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Valinas, Francis Bacon Au Delà Du Miroir
Valinas, Francis Bacon Au Delà Du Miroir
Département de Psychanalyse
Septembre 2002
1
« Dans le miroir deformé de l’art la réalité apparaît indeformé »
Kafka.
2
TABLE DES MATIERES
Remerciements 5
Préambule 6
3
1956 – 1957 : Séminaire IV, La relation d’objet 59
freudien. 66
de la psychanalyse 88
4
1975 – 1976 : Séminaire XXIII : Le Sinthome 114
à mourre. 120
5. Francis Bacon
5.5. Deux au-delà dans l’œuvre de Bacon et dans l’art contemporain 169
6. Conclusion 188
7. Bibliographie 194
5
Remerciements
6
Préambule
Nous étudierons les dits concepts chez Jacques Lacan, dans toutes les
contemporains plus importants de notre époque, Francis Bacon, qu’a proposé une
théorie sur le corps et l’image, notamment intemporelle à son époque, mais qu’a
modifié après tous les codes et paramètres de l’art, en ce qui concerne le corps
humain.
Notre intérêt n’est pas appliquer la psychanalyse à son œuvre, et non plus
parler d’art ; notre intérêt c’est de saisir l’enseignement sur le corps que la
façon dont les êtres parlants, les parlêtres, se réfèrent, traitent, et conçoivent son
7
L’IMAGE ET L’IMAGINAIRE CHEZ JACQUES LACAN
De 1936 à 1953
Quand nous parcourons les textes de Lacan, qui précédent les années 1953
– 1954, c’est-à-dire, tous les textes écrits entre « Le stade du miroir », présenté au
Congrès de Marienbad à 1936, (qui n’a jamais été publié), et son Séminaire I, qui
« imaginaire » comme un adjectif qui indique que quelque chose est méconnu ou
C’est alors l’image qui fait fonction inaugurale pour Lacan, et bien que ces
textes aient été écrits avant les années 1953-1954, date de son premier séminaire,
ils sont quand même les premières élaborations théoriques de Lacan, et on y voit
déjà apparaître les premières intuitions qui deviendront après, les notions
1
Lacan, J., Autres Ecrits, Seuil, pp. 23 –84.
8
1936 : « Au-delà du principe de réalité »
enseignement avec son premier texte sur « Le stade du miroir », l’exposé a été
interrompu par Jones dix minutes après le début de l’intervention, Lacan n’a pas
donné l’article au compte rendu du Congrès, et même après le texte n’a jamais été
publié. Mais lui–même dit que nous pouvons trouver l’essentiel dans ces premiers
écrits, surtout dans quelques lignes de son article sur la famille paru en 1938.2
C’est avec l’image que Lacan débute, nous pouvons remarquer dans ce
sa fonction « d’illusion ».
9
ou de la mère, de l’adulte tout puissant, tendre ou terrible », etc.) sur la personne
de l’analyste. Et, dit-il, « cette image que l’analyste substitue pour le sujet c’est la
des six premiers mois de vie de l’être humain, qu’il refuse la possibilité de parler
d’auto-érotisme comme Freud l’a fait, puisque le moi n’est pas constitué à cette
« domine toute la vie de l’homme »6 et reste toujours comme base dans les procès
4
Lacan, J. Ecrits, Seuil, p. 84
5
Lacan, J. Autres Ecrits, p. 33
6
Ibid., p. 34
10
le sens biologique, et donc, dit Lacan, « le sevrage laisse dans le psychisme
C’est bien donc un complexe vécu comme un malaise, qui est même, dit
stade du miroir »10 comme réponse au déclin du sevrage. Ce stade, que Lacan
elle, c’est la première identification du sujet à un autre qui est à la fois lui-même,
c’est un paradoxe, dit Lacan, « que chaque partenaire confond la patrie de l’autre
image vue dans le miroir, c’est une métaphore, l’image du miroir c’est une image
7
Lacan J., Autres Ecrits, p. 31
8
Ibid., p. 36
9
Ibid., p. 40
10
Ibid., p. 40
11
Ibid., p. 38
11
Même si pour Lacan, ce stade, ce moment de reconnaissance n’arrive
triomphe.
est le sujet même. C’est une expérience tragique pour l’enfant, au départ, l’enfant
l’autre, qu’il anticipe non seulement la forme de son corps, mais aussi ce qu’il est
et ce qu’il sera, c’est l’image de l’autre qui forme le moi, et bien que cette image
de l’autre soit un idéal, il y aura toujours pour l’enfant une certaine illégalité de
12
Lacan J., Autres Ecrits, p. 41
13
Ibid., p. 41
12
Lacan parle ici d’un narcissisme initial qui caractérise le stade du miroir,
affirmation de son identité ; c’est donc une image « qui le forme mais qui l’aliène
primordialmente »15. On peut lire dans ces lignes l’intuition de Lacan d’une
discordance interne, entre ce qui est à la fois propre et étranger. Là, on voit déjà se
profiler l’appel d’une topologie nouvelle, et même si Lacan n’en parle que
beaucoup plus tard, on voit là la notion d’ « extimité » : quelque chose qui est à la
nomme pour la première fois, le « narcissisme secondaire »16. Ainsi, l’œdipe, que
bien entendu arrive à un moment où le moi du sujet s’est mieux formé, c’est la
14
Ibid., p. 42
15
Lacan J., Autres Ecrits, p. 43
16
Ibid., p. 54
13
Il faut souligner, que le sujet d’identification ici n’est pas seulement l’objet
du désir mais aussi celui qui s’oppose au sujet comme rival dans le triangle
image d’identification et une image rivale. Et c’est bien par cette ambivalence que
l’objet.« Cet objet vient normalement remplir le cadre du double où le moi s’est
apporte au moins une sécurité en renforçant ce cadre, mais du même coup il le lui
l’autre, avec une image qui montre l’existence de l’autre, et c’est justement une
image qui frustre, qui divise. On a à ce moment-là, pour la première fois et pour
Nous pourrons dire qu’à cette époque pour Lacan, à la fin de ce texte de
1938, l’image apparaître très étroitement liée à la division subjective, car c’est
17
Ibid., p. 55
14
1946 : « Propos sur la causalité psychique »
Lacan n’a rien publié entre les années 1938 et 1945. A partir de là, il y a le
expose ce qu’il avait déjà annoncé entre lignes huit ans auparavant, disons, que
l’image c’est le cœur que la causalité psychique 18 ; et il la lie, à partir de ses effets
est un effet d’aliénation du sujet »19, en tant que c’est par l’identification à l’image
apparaissent dans les premiers mois de vie, et qui représentent l’instinct de mort et
folie.20 La folie, dans le sens que « l’homme se croit homme », et vit toujours
avec cette illusion, alors que c’est l’image de l’autre qui lui donne son corps et
commence à désigner une relation, un espace ou une structure. Nous trouvons des
18
Lacan J., Ecrits, p.177
19
Ibid., p. 181
20
Ibid., p. 186
15
phrases remarquables comme « relations imaginaires fondamentales » ou « lieu
imaginaire »21
communication verbale, c’est à dire, dans une saisie dialectique du sens »22. Ce
qui cause dans l’expérience analytique n’est plus seulement un transfert d’une
16
données premières d’une gestalt propre à l’agression chez l’homme et liée au
symbolique.
représente chez le patient le transfert imaginaire sur notre personne d’une des
dégrade, dérive ou inhibe le cycle de telle conduite »24, ainsi, après avoir mis
l’image en 1936 comme la cause directe du transfert, nous la trouvons ici plutôt
comme une façade ou un masque d’un déplacement symbolique. C’est une image
Finalement, dans sa thèse IV, l’image c’est en rapport direct avec l’origine
érotique »25 puisque c’est bien le désir et la lutte contre ce désir au même temps,
ce moment où le sujet se fixe à une image qui l’aliène à lui-même et qui à la fois
c’est la forme d’où s’affirme son moi, c’est le « carrefour structural » d’où
23
Ibid
24
Lacan, J., Ecrits. p. 107
25
Ibid. p. 113
17
1949 : « Le stade du miroir »
Lacan présente son deuxième texte « Le stade du miroir », treize ans après sa
qui n’a jamais été publié. Quand nous lisons ce deuxième texte, et les textes
publiés en 1938 (juste deux ans après le premier), en 1939, 1948, etc., qui font
été sans doute remanié par rapport au premier, et que les notions du stade du
reformulés.
moment où le sujet se reconnaît pour la première fois dans une image reçue
Mais Lacan introduit un nouvel élément : le sujet du sens ; qui sans doute modifie
18
précipite », et même il continue « … avant que le langage ne lui restitue dans
l’universel sa fonction du sujet »26. Donc, nous avons un sujet du sens très
sujet restitué par le langage » ou nous pourrons dire aussi, un sujet fait du langage,
qui élabore Lacan quelques années après, mais aussi la notion de « parlêtre » qui
« Pour les imagos, dit-Lacan, dont c’est notre privilège que de voir se
symbolique27, les visages voilés », les images se présentent ainsi comme des
c’est une béance sur laquelle repose le stade du miroir, c’est un écart entre
rapport qu’il n’y a pas entre le corps et l’image spéculaire, c’est une béance qu’il
26
Lacan, J. Ecrits. p. 94
27
Lacan fait référence au texte de Lévi-Strauss, publié la même année : « L’efficacité
symbolique », Revue d’histoire des religions. Janvier – mars 1949.
28
Lacan, J. Ecrits. p. 95
19
L’imaginaire comme un substantif
Ainsi, dans l’introduction du texte, Lacan expose les trois problèmes qui
interprétation »30
1.- Après avoir mis l’image comme le cœur du transfert, désormais c’est la parole
qui occupe cette place. L’analyste qui jusqu’au présent incarnait une image
archaïque du sujet, c’est maintenant un auditeur d’une parole, qui c’est parole
29
Lacan, J., Ecrits. p. 242
30
Ibid
20
justement parce qu’elle se dirige à lui, d’une parole qu’appelle une réponse, dit
Lacan, « même si elle ne rencontre que le silence »31, et que c’est ça le cœur de sa
parole de l’analysant, doit être, dit Lacan, même s’il y découvre l’intention
dire, la présence qui parle, « . qui ne puisse être réassumé par lui sous la forme du
avec son « unique moyen », la parole : « Ses moyens sont ceux de la parole en
tant qu’elle confère aux fonctions de l’individu un sens ; son domaine est celui du
2.- Lacan parle pour la première fois des « trois registres élémentaires », fait la
distinction entre eux et les met l’un à coté de l’autre, dans l’ordre suivant : le
symbolique, l’imaginaire et le réel »34, donc, S.I.R. Nous pouvons avancer que
Lacan fera un grand tour pour finir dans son séminaire de 1974 – 75, avec un
31
Ibid,. p. 247
32
Ibid , p. 251
33
Ibid, p. 257
34
Lacan, J. Ecrits. p.309
21
Ainsi, à partir de ce texte nous verrons l’imaginaire, pas seulement
phénomènes :
passé se situe tant dans l’imaginaire que dans le réel. Elle nous présente la
Il parle aussi des trois éléments dans l’analyse où réside la jointure ente le
symbolique et le réel37 :
« réalité » dans l’analyse, et en tant que c’est une négativité détachée de tout motif
symbolique et le réel, en tant que cette durée ne peut pas être indéfinie, et au
fin.
35
Ibid. p. 278
36
Ibid. p. 255
37
Ibid, p. 309 - 310
22
c) la durée de la séance, en tant que c’est un élément du réel qui touche
sujet.
disant qu’il est déjà tout à fait clair que le symptôme est lui-même structuré
langage ; et ensuite il conclut que tout ce que l’analyse révèle au sujet comme son
inconscient, c’est du langage, dans la forme des combinassions des chiffres et des
nombres présentes dans l’histoire propre du sujet. « C’est là, dit-il, le ressort
4.- « L’homme parle donc, mais c’est parce que le symbole l’a fait homme »39, et
en tant que c’est un symbole que lui vient de l’autre, il devient un homme dont
Lacan aborde ici d’une façon tout à fait différente et nouvelle, les jeux
23
la première évidence de la naissance du symbole, et il affirme : « Il n’est plus
langage. C’est une grande intuition de Lacan de noter ces deux éléments, l’un à
puisqu’il finira en disant, que c’est qui caractérise et distingue à l’être humaine de
tous les autres êtres, c’est bien le fait d’être un sujet du langage.
bien un appel qui cherche provoquer le retour de cet autre partenaire qui le ramène
sens mortel révèle dans la parole un centre extérieur au langage, que plus qu’une
anneau. <…>, c’est à la forme tridimensionnelle d’un tore qu’il faudrait recourir,
40
Lacan, J. Ecrits. P. 319
41
Lacan, J. Ecrits. p.320
24
Brève Conclusion
déplacement de l’accent mis sur l’image jusqu’au moment, c’est qui représente
C’est un changement qui est très en rapport aussi avec les pensées de
l’époque, si nous nous reportons à la pensée philosophique des années 50, nous
Ponty, sont des textes qui portent sur l’imaginaire, qui aura une grande importance
pendant quelque temps et qui sera toujours accompagné par une parole qui sera de
soit bien, la division subjective, le sujet divisé, que si bien Lacan fera après un
virage point par point de ce qui avait été le stade du miroir de 1936 et 1949, le
1936 à 1953
25
Toutes les élaborations théoriques de Lacan concernant l’image,
psychanalytique ; à partir des vignettes cliniques, récits des cas, rêves ou divers
nous pouvons suivre les effets que ses réformulations théoriques produisent dans
sa pratique clinique.
concernant une critique faite par Lacan à Freud par rapport au cas de l’homme aux
rats.
cas d’une jeune fille atteinte d’astasie-abasie, en analyse avec lui et qui, dit-il, se
résistait depuis des mois aux tentatives de suggestion thérapeutiques des styles les
traits les plus désagréables que réalisait pour elle l’objet d’une passion. L’image
incarnée pour l’analyste, dit Lacan, c’était celle de son père. Il fait donc,
l’interprétation suivant : « il suffit que lui fisse remarquer que l’appui (de son
père) lui avait manqué… pour qu’elle se trouvait guérie de son symptôme »42.
42
Lacan, J. Ecrits. p. 108
26
Suivant sa théorie de 1936, où Lacan propose l’image que l’analyste
père » incarné pour l’analyste, comme la cause du transfert de tous les traits
une saisie dialectique du sens »43 ; ce qui justifie, qu’il fasse dans ce cas là, une
interprétation pas spécialement dirigée à l’image elle-même, mais qui porte plutôt
cette époque, à savoir le corps comme récepteur des effets du sens, le corps
nous trouvons un « objet », celui qui fait fonction d’articulation entre le corps et le
symbolique, à savoir, « l’objet de sa passion » qu’était son père. Ce peut être une
A cette époque là, l’image est toujours présente, mais elle sera désormais
symbolique.
43
Lacan, J. Ecrits. P. 102
27
Dans son texte de 1951, Intervention sur le transfert, Lacan reprend le cas
nommera « la matrice imaginaire où sont venues se couler toutes les situations que
cependant que de la main droite elle tiraille l’oreille de son frère, plus âgé qu’elle
d’un an et demi ».
Cette image c’est pour Lacan le modèle d’une expérience spéculaire entre
Dora et son partenaire masculin, dont son écart d’age lui permet de s’identifier et
signifient pour Dora les hommes et les femmes. La femme, « comme l’objet
Lacan propose que pour accéder à cette « nature génitale » il lui faut
féminité comme forme. Ce qui explique l’attachement fasciné de Dora pour Mme.
