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Le paradoxe du métalangage
Cosimo Caputo
Traducteur : Andrea D’Urso
Éditeur
Presses universitaires de Liège (PULg)
Référence électronique
Cosimo Caputo, « Le paradoxe du métalangage », Signata [En ligne], 4 | 2013, mis en ligne le 30
septembre 2016, consulté le 02 avril 2017. URL : http://signata.revues.org/1013 ; DOI : 10.4000/
signata.1013
Signata - PULg
OVERVIEW
Le paradoxe du métalangage
Cosimo Caputo
Università del Salento, Lecce
1. Dans ce numéro
La question du métalangage est un fondement de toute pratique théorique pour se
soustraire à l’indétermination et à la pluri-accentuation des mots dans leur usage
quotidien. Et pourtant, même si cela a paru soudain comme un point de force
de la connaissance scientiique, la pratique même de la recherche a fait émerger
l’impossibilité d’indiquer une limite au champ des choses exprimables dans et par
une langue historico-naturelle, caractérisée par une grande capacité de formation et
donc par une capacité à échapper à une sémantique dictionnairique et à lutter ei-
cacement avec l’inexprimable et l’inexprimé, contrairement aux langages formels
qui ne parlent que des choses pour lesquelles ils ont été construits. Cette question
est inévitable pour toute science qui veut dépasser, ou pour le moins limiter, la dys-
crasie entre la puissance cognitive et la faiblesse communicative.
Les auteurs qui ont contribué à ce volume ne se sont pas soustraits à cette tâche.
Dans leurs articles l’idée est constante et commune de désancrer le métalangage d’un
plan exclusivement abstrait et de calcul, indépendamment des autres médiations
sémiotiques. Le métalangage est relativisé, vu dans une perspective intersémiotique
(comme le fait Jean-Pierre Desclés), déconstruit (comme le souhaite Pierluigi
Basso Fossali), si bien que l’impersonnalité du discours métalinguistique se révèle
inévitablement polyphonique et hybride.
« Le même métalangage peut avoir plusieurs langages-objets et le même
langage-objet plusieurs métalangages », écrivent pour leur part Jean-François
Bordron et Audrey Moutat, se demandant en même temps si l’activité méta-
linguistique a une limite inférieure, ou, peut-être vaudrait-il mieux dire, une source
d’alimentation constante qu’ils reconnaissent dans ce qu’Antoine Culioli appelle
activité épilinguistique ou « activité métalinguistique non consciente ».
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Ainsi une véritable reconnaissance commence, qui est une connaissance ulté-
rieure, une reconsidération et même une re-légitimation de la notion de méta-
langage, non plus entendu comme « langue de bois » qui dessèche son objet et en
inhibe la dynamique.
En d’autres termes, la théorisation est une construction qui tient à une forme
(structure) interprétative (cf. Caputo 2012a ; 2013, pp. 40-41). En outre, il s’ensuit
qu’une théorie ne peut pas être réduite à un radical conventionnalisme logique
ou axiomatique : on procède ainsi au-delà de l’idée des “fondements” considérés
comme ingrédients de départ et schèmes de construction qui, n’ayant aucune base
intrinsèque, peuvent être remplacés par d’autres.
teur, enraciné autant dans le corps des œuvres que dans le regard détaché que l’on y
porte ». Perception et regard se conditionnent mutuellement dans une corrélation
entre des moments distingués. L’image qui en dérive — disons-nous avec Garroni
(2005, pp. 25-26) —
[…] est déterminée d’un côté et indéterminée de l’autre côté […], elle est riche
de caractères incertains de l’objet et de son contexte perçus dans la sensation
[…], et donc aussi de ce non-plus-perçu et non-percevable […]. Il s’agit […] de
l’union du déterminé et de l’indéterminé ou de leur complétude dans le sens de
leur intégration.
Ainsi l’image est, paradoxalement, forme et non-forme, marquée et non-
marquée, « elle est et n’est pas image » (Ibid., p. 26). Cela veut dire que
[…] la perception n’est pas entièrement sensible, bien au contraire, son organi-
sation même du sensible est une opération non-sensible, en quelque façon un
‘penser’, ou si l’on veut, un pré-penser’, dans ce sens qu’elle est déjà disposée à se
corréler avec quelque intelligence et quelque langage. Sans une composante non-
sensible, la perception serait seulement ambiguë, trompeuse en substance, et ne
pourrait hasarder aucune interprétation (Ibid., p. 35).
