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Pédiatrie

B 259

Syndromes de Turner
et de Klinefelter
Diagnostic
PR Jean-Marie LIMAL
Département de pédiatrie, centre Robert-Debré, CHU, 49033 Angers Cedex.

Points Forts à comprendre Turner. Une malformation rénale associée est aussi un
signe d’appel.
• Nouveau-né
• C’est l’une des plus fréquentes aberrations Le syndrome de Turner est parfois révélé par un lym-
chromosomiques humaines : son incidence phœdème du dos des mains et des pieds avec palmure du
chez le fœtus de sexe féminin est de 3 %, cou, correspondant au syndrome de Bonnevie-Ullrich.
mais en raison de la létalité qu’elle entraîne, Le lymphœdème régresse en général après la naissance,
sa fréquence n’est que de 1/2 500 naissances mais il peut réapparaître à l’adolescence sous l’influen-
environ chez les filles. ce du traitement œstrogénique.
• Le syndrome de Turner peut être associé soit • Phénotype turnérien classique
à une monosomie de l’X, homogène dans toutes Depuis la description initiale de Henry Turner en 1938,
les cellules ou en mosaïque, soit à une anomalie les signes suivants sont ancrés dans l’esprit des méde-
de la structure de l’X (délétion). cins : très petite taille, pterygium colli (cou palmé),
• Les récentes approches moléculaires ont permis implantation basse des oreilles en rotation postérieure et
d’identifier différents gènes sur le chromosome celle des cheveux sur la nuque, fentes palpébrales anti-
X dont l’atteinte variable rend compte mongoloïdes, palais ogival, thorax en bouclier avec
des différents phénotypes observés. écartement mamelonnaire, cubitus valgus, absence de
• Parmi ceux-ci, la petite taille et la stérilité liées puberté et retard mental modéré.
à la dysgénésie gonadique, prédominent. • Autres phénotypes fréquents
Ces deux signes correspondent justement En réalité, ces symptômes sont variablement associés,
à 2 gènes différents sur le chromosome X, inconstants ou inexacts. En particulier, la fréquence du
repérés grâce à la biologie moléculaire. pterygium colli n’est que de 10 % dans certaines séries
• La cytogénétique conventionnelle ne permet pas et tous les intermédiaires sont observés : ébauche de pal-
de poser le diagnostic dans tous les cas. mure, simple brièveté du cou et même, plus rarement,
Si le résultat est négatif malgré longueur normale du cou. La notion de retard mental
une symptomatologie évocatrice, il faut refaire modéré est inexacte, sauf parfois en cas de chromosome
le caryotype à partir des fibroblastes cutanés X en anneau. De même, la fonction ovarienne peut être
(biopsie de peau). préservée. Les symptômes les plus fréquents sont : le
• En cas de formule chromosomique retard statural, l’aspect général trapu, la brièveté du cou,
45,X0/46,XY, les gonades dysgénétiques l’implantation basse des cheveux sur la nuque, le thorax
risquent de dégénérer en gonadoblastome en bouclier avec écartement mamelonnaire et présence
et il faut en faire précocement l’ablation. de nævus thoraciques, l’absence de puberté ou l’arrêt du
développement pubertaire. L’aphorisme célèbre : « toute
petite taille isolée chez la fille doit faire penser au
Syndrome de Turner syndrome de Turner » est parfaitement juste.
2. Troubles de la croissance, anomalies osseuses
Diagnostic clinique et puberté
Le retard statural est présent dans plus de 95 % des cas.
1. Phénotypes turnériens • Variabilité d’expression du retard statural
• Fœtus : le diagnostic prénatal, grâce à l’échographie Il existe un retard de croissance intra-utérin modéré
fœtale, peut être évoqué sur la constatation d’un hygro- dans un tiers des cas ; par exemple, les indications
ma kystique ; le caryotype fœtal, à partir des cellules du fournies par le carnet de santé révèlent typiquement
liquide amniotique prélevées par amniocentèse, une naissance à terme avec un poids de 2 700 g et une
démontre si cette anomalie correspond au syndrome de taille de 47 cm.

