achévement. La doctrine
philosophique est fondée sur une codification dordre histo-
Tique. On ne peut donc pas Ia faire surgir more geometrico.
Si les mathématiques montrent clairement que
Exergue: Goethe: Giuvres completes, Jubiliumsausgabe, Stuttgart,
Berlin, 1907 sq., vol. 40: Schriften zur Naturwissenschaft, p. 140-141.24 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
totale du probléme de la présentation — cst ainsi que
se définit toute didactique strictement adaptée & ses fins —
est la marque de a connaissance véritable, i] apparait tout
aussi nettement qu’elles renoncent au domaine de la vérité
qui est Penjeu des langages. Ce qui dans les projets philo-
sophiques reléve de la méthode ne se dissout pas dans leur
agencement didactique. Ce qui ne veut rien dire d’autre,
si ce rest qu'il y a en eux une ésotérique dont ils sont
incapables de se défaire, qu'll leur est interdit de renier,
dont 1¢ peuvent tirer gloire sans prononcer leur propre
‘condamnation. Ce dilemme propre a la forme philosophique,
tel qu’il est posé par les concepts de doctrine et d'essai
Gsotérique, le concept de systtme, au xrx*
complétement, Tant que ce
elle court le risque de se contenter d
entre les connaissances, comme si elle ven:
de Vextérieur. Mais cet universalisme
sophie, non pas en tant qu'introd.
connaissance, mais en tant que i
veut préserver Ia loi de sa forme, il Iui faut me
sur la pratique de cette forme, et non sur son
dans le systéme. Toutes les époques qui ont em
incontournable de la vérité se sont vu imposer
fe pratique dans une propédeutique qu'il est permis de
er par le terme scolastique de trait,
la référence, au moi
dispenser explicitement un enseignement qui pourrait s'af-
firmer de sa propre autorité, comme la doctrine. Ils n'échap-
pent pas moins aux contraintes de Ia démonstration mathé-
matique. Dans leur forme canonique, la citation sera le
détour — tel est donc le caractére propre a la
traité. Son premier signe caractéristique, c'est qi
au cours ininmterrompu de Tintention. Inlassablement 1a
pensée prend de nouveaux départs, et revient laborieusement
sur la chose méme. Cette fagon'de sans cesse reprendre
CONNAISSANCE ET VERITE 25
haleine est Ja forme d'existence la plus propre de Ia con-
templation. Car tandis qu’en considérant un seul et méme
objet, elle suit les différentes strates de sens, ces recommen-
coments Jui donnent une impulsion sans cesse renouvelée
trés précisément dans les détails d’un contenu ma
leurs formes les plus élaborées, en Occid
différentes phrases, méme si elles n'ont pas en elles-mémes
de consistance, et les agence pour produire une pensée
lorsqu‘elle oblige le lecteur a s’
de la contemplation. Plus son
marque de pauses. La sobriété de la prose reste, en decd
du discours didactique autoritaire, 1a seule maniére d'écrire
qui convienne & la recherche philosophique. — L’objet deORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
recherche, ce sont les idées, Si la présentation veut
‘affirmer comme la véritable méthode du traité philosophi-
faut qu'elle soit présentation des idées. La vérité,
par le fait que la
conscience — transcendantale ou non — doit en prendre
pas d’emblée comme une presentation, de
stement cela que Yon peut dire de la vérité.
La méthode, pour Ia connaissance, est le chemin qui améne
A prendre possession de Pobjet — fiit-ce en le produisant
dans la conscience; pour Ja vérité, c'est la présentation
@elle-méme, et par conséquent elle est donnée en méme
temps comme forme, Cette forme n’appartient pas en propre
conscience, comme la méthodo-
connaissance, mais & un étre.
immédiatement son unité, L’unité de 1a connaissance — pour
autant qu’elle existe — serait plutét un ensemble de con-
nexions qui ne pourrait étre produit que de fagon médiate,
comme une réponse & une question, Si en
intégrale qui est dans essence de é
Ja question serait de savoir dans quelle mesure cette réponse
est déja donnée dans toutes les réponses possibles od la
vérité répondrait & des questions. Et encore faud
échappe & toute inter-
, ue et non du concept, est
auedessus de toute question. Alors que le concept procéde
de l'activité spontanée de Pentendement, les idées sont don-
LA BEAUTE PHILOSOPHIQUE 27
nées & la contemplation. Les idées sont un donné préalable.
Ainsi, en distinguant la vérit i
Pour le concept de vérité,
idée comme étre, c'est leur donner cette
ation “nelapiigee supréme que le systéme de Platon
leur attribue expressément.
Crest ce qui est attesté avant
trouve on particulier deux déci
ont une valeur décisive, I y est montré que la vérité
— cest-a-dire le royaume des
ticlle de la beauté. La
t dans le Banquet. On y
gyrique de la philosophie ne manquerait de s'exclure
1a du cercle de
des idées n’est peut-é
que dans les deux affi
faire un commentaire
‘Quand on dit que la vé
son comps se présente dans un ordre supérieur & celui du
beau. I en va de est moins belle
y a 18 comme un
pas pour autant que
du royaume des idées,
Ie discours sur Ja beauté28 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
du vrai ne sera vulnérable. Cest dans la vérité que ce
moment de la présentation est devenu le refuge de la beauté
en général, En effet le beau reste de Vordre du paraitre, et
donc vulngrable, aussi longtemps qu'il s'avoue franchement
comme tel. Son apparence, qui égare tant qu’elle ne se veut
rien d’autre qu’apparence, Iui vaut d’étre poursuivie par
Ventendement, et son innocence n'est reconnue que lors-
quielie se réfugie sur fautel de la vérité, Eros le poursuit,
non en persécuteur, mais en amant ; de telle sorte que la
beauté, en raison de son apparence, cherche & échapper &
ses deux poursuivants: par crainte & celui qui fait usage
de lentendement, et a celui qui aime par angoisse. Et 'amant
est seul & pouvoir prouver que la vérité n’est pas un dévoi
lement qui détruit le mystére, mais une révélation qui lui
a la beauté?
Platon y répond en
assignant a la vérité la tache de garantir Vétre de la beauté.
Crest en ce sens done qu'il développe Tidée que la vérité
est un contenu de la beauté. Mais celui-ci n’apparait pas
dans le dévoilement, mais bien plutét dans un processus
que l'on pourrait désigner analogiquement comme l'embra-
sement du voile entrant dans le cercle des idées, un incendie
de Yoeuvre, oi Ia forme atteint son plus haut degré de
lumigre. Dans cette relation entre 1a beauté et la vérité,
qui montre de la facon la plus claire A quel point la vérité
est différente de objet de la connaissance qu'on a pris
Vhabitude de Tui assimiler, il y a la clé de ce fait simple
et néanmoins désagréable A admettre ; Pactualité méme de
‘ces systémes philosophiques dont le contenu de connaissance
a depuis longtemps perdu tout rapport & Ia science. Les
grandes philosophies présentent le monde dens ordre des
idées. En régle générale, il est arrivé que les contours
conceptuels & lintérieur desquels cela s'est produit ont
craqué depuis longtemps. Ces systémes n’en prétendent pas
moins étre valables dans leur projet de décrire le monde,
comme Platon avec la théorie des idées, Leibniz avec la
, Hegel avec la dialectique. Le propre de toutes
ces tentatives est, en effet, de continuer & affirmer leur sens,
et méme, trés souvent, de le déployer encore davantage au
moment précis oi on les rapporte non pas au monde de
Vexpérience, mais. & des idées. Car cest en tant que
description d'un ordre des idées que ces constructions intel-
lectuelles ont surgi, Plus les penseurs s‘efforcaient d'y es-
FRAGMENTATION ET DISPERSION DANS LE CONCEPT 29
quisser Vimage du réel, plus ils étaient obligé:
en forme un ordre de concepts qui par la suite devait étre
interprété comme relevant de la présentation originaire du
monde des idées, comme si cétait elle qui était visée fon-
damentalement. Si la tache du philosophe est de tenter une
description du monde des idées telle que le monde empi-
Tique y entre de lui-méme ct s'y dissolve, il atteint cette
fameuse situation moyenne entre le chercheur et lartiste.
