Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
MEMOIRE COMPLEMENTAIRE
Le 8 mars 2010
Pour :
Monsieur Christophe GIRARD
79, rue du Temple
75003 PARIS
Représenté par :
SELAS LARTIGUE TOURNOIS ASSOCIES
Représentée par Maître Véronique LARTIGUE
Avocat au Barreau de Paris
4 Rue Dumont d'Urville - 75116 PARIS
Tél. 01.53.57.72.72. – Fax / 01.47.23.32.47. - PALAIS R 005
Objet :
1
*
**
Et se terminant par :
Par requête en date du 16 février 2010 Monsieur Christophe Girard a demandé au juge des
référés du Conseil d’Etat d’ordonner, sur le fondement de l’article L 521-1 du Code de justice
administrative, la suspension de l’exécution de la délibération du Conseil d’administration de
la société FRANCE TÉLÉVISIONS en date du 3 février 2010 afférent à la ladite résolution.
2
été ni publiée, ni notifiée au requérant et dont l'administration, sans en contester l'existence,
avait refusé de délivrer une copie au requérant (CE, ass., 4 janv. 1957, Messin : Rec. CE,
p. 10).. »
La demande fondée sur les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 sur le libre accès au
document administratif a été réitérée par lettre recommandée avec accusé réception en date du
8 mars 2010
En outre, FRANCE TELEVISIONS n’a toujours pas publié la délibération du 3 février 2010
au greffe du Tribunal de commerce de Paris.
Il résulte de ces éléments que le requérant est dans l’impossibilité juridique et matérielle de
joindre le procès verbal de délibération à la présente requête.
3
avec le consortium LOV-PUBLICIS, à défaut de communication par FRANCE
TÉLÉVISIONS du procès verbal du Conseil d’administration de FRANCE TÉLÉVISIONS
du 3 février 2010, il est demandé au Juge des référés d’enjoindre à FRANCE TÉLÉVISIONS
de communiquer ledit procès verbal.
Par un précédent arrêt en date du 11 février 2010, le Conseil d’Etat a considéré, dans une
espèce qui concernait déjà un recours en annulation d’une délibération du Conseil
d’administration de France Télévisions relative à la commercialisation des espaces
publicitaires de FRANCE TELEVISIONS PUBLICITE que « les requérants ont, en leur
qualité d’usagers du service public de la télévision, intérêt à agir contre la décision du
conseil d’administration de France Télévisions en date du 16 décembre 2008 ».
Par conséquent, ce dernier est recevable à solliciter devant le Conseil d’Etat l’annulation de la
délibération du Conseil d’administration de FRANCE TELEVISIONS en date du 2 février
2010.
En effet, là encore, aux termes de l’arrêt du 11 février 2010 du Conseil d’Etat susvisé, la
Haute juridiction a pu juger, dans un cas d’espèce concernant une délibération du Conseil
d’administration de FRANCE TELEVISION affectant les règles de commercialisation des
espaces publicitaires sur France 2, France 3, France 4 et France 5 que « considérant que la
délibération du conseil d’administration de France Télévisions en date du 16 décembre 2008
chargeant son président-directeur-général de mettre en œuvre de nouvelles règles de
commercialisation des espaces publicitaires affecte la garantie des ressources de la société,
lesquelles constituent un élément essentiel pour assurer la réalisation des missions de service
publics confiées à cette société en vertu des dispositions de l’article 43-11 de la loi du 30
septembre 1986, dont celles de diversité, pluralisme, qualité et innovation dans les
programmes mis à disposition des services publics : que par suite, cette délibération, qui
touche à l’organisation même du service public, relève de la compétence de la juridiction
administrative ; »
4
contractuelle et des éléments du projet industriel et des engagements sociaux pris par Lov
Group et Publicis » est de nature à affecter directement la garantie des ressources de
FRANCE TELEVISIONS qui est une élément essentiel de la réalisation des missions de
service public de FRANCE TELEVISIONS.
Par déjà deux décisions du Conseil d’Etat en date des 6 février 2009 et 11 février 2010, la
haute juridiction a déjà retenu sa compétence en premier et dernier ressort au titre du
contentieux relatif à l’annulation de délibérations du Conseil d’administration de FRANCE
TELEVISIONS.