K, pour « la blancheur ravissante de son corps », qui représente pour elle, comme
Lacan prescrit qu’il lui faut assumer son propre corps pour accéder à la
44
Lacan, J. Ecrits. P. 220
45
ibid, p. 220
46
Ibid. p. 220
47
Ibid, p. 221
28
Ceci correspond à la théorie de la reconnaissance qu’il développera dans
fascinante et désirée. Tant l’image propre comme le désir sont possible d’assumer
D’ailleurs dans ce même texte, et toujours par rapport au cas Dora, Lacan
interprétation dirigée vers le sens, comme le fait lui-même dans son cas de la
29
interprétation dirigé vers l’équivoque, déjà en 1951, nous trouvons les premiers
signes de c’est qui sera après son élaboration théorique concernant la thèse de
nous avons choisi comme texte final de ce premier période de Lacan, marque un
faire remarquer son importance pour la technique analytique. La parole est ainsi
l’operativité de l’analyste dans son rapport avec son « unique moyen », la parole,
48
Ibid, p. 257
30
Il critique donc, par la suite, aux analystes qu’utilisent des moyens différents
l’enfant dans l’analyse des adultes et n’intervenant chez le petit Hans que par le
le délire paranoïde, mais n’utilisant pour cela que le texte-clef laissé par
Et deuxièmement,
l’observation de son cas de l’homme aux rats. Critique dirigée au fait que Freud
parole vraie » dans l’histoire du sujet. C’est toujours une « parole vraie »,
son histoire, autrement dit, l’analyse fait surgir les paroles qui ont marqué le sujet
Ainsi, par rapport au cas de l’homme aux rats, Lacan dit : « A un moment,
31
n’hésite pas à en interpréter au sujet l’effet, comme d’une interdiction portée par
son père défunt contre sa liaison avec la dame de ses pensées ». Lacan propose
donc diriger l’interprétation vers les dits maternels, tandis que Freud la dirige vers
immatériel. Il est corps subtil, mais il est corps. Les mots sont prises dans toutes
les images corporelles qui captivent le sujet »51. Ainsi, les mots s’inscrivent dans
le corps comme des symptômes ; l’image corporelle est toujours en rapport direct
avec le langage, c’est à dire, que tout événement corporel est déterminé par le
langage, et c’est donc par le langage qui peuvent se résoudre les symptômes
corporels.
De 1953 à 1960
51
Idem, p. 301
32
Dans son premier séminaire, Lacan commence le chapitre VII, dédié à la
discours ».52, et encore « tout le problème dès lors est celui de la fonction du
symbolique et le réel.
imaginaire et l’espace réel se confondent, ce qui n’empêche pas qu’ils doivent être
virtuelles et les images réels se rejoindrent, et aussi parce que l’optique repose
entièrement sur une théorie mathématique, qui est une hypothèse structurale
52
Lacan, Jacques. Séminaire I : « Les écrits techniques de Freud », page 119
53
Idem, page 121
33
fondamentale sans laquelle toute optique est impossible, et qui consiste à
considérer que pour qu’il y ait une optique, il faut qu’à tout point donnée dans
l’espace réel, un point et un seul corresponde dans un autre espace, qui est
l’espace imaginaire. Il faut que l’œil soit situé dans un point unique et dans une
croisement des rayons lumineux qu’il produit et la position de l’œil qui le regarde,
on obtient une image réelle. Bien entendu Lacan parle ici de réel en tant que
réalité.
D’abord la condition qu’à chaque point d’un rayon lumineux émanant d’un
point quelconque d’un objet placé à une certaine distance (bouquet renversé), de
34
convergence, des rayons réfléchis sur la surface de la sphère, un autre point
lumineux, ce qui donne de l’objet une image réelle (bouquet réel). Le bouquet se
dès lors, se forme une image réelle, c’est à dire, un bouquet avec son vase
correctement placé.
Et deuxièmement, il faut que l’œil qui regarde soit situé dans le champ des
rayons qui sont venus se croiser au point correspondant. Pour que l’illusion se
l’imaginaire peut inclure le réel et, du même coup, le former, et où le réel peut
aussi inclure et situer l’imaginaire »,54 l’œil doit être situé dans une certaine
d’intégrer ses fonctions motrices et d’accéder à une maîtrise réelle de son corps.
Il dit « La seule vue de la forme totale du corps humain donne au sujet une
maîtrise imaginaire de son corps, prématurée par rapport à la maîtrise réelle ».55
conçoit autre qu’il ne l’est, et c’est cette dimension d’extimité qui structure toute
sa vie fantasmatique. Eh bien, cette image du corps, Lacan la situe dans le schéma
54
Lacan, Jacques. Séminaire I, « Les Ecrits techniques de Freud » page 129
55
Idem, page 128
35
du bouquet renversé, comme la vase imaginaire reflétée dans le miroir, qui
contient le bouquet des fleurs réel, et il ajoute « voilà comment nous pouvons
ci ».
de l’œil qu’il occupe, l’œil c’est dans le schéma le symbole du sujet. Cela veut
monde tel qu’elle résulte, tout dépend de la situation du sujet (l’œil), et la situation
du sujet est caractérisée par sa place dans le monde symbolique, autrement dit
Dans le schéma, ce que le sujet voit dans le miroir est une image, nette ou
position par rapport au miroir et par rapport à l’image réelle. Pour pouvoir avoir
une image nette il faut que le sujet soit situé dans le cône et pas trop sur les bords,
et aussi il faut que le miroir soit incliné d’une façon précise, puisqu’il suffit que le
miroir soit incliné d’une certaine façon pour qu’on soit dans le champ où on voit
symbolique, c’est là que Lacan introduit le registre symbolique comme celui qui
ordonne les deux autres en lui-même ; c’est la relation symbolique qui définit la
position du sujet comme voyant, c’est la parole, la fonction symbolique qui définit
56
idem, page 222
36
Lacan dit : « Nous pouvons supposer que l’inclination du miroir plan est
humains, c’est-à-dire, que nous nous définissons par l’intermédiaire de la loi. »57
2.- Les trois registres ne peuvent pas être séparés, autrement dit, ils ne peuvent
fonctionner qu’ensembles.
dirige.
d’abord dans l’autre »58, il introduit dans ce séminaire ce qui fait pour lui la
37
semblable. C’est à ce moment que le sujet a pour la première fois conscience de
soi même, c’est pour autant que son désir est passé de l’autre côté qu’il assimile le
dans l’expérience du miroir. « Nous nous reconnaissons comme corps pour autant
que ces autres, indispensables pour reconnaître notre désir, ont aussi un corps, ou
l’autre que le sujet a l’impression d’avoir une maîtrise de soi-même qu’il n’avait
pas encore obtenu, mais même s’il est encore physiquement premature, il ’est
assomption du corps propre qu’il ne peut faire qu’à l’état de forme vide, l’homme
s’apprend comme forme vide du corps. Cette forme, dit-Lacan, « cette enveloppe
libidinal »60, c’est pour ça, que quand il parle de l’ego, dans le texte « Le moi et le
en tant qu’elle est réfléchie dans une forme. Il n’y a pas de forme qu’il n’y ait pas
de surface, une forme est définie par la surface, c’est à dire, par la différence par
la différence dans l’identique ».61 Donc, ce qui est assumé par le sujet c’est
59
Idem, page 234
60
Idem, page 265
61
Idem, page 265
38
que s’introduit dans la psychologie humaine le rapport dehors-dedans, qui permet
d’affirmer que l’animal ait une conscience séparé de son corps qui lui permet de le
reconnaître ; alors que l’homme se sait comme corps, « même s’il n’y a après tout
aucune raison qu’il se sache, puisqu’il est dedans »,62 l’homme sait qu’il a un
corps, même s’il ne le perçoit jamais de façon complète, puisqu’il est dedans.
Ainsi, même s’il voit, reconnaît et fixe l’autre comme corps parfait, comme idéal
de soi, cette image ne peut être assumée du côté du sujet que comme corps
l’homme aux images, c’est à dire que le sujet humain établi toujours un certain
rapport entre ses images et les images du monde, c’est une hominisation du
captation imaginaire, mais pour qu’il soit vraiment reconnu il faut un autre
élément, il faut qu’il entre dans la médiation du langage. « Le désir n’est jamais
62
Idem, page 266
63
Idem, page 223
64
Idem, page 279
39
réintégré que sous une forme verbale, par nomination symbolique »65, et c’est dans
l’image de l’autre qui lui permet à la fois une maîtrise de soi, mais il reste que
l’être humain est né dans un état d’impuissance et de dépendance totale vis à vis à
l’autre, et que ce sont les mots, le langage, les cris, etc., la seule manière qu’il a
trouvé pour appeler l’autre dont il dépendait, cette relation à l’autre c’est par le
sujet nommé. Un nom donné à l’autre, quoi que ce soit mais qui désigne une
loi, en tant que les désirs de l’enfant passent d’abord par l’autre spéculaire et c’est
L’expérience analytique :
65
Idem, page 272
66
Idem, page 237
67
Idem, page 143
40
« Nous ne pouvons pas penser l’expérience analytique comme un jeu, un
leurre, une manigance illusoire, une suggestion. Elle met en cause la parole
l’interprétation ».69
la parole pleine, toutes les références imaginaires qui sont évoqués dans le
transfert au cours d’une analyse. La parole pleine, dit-il, c’est la parole qui fait
acte, et quand ça arrive « Un des sujets se trouve, après, autre qu’il n’était
avant »,70 c’est pour ça que cette parole c’est le fondement même de l’efficacité de
parole. « Chaque fois qu’un homme parle à un autre d’une façon authentique et
change la nature des deux êtres en présence ».71 Dans une analyse, il faut repérer
transfert dans son efficacité pratique (fonction symbolique). Ce qui implique que
le transfert est désormais une notion plurivalente, qu’elle ne peut pas être conçue
68
Idem, page 174
69
Idem, page 143
70
Idem, page 174
71
Idem, page 174
41
Mais l’élément nouveau qu’il introduit dans ce séminaire, c’est la parole,
le sujet réintègre son désir »,72 et c’est grâce à la parole que le sujet arrive à cette
Il y a une première phase dans l’analyse, que Lacan appelle à cette époque,
s’agit à ce moment là, de dénouer tous « les amarres de la parole », et que le sujet
parties de son image, les étapes de son désir et tous les objets qui sont venues
apporter à cette image sa consistance. Et lorsque cette image qui avait été
réprimé, surgit, alors l’angoisse apparaît, mais aussi le désir, le désir émerge dans
désir, c’est à cela qui doit se limiter l’intervention de l’analyste. C’est le moment
72
Idem, page 292
73
Idem, page 230
42
Bref, à ce moment de son enseignement Lacan prescrit comme fin de
par la médiation de l’Autre qui parle qui est l’analyste. Le sujet de la parole c’est
le sujet qui puisse avoir accès à son identité, à la complétude de son image. Mais
on verra après dans l’enseignement de Lacan, que si ce sont les lois du langage
qui structurent l’inconscient, il n’y a pas d’espoir possible d’identité pour le sujet,
son identité et de son image précisément par le signifiant qui lui vient par la voie
de l’Autre.
technique de la psychanalyse.
des écrits de la technique freudienne, en disant, « Il faut pas faire un usage abusif
43
effectivement on verra apparaître, au cours de ce séminaire, un réordonnement de
notion d’objet, et de la différence entre le sujet qui parle, qu’il appelle ici « ego »,
qui est du domaine de l’inconnu, il appelle cela ombilic du rêve »,75 ce point
l’illustrer, toujours à partir de l’expérience du rêve, avec le rêve exposé par Freud
bouche, qui est le point fondamental de ce rêve, c’est selon Lacan, « la révélation
possible, du réel dernier, de l’objet essentiel… l’objet angoisse par excellence »77
sujet, et cette image spéculaire, même si se trouve toujours quelque part dans le
tableau perceptif du sujet, la plupart des fois c’est masqué, quelquefois même
complètement. C’est pour cette raison que le phénomène du rêve nous révèle plus
75
Idem, page 130
76
Idem, page 196
77
Idem, page 196
44
facilement cette image, dans les rêves, en raison d’un « allégement des relations
moment de son enseignement, comme lui-même le dit, c’est que tout ce qu’il y a
en l’homme de dénoué, morcelé, déchiré, c’est à dire, l’image de son corps, c’est
le principe qui établit tout le rapport du sujet avec les objets qu’il perçoit dans le
monde. Il ne perçoit l’unité que dans les objets, c’est à dire, au dehors de lui-
même, et c’est toujours autour de l’image de son corps, de l’image de son moi,
qu’il structure tous les objets de son monde. Ce qui implique que tous les objets
tout instant est évoqué pour l’homme son unité idéale, qui n’est jamais atteinte
comme telle et à tout instant lui échappe »,78 c’est à dire, que tout objet que
l’homme perçoit dans le monde, aura toujours la forme du corps idéal, de la bonne
forme, tout objet lui évoquera l’unité corporelle qu’il essai d’atteindre.
de son rapport aux objets, les objets prennent la place du semblable, du double de
78
Idem, page 198
45
Tout rapport imaginaire entre le sujet et les objets, se produit dans une
espèce de toi et moi, dit Lacan, c’est à dire, si c’est toi, je ne suis pas. Si c’est moi,
c’est toi qui n’est pas. C’est le fondement de toute relation imaginaire. Ce qui
implique que tout rapport de l’homme aux objets c’est un rapport évanouissant, et
en tant que c’est dans ces objets que le sujet reconnaît son unité, il se sent par
rapport à ceux-ci dans le désarroi. Si c’est l’objet où il reconnaît son unité, alors
le sujet n’est pas là ; et si c’est le sujet, l’objet qui lui donne son unité n’est pas ;
vie de l’homme, et en plus, dit Lacan, « si l’objet n’est jamais saisissable que
comme un mirage, mirage d’une unité qui n’est peut jamais ressaisie sur le plan
imaginaire, toute la relation objectal ne peut qu’en être frappé d’une incertitude
fondamentale ».79
en tant qu’il peut les nommer, c’est par le pouvoir qui a l’homme de nommer les
objets, qu’il peut les faire subsister et leur donner une consistance. Si les objets
n’étaient que dans un rapport imaginaire avec le sujet, ils ne seraient jamais
perçus que de façon, dit Lacan, « instantané », le mot qui nomme ne donne pas
seulement une existence spatiale à l’objet, mais aussi une dimension temporelle.
L’objet une fois qui est devenu le semblable du sujet, le double de lui-même, peut
présenter une certaine permanence dans le temps grâce au nom, c’est par
l’intermédiaire du nom que l’objet peut avoir une apparence reconnaissable qui
79
Idem, page 202
46
« Le nom est le temps de l’objet », « si le sujet humain ne dénomme pas, il
n’y a aucun monde, même perceptif, qui soit soutenable plus d’un instant »,80
monde entouré des objets, faute de quoi il resterait dans un état complètement
narcissique.
Désir et image :
Cet objet qui se présente à l’homme et qui lui montre « la figure même de
structure du désir et de l’image même de l’homme ; en tant que c’est un objet qui
plan du désir.
déchiré, implique des conséquences pas seulement par rapport à la notion de sujet
comme tel, mais aussi par rapport à l’expérience analytique. La fin de l’analyse ne
80
Idem, page 202
81
Idem, page 198
47
suite des élaborations de Lacan dans ce séminaire se dirigent justement sur ce
point là.
que le sujet ?, en tant qu’il est, le sujet inconscient, et par là, le sujet qui parle. Or,
il nous apparaît de plus en plus clairement que ce sujet qui parle est au-delà de
l’ego ».82 Lacan se pose cette question à partir de certaines expériences où, comme
lui-même le dit, le sujet n’y est pas, par exemple, dans certains rêves, où il y a une
sorte de vécu dernier, de réel ultime qui est appréhendé au-delà de toute
moi.