Ce demier tente de dessiner une petite image du monde des
idées et parce qu'il s'agit précisément d'une analogie, celle-ci
aura une valeur définitive quel que soit le contexte ‘présent.
Le chercheur organise le monde pour le disperser dans le
domaine de V'idée en le divisant de l’intérieur dans le concept.
Son point commun avec losophe, c'est Tintérét qu'il
prend a effacer la simple réalité empirique, et avec artiste,
la tache de Ia ion, On a courarmment et par trop
le philosophe au chercheur, et mém
Ala chaine des déductions ; la démarche
polémique négative.
La présentation de la vérité comme unité et comme singu-
larité n’exige nullement un ensemble continu et cohérent
de déductions a la maniére de la science. Et pourtant, cette
ément la seule forme dans laquelle ta
logique du systéme a un rapport a la pensée de la vérité,
Ceite cléture du systéme n’a pas plus en commun avec la
vérité que n’importe quelle autre présentation qui cherche
rité par de simples connaissances et des
ensembles cohérents
rentes disciplines, plus son incohérence méthodique se pré-
sente comme évidence, Chacun des différents domaines
scientifiques fait apparaitre de nouveaux présupposés indé-30 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
montrables, @ chaque fois les problémes
considérés comme résolus avec la méme insistance qu'on
met ailleurs affirmer qu’ils sont insolubles'. Cest bien
de Ja science qui part de prétendus postulats philosophiques
et non des différentes disciplines prises chacune séparément,
que de considérer cette incohérence comme un acc
Mais cette discontinuité de la mé
connaissance, pourrait bien au contraire, pour cette raison
méme, avoir un effet positif sur la théorie, si elle n’en était
pas empéchée par cette prétention de s'approprier la vérité,
laquelle demeure une unité en englobant toutes
rmine pas seulement les
pique. Mais ce
ines spécialisées,
sont les monu-
Cependant Jes phénoménes n’entrent pas intégralement dans
le monde des idées, dans leur ét: yue brut, encore
é. En subissant
Ce sont eux
ments, Ce n’est
s'est donné pour tache de mettre les phéno-
i va ofoEew de
fiérenciation en concepts échappe & tout
destructive, Leur réle de médiateurs
permet aux concepts des phénoménes de participer a ’étre
des idées. Et les rend aptes A cette aul
ménes par Pintermédiaire des idées, la présentation des idées
se fait par 1a médiation de Ja réalité empirique. Car ce n’est
pas en soi que les idées se présentent, mais uniquement par
un agencement, dans le conce, appartiennent
1, Cf. Emile Meyerson: De Ue
Paris, 1921, passim.
dans les sciences, 2 vol
L'DEE COMME CONFIGURATION 31
a Vordre des choses. Et ceci, parce qu'elles en sont la confi-
guration.
arsenal de concepts qui sert a la présentation d'une idée la
manifeste sous la forme d'une configuration conceptuelle. Car
Jes phénoménes ne sont pas incorporés aux idées. Ils n’y sont
Pas contenus. Au contraire, les idées sont leur agencement
virtuel objectif, leur interprétation objective. Si elles ne
contiennent pas les phénoménes en les incorporant, et si elles
ne se. volatilisent pas dans des fonctions, dans Ia loi des
Phénoménes, dans Phypothesis, alors 1a question se pose de
savoir de quelle maniére elles touchent aux phénoménes. Et
i est la réponse : en les représentant. L’idée en tant
que telle appartient & un monde foncigrement différent de
ce qu’elle recouvre. On ne peut donc pas prendre pour critére
de son existence le fait de savoir si elle comprend ce qu'elle
Fecouvre, comme le concept de genre comprend les différentes
espéces. Car ce n'est pas la la tache de ’idée, On peut montrer
sa signification & aide d'une comparaison. Les idées sont
aux choses ce que les constellations sont aux planétes. Cela
veut d'abord dire ce nen sont ni le concept ni la loi.
Elles ne servent pas & 1a connaissance des phénoménes et
ceux-ci ne peuvent en aucune facon étre le critere de Pexis-
tence des idées. Au contraire, la signification des phénoménes
pour les idées s'épuise dans leurs éléments conceptuels.
Tandis que les phénoménes déterminent, par leur existence,
par leur étre-commun et par leurs diff
Te contenu des concepts qui les embrassent,
idées est inverse,
éléments —,
ine d'abord leur appartenance réciproque. Les idées
et alors que les éléments
sont saisis comme des point intérieur de ces constella-
tions, les phénoménes sont en méme temps dispersés et
sauvés. Et c'est dans les extrémes que ces éléments, que le
concept a pour tache de détacher des phénoménes, appa-
raissent Je plus clairement. On peut dire de Vidée qu'elle est
la configuration de Tensemble ot extreme unique se re-
trouve avec ses semblabies. Il est faux par conséquent de
comprendre comme des concepts les indications les plus32 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
générales de la langue, au lieu d’y reconnaitre des idées,
Cest une erreur que de vouloir présenter ce qui est général
comme une valeur moyenne. Ce qui est général, c'est Vidéo,
Par contre, plus on pourra Ia voir comme quelque chose
dextréme, plus on pénétrera profondément au cceur de la
réalité empirique. Le concept découle de Vextréme, De méme
qu’on voit la mére animée de toute sa puissance au moment
le de ses enfants, sentant sa proxi
les idées ne prennent vie qu’a partir du moment od
Jes extrémes s'assemblent autour d’elles, Les idées — ou pour
parler comme Goethe, les idéaux — ce sont les meres faus-
cures, tant que les phénoménes
légeance et ne s‘assemblent pas
les phénoménes, c’est I'affaire des
‘autant plus important qu’il accomplit
en une seule et méme opération deux choses: sauver les
phénoménes et présenter les idées.
Les idées ne sont pas données dans le monde des phénoménes.