On est entre le logos et la perception ; même quand nous parlons du discours et
du penser nous sommes liés aux images, aux métaphores. La métaphorisation est
la capacité connective et métalinguistique qui dit la nature igurale du penser lui-
même. La métaphore est la trace linguistique de la continuité entre le sens concret
et le penser imaginatif-abstrait : les concepts abstraits et les concepts concrets
procèdent du même « sens des choses ». Le langage iguré est cognitivement
puissant parce qu’il naît « de l’expérience sensorielle-afective du monde » (Danesi
2001, p. 57).
Entre le sensible et l’intelligible, l’esprit et le corps, la logique (qui dans
son sens le plus large — dit Peirce (cf. CP 2.227) — est un autre nom pour la
« sémiotique ») et l’esthétique il n’y a pas d’exclusion mais de la participation. La
sémiotique, ou métasémiosis, c’est-à-dire l’éclaircissement de la sémiosis, devient
une sémiotique esthétique, une sémiotique qui applique ses critères descriptifs
dans le champ de l’art : l’esthétique est sémiotisée ou vue par le truchement de la
perspective de la sémiotique. L’analyse esthétique devient alors un cas spécial de
l’analyse signique, comme le fait observer Charles Morris (1939 ; cf. aussi Rossi-
Landi [1967] 1972, pp. 65-66). Il faut cependant ajouter que l’esthétique ne se
superpose pas de l’extérieur, au contraire elle est immanente à la sémiotique, elle
en constitue le moment matériel, « épisémiotique », disons-nous avec Bordron et
Moutat, tendant à devenir une activité sémiotique consciente. “Sémiotique esthé-
tique” signiie donc sémiotique du sens, du sentir, une sémiotique qui thématise
la matière signique en plus de sa propre forme et renvoie à une condition non-
intellectualiste ou non-gnoséologique, ou encore, à l’adhésion originaire du sujet à
son faire de l’expérience : son être déjà plongé dans le sens. En recourant encore à
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l’étude de Bordron et Moutat sur la pratique de la dégustation des vins, cela signiie
— écrivent-ils — que « l’émergence d’un métalangage, dans le contexte de la mise
en discours d’une expérience perceptive », conduit
[…] nécessairement à modiier l’idée trop simple d’une hiérarchie pour proposer
celle de phase à l’intérieur d’un procès que l’on peut comparer utilement à un
cycle métabolique. Dans ce métabolisme, les notions de langage-objet et de méta-
langage ne se superposent pas mais s’engendrent mutuellement, donnant par là
raison à l’adage classique qui veut que le plus abstrait soit aussi le plus concret,
mais à des moments diférents d’un cycle.
4. Et Saussure d’écrire à Meillet : « il n’y a pas un seul terme employé en linguistique auquel j’accorde
un sens quelconque ». Et deux années plus tard, le 15 mars 1896, dans une lettre à W. Streitberg :
« il n’existe pas un seul terme quelconque dans cette science qui ait jamais reposé sur une idée
claire » (Ms. fr. 3957, 2, Bibliothèque publique et universitaire de Genève, Brouillons des lettres
de F. de Saussure. Nous reprenons cette citation à Villani [1990] 1991, p. 6).
Hjelmslev pose la « question des mots » de la façon suivante : In linguistic theory — in contrast
to previous linguistic science and in conscious reaction against it — we strive for an unambiguous
terminology. But in few places does the linguistic theoretician ind himself in such terminological
diiculties as here. Et d’écrire, par exemple : « We have tentatively called the both-and function
a conjunction (with reference to the terminology of logic) or a coexistence, and the either-or
function a disjunction (also with reference to logical terminology) or an alternation. But it will
be certainly inexpedient to retain these designations. Linguists are accustomed to understanding
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by a conjunction something quite diferent, and we are forced in agreement with tradition to use
conjunction in a corresponding fashion (for a so-called “part of speech”, even if we do not think it
possible to deine it as such) (Hjelmslev 1961, pp. 37-38).
5. Il faut préciser que tout objet d’étude est inséré à la fois dans une théorie particulière et dans une
histoire spéciique.
Le paradoxe du métalangage 351
La variation est liée à l’impondérable car elle est liée à la matière de la vie et de
l’existence. Et celle de Hjelmslev se révèle être encore une fois une théorie ouverte
aux problèmes du sens, comme nous l’avons fait remarquer à maintes occasions 6.
