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Hydrates de méthane

À haute pression, les hydrates de méthane restent « gelés » même si la température dépasse le
point de fusion de la glace, comme l'illustre cette « boule de neige en feu » (©Conseil national
de recherches Canada)
Sommaire

 Définition et catégories
 Fonctionnement
 Enjeux
 Acteurs majeurs
 Unités et chiffres clés
 Passé et présent
Définition et catégories

L’hydrate de méthane est un composé solide, résultat de la cristallisation d’un mélange d’eau
et de méthane sous certaines conditions de température et de pression. C’est une source
potentielle d’énergie fossile mais son exploitation s’avère actuellement complexe et coûteuse.
Classé avec les gaz non conventionnels (gaz de schiste, gaz de charbon et gaz compact), il est
localisé principalement dans les régions où se trouve le pergélisol (couche du sol gelée en
permanence, en Arctique par exemple) ou dans les couches sédimentaires des fonds
océaniques.

L’hydrate de méthane est constitué de molécules de méthane (CH4), entourées par un réseau
de molécules d’eau (H2O) disposées en cage d’où le nom de clathrate (du latin clatatrus,
encapsulé), aussi donné aux hydrates. À pression normale et à température ambiante, la cage
de molécules d’eau se dissocie et libère une quantité considérable de méthane : lorsque
l’hydrate « fond », 1 m³ d’hydrate de méthane produit généralement 164 m³ de méthane. La
part des hydrates dans la production de méthane reste cependant très modeste.

Notons que l’expression « hydrates de gaz » est souvent utilisée pour désigner les hydrates de
méthane. Bien que des hydrates puissent se former avec d’autres gaz que le méthane (dioxyde
de carbone, hydrogène sulfuré, éthane, butane, propane…), l’amalgame est dû à la
prépondérance des hydrates de méthane. Ceux-ci représentent 90% des hydrates de gaz
naturel.
Fonctionnement technique ou scientifique

1-Origine du méthane

Le méthane provient de la dégradation de matière organique contenue dans les sédiments,


sous le pergélisol ou sous le plancher océanique. Deux catégories se distinguent : le méthane
d’origine biogénique et le méthane d’origine thermogénique(1).
 le méthane dit « biogénique » est issu de la fermentation de matières organiques
animales ou végétales, réalisée grâce à des bactéries méthanogènes vivant dans les
milieux anaérobies (sans oxygène). Il s’agit de la source principale du méthane
contenu dans les hydrates de gaz.
 le méthane dit « thermogénique » est produit à partir de matière organique, préservée
de la dégradation bactérienne, par l’action combinée de la pression et de la
température lors de l’enfouissement des sols.

2-Formation des hydrates de méthane

Le méthane libéré en profondeur migre des sédiments vers la surface sous forme de gaz libre
ou dissous dans un liquide proche de la saturation en méthane. Lorsque le méthane atteint une
zone de basse température et de forte pression, des hydrates se forment en présence d’eau. Les
conditions nécessaires à la stabilité des hydrates de méthane sont rencontrées au niveau des
régions de pergélisol ainsi que sous (et à la surface) des fonds océaniques:

 dans le pergélisol : les hydrates de méthane sont présents à partir de 200 m sous la
surface terrestre jusqu’à environ 1 000 m. La pression est relativement faible mais la
température de surface, atteignant-10°C, est suffisamment basse pour stabiliser les
hydrates jusqu’à 1 000 m de profondeur;
 au niveau des fonds océaniques : les hydrates sont localisés à la surface ou sous le
fond océanique, généralement à 1 200 m en dessous du niveau de la mer et jusqu’à une
profondeur de1500 mètres, soit 300 m sous le fond océanique. La température de ce
milieu est supérieure à 0°Cmais la pression de l’eau sus-jacente crée des conditions
favorables à la stabilité des hydrates de méthane.

Les réservoirs potentiels d’hydrate de gaz sont peu profonds sous la surface du sol, en
comparaison des gisements conventionnels de gaz naturel le plus souvent situés au delà de 2
000 m de profondeur.

