Vous êtes sur la page 1sur 18

1. Phrase modalisée. Notions fondamentales.

1.1. Phrase/ énoncé.

Phrase : l'unité linguistique maximale (→COMPÉTENCE).

 Constituée de morphèmes1 (lexicaux et grammaticaux), associés de manière incrémentielle les uns


aux autres, selon des règles de bonne formation syntaxique.
 Niveaux d’analyse pertinents: la syntaxe (règles de formation de la phrase) et la sémantique (contenu
de la phrase).
 Contenu de la phrase : la signification, produit de la signification des morphèmes (lexicaux et
grammaticaux) qui la composent (signification dite, de ce fait, compositionnelle).

Enoncé : l'unité pragmatique minimale (→PERFORMANCE).

 Constitué par une phrase (unité linguistique maximale) utilisée dans un contexte précis, dans une
certaine situation d’énonciation.
 Niveau d’analyse pertinent: la pragmatique.
 Contenu de l’énoncé : le sens, obtenu sur la base de la signification de la phrase et des
informations constituant son contexte.

Noter que cette découpe <phrase/ énoncé>, largement acceptée en linguistique contemporaine, n’allait pas de
soi chez Saussure (début du XXème siècle), pour qui la phrase procédait, en tant que combinatoire libre de
signes linguistiques, de la « parole ».

COMPÉTENCE/ PERFORMANCE (Noam LANGUE/ PAROLE (Ferdinand de Saussure3)


Chomsky2)

Compétence : Performance : Langue : côté Parole : côté


connaissance que le emploi effectif de la social (conventionnel) du individuel du langage.
locuteur-auditeur (idéal) a langue, par un sujet langage : trésor collectif.
de sa langue (lexique, parlant donné, dans
syntaxe, phonologie, des situations Langue : entité Parole : entité
sémantique). concrètes. abstraite (système de concrète : utilisation
potentialités : PURES individuelle (actualisation)
VALEURS) ; code (= du code de la langue, dans
système de signes : la communication.
SIGNES & RELATIONS
entre signes).

Langue : produit Parole : « acte


[de l’usage collectif, des individuel de volonté et
conventions] que d’intelligence »
l’individu « enregistre
passivement »

Langue : Parole :
« dictionnaire » relations combinatoires (in
relations præsentia :
associatives (in syntagmatiques) entre
absentia : signes linguistiques :
paradigmatiques) entre combinatoire libre.
Phrase  compétence signes linguistiques
combinatoire  !!!Phrase  PAROLE.
 !!!Phrase ≠ unité
figée4
linguistique (opposition

1
Unités significatives minimales (son/ sens). Il y a des mots qui ne consistent qu’en un seul morphème (rose, et, à), et d’autres qui
consistent en plusieurs morphèmes (radical + affixes dérivationnels (préfixes, suffixes) ou flexionnels et/ou désinences : inPREF-égalRAD-
itéSUFF-s DÉS. PL, pluieRAD-s DÉS.PL, marchRAD-aiIMP-ent DÉS.3PL, …) voire de plusieurs mots (mots composés : moulin à café, machine-outil, porte-
monnaie, portefeuille,…). Niveau d’analyse pertinent (et discipline linguistique correspondante) : morphologie (flexionnelle,
dérivationnelle).
2
Chomsky N. (1965) – Aspects of the Theory of Syntax, Cambridge Massachussets : MIT Press, 1965 (trad. fr., Aspects de la théorie
syntaxique, Paris : Seuil 1971). Dans cette section, les renvois à la page concerneront la traduction en français de l’ouvrage cité
(Chomsky 1965/1971).
3
De Saussure, Ferdinand (1995/ 1916) - Cours de linguistique générale, Paris : Payot.
Publié en 1916, le Cours de linguistique générale a été rédigé par les élèves de Ferdinand de Saussure (1857-1913) à partir de leurs
notes (Charles Bally, Albert Sechehaye, « avec la collaboration de » Albert Riedlinger). L’édition 1995 reproduit l'édition originale. Elle est
accompagnée de l'important appareil critique établi par Tullio de Mauro.
4
Dans les termes mêmes du Cours de linguistique générale : « combinaisons régulières ».
linguistique/ langagier)

