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PROMENADE SUR L'AXE DU MONDE,

Cet itinéraire de promenade est réservé aux marcheurs émérites et


aux amoureux de la ligne droite. Il traverse Paris du sud au nord en
une longue (interminable pour les pieds sensibles) déambulation
pédestre de dix-sept kilomètres... gui, lorsque la configuration des
rues Ie permet, s'efforce d'être la plus rectiligne possible puisqu'elle
suit un axe rigoureusement rectiligne. Même si cet itinéraire
emprunte quelques-unes des plus remarquables perspectives de Paris,
permet la visite des plus beaux monuments de la capitale, traverse
maints quartiers historiques et pittoresques ; offre l'ombre reposante
des frondaisons de parcs et de jardins, il est la quintessence de
l'abstraction. Ici, nous poursuivons la quête austère d'une « ligne
imaginaire » : le Méridien de Paris. Comme pour les autres
itinéraires, nous ne reprendrons pas ici nos longues démonstrations
appuyées de chiffres, de faits, de dates, de preuves de toutes
natures : il s'agit d'un guide « touristique ».

De la mire de l'Observatoire à l'autel du Frère Arago

Notre longue promenade démarre à la Cité Universitaire, où un


premier médaillon nous attend patiemment derrière le pavillon

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GUrDE DU PARrs ÉsorÉruqur
cambodgien reconnaissable à son délabrement en parfaite harmonie
avec l'état général du pays. Dix autres médaillons de bronze, tels les
cailloux du Petit Poucet, parsèment, en ligne rigoureusement droite)
les pelouses et les allées de la Cité. Ce n'est que le début d'une
longue chasse âu trésor ou, les yeux rivés au sol à la recherche du
disque indicateur, nous risquons fort de passer pour un gentil
hurluberlu voulant ér,iter à tout prix les défections canines ou
traquant une menue monnaie semée au hasard par des passants
distraits.
Nous voilà déià à Ia hauteur du no33 du boulevard Jourdan
(maréchal d'Empire, mais simple Frère dans la hiérarchie
maçonnique) où un médaillon nous fait discrètement signe.
Traversons prudemment l'artère encombrée pour en trouver LIn
autre, à la même hauteur, mais à I'intérieur du parc de -Nlontsouris. À
vingt mètres à peine vers l'ouest, s'élève une stèle quadrangulaire.
haute de quatre mètres, vestige de I'ancienne « mire de
l'Observatoire », installée là au XVIII' siècle pour suivre le passage du
méridien au sud de Paris. Sur le socle, on peut encore déchiffrer
l'inscription mutilée à la gloire du F.'. Napoléon i"'. Quatre autres
médaillons à la mémoire du F-rère Arago balisent la traversée du parc
créé par le carbonaro Napoléon IIL Face à l'entrée, sur l'avenue René
Coty', le dernicr disque est visible au pied d'une ccrlonne de marbre.
Un génie ailé en bronze est juché à son sommet, l'épée qu'il brandit
semble indiquer le chemin du pôle.
Après avoir emprunté l'avenue René Coty, puis l'extrémité
orientale de la rue d'Alésia, nous longeons l'hôpital Sainte Anne par
la rue Broussais. Nous allons bientôt pouvoir retrouver l'axe du
monde qui emprunte la rue Emile Dubois et la rue Dareau) entre
lesquelles s'élève un groupe de petits immeubles baptisé, avec peu
d'imagination mais beaucoup d'à-propos, « La Résidcnce du
méridien ». Il frôle de quelques mètres la rue Cabanis (du nom d'un
F.'. de la célébrissime - et curieusement très présente le long du
passage du méridien dans la capitale - loge « Les Neuf Sæurs »). A
I'extrémité dc la rue Emile Dubois, nous tournons à droite dans la
rue de la Tombe Issoire.
Nous débouchons sur la place de l'Ile de Sein. 'I'rois médaillons
alignés en rang d'oignon mènent droit sur le socle vide de la statue
du F.'. Arago (originaire d'Estagel dans les P-vrénées-Orientales, dont
le père, franc-maçon, était le maire). Le piédestal est exactement dans
I'axe du méridien, comme la statue de l-everrier devant la fàçade
nord de l'Observatoire. Un médaillon est incrusté à mi-hauteur sur sa
face sud. Des cent trente-cinq disques de bronze, il est le seul à ne
pas être posé à l'horizontale.

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GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

Sur le socle désert de la starue dtt t-rère Arago, le ruédaillort de bronze de ./an Dibbets
ntarque le passage de l'axe du monde.

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GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

Le temple solaire de l'Observatoire de Paris

Traversons Ie boulevard Arago pour pénétrer dans les jardins de


l'Observatoire de Paris, où une série de dix médaillons marque le
passage de l'axe du monde. Un médaillon incrusté dans l'asphalte
devant l'entrée nous indique le chemin du nord. Ensuite, pour
faciliter la quête des arpenteurs de l'axis mundi, le méridien est
matérialisé au sol par une étroite allée pavée se terminant par un
somptueux massif de fleurs.
Encore un médaillon et nous sommes à l'observatoire proprement
dit dont la façade méridionale s'orne de bas-reliefs de Temporiti où
foisonnent équerres, compas et autres symboles maçonniques. Leur
présence en ces lieux n'a rien d'étonnant : l'Observatoire est l'ceuvre
de I'architecte initié Claude Perrault. Construite sur le strict respect du
Nombre d'Or et l'observation de la tradition astrologique dont, à
l'époque, l'astronomie parvenait à peine à se dégager, l'ceuvre de
Perrault était avant tout un Temple et, accessoirement, un
observatoire astronomique ainsi qu'en témoigne le différend qui
l'opposa à l'astronome Cassini I" sur les plans de l'édifice. La querelle
s'envenimant) on fit appel à l'arbitrage royal. Louis XIV qui partageait
les mêmes préoccupations ésotériques que l'architecte trancha en sa
faveur. Cassini IV écrira plus tard : « Mon bisaïeul se tut et fit bien, le
roi donna raison à Perrault et fit mal. D'où il résulte que l'observatoire
n'a pas de sens commun. » Comme l'on pourrait soupçonner la
dynastie des Cassini de poursuir,re Perrault d'une vindicte séculaire,
demandons l'arbitrage de l'historien Bertrand ( L'Acqdémie des scierrces
et les acaümîriens ) : « Perrault (était) plus curieux de l'harmonie et de
la régularité des formes que des besoins véritables de la science. Des
dispositions réclamées par les astronomes et dont Colbert lui-même
avait reconnu l'utilité, furent obstinément repoussées par lui comme
incompatible avec la beauté de l'ensemble ». Temple solaire dédié à
Apollon, dont Louis XIV - le si bien nommé Roi Soleil - se voulait
l'incarnation, l'observatoire, bâtit selon des données symboliques aussi
rigoureuses que celles qui semblent avoir été observées lors de
l'érection des pyramides, fut conçu plus pour célébrer l'harmonie
universelle et la musique des sphères chères aux plthagoriciens que la
froide observation de la voûte céleste.

Les Jardins de l'Observatoire

Tournons maintenant le dos aux querelles des chasseurs d'orbes et


à la façade septentrionale de l'Observatoire de Paris. Devant nous

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GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

s'étend, jusqu'aux portes du Sénat, la superbe perspective des Jardins


de l'Observatoire et du Jardin du Luxembourg.
Avant de nous y engager, jetons un rapide coup d'ceil au
médaillon incrusté à l'angle de l'avenue de 1'Observatoire et de
l'âvenue Denfert-Rochereau. Quelques centaines de mètres plus bas,
sur le trottoir de la Closerie des Lilas, à l'angle du boulevard du
Montparnasse, la statue du maréchal et franc-maçon Ney (initié le 13
septembre 1801 par la Loge « Saint-Jean de Jérusalem » à l'Orient de
Nancy) par le F.'. Rude (membre du Grand Orient) nous rappelle
que le duc d'Elchingen fut officiellement fusillé ici, pratiquement sur
le méridien.
À quelques mètres de là, un médaillon est planté dans le sol à la
hauteur du monument de bronze dédié à la mémoire de l'explorateur
Francis Garnier. Quatre autres repères de bronze jalonnent l'avenue
de l'Observatoire jusqu'aux grilles du Jardin du Luxembourg : un
médaillon au croisement de la rue d'Assas, un autre au carrefour de
la rue Michelet, un autre encore à la hauteur du 4 de l'avenue de
l'Observatoire et le dernier sur le trottoir de la rue Auguste Comte.
Offrons nous une petite pause dans les Jardins de l'Observatoire et
profitons-en pour étudier les ceuvres qui les jalonnent. Une série de
quatre statues allégoriques célèbre, du sud au nord, la course de
l'asûe solaire. Guvre de François Jouffroy, installée tout près de la
fontaine de l'Observatoire, « l'Aurore », les bras levés, annonce
l'arrivée du jour symbolisé par un homme qui s'éveille. Un peu plus
au nord, dans le jardin Marco-Polo, c'est l'allégorie du « Jour » de
Jean Perraud, que l'« Aube » désaltère avec son amphore. Vient
ensuite, grave et méditatif, un « Crépuscule », dut au ciseau du
sculpteur Gustave Crauck, qui annonce l'ceuvre de Charles Gumery
la « Nuit », figurée sous les traits d'une femme se couvrant d'un voile
devant un homme représentant le « Jour ». Cette série symbolique
annonce le chef d'æuvre de ces jardins qu'est incontestablement la
Fontaine de l'Observatoire, merveille de grâce en mouvement. Mais
la plastique des quatre jeunes femmes nues de Jean-Baptiste
Carpeaux n'est pas la caractéristique la plus intéressante de la
fontaine : l'æuvre constitue un remarquable manifeste de domination
universelle d'inspiration apollinienne.

L'extraordinaire manifeste apollinien de la Fontaine des Quatre


parties du Monde

La fontaine, construite en 1875 par l'architecte Gabriel Davioud,


est constituée de deux bassins, un demi-circulaire (symbolisant le

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GUIDE DU PARIS Ésornnrque
Ciel) du côté méridional, et un autre, plus petit et carré (symbolisant
la Terre), côté nord. Le bassin en demi-lune est légèrement au-dessus
de l'autre de façon que son trop-plein s'y déverse et offre ainsi une
représentation symbolique des influences célestes sur le domaine
terrestre. Du centre du grand bassin surgissent quatre attelages de
deux fringants chevaux-tritons caracolant aux quatre directions de
l'cspace sous les jets d'eau qui jaillissent de la gueule de sept grandes
tortues marines et de quatre dauphins. Cctte hétéroclite ménagerie de
bronze dissimule un symbolisme apollinien. I-e cheval, depuis I'aube
des temps, est un symbole solaire. La course de l'équidé a été
comparée à celle du soleil dans le ciel ; sa crinière flottant au vent
symbolise les rayons du soleil flamboyant ; attelé au char du dieu
Soleil, il participe intimement à la marche des cieux. I-a tortue est le
s-vmbole et l'hiéroglyphe du Cosmos : ses quatre pattes figurent les
piliers du monde disposés aux quatre directions de l'espace et
supportant la voûte céleste que représente la carapace de l'animal que
sa lenteur et sa longévité font le symbole naturel de f immuabilité, de
l'éternité. Le dauphin) quant à lui, est étroitement associé à Apollon
et aussi au sanctuaire de Delphes, omphalos du monde grec autour
duquel s'organisait la géographie sacrée dcs Hellènes. En effet, en
grec, dauphin se dit « delphis », et Delphes, le plus célèbre des
gouffres de la Grèce antique, devait son nom à « delphi » qui dans la
langue de Démosthène signifie l'organe générateur féminin. Ainsi, du
centre de la Terre fécondée par les eaux célestes, surgit 1e char solaire
embrassant - grâce au quadruple attelage de chevaux marins - les
quatre directions de l'espace. Le char démultiplié du dieu Soleil est
aspergé d'eau lustrale par les tortues, symbole du Cosmos, et les
dauphins qui, homophoniquement) sont 1e symbole de la matricc
universcllc d'où jaillit toutc vie.
Au centre de ce bestiaire symbolique) ceuvre d'Emmanuel
Frémiet, se dresse une solide colonne ornée de coquillages. L'axe du
monde, qui est aussi l'Arbre de Vie, surgit de la matrice des eaux
primordiales. Debout sur cet axis mundi, quatre jeunes femmes nues
soutiennent un globe terrestre enchâssé dans une sphère armillaire
décorée d'une bande zodiacale. Officiellement, le magnifique groupe
de Carpeaux est une allégorie des races qui peuplent la 'ferre. Ce qui
n'est pas faux (encore qu'aujourd'hui très politiquement incorrect :
les races n'existent pas, sauf quand elles réclament des quotas en leur
faveur), mais - largement - incomplet. Si elles symbolisent
l'Humanité, elles représentent aussi les quatre Ages du monde qui
virent s'épanouir, puis s'étioler quatre races. Elles figurent également
les quatre directions du monde, auxquelles il convient d'ajouter le
zénith (représenté par la sphère armillaire) et le nadir (représenté par