La question se pose donc de savoir, ainsi quill a été indiqué
plus haut, de quelle maniére elles sont données, et s'il est
obligatoire de confier le soin de rendre compte de 1a structure
du monde des idées & une intuition (Anschauung) intellec-
tuelle souvent invoquée, Si la faiblesse que tout ésotérisme
communique & la philosophie se manifeste quelque part de
facon accablante, c'est bien dans la « vision» (Schau) que
toutes les doctrines du paganisme néo-platonicien prescrivent
A leurs adeptes en maniére d'attitude philosophique. I est
absolument impossible de penser Tétre des idées comme
n Ja plus paradoxale, celle de Vintel-
lectus archetypus, elle ne tient pas compte de ce caractére
propre a la vérité, @ savoir qu'elle est un donné, échappant
en tant que tel a toute espéce dintention, et & plus forte
raison qu'elle n’apparait pas elle-méme comme intention, La
vérité n’ent is dans aucune relation, et surtout pas
dans une relation d’intentionnalité. L’objet de 1a connaissance,
est déterminé par Pintention du concept, n’est
. La vérité est un étre sans intentionnalité, formé
LE MOT ComME IDEE 33
image voilée de Sais, devant laquelle s’effondre,
a Vinstant du dévoilement, celui qui pensait interroger la
vérité, Cela ne tient pas au mystére effroyable de sa réalité
concréte, mais a la nature de la
de la quéte, méme le plus pur,
eaux. Litre de la vérité, parce quill reléve de Vidée, est
différent de Ja manitre d’étre de ce qui se manifeste. La
structure de la
pouvoir qui donnerait
@abord sa forme caractéristique & essence de cette réalité,
Létre détaché de toute phénoménalité
en propre, c’est celui du nom. C'est
caractére de donnée des idées, Mais celles-ci sont données
moi lle que dans une perception
originelle, ob les mots posstdent le noble privilége de
nommer, sans l'avoir perdu dans la signification, qui est liée
4 la connaissance. « Dans un cert sens, on est en droit
de se demander si Ia théorie plat. iées ” efit
‘€t6 possible si le sens de ce mot n’avait amené le philo-
sophe, qui ne savait que sa langue maternelle, a diviniser
le concept de mot, a diviniser les mots: les “ idées ” de
Platon, si on peut risquer ce jugement partial, ne sont au
fond rien“ dautre que des mots ou des concepts de mots
é iée est quelque chose qui reléve de la langue,
et plus précisément, le moment, dans essence du mot, od
celui-ci est symbole. Dans Ja perception empirique, od les
mots se sont dégradés, ils ont un sens profane manifeste &
cOté de leur aspect symbolique plus ou moins caché. C'est
sophe que de rétablir dans sa primauté, par
le caractére symbolique du mot, dans lequel
ée se rend intelligible a elle-méme, ce qui est a Popposé
de toute espéce de communication tournée vers Pextérieur,
2, Hermann Giintert: Von der Sprache der Gdtter und Geister,
Bedeutungngeschichiliche Untersuchungen zur homeritchen und
eddischen Gortersprache, Halle/Saale, 1921, p. 49, Cf. Hermann
Usener: Gotternamen, Versuch einer Lehre von’ der religidsen
Begriffsbildung, Bonn, 1896, p. 321.34 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
Br cela n’est possible, du fait que la philosophie ne peut plus
dre au discours de la révélation, que par le retour de
mémoire & la perception originelle. L’anamnése platoni-
t sans doute pas tres Gloignée de cette mémoire.
ne s'agit pas ici de la présentification intuitive
elles ; au contraire, dans la contemplation philo-
sophique V’idée se détache du ccrur méme de la xéalité et,
en tant que mot, revendique son droit a la dénomination.
finalement, ce n'est pas tant attitude de Platon que
celle d’Adam, qui est le pére des hommes pour autant qu'il
est celui de la philosophie, La dénomination adamique est
si loin d'étre un jeu ou un arbitraire que c'est elle, préci-
sément, qui définit comme tel état paradisiaque, od il n’était
pas besoin de se battre avec la valeur de communication des
mots, De méme qu’elles se donnent sans intention dans la
dénomination, les idées doivent aussi se renouveler dans la
contemplation philosophique. Dans ce renouvellement, cest
la perception originelle des mots qui se rétablit, Et c'est ainsi
que dans le cours de son histoire, qui a si souvent été un
‘objet de railleries, la philosophie apparait avec raison comme
une lutte dont Venjeu est 1a présentation d'un petit nombre
de mots, toujours les mémes — autrement dit d'idées, Il y a
donc lieu de faire des réserves, & T'intérieur du domaine
Philosophique, sur introduction de t
dans la mesure ot
conceptuel mais vise les objets suprémes de la contempl
Tl manque A ce genre de terminologies — dénominat
malheureuse, ob Popinion a plus de part que le langage —
parfait, hors de
des autres essences. Comme harmonie des spheres repose sur
le cours des plat qui ne se touchent jamai
du mundus intelligibilis repose sur la distance infran
qui sépare les essences pures. Chacune des idées est un soleil,
et entretient avec les autres idées le méme rapport que les
entre eux. La relation musicale de ces essences est la
Leur multitude dénommée est dénombrable, Car Ja
ité est un caractére propre aux « essences... qui
LUDEE, NON CLASSIFICATOIRE 35
Bnent une vie distincte toro caelo des objets et de leurs
ités ; dont nous ne pouvons décréter dialectiquement
xistence en tirant arbitrairement un ensemble d'ékéments
un objet rencontré par hasard et en y ajoutant : zal) utr,
mais dont le nombre est compté, et dont il faut chercher
chacune d'entte elles soigneusement & l'endroit de son univers
qui lui est assigné, jusqu’a ce qu’on se heurte a elle comme
bronce*,-ow jusqu’a ce que Vespoir qu'elle
illusoire >*, If n'est pas rare que lignorance
de cette finitude discontinue ait brisé des tentatives énergiques
de renouveler la théorie des idées, par exemple, en dernier
lieu, celle des premiers Romantiques, Leur activité spécula-
tive a donné a Ia vérité le caractére d’une conscience réflexive
et non cehui de langage.
Le Trauerspiel**, dans la perspective qui doit étre cel
de philosophic de l'art, est une idée. Pareil traité se
igue du traité histoire littéraire essentiellement parce
ésuppose une unité 1a oit ce dernier doit montrer la
différences et les extrémes que l’analyse
historico-littéraire amalgame et relativise en les présentant
dans leur devenir accédent, dans leur dével
1u rang d’énergies complémentai
idée, qui n’entre
érature. I n’y
té A ranger le Trauerspiel, comme
des concepts classificatoires de lesthé-
a un rapport différent au domaine des
ne détermine aucune classe et ne contient
pas en elle-méme cette universalité qui dans le systéme des
* Selon expression fameuse de Frédéric Ul, en francais dans le texte.
WaT).
* Le terme de Trauersplel (pur. Trauersplele, de Traver : devil, tistesse,
et Spiel: jeu, dor jeu fundbre ou de ta tristesse) désigne habituee
‘meat fe drame tragique par opposition 4 le tragédie classique, antique ou
modeme (Tragédie). (V.4.T).
3, Jean Hering: « Bemerkungen tiber das Wesen, dic Weseaheit
uund die Idee ». shrbuch flar Philosophie und phéinomenologische
Forschung 4, 1921, p. 522.36 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
classifications fonde le degré conceptuel correspondant 2
chacune dente elles, c’est-a-dire la moyenne. A la longue,
‘on n’a pas pu se dissimuler bien longtemps combien l’induc-
tion était d'un pittre secours pour les recherches en théorie
de Part, Chez les chercheurs modernes, on voit apparaitre 1a
perplexité critique. A occasion de son étude Sur le phéno-
mene du sragique, Scheler écrit: «Comment ... faut-il ...
procéder ? Faut-il rassembler toutes sortes d’exemples, c’est-&-
dire de faits et d'événements, dont on dit font une
Ce serait 14 un type de méthode
ductive que Yon pourrait aussi appuyer sur lexpérimenta-
‘Mais cela nous ménerait encore moi
vation de notre moi quand nous ressentons l'effet du tragique.