Les deux définitions corrélées de la phrase et respectivement de l’énoncé reposent crucialement sur l’hypothèse
de rapports d’occurrence (ou: d’actualisation) entre ces deux types d'unités :

 une phrase telle que Je suis arrivée en retard est susceptible de nombreuses actualisations, qui
influeront sur sa référence; prononcée par Marie Dupont, le 23 mai 2008, devant le secrétariat de
sa faculté, elle signifiera: „Marie Dupont est arrivée en retard (à la fac), le jeudi 23 mai au matin”,
et prononcée par Jeanne Dubois, le 4 novembre 2008, dans le hall de la Banque où elle travaille:
„Jeanne Dubois est arrivée en retard (au bureau) le vendredi 4 novembre 2008, au matin”;
 par voie de conséquence, c’est l’énoncé d’une phrase assertive et non cette phrase même (à
référence incomplètement spécifiée) qui sera le lieu de l’assignation d’une valeur de vérité (vrai/
faux).

L’hypothèse de rapports d’occurrence (ou: d’actualisation) entre phrase et énoncé se laisse préciser par
l’identification de deux types de mécanismes interprétatifs – l’enrichissement contextuel, d’une part, et le
filtrage contextuel, de l’autre :

 la signification (compositionnelle) de la phrase doit être enrichie


contextuellement pour produire le sens de l'énoncé (voir problématique de la
référence actuelle – évoquée tout à l’heure) ;
 corrélativement, étant donné un énoncé (entendu ou lu), il n’est pas toujours
évident d’identifier la phrase dont il est l’actualisation : en cas d’ambiguïté
(syntaxique : [SN Le vieux singe] [SV [SN le] [v masque]] (« le vieux primate (m’)
empêche de voir quelque chose»/ [SN le vieux] [SV singe [SN le masque]] (= « le
vieillard imite un masque »); lexicale : le loup (= « masque de carnaval » ?
ou bien : « animal carnassier » ?) est gris), c’est le contexte qui filtrera les
interprétations inconsistantes, permettant d’associer, à l’énoncé entendu (ou lu)
la phrase correspondant à l’intention communicative du locuteur 5.

Ces deux définitions gomment en revanche les divergences structurales censées pouvoir subsister entre
énoncé et phrase. Il est en effet souvent suggéré, dans la littérature, que si la phrase est le résultat de
principes de composition syntaxique et sémantique, l'énoncé n'aurait pas à être interprété en termes des seuls
principes compositionnels, n’étant pas toujours construit en fonction de critères syntaxiques : Moi, tu sais, la
linguistique…, ouais, bôf ! Il y aurait donc des énoncés qui ne sont pas pour autant des phrases:

« En français, la phrase minimale comporte nécessairement au moins un sujet et un verbe conjugué.


En revanche, l'énoncé minimal peut être constitué d'un seul élément, de nature quelconque : des
séquences comme « Bonjour ! », « Allô ? » ou « Zut ! » constituent des énoncés, mais pas des
phrases6. Des énoncés comme « Moi, partir ? », « Quel désastre ! », « Voir Venise et mourir », ou
encore « Là, il va, je ne sais pas, moi, mais sûrement, enfin comment dire ? sûrement réagir, oui, c'est
ça, réagir », ne sont pas descriptibles en termes de construction syntaxique canonique de phrases.
L'énoncé peut apparaître, tantôt comme une phrase incomplète ou tronquée (« Moi ? jamais ! »),
tantôt comme une phrase en quelque sorte « surchargée et bégayante » (« Ma sœur, elle, son
concours, c'est pour bientôt »). Si la structure de l'énoncé se différencie souvent de celle de la phrase,
c'est parce qu'il s'agit de réalités linguistiques relevant de niveaux différents du point de vue
théorique » (Encyclopaedia Universalis, art. énoncé).

Nous nous en tiendrons, ici, à la définition fonctionnelle (vs structurale) du couple phrase/ énoncé (définition en
termes d’actualisation). Les énoncés syntaxiquement déviants mais parfaitement interprétables du (des)
type(s) évoqué(s) précédemment se laissent également analyser en tant qu’occurrences de phrases, à force
d’assumer, ne serait-ce qu’en termes opérationnels (vs théoriques), la distinction entre phrases
grammaticales, phrases interprétables et phrases acceptables.

Le couple notionnel grammaticalité/ acceptabilité (notions graduelles) est développé, en


grammaire générative, en liséré de la distinction compétence/ performance:

Grammaticalité : conformité aux règles de la grammaire. Concept appartenant à l’étude de


la compétence.