Dans la logique de l’adaptation œuvrent l’art de l’interprétation, l’herméneu-
tique (Rastier) et l’abduction (Peirce).
Et Zinna de s’acheminer vers ses conclusions : « Il faudra pourtant quitter les
ambitions universalistes des théories génératives et adapter ses modèles aux limites
historiques et géographiques des cultures ». Est-ce une réponse indirecte et avant
la lettre à Galofaro ?
Le projet de Hjelmslev se soustrait à la position néopositiviste d’une science
uniiée, conclut Zinna ; au contraire, son uniication est fondée sur une méthode
anti-séparatiste (cf. Caputo 2006) : une sémiotique générale de laquelle les autres
sciences peuvent recevoir un jour nouveau pour éclairer leur propre objet d’étude
et une impulsion à réexaminer leur propre méthode (cf. Hjelmslev 1961, p. 108).
6. Qu’il soit permis de renvoyer à Caputo 1993, 1996, 2000, 2010, 2013.
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7. Hjelmslev dit qu’on a établi précédemment une situation modèle où le texte donné (le langage)
révèle une homogénéité structurale et où il est admis d’encatalyser un seul système sémiotique
au texte. Mais cette prémisse n’est pas valide en pratique ; au contraire, n’importe quel texte
contient habituellement des dérivés qui se fondent sur des systèmes diférents. Les parties
diverses ou les parties des parties d’un texte peuvent être composées : 1) “de diférentes formes
stylistiques” (en vers, en prose) ; 2) “des styles diférents” (créatif, imitatif) ; 3) “des styles de
valeurs diférentes” (valeur supérieure, inférieure ou “vulgaire, comme l’on dit”, “un style de
valeur neutre, qui n’est considérée ni comme inférieure ni comme supérieure”) ; 4) “des moyens
diférents” (mot, écriture, geste, signalisations, etc.) ; 5) “des tons diférents” (irrité, joyeux, etc.) ;
6) “des idiomes diférents”, parmi lesquels il faut distinguer : a) “de diférentes langues verna-
culaires” (langue d’une communauté, langues spéciales de groupes ou professions) ; b) “de difé-
rentes langues nationales” ; c) “de diférentes langues régionales” (langues standard, parler local,
etc.) ; d) “des physionomies diférentes” (par rapport à l’expression, “voix” et “registres” difé-
rents) (cf. Hjelmslev 1961, p. 115).
8. Il s’agit d’une technicisation du langage ordinaire, c’est-à-dire d’un usage inalisé de certains
termes (comme nous l’avons vu dans la note 4), qui de toute façon se tient hors de la logique
formelle.
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risée as being both a code and a genre-style (Hjelmslev 1961, p. 116). Les membres
individuels de chacune de ces combinaisons qui constituent des hybrids, comme
dit Hjelmslev, sont appelés connotators (Ibid.), précisément, ce qui ouvre les codes,
les langues spéciales et les sémiotiques scientiiques à la variation des situations, à
leur transformation ou traduction opérée par la pratique sociale et théorique.
Une “langue spéciale”, ou peut-être vaut-il mieux dire les “langues spéciales” de
la sémiotique, en “signe” de la provenance diférente des paradigmes respectifs, se
proilent avec l’institutionnalisation de la sémiotique elle-même comme un champ
autonome de recherche attesté par la publication, au xxe siècle, des “Dictionnaires”,
tels que Sémiotique de J. Rey Debove (1979), les deux volumes de Sémiotique.
Dictionnaire raisonné de la théorie du langage d’A.J. Greimas et J. Courtés (1979,
1986), l’Encyclopedic Dictionnary of Semiotics (1986), édité par T.A. Sebeok, jusqu’au
plus récent Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques (2009), édité par
D. Ablali et D. Ducard. Il s’agit d’instruments linguistiques, dit Sylvain Auroux
(1994), ou plus précisément d’instruments sémiologiques, comme nous le verrons,
qui construisent des métalangages par lesquels les langues verbales accomplissent
leur capacité métalinguistique. Un métalangage de ce type, c’est-à-dire fondé sur
les langues historico-naturelles, devient un lieu de rélexion sur le rôle formatif et
expressif de la langue elle-même. C’est dans cette direction — faire du métalangage
une sémiotique — que l’efort théorique de Hjelmslev se dirige, se concrétisant
ainsi dans son Résumé, un texte qui élude l’architecture arborescente du traité
pour assumer celle réticulaire des interdéinitions. Cet ouvrage posthume est une
“syntactique de symboles” et un “dictionnaire diagrammatique” qui soustraient
la théorie du langage à la forme expressive de la langue verbale (cf. Caputo 2009).