De quel droit en effet devons-nous nous fier aux déclarations
des gens pour dire que ce quiils appellent du tragique en est
vraiment ? > On n’avance guére en voulant définir les idées
partant du langage populaire, pour fonder ensui
de ce qui a été fixé dans ce champ. Car s'il est
Yusage de la langue, lorsqu’on considére
idées, a une valeur inesti
dangereux
en Finterprétant & travers une parole ou une pensée peu
igoureuse. On peut méme dire, en raison de cet état de fait,
que le philosophe ne doit se pencher qu’avec une extréme
prudence sur cette pratique habituelle de la pensée courante
‘qui consiste & transformer les mots en concepts typologiques,
afin de mieux se les approprier. La philosophic de lart,
* justement, a cédé assez souvent a cette tentation, Car lorsque
Volkelt, dans son Esthétique du tragique — pour prendre
un exemple drastique parmi beaucoup d'autres —. fait figurer
dans ses recherches des piéces de Holz ou de Halbe au méme
mais un ensemble dis
lation de faits, au
réfractaires, ne tardent pas A étre masqués par la masse
confuse des plus récents, plus séduisants, Pétude, aprés s'étre
desquels les plus anciens, plus
4, Max Scheler: Vom Umsturz der Werte, Der Abhandlungen
und Aufsitze 2. Aufl, vol. I, Leipzig, 1919, p. 241.
LE NOMINALISME DE BURDACH 37
imposé ce travail de compilation dans le but de trouver une
« base commune », finit par ne plus pouvoir retenir que quel-
ques données psychologiques qui parviennent a sauvegarder
la diversité sous Ie couvert de la subjectivité, si ce n'est du
chercheur, du moins du contemporain moyen, grice & Puni-
formité dune réaction assez pauvre, Les concepts psycho-
Jogiques permettent peut-étre de rendre compte d'une multi-
impressions, dont il est finalement assez indiffé
quielles aient été suscitées par des ceuvres d'art ; mais ils ne
rendent pas @’un domaine de art, Cela
, par Tanalyse élaborée du
font le contenu métaphysique doit étre
fieur de celle-ci que dans son effet,
Rester obstinément attaché a la diversité des figures d’une
part, négliger la rigueur intellectuelic autre part, tels ont
toujours é&é les principes déterminants d'une démarche
inductive non critique, Il s'agit toujours de ce méme recul
devant les idées const
Burdach a exprim
ves — les universalia in re —, que
‘occasion avec une particulidre acuité.
je parler de T'origine de ’'Humanisme comme
giss2it la d'un étre vivant, qui aurait vu le jour quelque
part, & une date quelconque, qui aurait continué a croitre
comme un tout [...]. Notre démarche est celle de ces scolas-
tiques du Moyen. les “ réalistes ”, et
qui affirmaient la réalité des concepis généraux, des univer-
”. Cest de la méme maniére que nous posons a notre
une essence & la substance homogene et pleinement
réelle — hypostase semblable & celle que réalisent les mytho-
de cas analogues [...] il nous faudrait étre parfaitement
conscients que nous ne recourons & un concept abstrait que
pour rendre claire et compréhensible toute une série infinie
de phénoménes38 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
in inné de systématisation [...], nous paraissent
nudes et des points communs, plutdt que
les différences. Ces marques que sont ?Humanisme ou la
Renaissance sont arbitraires, voire erronées, parce qu’elles
donnent & cette vie, aux sources diverses, aux figures nom-
breuses et it varié, 'apparence trompeuse d'une unité
essentielle réelle. Et cet “Homme de la Renaissance ”, si
populaire depuis Burckhardt et Nietzsche, est une marque
tout aussi arbitraire, tout aussi trompeuse. >° A cet endroit,
auteur fait la remarque suivante: ¢ Il existe une mauvaise
ue de cet indéracinable “ Homme de la Renaissance ” :
THomme gothique ”, qui est & 1
yas actuelles et dont le fantéme hante la pensée d’his-
iportants et respectables (E. Troeltsch !). 11 faut en-
core ajouter a cela “Homme baroque ”, dont Shakespeare,
par exemple, serait un représenta
justifie, de toute évidence, tant qu’elle est une critique de
Thypostase de concepts généraux — tous ne sont pas toujours
des universaux, Mais elle perd toute efficacité devant les
problémes que pose une théorie d
le mode platonicis
de la typologie ct de la périodis
pourra jamais admettre que des
Renaissance ou de Baroque puissent maitriser Ia matiére de
étude sur le plan conceptuel ; et croire qu'un regard moderne
sur les différentes périodes historiques pourrai
dans de quelconques affrontements polémiqui
rants historiques se rencontreraient pour ains
a visage
ce serait méconnaitre le contenu des sources, qui est géné-
ralement déterminé par des intéréts concrets et non par des
5. Konrad Burdach: Reformation, Renaissance, Humanismus.
Zwei Abhandlungen tiber die Grundlage moderner Bildung und
Sprachkunst, 1918, p. 100 sq.
6. Rurdach. , 213.
VERISME, SYNCRETISME, INDUCTION 39
idées historiographiques. Mais ce que de tels noms ne peuvent
faire en tant que concepts, ils y parviennent en tant qu’idées :
elles ne sont pas le refuge du semblable, mais la synthése
des extrémes. Ce qui n'empéche pas que lanalyse concep-
tuelle se heurte dans tous les cas a des phénoménes comple
tement contradictoires, sans qu'il puissc y apparaitre a
occasion une ébauche de synthése, méme illégitime. Ainsi,
propos précisément de la littérature baroque dont est issu
le Trauerspiel, Strich a pu remarquer a juste titre « que les,
principes d’élaboration formelie sont restés inchangés tout au
long du siécte >",
lach se présente moins dans
La réflexion critique de
é de Ia méthode que dans le
ne faut en aucun cas que la méthodologie apparaisse en fin
de compte comme guidée par la simple crainte d'étre
conerétement insuffi
recueil canonique de au contraire
qu'elle parte de considérations d'un niveau plus élevé que le
point de vue d'un quelconque vérisme scientifique. Celui-ci,
A propos d'un probléme isolé, devra nécessairement se heurter
A de véritables questions de méthodologie qu'il ne prend pas
en considération dans son credo scientifique. Leur solution
passera réguliérement par une révision de la problématique,
qui peut se formuler dans la réflexion suivant
moins de savoir si Yon peut répondre sei
question +comment les choses se soi
de Ja science, Une science qui se répand en protestations
contre la langue quelle utilise est une absurdité, Les mots,
& cOté des signes mathématiques, sont le seul _médium de
7. Fritz Strich: « Der tyrische Stil des siebzehnien Jabrbunderts ».
In: Abhandlungen zur deutschen Literaturgeschichte, Fran Muncker
jam 60. Geburisage dargebracht von Eduard Berend (us), Mich,
1916, p. 52.40 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLENAND
présentation de la science, sans étre eux-mémes des signes.
Car ce méme mot, qui en tant qu’idée a le caractére d'une
essence, se dévalorise dans Je concept, auquel le signe pour-
rait certes correspondre. Le vérisme, que la méthode inductive
de Ja théorie de Part vient servir, n'est pas anobli par Ia
réunion de problématiques discursives et inductives en une
«intuition »® qui, comme T'imaginent R.M. Meyer et bien
autres, pourrait apparaiire comme un synerétisme parfait
des méthodes les plus variées. Ce qui nous raméne a notre
point de départ, de méme que toutes les démarches naivement
réalistes qui éludent la question de la méthode. Car est
justement cette it quill faut élucider. Et Fimage de ce
mode de recherche esthétique fondée sur induction apparait
encore, comme dhabitude, sous un triste jour, chaque fois
que cette intuition n'est pas celle de la chose résolue dans
Pid la projection dans feuvre de Thumeur subjecti
de i ce a quoi tend
est exactement A l'opposé de ce qu'il faudra mettre en cuvre
dans cette étude, ¢ voit dans les formes littéraires que sont
ie classiques, ow
des valeurs
encore Ja comédie de caracttres ou de
données avec lesquelles il faut compter. Ensuite elle cher-
chera, en comparant des exemples remarquables de chacun
de ces genres, A dégager des régles et des lois, qui permet-
tront d'évaluer les différentes productions. Et puis en com-
parant une fois encore les genres, elle tentera d'établ
regles générales de l'art, qui seront valables pour tot
‘ceuvres »°, Cette < déduction > des genres, dans la
de art, reposerait par conséquent sur une dé:
tive associée & un processus dabstraction, et I
logique de ces genres et de ces formes serait moins obtenu
pat déduction quexhibé dans le schéma de la déduction.
