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LA PAROLE DÉLAISSÉE

VERBUM DIMISSUM
BERNARD, COMTE DE LA MARCHE TRÉVISANE

Trois Traités de la philosophie naturelle.


Paris, 1618, 3 parties en 1 vol. in-8.

a première chose requise à la secrète parût fausse en ses Principes, ils auraient gardé un

L Science de la Transmutation des


Métaux, est la connaissance de la
Matière, dont se tirent l’Argent-vif
des Philosophes et leur Soufre,
desquels ils font et constituent leur divine Pierre.
profond silence sur cette première Partie, et n’en
auraient fait aucune mention. S’ils n’en avaient
aucunement parlé, cette même Science eût été
entièrement ignorée, et serait périe, ou passerait
pour fausse.
La Matière, dont cette Médecine souveraine est Comme cette première Partie est le Commencement,
extraite, est l’Or, très pur, l’Argent très fin, et notre la Clef et le Fondement de notre Magistère, si cette
Mercure ou Argent-vif, lesquels tu vois Partie est ignorée, la Science demeure trompeuse et
journellement altérés et changés par artifice en fausse dans l’expérience. Afin donc que ce très
Nature d’une Matière blanche et sèche, en manière grand Secret, qui est la pierre, à laquelle on n’ajoute
de Pierre, de laquelle notre Argent-vif et notre rien d’étrange, ne se perde pas, à l’avenir, j’ai résolu
Soufre sont élevés et extraits avec force ignition, par d’en écrire quelque chose de certain et de véritable,
une destruction réitérée de cette matière, en ayant vu cette bénite Pierre, et l’ayant tenue, dont
résolvant et sublimant. Dieu m’est témoin, et j’en confie le Secret à toute
Dans cet Argent-vif sont l’Air et le feu, qui ne Âme sacrée, sous peine de périr, si elle le révèle aux
peuvent être vus des yeux corporels, tant ils sont Méchants. C’est pourquoi les Philosophes ont appelé
rares et spirituels : Ce qui dément ceux qui croient ce Secret la Parole délaissée, ou tué en cet Art, qu’ils
que les quatre Éléments sont réellement et ont presque tous cachés avec soin, de peur que les
visiblement séparés dans l’Ouvre, chacun à part ; indignes n’en eussent connaissance.
mais ils n’ont pas bien conçu la nature des Choses ; Il faut donc que tu saches que la Pierre Philosophale
Car, on ne peut donner les Éléments simples ; nous est divisée en trois Degrés, savoir : la Pierre
les connaissons seulement par leurs opérations et les Végétale, la Minérale et l’Animale ou qui a Âme et
effets, qui sont dans les bas Éléments, savoir dans la Vie. La Pierre Végétale, disent les Philosophes, est
Terre et dans l’Eau, selon qu’ils sont altérés de proprement et principalement cette première Partie,
nature close et grosse, par laquelle ils sont mués de qui est la Pierre du premier Degré, de laquelle,
Nature en Nature. Pierre de Villeneuve, frère d’Arnaud du même nom,
L’Or et l’Argent, selon la Doctrine de tous les dit sur la fin de son rosaire : Le commencement de
Philosophes sont la Matière de notre Pierre. En notre Pierre, est l’Argent-vif, ou sa Sulfuréité, qu’il
vérité, dit Hermès, son Père est le Soleil, et sa Mère nous faut avoir de sa grosse Substance corporelle,
est la Lune. avant qu’il puisse passer au second degré.
Ce qui embarrasse le plus, c’est de savoir quel est le Le commencement donc de notre Pierre, est que le
tiers Composant ; c’est-à-dire quel est cet Argent-vif, Mercure, croissant en l’Arbre, soit composé et
duquel nous faisons notre Compost avec l’Or et sublimé en l’allégeant : car c’est le germe Volatil, qui
l’Argent. se nourrit, mais qui ne peut croître sans l’Arbre fixe,
qui le retient, comme le téton fait la vie de l’enfant.
Pour le savoir, il faut remarquer que l’Œuvre des
De là, il paraît que cette Pierre est Végétale, comme
Philosophes est divisée principalement en deux
étant le doux Esprit, croissant du Germe de la Vigne,
Parties. Les Philosophes divisent la seconde Partie
joint dans le premier œuvre au Corps fixe
en Pierre blanche accomplie, et en Pierre rouge
blanchissant, ainsi qu’il est dit dans le Songe-Vert,
également accomplie. Mais parce que le fondement
où la Pratique de cette Pierre Végétale est donnée, à
du Secret consiste dans la première Partie, ces
ceux qui savent entendre la Vérité ; laquelle
Philosophes ne voulant pas divulguer ce Secret, ils
Pratique, je ne mettrait point ici pour de justes
ont fort peu écrit de cette première Partie. Et je crois
raisons.
que si ce n’eût été pour éviter que cette Science ne
Mercure Vulgaire, comme dit le Texte, est facilement
PREMIER DEGRÉ congelé.
ans le premier degré de la Pierre