5
Cf. Moeschler, Jacques et Anne Reboul (1994) – Dictionnaire encyclopédique de pragmatique, Paris : Seuil, 131-132.
6
Cela dit, le départ phrase/ énoncé n’est pas toujours aussi tranché en termes de leur structuration respective. Charles-Albert
Sechehaye analyse les « énoncés monorèmes » en tant que « phrases à un seul terme », « énoncé monorème » et « phrase
monorème » apparaissant en variation libre, dans le texte (Sechehaye, Charles-Albert (1926) – Essai sur la structure logique de
la phrase, Tome 1/1, Paris : Champion, chap. I. Accessible en ligne sur : http://roman.ens-lsh.fr ).
Acceptabilité : conformité à l’usage (« les phrases plus acceptables sont celles qui ont plus
de chances d’être produites, sont plus aisément comprises, moins maladroites et, en un
certain sens, plus naturelles » – op. cit., p. 22). Concept appartenant à l’étude de la
performance7.
Définitions opérationnelles.

 phrase grammaticale : conforme aux règles de la grammaire (D’incolores idées


vertes dorment furieusement8) ;
 phrase interprétable : à laquelle ont peut assigner un sens (même si elle n’est pas
bien formée selon les règles de la grammaire : moi, Tarzan, toi, Jane ; moi, la
linguistique, tu sais, bôf !) ;
 phrase acceptable : à la fois grammaticale et interprétable (De jolis agneaux blancs
dorment paisiblement ; moi, la linguistique, je peux très bien m’en passer).

1.2. Enoncé/ énonciation.

Énonciation : acte individuel d’utilisation de la langue, activité exercée par celui qui parle au moment où il
parle.
Énoncé : produit de cet acte, qui en garde les traces (marques énonciatives = marques du locuteur; dans les
termes d’Émile Benveniste9, initiateur de la « linguistique de l’énonciation », en France : « l’homme dans la
langue », « la subjectivité dans le langage »).

Principaux représentants de cette mouvance en linguistique française : Catherine Kerbrat-


Orecchioni10, Oswald Ducrot11, Antoine Culioli12.

1.3. Phrase/ syntagme.

Nous avons dit que la phrase était constituée de morphèmes (lexicaux et grammaticaux), associés les uns aux
autres de manière incrémentielle (§1.1. supra). De manière incrémentielle, c’est-à-dire : par augmentation(s)
ou ajouts successifs, par ordre croissant de complexité.

7
La distinction compétence vs performance et l’abstraction du locuteur-auditeur idéal sont autant d’hypothèses de travail
participant du cadre général des recherches générativistes dès la version standard du modèle.