Le Conseil d’Etat est donc en l’espèce, bel et bien compétent en premier et denier ressort.
L’activité de service public remise en cause au titre de la délibération du 2 février 2010 étant
déployée dans la France entière, la délibération du 2 février 2010 déploie un champ
d’application qui s’étend bien au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif, à savoir en
l’espèce celui de Paris.
Il résulte donc de ces éléments que le Conseil d’Etat est bel et bien compétent à connaître du
présent recours.
L’urgence au sens de l’article 521-1 du Code de justice administrative a été conçue afin
« d’éviter qu’un préjudice grave ne soit porté à la situation du requérant ou à un intérêt
public (sans que soient désormais exclus les préjudices pouvant donner lieu à réparation
pécuniaire) mais aussi afin de tenir compte de conséquences qui risqueraient d’être difficiles
à faire disparaître si la décision administrative devait être exécutée » Rapport de Monsieur
Colcombet (Doc A.N. n°2002 p 37).
5
Cette définition de l’urgence est confirmée par la jurisprudence administrative rendue au visa
de l’article L 521-1 du Code de justice administrative considérant que: « la condition
d’urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d’une mesure de suspension doit être
regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière
suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux
intérêts qu’il entend défendre ; il en va ainsi, alors même que cette décision n’aurait qu’un
objet ou des répercussions que purement financiers et que , en cas d’annulation, ses effets
pourraient être effacés par une réparation pécuniaire » (CE sect 19 janvier 2001 RFD adl
2001 p 378) (Considérant de principe)
En l’espèce, la décision dont la suspension est demandée est de nature à créer un réel et grave
préjudice, immédiat ou estimé comme tel, les effets de la décision attaquée n’étant pas en
l’état épuisés.
De plus, les bases de l’accord expressément détaillées par le descriptif soumis au Conseil
d’administration et le dossier dénommé « dossier de présentation au Conseil d’administration
de France Télévisions » ont été entérinés par le périmètre du mandat limité à l’offre du
consortium LOV GROUP/PUBLICIS.
Enfin cette délibération a entériné le calendrier des opérations qui se déroule tel que prévu
puisque le comité d’entreprise de France Télévision Publicité s’est déjà prononcé le 1er mars
2010.
6
Ainsi les éléments déterminants de l’accord et des consentements ont été arrêtés, à savoir,
l’objet, le prix et le maintien jusqu’en 2014 du contrat de régie.
La seule considération de ce que la signature des actes définitifs devra être autorisée par une
nouvelle délibération du Conseil d’administration n’est pas de nature à ôter à la délibération
attaquée son caractère décisoire.
Cette situation sera donc génératrice d’une situation de droit nouvelle, puisque celle-ci sera
susceptible de générer un droit à indemnisation du consortium LOV-PUBLICIS en cas de non
signature du traité de cession alors même que la documentation contractuelle aurait été d’un
commun accord finalisée en exécution de la décision attaquée (action en rupture abusive de
pourparlers, voire action en rupture de l’accord intervenu par la rencontre des consentements
sur les éléments essentiels et déterminants de la cession).
La nature même de cette délibération fait gravement grief en ce qu’elle entérine la base d’un
accord et le choix du cessionnaire et qu’elle permet d’engager le processus légal de
consultation des comités d’entreprise de FRANCE TÉLÉVISIONS et de FRANCE
TÉLÉVISIONS PUBLICITÉ.
En effet, cette décision engage, si la démarche qu’elle autorise devait aller à son terme, un
processus qualifié par le Président de FRANCE TÉLÉVISIONS PUBLICITÉ d’irréversible.
(Interview de Monsieur Santini)
7
De surcroît, et sur un plan plus général, cette délibération entérine un processus de cession de
nature à modifier l’équilibre financier de FRANCE TÉLÉVISIONS et à porter gravement
atteinte à son indépendance et à la mission de service public qu’elle est en charge d’assumer.
De tels choix sont de nature à porter gravement atteinte au service public de l’audiovisuel car,
ainsi qu’il en sera rapporté ci-après, il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision
attaquée.