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SYNDROMES DE TURNER ET DE KLINEFELTER

grande dispersion, allant


de 128 cm à 161 cm.
Mais les tailles supé-
rieures à 150 cm sont
exceptionnelles. Les
résultats actuels du trai-
tement par l’hormone de
croissance permettent en
moyenne de se rapprocher
ou de dépasser 1,50 m.
• Anomalies osseuses
La plus anciennement
décrite est celle des
genoux avec aspect « en
enclume » du plateau
tibial interne et verticali-
sation du condyle fémo-
ral interne. À la main, la
brièveté du 4e méta-
carpien est inconstante.
Beaucoup plus fidèle est
l’aspect « grillagé » des
os du carpe et de l’épi-
physe radiale, qui traduit
un état de déminéralisa-
tion structurelle, incom-
plètement corrigée par
les œstrogènes. L’angle
carpien est inférieur à
130 ˚ en raison de l’as-
cension du semi-lunaire.
Le pincement de la par-
tie interne de l’épiphyse
radiale et (ou) l’aspect
flou de ses contours sont
souvent retrouvés. Ainsi,
l’observation attentive
de la radiographie de la
main, toujours deman-
dée pour évaluer la
maturation osseuse dans
une consultation pour
1 Variabilité d’expression du retard de croissance dans le syndrome de Turner. Dans le cas petite taille, peut souvent
orienter vers le syndro-
n° 1, c’est entre l’âge de 3 et 4 ans que le ralentissement de la croissance est observé (cassure de la me de Turner.
courbe). La taille finale est située dans la moyenne des turnériennes non traitées par l’hormone de
croissance (GH), c’est-à-dire 1 m 42. Remarquer aussi la taille de naissance de 47 cm : le retard
• Puberté dans
de croissance intra-utérin est fréquent. Le type de courbe du cas n°2 est plus rarement observé : le syndrome de Turner
la croissance est normale jusqu’à l’âge de 7 ans, mais le ralentissement n’est bien visible qu’entre Classiquement, ce syn-
l’âge de 9 et 11 ans, ce qui est trompeur ; la taille finale est de 1 m 52. Ce niveau de taille est drome est synonyme
rarement observé dans le syndrome de Turner et il faut se méfier d’un infléchissement tardif de la d’absence de puberté, en
croissance. Avec le traitement par la GH, la taille atteint fréquemment 1 m 50 ou plus. raison de la dysgénésie
gonadique. Cela est
exact dans environ 80 %
des cas. Depuis l’utilisa-
Le retard statural apparaît plus ou moins précocement, en tion de l’hormone de croissance, la fréquence des
moyenne vers l’âge de 3 ans (fig. 1). Il peut être isolé. pubertés spontanées a progressé, pouvant atteindre
Le retard de la maturation osseuse est variable. La taille 40 %. Dans ce cas, la séquence est l’apparition des
finale moyenne des turnériennes non traitées par l’hor- bourgeons mammaires vers l’âge de 12 à 13 ans,
mone de croissance est de 142 cm en France, avec une précédée de celle de la pilosité pubienne. La progression

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mammaire est variable selon le degré d’atteinte de la Diagnostic du syndrome de Turner :