« C’est à partir de l’ego que tous les objets sont regardés… mais c’est bien
du sujet que tous les objets sont désirés »,83 le rapport imaginaire entre l’ego et les
objets atteint sa limite dans certaines expériences, dans les rêves par exemple, où
82
Idem, page 207
83
Idem, page 210
84
Ibid, page 210
48
C’est quod ultime, ces tendances du sujet qui jouent au-delà du réel, sont
apparaissent comme des jeux des mots, mots d’esprits, etc., eh bien, c’est quod,
C’est quod, qu’il appelle parfois « cet inconnu », cette « zone ignorée », ne
doit jamais être oublié dans l’expérience analytique. Désormais, tout rapport
imaginaire et conscient entre le moi ou l’ego et les objets sera mis en deuxième
autrement dit à la neutraliser, à la casser, pour faire valoir c’est qui est
L’expérience analytique :
« L’homme est engagé par tout son être dans la procession des nombres,
nous ne pouvons ne pas remarquer dans les élaborations de Lacan à cet époque là,
85
Ibid, page 354
49
L’homme donc, doit s’intégrer dans un primitif symbolisme, fait des
combinaison, des nombres, des chiffres, qui règnent dans le milieu où il existe.
certaine façon n’existe pas, ce n’est pas présent, pourtant, le refoulé est toujours
là, et insiste, demande à être, à se faire reconnaître. C’est ça qui fonde l’ordre
« Ce qui insiste pour être satisfait ne peut être satisfait que dans la
qu’il soit parce qu’il a parlé »,86 nous avons là à nouveau la notion de
nous pouvons dire idéal, parce qu’il va tout de suite introduire un élément
« Le langage incarné dans une langue humaine est fait avec des images
choisies qui ont toutes un certain rapport avec l’image du semblable »,87 Cette
expérience imaginaire structure et limite pour son fondement même, toute langue
concrète, et du même coup toute possibilité d’échange verbal entre les être
humains. Cette image morcelée limite la possibilité de parler chez les humains,
50
reconnaissance du sujet dans l’ordre symbolique. « Nous sommes des êtres
incarnés, et nous pensons toujours par quelque truchement imaginaire, qui arrête,
interrompue »,88 nous trouvons à cette époque là, en 1955, une image dévalorisée
à tel point, que c’est elle qui fait obstacle et qui empêche la réalisation du sujet
qui est refoulé, du côté de l’inconscient, il n’y a jamais aucune résistance, ce qui y
fait obstacle c’est le moi, en tant que le moi y est strictement situé comme étant de
m : le moi
interchangeables, imaginaire.
inconscient.
88
Ibid, page 367
51
La relation symbolique du sujet c’est la relation qui va de A à S. Elle est
et m, c’est à dire, la relation entre le moi et sa propre image, qui est toujours une
passera toujours par l’intermédiaire de ces substrats imaginaires que sont le moi et
résistance dans une analyse c’est du côté du moi, en tant que différencié du sujet,
sujet.
Ainsi, une analyse est possible dans la mesure où l’analyste ne soit placé à
la place de a, « une analyse n’est pas concevable que dans la mesure où le a est
effacé. L’analyste participe de la nature radical de l’Autre, en tant qu’il est ce qu’il
y a de plus difficilement accessible ».90 Tout ce qui part du moi du sujet doit se
rencontrer non pas avec l’autre de la relation a – a’, mais avec l’Autre radical, et
c’est la que le transfert peut surgir, le transfert se passe entre A et m, en tant que le
89
Idem, page 371
90
Idem, page 373
52
s’évanouit et devient sujet, « le moi devient ce qu’il n’était pas, il vient au point
C’est par le fait que l’axe imaginaire a – m, soit annulé, cassé ou neutralisé
dans une analyse, que peut surgir le sujet de l’inconscient, le sujet du sens. Et
c’est à partir de là que Lacan dit : « Toute expérience analytique est une
expérience de signification »,92 tout ce que le sujet découvre dans l’analyse c’est la
signification qui prennent pour lui tous les donnés qui lui sont propres, Cette
signification est fonction d’une parole qui est et qui n’est pas du sujet, en tant que
lui vient par la voie de l’Autre, c’est une parole qu’il reçoit déjà fait, qui lui pre-
existe.
91
Idem, page 374
92
Idem, page 374
93
Idem, page 374
53
langage, les mécanismes du signifiant et du signifié, en disant que tout analyste
doit aisément s’y introduire, car désormais ces lois seront le fondement même de
son exercice.
n’est parole que du langage » ;94 phrase qui propose le langage comme différencié
discours, en tant que ce qui domine c’est l’unité de significations qui renvoie
prise de choses qui est d’ensemble. Le signifié réagit sur le signifiant et de même
« Tel sont les bases, dit-il, qui distinguent le langage du signe. A partir
d’elles la dialectique prend un nouveau tranchant ».95 Lacan rappelle ce qui avait
présente l’être humain dans ses relations naturelles, et la reprise des éléments
imaginaires qui apparaissent morcelés dans cette béance, mais maintenant, dit-il,
« Nul besoin de cette genèse pour que la structure signifiante du symptôme soit
54
perçoit de façon absolue, « l’omniprésence pour l’être humain de la fonction
symbolique ».96
clé, les lois symboliques sont différentes dans son essence et manifestation des
absolue du symbolique.
et c’est bien au-delà du moi. L’analyste doit prendre la position de l’Autre en tant
que c’est le lieu où se constitue le je qui parle ; c’est à partir de là que Lacan
propose comme condition pour que le je puisse surgir, que l’analyste « intervient
Toutes ces élaborations seront reprises largement par Lacan dans la suite
Introduction du père :
Dans son séminaire sur les psychoses, Lacan propose que la seul chose à
55
agressive constituant du moi, toute relation imaginaire est fondé sur la tension
agressive ; en tant que le moi est en lui-même un autre instauré dans la réalité
interne du sujet, c’est une relation d’exclusion permanent, c’est lui ou moi. Ce moi
qui est en parti étranger au sujet même fonde la tension agressive de tout
d’un tiers qui maintienne relation, fonction, distance et harmonie ; c’est là que
Lacan introduit ce qu’il appelle le sens même du complexe d’œdipe, « il faut une
dire du père » ;98 non pas du père naturel, mais d’un ordre qu’il appelle le nom-du-
père, qui introduit justement l’ordre symbolique pour le sujet, et qui lui permet à
La parole :
symbolique, représenté par les signifiants ; l’ordre imaginaire, représenté par les
significations ; et finalement l’ordre réel, qui est le discours même tenu dans sa
dimension diachronique.
98
Lacan, Jacques. Séminaire III, Les Psychoses. Page 111
56
Le mouvement de la parole consiste à faire passe tout un matériel
signifiant dont dispose le sujet, au réel des significations, c’est-à-dire, faire passer
pour le sujet d’assumer le signifiant père au niveau symbolique. Ce qui lui reste
c’est ici radicale, elle n’est pas lié à un signifié néantisant, mais à un
préhistoire, quelque chose du monde extérieur n’a pas été symbolisé, et ça produit
l’imaginaire » ;101 le sujet, faute de pouvoir faire une médiation symbolique entre
l’autre et lui-même, entre dans une espèce de prolifération imaginaire, qui est
d’une certaine façon un mode de médiation, le rapport du sujet au monde est une
99
Idem, page 230
100
Idem, page 231
101
Idem, page 100
57
Lacan prend dans ce séminaire l’exemple de Schreber, car, dit-il, « l’étude
auxquels se réduit le monde de Schreber, sont fait d’une façon tel que l’un offre à
l’autre son image inversé. A partir de là, tous les fantasmes, les hallucinations et
« Le pivot de ces phénomènes, dit-Lacan, c’est la loi, qui est ici toute
102
Idem, page 101
103
Idem, page 83
104
Idem, page 97
58
A partir de cette conception de l’impossibilité d’appréhender l’objet, et
considérant que dans la technique analytique c’est qui est fondamental c’est la
« dévié », tout conception de la cure analytique comme étant une relation à deux,
ou comme une relation d’objet qu’il s’agit de restituer. Désormais, tout ce qui se
joue dans l’analyse sur l’axe a – a’, c’est à dire, tout ce qui est de l’ordre de
la néantisation symbolique »105. C’est à dire, que les signifiants apparaissent dans
le monde du sujet à une étape primitive, avant même qu’il parle, dès qu’il sujet
naît, il se retrouve face à face d’un ordre symbolique. « Avant que l’enfant
du signifiant »106
59
comme lui-même le dit : « le pas que je vous demande de faire dans ce séminaire,
c’est de me suivre quand je vous dit que le sens de la découverte analytique, n’est
pas simplement d’avoir trouvé des significations, mais d’avoir été beaucoup plus
propose ici une triade imaginaire mère-enfant-phallus, qui est le prélude de la mis
imaginaire du désir de la mère ; mais ça c’est une première étape, une fois que
l’enfant l’a situé, l’a approché, dans l’imaginaire où il se trouve, dans l’au-delà de
comme tel.
façon qui le fasse instrument de l’ordre symbolique des échanges, en tant qu’il
107
Idem, page 223
60
préside à la constitution des lignées »108. Ce quatrième élément, ce donc un
signifiant, ce n’est pas un organe, une image ni un objet, le phallus doit être
dans une chaîne signifiante, et c’est la fonction du père qui est la clé et le pivot de
temps ne pas l’être, c’est à dire, une image virtuelle qui joue un rôle décisif dans
chose qui à la fois existe et n’existe pas. Le fondement de cette expérience est que
le sujet conquiert une réalité virtuelle, irréalisé, et à partir de là, toute possibilité
de construction d’une réalité humaine passe par là, et aura toujours cette
108
Lacan, Jacques. Séminaire IV, La relation d’objet. Page 200
109
Lacan, Jaques. Séminaire V, Les formations de l’inconscient, page 115
61
Cette liberté des images avait été expliqué par la psychanalyse comme la
qui avait été désigné par Lacan comme la prématuration de la naissance, comme
une béance biologique qui fait qui soit à partir de l’image de l’autre que l’homme
soit d’ailleurs que cela parte… ce qu’il y a de certain, c’est que ces images, dans
leur état d’anarchie caractéristique de l’espèce humaine, sont agies, prises, utilisés
Ce qui compte, ce qui est en jeu dans cette expérience, c’est que ces
images sont devenues, dès qu’elles apparaissent, des élément signifiants, et sont
brûlure, et tout ce que vous voudrez.. », c’est de cette façon qu’il affirme que le
même que l’apprentissage du langage soit élaboré pour l’enfant sur le plan
110
Idem, page 115
62
Ainsi, l’entrée du sujet dans la réalité humaine a un double mouvement.
D’un côté, la réalité est conquise par l’être humain pour autant qu’elle arrive dans
la forme de l’image du corps, image virtuelle mais pourtant existant. Et d’un autre
côté, c’est pour autant que le sujet introduit dans cette réalité les éléments
également irréel appelés signifiants, qu’il arrive à élargir cette réalité au champ
humain comme tel, c’est à dire, qu’il devient un être humain dans un monde
Du a – a’ à $ ◊ a :
c’est une dialectique très complexe, que le désir ne peut pas se saisir et se
1. Le fantasme : le sujet qui avait été mis à la place de l’œil, n’occupe plus cette
place, en fait ce n’est qu’une métaphore ; en tant que ce qui est vraiment
représenté dans cette expérience du bouquet renversé, c’est « quelque chose qui
111
Lacan, Jacques. Séminaire VI, Le désir et son interprétation. 7 janvier 1959, pg 130.
63
dans le fantasme, essaye de rejoindre sa place dans le symbolique ».112 Ce schéma
désigne un sujet qui cherche à trouver sa place dans le symbolique par rapport à
l’Autre, ce n’est pas le miroir devant lequel l’enfant s’agite face au petit autre, ici
rapport premier a – a’, de ce rapport spéculaire qui règle les rapports du sujet avec
manque quelque chose : le phallus »113, le phallus le partenaire ne l’as pas, il est
chez l’autre. A partir de là le sujet humain, malle ou femelle, est considéré comme
essentiellement châtré.
Ce phallus est assumé par un sujet parlant, par un sujet qui assume son
identité en tant qu’à la fois il l’est et il ne l’est pas. Ce phallus qui manque à
112
Idem, page 145
113
Idem, page 145
114
Idem, page 241
64
1960 – Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : « Psychanalyse et
structure de la personnalité ».
mais dans tous les savoir, en allant jusqu’à dire que « l’esthétique est à refaire
telle ».115
savoir du temps qui court, où le signifiant est considéré comme l’élément guide,
celui qui domine tous les autres registres. Et l’imaginaire, par conséquence, est
Lacan critique son modèle initial du stade du miroir car il ne laisse pas
éclairé la position de l’objet a, il ne décrit pas la fonction que cet objet reçoit du
115
Lacan, Jacques. Ecrits. page 649
65
symbolique. C’est pour cette raison qu’il fait appel au modèle du bouquet
renversé, en tant que la relation d’objet, fonction guide, y est représenté par les
dorénavant. Dit-il, « C’est comme objet a du désir, comme ce qu’il a été pour
l’Autre dans son érection de vivant… que le sujet est appelé à renaître pour savoir
s’il veut ce qu’il désire.. »116 Nous avons là d’ailleurs la conception de la fin
freudien.
parcours, l’objet, ces objets appelés partielles, jouent un rôle décisif ; Lacan dans
ce texte de 1960 proposera la thèse qui justifie cette fonction guide de l’objet, à
savoir, que « Les objets partiels n’ont pas d’image spéculaire »117, et c’est en tant
116
Idem, page 682
117
Idem, page 818
66
qu’objets insaisissables dans le miroir, que l’image spéculaire leur donne son
Lacan dit, « le phallus, soit l’image du pénis est negativé à sa place dans l’image
L’image du pénis, en tant qu’il peut être en érection ou pas dans le miroir,
« C’est pour autant qu’une partie reste préservé… » c’est à dire la position
érectile du pénis, « que la fonction imaginaire le voile du même coup qu’elle lui
118
Idem, page 828
119
Idem, page 822
67
Brève Conclusion.
mis en valeur du signifiant, Lacan reprend le Stade du miroir dans une forme
langage. Tout son effort à été dirigé à resituer et à refaire tout ce qui se passe dans
axe imaginaire, et à ne pas s’orienter par cette voie, et à opérer à partir de ce qui
miroir, c’est l’image du corps et la discordance interne du sujet. Même après les
68
Nous remarquons qu’à la fin de cette période, l’imaginaire commence à
être toujours lié avec la forme et le corps, et dans le texte de 1960, Remarque sur
même comme passible d’une torsion topologique, ce qui prendra une importance
sujet à la réalité de son corps, qu’il perd dans son intérieur, à la limite où repli de
feuillets coalescents à son enveloppe, et venant s’y coudre autour des anneaux
Pour finir, nous voudrions citer deux paragraphes des écrits de Lacan de
1960, où il expose sa position par rapport à ce qui avait été sa théorie du stade du
miroir antérieure :
une cure désormais déviée vers un succès adaptatif… réduction d’une pratique
120
Ibid, page 676
121
Ibid, page 808
122
Ibid, page 682
69
Perspective de l’image, l’imaginaire et le corps dans la clinique lacanienne de
1953 à 1960
privilégiée par rapport aux autres deux registres. Nous allons montrer la place
qu’occupent les trois registres dans les phénomènes cliniques à cette époque de
l’enseignement de Lacan, à partir d’un récit du cas d’un sujet atteint d’un
symptôme psychosomatique.
symptômes dans les domaines des activités de la main. Aucune cause biologique
n’avait été trouvée, et le sujet avait fait déjà une premier analyse, où l’analyste en
70
question avait dirigé son interprétation vers la masturbation infantile, sans aucun
succès.
raconte à Lacan que pendant son enfance, il avait entendu dire que son père était
un voleur et qu’il devait donc avoir la main coupée. En effet, la loi coranique
elle reste inscrite dans l’ordre symbolique qui dirige les relations humaines, et qui
s’appelle la loi. Cet énoncé à été donc, isolé par le sujet du reste de la loi, et a été
de réel, que s’est inscrit dans son corps dans la forme d’un symptôme. Après avoir
sont disparus.
Lacan dit : « Les images qui n’ont jamais été intégrées produisent des
trous, des pointes de fracture ; et c’est à partir de ces trous que le sujet peut se
retrouver dans les différents déterminants symboliques qui font de lui un sujet
71
La théorie de la reconnaissance : le cas Dora
seulement lorsqu’il se formule, se nomme devant l’autre, que le désir, quel qu’il
soit, est reconnu au sens plein du terme » ;125 il critique dans l’observation du cas
imaginaire dans l’analyse ; désormais, l’imaginaire doit être neutralisé, tout axe O
Moi de l’analyste doit être effacé de l’expérience, faut de quoi il y aura une
qui était l’objet de Dora, c’est à dire, le partenaire qu’elle situait à la place de O’
Cette erreur de Freud est due au fait qu’il aborde Dora à partir de son
propre Moi, fait intervenir son ego, autrement dit, la conception qu’il a, lui, Freud,
de ce que doivent faire les femmes, c’est à dire, les femmes doivent aimer les
hommes.