D
Cependant il n’est pas fixe par lui-même ; car pour
Physique, nous devons l’aire notre
le devenir, il faut qu’il soit joint au Soleil et à la
Mercure Végétal net et pur, qui est
Lune, et fait leur Ami, afin que ce qui est en lui
appelé par les Philosophes Soufre
volatil soit fixé avec ces deux Corps ; c’est-à-dire,
blanc, non urent, lequel sert de
que de cette Chose qui est composée de toutes ces
moyen pour conjoindre les Soufres avec les Corps, Et
Choses mêlées ensemble avec les Collatéraux, le
comme ce mercure est véritablement de Nature fixe,
Mercure vulgaire puisse être directement fixé. C’est
subtile et nette, il s’unit avec les Corps, y adhère, et
la cause pourquoi de nouveaux Corps y sont mis, et
se joint dans leur profond, moyennant sa chaleur et
ils sont fixes, afin que le Feu composé, qui est appelé
son humidité.
Mercure sublimé, ou première Matière, soit
Les Philosophes ont dit de lui, qu’il est le moyen de tellement informé du Ferment propre, qu’il obtienne
conjoindre les Teintures, et non pas l’Argent-vif la force de longue persévérance dans la bataille du
Vulgaire, qui est trop froid et flegmatique, et par Feu, malgré sa grande âpreté.
conséquent destitué de toute opération de Vie,
A ce sujet, l’Hortulain dit, que ce à quoi ce Mercure
laquelle consiste dans la chaleur et dans la moiteur.
doit être joint : c’est-à-dire, avec quoi il doit se fixer,
Mais parce qu’il est en partie volatil, il sert aussi de ne doit point lui être étranger. En parlant de ce
moyen pour mêler les Esprits volatils, et pour Mercure, Raymond Lulle dit, que l’Argent-vif, par
adhérer à se joindre à la Substance fixe des Corps. nous fait, congèle le commun, et est aux Hommes
Nous allons toucher la triple cause de sa nécessité. plus commun que le commun du moindre prix ;
La première, comme nous avons à joindre les deux qu’il est de plus grande vertu, comme aussi de plus
Semences, à savoir du Mâle et de la Femelle, il faut forte rétention. Ce qui fait dire à Geber, qu’il est
que l’un soit mêlé avec l’autre par un naturel amour, signe de perfection, parce que c’est une Gomme plus
et par une connaturelle spongiosité, en sorte que ce noble que les Marguerites, laquelle convertit et attire
qu’il y a de plus dans l’un soit attiré par le plus de toute autre Gomme à sa Nature fixe, claire et pure ;
l’autre, et par conséquent que l’un soit mêlé avec la fait toujours durer avec elle au Feu, avec lequel
l’autre, et qu’ils soient conjoints ensemble. elle s’éjouit. C’est pourquoi, dit le Texte, alléguant
Et pourtant, comme ces deux Corps, Or et Argent, Morien : Ceux qui croient composer notre bénite
sont rendus moites par une chaleur digestive, Pierre, sans cette première Partie, sont semblables à
dissolutive, et subtilative, alors ils deviennent ceux qui veulent monter aux plus hauts Pinacles,
première Matière et simple ; et en cet état, ils sans échelle, lesquels avant que d’y arriver, tombent
prennent le nom de Semence prochaine à en bas en misères et en douleurs.
Génération, par l’impression qu’ils reçoivent à cause Ce Mercure donc est le commencement et le
de leur simplicité et de leur obéissance à la chaleur fondement de tout ce glorieux Magistère ; car il
instrumentale, équipollente et semblable à la chaleur contient en soi un Feu qui doit être repu et nourri de
naturelle de ce Mercure. Et c’est alors que s’en fait plus grand et plus fort Feu, au second Régime de la
l’Elixir des Philosophes ; la première Partie de la Pierre.
Pierre étant ordinairement appelée de ce nom Donc, tant le Feu enclos de ce Mercure par le
d’Elixir. premier Régime, que celui qui doit être aussi enclos
Cette première Partie donc est un Moyen pour par le second, dans les Choses naturelles, est nommé
conjoindre les extrémités du Vaisseau de Nature, et propre Instrument, qui est la seconde Chose requise,
dans ce Vaisseau, les Esprits doivent être transmués et principalement à connaître dans ce haut
en fuyant de Nature en Nature. Ce que nous disons Magistère. En sorte que la Matière dont on doit
fait voir la seconde cause de sa nécessité ; car comme commencer l’Œuvre étant connue, on doit
la Pierre doit être imprégnée d’Esprits, il convient premièrement enclore le Feu dans la Matière volatile
qu’il y ait en elle quelque Vertu rétentive, qui et fixe, en chauffant et coagulant avec Dissociation
embrasse ces Esprits, afin qu’ils soient plus des Corps. Pour faire un Mystère de cette inclusion
facilement mêlés aux très petites Parties des Corps. ou emprisonnement du Feu, les Philosophes l’ont
Cette Vertu rétentive est véritablement dans ce appelée Sublimation ou Exaltation de Matière
Mercure Physique ; et comme il est en partie de mercurielle.
Nature spirituelle, il est un véritable Esprit, dépuré Ce qui fait qu’Arnaud de Villeneuve dit, Que le
et purifié de toute féculence ou résidence terrestre : Mercure soit premièrement sublimé, c’est-à-dire, le
Esprit, dis-je, véritable et fixe, et en partie volatil : Mercure étant de nature basse, savoir de Terre et
Car il contient la Nature de l’un et de l’autre Feu ; ce d’Eau, il doit être ramené à une Nature noble et
qui manifeste sa ponticité ou aigreur, ou haute, savoir d’Air et de Feu, qui sont très prochains
componction aiguë qu’on remarque dans ses de ce Mercure, selon l’intention de la Nature et de
Opérations, puisque par ce Mercure mortifié, le l’Art. C’est pourquoi, quand cette Pierre mercurielle

LE TRÉVISAN –2– LA PAROLE DÉLAISSÉE


est ainsi exaltée et subtilisée, elle est sublimée de seulement un peu élevé sur les fèces du Vaisseau ;
première Sublimation, et il convient encore de la car la plus subtile et la plus pure Partie nage
sublimer avec son Vaisseau. Raymond Lulle dit à ce toujours sur ces fèces, et se joint aux côtés du
sujet : Nous espérons en notre Seigneur que notre Vaisseau, ce qui est impur demeurant naturellement
Mercure sera sublimé à plus grandes Choses, avec au fond, parce que la Nature, par cette évacuation,
addition de la chose qui le teint et son âme sera désire être restituée en mieux, en perdant de
exaltée en gloire. mauvaises et d’impures parties pour en recouvrir de
Je te dis donc, appelant Dieu à témoin de cette plus pures et de meilleures. Par toutes ces choses, on
Vérité, que ce Mercure ayant été sublimé, il a paru voit la troisième Cause de sa nécessité laquelle est
vêtu d’une aussi grande blancheur, que celle de la que comme le Mercure est net, clair, blanc et
neige des hautes Montagnes, sous une très subtile et incombustible, il illumine toute la Pierre, la défend
cristalline splendeur, de laquelle il sortait, à d’adustion ou brûlement, et tempère l’ardeur du Feu
l’ouverture du Vaisseau, une si douce odeur qu’il ne contre Nature, en le ramenant à vrai tempérament et
s’en trouve point de semblable dans ce Monde. Et concorde avec le feu naturel :
moi, qui te parles, je sais que cette merveilleuse Car ce Mercure Philosophique contient par
blancheur a paru devant mes propres yeux ; que j’ai excellence le Feu innaturel, dont la souveraine Vertu
touché de mes mains cette subtile cristallinité, et que est attrempement contre l’ardeur du Feu contre
j’ai par mon odorat senti cette merveilleuse douceur, Nature, et comme une aide amiable du Feu naturel
de laquelle je pleurais de joie, étant étonné d’une naturalisant, c’est-à-dire se convertissant soi-même
chose si admirable. Et pour cela, béni soit le Dieu en Nature, ou se faisant soi-même naturel, par une
éternel, haut et glorieux qui a mis tant de douce attempérence avec le Feu naturel, ce qui est
merveilleux Dons dans les secrets de la Nature, qui a un très grand Secret, connu de peu de Gens, d’où se
bien voulu les montrer à quelques Hommes. Je sais Mercure est dit Terre nourrice, comme étant le
que quand tu connaîtras les Causes de cette Germe, sans lequel la Pierre ne peut croître ni se
Disposition, tu te demanderas : Qu’elle est donc multiplier. C’est pourquoi Hermès dit : La Terre est
cette Nature, qui étant donnée d’une Chose la nourrice de notre Pierre, de laquelle le Soleil est le
corrompante, tient néanmoins en elle une Chose Père, et la Lune la Mère. Elle monte de la Terre au
toute Céleste I Personne ne peut raconter tant de Ciel, et derechef elle descend en Terre. Sa force est
merveilles. Toutefois un temps viendra peut-être entière si elle est tournée vers la Terre, de laquelle
que je te raconterai plusieurs choses spéciales de Terre, avec les deux Corps parfaits, la droite
cette Nature, desquelles je n’ai pas encore obtenu du Composition des Philosophes prend naissance et
Seigneur la permission de t’instruire par écrit. commencement.
Quoi qu’il en soit quand tu auras sublimé ce Qu’il te suffise donc de ces deux Corps, car ils sont
Mercure, prends le tout frais et tout récent avec son semblables à la Chose requise et demandée, comme
Sang, de peur qu’il ne s’envieillisse, et le présente à le dit Arnauld de Villeneuve ; c’est-à-dire, Que
ses Parents, à savoir au Soleil et à la Lune, afin que comme la fin de la Pierre est d’être parfaite, elle
ces trois Choses, Soleil, Lune et Mercure, notre panait le Mercure vulgaire, et les autres Corps
Compost soit fait, et que commence le deuxième imparfaits, en les transmuant en Or et en Argent Il
Degré de notre Pierre, lequel se nomme Minéral. faut donc nécessairement rechercher cette Vertu
transmutative, là où elle est et on ne peut la trouver
DEUXIÈME DEGRÉ plus convenablement, que dans les Corps parfaits :
Car si la puissance, la force et la vertu de transmuer