Tandis que induction ravale Jes idées au niveau des concepts
en négligeant leur articulation et leur enchainement, la dé-
8. Richard M. Meyer : « Ueber das Verstindnis von Kunstwerken ».
In! Neve Jahrbacher jar dar Hantache Altertum, Geschichte and
deutsche Literatur 4, 1901, p. 378.
‘9. Mever:: ibid.. 0. 372.
LES GENRES ARTISTIQUES CHEZ CROCE 41
duction aboutit au méme résultat en Jes projetant dans un
continuum pseudo-logique. Ce n’est pas dans cette ligne
interrompue de déductions conceptuelles que se déploie
fers de la pensée philosophique, mais dans une descrip-
tion du monde des idées. 11 faut reprendre cette opération,
a chaque idée, comme si chacune d’elles était originelle. Car
les idées sont une multitude irréductible. sont données
4 Ja contemplation comme une multitude dénombrée — mais
4 proprement parler dénommée. le point de départ
de la critique véhémente que fait Benedetto Croce de la
déduction du concept de genre en philosophie de Part. I a
raison de considérer la cia: ‘ation — Ja charpente soute-
nant les spéculations déductives — comme le fondement
d'une critique schématique et superficielle, Et alors que le
nominalisme de Burdach quant aux périodes historiques, sa
répugnance & relacher le moins du monde son contact avec
les faits concrets expriment la crainte de s'éloigner de la
y a chez Croce un nomi
1€ tout
4 fait analogue, qui tiennent & la peur, s'il s’en écartait, de
laisser échapper purement et simplement son
essentiel. Voila qui est de nature A moatrer sou:
jour, UX que toute autre chose, la véri
des noms des genres esthétiques, Son Précis d’esthétique sven
prend au préjugé selon lequel il serait possible de distinguer
tun nombre plus ou moins grand de formes artistiques parti-
tre définie dans son concept
pourvue de ses
Propres [...]. Bon nombre d’esthéticiens continuent &
écrire des ouvrages sur lesthétique du tragique, du comique,
a des esthétiques de Ja peinture,
i it est plus grave,
les critiques
it pas encore complétement perdu Vhabitude de les
évaluer par rapport au genre ou & l'art particulier dont, &
leur avis, elles font partie >¥°, Aucune théorie de Ia division
des arts, quelle qu’elle soit, n’est fondée. Tl n'y a dans ce
un seul genre, qu'une seule classe, Part iui-méme ou
Tintuition, tandis que par ailleurs les diverses ceuvres d'art
sont innombrables : toutes sont originales, aucune nest inter-
10. Benedetto Croce: Grundriss der Aesthetik. Vier Vorlesungen.
Autorisierte Auseahe van Thondre Pance Vatacim 4tta eae42 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
changeable [...]. D’un point de vue philosophique, on ne peut
pas interposer entre I'universel et le particulier un élément
intermédiaire, une série de genres ou de formes, de gene-
ralia, »¥1 Cet exposé pése d’un grand poids face aux concepts
de genres esthétiques. Mais il s‘arréte a mi-chemin. Car si
Ton voit bien que c'est une entreprise oiseuse que d’aligner
des ceuvres d'art & Ia recherche de leurs points communs,
quand il ne s'agit pas d'anthologies historiques ou stylistiques
imaginer que 1a philosopbie de Tart se défasse jamais de
ses idées les plus riches, comme celles de tragique ou de
comique. Car il ne s‘agit pas Ja de I'incarnation de régles,
Join de 1a; ce sont des formes au moins équivalentes en
densi réalité A m'importe quelle pitce de théatre,
quelie elles ne sont pas commensurables. Elles ne peu-
it donc prétendre coiffer un certain nombre d’ceuvres
’ires données en raison de quelconques points communs.
Car supposer méme qu’il n'y ait ni tragédie pure, sii pure
comédie & quoi elles puissent donner leur nom, ces idées
peuvent néanmoins exister. Elles doivent étre aidées en
cela par une étude qui ne s’attache pas a partir de tout ce
qu’on a jamais pu qualifier de tragique ou de comique,
mais qui cherche exemy quitte A ne reconnaiire cette
1a des normes destinées au critique. La
que les critéres d’une termi
touche de la
de art —, voi
exteme qu'est 1a comparaison, mais seulement de manitre
en développant le langage formel de T'ceuvre,
Ta la pierre de
de philosophie
pour autant qu’
Je représentent quasi
ou bien
est Ja négation, et quand elle est parfaite, elle es
a la fois.
en
tes deux
U1. Croce: ibid, p. 46,
IL y a dans Limpossibilité de déduire les formes de l'art,
qui va avec ta dévalorisation de 1a régle comme instance
critique — mais elle restera toujours une instance didactique
de Tart —, le fondement d'un scepticisme fécond. On peut
comparer celui-ci a une pause od la pensée reprend haleine,
aprés quoi elle pourra se perdre A loisir dans les petits
détails, sans le moindre sentiment d'essoufflement. Car on
va parler de détail chaque fois que la contemplation se
plongera dans les ceuvres et
autrui, crest le propre des gens exercés et cela ne vaut
guére mieux que la candeur du béotien. Dans la vraie
contemplation, par contre, le rejet de la démarche déduc-
fagon de sauver ce q
le radicalisme qui pri
meilleures cré
n'est pas non plus le dernier
génétique et concréte, qui du reste n’en est pas unc et qu'on
appelle bien plutét histoire. »3? Dans cette phrase obscure,
auteur effleure, trop vite malheureusement, le noyau méme
de la théorie des idées. I! en est empéché par un psycho-
logisme qui ruine sa di
au moyen d'une autre,
rhe peut pas voir que sa
appelle « clas-
de tout & fait avec une théorie
liquée aux arts dans la problématique de
rigine, bien qu’étant une catégorie tout & fait
c Ia gendse des choses.
is le devenir de ce qui est né, mais
bien ce qui est en train de naitre dans Ie devenir et le déclin.
Lorigine est un tourbillon dans le fleuve du devenir, et elle
entraine dans son rythme la matiére de ce qui est en train
@apparaitre. L’origine ne se donne jamais & connaitre dans
12. Croce: tbid., p. 48.44 ‘ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
Texistence nue, évidente, du factuel, et sa rythmique ne peut
@tre pergue que dans une double optique. Elle demande
@tre reconnue d'une part comme une restauration, une
testitution, d’autre part comme quelque chose qui est par
1 méme inachevé, toujours ouvert. Chaque fois que Porigine
se manifeste, on voit se définir la figure dans laquelle une
idée ne cesse de se confronter au monde historique, jusqu’a
ce quelle se trouve achevée dans la totalité de son histoire.
