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A 33
Épistaxis
Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence
PR Philippe HERMAN
Service ORL, hôpital Lariboisière, 75475 Paris Cedex 10.
3 Adénocarcinome de l’ethmoïde.
Le scanner (A) et surtout l’imagerie par résonance magné-
2 Rhinoscopie antérieure et endoscopie gauches. tique (B) révèlent l’existence d’une tumeur occupant la fosse
A – Notez la vision limitée vers la partie postérieure des nasale et les sinus ethmoïdaux, entraînant une rétention
fosses nasales lorsque seul le spéculum est utilisé. Ne sont dans le sinus maxillaire et refoulant la cloison.
visibles que la tête du cornet inférieur (CI), le septum (S), le
plancher des fosses nasales (P) et parfois la tête du cornet
moyen (CM).
B – L’endoscope permet un examen fin de la quasi-
totalité des fosses nasales après rétraction de la muqueuse.
Notez les queues de cornets inférieur (CI) et moyen (CM),
l’arche choanale (AC) et le cavum (C), enfin le récessus
sphéno-ethmoïdal (R).
Étiologie
4 Angiofibrome nasopharyngé.
1. Causes locales
A – Sur cette coupe coronale, notez la tumeur gauche,
Parmi les causes locales, on retrouve : centrée sur la choane avec un prolongement dans le foramen
• des causes idiopathiques : rupture capillaire au sphéno-palatin au voisinage immédiat de la fissure orbitaire
niveau de la tache vasculaire, spontanée, probable- inférieure (flèche).
ment liée à un étirement excessif de vaisseaux repo- B – Sur cette coupe sagittale, notez l’érosion osseuse du toit
du rhinopharynx réalisée par la tumeur qui pénètre ainsi
sant sur un support déformable – cartilage septal – ou
dans le sinus sphénoïdal.
consécutive à un grattage ;
• une rhinite atrophique – une perforation de cloison ;
• un traumatisme : fracture des os propres du nez, palatin. La découverte de cette tumeur violacée
fracture du squelette facial, fracture de l’étage antérieur parcourue par un lacis vasculaire évoque le diagnostic
de la base du crâne, voire exceptionnel traumatisme et proscrit toute biopsie en dehors d’un milieu spécia-
de la carotide interne ; lisé. Il s’agit en effet d’un angiofibrome, masse hyper-
• un corps étranger ; vascularisée dont l’effraction est très hémorragique.
• un polype saignant de la cloison ; Le diagnostic repose sur l’examen de la partie posté-
• une tumeur maligne du nez et des sinus : leurs types rieure de la fosse nasale à l’optique ou au fibroscope,
histologiques sont variés, qu’il s’agisse d’un adéno- et sur le scanner avec injection de produit de contras-
carcinome de l’ethmoïde (travailleur du bois), d’un te, qui met en évidence une lésion hypervascularisée
carcinome épidermoïde du sinus maxillaire, d’une dont il précise l’extension. Le traitement repose sur
tumeur de la placode olfactive, d’un mélanome, d’un l’exérèse chirurgicale précédée d’une embolisation
cylindrome ou carcinome adénoïde kystique… Quoi endovasculaire.
qu’il en soit, l’association de symptômes associés à
type d’obstruction nasale ou de rhinorrhée unilaté- 2. Causes secondaires
rales, d’hypo- ou d’anosmie doit faire rechercher cette Ces causes sont :
étiologie. Le bilan paraclinique repose alors sur la • une infection : banale rhinite, grippe, oreillons ;
biopsie avec examen anatomo-pathologique et sur • une maladie vasculaire : hypertension artérielle,
l’imagerie du massif facial (scanner avec injection et artériosclérose ;
imagerie par résonance magnétique [IRM] ; fig. 3) ; • des troubles de la coagulation ou de l’agrégation
• une tumeur du nasopharynx : angiofibrome naso- plaquettaire, congénitaux ou acquis ;
pharyngé (fig. 4). Surnommé « polype saignant de la • une prise médicamenteuse (antivitamine K, aspirine
puberté masculine », le fibrome nasopharyngien est et antiagrégeant plaquettaire) ;
une tumeur rare qui survient électivement chez les • la maladie de Rendu-Osler qui est une angiomatose
hommes, habituellement au stade pubertaire. Elle se familiale de transmission autosomique dominante. La
développe habituellement au pourtour du trou sphéno- maladie s’installe à l’âge adulte et se traduit par
os propres du nez, afin d’appliquer celle-ci contre la cloi- un ruban de 2 à 3 cm de large. Si plusieurs mèches sont
son. Cette compression doit être maintenue 5 à 10 min. successivement mises en place dans la même fosse nasa-
Dans les autres cas, c’est le plus souvent une manœuvre le, cela doit être colligé dans l’observation en vue du
de tamponnement qui est utilisée, toujours après une déméchage.
anesthésie locale avec rétraction de la muqueuse. Les De nombreux matériels de tamponnement peuvent
techniques de coagulation sous vidéo-endoscopie ne être utilisés. À la mèche grasse peuvent ainsi être
sont pas détaillées ici. substitués certains produits ayant une activité hémo-
statique (Algosteril), un pouvoir d’expansion (Mérocel),
1. Technique d’anesthésie locale et de rétraction etc. Le méchage est ensuite retiré 48 h plus tard en
Le principe est le suivant : l’hémostase est obtenue par consultation. Son retrait est souvent un peu traumatique.