125
Ibid, p. 286
72
Ainsi, il considère que ce qui ne va pas chez Dora est du au fait qu’elle
aime M. K…, et il lui annonce l’interprétation suivant : Vous aimez M. K…, ce qui
Alors, qu’est-ce que propose Lacan ? Selon lui, si l’analyse avait été
l’axe imaginaire, et d’introduire donc son propre Moi, il se serait rendu compte et
l’aurait montré, que c’était Mme. K… que Dora aimait, que l’objet de son désir
désir pour aboutir à sa reconnaissance c’est donc le but premier d’une analyse à
cette époque là, la parole en étant le seul élément qui permet la reconnaissance, et
A partir d’un commentaire d’un rêve de Freud, appelé par lui le rêve de
Irma, que je prends tout de suite à part, pour lui reprocher, en réponse à sa lette,
126
Ibid, p. 286
73
douleurs, c’est réellement de ta faute. » Elle répond : « Si tu savais comme j’ai
regarde. Elle a un air pâle et bouffi ; je me dis : n’ai-je pas laissé échapper
gorge. Elle manifeste une certaine résistance comme les femmes qui portent un
dentier. Je me dis : pourtant elle n’en a pas besoin. Alors, elle ouvre bien la
cornets du nez, et sur elles de larges escarres blanc grisâtre. J’appelle aussitôt le
docteur M., qui, à son tour, examine le malade et confirme. Le docteur M. n’est
pas comme d’habitude, il est très pâle, il boite, il n’a pas de barbe… Mon ami
Otto est également là, à côté d’elle, et mon ami Léopold la percute par-dessus le
corset ; il dit : « Elle a une matité à la base gauche », et il indique aussi une
comme lui malgré les vêtements). M. dit : « Il n’y a pas de doute, c’est une
s’éliminer. » Nous savons également, d’une manière directe, d’où vient l’infection.
Mon ami Otto lui a fait récemment, un jour où elle s’était sentie souffrante, une
gras)… Ces injections ne sont pas faciles à faire… il est probable aussi que la
127
Lacan, Jacques. Séminaire II. P. 180
74
Apparition du symbolique et du sujet de l’inconscient :
du rêveur avec la bouche ouverte, avec le trou corporel, dit – Lacan, « vision
plus loin de toi, ceci qui est le plus informe ».128 Cette vision angoissante de la
d’informe, de morcelé, de déchirée, amene au rêveur, Freud dans ce cas là, vers un
à laquelle, et malgré les résistances du moi et de l’image, comme dit Lacan, grâce
au monde ».129
ignorée. Il dit : « Dans le rêve, c’est au moment où le monde du rêveur est plongé
dans le chaos imaginaire le plus grand que le discours entre en jeu. Et du coup le
de l’inconscient ».130
128
Ibid, p. 186
129
Idem, p. 199
130
Idem, p. 202
75
point est désignée par le AZ, formule de la trimethylamine, que Freud voit devant
fait la notion freudienne de l’inconscient, un sujet qui n’a plus d’ego, qui est
extrême à l’ego, décentré par rapport à l’ego, qui n’est pas l’ego.. et que
les symptômes analytiques se produisent dans le courant d’une parole qui cherche
conséquence ce qui est visée dans une analyse, à cette époque, c’est le
signification comme tel ; c’est à partir de là que Lacan dira dans ce séminaire:
comme la fin d’une analyse, désormais c’est la signification qui est visée.
131
Idem, p. 200
132
Idem, p. 191
76
Apparition de l’objet structuré comme l’image du corps :
excellence.133
comme dit Lacan, « ce quelque chose devant quoi tous les mots s’arrêtent et toutes
Cet objet est perçu dans l’image du corps, mais aussi selon le principe de
l’image du corps, c’est à dire, il est structuré toujours de la même façon que
Dans le rêve d’Irma, cet objet angoissante est trouvé dans l’image en
miroir, Lacan dit : « Au moment où est atteint quelque chose du réel dans ce qu’il
133
Idem, p. 196
134
Idem, p. 196
77
ces composés fondamentaux du monde perceptif que constitue le rapport
narcissique ».135
A partir de tous ces élaborations de Lacan, nous trouvons, pas à pas, ce qui
son image spéculaire qu’apparaît toujours dans son tableau perceptif ; image
a’, qui est opposé à l’axe de la parole dans son efficacité, c’est à dire, l’axe S – A.
en miroir.
135
Idem, p. 199
78
Le monde imaginaire de l’homme a quelque chose de décomposé,
produit, comme le dit Lacan : « une soustraction de la trame dans la tapisserie, qui
Dans les cas Schreber, par exemple, les deux personnages auxquels se
réduit le monde de Schreber, sont faits l’un équivalent à l’autre, chacun offre à
l’autre son image inversée. Ces deux personnages sont lui et Dieu, Dieu est pour
lui l’autre, et au même temps Dieu c’est l’univers, la sphère céleste. Le monde de
Schreber se compose essentiellement de cette relation avec ce Dieu qui est pour
lui l’autre et à la fois lui-même. Nous trouvons des phrases exemplaires comme :
« Je ne l’aime pas, lui, c’est Dieu que j’aime… c’est Dieu qui m’aime ».
Lacan dit : « il y a dans toute relation quelque écho de cette dualité interne
du sujet ; sur le plan imaginaire, le sujet est ainsi constitué que l’autre est toujours
près de reprendre sa place de maîtrise par rapport à lui, qu’en lui il y a un moi qui
propre mort a eu lieu, et qu’elle a été annoncé dans les journaux ; mais de cette
personne morte, Schreber se souvient comme de quelqu’un qui était plus doué que
lui. Il est un autre, mais au même temps est le même qui se souvient de l’autre.
136
Lacan, Jacques. Séminaire III, Les Psychoses. P. 101
137
Idem, p. 101
79
La dualité c’est aussi caractéristique du monde de Schreber, tous les
personnages dont il parle se repartissent en deux catégories : Ceux qui vivent, ses
gardes, infirmiers, etc. ; et ceux qui sont morts, les âmes qu’envahissent le corps
de Schreber.
trouve les récits angoissants où il parle des petits hommes, diversement nocives à
D’un autre côté dans ce séminaire Lacan propose pour la première fois la
signifiant, au sujet lui reste l’image à quoi se réduit la fonction paternelle, que
produit une aliénation spéculaire à ce modèle, et que, dit Lacan : « donne tout de
imaginaire »138
138
Idem, p. 227
80
Désormais le prélude de la mise en jeu de la relation symbolique, c’est la triade
mère-enfant-phallus.
aura par la suite une double déception imaginaire : d’abord le repérage pour
l’enfant du phallus qui lui manque, et puis, perception qu’à la mère manque aussi
le phallus. Suite d’un appel de l’enfant à un ordre qui soutienne, qui fasse
signifiant.
Lacan montrera ce processus à partir d’un cas de phobie chez une petite
fille logé dans une institution, le cas a été observé et publié par une des élèves de
Mélanie Klein. Il s’agit d’une petite fille anglaise qui a deux ans et cinq mois,
s’étant aperçu que les garçons ont un « fait-pipi » (comme l’écrit Lacan, en
rivalité et elle fait tout pour ressembler un petit garçon qui a un fait-pipi, elle les
Cette petite fille a été séparée de sa mère et logée dans une institution, car
pendant la deuxième guerre mondiale), mais cette mère vient voir sa fille très
souvent, la présence-absence est régulière, et, comme dit Lacan, elle joue son rôle
de mère symbolique.
réveille complètement paniquée, un chien est là qui veut la mordre, il faut la sortir
81
de son lit et la mettre dans un autre ; par la suite la phobie évolue et se maintien
avec la mère, d’abord elle a cessé de venir parce qu’elle est tombée malade et il a
fallu l’opérer. La mère manque ainsi pour la première fois. Après elle revient
appuyée sur une canne, et même si elle joue avec la petite fille, elle est faible, elle
phallus, elle est une mère faible et malade. C’est là que la catastrophe surgit et il
faut un élément qui vienne introduire un ordre dans la situation, c’est alors
l’éclosion de la phobie, et du chien, celui que châtre, qui mord, mais grâce à qui la
comme agent qui retire ce qui a d’abord été plus ou moins admis comme
absent »139.
franchir, dans l’analyse mais aussi dans la conquête de l’être humain d’un monde
139
Lacan, Jacques. Séminaire IV. La Relation d’objet. P. 72
82
propice aux échanges. Comme le dit Lacan : « Les images dans leur état
d’anarchie caractéristique dans l’ordre humain, doivent être agies, prises, utilisées
140
Lacan, Jacques. Séminaire V : Les Formations de l’inconscient. P. 115
83
L’IMAGE ET L’IMAGINAIRE CHEZ JACQUES LACAN
De 1960 à 1969
imaginaire.
Il sépare les trois registres qui doivent être conçu comme complètement
forme ait sa valeur, son énigme et « son ordre de réalité », mais ce qu’il essai de
avec toute sa force, à savoir la dimension symbolique, définie comme ce qui est
141
Lacan, Jacques. Séminaire IX : L’identification. Leçon du 22/11/1961
84
Fonction de l’image spéculaire :
humain, elle ne le joue pas en tant qu’élément isolé, cette fonction prend son poids
niveau du désir, est une relation privilégié avec a, objet du désir ».142
relation indirecte avec ce qui se cache derrière l’image, à savoir la relation d’objet,
Cette relation, Lacan l’avait par ailleurs situé dans son modèle du bouquet
renversé, en situant l’Autre dans le miroir plan ; i(a), dans l’image réelle du vase,
défaillance. C’est en tant qu’objet manquant à l’image désiré qu’il devient l’objet
psychiques par rapport à ces trois éléments : l’Autre, le phallus et le corps propre.
Pour le névrotique, dit-il, c’est l’Autre qui a toute l’importance ; pour le pervers,
142
Idem, leçon du 13/06/1962
85
c’est le phallus qui a toute l’importance et pour le psychotique, c’est le corps
Surgissement de l’objet a :
Selon Lacan, le corps, tel que nous le recevons et le portons, ne peut pas
corps dont il s’agit n’est pas reçu de façon pure, simple et directe du miroir, car
cette image du miroir que croyons tenir, à un moment donné se modifie, et ce que
nous avons en face de nous, et que nous croyons que c’est notre visage, nos yeux,
etc., se modifie aussi, nous ne nous reconnaissons plus dans notre propre image,
cette expérience, dit Lacan, « c’est l’aurore d’un sentiment d’étrangeté qui est la
double qui m’échappe, voilà le point où quelque chose se passe dont nous
86
qu’il aperçoit dans une pièce quelque chose qui lui tourne le dos et dont il saisit
immédiatement qu’il n’est pas sans avoir un certain rapport avec ce fantôme,
« Tel est –dit Lacan- , ce dont il s’agit quand l’image spéculaire devient
c’est à dire, que l’image spéculaire a la même structure que la bande de moebius,
et comme tel elle peut passer d’une face à l’autre, et revenir au même endroit à
exactement le passage du gant droit au gant gauche, ce que l’on peut obtenir sur
psychanalyse.
145
Idem
146
Idem
87
Fort – Da : Première opposition à la suprématie du signifiant
Da, qui n’avait pas été reprise par lui depuis 1953, où il l’avait définie comme le
s’humanise chez le sujet. Il le reprend ici d’une façon tout à fait différente.
ouverte, ce qui compte, dit-Lacan, « ce n’est pas l’autre en tant que figure où se
projette le sujet, mais cette bobine lié à lui-même par un fil qu’il retient – où
est venue à créer, à savoir une fossé, une béance, qui est situé hors du sujet, sur la
frontière de son domaine, et l’enfant n’a plus qu’à faire avec cette bobine le jeu du
saut.
L’élément fondamental que Lacan introduit ici, c’est que cette bobine n’est
pas la mère réduite à une boule, ce n’est pas un jouet qui symbolise la mère, cette
bobine « c’est une petite quelque chose du sujet qui se détache tout en étant
147
Lacan, Jacques. Séminaire XI : Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, page 60
(le souligné est notre).
88
encore bien à lui, encore retenu … c’est son objet ».148 Cette bobine c’est le sujet
même.
d’une des premières oppositions à paraître… comment ne pas reconnaître ici, que
l’objet, la bobine, c’est là que nous devons désigner le sujet ».149 Cet objet sera
répétition d’un besoin qui appelle le retour de la mère; ici, dit –Lacan, « c’est la
surmonté par le jeu alternatif fort-da, qui est un ici ou là ».150 A partir de là, même
148
Idem, page 60
149
Idem, page 60
150
Idem, page 61
89
Lacan considère à ce moment de son enseignement, que tout ce que peut
s’appeler image est réductible à une fonction précise : « la fonction des images se
définit par une correspondance point par point de deux unités dans l’espace » ;151
C’est à dire, que ce qui compte dans le champs des images, ce n’est pas la vision
comme tel, la vue, mais l’espace géométral. Tout image, dit-Lacan, « est liée à une
surface, avec un certain point que nous appellerons point géométral »152.
implique que cet espace géométral, même l’espace géométral virtuelle du miroir,
A partir des deux éléments essentielles qu’il avait introduit dans ces
dans le miroir, c’est le retour de la tête vers l’Autre qui le soutient, ce qui à été
aussi un réel aperçu dans le miroir. Cette référence à l’Autre restera inscrit.
151
Idem, page 81
152
Idem, page 81
90
2.- l’objet a. Que la seule façon de le comprendre c’est à condition de faire entrer
a son origine dans le sujet, dans l’expérience spéculaire, l’objet a n’a pas d’image
deux possibilités, à ces deux termes qui commandent : d’abord, l’idéal du moi,
tant qu’il n’est pas vu dans le miroir, il est absent dans l’image spéculaire.
moi. Tout au contraire c’est autour de a que se jouent tous les impasses et
la possibilité de leur solution. Il dit : « toutes les apories, les difficultés, les
Ainsi, la fin de l’analyse et son parcours même, se jouera vers cet objet.
153
Lacan, Jacques. Séminaire XII. Problèmes cruciaux pour la psychanalyse. Leçon du 3/2/65
91
L’image du corps n’est pas trouée :
Dans ce séminaire de la fin des années 60, Lacan soutient la thèse que
l’image spéculaire du corps n’est pas troué, cette image anthropomorphe est en
défaut, dit-il, en tant qu’elle « masque simplement la fonction des orifices ».154
Cette image est perçue comme la « bonne forme », la forme parfaite, et en tant
que tel, tout orifice ou trou lui est étranger. C’est pour cette raison aussi que Lacan
dit que le recours à l’image pour expliquer la métaphore est toujours faux, « toute
prendre un nouveau statut, en se penchant surtout vers une reprise du poids, face
l’imaginaire du réel nous fait bien repérer ce qu’a de cadrant, de formateur : Une
référence qui toute entière va à son terme au registre de l’image du corps ».156
Ainsi, toutes les élaborations faites par Lacan sur l’imaginaire et l’objet a,
élément régnant dans ce période de Lacan, lui font arriver à valoriser l’image du
154
Lacan, Jacques, Séminaire XVI : D’un Autre à l’autre. Leçon du 08/01/69
155
Idem, Leçon du 08/01/69
156
Idem, Leçon du 23/04/69
92
Il ajoute : « l’idée même de macrocosmes a toujours été accompagnée
d’une référence à un microcosme qui lui donne son poids, sons sens, son haut, son
fois depuis le début des années 50 de l’œuvre de Lacan, une fonction limité. Il
explique cette dernière référence au macrocosme en disant : « c’est à dire que les
registres du symbolique, ne sont pas sans rapport, sans trouver de support dans la
fonction imaginaire »158, autrement dit, que l’imaginaire après être conçu comme
un obstacle, maintenant c’est elle qui donne « son poids, son sens, son haut, son
puisque, dit-il, «c’est uniquement en fonction de ce qui peut s’articuler dans des
propositions défendables, au nom d’une certaine règle du jeu logique, que quoi
qu’elle lui est tout à fait étranger ». Ainsi, il critique la science pour oublier
157
Idem, Leçon du 23/04/69
158
Idem, leçon du 23/04/69
159
Idem, leçon du 23/04/69
93
remplacement des organes qui est en vogue à l’époque, acte où rien n’y existe de
en sachant qu’un moment de bascule important était en train de se faire dans son
marquer les termes d’une opposition aussi profonde que nécessaire qui est celle où
humain, une image, y joue un rôle privilégié, c’est l’image spéculaire, elle exerce
surtout vers l’importance du corps comme tel pour l’être humain, ce qu’il avait
développe comme la « maîtrise motrice du corps », c’est cette maîtrise qui permet
160
Idem, leçon du 07/05/69
161
Idem, leçon du 07/05/69
162
Idem, leçon du 07/05/69
94
déplace sans jamais sortir d’une aire bien définie.. » grâce à cette maîtrise motrice,
«en ceci qu’elle interdit une région proprement centrale qui est celle de la
jouissance »,163 et bien, c’est par là que l’image du corps prend toute son
importance.