3-Méthodes principales de détection des hydrates de méthane

 Par observation directe : de nombreuses localisations d’hydrates de gaz,


particulièrement dans les pergélisols, ont été découvertes lors de forages pétroliers ou
de gaz naturel, alors que leur présence n’était pas soupçonnée.
 Par détection sismique : la formation des hydrates de gaz sature les sédiments, les
imperméabilise et empêche le méthane de migrer vers la surface. Du méthane gazeux
s’accumule alors souvent en dessous de la zone de stabilité des hydrates de méthane.
La frontière entre la zone contenant les hydrates de gaz et celle contenant du gaz libre
est décelable par « réflexion sismique ». On parle de « bottom-simulating reflector »
(BSR) et en français de « réflecteur de simulation du fond » (RSF), technique la plus
couramment utilisée pour la détection des hydrates de gaz au niveau des fonds
océaniques. Toutefois, ces sondages sismiques ne sont pas en mesure d’identifier le
lieu optimal de forage, ni d’évaluer la quantité potentielle de gaz. Enfin, l’absence de
réflexion sismique ne prouve pas l’absence d’hydrates de gaz.
 Marqueurs géophysiques des sédiments : la formation d’hydrates de gaz altère les
propriétés physiques des sédiments, en remplaçant l’eau et/ou le gaz contenus par un
composé solide. Ces changements de propriétés peuvent être mesurés lors des forages
au moyen d’outils de diagraphie (ensemble d'enregistrements électriques, acoustiques
et gammamétriques), induisant la présence d’hydrates. Les données obtenues
permettent également de quantifier le volume d’hydrates de méthane. L’étude des
marqueurs géophysiques est surtout utilisée dans les puits de forage du pergélisol.

4-Extraction du méthane

Pour extraire le méthane, les méthodes expérimentales commencent par dissocier (ou « faire
fondre ») l’hydrate de méthane en eau et en méthane dans le réservoir lui-même. Le gaz est
ensuite récupéré à la surface par l’intermédiaire d’un puits. (Cette méthode est analogue à la
production de gaz à partir du charbon.)

Schéma représentant les trois moyens envisagés pour l’extraction du gaz des gisements
d’hydrates ( d'après Christophe Bourry, Caractérisation physique et géochimique d’hydrates
de gaz d’environnements géologiques différents, IFREMER, décembre 2008(2))

3 méthodes d’extraction du méthane sont à l’étude :

 la dépressurisation : elle consiste en un forage à travers une couche d’hydrate piégeant


à sa base du méthane. L’extraction du gaz provoque une diminution de pression dans
le réservoir, entraînant une dissociation des hydrates par la base et une libération de
méthane. Cette technique semble la plus prometteuse. Toutefois, elle se limite aux
zones contenant des réserves connues de gaz.
 l’utilisation d’un inhibiteur : il s’agit de modifier les conditions de stabilité de
l’hydrate de gaz en injectant un inhibiteur, comme du méthanol ou du glycol, ou un
autre additif. La récupération du gaz par injection d’un inhibiteur est probablement la
méthode la plus chère. Par ailleurs, il y aurait un risque sur le plan environnemental en
utilisant un produit chimique tel que le méthanol en grande quantité;
 l’injection thermique de vapeur ou d’eau chaude : cette méthode consiste à envoyer de
la vapeur ou de l’eau chaude dans la zone où se trouvent les hydrates pour provoquer
leur dissociation en élevant la température. À volume égal de gaz produit, la
stimulation thermique est nettement plus chère que la dépressurisation.

Une autre technique proposant un stockage de CO2 suscite l’intérêt. Initiée par le Japonais
Ohgaki en 1996, l’idée consiste à extraire du méthane en injectant du CO2 pour le
remplacer(3). Ce procédé fait l’objet de divers programmes d’études, comme le programme
allemand SUGAR (de juillet 2008 à juin 2011) lancé par l’Institut Leibnitz(4).
Enjeux par rapport à l'énergie

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation de gaz, de 3,1x1012 m3 en


2008, devrait atteindre 4,5x1012 m3 en 2035(5). Dans ce contexte, les hydrates de méthane
apparaissent comme une source potentielle d’énergie, car ils pourraient générer d’importantes
quantités de gaz. Certes, la combustion des hydrates de méthane émet du CO2, mais de
manière équivalente au gaz naturel et moins que le charbon et le pétrole.

Reste que la détection et l’extraction des hydrates s’avèrent complexes et non rentables à
l’heure actuelle. L’exploitation des gisements d’hydrates soulève aussi la question de l’impact
environnemental.