S
i tu veux avoir une bonne
les Métaux imparfaits en véritable Or, n’est pas dans
multiplication en très fortes Qualités
un Corps pur et fin, en vain irait-on chercher cette
et Vertus Minérales par les
Vertu dans le Cuivre ou dans un autre Métal
Opérations du deuxième Degré,
imparfait Je dis la même chose de l’Argent ; car dans
moyennant Nature, prends les Corps
tout le Genre des Métaux, l’Or et l’Argent seulement
nets et unis avec eux ce Mercure, selon le Poids
sont parfaits.
connu des Philosophes et conjoints cette Eau sèche,
qui a en soi le Soufre des Éléments et qui est appelée Pour avoir donc cette Substance Mercurielle dans
Huile de Nature et Mercure sublimé et subtilié, laquelle est cette parfaite Vertu de transmuer en Or
dissous et endurci par les préparations du premier et en Argent les Métaux imparfaits, il faut recourir à
Degré, en séparant toujours et rejetant les résidences tes deux Corps parfaits, et non ailleurs. C’est
ou fèces qu’il fait dans la Sublimation, comme pourquoi tu dois savoir que la Conjonction de ces
n’étant d’aucune valeur. deux Corps est le terme naturel de dernière
Subtiliation et de Transmutation en la première
Il ne faut pas que dans notre Sublimation, la Chose
Matière de régénération ; et par cette raison, de cette
sublimée demeure à la hauteur du Vaisseau, comme
Conjonction, comme de première et simple Matière
il arrive dans la Sublimation des Sophistes. Dans la
est faite la Génération du véritable Élixir.
nôtre au contraire, ce qui est sublimé demeure

LE TRÉVISAN –3– LA PAROLE DÉLAISSÉE


La Lune réduite en première Matière, est la Matière laquelle ce Soufre de Nature doit se retirer par
passive ; car véritablement elle est l’Epouse du confortation et nourrissement, en mettant dans cette
Soleil, et ils sont l’un et l’autre en très prochaine Substance la Vertu minérale, pour qu’elle soit
affinité. finalement faite une nouvelle Nature, dénuée de
Telle est la convenance entre le Mâle et la Femelle du toutes terrestréités superflues et corrompantes, et de
Genre de l’Art, desquels s’engendre le Soufre Blanc toutes humidités flegmatiques, qui empêchent la
et rouge, conglutinant et congelant le Mercure : Et Digestion. Où il faut observer que selon les diverses
certainement meilleure Création et plus voisine altérations ou mutations d’une même Matière en sa
Transmutation est toujours faite, quand le propre Digestion, divers noms lui sont imposés par les
Mâle est conjoint avec sa propre Femelle en une Philosophes et selon différentes complexions,
nature : Et le Mâle est ce qui s’éjouit le plus au quelques-uns ont appelé ce Compost Présure
profond de la Matière passive par sa subtilité coagulante ou épaississante, d’autres l’ont nommé
naturelle, et il la transmue et convertit en sa nature Soufre, Arsenic, Azote, Alun, Teinture illuminant
de soufre. Ce qui a porté Dastin, Anglais, à dire de tout Corps, et L’Œuf des Philosophes : Car comme
cette Conjonction : Si la Femme blanche est mariée un Œuf est composé de trois choses, savoir, de la
avec le Mari rouge, ils s’embrasseront incontinent, se coque, du blanc et du jaune ; de même notre
joindront, s’accoupleront ensemble, et ne feront physique est composé de Corps, d’Âme, d’Esprit,
qu’un Corps par leur Dissolution. quoiqu’à la vérité notre Pierre soit une même chose,
selon le corps, selon l’Âme et Selon l’Esprit ; mais
Cette Copulation est le Mariage Philosophique, et le
selon diverses raisons et intentions des Philosophes,
Lien indissoluble. C’est pour cela qu’il est dit ; Ces
elle est tantôt dite une Chose, et tantôt une autre ; ce
Deux deviennent Un par conversion, et tiennent par
que Platon nous fait entendre, quand il dit, que la
Un, à savoir par notre Mercure, qui est l’Anneau du
Matière flue à l’infini, c’est-à-dire toujours, si la
souverain Lien ; Aussi est-il appelé La Fille de
forme n’arrête son flux.
Platon, qui conjoint les Corps assemblés par amour.
Ainsi c’est une Trinité en Unité, et une Unité en
Compose donc notre très secrète Pierre de ces trois
Trinité ; parce que là, sont Corps, Âme et Esprit ; là
Choses, et non d’autres ; car les choses requises à cet
aussi sont Soufre, Mercure et Arsenic : Car le Soufre
effet sont en elles seules.
spirant, c’est-à-dire jetant sa vapeur en arsenic opère
Cet Amalgame, ou Composition Physique, étant en copulant le Mercure ; et les Philosophes disent
ainsi traitée, on peut véritablement dire que la Pierre que la propriété de l’Arsenic est de respirer et que la
n’est qu’une Chose. Car tout ce Compost est une propriété du Soufre est de coaguler, congeler et
mixtion ou mélange dont le prix est d’une valeur arrêter le Mercure. Toutefois ce Soufre, cet Arsenic et
inestimable ; c’est-à-dire que le prix en est si grand ce Mercure ne sont pas ceux que pense le Vulgaire ;
qu’on ne saurait se le figurer : Car il est notre Airain, car ce ne sont pas ces Esprits venimeux que les
dont il est dit dans la Tourbe : Sachez tous que nulle Apothicaires vendent ; mais ce sont les Esprits des
vraie Teinture n’est faite que de cet Airain ; c’est-à- Philosophes qui doivent donner notre Médecine ; au
dire, de notre Confection, qui se fait seulement des lieu que les autres Esprits ne peuvent rien pour la
trois Choses, dont nous venons de parler : Et alors perfection des Métaux.
commence la seconde partie de notre très noble
C’est donc en vain que travaillent les Sophistes, qui
Pierre, et la Pierre du Second Degré qui est appelée
font leur Élixir de tels Esprits venimeux et pleins de
Minérale.
corruption. Car certainement la vérité de la
Il faut remarquer ici que la Pierre ou le Mercure, qui, souveraine subtilité de Nature, n’est en nulle autre
par la première Opération, était né si clair et si chose, que dans ces trois Choses à savoir Soufre,
resplendissant, est par cette seconde Opération Arsenic et Mercure Philosophique dans lesquels
mortifié, noirci, et devient difforme avec tout le seulement est la réparation et la totale perfection des
Compost, afin qu’il puisse ressusciter victorieux, Corps, qui doivent être purgés et purifiés
plus clair, plus pur et plus fort qu’il n’était
Les Philosophes ont imposé plusieurs noms à notre
auparavant. Car cette mortification est la
Pierre, et cependant elle n’est toujours qu’une Chose.
revivification parce qu’en le mortifiant il se revivifie
et en se revivifiant il se mortifie. Par cette raison, laissez la pluralité des noms, et vous
arrêtez à ce Compost, qu’il faut mettre une fois dans
Ces deux Opérations sont tellement enchaînées l’une
notre Vaisseau secret, d’où il ne doit point être tiré,
avec l’autre, que l’une ne peut être sans l’autre,
que la Roue élémentaire ne soit accomplie, afin que
comme l’enseignent tous les Philosophes ; car la
la force et vertu active du Mercure qui doit être
Génération de l’un, est la Corruption de l’autre. Tout
nourri, ne soit suffoquée ou perdue : car les
cela néanmoins, n’est autre chose que créer le Soufre
Semences des choses, qui naissent de Terre, ne
de Nature et réduire le Compost en la première
croissent ni ne multiplient si leur force et vertu
Matière prochaine au Genre Métallique.
générative leur est ôtée par quelque qualité
Sachez donc que ce Compost est cette Substance, de étrangère.