La vocation scientiique de son travail métalinguistique mène Hjelmslev à
considérer le problème des sémiotiques et des métasémiotiques.
Comme le souligne l’article de Zinna (cf. § 1.5), le critère de la scientiicité/non
scientiicité est l’un des critères de la classiication hjelmslévienne des sémiotiques,
tandis que l’autre, rappelons-le, est celui du nombre des plans où opère le trait
spéciique de la sémioticité : le caractère biplanaire non-conforme de l’expression
et du contenu. Et Hjelmslev d’écrire :
[…] a scientiic semiotic we mean a semiotic that is an operation [description
that is in agreement with the empirical principle]; by a non-scientiic semiotic
we understand a semiotic that is not an operation. We accordingly deine a
connotative semiotic as a non-scientiic semiotic one or more of whose planes is
(are) (a) semiotic(s) (Hjelmslev 1961, p. 120).
“Sémiotique connotative” est l’anglais utilisé aujourd’hui comme langue de
la science (cf. § 1.3) dont il connote non seulement l’expression, mais aussi le
contenu, produisant le métalangage et la terminologie scientiique d’aujourd’hui,
c’est-à-dire une métasémiotique ou une métalangue, ou encore a semiotic whose
content plane is a semiotic, telle la linguistique dans le champ des sciences du
langage, comme dit Hjelmslev (Ibid., p.119).
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Since, now, as the logicians have pointed out, we can further imagine a
scientiic semiotic that treats of a metasemiotic, we can, in conformity with their
terminology, deine a meta-(scientiic semiotic) as a metasemiotic with a scientiic
semiotic as an object semiotic […]. In conformity with Saussure’s terminology
we can deine semiology as a metasemiotic with a non-scientiic semiotic as an
object semiotic. And inally, we can use the designation metasemiology of a meta-
(scientiic semiotic) whose object semiotics are semiologies (Ibid., p. 120).
Les grammaires, les dictionnaires monolingues, bilingues, sectoriels
(cf. Prampolini 2007, p. 43), les dictionnaires de sémiotique ou les instruments
sémiologiques sont des sémiologies 9.
L’objet de la métasémiologie doit être constitué par les ajouts et les modiica-
tions apportés par la sémiologie pour produire sa propre langue spéciale. Dans la
special terminology of semiology — dit Hjelmslev (1961, p. 121) — on trouve
1. Terms that enter as deinienda in the deinition system of semiology […] 10.
2. Terms that are taken over from a language and enter as indeinables into the deinitions
system of semiology. […]
3. Terms that are not taken over from a language (but which still must be required to have
an expression-structure agreeing with the system of the language) and which enter as
indeinables into the propositions of semiology (Ibid., p. 122).
Les implémentations de ces métalangages scientiiques peuvent être : a) « les
langages de la logique formelle, la théorie des syllogismes d’Aristote, l’algèbre de
la logique de Boole, le calcul propositionnel, le calcul des prédicats, le calcul de
la déduction naturelle de Gentzen ou les systèmes axiomatiques utilisés dans la
recherche sur les fondements des mathématiques par Russell et Gödel » ; b) les
« métalangages employés dans la construction des programmes informatiques »
(Prampolini 2007, p. 43).
Comme l’explique encore Hjelmslev (1961, p. 123), la métasémiologie doit pro-
céder à l’analyse des minimal signs of semiology, whose content is identical with the
ultimate content- and expression-variants of the object semiotic (language). Il s’agit
d’enregistrer autant que possible the realized entities, i.e., the entities accessibile to
particular division (Ibid. ; cf. aussi Ibid., pp. 32-33, 40), ou de décrire les dépen-
dances non-homogènes d’un texte (objet), ses réalisations dans la substance, dans
l’efectualité, ses liens avec les normes sociosémiotiques, les situations, les tradi-
tions de recherche et culturelles en général.
La matérialité du langage ne peut donc être supprimée de la démarche glossé-
matique. Pour comprendre la tâche de la métasémiologie — dit Hjelmslev (cf. Ibid.,
p. 124) — il faut abandonner l’idée suivant laquelle l’objet que le linguiste analyse,
en encatalysant (en le transposant dans) une forme linguistique, ne saurait être de
nature physique comme l’objet que le investigator of the substance doit analyser en
encatalysant quelque forme (non linguistique) de la matière.