fonction ovarienne. Parfois même, les règles apparais- le caryotype
sent et l’on connaît de rares cas de grossesse. L’obésité
apparaissant à l’adolescence ou favorisée par les œstro- • Initialement, le diagnostic cytogénétique de ce syn-
gènes est fréquente. drome était basé sur l’absence de chromatine sexuelle
(corpuscule de Barr) dans les noyaux cellulaires préle-
3. Atteintes viscérales et autres symptômes vés par frottis buccal. Cet examen a été remplacé par le
Deux atteintes viscérales sont fréquentes : les malforma- caryotype (fiabilité insuffisante en raison des
tions rénales et la coarctation de l’aorte. mosaïques).
• Les reins peuvent être réunis en fer à cheval, visibles à • Le caryotype (prélèvement de sang, culture des lym-
l’échographie. D’autres types d’uropathies malforma- phocytes) montre typiquement une formule chromoso-
tives existent, ainsi que des sténoses vasculaires rénales. mique 45,X0 dans 50 à 60 % des cas. En fait, si l’on
La fonction rénale est normale dans le syndrome de multiplie le nombre de cellules examinées, si l’on étudie
Turner. les fibroblastes en culture à partir d’un prélèvement
• La coarctation de l’aorte doit être systématiquement cutané, la fréquence des mosaïques (45X0/46XX) aug-
recherchée à l’échographie (10 % des cas). À l’inverse, mente. Récemment, la biologie moléculaire du chromo-
la découverte chez une petite fille d’une coarctation some X a permis d’affirmer le diagnostic chez des filles
symptomatique (hypertension artérielle) entraîne la réa- ayant certains signes cliniques avec caryotype normal.
lisation d’un caryotype. Les autres malformations Le syndrome de Turner est donc caractérisé soit par la
décrites sont la bicuspidie des valves aortiques et un perte d’un X, soit par une anomalie de sa structure.
prolapsus valvulaire mitral. De rares cas de dissection • Les différentes formules chromosomiques ont été
aortique ont été rapportés pouvant survenir dès l’adoles- indiquées sur le tableau I et la figure 2 : cette variété
cence. L’hypertension artérielle peut être observée en contraste avec l’aberration chromosomique plus mono-
dehors de la coarctation. morphe du syndrome de Klinefelter. Existe-t-il une rela-
• Anomalies cutanées : outre les nævus cutanés tion entre phénotype et formule chromosomique ? Si
thoraciques qui doivent être surveillés (risque de certains pensent que la présence d’un chromosome en
dégénérescence), il faut signaler la fréquence des anneau favorise le retard mental, il n’est pas prouvé de
cicatrices chéloïdes, notamment après résection cutanée relation entre la formule chromosomique et l’intensité
chez les filles ayant un cou palmé. Les ongles sont petits du retard statural.
et bombants, les ongles incarnés fréquemment observés Dans environ 5 % des cas, le caryotype révèle une
aux pieds. mosaïque 45,X0/46,XY. On observe rarement un certain
• Autres manifestations : l’association avec certaines degré de masculinisation des organes génitaux externes.
maladies auto-immunes comme la thyroïdite, plus Les gonades dysgénétiques ont un pouvoir de multipli-
rarement le diabète sucré est reconnue. Parmi les cation cellulaire préservé sous l’influence de l’Y, expli-
troubles sensoriels, l’hypoacousie peut être provoquée quant la formation fréquente d’un gonadoblastome ; le
par la répétition des otites moyennes. potentiel métastatique de celui-ci est faible, mais le
risque de germinome malin rend l’ablation chirurgicale
4. Intelligence et comportement des gonades indispensable dès la petite enfance.
L’idée que ces filles turnériennes ont une intelligence
souvent inférieure à la normale doit être fortement
dénoncée. Depuis le début des années 1980, le mystère
qui entourait la maladie, parfois entretenu par les TABLEAU I
médecins, le trouble des parents à l’annonce du diagnos-
tic, l’image dévalorisée transmise à l’enfant ont Principales anomalies chromosomiques
contribué à accréditer la notion de QI insuffisant. Depuis rencontrées dans le syndrome de Tur-
une quinzaine d’années, la prise en charge pédiatrique a
été considérablement améliorée. L’annonce plus ou
moins précoce du diagnostic à l’enfant, l’amélioration Monosomie haplo X 45,X0
du pronostic de taille grâce au traitement par l’hormone Mosaïques 45,X0/46XX (fréquentes)
de croissance, les associations de parents ont beaucoup 45,X0/47,XXX
contribué à redresser cette image défavorable. En dehors 45,X0/46,XX/47,XXX
des cas avec chromosomes X en anneau, l’intelligence
est normale, quoique les performances en mathéma- Isochromosome pour le bras long
tiques soient souvent le point faible. De plus, la fémini- Chromosome X en anneau
sation bien conduite par les œstroprogestatifs, la possi- Délétions du bras court ou long de l’X
bilité de procréation médicalement assistée contribuent
à valoriser ces jeunes filles dont l’insertion sociale à À part : mosaïques 45,X0/46XY ou
l’âge adulte devient le plus souvent normale. 45,X0/46,XX/46,XY