« L’objet premier de la théorie linguistique est un locuteur-auditeur idéal, appartenant à une communauté linguistique
complètement homogène, qui connaît parfaitement sa langue et qui, lorsqu’il applique en une performance effective sa
connaissance de la langue, n’est pas affecté par des conditions grammaticalement non pertinentes, telles que
limitations de mémoire, distractions, déplacements d’intérêt ou d’attention, erreurs (fortuites ou caractéristiques) »
(Chomsky 1965/1971 : 12).
Une distinction fondamentale est ainsi établie « entre la compétence (la connaissance que le locuteur-auditeur a de sa
langue) et la performance (l’emploi effectif de la langue dans des situations concrètes) ».
Est également souligné le fait que la performance ne peut être dite « refléter directement la compétence » qu’à
l’intérieur de la première hypothèse de travail avancée, à savoir l’hypothèse du locuteur-auditeur idéal (op. cit., p. 13),
et non « dans les faits », puisqu’un « enregistrement de la parole naturelle comportera de faux départs, des infractions
aux règles, des changements d’intention en cours de phrase, etc. » (op. cit., p.13).
Le rapport entre compétence et performance est un rapport d’inclusion (de la compétence, à la performance) : l’étude
de la « performance linguistique effective », oblige à « considérer l’interaction de facteurs variés, dont la compétence
sous-jacente du locuteur-auditeur ne constitue qu’un élément parmi d’autres » (idem, pp. 12-13). Mais,
corrélativement, « l’investigation de la performance n’avancera qu’autant que le permettra la compréhension de la
compétence sous-jacente » (ibid., p. 20).
Les données de la performance, en tant qu’observables, se retrouvent en amont de la modélisation de la compétence
(ou : « grammaire »), censée « déterminer, à partir des données de la performance, le système sous-jacent de règles
qui a été maîtrisé par le locuteur-auditeur et qu’il met en usage dans sa performance effective. » (ibid., p.13, nous
soulignons).
8
Remarquer la violation systématique des restrictions de sélection sémantique (dormir sélectionne un sujet animé, les adjectifs
de couleur tel vert(es), des nominaux concrets, notamment objets physiques, et les modificateurs de verbe tel furieusement,
un verbe [+intentionnel]), ainsi que les contradictions (idées ou bien incolores ou bien vertes).
9
Benveniste, Emile (1958) « De la subjectivité dans le langage », Journal de Psychologie, 55, repris in : Benveniste, Emile
(1966), Problèmes de linguistique générale, tome I, ch. XXI.
Benveniste, Emile (1970), « L’Appareil formel de l’énonciation », Langages, 17, repris in : Benveniste, Emile (1974), Problèmes
de linguistique générale, tome II, ch. V.
10
Kerbrat-Orecchioni, Catherine (1980) – L’Énonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris : Armand Colin. Kerbrat-
Orecchioni, Catherine (1990-1994) – Les Interactions verbales, tomes 1-3, Paris : Armand Colin.
11
Qui articule traitement de la phrase et traitement de l’énoncé en termes du contexte situationnel (composant linguistique :
signification de la phrase, composant rhétorique : sens de l’énoncé – étant donné un certain contexte situationnel), et
opère, dans le cadre d’une extension originale de la théorie énonciative de Benveniste, inspirée des analyses de texte chez
Bakhtine (linguiste russe), la théorie de la polyphonie, une distinction de principe entre locuteur-allocutaire, d’une part, et
énonciateur-destinataire de l’autre. Cf. Ducrot, Oswald, (1980) – Les Mots du discours, Paris : Minuit.
12
Théorie des opérations énonciatives. Cf. Culioli, Antoine (1990) – Pour une linguistique de l’énonciation. Opérations et
représentations, Tome 1, Paris : Ophrys.
Les morphèmes se combinent pour former des mots, les mots se combinent pour former la phrase : Ils
parlent français couramment.
Parmi les morphèmes qui se combinent pour former des mots, on distingue, selon leur contribution
sémantique et/ou fonctionnelle : radical, affixes et désinences. Les morphèmes ‘libres’ sont des mots à
part entière (français, dans l’exemple précédent). Voir note 1 supra.
La distinction traditionnelle entre parties du discours (nom, verbe, adjectif, préposition, adverbe,
conjonction) et fonctions syntaxiques (sujet, complément d’objet direct, complément d’objet
indirect, complément circonstanciel, attribut du sujet, attribut de l’objet, épithète, complément du nom
(adnominal)) postule déjà des regroupements fonctionnels (=pertinents pour l’interprétation) des
morphèmes ‘libres’ constituant la phrase (= mots).

De fait, excepté le « prédicat verbal », qui coïncide systématiquement, sous cet éclairage, avec le
verbe seul (L’étudiant va à la fac, prédicat : va, sujet : l’étudiant, complément de lieu : à la fac), les
autres (vraies) fonctions sont le plus souvent réalisées par des groupes de mots.
En grammaire traditionnelle déjà, la phrase est donc (de manière plus ou moins explicite) envisagée
comme constituée non pas directement de morphèmes ou de mots, mais de groupes de mots.

Mais à partir de là, l’analyse traditionnelle assignera à la phrase une structure ‘plate’, comme si tous
les groupes de mots fonctionnellement définis en quoi elle consiste y étaient linéairement
additionnés les uns aux autres, l’un après l’autre : groupe sujet + verbe (=prédicat) + groupe
complément….

En linguistique moderne, les grammaires de dépendance, tel le modèle à valences de Lucien Tesnières
vont dans le même sens : le verbe y est posé come terme principal autour duquel gravitent sujet et
compléments sélectionnés par le verbe (les ‘actants syntaxiques’), mais ces derniers sont placés au
même niveau l’un par rapport à l’autre, et tous par rapport au verbe.

L’analyse en constituants immédiats proposée par le structuralisme américain13 viendra suppléer à ce


manque. Elle comporte trois concepts opératoires : syntagme, constituant, constituant immédiat.