Par conséquent Yorigine n’émerge pas des faits constatés,
mais elle touche a leur pré- et post-histoire. Les régles de
Ia contemplation philosophique sont inscrites dans la dialec-
tique, qui est Ie témoin de .. Crest elle qui révéle,
dans tout ce qui est essentiel, la détermination réciproque
de Vunique et de la répétition. La catégorie de F
donc pas, comme le pense Cohen", purement logique, mais
historique, On connait le « tant pis pour les faits » de Hegel.
ce qui signifie fondamentalement yeombe au Philosophe
ent _pas purement dans le monde
. Cette attitude véritablement idéaliste achéte sa
sécurité en renongant a ce qui fait le noyau central de
Yidée d'origine. Car pour démontrer Yorigine, il faut ére
prét A répondre & toutes les questions sur Pauthenticité de
ce que Yon monte. Si on ne peut accréditer cette authen-
ticité, on ne pourra s'autoriser a parler de preuve, II semble
annule la
io jacti. Ce qui est
faut pourtant pas en conclure que Pon prendre néces-
sairement n'importe quel « fait > antérieur pour un moment
constitutif de essence. Au contraire, c'est ici que commence
la tache du chercheur, qui ne rer un tel fait
qui est Pobjet de 1a découverte, une découverte qui s’allie
de facon singulitre 2 une reco!
les phénoménes ont de plus de plus bizarre, dans
les tentatives les plus faibles, les plus maladroites, comme
dans les manifestations les plus décadentes des époques
tardives que la découverte peut le mettre a jour. Ce n'est
13. Cf. Hermann Cohen: Logik der reinen Erkenntnis (System
der Phiiosophie 1), 2 64, Berlin, 1914, p, 35-36.
LA MONADOLOGIE 45
pis pour fabriquer de a partir de Ia série des formes
ques caractéristiques, encore bien moins pour en tirer
ou jue chose de commun que Pidée les absorbe. I] n'y a
pas d'analogie entre le rapport du particulier a Tidée et son
tombe sous Ie concept et reste
tantét il se maintient dans
iée et devient ce qu'il m’était pas — une totalité. Tel est
son sauvetage platonicien.
Lihistoire philosophique, considérée comme science de lori
gine, est la forme qui fait procéder des extrémes 6!
des excés apparents de l’évolution, la configuration de I
Cest-a-dire Ia totalité olt de telles oppositions peuvent co-
exister d'une manigre qui fasse sens. On ne pourra en
aucun cas estimer réussie la présentation dune idée aussi
longtemps qu'on n’aura pas parcouru virtuellement le cercle
des extrémes qu'elle peut contenir. Ce parcours ne peut étre
que virtuel, Car ce qui est saisi dans Tidée dorigine n'a
Plus pour histoire qu'un contenu, et non un déroulement
ja concernersit. Ce n'est qu'intérieurement
3 I connait Phistoire ; et
mais relative a Vétre essentiel,
comme sa pré- et post-
telles essences — signe qu’
dans Je refuge du monde des
:¢ qui autorise A la désigner
La pré- et post-histoire de
le est rachetée et recueillie
lées — n’est pas une histoire
que cet étre racheté est
de la pré- et post-his
4 nouveau dans son sens anc
des phénoménes dans leur étre, Car
la science philosophique ne se rassasi
Ii faut
‘concept d'atre de
as du phénoméne,
Tl n'y a pas en
14. Cf. Walter Benjamin: «La Tache du traducteur >. In: Mythe
et Violence, Denoél, LN 1971, trad, Maurice de Gandillac, p. 261-277.46 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
principe de limites & cet approfondissement de la perspec-
tive historique dans ce genre de recherches, que ce soit
dans le passé ou dans l'avenir, C'est elle qui donne la
totalité & Tidée. Sa construction, dans la mesure od elle
est marquée par la totalité en contraste avec son isolation
. Liidée est monade, L’étre
qui entre en elle avec sa pré- et post-histoire donne secré-
tement la figure réduite et obscure du reste du monde des
idées en méme temps que la sienne, de la méme maniére
que dans le Traité métaphysique de 1686 toutes les monades
sont données indistinctement dans une seule d'entre elles.
Lidée est monade — la représentation des phénoménes y
préétablie, en tant qu’elle est leur interprétation
parfaite. Et Cest ainsi que
jet dune t&che a accomplir
jective du monde s'y décou-
il ne parait pas énigmatique que
monadologie ait été aussi celui du calcul
est monade — ce qui
ferme l'image du monde, La téche de la présentation de
Vidée, ce n'est rien de moins que de dessiner cette image
en réduction du monde.
hef de saisir la métaphysique de cette forme
dans sa plénitude et de fagon concréte, et non de constater
existence de régles et de tendances. Car il est bien évident
plus importants parmi tous ceux
compréhensi littérature
de la figure
mais néanmoins maledroite, qui appartient surtout & son
théatre. Cest la forme dramatique qui
moine littéraire allemand que le Romantisme a inaugurée
LA TRAGEDIE BAROQUE, MEPRISEE ET MAL INTERPRETER 47
n'a presque pas touché Je baroque, C'est surtout le théatre
de Shakespeare, avec sa richesse et sa liberté, qui a porté
ombrage, aux yeux des écrivains du Romantisme, aux ten-
tatives allemandes contemporaines, dont le sérieux était en
outre étranger & ce théatre Idique. D'autre part, la philo-
logie germanique A ses débuts trouvait suspectes ces mani-
festations extrémement peu populaires d'une classe de fonc-
tionnaires cultivés. Quels qu'aient été en vérité les services
rendus par ces hommes la cause de Ja langue et de la
culture populaires, aussi grande qu’ait été leur conscience
de participer a la formation d'une culture nationale, il n'en
demeure pas moins que leurs travaux étaient trop marqués
par la maxime absolutiste: ¢ tout pour le peuple, rien par
Te peuple », pour que des pl
ou de Lachmann aient pu s'y intéresser. Ce qui donne a
leur geste cette violence pénible, c’est en grande partie cet
i interdisait & ces hommes, travaillant sans reléche
lemand, de retrouver a matiére
ire allemande, Tl est vrai que
les légendes et histoire ne jouaient aucun réle
dans le théatre baroque. Mais I’élargissement des études
germaniques dans le derni
Jeur banalisation historisante, n'a pas ét6 utile aux recherches
sur le Trauerspiel baroque. Sa forme rebutante restait
inaccessible & une science pour laquelle la critique stylistique
que trés peu de gens A entreprendre
ou biographiques. Dans ces drame
de vero cont ressenti trés fortem
la forme d'un théatre profane. Et
Hallmann de nombreux efforts
se prétant & toutes les virtuosités, que
Calderon a donnée au thédtre espagnol. C'est précisément
parce quiil est le produit nécessaire de son époque quill
stest formé dans un effort extrémement violent, ce qui
suffirait A montrer que cette forme n’a pas été faconnée
par un génie souverain, Et pourtant cest en elle que se48 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
trouve le centre de gravité de tous les Trauerspiele de Vge
baroque. Ce que chacun des auteurs pouvait en saisir obéit
singuligrement & cette forme, et leur médiocrité n'eniéve
Te comprendre est une condition
préliminaire 4 toute recherche. Toutefois, on ne saurait se
dispenser dune autre forme de contemplation, qui peut
rien a sa profondeur :
ie euvre concréte, iene comme forme
sans aucun doute plus riche, comparée
Ja vie de la langue et de ses possi
aussi dans toute forme artistique, qu
bien plus authentiquement que dans une oeuvre particuliére —
Vindex d'une figuration précise, obj
Part. Les recherches anciennes ont fermées & cette
contemplation, ne serait-ce que parce que analyse de ta
forme et analyse de Vhistoire ont échappé a leur attention.