Mais l’image du corps et cette maîtrise motrice prennent une valeur tout à
fait surprenant pour Lacan à cette époque, elles atteignent pas seulement le
champs de l’organisme, elles vont beaucoup plus au-delà, tant qu’il dit : « Tout ce
qui peut s’inscrire en fonction d’ordre, de hiérarchie et aussi bien de partage, tout
elle-même, tout ce qui participe de la relation que nous posons comme spéculaire,
tout ceci se rapporte au statut de l’image du corps, comme liée à ce quelque chose
du corps ».164
psychanalyse, c’est tout ce qui est observé, articulé comme rapport entre i(a) et
objet petit a. Ce rapport prend un valeur de « modèle de tout ce que nous livre, au
L’objet petit a, qui avait été définie d’abord par Lacan, comme
163
Idem, leçon du 07/05/69
164
Idem, leçon du 07/05/69
165
Idem, leçon du 07/05/69
95
champ de l’Autre ; prend ici un nouveau versant, en tant que la structure même de
l’Autre devient ici effet dans le champ de l’imaginaire. Ces effets dans le champ
de l’imaginaire, Lacan les situent comme le fait que « ce champ de l’Autre est en
structurellement troué.
de a de l’Autre, est masqué, et par ailleurs, celui qui peut se trouver dans le rôle
de grand Autre n’en sait rien, c’est cet effet de masquage, d’aveuglement, qui est
imaginaire.
Brève Conclusion.
166
Idem, leçon du 07/05/69
96
d’objet petit a, c’est la clé qui ouvre toute une nouvelle conception théorique qui
symbolique, est ce dernier par contre commence à occuper une deuxième place
Nous pouvons finir ce période de Lacan, avec une phrase de son séminaire
nous continuons de nous avancer dans ce qui est le problème crucial, que nous
psychanalytique. »167
1960 à 1970
clinique ; et aussi, suivant les deux axes élaborés auparavant par lui, l’axe
167
Lacan, Jacques. Séminaire XII. Problèmes cruciaux pour la psychanalyse. Leçon du 03/02/65
97
imaginaire a – a’, doit être annulé, effacé; c’est dans l’axe S – A, axe de la parole
En 1953 Lacan avait mis Mme. K… à la place de a’, c’est à dire, dans une
relation spéculaire avec Dora ; et en plus, il avait situé le mystère à dévoiler pour
Dora, dans le corps de Mme. K., c’est à dire, la réponse à sa féminité se trouvait
dans son corps, dans la « blancheur ravissante de son corps », la réponse à qui
comme hystérique vise autre chose, elle vise grand A. Elle vise l’Autre absolu.
Mme. K est pour elle l’incarnation de la question qu’est-ce qu’une femme?. C’est
168
Lacan, Jacques. Séminaire 8, Le Transfert. P. 293
98
Ainsi, si en 1953, Lacan considère qu’on se reconnaît comme sujet et
comme corps dans le semblable, dans l’autre du rapport spéculaire ; en 1960, pour
Lacan, être sujet, c’est avoir sa place dans grand A, au lieu de la parole.
zerwutzelte veut dire faire une boule, c’est à dire qu’une girafe zerwutzelte c’est
Il y a donc deux girafes dans l’histoire, une grande girafe vivante, et une
autre girafe à côté en papier, petite, et que comme telle on peut mettre en boule.
mais aussi avec son grand cou, la mère en tant qu’elle est cet immense phallus du
désir, terminé encore par le bec broutant de cet animal vorace. Et puis il y a l’autre
petite girafe, qui sera chiffonnée, qui représente la fille, la petite sœur du petit
99
Hans. Le rapport de Hans aux girafes représente le rapport de rivalités familiales,
L’enjeu de ce dont il s’agit, c’est que la grande girafe voit le petit Hans
jouer avec la petite girafe, celle là crie très fort jusqu’à ce qu’enfin elle se lasse,
elle épuise ses cries. Et le petit Hans, pour sanctionner cette prise de possession de
Ce dont il s’agit pour le petit Hans, dit Lacan, « c’est de son identification
préserver quelque chose de lui, de son être, qui lui permet de ne pas se sentir un
A partir d’un petit commentaire des cas Dora et L’homme aux rats, Lacan
169
Lacan, Jacques. Séminaire IX : L’identification. Cours du 20 décembre 1961.
170
Idem
100
symptômes analytiques, même ceux qui touchent directement le corps sont à être
signifiant ; mais non pas un signifiant que fonctionne tout seul, en effet, l’aphonie
se présent quand Dora est seule avec Mme. K., elle ne peut plus parler seulement
quand elle seule avec Mme. K., l’aphonie représente à Dora, non pas du tout avec
Mme. K. simplement, avec qui elle parle même beaucoup, mais quand elle est
le sujet Dora que par rapport à ce signifiant qui n’a point d’autre statut que de
Dans le cas de L’homme aux rats, Lacan isole une autre situation
Dick, mot allemand que signifie gros, gras ; et c’est justement pour ne point être
Dick qu’il essai de maigrir, et en fait, il s’efforce jusqu’au point limite, Lacan dit :
171
Lacan, Jacques. Séminaire XII, Problèmes cruciaux pour la psychanalyse. Cours du 5 mai 1965.
172
Idem
101
« c’est pour se signifier auprès de ce signifiant Dick qu’il maigri »173 Nous
Dans le cas en question, il s’agit d’une phobie des poules chez un petit
garçon. Avant le déclenchement de la phobie, les poules n’étaient rien pour lui,
c’était les bêtes qu’il allait soigner en compagnie de sa mère, et aussi faire la
cueillette des œufs, que consiste en faire une palpitation du cloaque pour
Comme suite à ces activités, le petit garçon, quand il se faisait baigner par
sa mère, il lui disait de faire autant sur son périnée. Il se désignait ainsi comme
une poule plus, comme le candidat à donner à la mère l’objet dont elle
173
Idem
102
s’intéressait. Jusqu’à là, tout allait bien, mais une scène avec le frère apparaît, et
Son frère aîné et particulièrement plus fort que lui, un jour le saisit par
derrière, le tient très fort, et lui dit : Moi je suis le coq et toi la poule. Le petit se
Lacan se demande, « Pourquoi est-ce qu’il dit non, alors que le temps
d’avant il se trouvait si bien avec sa mère, de pouvoir être pour elle une poule ? »,
savoir la rivalité avec le frère, le passage à une relation de pouvoir, l’autre le tient
à la force ».174
C’est qui est en question c’est donc le corps, prise dans une relation de
rivalité, qui se trouve soumis à l’autre qui le tient et le prend à sa volonté. C’est ce
phobie en question, les poules prennent donc une fonction signifiante, à savoir,
en compte en tant que corps et rien d’autre, car « c’est le corps –dit Lacan par
174
Lacan, Jacques. Séminaire XVI, D’un Autre à l’autre. Cours du 7 mai 1969
175
Idem, cours du 18 juin 1969
103
L’IMAGE ET L’IMAGINAIRE CHEZ JACQUES LACAN
De 1970 à 1980
sont point de butée de l’année, à savoir, dit-il, « la remarque qui sera celle que
104
j’avance cette année, c’est que l’imaginaire c’est une dit-mansion aussi importante
être véhiculé que de ce qui le constitue, à savoir qu’il est chiffré. L’imaginaire,
c’est que, comme lui-même le conseille, « il faut bien s’arrêter quelque part, et
même le plus tôt qu’on peut ».177 L’imaginaire c’est toujours l’intuition de ce qui
mot « mode » dans l’occasion. Et même « mode d’être ». Et… ça envahit. C’est
bien en ça que c’est instructif : ça envahit l’autre ordre ».178 C’est aussi une
impossible de manipuler les autres ordres, sans le prendre en compte. Dès qu’on
176
Lacan, Jacques. Séminaire XXI, Les non-dupes errent. Leçon du 13/11/1973
177
Idem
178
Idem
105
qu’avec les images, dit-il, « souvenez-vous de la façon dont s’abordent les
pas sans images, c’est avec les images que vous le supportez, ces modes pourtant
montre justement, la paradoxe que si bien c’est une science qui essai en théorie de
rapport au corps, qui sera l’envers de ce qui avait été dit auparavant, dans les
« Vous avez toujours compris mais à tort – que le progrès, le pas en avant
malheureux imaginaire par lequel j’ai commencé, j’ai commencé en tirant dessus
l’image du miroir, c’est tout à fait réel qu’elle soit inversée », ça fait référence au
modèle du bouquet renversé, à ce qui avait été l’image virtuel vue dans le miroir,
179
Idem
106
comme la bonne image. Ça implique que l’image du corps ne dépend pas de la
position de l’œil du sujet, elle perçu tel qu’elle est ; ça fait évanouir l’idée de
l’apparence, car vous imaginez peut-être qu’il y a des nœuds dont l’image dans le
miroir peut-être superposé au nœud lui-même ? Il n’en est rien. Il n’y a rien de
plus spéculaire qu’un nœud ».180 L’image du corps spéculaire c’est saisi donc de la
- Comme une image qui tient ensemble mais qui peut se défaire, se dévider.
du stade du miroir c’était la forme pas troué, la bonne forme. Mais ici,
qu’on adore, dans un être aimé. On n’adore jamais rien de plus »181 ; on n’adore
jamais rien de plus, puisqu’en ce qui concerne le corps, on n’a pas accès à rien de
l’occurrence.
180
Idem
181
Idem, leçon du 11/12/1973
107
C’est dans ce sens là aussi, que Lacan dit dans ce séminaire que « le nœud
borroméen est la structure du corps que nous préférons oublier », c’est la fin de la
référence à la bonne forme, c’est un au-delà du narcissisme qui avait été élaboré
déprécié. Ce qu’il pousse en avant ici, comme lui même le dit, c’est l’image à
deux dimensions, et ce qui nous attache à elle, mais, dit-il, « Je suis loin de l’avoir
déprécie, non seulement je suis loin de l’avoir déprécie, mais ce serait tout à fait
absurde de le dire, parce que les signifiants eux-mêmes, nous sommes forcés d’en
passer par la même image, flat land, l’image à deux dimensions, pour démontrer
ces séminaires, c’est que les trois ordres, à savoir, le Symbolique, le Réel et
équivalents, ils sont tous la même fonction par rapport aux autres.
L’espace habité par l’être parlant, c’est un espace à trois dimensions, c’est
l’esthétique transcendantale, mais c’est la seule façon d’opérer avec l’espace que
182
Idem
108
Cette nouvelle façon de considérer l’espace, implique que ces trois dimensions qui
Lacan dit, « ce que je mets à l’ordre du jour, à savoir de bien marquer que,
comme dimensions de notre espace –notre espace habité en tant qu’êtres parlants-
C’est aussi par là que ces trois ronds de ficelle prennent son importance,
l’importance de ces trois ronds du nœud borroméen, c’est justement qu’ils sont
que le symbolique, peuvent jouer la même fonction par rapport aux deux autres.
de l’amour ».184
tel que le nœud, et pas de l’ordre. Il s’écrit comme un nœud, en tant que nœud,
s’écrit plus. C’est un savoir nodal, il tient à un ensemble que peut se dénouer.
peut pas la dire, puisqu’elle ne peut que se mi-dire ». C’est en tant que la vérité se
183
Idem, leçon du 13/11/1973
184
Idem, leçon du 18/12/1973
109
fonde de la contradiction, de la supposition du faux, qu’elle ne dit rien que le mi-.
Ainsi, cette vérité trouve une limite dans ce mi-dire, mais d’une autre côte,
elle est ouverte et sans limites, et en tant que tel le savoir inconscient l’habite,
L’amour, n’est pas sans rapport avec toutes ces élaborations, l’amour c’est
la vérité, dit-Lacan, puisque c’est à partir d’une coupure, d’une incomplétude qui
inconscient sur le partenaire. C’est pour ça que Lacan conclue que « l’amour
c’est deux mi-dire qui ne se recouvrent pas, c’est ça qui fait la division
irrémédiable »186.
sens définie à son tour comme ce par quoi répond quelque chose qui est autre que
le symbolique. Le symbolique est lié ici à l’équivoque, qui est différent du sens.
savoir, lapsus, actes manques, oublies, etc., est de l’ordre du symbolique ; mais le
sens est différencié de tout ça, et il est ici supporté par l’imaginaire.
185
Idem, leçon du 15/01/73
186
Idem
110
Mais il y a aussi une autre définition de l’imaginaire dans ce séminaire, il
apparaît ici très étroitement lié à ce que Lacan appelle la débilité mentale de l’être
corps, tout ce qui pour le sujet se représente, n’est que le reflet de son organisme.
anthropomorphique. C’est ici que se situe la mis à plat, en tant que le corps ne
peut pas être perçu que mis à plat. Dans ce sens l’imaginaire c’est trouve réduit, et
c’est à partir de là que Lacan élabore cette notion de la débilité mentale. C’est
Même la pensée est liée à cette débilité mentale, « nous ne pensons qu’à
corps ».188 L’être humain est dans ce sens engluée par l’imaginaire, tous ce qu’il
imaginarité, en tant que l’être humain est prise par son corps. « On est dans
l’imaginaire, si élaboré qu’on le fasse, c’est à quoi l’analyse nous ramène, c’est
que dans l’imaginaire, on y est. Il n’y a pas de moyen de le réduire dans son
imaginarité ».189
187
Lacan, Jacques. Séminaire XXIII : R.S.I. leçon du 10/12/74
188
Idem, leçon du 17/12/74
189
Idem
111
C’est à partir de là que Lacan propose une nouvelle topologie qui permet
de penser le corps, en tant que ce n’est pas une esthétique transcendantale qui vaut
pour le corps, ce n’est pas une espace à deux dimension qui rend compte du corps,
il faut une nouvelle topologie pour cette nouvelle façon de considérer l’espace.
Le corps n’est pas tout seul dans cette topologie, il lui faut le symbolique,
et l’ex-sistence du réel, (c’est l’existence hors de qui lui fait exister), sans
lesquels le corps n’aurait pas d’esthétique du tout, parce que, dit-Lacan, « il n’y
aurait pas de tore-boyau », c’est la figure topologie qu’il utilise pour représenter
ou au réel ?
ensemble.
190
Idem
191
Idem, leçon du 10/12/74
112
« C’est pour tenir au Symbolique et au Réel que l’Imaginaire se réduit à ce
qui n’est pas un maximum imposé par le sac du corps, mais au contraire, se définit
d’un minimum, celui qui fait qu’il n’y a de nœud borroméen que de ce qu’il y en
trois dimensions, que c’est lui qui les soutient, et que sans cette triade il n’y a pas
de nœud possible, mais il perd aussi du fait du passage du corps comme sac,
comme enveloppe, à la mis à plat du même. Nous pouvons dire, qu’à ce moment
fabrique et qui s’invente. Et dès qu’elle existe, elle est dans le réel, à savoir un
nœud ».193 Ce qui implique, que dès qu’on commence à « tresser » l’imaginaire, à
Cela veut dire, que tous ce qui se tresse dans une analyse comme
imaginaire, ne veut pas dire imagination, parce que si on peut faire que
192
Idem
193
Idem, leçon du 17/12/74
113
Ainsi, le nœud, quoique seulement reflété dans l’imaginaire, il est réel.
