Réflexion
LA CONVERGENCE PCG/IAS :
JUSQU’OÙ ?
Thierry ROY
Diplômé d’expertise comptable,
Commissaire aux comptes,
Professeur agrégé,
IAE de Franche-Comté
32 A près les règlements CRC
n° 2000-06 sur les passifs,
2002-10 sur l’amortissement et
la dépréciation des actifs et
2004-1 sur les fusions, le
règlement n° 2004-06 du 23
novembre 2004 relatif à la
définition, la comptabilisation et
l’évaluation des actifs constitue
une nouvelle étape dans le
processus de transposition en
droit comptable français des
normes internationales, sans
attendre les conclusions des
groupes de travail consacrés à la
fiscalité (1), au droit et aux PME.
De telle sorte que le PCG, appli-
cable aux comptes individuels, a
de plus en plus la couleur et
l'odeur des normes IAS/IFRS (2).
Cette convergence est-elle
souhaitable et à quel rythme pour
les moyennes et petites entreprises
(PME et TPE) n’établissant pas
de comptes consolidés ?
Après avoir rappelé les motifs à
l’origine de l’adoption des IAS
par l’Union européenne (I), nous
évoquerons les propositions
comptables et fiscales de la
Chambre de commerce et
d’industrie de Paris (II).
R.F.C. 378 Juin 2005
I. La position de
la Commission
des Communautés
européennes
La Commission européenne, faute
d’avoir investi dans le domaine comp-
table depuis l’adoption des quatrième
et septième directives, a été contrain-
te d’importer clefs en main un réfé-
rentiel. Comme elle n’avait aucun
moyen d’influencer l’élaboration des
US GAAP, elle a exprimé dès 1995 sa
préférence pour celui de l’IASB, sur
lequel elle n’a pourtant pas beaucoup
plus d’influence.
A l’origine, l’adoption des IFRS ne concer-
nait pas directement les PME et TPE,
comme le reconnaît la Commission dans
sa communication (3) au Conseil et au
1. Le rapport d’étape du groupe de travail
IAS/Fiscalité présenté à l’assemblée plénière du
CNC du 24 mars 2005 est disponible sur le site
Internet du CNC (www.minefi.gouv.fr ). Sa 1re
partie figure dans ce numéro p. 44).
2. Certains points très techniques des IAS
déjà transposées en normes françaises n’ont
cependant pas été repris. Ainsi le règlement
2002-10 sur l’amortissement et la dépréciation
des actifs ne prévoit pas l’actualisation “des
flux nets de trésorerie attendus” ni le recours
aux UGT, contrairement à la norme IAS 36.
3. Communication de la Commission COM
(2000) du 13 juin 2000 intitulée “Stratégie de
l’UE en matière d’information financière : la
marche à suivre”.
4. Communication de la Commission COM
(1995) du 14 novembre 1995 intitulée
“Harmonisation comptable : une nouvelle stra-
tégie vis-à-vis de l’harmonisation internationa-
le”.
5. Ordonnance 2004-1382 du 20 décembre
2004 portant adaptation de dispositions légis-
latives relatives à la comptabilité des entre-
prises aux dispositions communautaires dans le
domaine de la réglementation comptable ; voir
RFC 374, février 2005.
Parlement européens où elle expose la
stratégie de l’UE en matière d’informa-
tion financière. Après avoir rappelé que
« La “Nouvelle stratégie comptable” (4)
de la Commission visait principalement à
faciliter l'accès des sociétés européennes
de dimension mondiale aux marchés inter-
nationaux des capitaux en préconisant
l'usage des normes comptables interna-
tionales (IAS) », elle précise le champ
d’application des IAS. Outre les 6 700
sociétés cotées, « les sociétés non cotées
qui envisagent de procéder ultérieurement
à une introduction en bourse de leurs titres
peuvent également souhaiter utiliser les
normes IAS. La Commission proposera dès
lors de donner aux Etats membres la pos-
sibilité d'imposer aux sociétés non cotées
(ou de leur permettre) de publier leurs états
financiers conformément aux mêmes
normes que les sociétés cotées… En ce qui
concerne les comptes individuels prévus
par les législations nationales, les disposi-
tions légales et fiscales locales pourraient
rendre l'usage des normes IAS peu appro-
prié voire non pertinent. Chaque fois que
possible, les Etats membres devront néan-
moins encourager, voire exiger, l’utilisa-
tion des normes IAS dans les comptes indi-
viduels. Cela permettrait de faciliter
l'élaboration ultérieure des comptes conso-
lidés ».