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GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

la colonne-axe du monde surgissant du centre de la Terre). La


fontaine de l'Observatoire est rigoureusement alignée sur le méridien
de Paris, qui symbolise - et matérialise - l'axe du monde permettant
de relier, via le pôle nord (l'Ultima Thulé, le volcan sur l'île blanche
au nord du monde), l'omphalos (qui conduit au centre de la Terre) à
I'Etoile polaire, moyeu immobile de la votrte céleste et demeure du
Grand Architecte de l'Univers. Les quatre races doivent ainsi
supporter le poids du monde soumis au ioug inexorable du Destin
décrété par les 36 Décans, les üente-six dieux terribles du Temps.
Pour I'Initié, le méridien est le chemin symbolique - et magique - qui
mène au pôle nord, au Paradis terrestre, étape indispensable pour
rejoindre ce Paradis céleste qu'est le centre de l'IJnivers. Là, après
avoir enfin atteint l'Empyrée, l'âme peut désormais connaître la
délivrance des contraintes que sont l'Espace et le Temps pour se
fondre avec I'Unité.
C'est peut-être une de ces épreuves sur ce long chemin baiisé de
disques de bronze que dut affronter, le 16 octobre 1959, un de nos
pèlerins de la route du pôle. Ce 16 octobre-là, juste après minuit, rue
Auguste Comte - entre les grilles du iardin du Luxembourg et les
fourrés enténébrés des jardins de l'Obsen atoire - le sénateur François
Mitterrand apportait sa première contribution personnelle (connue) à
l'histoire du rôle occulte du méridien de Paris. Allongé en toute
sécurité dans l'herbe, bien plus transi par l'humidité que par la peur,
il allait devenir, en quelques heures, le héros en toc d'une tragédie
antique, avant d'être, en quelques jours, la pitoyable dupe d'une
bouffonnerie dont les seules victimes furent, d'abord sa 403
transformée en écumoire roulante, puis les vrais auteurs du faux
attentat, et {inalement son honneur quand la comédie fut éventée.
Peut-être, pour ne pas penser à I'humidité qui le transperça plus
srhrement que les balles qui ne lui furent jamais destinées, contempla-
t-il la superbe façade ornée de têtes de lions, d'éléphants et de
femmes qui se dresse au no1 de l'avenue de l'Observatoire.

Le temple lunaire du Jardin du Luxembourg

Plutôt que de sauter les haies des Jardins de 1'Observatoire,


poussons tranquillement le portillon, traversons la place André
Honnorat et pénétrons dans le Jardin du Luxembourg. Devant nous
s'ouvre un nouveau terrain de chasse riche d'une dizaine de
médaillons Arago. De la place André Honnorat jusqu'au Jardin
français une rangée de trois médaillons matérialise le méridien au sol.
Un autre, esseulé, est planté à l'extrémité méridionale de la terrasse

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GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

ouest. Puis plus rien jusqu'à une nouvelle série de trois médaillons au
sommet de l'escalier de pierre menânt au Grand Bassin. Puis
nouvelle absence de nos repères de bronze jusqu'à ce que nous en
distinguions un autre à l'angle ouest du palais du Luxembourg. Son
petit frère, orphelin, échappe au piétinement aveugle des badauds : il
est installé dans l'enceinte réservée aux pères conscrits. 11 faut ensuite
sortir du jardin du Luxembourg pour découwir le prochain caillou de
bronze du Petit Poucet : il est rivé au sol en face du numéro 15 ter
de la rue de Vaugirard, à l'entrée du Sénat.
Après les jardins de l'Observatoire dédiés à Apollon et à sa
symbolique solaire, le Luxembourg est voué, très logiquement, à une
divinité lunaire : Artémis, sæur du dieu de la lumière. Dès l'entrée
par la place André Honnorat, une statue de la Diane chasseresse
accueille les visiteurs à l'extrémité méridionale du Jardin français. Son
divin frère n'est pas loin : deux lions solaires encadrent la pelouse qui
mène jusqu'au Grand Bassin et à la façade sud du palais du
Luxembourg. Leur symbolisme astrologique est évident : ils gardent
l'axe des solstices ; ils ont, en outre) la fonction apotropaïque de
protecteurs du temple lunaire et de l'axe solaire. La déesse de la Lune
ne se contente pas de jouer les concierges : elle préside à un
gigantesque calendrier lunaire de vingt-huit jours qui se développe
sur les terrasses surplombant le Jardin français et sur le pourtour des
parterres encerclant le Grand Bassin. Ainsi, deux groupes de
quatorze statues symbolisent la lune montante et Ia lune descendante.
Chaque phase lunaire est ainsi représentée par une statue installée au
sommet d'une colonne plantée sur un parterre semi-circulaire
figurant un aspect de l'astre des nuits. Un roi David, porteur d'une
longue épée, figure à l'est la phase ascendante ; et une nymphe, à
l'ouest, incarne la phase descendante. Les vingt-huit jours lunaires
sont figurés par vingt statues de reines de France - de facture assez
médiocre, et de plus en piteux état - réparties en deux groupes de dix
(la fameuse Tétractys plthagoricienne) et installées sur les terrasses ;
et huit statues à caractère allégorique ou mythologique où l'on
reconnaît Minerve (une déesse-mère, une Isis), Vulcain (un confrère
de notre fondeur Hiram cher au F.'. Gérard de Nerval), Vénus,
Calliope, Flore, Junon... se partageant les pelouses en contrebas.
Le gnomon de cet ensemble est constitué par le monument de
Jules Dalou, au sénateur Scheurer-Kestner (1833-1899), défenseur
du capitaine Dreyfus. Il s'agit d'un obélisque flanqué à l'ouest de la
statue de la Vérité ayant les traits d'une accorte jeune femme nue, et
à l'est, de la statue de la Justice, représentée - les convenances
bourgeoises sont sauves - par une femme habillée. Mais comme
l'obélisque est aussi un pilier lunaire faisant pendant à la statue

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GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

d'Artémis, on constate que la jeune femme est la nouvelle lune, et sa


compagne plus âgée la pleine lune.

Sur I'axe consacré à son frère Apollon, Artémis préside à la marche d'un calendrier lunaire
dont le gnornon est un obélisque.

Nous n'en avons pas encore terminé avec nos constatations


d'ordre astrologique. Le pavillon central du palais est surmonté d'un
dôme à base carré (un Ciel symbolique surplombant une Terre toute
aussi symbolique). En-dessous, la grande horloge (le Temps) est
encadrée de deux bas-reliefs : à gauche l'Aurore au front orné d'une
étoile d'or (Vénus, l'étoile du Berger), qui apporte la Lumière - à la
fois tangible, mais aussi initiatique - avec une torche ; et à droite la
Nuit, qui l'éteint avec un manteau de ténèbres, I'occultant ainsi pour
en réserver la contemplation aux seuls initiés. Environnées d'un semis
d'étoiles, les deux figures allégoriques ont à leurs pieds la ronde
éternelle des signes du zodiaque.

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GUrDE DU PARrs ÉsorÉRreup

Détail du bas-relief I'Aurore et la Nuit de James Pradier. Sur I'axe du monde,


s'expose, une nouztelle fois, la doctrine occulte du Temps.

Peuplé d'une cohorte de statues - certaines de bonne qualité,


d'autres frisant le ridicule au point de justifier l'expression de « champ
de navets » - le Jardin du Luxembourg abrite encore quelques ceuvres
d'inspiration maçonnique. La plus évidente - mais aussi la plus
étonnante - est une réplique de la statue de La Liberté du F.'.

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GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

Bartholdi installée à l'ombre d'un bosquet d'arbres centenaires, à


l'extrémité d'une allée à l'ouest du Jardin. Rendons nous maintenant
à l'aile est du palais du Luxembourg, où l'« arbre de la Liberté »,
planté le 5 avril 1989 dans le cadre des cérémonies du bicentenaire
de la Révoiution, étend son ombre encore peu fournie à peu de
distance du Monument aux Etudiants Résistants. Le groupe en
bronze de §Tatkin (1956) représente deux jeunes hommes, l'un
campé sur ses deux jambes écartées, l'autre à terre en position semi-
couchée. Leurs silhouettes très épurées affectent, très curieusement,
les formes d'un compas et d'une équerre...

Le rnètre-étalon et le méridien

Avant de retrouver le chemin du méridien empruntons, pour un


court moment, la rue de Vaugirard. Juste à droite du porche du no36,
sous les arcades, apparaît une curieuse incrustation en marbre dans le
mur : il s'agit de l'unique rescapé des mètres-étalons installés dans la
capitale par la Convention. En effet, en 1795, celle-ci décida
d'uniformiser le système des mesures en France et de remplacer les
toises et les pieds par le mètre. En 1796 et 1797, elle fit donc poser
des mètres-étalons en marbre dans seize endroits fréquentés de la
capitale à seule fin de familiariser les Parisiens avec la nouvelle
mesure et surtout I'idéologie de la table rase qu'elle sous-entendait.
Le Hasard, qui fait décidément très bien les choses, a voulu que
l'ultime témoin de l'exposition des reliques de la Raison triomphante
soit scellé dans un mur appartenant à l'Agence des Poids et Mesures,
à quelques pas du méridien de Paris, dont le mètre, dans sa définition
première, n'est que la quarante millionième partie.
Poursuivons notre route par la rue de Vaugirard, jusqu'à la
hauteur de la rue Bonaparte pour aller à la découverte d'un autre
haut lieu parisien, l'église Saint-Sulpice, étroitement lié au méridien,
même si, ici, nous avons affaire à un méridien « dissident » s'écartant
d'une centaine de mètres à peine de l'officiel.

L'ancien siège du Grand Orient

Avant de pénétrer dans le vénérable édifice, faisons un crochet par


la mairie du VI' arrondissement, située iuste en face. Outre le maire
d'arrondissement, elle abrite une statue, de 1848, du sculpteur franc-
maçon David d'Angers : « Liberté chérie » où Marianne est
représentée sous les traits d'une jeune femme, à l'allure martiale,

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cUIDE DU PARrs ÉsorÉnrqur
appuyée, non pas à un balai, mais à un fusil (il n'est toutefois pas
spécifié si l'arme est d'un modèle révolutionnaire). Tout près, au
no80, le Grand Orient de France eut son siège de 1774 à 1793 dans
un immeuble qui, avant leur expulsion, appartenait aux Jésuites. À la
même époque, ce fut aussi le siège de la célébrissime loge « Les Neuf
Sæurs », dont les membres les plus éminents témoignaient également
d'un étrange engouement pour les proches parages du méridien.
Changeons de temple. Pour cela traversons Ia place Saint-Sulpice en
passant au pied de la superbe fontaine élevée par Visconti en 1842,
puis pénétrons dans l'antre du mystère.