LE TRÉVISAN –4– LA PAROLE DÉLAISSÉE


Aussi semblablement, cette Nature ne se multipliera C’est une chose véritable, que si une Matière de
jamais, ni ne sera multipliée, si elle n’est préparée en Terre doit être faite Feu il faut qu’elle soit subtiliée,
manière d’eau. préparée et faite plus simple qu’elle n’était. Il en est
La matrice de la femme, après qu’elle a conçu, de même de notre Compost, atténué et subtilié, en
demeure close et fermée, afin qu’il n’y entre aucun telle sorte, que le Feu domine en lui et cette
air étranger, et que le fruit ne se perde pas : De subtiliation et préparation de terre est faite avec
même notre Pierre, doit toujours demeurer close Eaux subtiles, souverainement aigres et aiguës, qui
dans son Vaisseau, et rien d’étranger ne doit lui être n’ont aucune fétidité ni mauvaise odeur, telle
ajouté ; elle doit seulement être nourrie et informée comme dit Geber dans sa Somme, qu’est l’Eau de
par la Vertu informatrice de sa nature, et notre Argent-vif sublimé et ramené à nature de Feu,
multiplicative non seulement en quantité mais aussi sous les noms de Vinaigre, de Sel, d’Alun et de
en qualité très forte : De sorte qu’il faut influer ou plusieurs autres liqueurs très aigres. Par laquelle
mettre dans la Matière son humidité vivificative, par Eau les Corps sont subtiliés, réduits et ramenés à
la vertu de laquelle elle est nourrie, accrue et leur première Matière, prochaine, à la Pierre ou à
multipliée. l’Élixir des Philosophes. Remarquez que comme
l’Enfant au ventre de sa Mère doit être nourri de son
Après donc que notre Compost est fait, la première
aliment naturel qui est le sang menstruel afin qu’il
chose à laquelle on doit s’appliquer, c’est de l’animer
puisse croître en quantité et en qualité plus forte, de
en y mettant la Chaleur ou l’humidité vivificative ou
même notre Pierre doit être nourrie de sa graisse, dit
l’Ame ou l’Air, ou la Vie par la voie de la Solution et
Aristote, et de sa propre nature et substance. Mais
de la Sublimation avec Coagulation ; car sans cette
quelle est cette graisse qui est le nourrissement la
Chaleur elle demeurerait sans action, et sans Ame,
vie, l’accroissement et la multiplication de notre
serait privée de ses hautes vertus et n’aurait aucun
Pierre ? les Philosophes l’ont totalement celée,
mouvement de Génération. La manière d’introduire
comme étant le d Secret qu’ils ont juré de ne jamais
la Chaleur dans la matière, c’est de la convertir de
révéler ni manifester à, aucun, et ils ont remis à Dieu
disposition en disposition, et de nature en nature,
seul ce Secret pour le révéler OU inspirer à qui il lui
c’est-à-dire, de l’élever d’une nature très basse, à une
plaira. Cependant cette humidité grasse et vivifique,
nature très noble, et très haute.
ou donnant vie est appelée Par quelques
Cette disposition se fait par sa propre Sublimation, Philosophes, Eau Mercurielle, Eau permanente, Eau
Dissolution de Terre et Congélation d’Eau, ou demeurante au feu, Eau divine, et elle est la Clef et le
ingrossation ou Mortification ou résurrection et Fondement de toute l’œuvre.
Sublimation en légers Éléments. De sorte donc que
De cette Eau mercurielle et permanente, il est dit
tout le Cercle de ce Magistère, n’est autre chose
dans la Tourbe, qu’il faut que le Corps soit occupé
qu’une parfaite Sublimation, laquelle toutefois a
par la flamme du feu afin qu’il soit dérompu, dépecé
plusieurs opérations particulières et enchaînées
et débilité ; à savoir avec cette eau pleine de feu,
ensemble.
dans laquelle le Corps est lavé jusqu’à ce que tout
Cependant il y en a deux principales, à savoir la soit fait Eau, laquelle n’est pas eau de Nue ni de
parfaite Dissolution et la parfaite Congélation : Fontaine, comme le croient les Ignorants et les
Aussi tout le Magistère n’est autre chose que Sophistes, mais c’est notre Eau permanente ; laquelle
parfaitement dissoudre et parfaitement congeler toutefois sans le Corps avec lequel elle est jointe ne
l’Esprit : et ces opérations ont une telle liaison entre peut être permanente, c’est-à-dire qu’elle ne peut
elles, que jamais le Corps ne se dissout, que l’Esprit demeurer au feu, et qu’elle s’enfuit aussitôt : et tout
ne se congèle ni l’Esprit ne se congèle point, que le le secret de notre Pierre est dans cette Eau
Corps ne se dissolve. Ce qui fait dire à Raymond permanente : car c’est dans cette Eau qu’elle se
Lulle, que tous les Philosophes ont déclaré que parfait, parce que l’Humidité, qui la vivifie, est en
l’œuvre entier du Magistère, n’est que Dissolution et elle, comme étant sa vie et sa résurrection.
Congélation. Pour avoir ignoré ces opérations, de
Au sujet de cette Eau très secrète, il est dit dans la
grands personnages en d’autres Sciences ont été
Tourbe : l’Eau, par elle seule fait tout : car elle
trompés ; la Présomption de leur savoir leur a fait
dissout tout ; elle congèle tout ce qui est congelable,
présumer qu’ils entendaient les Cercles de la Nature
elle dépèce et dérompt tout sans aide d’autrui ; en
et la manière de circuler.
elle est la chose qui teint et qui est teinte : Bref notre
Il est donc important de bien connaître la manière de Œuvre n’est autre chose que vapeur et eau, qui est
cette Circulation qui véritablement n’est autre chose dite mondifiante, ou nettoyant, blanchissant,
qu’imbiber et abreuver, ou faire boire le Compost rubifiant et déjetant la noirceur des Corps, et les
selon le juste poids de notre Eau mercurielle, que les Philosophes l’ont nommée Eau permanente, Huile
Philosophes commandent de nommer Eau fixe et incombustible, ou qui ne peut être brûlée.
permanente, parce que dans cette Imbibition le C’est l’Eau que les Philosophes ont divisée en deux
Compost est digéré, dissout, et congelé d’une parties, l’une desquelles dissout le Corps en le
manière accomplie et naturelle. calcinant, c’est-à-dire en le réduisant en Chaux et en