Étant donné le morphème, unité significative (et syntaxique) minimale, et la phrase, unité syntaxique
maximale, un groupe de morphèmes qui, à un niveau d’analyse quelconque, forme une unité
syntaxique en se combinant entre eux sera appelé syntagme. Dans la phrase L’étudiant va à la fac,
l’article défini le et le nom étudiant constituent un syntagme (nominal) à fonction de sujet, la+fac en
constituent un autre (toujours nominal), à fonction d’objet de la préposition à, à+la+fac constituent un
syntagme prépositionnel complément (de lieu) du verbe, et va à la fac, un syntagme verbal.

Tout morphème ou syntagme faisant partie d’un syntagme plus grand sera appelé constituant.
Ainsi les constituants du syntagme va à la fac sont-ils : va, à, la, fac, à la fac, la fac. Les constituants
de nous parlons français (la phrase même est désormais envisagée comme un syntagme) sont : parl-
(radical), -ons (désinence personnelle), nous, français, parlons (morphèmes libres), parlons français
(syntagme).

Les deux (ou plus de deux) constituants qui forment directement un syntagme seront appelés
constituants immédiats. Les constituants immédiats de la phrase L’étudiant va à la fac sont ainsi les
plus grands des constituants qui forment cette phrase rien qu’en se combinant entre eux : le syntagme
nominal sujet l’étudiant, et le syntagme verbal va à la fac. Les constituants immédiats du syntagme
verbal va à la fac sont le verbe va et le syntagme prépositionnel à la fac, les constituants immédiats du
syntagme prépositionnel à la fac sont la préposition à et le syntagme nominal à la fac, les constituants
immédiats du syntagme nominal la fac sont l’article la et le nom fac, les constituants immédiats du
syntagme nominal sujet l’étudiant sont l’article le et le nom étudiant, les constituants immédiats du
nom étudiant sont le radical (de souche verbale) étud- et le suffixe -ant…

Si, initialement, on avait supposé qu’un syntagme pouvait avoir deux ou plus de deux constituants
immédiats, la grammaire générative en est arrivée, à partir notamment de sa version standard étendue, à
limiter le nombre de constituants immédiats de tout syntagme à deux. Au sens de la théorie
syntagmatique de cette « nouvelle syntaxe » – appelée théorie X-barre – tout syntagme est supposé
instancier les relations structurales suivantes :

- tête X (catégorie terminale qui projette) ;


- complément de la tête (première catégorie avec laquelle la tête fusionne formant ainsi un
constituant complexe): Compl, X ; une fois composée structuralement à son complément, la
catégorie introduite en syntaxe comme tête projettera : le constituant complexe engendré par
l’union de X à un autre syntagme YP14 (son complément) sera vue par la computation
syntaxique (et à l’interface sémantico-logique) comme catégorie du type de X (non comme
catégorie du type Y - type instancié par son complément) ;

13
Expression proposée par Bloomfield.
14
P du terme anglais de phrase, pour : « syntagme ».
- spécifieur de la tête (seconde catégorie (ZP) introduite dans l’objet syntaxique en train
d’être généré, auprès de X° déjà composé à son complément YP (en fait : auprès de la
première projection de la tête X°, projection notée X’, qui représente tout ce qu’elle domine,
en l’occurrence l’objet complexe X° + YP dans son entier) ; une fois l’objet syntaxique formé
par X° et par YP (son complément) fusionné à ZP, ce sera la première projection de X (X’) qui
projettera, de sorte que le nouveau constituant complexe sera toujours visible comme
catégorie du type de X (=XP) ; notation : Spec, X.

Cette analyse des syntagmes, qui ne comporte que des di-branchements, permet de rendre compte de
manière immédiate de l’ordre d’introduction des constituants dans l’objet syntaxique, assurant une
transparence maximale de la chronologie des procédures de fusion, dans la représentation syntaxique
générée.

Projection maximale de la tête X (Xmax donc, noté aussi


X’’), interprétée comme syntagme de catégorie X (XP)
XP

Projection intermédiaire
Spécifieur ZP X’ qui projette à son tour (X° et Xmax à la fois) : chaque
niveau de projection est noté par une barre ou un prime

X YP
Tête X° qui projettera Complément

Fig. 2. Structure du syntagme (théorie X-barre).