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SYNDROMES DE TURNER ET DE KLINEFELTER

pements pubertaires normaux. Ces images peuvent être


asymétriques. Ensuite, l’utérus est mesuré : il est normal
chez la petite fille. Si la puberté n’apparaît pas, son
grand axe ne dépasse pas 32 mm en hauteur. Que les
caractères sexuels secondaires apparaissent spontané-
ment ou grâce aux œstrogènes, on peut suivre le déve-
loppement utérin et l’apparition d’une ligne de vacuité.

Diagnostic hormonal
Il était classique de dire que les gonadotrophines plas-
matiques, principalement FSH (follicule stimulating
hormone) s’élevaient anormalement avant l’âge physio-
logique de la puberté : cela est vrai s’il n’y a pas de
structure ovarienne. Mais si les ovaires sont bien repérés
à l’échographie, la montée de FSH, de LH (luteinizing
hormone) et de l’œstradiol plasmatiques s’effectue nor-
malement. Fréquemment, on observe un épuisement de
la fonction ovarienne au cours ou au décours de la
puberté, et les taux de FSH et de LH s’élèvent anormale-
ment, comme on peut le voir à la ménopause.
L’élévation de FSH précède celle de LH.
La sécrétion d’hormone de croissance est normale dans
le syndrome de Turner.

Diagnostic différentiel
2 Différentes anomalies de la structure du chromosome X Le syndrome de Noonan représente la seule situation où
dans le syndrome de Turner. la confusion est possible avec le syndrome de Turner.
Mais certains traits distinctifs existent : hypertélorisme,
ptosis palpébral, fentes palpébrales antimongoloïdes,
hypoplasie malaire, pectus excavatum, présence
d’ovaires, absence de coarctation de l’aorte : c’est la voie
Signalons que les études de biologie moléculaire ont pulmonaire qui est au contraire parfois touchée dans le
démontré que dans 80 % des cas c’est le chromosome X syndrome de Noonan, où le caryotype est normal.
d’origine paternelle qui manque en cas de monosomie ; En fait, chez une fille de petite taille, le caryotype s’im-
dans les mosaïques, son absence est à égalité d’origine pose si son phénotype n’oriente pas à l’évidence vers
paternelle ou maternelle. L’âge des parents à la concep- une étiologie.
tion n’influence pas la survenue du syndrome de Turner.

Points Forts à retenir


Diagnostic radiologique des organes
génitaux internes
• La description classique, initialement enseignée,
Avant l’introduction de l’échographie pelvienne, la ne représente pas la réalité du syndrome de
cœlioscopie était couramment utilisée pour obtenir un Turner.
document anatomique et constater le plus souvent des • La richesse et la variabilité des symptômes
bandelettes fibreuses dans les fossettes ovariennes. expliquent les fréquentes erreurs de diagnostic
Depuis l’avènement de l’échographie, l’accès radiolo- par défaut.
gique aux organes génitaux internes est facile : l’écho- • Il faut demander le caryotype au moindre doute
graphiste observe les régions ovariennes grâce à la en cas de retard statural, d’autant que le traite-
réplétion vésicale. Tous les intermédiaires existent : ment par l’hormone de croissance améliore le
absence de structures ovariennes, souvent remplacées pronostic de taille.
par une bandelette fibreuse, image d’ovaires plus ou
• La survenue spontanée de la puberté n’élimine
moins bien différenciés : ovaires de petite taille sans
en rien le syndrome de Turner.
image folliculaire, ovaires d’aspect normal enfin, avec
de nombreux follicules qui expliquent certains dévelop-