3. Le sens du métalangage
L’ambiguïté du rapport entre le langage-objet et le métalangage est constitutive du
discours sémiotique ; c’est une ambiguïté qui naît de la détermination réciproque
entre la théorie et l’objet : il ne faut pas oublier la réponse de Hjelmslev à la question
de savoir si c’est l’objet qui détermine et inluence la théorie, ou l’inverse : “both…
and” (Hjelmslev 1961 : 15). Il n’y a pas un “dedans” et un “dehors” dans le langage,
mais plutôt un “dedans/dehors”, une réciprocité et non des lieux préétablis ou déi-
nissables à jamais. Le langage contient sa théorie dans un lien de similarité ou ico-
nicité (cf. Almeida 1997) 12 ; nous oserions dire que le langage accomplit une méta-
performativité, même.
11. hèse réairmée dans Hjelmslev 1963, où il dit que la logique d’Aristote n’aurait pas eu la forme
qu’elle a si elle n’avait pas été pensée en grec.
12. C’est C. Paolucci qui a parlé d’« autosimilarité » (2007a, p. 67), en observant que la théorie
glossématique est constituée par un « système de rapports qu’il est possible de retrouver à l’inté-
rieur de son objet […]. Pour cette raison, le système de déinitions de la glossématique n’est pas
Le paradoxe du métalangage 357
Le “retour aux choses” dont nous avons parlé fait émerger une ouverture
herméneutique qui — comme nous l’avons observé ailleurs (cf. Caputo 2010) —
est intrinsèque au statut épistémologique de la théorie hjelmslévienne du langage.
La sémiotique glossématique en explore la pratique et le caractère paradoxal.
Comment peut-on parler du langage et le décrire, vu que nous ne pouvons uti-
liser rien d’autre que le langage même ? Comment peut-on parler de l’interprétation,
la considérer du dehors alors que depuis toujours nous nous trouvons dedans ? Si
le langage était purement dénotatif, nous ne pourrions pas nous poser le problème
de son sens. On ne peut pas sortir du sens pour décrire son sens.
La sémiotique hérite du Néopositivisme logique la question du métalangage,
mais elle la pose sur un terrain diférent, celui de l’interrogation sur le sens et non
sur la vérité. Et toute interrogation n’est-elle pas déjà métalinguistique, comme
l’écrit Greimas (1970, pp. 12-13) ?
L’homme vit dans un monde signiiant. Pour lui, le problème du sens ne se
pose pas, le sens est posé, il s’impose comme une évidence, comme un “sentiment
de comprendre” tout naturel. Dans un univers “blanc” où le langage serait pure
dénotation des choses et des gestes, il ne serait pas possible de s’interroger sur le
sens : toute interrogation est métalinguistique.
Greimas se demande que signiie ce terme, ou ce qu’on entend par là :
[…] surgissent des métaphores anthropomorphes, par lesquelles l’homme
cherche à questionner naïvement le sens, comme si les mots voulaient vraiment
dire quelque chose, comme si le sens pouvait être entendu en dressant l’oreille.
Les réponses données ne sont pourtant que des réponses par procuration, entre-
tenant l’équivoque : ce ne sont jamais que des paraphrases, des traductions plus
ou moins inexactes de mots et d’énoncés en d’autres mots et d’autres énoncés.
La signiication n’est donc que cette transposition d’un niveau de langage
dans un autre, d’un langage diférent, et le sens n’est ce que cette possibilité de
transcodage (Ibid.).
Le “principe de traduction”, donc, indique le développement translatif du sens,
la relation d’ampliication réciproque entre un sens où le sujet est depuis toujours
et sa prise de conscience du déplacement continu d’un sens à l’autre, à travers des
systèmes sémiotiques diférents et suivant un mouvement trans-signique, trans-
disciplinaire, transculturel.
Mais réduire l’interrogation métalinguistique à « des techniques de transposi-
tion qui permettent d’efectuer les transcodages artiiciellement, mais bien », en
construisant « un langage artiiciel adéquat », signiie — ajoute Greimas — « ériger
l’arbitraire en principe », donnant ainsi lieu à « une bonne conscience sémiotique »
(Ibid., p. 14).
un métalangage par rapport au langage-objet qu’elle prétend décrire (la forme de la langue),
mais il est exactement cette forme linguistique même, considérée en tant que décrivante et non en
tant que décrite ».
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