LE TRÉVISAN –5– LA PAROLE DÉLAISSÉE


le congelant ; et l’autre partie nettoie le Corps de nette, blanche, pure, dénuée de toute corrosivité et
toute noirceur, le blanchit et rougit, et le fait fluer ou superfluité terrestre, adurante ou brûlante, et
courir en multipliant ses parties. Cette Eau dans la flegmatique évaporable.
Tourbe est appelée le Vinaigre très aigre et très aigu : En cette affinité du Vaisseau, l’humidité de l’Esprit
Car c’est une Humidité chaude en elle-même d’une est par sa viscosité ou nature gluante, retenue en
chaleur vivifiante contenant en soi une Teinture adhérence ou conjonction naturelle et ferme, et le
invariable, qui ne peut être altérée. Compost s’y échauffe comme dans son humidité
Alphidius a nommé cette Eau Attrempance ou radicale, mêlée et mortifiée. Après quoi la chose
mesure des Sages, et Urine des Jeunes Colériques. morte ressuscite avec la Sublimation joyeuse
Pour ne vas faire connaître cette Eau, les Philosophes d’enfantement, en soi relevant totalement de nature
l’ont cachée sous différents noms et elle n’est connue sulfugineuse et amère. Mais l’Enfant à la puissance
que de très peu de gens. de se soutenir soi-même ; et comme il est encore de
Hermès l’a connue et touchée, Gerber l’a connue, nature simple, il convient de le nourrir d’un petit lait
Alphidius l’a traitée, Morienus l’a écrite, le Lis l’a gras, à savoir de son Humidité vivifiante, de laquelle
entendue, Arnaud de Villeneuve l’a bien aperçue, en partie il a été engendré et qui est notre Eau
Raymond Lulle l’a faiblement déclarée, le Texte ne permanente, Lait de Vierge, ou Eau de vie qui ne
l’a pas ignorée, Rasis, Avicenne, Galien, Hippocrate, vient plaint de la vigne, et néanmoins elle est dite
Haly et souverainement Albert l’ont sagement Eau de vie, parce qu’elle vivifie notre Pierre et la fait
cachée, et Dastin, Bernard de Grave, Pythagore, ressusciter. Elle est aussi dite Sang réincrudé ou
Merlin l’ancien et Aristote l’ont très bien entendue : refait crud, menstrue blanchie, nourrissement de
Bref cette Eau qui triomphe de tout, est nommée l’Enfant, Viande du cœur, Eau de mer, Venin des
céleste, glorieuse, dernier et final Secret pour nourrir Vivants, Viande des Morts, et Argent vif des
notre honorable Pierre, sans laquelle Eau n’est Philosophes, dépuré de sa féculence terrestre par
jamais amendée, nourrie, accrue, ni multipliée ; et sublimation Philosophique.
pour cela les Philosophes ont celé la manière de faire Après donc que notre Compost est fait, on doit le
cette Eau comme la Clef de leur Magistère. Et mettre dans son vaisseau secret, cuire à feu très lent,
certainement, j’ai lu plus de cent volumes de Livres ou sec, ou humide, et lui faire boire de notre Eau
traitant de cet Art, sans avoir trouvé dans aucun la permanente, peu à peu, en dissolvant et congelant
perfection de cette Eau Mercurielle. J’ai vu aussi tant de fois que la Terre monte feuillée, laquelle
plusieurs hommes savants en cette science sans en ensuite doit être calcinée et finalement incérée, en la
avoir trouvé aucun qui eût ce Secret, excepté un fixant avec la même Eau qui est appelée Huile
grand Médecin qui me dit avoir soupiré pendant incombustible et fixe, jusqu’à ce qu’elle flue ou fonde
trente-six ans avant que d’y être parvenu. promptement comme de la cire.
Il est dit qu’à cette Nature est donné une double Raymond Lulle dit que la Création doit être tant de
Nature, à savoir d’Or et d’Argent dans les entrailles fois réitérée ou recommencée sur la Pierre, la
desquels comme dans le ventre de sa Mère, l’Argent Sublimation de la partie humide réservée, que la
vif est contenu multiplié, purgé et converti en Soufre Pierre avec sa propre Humidité, radicalement
blanc, non urant, par l’action de la chaleur du feu, permanente et fixe et qui ne laisse jamais son Corps,
étant là dedans informé régulièrement par l’Art. donne une droite fusion. C’est pourquoi, ajoute ce
Donc cette Eau Mercurielle n’est autre chose que Philosophe, il est commandé d’abreuver notre Pierre
l’Esprit des Corps converti en nature de avec cette Humidité permanente qui rend claires ses
Quintessence, donnant vertu à la Pierre et la parties ; car après sa parfaite mindation ou
gouvernant. Et cette Pierre ou notre Compost est purgation de toutes choses corrompantes, et
matrice contenante et Lien expédient et convenable mêmement des deux humeurs superflues, l’une
savoir Terre, Mère ou Vaisseau de Nature retenant grasse et adustible, et l’autre flegmatique et
vertu formative de la Pierre, en quoi la chaleur évaporable, la Pierre est ramenée en propre nature et
naturelle est mise qui est cette vertu issante du substance de Soufre non brûlant ; et sans cette
Vaisseau par le cinquième Esprit. C’est pourquoi ce Humidité, jamais notre Pierre n’est amendée,
Vaisseau est appelé Mère et Nourrice, parce qu’il nourrie, augmentée, ni multipliée. Il faut remarquer
donne une vertu naturelle au Soufre qu’il paît et que durant sa digestion, notre Pierre prend
qu’il nourrit. alternativement toutes sortes de Couleurs.
Ceci donc est notre Compost en ce Vaisseau naturel, Néanmoins, il n’y en a que trois principales dont on
dans lequel les Esprits sont transmués de nature en doit avoir grand soin, sans se mettre en peine des
nature, et plus ils fuient, plus ils s’altèrent dans ce autres ; la Couleur noire qui est la première, la Clef
Vaisseau et s’éloignent de leur corruption et et le commencement de l’Œuvre ; la Couleur blanche
imperfection, jusqu’à ce qu’ils parviennent à qui est la seconde ; et la Couleur rouge qui est la
l’accomplissement de Quintessence : ce qui fait qu’ils troisième. C’est pourquoi il est dit que la Chose dont
prennent, ou vêtent une nouvelle nature, qui est la tête est rouge, les pieds blancs et les yeux noirs est