compression, laquelle est maintenue plus de 24 h pour Aussi, lorsqu’il existe des troubles de l’hémostase
obtenir une thrombose du ou des vaisseaux en cause. connus, les mèches de type non résorbable sont pros-
Elle est toujours effectuée après une anesthésie locale crites au profit de matériaux pouvant être laissés en
avec vasoconstricteurs aussi prolongée que possible place et qui se déliteront avec quelques irrigations des
(supérieure à 10 min). En effet, celle-ci permet de fosses nasales au sérum physiologique (produits de type
rétracter la muqueuse des cornets ; on peut alors mettre Surgicel).
en place un méchage efficace sans lésion muqueuse
(nombre de tamponnements entraînent des lésions iatro- 4. Tamponnement postérieur
géniques importantes), réaliser le geste sans douleur, ce Réalisé selon la technique princeps, il s’agit d’une
qui est indispensable pour le confort du patient et aussi manœuvre délicate et douloureuse requérant un
parce que la douleur entraîne une augmentation réflexe opérateur expérimenté. Elle est au mieux réalisée après
de la pression artérielle, et enfin souvent arrêter le une très bonne anesthésie locale ou sous anesthésie
saignement. générale en sachant que l’induction anesthésique à
En pratique, on utilise un mélange de Xylocaïne et de estomac plein (épistaxis déglutie) ou en présence d’un
vasoconstricteurs (Xylocaïne à la naphazoline). saignement actif comporte un risque non négligeable
D’étroites bandes de coton d’environ 6 cm de long sont d’inhalation.
trempées dans le mélange puis introduites de façon Dans chaque narine est introduite une sonde de Foley ou
atraumatique le long du plancher de la fosse nasale, d’aspiration bronchique jusqu’à ce qu’elle soit visible
selon un plan parallèle au palais, à l’aide d’une pince de dans l’oropharynx. Elle est alors récupérée par la
Politzer dont la forme angulée permet d’éviter de blesser bouche et un tampon de mèche grasse de 2 x 2 x 2 cm,
le rhinopharynx en arrière. Deux, voire trois mèches solidarisé par 2 fils de 20 cm, est amarré à son extrémité.
sont ainsi introduites de chaque côté, de bas en haut, la Le second fil de rappel sort par la bouche à la fin de la
suivante repoussant la précédente vers le haut. manœuvre. Par une traction douce sur la sonde à partir
de l’orifice nasal, les tampons sont alors introduits dans
2. Cautérisation – Coagulation la bouche puis glissés derrière le voile pour bloquer
Les saignements dont l’origine est visible peuvent, l’isthme nasopharyngé. Le doigt vient alors bloquer les
lorsqu’ils sont peu abondants, être traités après anes- tampons dans le rhinopharynx. Puis, tandis que l’aide
thésie locale par cautérisation chimique ou thermique, exerce une traction douce mais ferme sur les fils, un
voire coagulation à l’aide d’une pince bipolaire. Cette tamponnement antérieur est réalisé. Les fils sont ensuite
manœuvre est relativement aisée sur la partie antérieure noués en tension en évitant une pression excessive sur la
de la cloison. Dans le cas des saignements postérieurs, columelle.
elle requiert en revanche un matériel sophistiqué. La durée maximale d’un tamponnement postérieur est
Les deux faces du septum ne doivent pas être cautérisées de 5 jours.
simultanément pour éviter une perforation. La surface En pratique, cette manœuvre est exceptionnellement
cautérisée doit être petite. réalisée. On lui préfère au mieux la mise en place de
sondes à double ballonnet (fig. 6), ou à défaut l’intro-
3. Tamponnement antérieur duction dans la fosse nasale d’une sonde de Foley glissée
C’est la qualité de l’anesthésie locale et de la rétraction jusqu’au cavum. Le ballonnet est ensuite gonflé à l’eau
qui fait l’efficacité du tamponnement. pour bloquer le rhinopharynx et empêcher tout saigne-
Pour être compressif et donc efficace, le tamponnement ment postérieur. Un tamponnement antérieur est alors
est le plus souvent réalisé de façon bilatérale en raison réalisé et la sonde de Foley maintenue en place.
de la compliance de la cloison qui se déforme aisément Ni la sonde de Foley, ni les fils de traction ne doivent
et diminue d’autant la pression exercée par le tampon- comprimer la columelle ou les cartilages alaires car une
nement. nécrose peut alors survenir rapidement et entraîner des
Après ablation des cotonnets, on introduit une mèche séquelles esthétiques.
grasse qui est tassée d’arrière en avant dans la fosse Une déviation septale majeure peut empêcher la
nasale. De grandes feuilles de Vitagaze ou Tulle gras réalisation d’un tamponnement efficace. Ce peut être
(20 x 20) sont utilisées. Afin d’éviter de traumatiser la l’indication d’une septoplastie afin de pouvoir réaliser
muqueuse, la gaze est découpée en serpentin pour obtenir l’hémostase.
7 Modalités d’embolisation et de
ligatures chirurgicales.
L’artère sphéno-palatine (A) et l’artère
faciale peuvent être contrôlées soit
par une embolisation par voie endo-
vasculaire, soit pour la première par
voie endonasale sous guidage endo-
scopique (B : en insert vue de l’artère
à son émergence du foramen sphéno-
palatin). Quant aux artères ethmoï-
dales (C), elles ne sont accessibles
qu’à un geste chirurgical mené par
une courte incision au-dessus de
l’angle interne de l’œil (D : en insert
vue de l’artère ethmoïdale tendue
entre la paroi interne d’orbite et la
périorbite refoulée en dehors).