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Jadot, désespéré, reposait sur la table basse qui lui faisait face Le Capital au XXIe
son dos voûté qui reposait contre sa liseuse depuis deux bonnes heures, et poussait
passage tous les acquis des luttes sociales du siècle dernier : les héritiers relevaient
la tête, après avoir perdu une grande partie de leur biens lors des deux dernières
guerres mondiales. Les fils à papa battaient de nouveau le haut du pavé bitumé.
chômeurs de longue durée, Jadot n'avait pour seul héritage que son large sourire, et
sa foi dans l'avenir. Mais Thomas P. l'amenait à penser que, maintenant, ce ne serait
peut-être plus suffisant pour sortir de la merde dans laquelle il était plongé depuis sa
plus tendre enfance. Collégien modèle, lycéen prometteur, étudiant brillant diplômé
d'un MBA en administration territoriale avec les félicitations du jury, Jadot n'avait
jamais, jusqu'à ce jour, décroché un seul emploi qui lui eut permis de divorcer d'avec
les aides sociales dont il connaissait tous les méandres, tous les plis et replis, tous
les ressacs et reflux. Non seulement il ne serait jamais riche, mais il y avait de fortes
chances pour qu'il demeure miséreux, jusqu'à son dernier souffle, avant d'être jeté
mécaniquement, dans sa poche, les derniers euros qui lui permettraient de finir le
mois : 3 euros et cinquante centimes pour tenir dix-huit jours. Désespéré, il sourit
richesse qu'il n'ait jamais possédé. Il était sans cesse sans espoir, mais toujours
aux plaisirs de la vie : l'amour des femmes, le vin des amis. Car le bonheur, ça coute
répétait, quand il sentait ses forces défaillir, cette maxime de Sénèque qui le
revigorait : " C'est quand on n'a plus rien à espérer qu'il ne faut désespérer de rien."
dix-huit langues. Quoi qu'il en soit, il devait s'en sortir. Il faut que je taffe, se répétait-
il. Il fallait qu'il remplisse son frigo qui n'avait pas vu de produits frais depuis noël
achetait par lot de dix tous les cinq du mois, lorsque son RSA tombait, sur son
saurait durer plus longtemps : depuis trois semaines, il était coaché par son
conseiller pôle emploi, qui ne le lâchait plus d'une Stan smith. Il avait été sélectionné,
éduqué, (mal) nourri et (mal) logé, sans qu'elle n'en retire le moindre bénéfice. Sa
force de travail n'avait pas encore participé à élever de quelques millièmes le Produit
Un coach l'appelait donc chaque matin, à 8 heures pétantes, pour lui indiquer la
voie à suivre vers le plein emploi. Pour l'aider à ne pas perdre le nord sur son
chemin de croix, son conseiller pôle emploi lui adressait tous les lundis le
en corps 4, lui faisaient de l'œil, en remuant leur popotin. Jadot ignora la plupart
d'entre elles pour se concentrer sur les quelques offres qui se situaient dans un
périmètres de cinq kilomètres autour de ses appartements. Jadot était fauché, mais
casanier. Il s'éveillait tous les petits matins dans sa piaule qu'il ne quittait guère, non
loin de Paris, située au sein d'une ancienne banlieue rouge de la petite ceinture. La
communistes avaient été chassés de la mairie par les socialistes qui partageaient le
Jadot avait grandi dans cette zone ouvrière. Bambin, il avait poussé au milieu
des tours d’une cité HLM non loin d’Aubervilliers. Il avait gardé des souvenirs précis
d'enfant. Les grands ensembles avaient couvé son vert paradis des amours
à la tignasse bouclée noir corbeau. Mais l'enfance n'était plus. Stéphanie avait
quitté Aubervilliers. Moncef avait disparu dans la jungle urbaine. Mais bon : il n'était
se concentra sur trois petites annonces, dont l'une proposait un job, chez lui, à
activités, assurer le lien avec les collectivités locales. Salaire attrayant. Ticket resto
suis l'homme qu'il vous faut. Merci de me rappeler au numéro qui s'affiche."