LE TRÉVISAN –6– LA PAROLE DÉLAISSÉE


tout le Magistère. Digestions, on extrait de la Pierre cette moyenne
Observez donc que quand notre Compost commence Substance de Mercure qui est toute la perfection de
à être abreuvé de notre Eau permanente, alors il est notre double Magistère. De manière que la Pierre
entièrement tourné en manière de Poix fondue, et doit être purgée non seulement des sulfuréités, mais
devenu noir comme charbon ; en cet état, il est aussi de toutes terrestréités par Sublimation d’Eaux,
appelé la Poix noire, le Sel brûlé, le Plomb fondu, le par Calcinations de Terre, par Inhumations et
Laiton non net, la Magnésie et le Merle de Jean ; car, Décoctions de ces superfluités et par Réductions
durant cette Opération, on voit comme une nuée entre Distillations et Calcinations, et ensuite cette
noire volant par la moyenne Région du Vaisseau au moyenne Substance de ce Mercure vous conjoindrez
fond duquel demeure la Matière fondue en manière avec un Soufre qui lui soit propre et cuire le tout
de Poix qui se dissout totalement. En parlant de cette ensemble si longuement qu’il soit congelé et privé de
nuée, Jacques du Bourg Saint Saturnin s’écrit : toute Humidité superflue, par la voie d’une chaleur
naturelle qui lui corresponde ; après quoi il est
Ô bénite nuée qui t’envole par notre Vaisseau ! C’est
sublimé en Soufre blanc comme la neige Par tout
là l’Eclipse du Soleil, dont parle Raymond Lulle.
ceci on voit que notre Pierre contient en soi deux
Quand cette masse est ainsi noircie elle est dite substances d’une même nature, l’une volatile et
morte et privée de sa Forme : Le Corps est aussi dit l’autre fixe, et les Philosophes appellent ces
mort et éloigné de son attrampement, son Âme étant Substances unies leur Argent-vif. Par notre
séparée de lui. Alors l’Humidité se manifeste en Opération, la Pierre doit donc être parfaitement
couleur d’Argent-vif, noir et puant, lequel séparée de toutes superfluités brûlantes et
auparavant était sec, blanc, bien odorant, ardent, corrompantes, et il n’y doit demeurer que la seule et
dépuré de Soufre par la première Opération et il faut pure subtilité, ou moyenne Substance d’Argent-vif
recommencer à le dépurer par cette seconde congelé et dépuré de toute nature sulfureuse,
Opération. Ce Corps se trouve privé de son Âme étrangère ou corrompante. Cette Dépuration se
qu’il a perdue, de sa splendeur et de cette parfait quand le Corps se tourne en Esprit et que
merveilleuse lucidité qu’il avait premièrement et l’Esprit se retourne en Corps par réitération de
maintenant il est noir et enlaidi : ce qui fait que Calcination, réduction et sublimation, par lesquelles
Geber le nomme pour sa propriété Esprit puant, la Dissolution des Corps est faite avec la Congélation
Noir blanc occultement et rouge manifestement et ou Épaississement de l’Esprit, et la Congélation de
encore Eau vive sèche. cet Esprit se fait avec la Dissolution des Corps.
Cette Masse ainsi noire ou noircie est la Clef, le C’est donc par une seule Opération que toutes
commencement, et le signe d’une parfaite manière choses sont faites, à savoir Solution de l’Argent-vif,
d’opérer au second Régime de notre Pierre avec Congélation de certain poids de l’Argent-vif
précieuse. Aussi Hermès, dit-il, en voyant cette volatil, et leur ablution se fait avec Eau mesurée,
noirceur : Croyez que vous avez opéré par la bonne ainsi que la Coagulation de cette Eau, en Pierre se
voie. fait moyennant la chaleur du Mâle qui opère par la
Donc cette Noirceur montre la vraie manière Femelle.
d’opérer, car la Masse étant rendue difforme, et La Pierre naît donc véritablement après la première
corrompue de vraie corruption naturelle, il s’ensuit Conjonction de ces deux Mercures, comme
de cette Corruption une Génération de nouvelle d’Homme et de Femme et elle ne peut prendre
disposition réelle en cette Matière ; à savoir, naissance autrement.
acquisition d’une nouvelle Forme, lucide, claire,
Par cette Opération le Corps est dépecé, détruit et
pure, resplendissante et d’une odeur suave et douce.
gouverné soigneusement jusqu’à ce que son Ame
L’œuvre de noircir étant accomplie, il faut en venir à subtile étant extraite de son épaisseur, se soit
l’œuvre de blanchir qui est une des Roses de ce tournée en Esprit impalpable. Alors le Corps est
Rosier physique, laquelle est désirée de plusieurs, tourné en non Corps ; ce qui est la véritable Règle
requise et attendue. Toutefois, comme nous avons pour bien opérer.
déjà dit, avant que la parfaite blancheur apparaisse,
Souvenez-vous que tout ce Corps est dissous par
toutes les Couleurs qu’on saurait imaginer, sont vues
l’Esprit aigu et qu’il se fait spirituel en se mêlant
et aperçues dans l’Œuvre, desquelles on ne doit
avec lui.
point s’embarrasser, excepté seulement de la
Blanche qu’on doit attendre avec une patience Et comme cet Esprit est sublimé il est nommé Eau,
constante. laquelle se lave elle-même et se nettoie, comme nous
l’avons déjà dit, en montant avec sa très subtile
Observez que la manière d’opérer au Noir, au Blanc
Substance et délaissant ses parties corrompantes ; et
et au Rouge est toujours la même, à savoir cuire le
les Philosophes ont appelé cette Ascension,
Compost en le nourrissant de notre Eau permanente,
Distillation, Ablution et Sublimation.
c’est-à-dire le Blanc d’Eau blanche, et le Rouge d’eau
rouge, par lequel Nourrissement ou Imbibitions et

LE TRÉVISAN –7– LA PAROLE DÉLAISSÉE


blanc et au rouge est semblable.
TROISIÈME DEGRÉ
Cependant la Multiplication se fait en deux
uand la Sublimation se trouve