L'église du mystère

De par ses dimensions imposantes, Saint-Sulpice est d'une taille


comparable à Notre-Dame ; mais là s'arrête la comparaison, car avec
ses verrières grises et tristes et ses chapelles latérales engoncées dans
la pénombre et la crasse, Saint-Sulpice évoque davantage la caverne
initiatique que Ia lumineuse futaie gothique de l'île de la Cité.
Le mystère commence dès l'entrée, avec sur notre droite Ia
chapelle des Saints-Anges peinte par Eugène Delacroix de 1855 à
1861. Sous une voûte ornée d'un Saint-Michel terrassant le dragon,
s'étendent les fresques - plus célèbres pour les énigmes ésotériques et
historico-hystériques qu'elles sont censées dissimuler que pour leurs
remarquables qualités arristiques - de « la lune de Jacob avec l'Ange »
et d'« Hélidiore chassé du temple ». Pour les amateurs de rébus
ésotériques, signalons que l'æuvre d'Eugène Delacroix offre à la
perplexité du chercheur cinq genoux gauches découverts - symbole
d'initiation - qui, phonétiquement, renvoient à Saint Genou, autrefois
fêté le 17 janvier, comme Saint Sulpice et Sainte Roseline. Le 17
janvier étant La date charnière, fétiche - et quasi tarte à la crème - de
l'énigme de Rennes-le-Château (coïncidence amusante Jacques
Chirac lança une deuxième fois sa candidature à la présidence de la
République le 17 janvier 1988 ; il est vrai qu'il avait lancé, le 6
décembre 1978, son fameux et fumeux « Appel de Cochin » depuis
son lit de douleur à l'hôpital Cochin situé à quelques pas du méridien
de Paris).
Voulant apporter notre modeste contribution à l'interprétation de
la fresque, nous signalons la présence, juste au-dessus de la lance
Ievée d'un soldat exhibant avec complaisance une fort belle cuisse
gauche initiatique et musculeuse, d'un très beau serpent. Inutile de
rappeler le symbolisme axial - mais également christique, graalique et
métallique - de la lance qui ne peut être ici - la discussion étant

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GUrDE DU PARIS ÉsornRteug
évidemment oiseuse - que la matérialisation du fameux méridien de
Paris. Plus sérieusement) on notera que, comme par hasard, le seul
village de France se nommant Serpent est à quelques kilomètres à
l'ouest de Rennes-1e-Château. Pour ne pas assommer le lecteur avec
un pédant déballage de « science » rennes-1e-castelienne, nous lui
éviterons l'interprétation des ceuwes nichées dans les autres chapelles
de l'église pour deux excellentes raisons : la première est que chaque
« spécialiste » y va de son explication définitive (et le plus souvent
aussi personnelle qu'absconse) ; la seconde est qu'il est fort difficile
de scruter l'ombre du mystère sur des tableaux noirs de crasse
installés dans des recoins plus sombres que les Catacombes.

Le gnornon de Saint-Sulpice : la matérialisation de I'axe du


rnonde

Mais heureusement pour les amoureux de I'Enigme, le mystère -


comme souvent - est en pleine lumière.
Au mur de la partie nord du transept, un obélisque de marbre
blanc surmonté d'une boule dorée sert de gnomon astronomique au
passage d'un méridien « dissident ». Un fil de cuivre incrusté le divise
en deux sur toute sa hauteur et se prolonge au sol, courant sur le
dallage jusqu'à une plaque de granit gravée, dans le croisillon sud. À
midi, un rayon de soleil passant par une lentille logée dans le vitrail
du transept sud vient illuminer la ligne de cuivre. Le 21 juin, au
solstice d'été, sa lumière presque verticale éclaire la plaque de granit
qui porte I'inscription : SOLSTITIUM AESTIVUM ANNI
MDCCXLV PRO NUTATIONE AXIOS TERREN
OBLIQUITATE ECLIPTICAE. Le 2l décembre, au solstice
d'hiver, le soleil étant bas, le rayon vient se poser à peu près à mi-
hauteur de l'obélisque, où se trouve gravé le symbole du signe du
Capricorne ; à gauche on reconnaît le signe du Sagittaire, et à droite
celui du Verseau. Aux équinoxes, il frappe une plaque de cuivre
ovale, jalonnant) au milieu du chæur, la ligne méridienne.
Une partie de l'inscription gravée sur l'obélisque a été effacée à la
Révolution. On pouvait lire que la méridienne avait pu être établie
grâce à la munificence du roi (en l'occurrence Louis XV) et à la
bienveillance de ses ministres Jean-Frédéric Phélipeaux, comte de
Maurepas et Philibert Orry, directeur général des Bâtiments du Roi.
Leurs noms ont été soigneusement martelés à la Révolution, mais le
reste du texte, où l'on évoquait, en grande parlie en latin, Ie rôle de
certains ecclésiastiques et un passage (en français) d'un psaume a été
préservé. Il semble évident que l'on voulait soigneusement conserver

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curDE DU PARrs ÉsorÉzueus
le dispositif astronomique matérialisant la méridienne tout en faisant
disparaître des détails gênants car Louis XV et le comte de Maurepas
étaient Frères. Notre hypothèse est renforcée par une autre partie du
panneau explicatif installé au pied de l'obélisque : « La balustrade de
marbre bleu turquin à balustre de bronze doré qui forme l'entrée du
chceur imaginée par Oppenord a été sauvée à la révolution parce
qu'on tint à conserver intacte la ligne méridienne qui la traverse. » Ce
qui prouve que l'important était de sauvegarder à tout prix la
méridienne quitte à faire l'impasse sur les symboles honnis de la
« superstition ». L'axe du monde est - qui l'eut cru ? - facteur
d'cecuménisme.

Autour de I'axe du monde : la droite, la gauche et le Milieu

Pour paraphraser Jack Lang, quittons les ténèbres de l'église pour


retrouver la lumière de la rue Saint-Sulpice. Tournons ensuite à
gauche pour emprunter la rue de Seine jusqu'au boulevard Saint-
Germain, où nous allons rencontrer un médaillon de bronze à la
hauteur du no162, et un autre sur le trottoir d'en face, à la hauteur
du no125. Continuons notre descente, non aux enfers, mais vers le
fleuve, par la rue de Seine, jusqu'à la hauteur de la rue Jacob.
Comme tout se tient et que le hasard est une invention commode
de rationaliste paresseux) en hébreu, Jacob signifie « mesure du
temps ». Engageons-nous dans la paisible artère. Au no 20, au fond
d'un jardin discret, un petit temple à colonnes doriques datant du
Premier Empire, porte à son fronton les lettres énigmatiques D.L.V.
gravées dans une couronne et f inscription « A l'amitié ». IJne fois de
plus, le méridien agit comme un aimant occulte. Au no 21,
l'immeuble est habité par un des enfants d'Édouard Balladur et
Renaud Denoix de Saint Marc, l'ancien secrétaire général du
gouvernement. Les Premiers ministres Elie duc Decaze et Alain
Juppé furent locataires au no 26. Du premier, Talleyrand disait : « il
est à la fois suffisant et insuffisant », et curieusement, la même
remarque s'applique avec un égal bonheur au second. Au no 40,
François Mitterrand, toujours obsédé par l'axe du monde, logea un
temps sa seconde famille. Anne Pingeot et sa fille Mazarine vécurent
ainsi à l'ombre de la « mesure du temps » et d'un homme qui aimait à
laisser le temps au temps.
Revenons sur nos pas pour nous engouffrer, sur notre droite, dans
la rue Jacques Callot. La malédiction frappe encore : Jean-Gabriel
Mitterrand, le fils de Robert Mitterrand, le frère aîné de François, y
tient une galerie d'art contemporain.

t04
GUrDE DU PARIS ÉsorÉnIeup
La partie septentrionale de la rue de Seine s'orne d'un médaillon
de bronze à la hauteur du no 12. Au no 6, un porche du XVIII" siècle
signale l'entrée d'un immeuble appartenant à la ville de Paris. Cet
ancien hôtel particulier abrite quelques-uns des représentants de
« l'Establishment » : Jacques Dominati, 1" adjoint au maire de Paris,
Pierre Bas, ex-député-maire du VI' arrondissement, Pierre-Mathieu
Duhamel, ex-directeur de cabinet adjoint d'Alain Juppé, le professeur
Bernard Debré. Jean-François Kahn, fondateur de I'EDJ et grand
pourfendeur des inégalités dont il ne profite pas, y jouit
bourgeoisement d'un appartement de 240 m' pour un loyer défiant
toute concurrence. La rue a aussi les faveurs de Jacques Chirac qui y
possède un appafiement de 135 m'où il ne doit guère connaître «le
bruit et l'odeur » qui rendent fou le brave Français, voisin de palier
d'un polygame père d'une vingtaine d'enfants vivant sans travailler
des allocations familiales comme il le disait lui-même le 19 juin 1991.
Allons musarder dans la rue des Beaux-Arts. A son intersection
avec la rue Napoléon, s'ouvre l'entrée de l'académie des Beaux-arts,
encadrée par les bustes monumentaux de Pierre Puget et de I'artiste
initié Nicolas Poussin. Dirigeons-nous vers la Seine. Deux serpents
opposés dos-à-dos sont enroulés autour d'un heurtoir circulaire de la
porte cochère du Cercle de la Librairie, au no 5 de la rue Bonaparte.
Sur le quai À{alaquais, des chapiteaux de pilastres de l'Ecole des
Beaux-Arts sont ornés de médaillons comportant des symboles
maçonniques : compas et truelle, niveau et équerre au sommet d'une
colonne dorique,

l* T'emple - symbolisé par la colonne (maçonnique) - ne peut s'éleuer qu'en respectant la


doctrine des Initiés.

105
GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

kt truelle est « le s),tnbole de I'amour fratemel qti doit unir tous les Maçons et qui est le settl
cinrcn|. que les ouariers peutent employer pour l'édification du Tentple ».

Revenons sur la rue de Seine. Coup sur coup, deux médaillons


constellent de bronze le trottoir au niveau du no 3, presque à
f intersection avec la rue Mazarine qui pourrait bien avoir inspiré un
président en manque d'inspiration pour le choix du prénom de sa
fille... illégitime. En face, le minuscule square Honoré Champion
abrite un buste du Frère Montesquieu et une statue de pierre du
Frère Voltaire.
Encore quelques mètres et nous découwons un autre médaillon au
n" 27 du quai Conti, place de l'Institut, puis un autre un peu plus
loin, et un dernier enfin sur le trottoir surplombant la berge de la rive
gauche de la Seine. Un médaillon de bronze est cloué entre les pavés
de la berge de la rive droite de la Seine. Partisan de la
démocratisation de l'art, M. Dibbets a, cette fois, voulu mettre son
æuvre à la portée des pêcheurs à la ligne et des clochards.

Le Louvre : un palais sur la route du pôle

Quelques mètres plus haut et plus loin, un médaillon incrusté sur


le ftottoir du côté de la Seine nous remet sur la piste du méridien.

106
GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

Nous n'avons qu'à traverser - à nos risques et périls - la rue


encombrée d'une circulation intense pour découvrir un autre jalon à
la jonction de la Galerie d'Apollon et de l'aile Denon qui abrite trois
autres boussoles-médaillons. Puis, après avoir, comme le méridien,
traversé les murs de l'aile méridionale du palais, nous voilà dans la
cour Napoléon où cinq disques de bronze nous attendent. IJn
médaillon commémore le passage de l'axe du monde à quelques
minuscules petits centimètres de l'arête du pyramidion faisant face au
pavillon Sully. Nous découvrons un auffe petit caillou de bronze à
l'angle du bassin le plus septentrional entourant la pyramide de Peï.
L'aile Richelieu où nous allons maintenant pénérer en compte trois.
Le premier est discrètement dissimulé derrière l'un des piliers à
l'entrée du passage Richelieu, le second est pratiquement à l'aplomb
de la boussole qui décore la voûte presque au niveau de la rue de
Rivoli. Et le troisième est tout simplement niché au premier étage du
musée, tout près d'une salle où est exposé un tableau qui a fait couler
bien plus d'encre que de peinture : les fameux « Bergers d'Arcadie »
de Nicolas Poussin.

