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Bettache
Responsabilité
sociale
des
entreprises
mirage ou réalité ?
« Le livre de Mustapha Bettache est né d’un regard lucide et d’un cœur
indigné. Il appelle à la réflexion et à l’action. Il fournit une excellente
introduction aux rudes tâches qui attendent ceux qui s’engagent pour
un monde enfin humain et pour la survie même de l’humanité. »
RESPONSABILITÉ SOCIALE
DES ENTREPRISES :
MIRAGE OU RÉALITÉ ?
Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année du Conseil des Arts du Canada
et de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec une aide
financière pour l’ensemble de leur programme de publication.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise
du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
ISBN 978-2-7637-2781-3
PDF 9782763727820
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XI
Avant-propos. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XIII
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1 Théories de la responsabilité sociale de l’entreprise. . . . . . . . . . . . . . 5
Origine et développement de la notion de responsabilité sociale
de l’entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Approches de la responsabilité sociale de l’entreprise. . . . . . . . . . . 10
Responsabilité sociale et parties prenantes. . . . . . . . . . . . . . . . . 10
L’École de Montréal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
L’École allemande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Responsabilité sociale et Triple Bottom Line. . . . . . . . . . . . . . . 16
Responsabilité sociale et Triple Top Line. . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Les instruments de la responsabilité sociale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2 Responsabilité sociale de l’entreprise développement durable. . . . . 25
L’économie sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Expériences d’économie sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
L’expérience québécoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
L’expérience chinoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
L’expérience du microcrédit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
En Inde…. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
3 Responsabilité sociale, sociétale globale ? Principaux enjeux. . . . . . . 43
Quelques expériences de responsabilité sociale. . . . . . . . . . . . . . . . 49
X RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES : MIRAGE OU RÉALITÉ ?
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
PRÉFACE
L
e livre de Mustapha Bettache est né d’un regard lucide et d’un
cœur indigné. Il appelle à la réflexion et à l’action. Il fournit une
excellente introduction aux rudes tâches qui attendent ceux qui
s’engagent pour un monde enfin humain et pour la survie même de l’humanité.
Il fait le relevé précis de l’univers de fiction que remodèlent, jour après
jour, les forces économiques dominantes : la fiction d’un contrat social passé
entre le monde des entreprises et celui de la société civile. Derrière la diversité
des fonctions et des situations, nous mettrions en œuvre, sans toujours le
savoir, un principe politique ultime, selon lequel « une voix égale une voix »,
qui se monnayerait dans une multitude de normes si bien construites qu’elles
constitueraient, dans leur ensemble, un code de vie rationnel et éthique. La
firme capitaliste serait désormais engagée sur une charte unissant tout à la fois
l’idéal sociétal, le respect de l’environnement et la prospérité collective.
En réalité, la logique concurrentielle de la guerre de tous contre tous
ramène cet horizon de bien-être collectif aux dimensions des profits à
accumuler. La production de normes, qui devrait être le fait de toutes les parties
prenantes, se trouve, pour l’essentiel, orientée dans le sens d’une profitabilité
immédiate, quelles qu’en soient les conséquences sur les humains et sur la
nature. Et, quand bien même des organismes nationaux ou supranationaux
parviennent à édicter des codes de bonne conduite, il n’existe que rarement
un pouvoir capable de sanctionner.
Cela ne signifie pas que les humains soient dépourvus de toute capacité de
résistance et d’initiative. Ce livre montre comment les grandes ONG parviennent
à se faire entendre sur la scène mondiale. Il manifeste la pléiade des expériences
en tous genres qui esquissent autant de voies vers une vie plus responsable et
plus solidaire. Il donne aux citoyens de bonnes raisons de s’organiser en mouve-
ments, en associations, en syndicats, etc., capables d’impulser une reprise en
main collective de tout ce qui semble aller à vau-l’eau dans les tourbillons de la
finance. La référence ultime est bien sûr la démocratie, ce qui nous ramène au
principe « une voix égale une voix ». Mais quand les voix ordinaires sont dominées
XII RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES : MIRAGE OU RÉALITÉ ?
par le tumulte des grands médias à la solde des puissants, elles ne peuvent se
rendre audibles qu’à travers une lutte sociale acharnée. La démocratie délibérative
est un combat, souvent risqué et toujours à recommencer.
En définitive, le défi est mondial, et seuls peuvent l’affronter des « citoyens
du monde ». Cela ne signifie pas que nous devions rêver d’un État mondial, où
les grands problèmes devraient trouver leurs solutions par-delà les territoires
nationaux. Ce qui advient aujourd’hui, c’est toute autre chose : c’est quelque
chose comme un « État-monde », prenant pour une part le relais des États-
nations. Rien à voir cependant avec un « État social », ni même un « État de
droit ». Mais il s’agit bien d’une entité étatique, proprement mondiale-étatique,
articulée sur des institutions d’État : sur de grands appareils publics, et aussi
privés, ceux, notamment, dont la fonction (et la prérogative) est d’établir les
normes de production, de commercialisation, de gestion, de santé et de sécurité
qui déterminent la vie du grand nombre. Leur caractère international tend à
cacher leur nature mondiale. Et leur caractère privé occulte leur nature étatique.
C’est cependant cela aussi, l’État, comme pouvoir de classe. Non pas pouvoir
absolu, mais capacité de régenter la vie et l’avenir des populations humaines.