Par la suite, le règlement (CE) 1606/2002
du 19 juillet 2002, appelé règlement
“IFRS 2005”, qui prévoit l’application
obligatoire à compter de l’exercice ouvert
le 1er janvier 2005 des normes IAS/IFRS
pour les comptes consolidés des sociétés
cotées, offre des options permettant aux
Etats membres d’étendre le champ d’ap-
plication de ces normes en les rendant
obligatoires pour les comptes consoli-
dés des groupes non cotés et pour les
comptes individuels de toutes les socié-
tés.
En France, l'ordonnance d’adaptation
de ce règlement (5) formalise les choix de
notre pays : elle n’autorise pas l’usage des
IFRS pour les comptes individuels. En
effet, si les sociétés non cotées peuvent

opter (6) pour l'établissement et la publi-
cation de leurs comptes consolidés en
référentiel IAS/IFRS (les 8 000 entreprises
concernées sont alors dispensées d'éta-
blir et de publier un jeu de comptes
conforme aux règles françaises), en
revanche, aucune option n'est ouverte
pour l'établissement et la publication des
comptes sociaux qui doivent rester
conformes aux dispositions du PCG. La
modernisation de ce dernier, selon le
communiqué de présentation de l’or-
donnance du 20 décembre 2004, « devra
intervenir à un rythme mesuré, dans la
concertation avec les professionnels et en res-
pectant un objectif de neutralité fiscale ».
II. Le rapport de la CCIP
C’est donc dans ce contexte, où « les
entreprises françaises qui ne sont pas cotées
sur un marché financier sont également
indirectement concernées par les normes
IAS/IFRS (7) » que la CCIP a souhaité for-
muler des propositions comptables et
fiscales dans un rapport intitulé : La
convergence du droit comptable français
vers les normes IAS/IFRS : propositions
comptables et fiscales de la CCIP (8).
Après avoir souligné dans une premiè-
re partie l’influence croissante du réfé-
Abstract
Following CRC rulings n° 2000-06 on
liabilities, 2002-10 on asset amortisa-
tion and depreciation and 2004-1 on
mergers, ruling n° 2004-06 dated
November 23 2004 dealing with asset
definition, recognition and measure-
ment represents a new step towards the
implementation of international stan-
dards into French accounting law. Thus
is given a distinct IAS/IFRS colour to the
French PCG which is used for the pre-
sentation of all individual financial sta-
tements.
Is this convergence and the speed at
which it is taking place really suitable
for small and medium sized enter-
prises (SMEs and VSEs) that do not
present consolidated financial state-
ments ?
Following a reminder of the reasons why
the European Union decided to adopt IAS
(I), this article deals with tax and
accounting proposals made by the
Chambre de commerce et d’industrie de
Paris (II).
rentiel IAS sur les normes comptables
françaises et exposé dans une seconde
partie « les impacts potentiels d’une éven-
tuelle poursuite du processus de conver-
gence » (incertitudes fiscales, risques éco-
nomiques liés notamment à l’application
pratique du principe de juste valeur, res-
sources humaines et financières néces-
saires pour gérer le passage au nouveau
référentiel…), la CCIP formule dans une
troisième partie un certain nombre de
propositions sur le processus de réforme
de la comptabilité et sur sa nécessaire
neutralité fiscale.