Le Palais-Royal : un autre palais sous I'inlluence de l'axe du


monde

Abandonnons le Louvre aux touristes et aux adeptes d'Apollon


pour traverser la place du Palais-Royal en nous guidant sur les trois
médaillons qui la jalonnent. Nous arrivons au Palais-Royal qui abrite
une série de sept médaillons. Nous allons rencontrer notre premier
disque de bronze dans le passage qui sépare le palais de la Comédie-
Française, à quelques mètres à peine de la place André Malraux qui
fut un haut initié du Prieuré de Sion, société secrète peu discrète. Un
autre médaillon ponctue le passage. Dans la cour d'honneur, deux
médaillons matérialisent la course du méridien à cinq mètres à peine
des colonnes de Buren, un autre est caché dans la Galerie de
Montpensier. Et nous voilà déjà en face du 7 bis de la rue de
Montpensier, à l'entrée du passage du même nom où un médaillon
fait le guet. Un autre monte la garde à la hauteur du no10. l.e
méridien ayant une grande importance dans la mythologie du Prieuré
de Sion, c'est sans glande surprise que nous découvrons, grâce à une
très obligeante plaque commémorative, que Jean Cocteau qui fut ou
aurait été - le conditionnel étant de rigueur avec cette mythique et
mystificatrice société secrète - Grand Maître du Prieuré de Sion, vécu
de 1939 à 1963 au 36 de la rue de Montpensier.
Nous quittons maintenant la rue Montpensier pour nous engager

r07
GUrDE DU PARrs ÉsorÉruque
dans la rue Richelieu où nous attend une nouvelle moisson avec un
médaillon sur le trottoir devant le n"24. À quelques pas de là, au 39,
Diderot, de la loge «Les Neuf Sæurs » est mort le 31 juillet 1764.Un
peu plus loin, toujours sur le passage du méridien, au 10 de la rue
Chabanais, une plaque rappelle qu'ici naquit et mourut le Frère
Chamfort de « f incontournable » loge « Les Neuf Sæurs ».
Un peu plus au nord - et à cinquante mètres à peine de l'axe du
monde - le square Louvois offre un minuscule îlot de verdure dans
ce vieux quartier historique. Il abrite une belle fontaine orientée sur
les points cardinaux. Au milieu d'un bassin octogonal, elle repose sur
un piédestal cruciforme entre les branches duquel s'ébattent quatre
putti chevauchant des dauphins apolliniens. La première vasque est
décorée des indispensables signes du zodiaque I la seconde repose
sur une colonne flanquée par quatre charmantes jeunes femmes,
allégories des fleuves français Seine, Saône, Loire et Garonne. À
quelques petits détails près, son interprétation symbolique est un
simple décalque de la fontaine de Carpeaux dans les Jardins de
l'Observatoire.
À l'angle de la rue Saint Augustin et de la rue Sainte-Anne nous
rencontrons un nouveau petit caillou de bronze semé par M. Dibbets.
Le jalon suivant est au 16 de la rue du 4 septembre. Cette rue fut
baptisée ainsi dès 1870 pour célébrer la date de la proclamation de la
III" République, le 4 septembre 1870. Sur le boulevard des Italiens
nous rencontrons un premier médaillon à l'angle de la rue Taitbout
(|ean-Baptiste Julien Taitbout, greffier en chef de la ville de Paris
était membre de l'omniprésente (sur le méridien de Paris) loge « Les
Neuf Sæurs »), puis un second au 19 devant l'immeuble du Crédit
Lyonnais dont le gouffre financier évoque plutôt le Voyage au centre
de la Tene du Frère Jules Verne.
Deux médaillons clouent le boulevard Haussmann sur l'axe du
monde. Le premier au 9l1r 1 devant f immeuble de la compagnie
d'assurance La France (elle aussi traversée et coupée en deux par le
méridien, tout un symbole...) ; le second au 16/18 devant l'Hôtel
Ambassador. Le méridien s'engouffre ensuite dans la rue Pillet Will
avant de déboucher dans la rue de la Victoire.

De l'inlluence du rnéridien sur la Grande Syrragogue

Au no 44, en plein sur son passage, s'élève depuis 1874la Grande


Synagogue de Paris, qui, avec ses 1500 places, est aussi la plus
grande de France. Elle a été construite par l'architecte Aldrophe dans
un style romano-byzanün convenant au gout éclecrique de la jeune

108
GUrDE DU PARIS ÉsorÉnIeup
III" République ; sa façade à arcades au sommet de laquelle une
inscription hébraïque rappelle la parole du prophète : « Cette maison
sera une maison de prière pour tous les peuples », s'orne d'une
verrière à la conception de laquelle le F.'. Gustave Eiffel prêta main
forte. La s-vnagogue fut inaugurée le 3 septembre 1874 (la veille de la
date anniversaire de la proclamation de la iII" République, encore un
hasard sans doute) par le grand rabbin Zadoc-Kahn.
L'axis mundi ressurgit au 32 de la rue de Châteaudun. Nous ne
retrouvons ensuite sa trace qu'avec un médaillon au 69 de la rue
Pigalle. En 7787, le no 34 abritait la loge des « Amis Réunis ». Un
autre médaillon orne le no 5 de la rue Duperré. Nous voilà place
Pigalle, où débouche une rue Houdon, baptisée ainsi en l'honneur du
sculpteur Jean-Antoine Houdon, membre de la loge - oui vous avez
deviné ! - « Les Neuf Sæurs ,.
Le méridien entame alors l'ascension de la Butte Montmartre par
la rue Germain Pilon et marque son passage par un médaillon au 79
de la rue Lepic, nommée ainsi en l'honneur du comte d'Andrésy,
général d'Empire et, bien entendu, Frère.

La Mire du Nord

Nous voilà maintenant au sommet de la Butte et nous pouvons


contempler à nos pieds, s'étendant à perte de r.ue, la Ville lumière qui
ne soupçonne pas un instant que son destin est implacablement régi
par une « ligne imaginaire faisant le tour de la Terre en passant par
les pôles ». Comment pourrait-elle en avoir conscience puisque tout
n'est que signe cabalistique gravé dans la pierre ou I'airain, trace
imperceptible laissée dans la poussière de l'Histoire. Comment le
promeneur pourrait-il deviner qu'au milieu des iardins luxuriants
d'une résidence prir,ée, à I'angle de l'avenue Junot et de la rue
Girardon, se cache la mire du Nord. Là, tapi dans l'ombre d'un
bosquet, un obélisque pyramidal de trois mètres de haut indique le
passage du méridien. L'abbé Jean Picard chargé de mesurer la
longueur du méridien de la section Paris Amiens planta ici, en 1675,
à proximité du moulin du Blute Fin, un repère, dit poteau de la
Méridienne, placé exactement sur le méridien de l'Observatoire. On
le remplaça. en 1736. par une pvramide quadrangulaire en pierre, la
N{ire du Nord.
À quelques mètrcs de là, sur la place Marcel Aymé, Garou Garou,
le « Passe-muraille » sculpté par Jean Marais, semble coincé dans le
mur pour l'étcrnité : la moitié du corps dans ce monde. le reste dans
l'autre monde.

109
GUrDE DU PARrs ÉsorÉnrqur
Maintenant, imperceptiblement, le méridien entreprend sa
descente vers Saint-Denis et la nécropole des rois de France. Il
marque son passage au moyen d'un médaillon sur Ie trottoir au no1
de l'avenue Junot, autre général d'Empire, qui fut secrétaire de
Napoléon au siège de Toulon. Celui que le futur empereur
surnomma alors « le sergent La Tempête » avant d'en faire un duc
d'Abrantès était officier du Grand Orient. L'axis mundi poursuit son
périple vers le toit du monde en passant cent mètres à peine à I'ouest
de Ia rue... du Pôle Nord !Il coupe ensuite Ie boulevard Ney (le
maréchal et franc-maçon habita un hôtel particulier sur le méridien et
fut officiellement fusillé sur ce même méridien...) avant de nous
offrir au 18 de l'avenue de Porte de Montmartre, à l'entrée de la
bibliothèque municipale, la dernière trace d'airain de son invisible
passage dans la capitale.
Nore route s'arrête là : nous ne rejoindrons pas encore les rivages
d'Hyperborée. Pour nous consoler de ne pouvoir atteindre l'Ile sur le
Toit du Monde, nous allons visiter un autre sanctuaire d'Apollon : le
Montparnasse.

110
MONTPARNASSE : VOYAGE AU PIED
DE LA MONTAGNE DU DIE,U SOLAIRE
Notre itinéraire démarre sur le parvis de la gare Montparnasse. Quel
meilleur endroit qu'une gare pour un départ ? Surtout si nous
n'avons même pas besoin d'acheter le moindre billet de train pour
partir à l'aventure !

Le nom du quartier est déià, en soi, une allusion à Apollon. Dans


la mythologie grecque, le Parnasse, chaîne de montagnes qui s'élève à
quelques kilomètres de Delphes, passait pour être le séjour d'Apollon,
dieu solaire et divinité suprême des pythagoriciens dont les francs-
maçons ont hérité d'une grande partie de la doctrine. Comme pour
les Champs Elysées, aucune explication r.raiment satisfaisante n'a été
donnée au choix d'un tel nom my'thologique pour un site parisien.
Après tout Pâris, le héros troyenr n'était-il pas, lui aussi, sous la
protection d'Apollon ? Mais les Muses ont depuis longtemps déserté
ce quartier autrefois inspiré. Les pittoresques cités d'ateliers d'artistes
ont fait la joie - et la rapide fortune - des spéculateurs immobiliers
spécialisés dans le loft pour cadres supérieurs branchés les ;
brasseries et les bistrots hantés à l'année par un panthéon d'auteurs à
la gloire souvent surfaite survivent, tels des dinosaures poussifs et
nostalgiques, au milieu d'une myriade de fast-foods et autres temples
de l'alimentation synthétique et de l'intoxication alimentaire rapide.

111
GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

la Porte Océane. L'entrée de la gare Montpantasse est aussi I'entrée du Temple


ptisqu'elle est encadrée par les colonnes maçonniques Boaz et Jakin, surmontées
de I'arc-en-ciel,

La gare Montparrrasse : un édilice maçonnico-ferroviaire

Commençons notre promenade maçonnique sur le parvis de la


gare qui offre, à notre point de vue très spécial, trois avantages
remarquables. Tout d'abord, c'est le seul endroit de Paris où la
sinistre silhouette de monolithe sombre de la Tour Montparnasse ne
gâche pas le panorama. Deuxièmement) la place porte le nom de
Raoul Dautry, polytechnicien et synarchiste, qui avait été chargé par
la Société des chemins de fer du nord de « régénérer » le réseau après
les terribles blessures de la Grande Guerre. Notre démiurge
cheminot, disposant des pleins pouvoirs, en avait profité pour créer la
« cité modèle » de Tergnier, une cité ouvrière du réseau des chemins
de fer du nord. Ou plutôt une cité utopique, dans la lignée de la cité
idéale de Chaux imaginée par Ledoux plus d'un siècle auparavant :
même plan circulaire, même volonté de créer un univers totalement
autonome, coupé du monde, tracé au cordeau, avec un statut
d'habitant identique pour tous. Bref un phalanstère cheminot digne
du « meilleur des mondes ». Pour finir, on a là une superbe lrre sur la

tt2
GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

façade de la gare Montparnasse, rebaptisée - TGV Atlantique oblige


- Porte Océane ». Elle offre au voyageur - et à l'initié - deux
«
énormes colonnes cubiques en béton brut (le somptueux revêtement
de marbre prér,'u à l'origine a modestement contribué à combler le
gouffre du déflcit de la SNCIr) encadrant une arche métallique. Il
n'est guère besoin d'avoir fréquenté un Atelier pour y reconnaître les
deux colonnes Boaz et Jakin du Temple de Salomon et l'arc-en-ciel
symbolisant l'arche d'alliance et la vofite céleste sous laquelle doivent
se tenir les travaux de la loge.
Empruntons plutôt l'entrée de service sur le boulevard de
Vaugirard : l'entrée latérale de la gare est surmontée d'un auvent
triangulaire parfaitement inutile, sauf à attirer i'attention des Frères.
En effèt, juste au-dessus végètent les squelettiques massifs anémiés du
square Max Hvmans qui offrent un peu de verdure aux bureaux de
I'immeuble de la très fraternelle Mutuelle Générale de I'Education
Nationale dont le sigle s'orne d'une étoile à cinq branches du plus bel
effet. Empruntons l'ascenseur panoramique - installé à grands frais
par la .N{airie de Paris - qui le dessert. Seuls des esprits chagrins
remarqueront que la passerelle qui relie le coûteux monte-charge,
installé au beau milieu du trottoir, au complexe de la gare
Montparnasse affecte la forme d'une... arche. Les mêmes, toujours
animés du même mauvais esprit, se diront que l'on a là un escalier
vers les cieux (ou les dieux), une Tour de Babel en somme, qui
permet d'accéder à de très babl,loniens iardins suspendus.
Comme l'art paysager n'est pas vraiment à l'honneur dans ce
square, intéressons-nous un instant à Max, Robert Hymans (1900-
1961) qui lui donna son nom. Issu d'une famille israélite installée en
France au XIX' Siècle, il fut député de l'Indre (1928-1942), sous-
secrétaire d'Etat aux Finances (18 janvier - 13 mars 1938), président
du Conseil général de l'Indre, président d'Air France (qui, jusque
récemment, avait son siège à Nlontparnasse) et administrateur de la
Compagnie générale transatlantique, de la Radiotechnique, etc. Bref,
un monsieur fort occupé, mais qui trouva quelques instants pour se
faire initier le 16 avril 1926 à la loge «Isis Mont_von » 619 la Grande
Loge, puis pour être membre de la loge « Conscience et Volonté » et
de la loge « Gustave Mesureur ».