Une puissance myope, qui risque d’entraîner la planète dans ses dérives. Voilà
ce que produit le néolibéralisme en abaissant la capacité autonome des nations,
à l’exception des États qui constituent le centre du Système-monde, arbitres des
grands pouvoirs privés. Par là se trouve diminuée d’autant l’influence que le
peuple ordinaire exerçait dans le cadre national.
La condition humaine s’est radicalement renouvelée. Elle appelle inéluc-
tablement une citoyenneté mondiale. Mais ce citoyen-monde n’est pas un
extraterrestre : il existe déjà, et il s’active de mille façons. On le trouve dans les
grands mouvements de l’altermondialisme, dans le fourmillement des ONG,
qui ne développent leur réseau planétaire que sur la base de multiples solidarités.
Qu’on ne le cherche pas dans les voyages lointains ni dans les rencontres au
sommet. Car sa véritable existence est terre-à-terre, elle est là où peut naître une
prise de conscience à la fois locale et globale, dans les multiples combats où des
citoyens ordinaires, ancrés dans leur nation, leur région, leur ville, leur quartier,
parviennent à imposer des politiques sociales et écologiques qui feront de leurs
États particuliers, ou de leurs provinces, des positions plus avancées sur un
champ de bataille désormais universel.
Voilà à quoi, me semble-t-il, nous convie ce livre.
Jacques Bidet1
1. Philosophe français, Jacques Bidet est professeur émérite à l’Université Paris Ouest Nanterre
La Défense (ex-Paris X).
AVANT-PROPOS
L
’écriture de ce livre m’a été inspirée par l’« héritage » que nous
a laissé monsieur Stéphane Hessel 2, qui demandait de
s’indigner pour éviter que les intellectuels et l’ensemble de
la société ne démissionnent, ni ne se laissent impressionner par la pression
internationale des marchés financiers et des « grands acteurs » politiques
et économiques qui ont la mainmise sur les mutations issues de la mondia-
lisation à même de déboucher sur de grands déséquilibres sociaux et
environnementaux.
Nous traversons une période caractérisée par des comportements de
production et de consommation aux conséquences dangereuses : émissions
de gaz à effet de serre entraînant le réchauffement climatique, inégalité
croissante dans les pays et entre les pays (notamment entre les pays du
Nord et les pays du Sud), exclusion sociale, licenciements massifs et
précarité de l’emploi, pollution de l’air et de l’eau, déforestation, disparition
d’espèces animales et végétales, scandales financiers, salaires abusifs de
dirigeants d’entreprises, etc.
Dans ce contexte, ce livre tente d’explorer la voie de la responsabili-
sation sociale des entreprises en tant que vecteur de bien-être collectif, et
ce, à travers des enjeux de taille telle la nécessité pour les entreprises de
développer un modèle économique moral, transparent et d’être soumises
à des interventions législatives de la part de l’État, comme arbitre des grands
pouvoirs privés et garant de l’intégration de principes de solidarité et de
justice dans les relations économiques. Et sans s’arrêter là, l’implication
2. Stéphane Hessel est un militant politique français, diplomate et écrivain décédé en 2013. Il est
l’auteur de Indignez-vous !, paru en 2010.
XIV RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES : MIRAGE OU RÉALITÉ ?
L
’appellation « responsabilité sociale de l’entreprise » provient
du milieu des affaires, et il convient de se demander s’il ne
s’agit pas d’une nouvelle modalité de gouvernance du capita-
lisme qui, dans une crise de légitimité dans un contexte de contestation de
la « mondialisation néolibérale », est soucieux de produire une image
d’entreprise sociale. L’expansion des sociétés capitalistes ne s’est pas faite
sans répercussions négatives tant sur le plan social (accroissement des
inégalités) qu’environnemental (dégradation des conditions environne-
mentales à travers une surexploitation des ressources naturelles).
C’est dans cet esprit que Bartha1 (1990) écrivait : « Une bonne image
supportée notamment par un discours et des initiatives de responsabilité
sociale met la société civile dans de bonnes dispositions à l’égard de l’entre-
prise et assure ainsi au gestionnaire une marge de manœuvre dans la
poursuite de ses activités de même qu’un meilleur pouvoir de négociation
avec les autorités publiques ». L’intensité des revendications pour la réorien-
tation des activités économiques ayant pour effet la satisfaction des besoins
d’un plus grand nombre et le respect du milieu naturel est telle que l’inté-
gration des pressions sociales pour une activité économique plus
responsable à l’égard des répercussions économiques et sociales s’impose.
Par ailleurs, la déresponsabilisation sociale des entreprises est
inhérente au modèle capitaliste, dont la rationalité économique subor-
donne les considérations écologiques et sociales à la nécessité de faire
fructifier le capital investi. Elle est également encouragée par la
1. Peter Bartha, 1990, « La gestion des questions d’intérêt public », Revue Gestion, 15 (4), p. 62-69
cité par Gendron et coll., 2004, p. 80-81.
2 RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES : MIRAGE OU RÉALITÉ ?
2. Livre vert : Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises. Les
« Livres verts » sont publiés depuis 1984 par la Commission européenne. L’objectif est de
lancer un débat sur la nécessité pour les entreprises d’introduire des préoccupations sociales
et environnementales dans leurs choix économiques.
INTRODUCTION 3