Mais ce n'est pas la seule raison. Ce qui y contribua
également, ce fut leur attachement ts peu critique & Is
théorie baroque. Il s'agit de celle d’Aristote, adaptée aux
tendances de l'époque. Dans la plupart des pices, cette
adaptation fut une simplification abusive. Sans prendre la
peine de rechercher les raisons sérieuses de cette divergence,
& parler de déformation et de malen-
de penser alors que les auteurs
‘autre pour Pessentiel qu’ap-
comprendre. Le
Trauerspiel baroque allemand appa
cature de la tragédie antique. IL
dans ce schéma ce qu'un goat éclairé
tant, voire de barbare dans ces ceuvres. L’intrigue des actions
principales A sujet politiques de cette époque était une
LA TRAGEDIE BAROQUE, MEPRISEE ET MAL INTERPRETEE 49
catastrophe tragique. Ainsi le Trauerspiel se donnait pour
une renaissance maladroite de 1a tragédie. Et c'est de cette
fagon que s‘imposa une classification de plus, qui devait
empécher complétement de voir cette forme : le Trauerspiel,
sion Je considére comme un drame de la Renaissance,
apparait dans ses traits les plus marquants comme entaché
autant de fautes de style. Pendant longtemps on m’a
apporté aucun correctif A cette répertorisation fondée sur
Vautorité de registres tirés de histoire des matériaux litté-
strictement toute compréhension valable de son essence, ce
qui n'est d'ailleurs pas forcément son but. Dans son ouvrage
tyle lyrique du xvit* sidcle, Strich a révélé cette
ps Ta recherche. « On
ture du xvii* siécle
on entend par 1a
ppareil antique, ce
ipeur et témoigne de Pabsence de perspectives
ies de la critique, car ce siécle n’avait rien
terme est
historico-sty!
de Yesprit classique de la Renaissance, Au contraire, le
style de la littérature de cette époque est baroque, méme
si on ne songe pas seulement & son emphase et A ses exc’s,
mais aussi si on considére les principes plus profonds de
son élaboration. 2" Une autre erreur, qui s‘est maintenue
avec une surprenante obstination dans Thistoire de cette
era, ‘est lige aux idées précongues de Ia critique
Jes a toujours rejetées. A propos de T'interprétation de
‘Sénéque, au moins, on trouve des controverses qui ressem-
blent sur ce point aux discussions plus anciennes sur le
thédtre baroque. Quoi quill en soit — en ce qui conceme
le baroque, Ia fable séculaire qui, de A.W. Schlegel jusqu’a
LW. Schlegel : Vorlesungen ber schine Literatur
803-1904): Geschichte der romanischen Literatur,50 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
Lamprecht, affirme que le thédtre de cette époque aurait
&té destiné a la lecture, se trouve réfutée, Dans ces actions
violentes qui provoquent Je plaisir du spectateur, c'est le
théatral qui s’exprime justement avec une force particulitre.
La théorie elle-méme insiste & Toccasion sur les effets
seéniques. Le mot d’Horace: « Et prodesse volunt et de-
lectare poetae » pose 2 la poétique de Buchner la question
de savoir comment cela peut s‘appliquer au Trauerspiel, et
réponse est la suivante: non pas A son contenu, mais
trés bien & sa présentation théatrale'*,
La recherche, qui a da aborder ce théatre avec tant de
préventions si variées, en essayant de lui rendre objective-
ment hommage dans des tentati
sgédies pouvaient les inspi : qui parait a
peine croyable. Un auteur relativement ancien remarque
de fagon trés bouffonne : « Au cours de ses études, Loben-
‘é mieux comprise par le
de son époque. >! Plutét que
ices, il est urgent de rappeler
d'art en soi est
qui avait devant
Lamprecht: Dewische Geschichte, 2. Abt.: Neuere
les individuellen Seelenlebens, 3 vol,, 3 édition, Berlin,
+ Augustus Buchner und seine
‘ung fiir die deutsche Literatur des siebcehnten Jahrhunderts,
Munich, 1919, p. 58. Hl
19. Conrad’ Miller: Beitrige zum Leben und Dichten Danie!
Caspers von Lohenstein, Breslau, 1882, p. 12-73.
‘« HOMMAGE » st
‘songé & Veffet produit! Quell
dit Goethe. Pen importe de savoir s'il faut absolument laver
Aristote du soupcon dont Goethe Pinnocente — la méthode
exige que la question de effet psychologique tel quiil le
définit soit exclue du débat esthétique sur le théatre. Crest
en ce sens que Wilamowitz-Moellendorff affirme: «On
devrait bien comprendre que la xaBagats ne peut définir
Tesptce du drame, quand bien méme on considérerait comme
constitutifs de Tespéce les affects qui font son efficacité, le
couple facheux de Ja terreur et de la pitié n'y suffirait
absolument pas.» Il y a plus malheureux et plus banal
ue cette tentative de sauver le Trauerspiel avec le secours
@Aristote ; ce genre d’« hommage > od Yon veut prouver
Par des apercus bon marché la ¢ nécessité » de ce théétre,
et par la méme occasion chose, dont on ne voit
j valeur positive ou Ia pré-
carité de tout jugement. Dans le domaine de Vhistoire, il
est évident que la question de
sont nécessaires est toujours a pri
et faux de « néces » dont on a souvent paré le Trauer-
spiel baroque scintille de mille feux. On entend par 1a la
nécessité historique quion oppose bien inutilement au pur
hasard, mais aussi la nécessité subjective
. Le terme avantageux
ment dune
disposition subjective de son auteur, on n'explique rien, Il
nen va pas autrement de cette autre « nécessité » qui voit
dans les ceuvres ou les formes les prolégoménes du déve-
Joppement ultérieur dans un contexte problématique, « Il
fest possible que son idée de Ja nature et sa vision de l'art
jent & jamais détruites et ruinées les innovations,
is encore, les découvertes matérielles du xvii siécle,
cela ne peut vieillir, ni périr, ni se perdre, et continue
4 se développer. >%* Voila comment Ia présentation la plus
récente sauve encore Ia littérature de cette époque en en
imarer Ausgabe) 4. Abt., Briefe, 42, Bd.:
1907, p. 104,
i izMoellendorff: Einleitung in die
griechische Tragédie. Unverind. Abdr. aus der I. Aufl. von Euripides
Herakles 1, chap. V-1V, 1907, p. 109.
22. Herbert Cysarz: Deutsche Barockdichtung, Renaissance, Barock,
Rokoko, Leipzig, 1924, p. 299.
21. Ulrich von Wila52 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
faisant un simple moyen. La ¢ nécessité »®° de ces « hom-
‘mages > se situe dans une région pleine d'ambiguité: ct ce
concept de nécessité, le seul qui soit esthétiquement valable,
sion. C'est A ce concept que pense
est Evident que seule une analyse qui atteis
leur contenu métaphysique peut 1a faire apparaitre.