Le « Jardin Atlantique » : retour aux iardins suspendus de


Babylone

Puisque nous sommes-là, profitons-en pour aller visiter ls « Jardin


Atlantique » voisin qui abrite le souvenir d'un autre F.'. : Jean

113
GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

N{oulin. Ce membre de la Fraternelle des Hauts Fonctionnaires voit


sa mémoire célébrée dans le musée qui porte son nom.
Caché au cæur d'un cirque d'immeubles, un étonnant jardin
suspendu, qui n'a rien de comparable avec le minuscule et pâlichon
square Max Hymans, nous accueille ; c'est un microcosme, l'image
magique d'un monde en réduction. De part et d'autre d'une vaste
pelouse dont les ondulations symbolisent les vagues de l'océan
s'étendent, sur quelques trois hectares et demi, le Nouveau monde et
l'Ancien monde. Au gré d'une dépaysânte promenade, on découwe
des montagnes en réduction, de lilliputiens déserts minéraux, de
minuscules lacs entourés de forêts miniatures aux essences tropicales,
méditerranéennes) nordiques, avant de s'aventurer dans des savanes
herbeuses et des steppes de la taille d'un court de tennis. L'insolation
aurait-elle eu raison des facultés mentales du guide ? Point du tout,
puisque la lecture de la brochure éditée par la direction générale de
l'information et de la communication et la direction des parcs, jardins
et espaces verts de la mairie de Paris (ouf l) k Jardin Atlantique. Une
terrasse dc zterdure au cæur de Montpantosse est encore plus édifiante.
En voici quelques passages significatifs : « [Jn grand carré de
vagues vertes. Le jardin Atlantique, qui présente deux parties
totalement distinctes à l'est et à l'ouest, s'ordonne autour d'une
grande pelouse centrale et d'une majestueuse allée le traversant du
sud au nord [encore I'obsession des axes] . L'allée centrale est bordée
de deux belles rangées d'arbres adultes, de variétés différentes,
originaires des pays qui s'étendent de part et d'autre de l'Adantique.
Les sujets sont présentés, ici, en surélévation sur des socles, de telle
manière qu'à un chêne d'Amérique, par exemple, réponde en vis-à-
vis un chêne du vieux continent. La vaste pelouse carrée centrale,
libre d'accès, est modulée par des ondulations du sol qui évoquent les
vagues. Elle est elle-même ornée en son centre par l'île des
Hespérides ['île a ici la fonction de centre du monde, d'omphalos]. Il
s'agit d'une fontaine monumentale dédiée au ciel [on ne peut plus
clairement décrire un culte céleste l] et qui porte les instruments
perrnettant de mesurer la force et l'orientation des vents, d'enregistrer
les pluies, d'indiquer la température et la pression atmosphérique...
[bref de célébrer les manifestations de la puissance céleste : pluie
bienfaisante, chaleur du soleil, mais aussi orages et tempêtes] L'île
dont la fontaine a été mise au point par Jean-Max Llorca, paraît
flotter au-dessus d'un bouillonnement d'eau surgissant au travers
d'une nappe métallique. »
Sans contestation possible, nous avons ici la description de la carte
magique d'un monde en réduction. Monde soigneusement orienté,
car. sur l'île centrale, les quatre points cardinaux sont matérialisés au

1t4
GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

sol. Monde voué au culte solaire avec sa fontaine dédiée au ciel et ses
discrètes allusions mythologiques. Au cæur d'une mer aux vagues
pétrifiées, comme surgissant de l'écume des eaux primordiales,
apparaît, omphalos de ce microcosme, l'île mythique des filles de la
nuit (Nyx) et de l'obscurité (Erèbe) qui vivaient à I'extrême occident
du monde, là où le char du dieu Soleil entame sa course étincelante
dans les ténèbres. C'est sur ses rivages qu'Héraklès vint chercher les
pommes d'or gardées par le dragon. Et il n'y a bien sûr aucun hasard
si le hall de Ia gare Pasteur, qui borde l'une des faces du Jardin
Atlantique, s'orne d'une statue du sculpteur Antoine Bourdelle :

Héraklès archer.

.faut lexer les yeux vers la o zloûte céleste » de béton armé de la Dalle ponr aoir l'æil omniscient.
-.
lz üeu
.laire est aussi le dieu du Temps, et, très logiquement, il apparaît ici sous I'aspect d'une pendule.

Mais mieux encore que les sibyllines références mythologiques, il


y a pour notre bonheur les symboles disséminés sur le site. Ainsi, au
centre de l'île des Hespérides, une mosaïque de marbre figure un æil.
De ses paupières irradient quatorze rayons qui forment ainsi l'image
de l'ceil rayonnant symbole du soleil qui illumine tout, qui voit tout,
bref de la divinité omnisciente. C'est l'æil de Ra, le dieu solaire de
l'ancienne Egypte. Comme le sol de l'île au milieu de l'océan
immobile est composé de 196 (soit 14 au carré) plaques de granit

115
GUrDE DU PARrs ÉsorÉruque
gris, on reüouve immédiatement la référence au corps supplicié du
dieu Osiris, dépecé en quatorze morceaux par son meurüier et frère,
le dieu Seth. Pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, ou pour donner
une chance supplémentaire aux initiés distraits, l'æil divin apparaît
encore deux fois. Discrètement d'abord sur le sol carrelé de la petite
terrasse du « Pavillon des vagues bleues », à quelques mètres à peine à
l'est de l'île des Hespérides. Puis, un peu plus loin, dans le hall de la
gare Pasteur, où il est tellement visible qu'on ne le remarque pas. Là,
une pendule fixée au centre d'une verrière surplombant les quais
figure l'iris de l'æil d'un cyclope figé pour l'éternité. De son regard
immobile qui flotte âu sommet de la vorlte céleste en béton armé, le
Temps scrute tout. Douze mètres plus bas, les TGV viennent
achever leur périple sous la Dalle.

« Le Creuset du Ternps » au centre de la place de Catalogne

Quittons les lieux par la sortie du Pont des cinq marryrs du l-vcée
Buffon et prenons à main gauche en direction de la place de
Catalogne. Elle a été créée par l'architecte espagnol Ricardo Bofill, à
qui l'on doit plus d'un ensemble architectural à connotations
ésotériques, comme ie « palacio Abraxas » à Marne-la-Vallée au nom
fleurant bon la Gnose ou l'immense pyramide qui se dresse sur le
bord de l'autoroute, au Perthus, à la frontière franco-espagnole.

I-e Creuset ùt Temps de Shamai' Haber est une nouaelk démonstration qLrc p()Iff
les Initiés le T'etnps est cl'clique.

116
curDE DLI PARIS ÉsorÉnIeur
L,e centre de la place est occupé par les fondations d'une
gigantesque colonne tronquée : « Le Creuset du Temps » (1987/88),
æuvre de Shamaï Haber (né en 1922 àLodz, Pologne, mort en 1995
à Paris). C'est un vaste disque de 2000m'de surface; formé de
300 000 pavés de granit appareillés comme une seuie pierre lisse, il
s'incline sut 2,4 m pour laisser glisser l'eau en un miroir jusqu'au
bord où elle descend en cascade. Quand le dispositif veut bien se
donner la peine de fonctionner) car les initiés ont touiours des petits
problèmes avec l'intendance, que l'on songe à l'état de délabrement
avancé de quelques-uns des plus emblématiques Grands Travaux de
l'ère Mitterrand... C'est. une fois de plus, le symbole des colonnes
brisées du Temple de Salomon et également une réminiscence - en
forme d'hommage - de I'extraordinaire tour foudroyée du désert de
Retz. L'eau qui court (ou devrait courir) sur la colonne inclinée
naissante é'noque le bouleversement (l'inclinaison de l'axe) prorroqué
par le passage à l'ère du Verseau. On peut aussi y voir une indication
astrologique de l'inclinaison de la bande zodiacale sur l'écliptique ; ce
qui nous ramène, une fois encore, aux 36 Décans. les fameux maîtres
du Destin qui, dans le projet initial de Mario Botta, ornaient le
sommet biseauté de la maçonnique cathédrale d'Evry.
I-a place est fermée au sud par un vaste édifice concave à la
façade rythmée par 28 colonnes offrant un nouveau calendrier
lunaire. Au milieu de la façade) une arche encadrée par deux
colonnes (les sempiternelles colonnes Boaz et Jakin) sert de porte
monumentale à un passage séparant l'édifice en deux blocs disuncts.
Celui de gauche s'ouvre sur une cour intérieure dont l'entrée, elle
aussi, est gardée par deux colonnes. Celui de droite abrite également
une cour intérieure en hémic1,cle, baptisée avec raison place de
I'amphithéâtre. Une allée de 16 autels cubiques en jalonne Ie
diamètre, et dévoile le symbolisme du nombre 16 et le seizième
arcane des T'arots, la fameuse Tour foudroyée. En tout, cette cour en
demi-iune accueiile 28 autels cubiques formant un nouveau
calendrier lunaire. Ce qui n'a rien pour vraiment nous surprendre,
puisque sur un haut lieu consacré à une divinité solaire, il est logique
d'y trouver associée sa parèdre lunaire et les terribles divinités
gardiennes du zodiaque.

Symboles maçonniques et discrets clins d'æil ésotériques dans


le quartier Montparnasse

Après les complexes dispositifs architecturaux ou paysagers voués


au culte des puissances célestes, une petite promenade nous fera le

t17
GUIDE DU PARrs ÉsorÉnreup
plus grand bien. Descendons la rue du Commandant René
Mouchotte barrée par une passerelle métallique surmontée d'une
arche parfaitement superflue mais très symbolique. Elle relie
l'enceinte maçonnico-ferroviaire de la gare Montparnasse au centre
commercial Gaité que l'on pourrait d'ailleurs tout aussi bien qualifier
de centre maçonnico-commercial. Les portiques d'entrée sont
surmontés d'un fronton, pyramidal bien sfir, affichant la letüe G.
Pour Gaité ou pour Géométrie ? Le festival continue avec le clin
d'æil de l'hôtel... Méridien. La malédiction des Templiers frappe
aussi puisque devant le centre commercial, le long de l'avenue du
Maine, s'étend le parvis D. Templier !
Tout près de là, au no 7l de l'avenue du Maine, l'hôtel de
l'Arcadie accueille les voyageurs et les membres du fan-club du
Prieuré de Sion. Apollon, le mont Parnasse, le méridien (ou au moins
un hôtel à son nom) et maintenant l'Arcadie. Peut-être faudrait-il
conseiller au brave hôtelier d'agrémenter le hall de son établissement
d'une reproduction des fameux « Bergers d'Arcadie » de Nicolas
Poussin et de proposer quelques prospectus publicitaires vantânt les
charmes du Razès. Après tout, cela ne semble nullement nuire au
chiffre d'affaires de ses collègues audois, bien au contraire...
Remontons I'avenue du Maine vers l'église Saint-Pierre de
Montrouge, dont le clocher pyramidal nous offre un excellent repère.
Sur notre droite s'ouvre la rue lean Zay (1904-1944), ministre de
l'Education nationale initié le 24 )anvier 1926 à la loge « Etienne
Dolet » à i'Orient d'Orléans.