Q
manières ; l’une par projection en jetant un poids sur
parfaitement accomplie, la Pierre est
cent, et tout sera Médecine de laquelle un poids
alors vivifiée de son Esprit vivifiant,
convertira autre cent poids, aussi en Médecine
on Âme naturelle, dont elle avait été
parfaite ; et un poids de ces cent, fait cent poids de
privée en noircissant ; elle est
pur Argent, ou de pur Or.
inspirée, animée, ressuscitée et menée à la dernière
fin de toute subtilité et pureté, et réduite en Pierre Il y a d’autres manières plus profitables et plus
cristalline, blanche comme neige, elle est un peu secrètes de multiplier la Médecine par projection,
élevée dans le Vaisseau, au fond duquel demeurent dont je me tais à présent ; mais par Multiplication la
les résidences. Pierre est augmentée sans fin ; c’est à savoir par ses
Digestions, Animations ou Imbibitions d’Huile
Cette Pierre cristalline étant séparée de ses
Mercurielle, laquelle Huile est de nature des
résidences, mettez-la à part, et la sublimez sans ces
Métaux ; Et cette Multiplication se fait seulement en
résidences : car si vous vous essayez de la sublimer
imbibant ou abreuvant la Pierre de cette Huile
avec ces mêmes résidences, jamais vous ne les
permanente et en dissolvant et congelant autant de
séparerez d’ensemble et votre travail vous
fois qu’on le voudra : Car plus la Pierre sera digérée,
deviendrait inutile.
plus elle sera parfaite, et plus de poids elle
En sublimant donc sans ces résidences on a la Terre convertira, parce qu’elle sera plus subtiliée. En quoi
blanche feuillée, le Soufre blanc non urant, congélant est accomplie la Rose blanche, céleste, suave et si
et fixant après parfaitement le Mercure, nettoyant chérie des Philosophes. Après que la Pierre au blanc
tout Corps impur, et parfaisant l’imparfait en le est accomplie, il en faut dissoudre une partie, et tant
réduisant en véritable Argent. la calciner, selon que le veulent quelques
Ce Soufre étant ainsi sublimé il n’y a blancheur au Philosophes, que par vertu de longue Décoction, elle
monde qui excède la sienne, car il est dénué de soit tournée en cendre impalpable, et qu’elle
toutes choses corrompantes, et est une Nature devienne colorée en citrinité. Il faut ensuite
nouvelle, une Quintessence venant des plus pures l’abreuver de son Eau rouge jusqu’à ce qu’elle
parties des quatre Eléments ; c’est le Soufre de demeure rouge comme corail. Dans son Codicille, au
Nature, l’Arsenic non urant, le Trésor incomparable, Chapitre de la Calcination de la Terre, Raymond
la Joie des Philosophes, leur Délectation si désirée, la Lulle dit : N’oublie pas de calciner en son feu allumé
Terre blanche feuillée et claire, l’Oiseau d’Hermès, la la matière de la Terre préconnue de la Pierre avec
fille de Platon, l’Alun sublimé, le Sel Ammoniac, et réitération de Destruction de Distillation d’Eau et de
de nouveau le Merle blanc dont les plumes excèdent Calcination de Corps, jusqu’à ce que la Terre
en lucidité le cristal, et il est de grande resplendeur, demeure blanche et vide de toute humidité ; Et après
de très suave odeur et de souveraine pureté, netteté, continuez par plus grande force de feu et
subtilité et agilité. d’imbibition d’Eau jusqu’à ce qu’elle devienne
Ce Merle blanc Philosophique est d’une vertu rouge, comme Hyacinthe, en Poudre impalpable et
inexprimable, car c’est la Substance du plus pur sans tact. Le Signe de perfection est manifestement
Soufre du monde, laquelle est l’Ame simple de la montré, quand à sa dernière Calcination, la Matière
Pierre, nette et noble, et séparée de toute épaisseur demeure privée de toute humidité, en parlant du
corporelle. Il faut calciner ce Soufre blanc par sèche second Procédé et principalement du second
Décoction jusqu’à ce qu’il devienne une poudre Régime, qui est de faire la Pierre rouge. Geber dit,
impalpable et très subtile, et privée de toute qu’elle n’est pas faite sans addition de la chose qui la
Humidité superflue. Après quoi il doit être incéré de teint, que Nature connaît bien ; à savoir, sans qu’elle
l’Huile blanche des Philosophes, peu à peu jusqu’à soit abreuvée et teinte de cette Eau Céleste, de
ce qu’il nue dés promptement comme Cire. Cette laquelle il est dit au Lis des Philosophes : O Nature
incréation accomplie, qui n’est autre chose que Céleste ! comment tournes-tu nos Corps en Esprit. O
réduction à fusion, ou à fonte de la chose qui ne peut quelle merveilleuse et puissante Nature ! Elle est par
fondre, notre glorieuse Pierre des Philosophes au dessus tout, elle surmonte tout, et elle est le Vinaigre
blanc est parfaite, fluante et fondante, plus blanche qui fait que l’Or est véritable Esprit, ainsi que
que neige, participante de quelque Verdeur ; l’Argent. Sans elle ni Noirceur, ni Blancheur, ni
persévérante au feu ; retenant et congelant le Rougeur ne peuvent jamais être faites en notre
Mercure et le fixant ensuite ; teignant et transmuant Œuvre ; Donc, quand cette Nature est jointe au
tout Métal imparfait en véritable Lune. Et si vous en Corps, elle le tourne en Esprit, et de son Feu
jetez un poids sur mille d’Argent-vif ou de quelque spirituel, le teint d’une Teinture invariable et qui ne
autre Métal imparfait il les convertira en Argent plus peut être effacée.
fin, plus pur et plus blanc que celui des Mines. Hermès nomme cette Nature Céleste Eau des Eaux ;
La manière de la Projection et de la Multiplication au et Alphidius l’appelle Eau des Philosophes Indiens,

LE TRÉVISAN –8– LA PAROLE DÉLAISSÉE


Babyloniens et Egyptiens. Sans cette Eau, par ensuite Citron et Rouge et finalement Venin
laquelle les Corps sont faits Esprits et réduits à leur teignant.
première Nature ou Matière notre Pierre n’est jamais Car, comme dit Aegistus, ces Choses doivent être
amendée, la Blanche sans l’Eau blanche et la Rouge faites par division des Eaux. Je vous commande de
sans l’Eau rouge. ne mettre pas toute l’Eau ensemble, mais peu à peu
Soit donc la Pierre Rouge abreuvée de l’Eau Rouge, et cuisez doucement jusqu’à ce que l’Œuvre soit
pour qu’enfin tant par longue Décoction ou Cuisson accompli.
que par longue Imbibition ou continuel On voit par là que la Pierre demeure rouge de vraie
Abreuvement ; elle soit fait rouge comme Sang rougeur, lumineuse, claire et vive, fondante comme
Hyacinthe, Écarlate, ou Rubis, et luisante comme un Cire, par la teinture de laquelle l’Argent-vif vulgaire
Charbon embrasé, mis dans un lieu obscur. Et et tous Métaux imparfaits peuvent être teints et
finalement que notre Pierre soit ornée d’un Diadème parfaits en très vrai et très bon Or beaucoup meilleur
rouge. Ce qui fait dire à Diomèdes : Votre Roi venant que celui des Mines. En quoi est accomplie cette
du Feu avec sa Femme, gardez-vous de les brûler précieuse Pierre surmontant toute Pierre précieuse
par trop grand feu : Cuisez-les donc doucement, afin laquelle est un trésor infini à la gloire de Dieu qui vit
qu’ils soient faits premièrement Noirs, après Blancs, et règne éternellement.

FIN
V2.0

À PROPOS DE L’AUTEUR
ernard, comte de la Marche Trévisane produit pour en retirer une eau blanche et une eau

B est encore appelé le Bon Trévisan. Né


à Padoue en 1406, il était comte de
Trévigo, petit comté de la marche de
Trévise. Dès 14 ans et jusqu’à la fin
de ses jours, l’alchimie constituera l’unique
rouge…Toutes ces opérations n’arrivèrent à rien.
Trévisan décida alors d’abandonner un labeur qui
lui avait coûté 8 années de sa vie. Il travailla ensuite
avec un théologien qui prétendait retirer la pierre
philosophale de la couperose [sulfate de fer]. On
occupation de sa vie. Le jeune comte Bernard commençait par calciner pendant trois mois la
commença à étudier Djabir et Razis, mais de façon couperose, que l’on plaçait alors dans du vinaigre
irréfléchie, ce qui lui fit perdre 3000 écus. Rupescissa distillé 8 fois. Ce mélange était ensuite introduit
occupa alors son attention et quinze ans furent dans un alambic et l’on distillait ce produit 15 fois
occupés à ces études préliminaires. Il dépensa par jour, et ce pendant une durée d’un an. A la suite
encore 6000 écus en pure perte. Après avoir essayé de ce travail herculéen, Le Trévisan fut pris d’une
de faire la pierre philosophale avec du sel marin [à fièvre quarte dont il pensa mourir. A peine rétabli, le
15 reprises], il essaya de dissoudre séparément dans comte Bernard apprit d’un clerc de son pays que le
l’eau-forte [acide nitrique] de l’argent et du mercure. confesseur de l’empereur d’Allemagne, maître
Ces dissolutions, abandonnées à elles-mêmes, Henri, savait préparer la pierre philosophale. Il
étaient ensuite mélangées et concentrées sur des gagna donc l’Allemagne et fut admis à la
cendres chaudes de manière à être réduites aux deux connaissance du procédé, moyennant 10 marcs
tiers de leur volume primitif. Le résidu de d’argent. Voici ce procédé : on mêlait ensemble du
l’opération, placé dans une cucurbite étroite, était mercure, de l’argent, de l’huile d’olive et du soufre.
exposé à l’action des rayons solaires. On On fondait le tout à un feu modéré et l’on faisait
l’abandonnait à l’air afin qu’il se constitue de petits cuire lentement ce mélange au pélican, en remuant
cristaux. Au bout de 5 ans, aucun cristal ne s’était sans cesse. Après deux mois, le compost était séché
formé. dans une fiole de verre recouverte d’argile, et le
Le comte Bernard dut alors, parvenu à l’âge de 46 produit était placé pendant trois semaines sur des
ans, songer à essayer un autre procédé. Un moine de cendres chaudes. On ajoutait alors du plomb au
Citeaux, maître Geofroi de Leuvrier, lui enseigna mélange que l’on fondait dans un creuset et le
alors une autre méthode. Ils achetèrent ensemble produit de cette fusion était soumis à l’affinage.
2000 oeufs de poule, les firent durcir dans l’eau Hélas, cette tentative devait là encore se solder par
bouillante et enlevèrent les coquilles, qui furent un échec. Cet échec fut assez douloureux pour que
calcinées au feu. Le blanc et le jaune de ces oeufs fut Le Trévisan songea, pendant deux mois, à
séparé, et on les fit pourrir séparément dans du abandonner ses travaux.
fumier de cheval. Ensuite, on distilla 30 fois le Néanmoins, Bernard reprit courage et décida d’aller