En l’espèce, le Conseil d’Etat relèvera que le nouveau contrat de régie en date du 31 juillet
2009 ne saurait être considéré comme un simple avenant au contrat antérieur puisque à cette
occasion, les éléments substantiels du contrat de régie ont été revus, qui plus est au très grand
bénéfice de FRANCE TELEVISIONS PUBLICITE.
« afin de donner à FTP ses meilleures chances et pour préserver la pérennité de son exploitation, trois
mesures ont été prises en 2008 et 2009 :
Or, en matière de contrat de régie publicitaire, les éléments substantiels de tels contrats sont le
taux de régie et la durée de la régie.
En l’espèce, il apparaît que les éléments substantiels du contrat de régie publicitaire liant
FRANCE TELEVISIONS à FRANCE TELEVISIONS PUBLICITE ont bel et bien fait
l’objet d’une renégociation.
Dans ces conditions, il est incontestable que le contrat de régie publicitaire a bel et bien été
modifié dans ses éléments substantiels et qu’il ne s’agit en aucun cas d’un simple avenant et
dès lors il devait, compte tenu du fait que le processus de privatisation était en cours, relever
d’une procédure d’appel offres.
8
En effet les dispositions de l’article 23 de l’ordonnance du 6 juin 2005 (ordonnance qui régit
les procédures d’appel d’offres et transposant la directive 92/50/CEE) qui dispensent de
procédures d’appel d’offres pour les « marchés conclus entre un pouvoir adjudicataire et un
cocontractant sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu’il exerce sur ses propres
services et qui réalise se l’essentiel de ses activités pour lui » ne trouvent plus à s’appliquer
dès lors qu’au moment de la conclusion du marché dispensé d’appel d’offres, l’ouverture du
capital de la filiale à une entreprise privée était prévue ou en cours (Commission des
communautés européennes contre République d’Autriche,10 novembre 2005 et CJCE, Sea Srl
contre commune di Ponte Nossa, 10 septembre 2009)
En tout état de cause la prise de contrôle de France Télévisions Publicité par des intérêts
privés interdit l’engagement de maintien du contrat jusqu’en 2014 et la garantie d’exclusivité
qu’il comporte.
53 Il convient toutefois de préciser que, dans l’hypothèse où un marché aurait été attribué sans mise en
concurrence à une société à capital public dans les conditions indiquées au point 51 du présent arrêt, le
fait que, ultérieurement, mais toujours pendant la durée de validité de ce marché, des actionnaires
privés soient admis à participer au capital de ladite société constituerait un changement d’une
condition fondamentale du marché qui nécessiterait une mise en concurrence. »
Ainsi, la décision attaquée qui stipule clairement que mandat est donné au Président de
FRANCE TÉLÉVISIONS afin de permettre la finalisation par FRANCE TÉLÉVISIONS des
conditions ou engagements relatifs au cadrage des conditions de régie telle que décrites en
annexe 1 de la délibération engage FRANCE TÉLÉVISIONS sur des bases illicites que
FRANCE TÉLÉVISIONS ne pourra donc légalement tenir.
IV-2 La délibération litigieuse a été prise sur la base d’un prix de valorisation qui ne
prend pas en considération l’avantage exorbitant que constitue le taux de régie
accordé en juillet 2009.
Le taux de rémunération de la régie accordé par le contrat du 31 juillet 2009 est totalement
hors marché puisqu’il s’élève à 17,5 % alors qu’un taux de 6 à 8% est usuellement pratiqué
pour de grandes chaînes nationales.
9
Toutefois, cette valorisation omet de prendre en compte le fait que le taux de régie ayant été
multiplié par trois, la rémunération de la régie (à tout le moins jusqu’en 2014) demeurera
inchangée voir augmentera et ce nonobstant la perte de chiffre d’affaires estimée.
Ainsi, le taux de régie habituellement pratiqué pour ce type de diffusion à portée nationale
étant de 6 à 8% en fonction de la position de marché de la régie concernée, il apparait
clairement que le taux accordé à FRANCE TÉLÉVISIONS PUBLICITÉ constitue un
avantage totalement exorbitant permettant au consortium LOV-PUBLICIS d’espérer un retour
sur investissement de moins de trois ans.