Le siège de Force Ouvrière : « une vraie maison de (Francs)


Maçons »

Nous allons nous arrêter face au no 141 de l'avenue du Maine


pour admirer tranquillement le nouveau siège de la Confédération
Générale du 'lravail - Force Ouvrière. On a droit à la classique,
sobre et totalement inesthétique façade de verre réglementaire des
immeubles de bureaux. Enfin, presque classique façade, car, au beau
milieu de celle-ci, l'entrée du siège est réalisée par une rainure
triangulaire qui se découpe sur toute la hauteur du bâtiment. Pour les
Frères malvoyants, à cette encoche triangulaire, on a encore ajouté -
empilé serait plus juste - une verrière triangulaire surplombée d'une
pyramide inversée en verre. Le Frère Blondel et ses camarades
trotskistes doivent apprécier à sa juste valeur la symbolique
maçonnique de la devanture de leur petite boutique des horreurs.
Même si les militants de base n'en goûtent pas la substantifique

118
GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

moelle symbolique ou plus prosaïquement le simple attrait esthétique,


au moins peuvent-ils se féliciter du sens des affaires de leur leader.
En effet, bien que N{arc Blondel s'en soit défendu (en attaquant en
justice un auteur qui afhrmait - avec raison - le contraire), Ie siège de
sa centrale syndicale a été édifié à des conditions plus
qu'avantageuses. Il a été prouvé que Jacques Chirac, alors maire de
Paris, arrait, en 1984, « donné » à Force Ouvrière un terrain de 2853
m'dans le XIV' arrondissement afin d'y faire construire le nouveau
siège sociai de F.O.. pour un lo1,sr 6.t plus modestes par bail
emph.ltéotique de 75 ans : trois millions de francs par an et avec des
conditions spéciales. La construction proprement dite (encore que
propre ne soit probablement pas l'épithète le plus approprié) fut
confiée au groupe Bouygues pour un coût très raisonnable de cent
millions de francs, somme couverte par des prêts du Crédit Agricole
et des Banques Populaires. Gcuménique, la mairie de Paris s'était
montrée déjà fort complaisante en offrant à la C.F.D.T. I'installation
téléphonique interne à son siège boulevard de la Villene.

Iz nouoeau siège de
la C.G.T.-F.O. est
du plus pur style
fonctionnel et
ésotéique arec sa
profusion de tiangles
et sa pyramide
inaersée.

n9
GUrDE DU PARIS ÉsorÉnIeuE
Denfert-Rochereau : le Lion de Belfort veille sur la ville des morts

Nlettons fin à notre - très s.vmbolique - piquet de grève et


remontons l'avenue du Maine jusqu'à la place Victor Rasch, du nom
du président de la Ligue des droits de l'Homme assassiné le 10
janvier 1944. Là, prenons à gauche et redescendons vers la place
Denfert-Rochereau par l'avenue du Général Leclerc.
Les propylées du F.'. Ledoux, seuls vestiges de la « Barrière
d'Orléans », marquent l'entrée de la place Denfert-Rochereau et du
royaume des morts : c'est en effet par le pavillon de droite,
transformé en loge de concierge des Enfers, que I'on pénètre dans le
Royaume des Morts. Sous les pieds des Parisiens, qui semblent ôtre
la preuve vivante du mouvement perpétuel, s'étendent les
Catacombes de Paris, le domaine froid et sombre où s'empilent, dans
une mise en scène romantiquement macabre, les ossements de six
millions de Parisiens qui connaissent, enfin, le repos éternel. En
surface, au centre de la place, imperturbable au milieu d'une
circulation intense, le « Lion de Belfort » du Frère Auguste Bartholdi
(maître de la loge « Alsace-Lorraine » à l'Orient de Paris) monte la
garde pour les vivants et les morts. Le félin est orienté dans l'axe du
méridien de Paris qui passe, invisible, à trois cents mètres de Ià ; la
gueule du fauve est tournée vers le soleil couchant qui éclaire de ses
rayons agonisants l'Amenti ; sous les griffes de sa patte avant droite,
qu'illumine le soleil au zénith, l'animal solaire tient une flèche : le
trait du divin archer Apollon...

L'autel au Frère Raspail

Avant d'aller visiter le cimetière du Montparnasse tout proche,


offrons-nous une petite halte méritée à l'ombre des frondaisons du
squâre Jacques Antoine. Notre repos sera studieux : I'examen du
monument éler,é à Ia mémoire de F-rançois Raspail (homme politique
et membre de la loge « Les Amis Bienfaisants et Imitâteurs d'Osiris
Réunis , à l'Orient de Paris) va retenir un petit moment notre
attention.
C'est, aujourd'hui, un simple cube de pierre : la statue de bronze
qui l'ornait a été victime de la convoitise des ferrailleurs du III' Reich.
Par une compensation du Destin, le socle orphelin offre ainsi l'aspect
solennel d'un autel antique dédié aux mânes du grand homme. Sur sa
face sud, la pierre est gravée : deux inscriptions rappellent son rôle
d'instigateur du suffrage universel en 1834, et sa proclamation de la
République, sur le pan'is de I'Hôtel de ville de Paris, en 1848. Sur la

120
GUIDE DL) PARIS ESOTERIQLTE

face opposée) une extraordinaire profession de foi est ciselée dans le


roc : ( Donnez moi une vésicule animée de sa vitalité et je vous
rendrai le monde organisé. » Théorie cellulaire 1828-1836 et «A la
science hors de laquelle tout n'est que folie. À la science l'unique
religion de I'avenir. Son plus ferr.ent et désintéressé croyant F.V.
Raspail. » Un demi-siècle après I'Incorruptible, la déesse Raison et
l'Etre Suprême avaient encore un adepte fen'ent et sincère.
Au dessous, un bas-relief en bronze de Léopold Morice représente
Raspail au chevet d'un mourant entouré de sa femme et de ses
nombreux enfants. La Mort, impavide, vient prélever sa dîme. Sur la
face tournée rrers la Tour Montpamasse) un autre bas-relief, sculpté
dans la pierre cette fois, s'offre à noffe regard. Il s'inspire largement
du marbre d'Antoine Etex « Pleureuse drapée devant une cellule de
prison » qui ome le caveau de Ia famille Raspail au cimetière du Père-
Lachaise ; figurée de dos, une femme enveloppée dans des draperies,
la tête couverte d'un voile de deuil, a le visage levé r,ers une petite
fenêtre grillagée. Son regard semble désespérément chercher la lueur
d'une aube nouvelle qui l'arracherait à la nuit de sa douleur. Un
enfant se cramponne aux plis de la robe de sa mère ; l'orphelin privé
de son soleil se raccroche à son dernier espoir de bonheur. La Veuve
et son fils espèrent le retour de la lumière. Isis, la déesse de I'initiation
et Horus son divin fils attendent le retour de l'aurore et la barque
solaire de son frère et époux Osiris, le dieu de la Résurrection.
En sortant du square, engageons-nous à droite dans la rue Victor
Schoelcher (1804-1893), l'apôtre de l'abolition de l'esclavage qui fut
également membre de la loge « L,a Clémente Amitié » à l'Orient de
Paris, pour ensuite déboucher sur le boulevard François Raspail, et
rejoindre, en tournant à gauche, le boulevard Edgar Quinet (1803-
1875), qui honore la mémoire de l'historien franc-maçon. Une
entreprise de pompes funèbres fait l'angle du boulevard Edgar Quinet
et de la rue Emile Richard. A deux pas d'un cimetière, un tel
commerce n'a rien de remarquable ; on ne peut en dire autant de la
plaque commémorative en marbre qui ome la façade. Décorée d'une
superbe rose, elle est dédiée aux « Quatre sergents de La Rochelle »,
ces quatre sous-officiers. appartenant aux Carbonari. qui furent
décapités à Paris à la suite du lamentable fiasco du soulèvement
général, prér,'u pour le 1" janvier 1822, auxquels ils devaient participer.

Le cimetière rnaçonnique du Montparnasse

Pénétrons maintenant dans la partie orientale du cimetière. Sur


notre droite, dans la 27' division, s'élève le monument des Fédérés,

t2l
curDE DU PARrs Ésorenrqur
en partie caché par un maigre bosquet : c'est un obélisque p1,'ramidal
orné des habituels symboles ésotériques : grotte des Mystères, bonnet
phrygien de l'initié. En face, dans la 28' division, un grandiloquent
ange de bronze veille sur l'éternel repos du. sculpteur Auguste
Bartholdi, le créateur de la statue de la Liberté. A quelques pas de là,
le Frère André Ciuoën et le capitaine Dreyfus reposent, eux aussi, à
l'ombre du monument aux morts de la guerre de 1870 qui affecte -
mais faut-il vraiment s'en étonner ? - la forme d'un obélisque
pyramidal. Un peu plus loin, un autre tombeau abrite les restes de
l'écrivain Joseph Kessel, dont le neveu Pauick Kessel fut grand maître
du Grand Orient.
Continuons notre chemin dans I'allée silencieuse bordée de
platanes jusqu'à la 30' division où dort du sommeil du just(icier) le
chevalier Rose-Croix Pierre-Bloch. Le vénérable de la loge « La
Lumière » à l'Orient de Neuilly fut également président de la branche
française de la franc-maçonnerie juive des B'naï B'rith et l'un des
plus importants animateurs de la L.I.C.A., métamorphosée en
L.I.C.R.A., quand on s'avisa, un peu tard, que le racisme ne se
limitait pas à l'antisémitisme. Après avoir tourné à droite, nous nous
trouvons maintenant à la hauteur de la 24" di',,ision qui abrite de
nombreuses tombes juives et quelques magnifiques caveaux
maçonniques ; notamment celui de la famille de Menasce dont le
frontispice s'orne d'un blason maçonnique ayant en chef un aigle
bicéphale surmontant une pyramide précédée d'un sphinx et
encadrée, à gauche, par un croissant de lune. et, à droite, d'un soleil
en forme d'étoile de David. Le fronton du caveau de la famille Josué
Kahn et Mayer Kahn est décoré de deux mains formant le triangle
divin ; celui de la famille Moïse Levy présente une traditionnelle
poignée de mains maçonnique
Nous voilà déjà sur le trottoir de la rue Emile Richard, il ne nous
reste plus qu'à traverser la chaussée pour pénétrer dans la partie
occidentale de la nécropole. La 10'division nous offre un des plus
beaux monuments maçonniques en forme de colonne brisée du
cimetière du Montparnasse) qui abrite pourtant une véritable forêt de
colonnes tronquées. Il est magnifiquement orné de sculptures
féminines adossées au fût et tenant à la main des symboles
maçonniques aussi explicites que le compas ou l'équerre. Dans la
même division, repose René Renoult, champion du cumul des
portefeuilles ministériels (Finances, T'ravail et Prévoyance sociale,
Travaux publics, Intérieur, Justice, Marine) et des honneurs
maçonniques ; car ce haut dignitaire du Grand Orient était vénérable
d'honneur de la loge « L'Avanl-garde maçonnique » et de Ia loge « La
Justice ». Il était aussi chevalier Rose Croix, et, à ses - rares -