Elle échappe complétement & ce genre d’« hommage > timoré,
Le demier essai de Cysarz ne sen dégage finalement pas
non plus. Si les études anciennes ne voyaient pas du tout
les raisons d'un tel changement de perspectives, il est sur-
Cest elle que Von rend responsable de
qu’on a pu trouver a critiquer dans
sont, aston dit bien des fois, des pices
écrites par des bourreaux et pour des bourreaux. Mais c'est
ce quill fallait aux gens de ce temps-la, Vivant dans une
5 sanglantes,
Crest ainsi qu’a la fin du sitcle dernier la recherche avait
perdu toutes ses chances d'aboutir & une étude critique de
la forme du Trauerspiel. Ce syncrétisme de considérations
tirées de histoire de civilisation, de la littérature, de
biographies, par lequel elle espérait remplacer la pensée
Philosopbique de Tart, a une réplique, moins anodine, dans
eur.
«Der Aufbau der Literaturgeschichte >.
1 Monatsschrift 6, 1914, p. 1-16 et
P. 149 et p. 151
24. Louis G. Wysocki: Andreas Gryphius et 1a tragédie allemande
au XVIP sidcle, these de doctorat, Paris, 1892, p. 14.
BAROQUE ET EXPRESSIONNISME 53
Ja recherche moderne. Comme un malade figvreux qui
traduit tous les mots qu'il entend dans les images déchainées
de son délire, Yesprit du temps se saisit des documents des
cultures les plus éloignées dans le temps et dans Vespace
pour se les approprier et les enfermer brutalement
contemporaine. Cotte suggestibilité funeste et pathologique,
qui permet I'historien de prendre subrepticement la place
du eréateur, de se ¢ substituer > A lui?®, comme s'il suffisait
de le faire pour étre aussi Vinterpréte de son oeuvre, on
Ya nommée « empathie >, un terme od Ja simple curiosité
se risque en avant sous le couvert de Ia méthode. Dans cette
incursion, le manque de personnalité de la génération actuelle
ne résiste pas en général & la force imposante avec laquelle
le baroque se présente a elle. Jusqu‘ici, ce n'est que dans
un nombre minime de cas que la réévaluation amenée par
les débuts de Vexpressionnisme — non sans quelques liens
avec I'école de George** — a entrainé une compréhension
juiméme*, Mais les vieux préjugés sont
paraitre. Des analogies frappantes avec Pétat présent des
lettres allemandes ont incité & maintes reprises a se re-
plonger dans la période baroque, démarche positive, quoique
sentimentale la plupart du temps.
de la littérature de cette époque décl
que deux sigcles aucune période n’a eu des
aussi profonds avec 1a nétre, du point de vue de Ia sensi-
bilité artistique, sinon la littérature baroque du xvutt siécle
& Ia recherche de son Intérieurement vides ou tour
mentés au plus profond d’eux-mémes, extérieurement absorbés
par des problémes techniques et formels qui ne semblaient
4 premiére vue concerner que trés peu les problémes exis-
tentiels de Pépoque — tels étaient la plupart des écrivains
baroques, et autant qu'on puisse en juger, tels sont aussi
«I me semble [...
25, Petersen: . 13,
26. Ct. fman von Hofmanswaldau: Auserlesene
Gedichte. Mit einer Ei von Felix Paul Greve, Leipzig, 1907,
P.
|27, Cf. pourtant Arthur Hibscher: « Barock als Gestaltung anti
thetichen " Lebenseefthis. Grundlegung einer | Phraseologie der
Geistesgeschichte. > In : Euphorion 24, 1922, p. 517-562 et 759-905.4 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND
les écrivains de notre temps, du moins ceux qui en marquent
Ja production littéraire. »#° ‘Timide et trop sommaire, Fopi-
nion exprimée dans ces phrases s'est affirmée depuis dans
tun sens beaucoup plus large. En 1915, les Troyennes de
Werfel marquérent les débuts du théétre expressionniste.
Ce n'est pas par hasard qu'on trouve Je méme sujet chez
Opitz aux débuts du thédtre baroque. Dans les deux ceuvres,
les auteurs ont cherché a utilise ntation comme
Porte-voix, comme caisse de résonance, Il leur fallait pour
cela, dans Pun et autre cas, non pas d'amples développe-
une versification rompue
e entre les efforts d’aut
plan de
la langue. Tous sont caractérisés par Youtrance. Les for-
d'un véritable exercice de Part, Il en est toujours ainsi dans
les périodes dites de décadence. La réalité supréme de Vart,
Crest Feeuvre isolée, fermée. Mais A certaines époques, seul
Yépigone peut atteindre A Vachévement de P'eeuvre, Ce sont
les époques de « décadence », de « vouloir > des arts, C'est
Pourquoi Riegl 2 découvert ‘ce terme en étudiant précisé-
ment Ja dernitre phase de I’
accessible & ce vouloir,
accomplie. C'est ce vouloir qui fonde
aprés Yeffondrement de 1a culture allemande classistique.
A cela s‘ajoute le désir de recréer une langue rustique, qui
historiques. La pratique consistant & souder en un seul
bloc des adjectifs qui n’ont pas demploi adverbial et des
substantifs me date pas d’hier. Grosstanz*, Grossgedicht*
(Cest-i-dire « épopée >) sont des mots" baroques. On
Fencontre des néologismes partout. Aujourdhui comme 3
pour leur propre compte de la puissance imaginaire cachée
dont procéde toute métaphorique de Ia langue, déterminge
yeimer: Die Lyrik des Andreas Gryphius. Studien
und Materialien, Berlin, 1904, p. XIII.
PRO DoMO 55
et pourtant fluide. On cherchait a s‘illustrer par des mots
analogiques plutét que par des discours analogiques, comme
sila création d'un langage relevait directement des trouvailles
verbales de V'auteur. Les traducteurs de age baroque pro-
najent plaisir & user des formes les ph
on en trouve chez nos contemporains ; chez eux il s'agit
surtout d’archaismes, o& I’on croit s’approprier les sources
vives de la langue. Cette violence est toujours caractéristique
@une production od il est extrémement difficile d'arracher
au conflit des forces déchainées Vexpression articulée d'un
contenu authentique. Dans un tel déchirement, 1'époque
contemporaine refléte certains aspects de attitude baroque,
jusque dans le détail de 1a pratique artistique. Au roman
uel des auteurs célébres se sont consacrés,
mime hier, les écrivains Opposent leurs convic-
leur croyance au simple life, & la bonté
est A nouveau dévoré d'une ambition que les é
alors avaient maleré tout plus
‘ont pu a Toccasion
rendre des services générensement rétribués dans les affaires
héritiers modernes, quand elle
tile & VEtat, est caractérisée
toutes ces
pour meontrer regain t porte
A cette époque définissent une décadence, aussi féconde et
utile pour Pavenir soitlle,
Limpression que peut £
au moyen d’audaces a
tendances du baroque allemand est d’autant plus forte.56 ORIGINE DU DRAME BAROQUE ALLEMAND.
Devant une littérature qui cherche pour ainsi dire a faire
taire le monde présent et futur, par un large usage de pro-
cédés techniques, par abondance et la monotonic de sa
des hauteurs de la connaissance dans les abimes effrayants
de atmosphére baroque. Dans les tentatives improvisées
de rendre présent le sens de cette période, on retrouve sans
cesse ce sentiment caractéristique de vertige qu’inspire le
dre de ses contra-
Ie mettant pour
qui Tui permettra de res
spectacle de ce panorama,
qu'il convenait de décrire ici,
29. Wilhelm Hausenstein: Vom Geist des Barock. 3-5. Augl,
Munich, 1921, p. 28.WALTER BENJAMIN
ORIGINE
DU DRAME BAROQUE
ALLEMAND
Traduit
(a
Yallemand par Sibylle Muller
le concours de André Hirt)
Préface de Irving Wohlfarth
(986
FLAMMARION