Ainsi, la poursuite de ce processus « devrait
faire l’objet d’une réflexion approfondie
notamment sur les enjeux et les impacts de
cette convergence » tenant compte « des
préoccupations et des intérêts de l’ensemble
des acteurs… ce rapprochement devrait
être progressif et maîtrisé, et devrait accor-
der de larges allégements et simplifications
pour les PME ».
En effet, pour la CCIP, les PME et TPE
étant trop peu représentées au sein du
Conseil national de la comptabilité, leurs
attentes et intérêts spécifiques ne sont
pas suffisamment pris en compte. De
plus, il convient de leur laisser le temps
de s’adapter (9), le récent avis du CNC
sur le traitement des actifs constituant
l’exemple à ne pas suivre.
Enfin, la CCIP s’interroge à bon escient
sur l’opportunité « de modifier les règles
françaises dans le sens du référentiel
IAS/IFRS destiné aux grands groupes s’il
devait par la suite apparaître nécessaire de
revenir vers des normes moins contrai-
gnantes » avec « la publication par l’IASB
de son projet de référentiel IAS-PME (10) ».
6. Position conforme aux orientations du
CNC.
7. Rapport présenté par Monsieur Bernard
IRION au nom des commissions “Economique
et financière” et “Fiscale” et adopté par
l’Assemblée générale du 23 décembre 2004,
p.3.
8. Rapport IRION op. cité.
9. En ce sens, voir l’article d’ E. Delesalle inti-
tulé “Réforme comptable : 2006 plus que
2005” dans la Tribune du 24 mars 2005.
10. Désormais renommé IFRS/SME (small and
medium enterprises) ; voir RFC 377, mai 2005.
11. CNC, Rapport d’activité 2001, IV.1
Orientations du Conseil national de la compta-
bilité pour les normes comptables françaises.
Comptabilité
Conclusion
Les normes IAS/IFRS sont destinées aux
comptes consolidés des grandes entre-
prises souhaitant lever des capitaux sur
les marchés boursiers internationaux. Il
en est pratiquement de même pour les
US GAAP. Cependant, les TPE et PME
françaises « pour lesquelles les obligations
comptables correspondent pratiquement
aux obligations fiscales… » doivent
prendre le train en marche, puisque
« ... Il paraît difficilement concevable de
maintenir deux référentiels à terme. D'où
l'objectif de faire évoluer par étape le règle-
ment n° 99-03 relatif au plan comptable
général avec les normes IAS, tout en amé-
nageant un système d'information simpli-
fié pour les PME et TPE... ». « ... La néces-
sité… de réserver un traitement particulier
aux très petites entreprises (11) » ayant été
soulignée, elles attendent avec impatien-
ce ces aménagements.
Thierry ROY
33
Bibliographie
“La convergence du droit comptable fran-
çais vers les normes IAS/IFRS : proposi-
tions comptables et fiscales de la CCIP” ;
rapport présenté par M. Bernard IRION au
nom des commissions “Economique et
financière” et “Fiscale” et adopté par
l’Assemblée générale du 23 décembre
2004. ; disponible sur www.ccip.fr
Communication de la Commission COM
(1995) du 14 novembre 1995 intitulée
"Harmonisation comptable : une nouvelle
stratégie vis-à-vis de l’harmonisation inter-
nationale”.
Communication de la Commission COM
(2000) du 13 juin 2000 intitulée “Stratégie
de l’UE en matière d’information financière :
la marche à suivre”.
Ordonnance 2004-1382 du 20 décembre
2004 portant adaptation de dispositions
législatives relatives à la comptabilité des
entreprises aux dispositions communau-
taires dans le domaine de la réglementa-
tion comptable (JO du 22 décembre 2004
et RFC 374, février 2005).
CNC, Rapport d’activité 2001, IV.1
Orientations du Conseil national de la
comptabilité pour les normes comptables
françaises.
CNC, Bulletin trimestriel n° 140, 3e tri-
mestre 2004, p. 21.
R.F.C. 378 Juin 2005