t22
GUIDE DU PARIS ESOTERIQUE

moments perdus dans cet emploi du temps surchargé, le beau-frère


de l'écrivain initié Maurice Leblanc (sa sæur Georgette était initiée de
la Rose Croix du lfemple et du Graal de Joséphin Péladan). La
tombe du créateur d'Arsène l,upin, initié au mystère de Rennes-le-
Château, est voisine de celle de son beau-Frère ; peut-être, dans leur
éternel sommeil peuplé de mystères, échangent-ils, dans un murmure
d'outre-monde, de sombres secrets... En lisière de la 1 1" division
voisine, les mânes du Frère Edgar Quinet veillent sur le boulevard
tout proche qui porte son nom.
La silhouette de l'ancien « moulin Moliniste ») appartenant
autrefois aux Frères de la Charité et unique rescapé - ô combien
mutilé ! - des nombreux moulins de Montparnasse, nous indique le
chemin de l'avenue principale qui traverse le cimetière du nord au
sud. C'est aussi l'une des portes des Enfers permettant d'accéder aux
nombreuses carrières qui minent Ie sous-sol de la nécropole ; elles
abritent, depuis 1859, sept dépôts d'ossements, complément macabre
des Catacombes voisines.
Devant nous, sur le rond-point central, veille le « Génie du
sommeil éternel ». Une fois à l'ombre de ces ailes protectrices,
dirigeons nos pas vers la 1" division. Là, nous attendent les tombes
des sculpteurs francs-maçons Jean-Antoine Houdon, membre de Ia
célèbrissime loge « Les Neuf Sæurs » à l'Orient de Paris, et François
Rude.
Un peu plus loin, en bordure de division, aux dates anniversaires,
des choux-fleurs fleurissent une sépulture. Non pas celle d'un
maraîcher excentrique, mais celle du chanteur-compositeur-acteur-
provocateur Ginzburg, plus connu sous le nom de scène de Serge
Gainsbourg. La dernière demeure de l'histrion nous offre un
excellent point de repère pour localiser, presque en face, de l'autre
côté de l'allée, dans la 2' division, l'exceptionnelle pierre tombale
d'une sépulture anonyme. À la vue de tous, simples badauds ou
initiés, une jeune femme nue, bien campée sur des deux jambes,
brandit au-dessus de sa tête une étoile à cinq branches ; à ses pieds,
un squelette armé d'une faux semble dormir, sa tête reposant sur son
épaule décharnée ; en arrière-plan, de l'autre côté d'un large fleuve
aux eaux tranquilles, se découpe la silhouette de pyramides. La vérité
(toute nue) qu'offre la Connaissance secrète (derrière la femme - Ève
l'éternelle curieuse - se profile l'arbre de la connaissance et les
pyramides, livre de pierre et temple initiatique) libère de la mort ;
grâce à l'initiation, l'âme, affranchie des chaînes de Ia réincarnation
(le fleuve est, à la fois, l'Achéron et le flot éternel du Temps), n'est
plus l'esclave de la Matière et peut enfin entreprendre son ultime
voyage vers l'étoile polaire, la porte de l'Empyrée.

t23
GUrDE DU PARrs ÉsorÉnIeue

En face de la tombe de Serge Gainsbourg se dresse I'une des plus beaux


tnonuments ésotéiqttes du cimetière du Montparnasse. Ia tombe est anonyme,
comrne il se doit pour tout. aéitable Initié : cehti qui possède la Ct»maissance est
enfin né à la xraie vie et n'a plus besoin d'ttne identité puisqu'il « est »
oéritablement.

.Après le symbolisme si élaboré de cette stèle sans nom, l'épitaphe


d'Edouard Jacques, député de la Seine et vénérable de la loge « Les
Amis de l'Humanité » à l'Orient de Montrouge est d'une platitude...
mortelle.
La Roue du Destin nous entraîne dans la 3' division où repose
Émile Littré, le lexicographe bien connu et le moins connu membre
de la loge « La Clémente Amitié » à l'Orient de Paris. Tangente à
l'orbe de l'allée circulaire que nous avons empruntée, I'allée des
« Sergents-de-La-Rochelle » nous fait découvrir, dans la 7' division,
les tombes de Jules Hetzel, le très maçonnisant éditeur du Frère Jules
Verne, et d'Antoine Quatremère de Quincy, archéologue, secrétaire
perpétuel de l'Académie des beaux-arts et Frère de la loge «'Ihalie » à

t24
curDE DU PARrs ÉsorÉnrquE
l'Orient de Paris. Nous arrivons en vue du discret monument qui
honore le souvenir des « Quatre sergents de La Rochelle » : en
bordure de l'allée, ombragée de saules, une stèle toute simple,
encadrée de quatre bornes blanches marquées de l'initiale du nom
des quatre suppliciés. Au pied de l'ancien moulin, nous allons tourner
à droite pour emprunter l'avenue de l'Ouest, bordée par une forêt
pétrifiée de colonnes brisées, jusqu'à la 6' division où se trouve la
tombe du louveteau et surtout poète Charles Baudelaire ;
bizarrement, le monument qui lui est dédié est installé contre le mur
de la rue Emile Richard, dans la 27" division. Inauguré en 1902, il
comporte le gisant de l'auteur des « Fleurs du Mal » et son buste
surmontant un vampire, sculptés en pierre par José de Charmoy. À
l'intersection suivante, nous nous engageons dans l'avenue du Nord
qui borde la 14" division. C'est 1à que repose) très discrètement, le
président de la République Paul Deschanel, louveteau et filleul d'un
autre louveteau (mais aussi grand maître du Prieuré de Sion) : Victor
Hugo. Dans la 5" division voisine, nous allons découvrir le tombeau
d'Isaac Moïse, dit Adolphe Crémieux, ministre, président de
l'Alliance israélite universelle et souverain grand commandeur du Rite
Ecossais Ancien et Accepté.
Encore quelques mètres et c'est l'entrée principale du cimetière du
Montparnasse. A l'extrémité du boulevard Edgar Quinet se dresse le
monolithe noir de la Tour Montparnasse, représentation symbolique
du mont Parnasse delphique ; c'est à son ombre que va débuter
notre prochain voyage initiatique.

125
DE LA PYRAMIDE À TE TOUR DE BABE,L
E}{ PASSANT PAR L,ARCHE, D,ALLIANCE
ET L'ILE DE,S MORTS
Notre nouvel itinéraire de promenade démarre au pied du « Creuset
du Temps », place de Catalogne. Après être passé sous l'arche
maçonnique, qui relie les bâtiments créés par l'architecte Ricardo
Bofill, nous arrivons à un jardin public à l'angle des rues Alain et
Vercingétorix. Là, I'inévitable pyramide de service nous attend
patiemment ; celle-ci est petite, blanche et sert de local technique.
Quelques centaines de mètres plus loin, au croisement des rues
Vercingétorix et Alésia (tout un symbole !), un menhir de béton est
planté au milieu d'un autre espace vert. Son inattendue présence
s'explique, en partie, si l'on veut bien considérer que le moderne
mégalithe est en alignement avec l'abri de jardin pyramidal et le
monolithe noir de la Tour Montparnasse.
Tournons à droite dans la rue de Vouillé, et engageons-nous
ensuite dans la rue George Pitard ; en face de l'édifice en briques des
anciens Bains municipaux, le porche d'entrée du no 29 est gardé par
deux dragons de pierre tapis, près à bondir sur le passant imprudent.
Arrivé à l'extrémité de la rue, tournons à gauche cette fois, et, après
la place Falguière, empruntons ensuite la rue d'Alleray.

121
GUrDE DU PARIS Ésorerueur
IJne arche d'alliance dans le XV" arrondissernent

l-a curieuse église Notre-Dame-de-l'Arche-d'Alliance va faire,


quelques minutes, notre déiice. Elle affecte une forme cubique
rappelant celle de l'arche d'alliance. Une fois achevée, elle sera
recouverte de bois comme son illustre modèle, avec, à I'extérieur. une
résille métallique présentant un quadrillage basé sur le symbolisme du
8 ; chaque face du cube dévoilera un damier de 64 cases, au
symbolisme numérique identique à celui des pvramidions entourant
la pyramide du I-ouvre. Cylindre, pyramide, triangle, cube :

l'architecture religieuse de cette fin de siècle est vouée au culte


pythagoricien des formes géométriques élémentaires.
Achevons rapidement nos dévotions et engouffrons-nous, sur
notre gauche, dans la rue Corbon puis, à l'extrémité de cette voie,
dans la rue de Cronstadt. À mi-hauteur de celle-ci, du côté des
numéros pairs, le porche d'entrée d'un bel immeuble de caractère est
décoré d'une frise maçonnique où l'on peut admirer un soleil levant
irradiant, un compas) une équerre, une pierre cubique, un arc-en-ciel,
un profil masculin et un autre féminin symbolisant les deux natures
opposées et complémentaires, mais aussi les colonnes, mâle et
femelle, du Temple de Salomon.

Le Parc Georges Brassens : encore un parc à fabriques


moderne

Au-delà du terre-plein triangulaire (on n'échappe pas à la


malédiction) de la place Jacques Marette commence le Parc Georges
Brassens, construit sur I'emplacement des anciens abattoirs de
Vaugirard. C'est le parfait exemple du parc à fabriques moderne :

on y trouve réunis la plupart des éléments indispensables. certains


adaptés au goût du jour, d'autres immuables comme la sempiternelle
pyramide.
On accède au parc par des propvlées : âu sommet de deux
arches cubiques, deux statues de taureaux en fonte d'Auguste Cain.
provenant du iardin de l'ancien Trocadéro, se font face.
Officiellement, la paire de bovidés évoque l'ancienne fonction du
lieu ; mais on peut aussi y voir la représentation d'une divinité
égyptienne : le bæuf solaire Apis. Comme l'entrée principale du
parc est orientée au nord, on peut raisonnablement envisager que les
deux quadrupèdes escortent la marche triomphale du soleil.
Au-delà de l'entrée, s'ouvre une perspective digne d'une « folie »
du XVIII" siècle : une « montagne » se reflète dans les eaux calmes

128
GUrDE DU PARIS nsorÉnrqun
d'un « lac », où émerge une « île » abritant un « temple » ; l'archéwpe
parfait du jardin initiatique, la quintessence des symboles
ésotériques. L'îlot au milieu du petit étang, où barbotent quelques
canards apprivoisés, c'est « l'île des Morts » ; la -lerre des
Bienheureux ; le séjour d'éternelle félicité ; le Paradis terrestre, que,
depuis l'Antiquite, les navigateurs cherchent à accoster au prix de
tous les périls ; l'île m1'thique où ressuscitent les héros défunts ;
Avalon, le dernier séjour du roi Arthur. qui repose veillé par sa sceur
À4organe. f-e « temple » - ici un campanile de la fjn du siècle dernier
abritant un monument aux morts de la Première guerre mondiale -
cst un temple tunéraire, un lieu de recueillement. mais aussi un
tclmbeau, un cénotaphe héroïque. Avant de finir sous les r,r-rirtes
lugubres de la crypte du Panthéon, Ies cendres de Jean-Jacques
Rousseau reposaient dans la paisible lumière de « l'île des Pcupliers »,
au milieu du parc à fabriques d'Ermenonville. On ar.ait aussi projeté
de bâtir sur une île la pyramide destinée à abriter la dépouille du
u Lrrave général » Desaix. Et, pour l'éternité, la princesse de Galles
repose dans la solitude ombragée de châtaigniers séculaires d'une
petite île du lac Ovale, à Althorp, l'ancestrale domaine familialc des
Spcncer. Rien de nouveau sous le soleil. qu'il éclaire le monde des
vivants ou que la pâle lumière de son reflet guide la barque des
r\lorts vers l'Amenti.
Certes, la mer occidentale, qui borde les rivages de l'Amenti, sc
réduit ici aux dimensions éuiquées d'un étang profbnd comme une
baignoire ; et, en trois enjambées, on fait sans frémir le tour de u 1'î1e
dcs À,Iorts ,. Dans ce monde d'iilusions et de symboles. dans ce
microcosme allégorique, le Styx a des allures cle petit ruisseau
descendant en cascade d'une « montagne ») que partout ailleurs on
qualifierait d'humble monticule. L'« île » en est une par la bonne
volonté d'un mince ru, qu'enjambe sans effort un petit pont. 'lrois
escaliers, disposés sur l'arrière du campanile, permettent d'accéder à
une terrasse surplombant le « lac ». Au pied de celle-ci, une petite
allée mène à une petite crypte cn abside, percée à son extrémité
d'une baie en fbrme d'arche donnant sur I'étendue d'eau : c'est Ia
« gl'otte » initiatique, où I'initié, mort aux ténèbres du monde
profane, renaît à la lumière et reçoit le baptême des eaux virginales
de l'Océan primordial.
Derrière l'étang aux canards) commencent les pentes .de la
« montagne », I'axis mundi de ce monde en réduction. A son
sommet) un belr,édère offre un large pânorama sur une grande partie
du parc où se répartissent encore une roseraie, des petites places en
hémicycle rappelant les théâtres grecs, des tertres et un gigantesque
chaos rocheux, baptisé « zone d'escalade ») pour que l'on n'y