C’est dans ce sens que Lacan dit, « le Réel, en fin de compte, ce n’est que ça,
suivants :
consistance, ça veut dire ce qui tient ensemble. Et c’est bien pour ça que c’est
symbolisé, dans l’occasion, par la surface. Le corps, c’est comme peau, retenant
dans son sac un tas d’organes, que nous le sentons ».195 Ce corps, comme surface
c’est la seule consistance qui possède le parlêtre, il croit avoir un corps mais en
réalité il ne l’a pas. C’est pour ça aussi que Lacan propose que l’inquiétant
c’est « adorer un corps qui fout le camp à tout instant »196, c’est la racine de
l’imaginaire, adorer un corps qu’il croit qu’il l’a, et que même si en réalité il ne l’a
194
Lacan, Jacques. Séminaire XXII, Le non-dupes errent. Leçon du 12/03/74
195
Lacan, Jacques. Séminaire XXIII : Le sinthome. Leçon du 9/12/75
196
idem
114
2. Deuxièmement, d’un trou comme fondamental qui ressortit au symbolique.
Le trou c’est lié à la mort en tant que la mort on ne sait pas qu’est-ce que c’est. Et,
caractère fondamental. Cette ex-sistence, tel qu’il l’écrit, ex tiret sistence, dans
résistent.
borroméen, par une continuité, par une relation de voisinage, et pas par une
Dans cette conférence que Lacan fait aux Etats Unis en 1975, il
commence par une question, dit-il, « y a t-il de l’analyse une théorie ? oui,
197
Lacan, Jacques. Séminaire XXII : R.S.I. Leçon du 17/12/74
115
référence au corps, d’abord. On peut s’apercevoir, pour l’analyse, que du corps
n’apprendre de lui que ce qu’il a d’imaginaire, c’est à dire, que le corps pour
l’analyse c’est l’imaginaire, et donc, c’est l’imaginaire aussi qui occupe cette
fait bien remarquer, comme l’a rappelé Marie-Hélène Brousse 199, que cette
conception du corps comme imaginaire vaut pour le discours analytique, mais elle
c’est-à-dire que pour reproduire un corps, il faut une forme, c’est d’ailleurs la
seule façon qu’a le parlêtre d’appréhender le corps. Ce qui M.-H. Brousse a mis
elle : « C’est la matière qui occupe un lieu, l’image n’occupe pas de lieu, le lieu de
l’image est complètement virtuel ».201 Donc, c’est encore une fois la forme et
198
Scilicet 6/7. Editions du Seuil, page 54
199
Brousse, Marie-Hélène. Séminaire de Recherche 2001-2002, « Retour sur l’imaginaire ».
Université de Paris 8. Inédit.
200
Scilicet 6/7. page 54
201
Brousse, Marie-Hélène. Séminaire de Recherche 2001-2002, « Retour sur l’imaginaire », inédit.
116
l’espace que comptent, qui sont fondamentales pour cette nouvelle re-élaboration
Autonomie de l’imaginaire :
l’imaginaire c’est le fait d’exister tout seul. C’est le contraire du signifiant qui a
toujours besoin d’un autre signifiant pour exister. Là-dessus, M.-H. Brousse se
pose la question : Est-ce que tout seul ça veut dire sans le symbolique ?, et elle
implique une bascule complète de ce qui était l’ordre hiérarchique des trois ordres
dans les années 60 chez Lacan, où le symbolique était déterminant par rapport à
l’imaginaire, et c’était lui qui dirigeait les deux autres ordres ; ici, il n’y a plus une
Tout de suite, Lacan fait référence à ce qui avait été sa définition initiale du
stade du miroir et ce qu’il en est dans l’actualité, il dit : « J’ai commencé par
202
Scilicet 6/7, page 54
203
Brousse, Marie-Hélène. Idem
117
mettre l’accent sur ce que Freud narcissisme, id est le nœud fondamental qui fait
que, pour se donner une image de ce qu’il appelle le monde, l’homme le conçoit
comme cette unité de pure forme que représente pour lui le corps ».204 Ainsi, sa
Puis, il continue : « ce corps, l’homme l’a vu, il l’a abstrait, il en a fait une
sphère : la bonne forme. Cela reflète la bulle, le sac de peau. Au-delà de cette idée
concentricité des sphères a été son premier rapport à la science comme telle. »205
implique la bulle, le sac de peau pas troué, l’enveloppe. Mais cette première
118
La sphère comme telle n’est pas trouée, elle est une bulle, et comme tel
elle ne rend pas compte de la complexité de l’espace qu’inclut le trou, c’est à dire,
topologique, en disant, q’il faut quelque chose d’un autre ordre que l’espace
sphérique, il lui faut un espace nouveau, une topologie différente pour rendre
deux, et ça produit deux cercles mis à plat, cette mis à plat c’est un des traits
caractérise de faire trou, donc, on passe de la sphère pas trouée au cercle que lui
est un trou.
Ce qu’il essai de résoudre c’est que si l’image du corps en tant que sphère,
retrouve le statut de l’image pour pouvoir fonctionner, il faut qu’elle soit trouée,
ce n’est plus une sphère, ce n’est plus la bonne forme, ce n’est plus un corps pas
du corps ? Qu’est-ce qui trou l’image du corps ? »206, question qui reste à
répondre.
206
Brousse, M.-H. Idem
119
1976 –1977, Séminaire XXIV : L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à
mourre.
c’est l’amour », l’inconscient est définie comme l’une-bevue, est donc, l’insuccès
Dans la leçon du 16 Novembre 1976, il dit : « Cette année, avec l’insu que
sait de l’une-bevue… j’essaye d’introduire quelque chose qui va plus loin que
moi, qui est une production imaginaire, et l’identification. On voit que dans ce
qu’il essai de saisir comme quelque chose qui va plus loin que l’inconscient, la
207
Lacan, Jacques. Séminaire XXIV, « L’insu que sait… » inédit
120
Brousse, « dans ce quelque chose qui va plus loin que l’inconscient, l’imaginaire
Puis, Lacan rappelle les trois modes d’identification pour Freud, à savoir,
qu’on connaît le mieux. Que veut dire connaître ? Connaître son symptôme veut
faire avec son image, correspond à cela, et permet d’imaginer la façon dont on se
débrouille avec le symptôme. Savoir y faire avec son symptôme c’est la fin de
l’analyse »209
l’homme fait de son image et avec le fait de se débrouiller dans un monde fait à
son image, autrement dit, un monde perçu avec la forme de son image même ; le
208
Brousse, M.-H. Brousse. Séminaire de recherche 2001-2001. Cours du 28/02/2002. inédit
209
Lacan, Jacques. Idem, leçon du 16-11-76
210
Brousse, M.-H. idem
121
propose donc, la fin de l’analyse, comme le savoir-faire avec son symptôme dans
Le tore :
chambre à air qu’on peut retourner si on fait une entaille, en tant que le tore dit-il,
« se présent comme ayant deux trous autour de quoi quelque chose consiste »211, le
trou qui s’ouvre à l’extérieur, c’est à dire, quand on le retourne ça donne une
partir de là, que Lacan le prend comme modèle du corps, que substitue la sphère,
car elle n’est pas trouée. Ainsi, dit-il, « Ce tore n’a pas l’air d’être un corps, mais
vous allez voir qu’il suffit de le retourner »,212 le corps trouve ici un espace
totalement différent de celui du stade du miroir, c’est désormais une forme trouée
suivre le même modèle de bande de moebius que le corps, et il dit donc, à la fin
Le tore et l’analyse :
122
Il dit : « Il y a trois tores : Imaginaire, Symbolique et Réel. Qu’est-ce que
du symbolique des deux autres ordres, produit pour un sujet, une dévalorisation de
l’imaginaire. Ce qui a été le sujet de son élaboration théorique pendant vingt ans.
L’inconscient, qui avait été la visée principal dans une analyse, devient ici
un deuxième temps, c’est d’ailleurs la raison qu’il donne à ce que Freud proposait
comme une deuxième tranche nécessaire pour les analyses ; un deuxième passage,
dit M.-H. Brousse, pour oublier l’inconscient, pour ne plus en être embarrassé de
une autre coupure, celle qui serait équivalent à une contre-analyse »,215 cette
213
Lacan, Jacques. Idem, leçon du 14/12/76
214
Lacan, Jacques. Idem. Leçon du 11/01/77
215
Idem, leçon du 14/12/76
123
Brousse dit : « le symbolique perd ici ce pouvoir hiérarchique qu’il a dans
Ce qui d’ailleurs n’est sans rapport avec l’introduction de la notion du trou, très
étroitement lié au réel, et aussi à l’image, et distant par contre du symbolique, qui
Structure ≠ Forme :
corps. Le corps est quelque chose qui ne se fonde que sur la vérité de l’espace ».216
symbolique, et lui-même est un ordre aplatit, mis à plat, qu’en tant que tel, n’est
dessous. C’est pour ça que Lacan prend appui du nœud borroméen, l’intérêt du
216
Idem. leçon du 21/12/76
124
nœud c’est justement d’introduire une notion d’espace qui montre, comme lui-
deux dimensions. M.-H. Brousse dit : « Le nœud borroméen exige qu’on fasse
tenir ensemble la structure tel qu’elle découle du langage, tel qu’elle est le
langage, avec l’espace tel qu’il découle des formes. Autrement dit, c’est un retour
miroir, c’est ici une forme qu’inclut le trou, et comme telle exige un espace
structure. Que le corps puisse présenter toutes sortes d’aspects qui sont de pures
qu’elle est toujours plus ou moins suggérée avec la structure, voilà ce que je
voudrais cette année mettre en évidence ».219 Ce qu’il essai avec la différenciation
217
Brousse, Marie-Hélène. Séminaire de recherche 2001-2002. Cours du 04/04/2002. inédit
218
Brousse. Idem.
219
Lacan, Jacques. Idem. Leçon du 21/12/76
125
plutôt, comme l’a remarqué M.-H. Brousse, articuler une nouvelle définition de la
Brève Conclusion.
années 70, c’est la recherche du trou et d’un espace qu’en puisse rendre compte, à
Nous voudrions finir avec une citation d’un paragraphe du séminaire Les
non-dupes errent, du 12 mars 1974, où Lacan nous confie une passion de jeunesse
dans un coin, une artère, ou un nerf, qui… qui huipp ! qui ferait ça ! Oui…je
m’en suis aperçu après, c’est pour ça que ça me passionnait… on ne sait jamais
126
témoigne d’un saut, suite à une recherche continue, rigoureuse et infatigable, il
notamment dans les arts, où depuis une vingtaine d’années le corps à regagné sa
place, après avoir été confiné à des motives purement ornementales, décoratives
et esthétiques.
parole, avec une puissance encore plus remarquable qu’à l’époque où Lacan
enseignait. L’image en tant que mode d’expression du réel apparaît dans le monde
résulte quand un peintre rend compte d’une époque et même s’avance à elle, en
revenant sur l’image du corps d’une façon assez particulier, pour montrer ce qu’il
127
Perspective de l’image, l’imaginaire et le corps dans la clinique lacanienne de
1970 à 1980
Dès le début des années 70, Lacan revient à la référence au corps comme
en Belgique, il dit: « Il est incontestable qu’il n’est pas éliminable que le corps
met en question toute l’expérience analytique. S’il n’y avait pas de corps, il n’y
qu’en résulte restera, le corps conçu comme un extime, c’est à dire, comme le plus
220
Quarto, 1981, n°5, pp. 4-22 (Conférence du 14 décembre 1972)
128
intime et à la fois le plus étranger pour le sujet, sera rejeté, et l’expression de ce
que cette réalité sexuelle, l’enfant la découvre d’abord sur son propre corps.
Lacan n’en est pas d’accord et il propose une autre voie, concernant le cas
du petit Hans : ce qu’y s’y manifeste, dit-il, c’est que ce qu’il appelle son
wiwimacher, entre dans son monde, dans son circuit, autrement dit, il a ses
premiers érections, mais… « La rencontre avec leur propre érection n’est pas du
pense qu’à l’incarner dans des objets externes, à savoir, dans ce cheval qui piaffe,
qui rue, qui se renverse, qui tombe par terre, qui va et vient… Son symptôme c’est
qu’en résulte, est à tel point senti comme étrangère, que c’est à partir de là que
surgit son symptôme, sa phobie dans le cas en question. La porte des symptômes
spéculaires.
Le retour du corps :
221
Lacan, Jacques. Conference à Geneve sur le symptôme. 4/10/1975. Le Bloc-Notes de la
Psychanalyse, 1985, n° 5, pp. 5 – 23.
129
Il n’y a pas beaucoup d’exemples cliniques à la fin de l’enseignement de
Lacan, mais ses commentaires, très précises, nous font penser qu’il y a
encore un effort pour ne pas oublier sa fonction dans les symptômes, dans
En effet, s’il y a quelque chose qui persiste du stade du miroir aux années
de la même façon que l’image de son corps, le corporeise dit Lacan, jusqu’à
arriver à nous proposer en 1975 la phrase suivante : « Peut être l’analyse nous
signifiant, je n’ai pas du tout vidé la question. Le signifiant est quelque chose qui
est incarné dans le langage… La psychosomatique est quelque chose qui est tout
conception sur l’inconscient trouve aussi « une réserve » qui concerne d’une
certaine façon le corps : « L’inconscient est structuré comme un langage. Avec une
réserve : ce qui crée la structure est la manière dont le langage émerge au départ
chez un être humain » ;224 nous pouvons nous demander si cette réserve est en
nous pourrons dire que le langage ne m’émerge pas chez un sujet sans que son
222
Lacan, Jacques. La Troisième. Lettres de l’Ecole freudienne. N°16, 1975. pp. 177 - 203
223
Lacan, Jacques. Conférence à Genève sur le symptôme. 4/10/1975. Publié dans Le Bloc-notes
de la psychanalyse, 1985, n°5, pp. 5 – 23. (L’italique est notre)
224
Scilicet 6/7. Conférence dans les Universités américaines. 24/11/75. P. 13
130
corps soit concerné, autrement dit, il faut un corps pour qu’un sujet devienne
sujet du langage.
Dans son Séminaire de 1975 – 1976, Lacan étudie le cas Joyce, et propose
Lacan propose que cette carence paternelle est compensé par son art. Son art
comme symptôme (ou sinthomme) lui permet de faire subsister le père, sa famille,
comme lui-même le dit : « Connaître son symptôme, savoir faire avec, savoir le
image. Savoir y faire avec son symptôme c’est la fin de l’analyse ».225
225
Lacan, Jacques. Séminaire « L’insu que sait de l’une-bevue s’aile à mourre », 1976 – 1977,
cours su 16/11/76
131
l’équivoque »226, en conséquence, en aucun cas une intervention analytique ne doit
Francis Bacon
Vie et oeuvre
Vie :
Bacon, de vingt ans l’aîné de son épouse, a quitté l’armée britannique pour se
jusqu’à la fin de sa vie. Sa mère, Christine Winifred Firth, était, selon le jeune
Bacon, dotée d’une intelligence vive mais peu formée, et d’une nature facile et
sociable.
domicile tous les ans, sans jamais créer un véritable foyer. A cause de ces
226
Lacan, Jacques. Séminaire « Le Sinthomme », 1975 – 1976. Cours du 18/11/75
132
déménagements, et de l’asthme dont Bacon a souffert toute sa vie, il suit une
son père, son « salaud de père » comme il le désigne toujours cinquante ans plus
tard, et le peu de contact avec sa mère ; ainsi que l’agitation en Irlande et celle de
proximité d’une menace guerrière a été pour lui une expérience fondatrice.
Dans les entretiens avec David Sylvester, Bacon parle de son père comme
raté » qui ne lui avait rien appris, comme un père ombrageux et autoritaire, avec le
monde et avec ses proches. Il dira aussi : « Je ne me suis jamais entendu ni avec
ma mère ni avec mon père. Ils ne voulaient pas que je sois peintre ; ils pensaient
Ce père-là qui n’a rien voulu savoir d’un projet de carrière de peintre pour
sans interdit, hors des lois morales de la famille ; lui met dehors de la maison à
partir d’un épisode légendaire que lui-même raconte : « Un jour, mon père m’a
ans. Il m’a chassé de la maison ».227 Plus tard, il dira de son père : « Je ne l’aimais
pas, mais j’étais sexuellement attiré vers lui quand j’étais jeune. La première fois
que je l’ai senti, je savais à peine que c’était sexuel. Ce n’est que plus tard, quand
227
Sylvester, David. Entretiens avec Francis Bacon.