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Pédiatrie

Points Forts à comprendre micropénis (taille < 3 cm), cryptorchidie bilatérale


(nouveau-né à terme), hypospadias dans le cadre d’un
pseudo-hermaphrodisme masculin. Il faut signaler un
• Le syndrome de Klinefelter représente fait méconnu : la fréquence du poids et du périmètre
la cause la plus fréquente de stérilité masculine. crânien de naissance inférieurs à la moyenne.
• Son incidence est plus élevée que celle du
syndrome de Turner : 1/500 à 1/1 000 nouveau-nés 3. Enfance
de sexe masculin. Les enfants peuvent être normaux : organes génitaux
• Il s’agit d’une dysgénésie touchant initialement externes, aspect général, performances scolaires. Dans
le tissu exocrine des testicules, c’est-à-dire les d’autres cas, les signes suivants permettent d’orienter le
tubules séminifères. La hyalinose, puis la fibrose diagnostic : 1. micropénis, volume testiculaire inférieur
vont enserrer progressivement les cellules à la normale ; 2. grande taille, minceur, longues jambes
de Leydig (testicule endocrine), expliquant (aspect macroskèle) avec diminution du rapport segment
la baisse progressive des concentrations supérieur/segment inférieur ; 3. retard psychomoteur,
de la testostérone circulante qu’il faudra difficultés scolaires, troubles du caractère, surtout s’ils
suppléer à l’adolescence et à l’âge adulte. sont associés aux signes précédents.
• Au moment où la testostérone s’abaisse, Rarement une dysmorphie faciale existe : visage carré,
les gonadotrophines, d’abord FSH puis LH, rétrognathie, hypertélorisme, signes qui peuvent être
s’élèvent à des valeurs supra-physiologiques, plus évidents chez l’adolescent et l’adulte.
traduisant le rétrocontrôle négatif 4. Adolescence et puberté
entre les sécrétions hormonales testiculaires
Il n’existe pas de retard pubertaire, sauf en cas de micro-
et les gonadotrophines.
pénis ou d’ambiguïté sexuelle découverts à la naissance.
• Généralement, cette évolution pathologique est Le déroulement de la puberté est variable ; la séquence
observée au cours ou au décours de la puberté, la plus fréquente est caractérisée par l’augmentation du
expliquant la régression du volume testiculaire volume testiculaire, l’apparition de la pilosité pubienne
et la dureté des glandes à la palpation. vers 12 à 13 ans, suivies de la croissance de la verge.
• L’aberration chromosomique responsable est la Souvent, les testicules atteignent 3 à 3,5 cm de longueur.
présence d’un X surnuméraire (47, XXY) Puis ils subissent un arrêt de développement, suivi d’une
venant dans la moitié des cas du père régression de leur volume vers 15 à 16 ans. Ce n’est que
et dans l’autre moitié de la mère. vers 18 à 20 ans que leur dureté et leur insensibilité sont
L’X surnuméraire est dû à une non-disjonction très caractéristiques. Mais tous les intermédiaires
méiotique dans la plupart des cas. Quand peuvent être observés : arrêt plus précoce de l’évolution
l’X maternel est en cause, l’âge maternel ou au contraire, régression plus tardive de l’involution
avancé est un facteur favorisant. des tubules séminifères.
• Plus le nombre d’X augmente (48,XXXY, La gynécomastie du syndrome de Klinefelter est un
49,XXXXY), plus le quotient intellectuel signe fréquent, retrouvé dans 60 à 80 % des cas.
diminue et plus la taille est petite. Contrairement à la gynécomastie physiologique, qui
• Il existe des mosaïques 46,XY/47,XXY apparaît vers 14 ans, en milieu de puberté et s’accom-
qui préservent plus ou moins la virilisation pagne de testicules ayant atteint plus de 4 cm de
et n’entraînent pas toujours d’azoospermie. longueur, celle du Klinefelter est souvent plus tardive,
vers 16 à 17 ans, alors que les testicules sont petits.
Le risque de cancer du sein est plus fréquent que chez
les hommes normaux.
Syndrome de Klinefelter
5. Adulte
Lorsque la virilisation d’un adolescent a été normale
Diagnostic clinique et si la régression du volume testiculaire est incomplète,
le diagnostic peut être porté lors d’une consultation
1. Diagnostic prénatal pour stérilité ou impuissance. Certains hommes atteints
Le risque étant plus élevé lorsque l’X surnuméraire de ce syndrome ont des testicules de 3,5 cm de long,
est d’origine maternelle, le caryotype réalisé sur les plus ou moins durs et sensibles : il s’agit souvent de
cellules du liquide amniotique est demandé en cas d’âge mosaïque 46,XY/47,XXY. C’est aussi en cas de
maternel avancé et peut révéler le syndrome de mosaïque que la fertilité peut être préservée. On pourrait
Klinefelter. faire un parallèle avec le syndrome de Turner : dans
les deux syndromes la stérilité est de règle, avec de rares
2. Nouveau-né exceptions.
Le syndrome doit être recherché de principe devant L’installation d’une obésité est possible à l’âge adulte,
certaines anomalies des organes génitaux externes : non ou insuffisamment corrigée par la testostérone.