Or, cet avantage exorbitant n’est aucunement compensé par le prix de cession tel qu’arrêté par
la décision attaquée, celui-ci étant même inférieur à l’indemnité à laquelle aurait pu prétendre
un simple régisseur dont le contrat de régie n’aurait pas été renouvelé.
Il apparait donc ainsi que la délibération contestée a arrêté un prix de cession qui porte
atteinte aux intérêts du service public de l’audiovisuel puisqu’il n’a pas pris en compte la juste
valeur de FRANCE TÉLÉVISIONS PUBLICITÉS au regard des avantages consentis à la
régie.
Il résulte de l’opération de prise de contrôle projetée que, jusqu’à tout le moins novembre
2011, 70 % des rémunérations tirées de l’activité de régie publicitaire reviendra à un
consortium de droit privé.
Il est en outre avéré que le chiffre d’affaires d’une régie dépend de son auditorat, lequel est
directement dépendant de la qualité de ses programmes.
Or, les programmes de la télévision publique sont financés pour partie par les redevances
versées par les usagers.
Cette redevance a pour objet de financer France Télévisions afin que cette société assure la
réalisation des missions de service public prévues par les dispositions de l’article 43-11 de la
loi du 30 septembre 1986, dont celles de diversité, pluralisme, qualité et innovation dans les
programmes mis à disposition des publics.
Elle n’a donc aucunement pour objet de contribuer, même indirectement, au résultat d’une
entreprise privée et il est contraire à l’affectation et à l’objet de la redevance, de même qu’il
est contraire à l’affectation et à l’objet des fonds publics, de contribuer même indirectement
au résultat d’une entreprise privée
10
actionnariat des salariés, est de nature à entraver les règles de la concurrence nationale et
communautaire.
LOV GROUP est présent sur les métiers de la production audiovisuelle, du numérique et des
jeux en ligne au travers de BANIJAY, EUROMEDIA, MANGAS GAMING et MY MAJOR
COMPANY.
Les bases sur lesquelles les candidats ont présenté leurs offres sont incertaines.
Ainsi, la Commission Européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France visant
la taxe de 0,9% sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications destinée à
compenser la perte de recettes publicitaires liées à la suppression progressive de la publicité
dans l’audiovisuel public. Madame Viviane REDING Commissaire européenne en charge des
nouvelles technologies a considéré que la dite taxe était « incompatible avec les règles
européennes » et venait « frapper un secteur qui est aujourd’hui un des principaux moteurs
de la croissance économique ». Madame Viviane Reding a également précisé que « de plus
le risque est grand que la taxe soit répercutée vers les clients, alors que nous cherchons
précisément à faire baisser la facture des consommateurs ».
Dans ces conditions, il apparait que le rétablissement de la publicité, à tout le moins avant 20
heures va devoir être examiné, le financement du service public n’étant en l’état pas assuré.
11
Les interrogations formulées par Monsieur Patrick de CAROLIS à Monsieur le Président de
la République n’ont pas à ce jour reçu réponse.
Ces incertitudes étant apparues au cours de la procédure d’appel d’offre et les règles de la
procédure d’appel d’offres, notamment les critères de sélection ayant été modifiés sans
préavis, il est constant que le Conseil d’administration a été conduit à se prononcer sur la base
de données parcellaires, insuffisantes et incertaines rendant sa délibération nulle et non
avenue en l’état.
En considération de cette situation il est urgent d’attendre et de suspendre les effets d’une
décision qui, contrairement à tout principe de prudence, de bonne administration et de gestion
avisée, a donné mandat de finalisation de la cession au consortium LOV Group/Publicis.
*****
**
*
Il résulte de l’ensemble des éléments ci-avant exposé que Monsieur le Juge des Référés ne
pourra que prononcer la suspension de l’exécution de la délibération du Conseil
d'administration de FRANCE TÉLÉVISIONS du 3 février 2010.
12
PAR CES MOTIFS
13
LISTE DES PIECES
Pièce n°16 : Arrêt de la CJCE du 10 septembre 2009, Sea SRL contre Commune di Ponte
Nossa ;
14