133
j’ai eu des aventures avec les palefreniers et les gens des écuries, que j’ai réalisé
que c’était quelque chose de sexuel que j’éprouvais envers mon père »
Voilà Bacon en 1925, qui sort à se frotter au monde, pour ne jamais revenir
au foyer familial. Dédié à une vie de liberté et de plaisir, comme lui-même dit, à
une vie de « rien faire », il trouve des petits boulots à Londres, puis il voyage à
Berlin pour y séjourner quelques mois, et ensuite à Paris, où pas seulement il fait
mais aussi il trouvera ce qui sera sa passion dès 1929 à 1992 : le monde de la
de sa vie.
C’est surtout le passage par Paris entre 1927 et 1929, où il vit des
avec l’art moderne, où il se reconnaît et décide de son intérêt pour les arts
plastiques.
meubles. Mais très peut de temps après l’aquarelle le tente, et ses premières
peintures à l’huile, il semble les avoir entreprises dans l’atelier qu’il occupe à son
retour à Londres en 1929, quand il avait à peine vingt ans. A partir de là sa carrière
dans les arts plastiques ne s’arrêtera jamais. Même s’il a dédié plus de 60 ans à la
peinture, il déclare, dans ces entretiens avec Sylvester, dans les dernières années
134
j’aie été un débutant tardif en tout. J’étais en quelque sorte retardé. J’ai toujours le
Œuvre :
En 1930, âgé de 21 ans, Bacon expose dans son atelier ses premiers
œuvres, surtout des paysages, tandis qu’il continue son métier de décorateur, et la
revue The Studio reproduit à l’époque ses dessins des tapis et des meubles.
deuxième Guerre Mondiale, dont il est reformé à cause de son asthme, il détruit
un grand nombre des ses toiles, des années 1929 et 1942, il ne subsistent qu’une
dizaine des tableaux, la plupart dans des collections privés, (voire images 1, 2, et
3).
peinture comme activité principale. Cette année même, il expose son premier
triptyque Trois Etudes de figures au pied d’une Crucifixion, (voire image 5),
format qu’il utilisera très souvent pendant tout son œuvre. Dans cette exposition
avec Henry Moore et Graham Sutherland, la critique le consacre pour son talent,
135
136
137
Dès lors, les expositions collectives et personnelles, se succèdent et se
Londres, l’ensemble des œuvres présentés rendent compte d’un artiste en pleine
maturité, elles présentent les thèmes qui ne cesseront d’êtres reprises dans les
toiles suivantes pendant toute sa vie : têtes et corps déformes, portraits des papes,
Van Gogh, plusieurs tableaux lui sont dédiés (voire images 7, 8, 9 et 10).
Pendant les années 1950, ses œuvres sont exposés en France, aux Pays-
Bas, en Italie et aux Etats-Unis. Entre 1962 et 1964, une exposition itinérante
138
Mannheim, Turin, Amsterdam et New York. En 1971, une rétrospective de Francis
Bacon est présenté au Grand Palais à Paris. Depuis cette date, les manifestations
1985, à nouveau à la Tate Gallery, et, en 1991, au Museum of Modern Art de New
York.
avait 83 ans.
139
140
141
142
Références visuelles et littéraires de son œuvre
on lui liait souvent, ce pendant il reconnaît son admiration pour certains peintres
qu’il prend comme référence dans son œuvre, comme lui-même le dira : « dans la
Il dira par exemple, que Picasso est pour lui le plus grand peintre du siècle,
dont ces œuvre de 1926 – 1930, joueront pour Bacon un rôle de déclenchement et
« son peintre préféré »229, qui lui a appris beaucoup des choses sur l’ampleur et la
masculin, je suis certain d’avoir été influencé par le fait que Michel-Ange a crée
les nus masculins les plus voluptueux qu’il y ait dans les arts plastiques ».230
quels artistes lui avaient marqué à part Picasso, et il répond que dans un premier
moment à part Picasso, l’art égyptien c’était son style préféré, surtout la sculpture
Rêhetep et sa femme, qui se trouve au musée du Caire, dont il dira que c’est
Il dira aussi dans cet entretien : « D’abord, j’ai aimé l’art égyptien.
Ensuite, plus tard, j’ai aimé énormément Vélasquez et certains Goya. Je sais qu’il
228
Sylvester, David. Entretiens avec Francis Bacon
229
Entretiens avec Jacques Michel. Le Monde, 26 janvier 1984
230
Sylvester, David. Idem
143
y a des très grands italiens, mais les plus intéressants à mes yeux sont les
avec Seurat, Cézanne et toute cette époque-là. Les dessins de Seurat sont tout à
humain pour moi le plus merveilleux, l’un des hommes les plus remarquables que
j’ai vu. C’était un artiste étonnant pour moi, et le plus grand dessinateur du siècle
XX ».232
Son admiration pour Van Gogh se fait évident aux années 50, il lui dédie
plus d’une dizaine des tableaux, et il le nommera comme « l’un de mes grands
héros ».233 Il admire chez Van Gogh sa capacité d’être presque littéral et
D’ailleurs il cite fréquemment une phrase classique que Van Gogh écrit
dans une de ses lettres, où il parle de la nécessité de faire subir à la réalité des
changements qui seront des mensonges plus vrais que la vérité littérale. Et bien,
Bacon essai de faire exactement la même chose avec ses œuvres, comme lui-
l’apparence ».234
231
Entretien avec Henri-François Debailleux. Liberation, 27 septembre 1987
232
Bacon, Francis. Entretiens avec Jean Clair. 1996. Edition Carré.
233
Idem
234
Sylvester, David. Idem
144
Il dira aussi que le meilleur cri en peinture a été fait par Poussin.
tableau d’Innocent X, qui se trouve dans la Galerie Doria Pamphili à Rome, dont
il trouve les couleurs les plus formidables, et dont il fera plusieurs reproduction
A la fin de sa vie, dans un entretien fait par Jacques Michel, publié dans Le
avoir chez lui, et il répond que la seule œuvre qu’il aimerait avoir dans sa maison
c’est Les Menines, mais qu’il imagine son musée personnel qu’il décrit de la façon
suivante :
aussi. Cézanne vers la fin de sa vie, avait oublié son système et trouvé
une manière extraordinaire. Comme Goya, peu avant sa mort, avec son
énorme Junta. Les peintres, je les préfère vers la fin. Peut être qu’après
145
L’appétit de références de Bacon est multiple, pas seulement il prend de
références visuelles mais aussi de références littéraires. Tout son œuvre est
imprégné du théâtre antique, pas seulement de sa puissance, mais aussi des ses
L’Orestie d’Eschyle par exemple, dont il dira que « c’est une chose
langue anglaise de ce siècle. Chez William Yeats par exemple, poète, dramaturge,
mais aussi homme politique irlandais, dont l’écriture joue pour Bacon
ses dernières toiles, Peinture 1978 (voire image 13) où il y a un homme qui tourne
une clé dans une porte avec son pied, vient du poème de T.S. Eliot, qui se trouve
146
Dans le cinéma aussi, Bacon trouve plusieurs références, dans les films
célèbre des marches d’Odessa avec la nurse hurlant, dans le film Le cuirassé
Potemkine.
Et de Luis Buñuel, surtout de ses films les plus anciens, dont il trouve
« qu’il y avait chez lui comme chez Eisenstein, une remarquable précision de
l’image ».235
235
Bacon, Francis. Entretiens avec Jean Clair. 1996. Edition Carré.
147
148
Le style particulier de Bacon
149
L’originalité du style de Bacon lui donne son pouvoir et son succès pas
seulement dans le monde de l’art, mais le situe aussi comme un précurseur d’une
1. Intemporalité :
Tandis que l’art abstrait semble dominer le XXº siècle, le corps humain
n’offrant plus aux artistes qu’un prétexte à motifs ornementaux, Bacon rejette
Il fait du corps humain le centre de son œuvre, avec une particularité encore
plus loin de la tradition, ces corps il les déforme. Il dit adieu à la belle forme
l’imaginaire »,237 disait que l’œuvre de Bacon était résolument hors jeu du marché
de son époque, sa théorie sur l’art, totalement en contre sens de la tradition, lui
laissait dans une espèce d’isolement, en tant que dans un siècle no figuratif, il
revient à l’image du corps humain, le corps pour metaphoriser quoi que ce soit,
avec une autre et nouvelle façon de peindre, en disant adieu à la bonne forme, à la
forme adorée.
236
Lacan, Jacques. Séminaire Les non-dupes errent. Inédit
237
Brousse, Marie-Hélène. Séminaire de Recherche 2001 – 2002. Inédit.
150
C’est la fin de la figuration comme illustration. Bacon, un peintre né avec
le début d’un siècle, s’avance, agit dans le même sens et aboutit au même endroit
qu’un siècle qui finisse avec la disparition de la belle forme, et avec une
Il s’inspire des photographies insolites, soit par les attitudes étranges des
figures, soit par les déformations dues à l’angle de la prise de vue ou aux effets de
sauvages, des morceaux de viande, images des radiographies, et aussi des cartes
C’est une espèce de mélange des déchets qui produisent une nouvelle
nouvel imaginaire.
tout idéal. Marie-Hélène Brousse disait que « dans la modernité, les déchets
238
Brousse, Marie-Hélène. Séminaire de recherche 2001-2002. Séance du 22/11/2001.
151
D’ailleurs, les personnages des tableaux sont représentés toujours dans des
3. Le Mouvement
raté. Bacon essayait toujours de peindre des figures en mouvement. Les œuvres
Bacon dit : « Je vois chaque image tout le temps de façon mouvante et presque
par séquences mouvantes. Je vois les images par séries, et je suppose que je
pourrais aller au-delà du triptyque et en faire cinq ou six à la file, mais je trouve
239
Sylvester, David. Œuvre cité
152
L’image du corps chez Francis Bacon
La théorie de Bacon sur ce qui devrait être l’art, c’était une tentative
153
Il disait : « Le grand art est toujours une manière de concentrer, de réinventer
ce qu’on appelle réel, en déchirant les voiles que le réel acquiert avec le temps ».
« L’art c’est vouloir qu’une chose se rapproche les plus possible du fait réel ». « Je
fais des images et à travers ces images je tente de piéger la réalité ».240 Dans une
Le réel entendu par lui, comme l’essence de l’être, la vérité des êtres humains,
Ce qu’il entend par image, tient à l’évidence instantanée qui s’impose aux
sujets sans délai ni parole. Elle est le moyen de Bacon de s’adresser « directement
au système nerveux ».
qu’annulera tous les autres, condenser tout dans un seul tableau », mais à la fin de
sa vie il changera d’avis : « Je ne suis pas obsédé par l’idée de faire l’image
unique, peut être parce que j’espère continuer à peindre jusqu’à ma mort et que, si
rien…. »242
240
Sylvester, David. Entretiens avec Francis Bacon. 1984
241
Entretien avec Jacques Michel. Le Monde, 26 janvier 1984
242
Sylvester, David. Oeuvre cité.
154
Le traitement du corps chez lui, se caractérise par certains éléments qui se
1) La Déformation :
peinture caractérisée par des corps humains déformés, morcelés, démembrés, des
personnages qui coulent, qui se débondent, qui se décomposent. (voire ses Etudes
C’est une espèce de fabrication des images du rien avec de la matière qui
seule façon que je connaisse pour arriver à quelque chose qui se rapproche le plus
terme, c’est la vie. Si bien c’est par l’imaginaire des corps, par cette pluie de corps
humains, qu’on arrive à avoir l’impression d’être en face du réel ; le corps et les
images ne sont pas le réel, c’est plutôt la vie. Comme il le dit ailleurs : « Ce qui
m’intéresse davantage c’est saisir dans l’apparence des êtres la mort qui travaille
155
Il s’agit d’ailleurs chez Bacon des corps où l’enveloppe corporelle n’est
viscères.
156
157
2) Le cri et la bouche ouverte :
l’extérieur, de corps qui montrent son dedans et son dehors. C’est pour ça qu’il a
fait un effort énorme pour peindre le cri, la bouche ouverte, l’image du trou
158
corporel, (voire images 5, 6 et 21). Ce qui pourrait être sa réponse à la question de
à l’horreur,
s’est fait de ce qui ne s’articule pas, c’est un cri silencieux devant lequel
a été dirigé à faire une peinture sans mots, sans histoires ; cette forme
portrait de Bacon, cette une présence extrême qui ne dit rien, c’est une
gorge, est à l’excellence, l’abîme de l’organe féminin d’où sort toute vie ; et
245
Lacan, Jacques. Séminaire II. Page 196
159
deuxièmement, le gouffre de la bouche, où tout est englouti, et aussi bien l’image
Lacan dit aussi : « Il y a donc apparition angoissante d’une image qui résume
essentiel qui n’est plus un objet, mais ce quelque chose devant quoi tous les mots
Il s’agit de la même façon pour Bacon de chercher une sorte de vécu dernier
images que cet au-delà de l’intersubjectivité est atteint, et ce qui résulte c’est
160
3) Les figures anthropomorphes :
Une des théories plus fortes de Bacon, se dirige vers un domaine que selon
lui a été ouvert par Picasso, mais qu’en un certain sens n’a pas été explorée, il le
161
humaine mais en est une complète distorsion ».246 C’est sa définition de la forme,
qui correspond point par point à la définition du stade du miroir de Lacan à la fin
de son enseignement, à savoir, que toute forme perçue dans le monde par les êtres
Il disait par exemple, dans les entretiens avec Sylvester : « Je regarde des
livres sur les animaux sauvages, parce qu’il se peut très bien que l’une de ces
«Il y a un livre que j’ai acheté, il y a des années, d’images des filtres, des filtres de
différentes espèces de liquides, mais la manière dont ils étaient faits suggérait
toutes sortes de façons de traiter le corps humain. Après tout, le corps est en un
Pas seulement toute l’œuvre de Bacon rend compte de ce fait, mais aussi
sa façon de peindre, qu’il définissait comme « par accident », c’est à dire, que
même s’il prenait comme modèle une figure non humaine, le résulté c’était
Par exemple, dans son œuvre, Peinture 1946, (voire image 22) l’image se
transforme par accident, Bacon a commencé par peindre ce qu’il croyait d’être un
intérieur.