LE TRÉVISAN –9– LA PAROLE DÉLAISSÉE


chercher des leçons auprès de docteurs étrangers. Il fuyez leurs sublimations, conjonctions, séparations,
parcourut successivement l’Espagne, l’Angleterre, congélations, préparations, disjonctions, connexions, et
l’Ecosse, la Hollande, l’Allemagne et la France. autres déceptions. Et se taisent ceux qui afferment autre
Enfin, désirant approfondir sur la question la science teinture que la nôtre, non vraie, ne portant quelque profit.
de l’Orient, il passa plusieurs années en Egypte, en Et se taisent ceux qui vont disant et sermonnant autre
Perse et en Palestine. Il séjourna aussi en Grèce soufre que le nôtre, qui est caché dedans la magnésie, et
méridionale à cause des problèmes liés à l’invasion qui veulent tirer autre argent vif que du serviteur rouge,
des troupes turques des pays du Proche-Orient. Il et autre eau que la nôtre, qui est permanente, qui
visitait surtout les couvents et travaillait à la nullement ne se conjoint qu’à sa nature, et ne mouille
préparation de l’oeuvre avec les moines que leur autre chose, sinon chose qui soit la propre unité de sa
renommée avait désigné à son attention. Hélas nature. Car il n’y a autre vinaigre que le nôtre, ni autre
encore, tous ces efforts n’aboutirent à rien. C’est régime que le nôtre, ni autres couleurs que les nôtres, ni
ainsi qu’il atteint l’âge de 62 ans en ayant dissipé la autre sublimation que la nôtre, ni autre solution que la
nôtre, ni autre putréfaction que la nôtre. »
plus grande partie des sommes résultant de la vente
de ses biens. Il est clair que ce texte, pourtant, exprime des idées
En 1472, il arriva à Rhodes sans argent, mais et développe des allégories claires pour qui se donne
conservant intacte sa vivacité et sa foi dans l’agent la peine de décrypter les textes alchimiques.
merveilleux qu’il poursuivait sans relâche depuis sa Trévisan nous prévient que ce qu’il va développer
prime jeunesse. A Rhodes habitait un grand clerc et plus bas est captieux : ainsi, quand il parle du soufre,
religieux qui avait la réputation de posséder la le rapporte-t-il à la magnésie et l’argent-vif au
pierre philosophale. C’est précisément pour se serviteur rouge, alors que c’est exactement l’inverse
mettre en rapport avec ce personnage de haut qu’il faut comprendre : l’argent-vif est tiré de la
lignage que Bernard s’était arrêté à Rhodes. magnésie tandis que le soufre est tiré du serviteur
Cependant, privé de ressource, il rencontrait de rouge ; l’eau permanente renvoie à ce sel en fusion
grandes difficultés pour aborder cet éminent Adepte qui a la propriété de ne point s’évaporer, etc.
auprès duquel, manifestement, on n’était pas admis Jacques Sadoul se place à un autre point de vue dans
les mains vides. C’est alors que la générosité d’un son Trésor des alchimistes – il est favorable aux
marchand, ami de sa famille, qui consentit à lui alchimistes – et cite les principaux ouvrages laissés
prêter 8000 florins, lui facilita l’accès à ce par Trévisan [du moins sommes-nous sûrs qu’il ne
personnage. Il paraît que son argent n’ait jamais reçu s’agit pas de textes apocryphes ce qui est d’un
un emploi aussi avisé, car le religieux de Rhodes certain intérêt] : celui déjà cité et la Parole Délaissée ;
devait enfin fixer les doutes de Trévisan et ouvrir c’est le texte que nous présentons donc. Cet ouvrage
enfin ses yeux à la véritable lumière. Après l’avoir de Trévisan a fait l’objet de commentaires de la part
induit, trois années de suite, en dépenses et travaux des Modernes. Fulcanelli cite la Parole Perdue (Le
inutiles pour l’exécution d’un procédé à base d’or et Mystère des Cathédrales, p. 139) quand il traite de la
d’argent mêlés à du mercure, le vieux précepteur lui Rosée de Mai : « Nous voudrions…montrer comment la
conseilla l’étude de la Tourbe des Philosophes où il rosée de Mai (Maïa était mère d’Hermès), – humidité
trouva cette maxime : « Nature s’éjouit de Nature. Et vivifiante du mois de Marie – s’extrait aisément d’un
Nature contient Nature. » A l’âge de 77 ans, Trévisan corps particulier, abject et méprisé…Nous touchons au
consacra les dernières années de sa vie à écrire plus haut secret de l’Oeuvre et désirons tenir notre
plusieurs traités dont le plus célèbre s’appelle Le serment. C’est là le Verbum dimissum du Trévisan… »
Livre de la philosophie naturelle des métaux [in C’est assez dire qu’il sera question dans ce texte de
Bibliothèque des Philosophes chimiques, T. II, Paris, la préparation du dissolvant universel encore appelé
1741]. le Lion vert de Ripley et d’Isaac Newton…Cette
A partir de là, les avis divergent. Un critique féroce Parole Délaissée a paru dans Trois Traitez de la
de l’alchimie – Louis Figuier qui a pourtant consacré Philosophie naturelle (Paris, Jean Sara, 1618). Nous
un livre [au demeurant remarquable] sur l’alchimie, laisserons la parole, pour finir, à L. Gérardin qui
épais de 433 pages – tente de nous persuader que conclue sur Bernard de Trévise : « L’alchimiste peut
Trévisan voulut se rendre utile aux innombrables ainsi découvrir la voie qui permet d’imiter les processus
adeptes engagés dans la même carrière où il avait naturels et de réaliser artificiellement au laboratoire ce qui
tristement usé son existence, et c’est [dixit Figuier] s’élabore lentement dans le grand fourneau terrestre… »
dans ce but qu’il consacra les sept dernières années Il n’est pas de réflexion plus vraie que celle-là sur le
de sa vie à écrire la Philosophie naturelle des Métaux. but ultime de l’alchimie opératoire. On peut se
Un passage de ce livre aidera les lecteurs à se faire demander si toutes les péripéties du Trévisan ne
une opinion : « Par quoi je conclu, nous dit-il, et me seraient pas qu’une allégorie de l’oeuvre, ce d’autant
croyez. Laissez sophistications et tous ceux qui y croient : que Denis Zachaire conte des avatars assez
superposables, cf. Cambriel.

LE TRÉVISAN – 10 – LA PAROLE DÉLAISSÉE

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