129
GUrDE DU PARrs Ésorrnrque
soupçonne pas le chaos originel de la Création. Parfaite illustration
de la diaiectique des Frères, la « montagne » présente deux aspects
opposés et néanmoins complémentaires I le versant sud. très
escarpé, donne sur un long et profond canyon abritant une nature
sauvage. L'autre face, s'étageant en terrasses cultivées, offre au
regard une vigne et un rucher. La Materia Prima. la pierre brute,
devient entre les mains expertes du maçon la pierre taiiiée destinée à
l'édification du Temple. I1 ne faut pas non plus oublier l'importance
du symbolisme des abeilles et de la ruche dans la Maçonnerie ; ni
que Noé, après avoir échoué son arche sur les pentes du mont
Ararat, fit pousser la première vigne.
En contrebas du versant méridional s'élève la p1'ramide à six pans
du Carré Sylvia Monfort à laquelle on accède, de I'extérieur) par une
voie en spirale. Du parc, on peut s'v rendre par un étroit ravin
bordé de blocs chaotiques ; si les chemins vers la Connaissance sont
nombreux, la plupart sont tortLleux, semés d'embûches. alors que la
Voie est droite, mais étroite. Une passerelle de bois surplombe la
ravine et nous offre ainsi une excellente vue sur la pyramide. Le
traditionnel pyramidion est matérialisé ici par une sorte de tripode,
formé par 1'extrémité de trois des poutrelles métalliques qui
constituent l'ossature de l'édifice. Une structure métallique grillagée
de couleur rouge s'enroule, en trois spires, autour de la pyramide et
symbolise la spirale ascendante de l'âme s'élevant dans les sphères
célestes. La cuvette où est bâtie la pyramide, est dominée par un
autre belvédère, situé près de la sortie rue Brancion.
Sur l'esplanade de celui-ci, un portique de douze colonnes
disposées en demi-cercle forme un gnomon ; le fût des piliers,
composé d'une alternance de briques et de pierre, évoque l'aspect
habituel des colonnes réalisées par l'architecte initié Ledoux ; au sol,
un pavage de pierres polies matérialise 16 segments obliques. C'est
encore un des cadrans solaires, que la municipalité parisienne,
obsédée par le Temps et le méridien, a scmé sur le sol de la capitale.
Remontons la rue Brançion jusqu'au boulevard Lefèbvre, qui
honore la mémoire du maréchal de France, duc de Dantzig et
membre de la loge « Les Amis Réunis » à l'Orient de Mayence.
Suivons le boulevard jusqu'à la Porte de Plaisance, et prenons à
droite la rue Georges Boissier, où est située l'entrée principale du
Laboratoire National d'Essai. C'est un énorme bâtiment triangulaire
de ce style monumentalement insipide que semblait affectionner les
années 20-30, et les Frères, car, outre la forme caractéristique de
l'édifice, on constate que, comme pour un temple maçonnique,
l'entrée est à l'ouest et s'orne d'un escalier de neuf marches encadré
par deux énormes colonnes cylindriques. Revenons sur la Ceinrure

130
GUIDE DU PARIS ESO'I'trRIQUE

des Maréchaux et empruntons le boulevard Victor, autre maréchal


de France ct autre F.'., jusqu'à la place de la Porte de Versailles.

Les Tours de Babel de la Porte de Versailles

De part et d'autre de l'avcnue E,rnest Renan, se dressent les


pavillons d'entrée du Parc dcs Expositions. Bien rares sont les
visiteurs qui soupçonnent ici la présence dc Tours de Babel.
Arrêtons-nous quelques instants, et sacrifions à notre marotte de
1'arithmologie.
Chaque pavillon se compose de 6 étages cubiques surmontés d'un
étage c-vlindrique. Ce que. s-vmboliquement, on peut traduire par : la
Terre (le cube) est sous la domination du Ciel (le c1'lindre) ; et
arithmologiquement par ; les 6 faces des 6 cubes nous rrflient le 36,
lc nombre du Ciel. Comme nous avons deux pavillons, 36 + 36 nous
donncnt 72. lc nombre de la Terre. Continuons nos invesligations.
Chacunc des 4 faces de chaque étage cubique est ornée d'un bossage
à 12 éléments, soit 48 par étage, et un total de 288 pour les 6 étages
cubiques;l'étagc cylindrique comporte 4 séries de bossages à 18
élémcnts (ou si l'on prétère la numérotation babylonienne : 6 + 6
+ 6) soit 72. Nous avons donc un total général de 288 + 72 -- 360,
ce qui nous offre, à la fois, l'année solaire - et symbolique -
égyptienne et inca (auxquelles il faut rajouter les cinq jours
épagomènes pour arrir.er à l'année civile) et les 360o du cercle,
symbole - ô combien parlant - de la'fotalité.
Comme Ia Tour dc' Babel était ar,ant tout un temple, notre
prochaine étape va nous emmener de tcmple en Temple.

131
DES COLONNES DU TE,MPLE
AU FANTOME DU TEMPLE,
Sortons du Louvre par lc passage Richelieu, puis après avoir traversé
la rue de Rivoli et la place du Palais-Royal, pénétrons dans l'ancien
Palais-Cardinal par l'étroit passage qui sépare la Comédie-Française
des bureaux du Conseil d'Etat.
Devant nous, reposoirs pour touristes fatigués, vespasiennes pour
canidés ct aire de jeux pour enfants, les colonnes de Buren
enlaidissent la Cour d'honneur du Palais-Ro-val. Une fois encore, le
saccage esthétique d'un des lieux parisiens les plus chargés d'histoire
ne doit rien à la bêtise iconoclaste.

Les Colonnes de Buren

La colonnade de la Cour d'honneur consüuite par Contant d'Ivry


à la demande du père du futur Grand Maître du Grand Orient et les
deux cent soixante colonnes de Buren, installées deux siècles plus
tard ont Ia même unité de mesure : la coudée royale égyptienne de
0,532 m utilisée pour la construction du Temple de Jérusalem. On y
retrouve, codés différemment, mais selon le même esprit, les mêmes

133
GUrDE DLr PARrs Éso't'enreue

nombres hautement symboliques qu'à la pyramide du Louvre :


nombre du Ciel, de la Terre. de l'Homme, de la Grande Année, de
l'Àme du Àlonde, etc.
Les colonnes de Buren sont également un gigantesque calendrier
astronomique mégalithique cl'inspiration ma1'a. Nous ne reviendrons
pas ici sur les iongs développcments et les calculs qui nous pcrmirent
de démontrer que l'æuvre n'est en rien arbitraire, f'ruit du hasard et
de la fantaisie d'un farfelu. C'cst une représentation, dans la pierre du
Tzoltin, le calendrier rituel en usage chez les Oimèqucs, les Mayas et
les Aztèques. Ce calendrier à usage astrologique était utilisé, entre
autres applications) pour déterminer les jours fastes et les jours
néfastes à certaines pratiques rituclles comme les sacriflces humains.
Très perfectionnée. l'æuvre de À,1. Buren permet de calculer les
années synodiques des sept planètes du système solaire connues des
Anciens et utrlisées en astrologie, la précession des équinoxes de 25
920 ans, les ères de 2160 ans, ainsi que les c-vcles intermédiaires de
324 et 1296 ans
Au calendrier rituel et au compendium arithmologique s'ajoute
encore tout un symbolisme inspiré des traditions ésotériques. Ainsi,
les colonnes ne sont en fait que la partie émergée d'un ensemble
installé sous la cour d'honneur. Les bases des colonncs des trois
rangées remarquables baignent dans l'eau courante de ruisseaux
souterrains que l'on ent'aperçoit à travers des grilles métalliques qui
les recouvrent. Ces trois rivières souterraines convergent vers un
point central, une sorte de puits à la margelle protégée par une
balustrade de plexiglas, au milieu duquel s'élève la seizième colonne
faisant référence à I'arcane 16 des Tarots :la tour foudroyée, la
fameuse tour de Babel. Ainsi, la base de la plus célèbre tour de
l'Histoire est baignée par les eaux mêlées du fleuve souterrain Alphée
et les flots sans pitié du Temps.

La colonne astrologique de l'Hôtel de la lleine

Softons du Palais-Royal par I'issue latérale donnant sur la rue de


Valois, prenôns ensuite à droite pour déboucher sur la minuscule
place de Valois. A son extrémité orientale s'ouvre, percé par le
louveton Louis-Philippe, le passage de la Vérité : un véritable
programme initiatique ! D'ailleurs, il ne tarde guère à se manifester :
nous voilà clans Ia rue du F.'. À4ontesquieu. Arrir,é au croisement
avec la rue Croix des Petits Champs, dirigeons-nous vcrs la droite et
empruntons la rue du Pélican, animal du bestiaire maçonnique qui
orne le tablier de Chevalier Rose Croix et figuration - pour les

t34
cUIDE DU PARIS Ésor'Ézueur

alchimistes - de la pierre philosophale, pour déboucher dans la rue


Jean-Jacques Rousseau. Nous allons la suivre jusqu'à la rue de
Viarmes, qui offre la curieuse particularité d'être circulaire, entourant
l'immeuble rond de l'actuelle Bourse de Commerce, l'ancienne Halle
aux Grains construite sous le règne de Louis XVI par l'architecte
initié Le Camus de À,lézières (à qui l'on doit, notamment, la Pagode
de Chanteloup, l'extraordinaire temple initiatique à l'orée de la forêt
d'Amboise).
Vouant un culte à Mammon, les boursicoteurs et autres
spéculateurs qui hantent le bâtiment, en raison de la nature
hautement hasardeuse de leurs activités, sont aussi, par nécessité
pourrions-nous dire, des adeptes des arts divinatoires. Il est donc
parfaitement logique que, reflétant leurs préoccupations, la coupole
intérieure de l'édifice soit décorée de peintures du zodiaque, inspirées
de {igurations plus anciennes dessinées par Cagliostro lui-même I
représentations amplement complétées par la voie circulaire
encerclant la Bourse. symbolique ouroboros d'asphalte, fleuve figé du
Temps soumis aux caprices des étoiles.
La subtile magie des lieux hante ces murs : l'astrologie, les
sciences occultes et les pratiques de la plus sombre sorcellerie y sont
à l'honneur depuis des siècles. Pour nous en convaincre, faisons le
tour de f immeuble ; nous ne tarderons pas à nous cogner dans une
fort curieuse colonne.
Si par son chapiteau elle appartient à I'ordre toscan, elle relève de
I'ordre dorique par son fût. Séparées entre elles par des arêtes
dentelées, sur lesquelles on peut encore voir le monogramme d'Henri
II, dix-huit (6 + 6 + 6) cannelures ceignent l'étrange pilier. Après les
considérations d'ordre stylistique, passons aux précisions
géométriques en annonçant une hauteut de 27 mètres pour un
diamètre de 3 mètres, puis aux détails pratiques en spécifiant qu'un
escalier à vis de 147 marches, éclairé par quelques étroites ouvertures)
mène jusqu'à la petite plate-forme sommitale.
Intéressons-nous maintenant à la partie historique. L'actuelle
Bourse du Commerce s'élève à l'emplacement de l'ancien Hôtel de la
Reine dont la fameuse colonne est l'ultime vesüge. L'hôtel primitif
appartenait aux ducs d'Orléans, qui - bêtement - le perdirent au jeu.
Eftrayée par les prédictions de ses devins, qui lui annonçaient
qu'« elle mourrait auprès de Saint-Germain ». Catherine de Médicis,
superstitieuse et entichée de sciences occultes, n'osa plus se rendre au
château royal de Saint-Germain-en-Laye et abandonna le palais des
Tuileries dépendant de la paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois.
Délogeant de leur couvent les Filles-Pénitentes, qui occupaient les
lieux depuis trois quarts de siècle, elle chargea Philibert Delorme

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