 Au niveau local : les hydrates jouent le rôle de ciment dans les sédiments des pentes
continentales. Lorsqu’ils se dissocient, ils se transforment en un mélange d’eau liquide
et de gaz et les sédiments deviennent alors instables. Il y a donc un risque de
déstabilisation des pentes, et donc de glissements sous-marins qui peuvent représenter
un danger pour les installations et les populations côtières. L’industrie pétrolière y est
attentive pour ses projets offshore;
 Au niveau global : ces composés organiques sont une source de gaz à effet de serre,
directement par la production de méthane et indirectement par l’émission de CO2 (issu
de la combustion du méthane). Un dégagement de méthane accidentel au cours d’une
production commerciale de gaz à partir d’hydrates de gaz présente un risque
important, le méthane étant un gaz à effet de serre 20 fois plus puissant que le CO2. Un
réchauffement climatique, quant à lui, peut potentiellement modifier la stabilité des
hydrates de gaz. Cela provoquerait un relâchement de méthane venant renforcer l’effet
de serre.
Acteurs majeurs

Les premières extractions d’hydrates de gaz ont eu lieu au Japon et en Russie.

 Japon : en 1995, le ministère du commerce international et de l’industrie du Japon


établit le Programme national du Japon sur les hydrates, premier programme sur les
hydrates de gaz majeur à l’échelle mondiale. Un programme de recherche (2001-2008)
est ensuite mis en place pour localiser et qualifier les ressources sous-marines
potentielles du pays. En mars 2009, le Programme sur l'exploitation de l'énergie
marine et des ressources marines est voté. Il porte jusqu’en 2016. La JOGMEC (Japan
Oil Gas & Metals National Corporation) est avancée en matière de technologies liées à
l'extraction de l'hydrate de méthane. Elle a réussi, en 2008, une extraction continue sur
le continent en utilisant la méthode de dépressurisation. Ses technologies sont à
confirmer en mer. Deux extractions expérimentales sont prévues en 2012 et en 2014
dans le secteur du « Nankai Trough » au sud du pays. Le Gouvernement japonais
prévoit la commercialisation des ressources marines dont l'hydrate de méthane début
2019(6).
 Russie : des hydrates de méthane ont déjà été exploités à Messoyakha (site de Sibérie
occidentale, localisé à environ 800 mètres de profondeur), en utilisant la méthode de
dépressurisation. Le pays affirme avoir produit 5 x 109m³ de gaz à partir de ce
réservoir depuis 1969(7).

La perspective d’une exploitation industrielle des hydrates de gaz donnent lieu à des
collaborations internationales. Par exemple, Mallik (2002-Canada)(8) est un programme de
production d’hydrates de gaz, rassemblant 5 pays (Japon, États-Unis, Inde, Canada,
Allemagne), reconduit en 2007 et 2008.

Des programmes de recherche et développement sont menés également dans plusieurs pays
tels que le Chili, la Chine, la Corée, l’Inde, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États-Unis…
Néanmoins, la part des hydrates dans la production de méthane est encore négligeable.
Unités de mesure et chiffres clés

Les estimations des ressources de méthane contenues dans les hydrates vont de 13x1015 à
24x1015 m3, soit 70 à 130 fois les réserves prouvées de gaz naturel conventionnel. Néanmoins,
la part des ressources susceptible d’être exploitée dans des conditions économiquement
rentables reste difficile à chiffrer et fait encore l’objet de controverses.
Passé et présent

La première découverte des hydrates de gaz date du début du XIXe siècle, lorsqu’en
mélangeant de l’eau et du chlore, le physicien et chimiste Humphrey Davy décrit un composé
solide au dessus de 0 C°. L’intérêt porté à ces composés entre alors dans le cadre de la
recherche fondamentale, portant sur l’identification de leur composition.

Dans les années 1930, pendant l’essor de l’industrie pétrolière et gazière aux Etats-Unis, les
hydrates de méthane sont détectés comme pouvant obstruer les gazoducs. Les recherches se
tournent vers l’étude de la formation des hydrates et les moyens de l’éviter dans les pipelines,
grâce à la découverte des effets inhibiteurs de certains sels tels le chlorure de calcium, de
sodium ou de potassium, ou encore le méthanol.

Les premiers hydrates de gaz naturels découverts dans le permafrost datent de la fin des
années 1960 en URSS. Suivent les premières observations d’hydrates en Alaska et au Canada
en 1972. La même année, les premiers hydrates de gaz océaniques sont observés par des
géologues russes en Mer Noire.

parue le 05 septembre 2011

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