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Côte-Nord, août 2009

Que fêtons-nous le 15 août?

Natashquan 14 août, randonnée de vélo matinale, direction Pointe-Parent, puis je bifurque vers le
village montagnais. Plusieurs maisons ont des tentes dressées dans la cour.
Un homme en VTT qui ramasse des bouteilles. Drôle de penser qu'il est rentable de brûler des hydro-
carbures pour ramasser des bouteilles. Il ne fait guère attention à moi avec mon vélo difficile à pousser
tellement le sable est mou.
Embouchure de rivière qui baigne dans le sable. Tout-à-l'heure j'ai photographié des traces d'érosion.
Cette rivière-là doit avoir connu beaucoup de modifications de son embouchure. On voit quand même
un chenal, de ce côté-ci de l'île, où son courant est fort et où elle semble profonde.
À part être indiscret, donc pas beaucoup de choses inusitées à photographier par ici. Sur la pointe peut-
être, une croix, deux croix et des drapeaux jaunes et blancs. Tiens, quelque chose d'inusité, je
m'approche, ce semblent être des drapeaux du Vatican. Ce sont des drapeaux du Vatican sur des perches
de bois. Un peu plus loin, vers l'ouest, une autre croix, d'autres drapeaux.
Très difficile de pousser mon vélo, ça me coûte de revenir sur mes pas et recontourner le village;
continuer par l'autre côté risque d'être aussi long. Il y a devant moi un chemin creusé à même
l'ammophile et qui semble déboucher près de la rue sans passer trop près des maisons. J'ai envie de m'y
engager mais je pense risquer de faire japper des chiens en passant.
On m'a dit qu'il y avait parfois des chiens errants qui venaient de par ici et qui passaient par le camping.
Drôle, il me semble que tous les chiens doivent être plus ou moins errants dans un pays comme ici.
Trois chiens, dont deux jeunes et beaux, se mettent à japper quand j'approche de la maison. Je crois
bien que ce sont les chiens que j'ai vus sur la plage tout-à-l'heure. Au point où j'en suis, je continue. Pas
question de jouer avec le chien qui reste là. Je crois que nous en aurions envie, mais il jappe encore. Je
m'éloigne avec l'envie de m'excuser.
Un peu plus loin, un homme relativement jeune que j'aperçois par le cadre de porte. On s'envoie la
main. Ici je pourrai arrêter et parler un peu.
Quand il me demande « D'où est-ce que tu viens toé? » je suis un peu saisi. La voix est un peu saccadé.
Si un francophone de naissance me parlait comme ça, je le trouverais presqu'impoli. J'ai fini par
surprendre des brides de conversation entre Montagnais dans les épiceries et il me vient rapidement
l'impression que cet homme-là parle simplement français comme il parle montagnais.
« Les drapeaux du Vatican? » « Demain … 15 août … on marche. » Je ne sais plus trop s'il m'a dit ça
tout d'un bout ou si je lui avais reposé une ou deux questions supplémentaires. De l'intérieur surgira une
voix qui dira deux fois « pélérinage ». On parle un peu comme ça, de la rivière, de leur église en
réparation, de Québec, de Terre-Neuve, de St-John … Puis je lui dis qu'il faut que je m'en retourne et
que j'ai faim.
Je ne sais pas si je lui ai demandé directement à quelle occasion cette marche, ce pélérinage. La
question va me travailler. Il y plusieurs années, sur un camp, il y avait un type qui demandait souvent,
le matin : « Padre, qui est-ce qu'on fête aujourd'hui ? ». Et le Padre Villar répondait avec sa bonne
humeur quotidienne.
J'ai posé la question au camping. La dame ne savait pas. Quand j'ai dit qu'il s'agissait d'un événement
religieux, elle m'a dit qu'elle, la religion des Français, des Anglais ou des Chinois, ça ne l'avait jamais
intéressée. Désolante réponse pour le touriste que je suis et je m'enfuie aussitôt en lui disant que les
Chinois n'ont pas de religion.
La guide d'un petit musée, qui venait de nous dire avec une certaine fierté, qu'il y avait maintenant plus
de Montagnais qui venaient à l'école du village, ne pourra pas me le dire non plus.
Que fêtons-nous le 15 août? Qui ça « nous »? Rien.

Jean-Claude Boulet

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