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B 259
Syndromes de Turner
et de Klinefelter
Diagnostic
PR Jean-Marie LIMAL
Département de pédiatrie, centre Robert-Debré, CHU, 49033 Angers Cedex.
Points Forts à comprendre Turner. Une malformation rénale associée est aussi un
signe d’appel.
• Nouveau-né
• C’est l’une des plus fréquentes aberrations Le syndrome de Turner est parfois révélé par un lym-
chromosomiques humaines : son incidence phœdème du dos des mains et des pieds avec palmure du
chez le fœtus de sexe féminin est de 3 %, cou, correspondant au syndrome de Bonnevie-Ullrich.
mais en raison de la létalité qu’elle entraîne, Le lymphœdème régresse en général après la naissance,
sa fréquence n’est que de 1/2 500 naissances mais il peut réapparaître à l’adolescence sous l’influen-
environ chez les filles. ce du traitement œstrogénique.
• Le syndrome de Turner peut être associé soit • Phénotype turnérien classique
à une monosomie de l’X, homogène dans toutes Depuis la description initiale de Henry Turner en 1938,
les cellules ou en mosaïque, soit à une anomalie les signes suivants sont ancrés dans l’esprit des méde-
de la structure de l’X (délétion). cins : très petite taille, pterygium colli (cou palmé),
• Les récentes approches moléculaires ont permis implantation basse des oreilles en rotation postérieure et
d’identifier différents gènes sur le chromosome celle des cheveux sur la nuque, fentes palpébrales anti-
X dont l’atteinte variable rend compte mongoloïdes, palais ogival, thorax en bouclier avec
des différents phénotypes observés. écartement mamelonnaire, cubitus valgus, absence de
• Parmi ceux-ci, la petite taille et la stérilité liées puberté et retard mental modéré.
à la dysgénésie gonadique, prédominent. • Autres phénotypes fréquents
Ces deux signes correspondent justement En réalité, ces symptômes sont variablement associés,
à 2 gènes différents sur le chromosome X, inconstants ou inexacts. En particulier, la fréquence du
repérés grâce à la biologie moléculaire. pterygium colli n’est que de 10 % dans certaines séries
• La cytogénétique conventionnelle ne permet pas et tous les intermédiaires sont observés : ébauche de pal-
de poser le diagnostic dans tous les cas. mure, simple brièveté du cou et même, plus rarement,
Si le résultat est négatif malgré longueur normale du cou. La notion de retard mental
une symptomatologie évocatrice, il faut refaire modéré est inexacte, sauf parfois en cas de chromosome
le caryotype à partir des fibroblastes cutanés X en anneau. De même, la fonction ovarienne peut être
(biopsie de peau). préservée. Les symptômes les plus fréquents sont : le
• En cas de formule chromosomique retard statural, l’aspect général trapu, la brièveté du cou,
45,X0/46,XY, les gonades dysgénétiques l’implantation basse des cheveux sur la nuque, le thorax
risquent de dégénérer en gonadoblastome en bouclier avec écartement mamelonnaire et présence
et il faut en faire précocement l’ablation. de nævus thoraciques, l’absence de puberté ou l’arrêt du
développement pubertaire. L’aphorisme célèbre : « toute
petite taille isolée chez la fille doit faire penser au
Syndrome de Turner syndrome de Turner » est parfaitement juste.
2. Troubles de la croissance, anomalies osseuses
Diagnostic clinique et puberté
Le retard statural est présent dans plus de 95 % des cas.
1. Phénotypes turnériens • Variabilité d’expression du retard statural
• Fœtus : le diagnostic prénatal, grâce à l’échographie Il existe un retard de croissance intra-utérin modéré
fœtale, peut être évoqué sur la constatation d’un hygro- dans un tiers des cas ; par exemple, les indications
ma kystique ; le caryotype fœtal, à partir des cellules du fournies par le carnet de santé révèlent typiquement
liquide amniotique prélevées par amniocentèse, une naissance à terme avec un poids de 2 700 g et une
démontre si cette anomalie correspond au syndrome de taille de 47 cm.
Diagnostic hormonal
Il était classique de dire que les gonadotrophines plas-
matiques, principalement FSH (follicule stimulating
hormone) s’élevaient anormalement avant l’âge physio-
logique de la puberté : cela est vrai s’il n’y a pas de
structure ovarienne. Mais si les ovaires sont bien repérés
à l’échographie, la montée de FSH, de LH (luteinizing
hormone) et de l’œstradiol plasmatiques s’effectue nor-
malement. Fréquemment, on observe un épuisement de
la fonction ovarienne au cours ou au décours de la
puberté, et les taux de FSH et de LH s’élèvent anormale-
ment, comme on peut le voir à la ménopause.
L’élévation de FSH précède celle de LH.
La sécrétion d’hormone de croissance est normale dans
le syndrome de Turner.
Diagnostic différentiel
2 Différentes anomalies de la structure du chromosome X Le syndrome de Noonan représente la seule situation où
dans le syndrome de Turner. la confusion est possible avec le syndrome de Turner.
Mais certains traits distinctifs existent : hypertélorisme,
ptosis palpébral, fentes palpébrales antimongoloïdes,
hypoplasie malaire, pectus excavatum, présence
d’ovaires, absence de coarctation de l’aorte : c’est la voie
Signalons que les études de biologie moléculaire ont pulmonaire qui est au contraire parfois touchée dans le
démontré que dans 80 % des cas c’est le chromosome X syndrome de Noonan, où le caryotype est normal.
d’origine paternelle qui manque en cas de monosomie ; En fait, chez une fille de petite taille, le caryotype s’im-
dans les mosaïques, son absence est à égalité d’origine pose si son phénotype n’oriente pas à l’évidence vers
paternelle ou maternelle. L’âge des parents à la concep- une étiologie.
tion n’influence pas la survenue du syndrome de Turner.
Syndrome de Klinefelter
47,XXY Battin J, Malpuech G, Nivelon JL et al. Le syndrome de Klinefelter
en 1993. Ann Pediatr (Paris) 1993 ; 40 : 432-7.
phénotype typique ; intelligence normale; rarement QI i
48,XXXY
taille moyenne inférieure à la normale, QI en règle i ou
ii
49, XXXXY Points Forts à retenir
taille petite, dysmorphie, QI i i
46, XY/47XXY
• Le syndrome de Klinefelter doit être
virilisation plus marquée, azoospermie inconstante évoqué de façon systématique à la naissance
48,XXYY et dans l’enfance lorsqu’il existe des anomalies
phénotype typique, grande taille, troubles graves des organes génitaux externes.
du comportement
• Si des troubles du développement
psychomoteur et du comportement sont
associés, le caryotype s’impose d’autant plus.
Turner, des mosaïques sont rapportées mais, faute • Un diagnostic plus précoce permettrait
d’études systématiques à partir de différents tissus, on une prise en charge psychologique adaptée
ne peut évaluer leur fréquence. pour améliorer ou prévenir les troubles
L’origine de l’aberration chromosomique vient de la psychoaffectifs.
non-disjonction des chromosomes sexuels durant la pre- • Un arrêt du développement pubertaire
mière ou la seconde division méiotiques, soit d’origine
doit faire penser au diagnostic, surtout
paternelle, soit d’origine maternelle. Plus rarement il
si une gynécomastie s’associe à des testicules
s’agit d’une non-disjonction mitotique après la fertilisa-
tion. L’âge maternel avancé favorise le syndrome de de faible volume et à une grande taille.
Klinefelter, mais pas autant que dans la trisomie 21. ■