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SYNDROMES DE TURNER ET DE KLINEFELTER

Croissance et anomalies squelettiques Ce tableau psychoaffectif variable invite donc à recher-


cher la cause des différences retrouvées et à approfondir
1. Croissance l’évolution des performances de l’enfance jusqu’à l’âge
adulte, puisque les séries pédiatriques manquent de
Elle est variable ; elle n’est pas aussi bien connue et repères pour apprécier l’évolution chez l’adulte. Mais,
décrite que dans le syndrome de Turner. Cependant, il a été démontré que la prise en charge précoce de ces
ces garçons ont généralement une courbe de croissance enfants avec des moyens pédagogiques et un soutien
au-dessus de la moyenne, mais on ne peut donner de psychologique adaptés pouvait considérablement amé-
fréquence exacte ; c’est la longueur excessive des liorer le retard mental et les troubles du comportement :
jambes qui est la cause de cette grande taille ; elle ne on retrouverait ainsi dans ce syndrome la même évolu-
dépend pas de la sécrétion de la testostérone puisqu’elle tion concernant la prétendue faiblesse intellectuelle chez
est observée avant la puberté, mais elle s’exagère à les filles turnériennes.
l’adolescence. À l’inverse, certains enfants ont une taille
évoluant au-dessous de la moyenne.
On retrouve ces variations dans l’évaluation de la taille Diagnostic hormonal
finale : selon les séries, la moyenne varie de 1,75 m
à 1,80 m avec des extrêmes de 1,63 m à 1,93 m. Il faut Avant la puberté, les concentrations de base de FSH et
remarquer que les sujets ayant plus d’un seul X de LH sont normales, mais leur réponse à l’injection de
surnuméraire ont fréquemment une taille inférieure à la Gn-RH (ou LH-RH) peut être supérieure à la normale.
normale. Au début et au cours de la puberté, les valeurs basales de
FSH sont anormalement élevées, de même que la répon-
2. Anomalies squelettiques se des gonadotrophines à la stimulation par la Gn-RH :
La plus connue est l’apparition d’une scoliose à cela traduit l’insuffisance de sécrétion progressive de la
l’adolescence. Les clichés osseux révèlent parfois des testostérone. Cependant, il existe des variations dans
hémi-vertèbres, des blocs vertébraux, des pouces l’apparition de cette séquence pathologique hormonale :
triphalangiens. Les anomalies dentaires sont peu plus les testicules sont dysgénétiques, plus les altéra-
connues mais intéressent les généticiens puisque la tions du rétrocontrôle entre testicules et hypophyse
croissance des dents est influencée par le dimorphisme seront précoces. À l’inverse, la sécrétion de testostérone
sexuel : l’épaisseur de l’émail et de la dentine est peut être longtemps préservée chez un adulte porteur
inférieure à celle des hommes normaux mais supérieure d’une mosaïque 46,XY/47,XXY.
à celle des femmes. La réponse de la testostérone plasmatique après injec-
tion d’HCG est normale avant la puberté, inférieure à la
3. Autres anomalies normale au cours ou au décours de la puberté.
La prédisposition aux tumeurs et aux cancers est On pense que la gynécomastie est due à l’insuffisance
reconnue : tératomes médiastinaux responsables de de sécrétion de la testostérone associée à une élévation
signes de précocité pubertaire avec sécrétion exagérée des protéines porteuses SHBG (sex hormone binding
d’hormone chorionique gonadotrophique (HCG), globulin), ce qui entraîne une baisse de la concentration
lymphomes, leucémies, adénome du foie. La fréquence de testostérone libre ; l’autre mécanisme est une aug-
du diabète sucré est plus élevée que dans la population mentation du rapport œstradiol/testostérone.
générale. Des anomalies de la fonction thyroïdienne ont été signa-
La bronchite chronique, les ulcères variqueux, l’ostéo- lées, la montée de la TSH étant parfois insuffisante après
porose sont décrits chez l’adulte. stimulation par la TRH (thyrotropin releasing hormone).
Environ 10 % des adultes ont des taux élevés d’anticorps
anti-thyroglobuline. Cependant, l’insuffisance thyroïdien-
Quotient intellectuel et comportement ne cliniquement décelable n’est pas la règle.