246
Sylverster, David. Œuvre cité
162
Et même quand il peint de choses ou des éléments de la nature, la
référence au corps humain est toujours présente. Par exemple, dans le tableau
Sang sur le plancher, 1986, (voire image 23), où il y a sur un plancher du sang qui
coule en gouttes ; même sur des objets apparentement sans rapport avec l’humain,
humain.
courbés avec des positions humaines, (voire image 24), où même un chimpanzé
qui cri avec la même expression du visage de tous les autre portraits et
trouvent dans les tableaux Jet d’eau, 1979, ou bien, Water from a running top,
1982. (voire images 26 et 27). Et aussi dans Les Dunes de Sable, de 1981 et 1983,
(voire images 28 et 29), où plus nous regardons les dunes, plus ces dunes prennent
des allures d’anatomie humaine. Ces surfaces qui roulent, glissent et se soulèvent
ressemblent plus la chair que le sable, une chair qui est d’ailleurs, animé par une
163
164
165
166
167
DEUX AU-DELA DANS L’ŒUVRE DE BACON ET DANS L’ART
CONTEMPORAIN
Au-delà du sens :
168
Jacques Alain Miller disait dans son cours « Le lieu et le lien », que quand
Bacon disait que le bon art évitait la narration, que une bonne peinture
c’était celle qui touchait directement le système nerveux, et pas une peinture qui
racontait une histoire dans un long discours : « Je ne veux rien dire avec la
signifie, une forme non illustrative agit d’abord sur la sensibilité, et ensuite vous
ramène goutte à goutte, au fait ». Il voulait faire une peinture qui ne dise rien,
arriver avec les images à ce que font les sténographes avec les mots, le signe en
spectateur de construire une histoire autour du tableau. Ils étaient les galeries
de l’art qui permet une autonomie de l’image. C’est à la fois un retour au premier
tant que l’image gagne en dignité puisque désormais l’image, la forme et le corps
Au-delà du narcissisme :
169
Cette tentative pour que la figuration atteigne le réel de la manière plus
dans une intervention fait l’année dernière dans le séminaire de J.-A. Miller,
c’est le mot que Lacan utilise pour mettre l’accent sur l’au-delà du narcissisme, en
tant que c’est le nœud, la consistance, qui supporte le corps, et pas le sens. Ça
l’enveloppe, mais qui est désormais lâché dans son élément liquide, et que c’est la
consistance qui fait tenir ce corps qui peut se défaire, se dévider. Lacan donne une
nœud borroméen est la structure du corps que nous préférons oublier », en tant
que cela fait que l’image comme voile se sépare de la vie, et ce corps on ne sait
cela vous touche comme un réel, sans qu’une atteinte profonde soit portée à
l’image », c'est pour cette blessure au narcissisme qu’il provoquait, qu’il n’aimait
pas peindre les portrait en face des ses models, et il utilisait plutôt des
photographies, « Je ne veux pas opérer devant eux l’atteinte que je leur inflige
dans mon œuvre ». Il ne faisait que des autoportraits, ou des portraits de ses
170
amants, de ses amis ou des gens qu’il aimait beaucoup, (voire images 30 à 36), et
même s’il n’aimait pas les blesser avec ses tableaux, il considérait que ce n’était
pas du tout une offense, mais que c’était la seule forme de montrer ce qui est
171
172
173
QUELQUES REPERES CLINIQUES SUR FRANCIS
BACON
174
Une hypothèse diagnostique :
résistante et puissante que possible. Faire rentrer le réel profond des êtres dans
qu’on trouve dans cette jouissance et dans l’atteint à l’image de l’autre, ce n’est
attenter l’image de l’autre, parce que c’est l’image sur laquelle il s’est formé
comme moi. « Nous sommes en effet solidaires de tout ce qui repose sur l’image
de l’autre en tant que notre semblable, sur la similitude que nous avons à notre
247
Entretien avec Henri-François Debailleux. Libération, 27 septembre 1987
248
Entretien avec Jacques Michel. Le Monde, 03 novembre 1971
249
Lacan, Jacques. Idem, p. 230
250
Lacan, Jacques. Idem, p. 230
175
Tout au contraire, nous avons l’impression d’être en face d’un imaginaire
fonctionnement qui trouve des échos dans ce que Lacan dit à propos de la
perversion et de Sade, à savoir : « Ce que Sade nous enseigne, c’est une tentative
tel ».251 Ainsi, ce n’est pas l’espace dont nous avons affaire face à ce semblable de
nous même dont nous faisons notre reflet. Ce que nous montre Bacon c’est une
Mais plus que la possibilité d’un diagnostique structural, dont les éléments
que nous avons pour le justifier restent faibles, et faute d’un discours direct
sujet Francis Bacon, c’est la fonction de cette jouissance pour lui. Sa peinture et
ce qu’il en dit nous fait supposer que cela l’a fait jouir, et que c’est l’insistance de
cette jouissance massive et délocalisée qui l’as soutenu pendant tout son
existence.
La jouissance et le non-rapport :
251
Lacan, Jacques. Idem, p. 232
176
Nous essayerons d’aborder la jouissance dont il s’agit à partir du sixième
paradigme de la jouissance chez Lacan, exposé par Jacques-Alain Miller, dans son
Lacan, est fondé justement sur le non-rapport, sur les disjonctions. Il met en
même perspective que ce paradigme. Bacon ouvre comme perspective une autre
général, c’est la présence extrême de la sexualité dans ces tableaux, sous la forme
« Il n’y a pas de rapport sexuel ». Toutes ses toiles témoignent d’une recherche de
252
Miller, Jacques-Alain. « Les six paradigmes de la jouissance ». Publié dans La Cause
freudienne, n° 43, Paris.
253
Idem. P. 25
177
ce qui ne va pas dans la vie sexuelle des êtres humains : ses figures déformées
dans des positions intimes ; des couples homosexuels en train de faire l’amour,
Tout ça n’est pas sans rapport avec le sujet Francis Bacon même ; Bacon
était homosexuel depuis qu’il était très jeune, et d’ailleurs était connu entre ses
C’est même cette sexualité qui le pousse souvent à créer et c’est sa source
d’inspiration, les portraits de ses amants occupent une grande partie de son œuvre,
et lui-même a dit une fois, dans ses entretiens avec David Sylvester, que dans les
côté de lui.
Ainsi donc, s’il y a un réel auquel on est confronté quand on est en face de
ses tableaux, c’est le réel du rapport sexuel qui n’existe pas. Ce réel envahit toute
son œuvre, c’est une espèce de rhétorique sexuelle qui prend le pas sur le sens et
sur les mots ; il s’agit pour lui de sexualiser las vie humaine à travers l’imaginaire
178
Mais en plus du non-rapport, il y a un autre versant dans l’œuvre de
Bacon, car plus la sexualité est problématique pour lui, plus son activité créatrice
trouve, dévoiler la jouissance, car celle-ci existe, nous pourrons dire après avec
Autrement dit, il n’y a pas de rapport sexuel ni pour lui ni pour le reste des
l’image.
aller dans le même sens que la clinique proposée pour Lacan dans son dernier
enseignement, dont nous pouvons prendre quelques points qui nous concernent :
Comme nous dit Miller : « Dans Encore, Lacan commence par le fait de la
jouissance, alors que son point de départ était le fait du langage et le fait de la
254
Idem, p. 24
179
sens : « Alors que la jouissance était dans son enseignement, toujours secondaire
structure, qui étaient alors traités comme une donnée primaire apparaissent
même formule, à savoir, Il n’y a pas de rapport sexuel mais il y a une jouissance.
Il n’y a pas de peinture que du corps, et de ce corps la seule chose qu’on peut
S’il n’y a pas de rapport sexuel, si l’Autre n’existe pas dans l’ère
180
de départ qui privilégie la jouissance instaure le non-rapport entre jouissance et
Autre »257
En effet, dans le séminaire Encore, comme nous dit Miller, Lacan fait la
passe de l’Autre. La jouissance Une, c’est une jouissance sans l’Autre, c’est le
corps propre qui est là en question, le corps prend la place qu’avait l’Autre pour
cette jouissance Une. Le traitement donné par lui au corps, celui-ci outil exclusive
matérielle est jouissance Une, c’est à dire jouissance du corps propre. Comme dit
Miller, « C’est toujours le corps propre qui jouit par quelque moyen que ce
soit ».258
257
Idem, p. 27
258
Idem, p. 27
181
Et d’ailleurs, il y a un point qui nous semble concerner en particulier
« C’est un comble, dit Miller, parce que ce qui était essentiel dans ce que
l’Autre. »259 C’était la proposition de Freud mais aussi la de Lacan, lui aussi a
époque là, la sublimation pour Lacan trouvait son achèvement dans la satisfaction
de l’Autre.
semble ne pas être applicable au cas de Bacon. La sublimation, tel que Freud la
D’abord parce que Bacon amenait une vie sexuelle très active jusqu’à la
sexuelle.
259
Idem, p. 28
182
Et deuxièmement, parce que le spectateur, tout au contraire d’y trouver une
D’ailleurs la sublimation tel qu’elle est conçu par Lacan dans le Séminaire
valorisés socialement, il faisait ce qu’il voulait en sachant que c’était une peinture
qu’attendait le marché artistique. Il peignait pour lui même et pas pour un Autre,
gens ? Cela vous ferait-il quelque chose qu’on ne les voie jamais ?
Bacon : « Cela ne me ferait rien, ça m’est assez égal. Que mes choses
soient vues ou soient ce qu’on appelle appréciés, cela ne me préoccupe pas. Cela
Nous pouvons nous demander, pourquoi a-t-il crée alors ? pourquoi a-t-il
pousse, mais on a l’impression que ce n’est pas tout à fait un désir dont il s’agit,
183
son œuvre nous fait supposer que cela l’a fait jouir. Il s’agissait d’une pure
Dans ce même sens, Jacques-Alain Miller dit par rapport à Joyce, que
« Chez Joyce, la jouissance est à tel point patente dans l’écriture même, que
personne ne songerait qu’il le fait pour l’honneur, pour l’argent, les femmes ou
jouissance dans les toiles de Bacon, nous fait supposer que le concept de
sublimation, tel qu’il a été développé par Freud, et par Lacan dans un premier
Or, dit Miller, « Dans Encore, Lacan nous donne une version de la
sublimation comme n’impliquant pas l’Autre, mais comme étant l’issue propre de
la page 109 du Séminaire Encore, c’est : Quand on le laisse tout seul, le corps
jouissance Une, que la sublimation n’est plus en rapport avec l’Autre et avec le
désir, que non seulement elle cohabite avec la jouissance solitaire, mais qu’elle y
260
Miller, Jacques-Alain. Le séminaire de la Section clinique de Barcelone. 2/12/1996. Revue Uno
por Uno. Revista Mundial de Psicoanalisis, n. 45, 1997.
261
Miller, Jacques-Alain. Les six paradigmes de la jouissance. La Cause Freudienne, n° 43, Paris.
P. 28
184
Ainsi, il nous semble possible considérer la pertinence du concept de
sublimation chez Bacon, sous cette perspective dernière de Lacan. Perspective que
sera notre point de partie et que nous essayerons d’approfondir dans des futures
recherches.
l’ère actuelle.
Marie-Hélène Brousse dans le même sens, disait dans son cours du 14 mai
2002, que « Tandis qu’avant ce qui faisait point de capiton c’était le signifiant, le
nom-du-père, dans l’ère actuelle ce qu’unifie le sujet c’est la jouissance, c’est une
262
Miller, Jacques-Alain. Séminaire 2001 – 2002 : « Le désenchantement de la psychanalyse »,
cours du 13/05/2002. inédit.
185
position de jouissance. Ce qui fait sinthome, c’est l’anomalie de la jouissance
sinthome pour un être parlant dans l’ère contemporaine, qui nous semble plus
adéquat pour nous approcher à une perspective clinique possible dans l’actualité,
sinthome, ainsi, il n’y a pas de rapport sexuel mais il y a un lien possible, et une
jouissance possible, c’est ce que Bacon nous démontre avec son art.
phallique, c’est une jouissance autre délocalisé, massive, généralisé, dont son
différente.
263
Brousse, Marie-Hélène. Séminaire « Retour sur l’imaginaire », 2001-2002. Cours du
14/05/2002 inédit.
186
Conclusion
fût-elle donc reconnu comme tel, c’est de se rappeler avec Freud qu’en sa matière,
l’artiste lui fraie la voie » ; nous pouvons considérer qu’à la place d’appliquer la
187
psychanalyse à l’artiste et à l’art, on devrait plutôt appliquer l’art à la
psychanalyse, en sachant que, puisque l’artiste précède l’analyste, son art doit
Dans ce sens là, nous avons choisi la théorie sur le corps et sur l’image,
d’un des peintres plus importants de l’art contemporain, et nous nous avons
demandé : Qu’est-ce que Francis Bacon pouvait nous apprendre sur la condition
du corps dans l’actualité ? ; Quel était l’enseignement sur le corps que la peinture
comparaison entre d’un coté, l’élaboration de Lacan sur le sinthome à la fin de son
et d’un autre coté, ce dont il s’agit pour Bacon concernant l’image et le corps.
semble aller dans le même sens que ce que Lacan propose comme clinique dans
son dernier enseignement. Autrement dit, il nous semble que l’art de Bacon est un
les suivants :
188
L’art de Bacon se présente comme une réformulations de l’imaginaire qui ne
dimensions.
l’imaginaire. Ce n’est plus une relation hiérarchique entre les trois registres,
équivalents.
L’équivalence des trois registres a une certaine relation avec l’Autre qui
n’existe pas. Le travail de Bacon laisse voir cet inexistence de l’Autre d’une façon
Comme Bacon disait : « Tout l’art est maintenant devenu tout à fait un jeu
avec lequel l’homme se distrait, ce qu’il est maintenant c’est absolument un jeu.
Et ce qui maintenant est fascinant, c’est que cela va devenir beaucoup plus
difficile pour l’artiste, puisqu’il lui faut vraiment approfondir le jeu pour aboutir à
qu’il est un accident, qu’il est un être dénué de sens, et qu’il lui faut sans raison
189
Dans la clinique analytique on trouve aussi un corrélat de cette destruction
du sens, en effet, le sens c’est la limite de l’interprétation analytique, que doit être
vers l’accident, comme disait Bacon, vers les accidents de l’inconscient et non pas
La jouissance :
Le symptôme :
Nous considérons que la modification des trois registres et cet Autre qui
190
Probablement c’est aussi une modification fondamentale dans la
civilisation ; ce corps dénoué de sens n’est pas sans rapport avec le traitement
donné au corps pour le discours de la science. Pour cette raison on pourrait faire
l’hypothèse que le travail de Bacon soit considéré comme un symptôme, non pas
ce sens là son travail peut nous apprendre la façon comme les êtres parlant se
réfèrent au corps dans l’actualité, ce qui n’est pas sans conséquences pour la
artiste, Comment vais-je faire, les derniers images d’un si long film, celui de notre
culture ?.
Ainsi, nous considérons que plus qu’une œuvre résultante d’une structure
psychique particulier, l’art de Bacon rend compte d’une position et d’une solution
de l’homme moderne, déclare que c’est très juste que celui-ci « cherche l’amorce,
désir, dans la recherche propre du désir pervers », car le désir naturel est
impuissante à aller plus loin dans cette direction, dit-il, « sur ce chemin, le désir
264
Lacan, Jacques. Séminaire VII., page 273
191
humaines, mais l’imagination, n’est strictement rien auprès de ce qui se verra
Sade et une telle catastrophe, c’est que dans la motivation de celle-ci ne sera entré
aucun motif de plaisir. Ce ne sont pas des pervers qui la déclencheront mais de
bureaucrates. Ce sera déclenché sur ordre, et cela se perpétrera selon les règles, les
roues, les échelons, les volontés ployées, abolies, courbées, pour une tache qui
perd ici son sens. Cette tâche sera la résorption d’un insondable déchet rendu ici à
humaine moderne, c’est un autre point en commun avec l’art, dans ce sens Lacan
dira aussi : « Le tas d’ordures – voilà une des faces qu’il conviendrait de ne pas
méconnaître de la dimension humaine ».266 C’est d’ailleurs les déchets qui Lacan
prendra, dans ce même texte, comme l’évidence plus claire de ce qu’il appelle
maxima.267
265
Lacan, Jacques. Idem p. 273
266
Idem, p. 274
267
Lacan, Jacques. Conférence à Massachusetts Institute of Technology. 2/12/75. Scilicet 6/7 ,
Paris.
192
BIBLIOGRAPHIE
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Editions du Seuil, Paris, 1998.
LACAN, Jacques. Séminaire XVI : D’un Autre à l’autre. Texte inédit. (Edition
hors commerce établit par les membres de l’E.F.P., Paris)
LACAN, Jacques. Séminaire XXI : Les Non-Dupes errent. Texte inédit. (Edition
hors commerce établit par les membre de l’E.F.P., Paris)
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Sollers, Philippe. Les passions de Francis Bacon. Editions Gallimard, Paris, 1996.
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Table des illustrations
5. Three Studies for Figures at the base of a Crucifixion, 1944. Tate Gallery,
Londres.
198
6. Etude d’après le portrait du pape Innocent X par Vélasquez, 1953. Des
Moines Art Center, Iowa.
7. Study for a Portrait of Van Gogh III, 1957. Hirshhorn Museum and
Sculpture Garden, Smithsonian Institute, Washington.
10. Study for a Portrait of Van Gogh VI, 1957. Collection privée.
11. Oedipus and the Sphinx after Ingres, 1978. Collection privée, Californie.
15. Three studies from the human body, 1967. Collection privée.
17. Study of the human body, 1982. Centre Georges Pompidou, Paris.
20. Study for the human body, 1991. The Estate of the Artist.
199
21. Head IV, 1949. Collection privée.
29. Dune de sable, 1983. Collection Beyeler, Bâle. Exposé à Paris seulement.
31. Three studies for portrait of Georges Dyer on light ground, 1964.
Collection privée.
32. Double portrait of Lucien Freud and Frank Auerbach, 1964. Collection
privée.
200
35. Portrait de Michel Leiris, 1976. Centre Georges Pompidou, Paris.
201