De grandes variations existent, mais le quotient


intellectuel moyen (QI) se situe autour de 90-100 avec Diagnostic cytogénétique
des scores parfois élevés (« intelligence supérieure »)
ou plus faibles particulièrement si le nombre de Le frottis buccal n’est plus utilisé à titre diagnostique : la
chromosomes X augmente. Le QI est généralement chromatine sexuelle est positive et le nombre de corpus-
supérieur aux performances verbales (troubles du cules de Barr observés varie selon le nombre de chromo-
langage). Les troubles du comportement sont très somes X (1 corpuscule pour 47,XXY, 2 corpuscules
variables : calme, apathie, manque d’initiative contras- pour 48,XXXY).
tent avec des crises d’agressivité pouvant confiner, C’est le caryotype qui permet d’établir le diagnostic. la
rarement, à de véritables comportements psychiatriques. formule chromosomique 47,XXY est retrouvée dans
Certains sujets, spécialement ceux qui ont plus de plus de 90 % des cas. Sur le tableau II sont indiquées les
2 chromosomes X, ont été dépistés dans les hôpitaux diverses formes d’aberrations chromosomiques obser-
psychiatriques. vées dans ce syndrome. Comme dans le syndrome de

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Pédiatrie

TABLEAU II POUR EN SAVOIR PLUS


Différentes variétés de formules Syndrome de Turner
chromosomiques dans le syndrome Table ronde sur le syndrome de Turner. In : Journées parisiennes
de Klinefelter de pédiatrie. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1998 : 49-83.

Syndrome de Klinefelter
47,XXY Battin J, Malpuech G, Nivelon JL et al. Le syndrome de Klinefelter
en 1993. Ann Pediatr (Paris) 1993 ; 40 : 432-7.
phénotype typique ; intelligence normale; rarement QI i
48,XXXY
taille moyenne inférieure à la normale, QI en règle i ou
ii
49, XXXXY Points Forts à retenir
taille petite, dysmorphie, QI i i
46, XY/47XXY
• Le syndrome de Klinefelter doit être
virilisation plus marquée, azoospermie inconstante évoqué de façon systématique à la naissance
48,XXYY et dans l’enfance lorsqu’il existe des anomalies
phénotype typique, grande taille, troubles graves des organes génitaux externes.
du comportement
• Si des troubles du développement
psychomoteur et du comportement sont
associés, le caryotype s’impose d’autant plus.
Turner, des mosaïques sont rapportées mais, faute • Un diagnostic plus précoce permettrait
d’études systématiques à partir de différents tissus, on une prise en charge psychologique adaptée
ne peut évaluer leur fréquence. pour améliorer ou prévenir les troubles
L’origine de l’aberration chromosomique vient de la psychoaffectifs.
non-disjonction des chromosomes sexuels durant la pre- • Un arrêt du développement pubertaire
mière ou la seconde division méiotiques, soit d’origine
doit faire penser au diagnostic, surtout
paternelle, soit d’origine maternelle. Plus rarement il
si une gynécomastie s’associe à des testicules
s’agit d’une non-disjonction mitotique après la fertilisa-
tion. L’âge maternel avancé favorise le syndrome de de faible volume et à une grande taille.
Klinefelter, mais pas autant que dans la trisomie 21. ■

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