T =TP Ancrage temporel (phrase)

2
SylvieN T =T’

=T°max T V =VP Structure de prédication


(proposition)

2
all(er)+ {prés. ind., 3 sg}
1
SylvieN V

=T°
1
all(er) P =PP

àP D =DP

laD facN =NP

Fig. 1. Sylvie va la fac

1.4. Phrase noyau/ phrase modalisée.


1.4.1. Syntaxe de la phrase modalisée (version générative-transformationnelle standard – Chomsky
1965/ trad. fr.1971 (Aspects de la théorie syntaxique), dans la lecture de Dubois & Dubois-Charlier
197015).

Toute phrase Σ (lire : « sigma » – le terme anglais correspondant ayant l’initiale S(entence)) est formée, en
structure profonde (niveau de représentation syntaxique dont est justiciable l’interprétation sémantique), d’un
constituant de phrase (abréviation : Const), qui en détermine le type (la modalité), et d’un noyau
(abréviation : P, de phrase16) :
Σ→ Const + P
(lire : « Σ se réécrit comme Const + P »).

Le constituant est, lui, formé d’un élément obligatoire (soit Affir(mation), soit Inter(rogation), soit Imp(ératif)),
et de constituants facultatifs (négation, emphase et passif – notés entre parenthèses dans la formule ci-
contre) :

Affir17

Const → Interr  + (Nég) + (Emph) + (Passif)
Imp ;

15
Dubois, Jean et Françoise Dubois-Charlier (1970) – Éléments de linguistique française : syntaxe, Paris : Larousse (collection
« Langue et langage »).
16
En anglais : S, de sentence. Cette transposition en français n’harmonise donc pas les rapports entre les deux notations, en
alphabet grec et latin (dans la logique de Σ/ S, il aurait fallu sans doute avoir ici : Π (lire : « pi »)/P).
17
Nous prenons nos distances par rapport à la nomenclature en place dans Dubois & Dubois-Charlier 1970, sur ce point précis,
et dirons plutôt « assertion (type assertif) », employant « affirmation » pour l’une des deux formes logiques possibles
(« affirmation (type affirmatif, forme affirmative)/ négation (type négatif, forme négative) »), parce que parler d’« affirmation
négative » nous semble participer de la contradiction dans les termes. Bien que l’on puisse affirmer que non-p en langue
naturelle (J’affirme qu’il n’est pas là, et je peux le prouver), l’affirmation en tant que telle ne saurait être dite négative sans
contradiction.
Marqueur sous-jacent de la modalité, ce Constituant engendrera les types de phrase essentiels ou :
obligatoires (= types de phrase18), et (le cas échéant) des types de phrase facultatifs (= formes de
phrase).
Les types essentiels sont:
- des constituants de phrase fondamentaux (→toute phrase est assignée à l’un de
ces types),
- mutuellement exclusifs (→toute phrase est assignée à l’un et seulement un de
ces types),
- à import sémantique fonctionnel-actionnel (« acte de langage »),
- à structure syntaxique, morphologie et intonation spécifiques.

Les types de phrase facultatifs (= formes de phrase) sont :


- des constituants de phrase optionnels19,
- par hypothèse non exclusifs des types obligatoires, ni entre eux (→se combinent entre
eux et/ou avec les types obligatoires) ;
- à import sémantique surtout fonctionnel-communicatif (répartition de l’information en
thème-propos : passif, emphase, impersonnel), ou descriptif (=représentationnel :
négation20)
- à structure syntaxique et morphologie spécifiques, mais dépourvus d’intonation propre –
encore que non dépourvus d’effet sur l’intonation spécifique du type obligatoire avec
lequel ils se combinent (phénomènes d’accentuation).

(cf. Riegel et al. 2004 (1994) : 386-387).

 L’introduction de Const dès la structure profonde permet de rendre justice au postulat selon lequel
« les transformations ne peuvent introduire des éléments porteurs de sens » (Chomsky 1971 (1965) :
180-181).
 Rappelons qu’au sens de cette modélisation de la grammaire, en syntaxe seraient générées non pas
une, mais deux représentations : une structure profonde, issue de l’insertion lexicale des catégories,
par l’intermédiaire de règles de réécritures (inscrites dans le composant de base de la grammaire),
et une structure de surface, résultat des transformations portant sur cette structure profonde. Des
deux représentations générées en syntaxe, seule la structure profonde fera l’objet de l’interprétation
sémantique :

 Catégories → /Règles de réécriture/ → Structure profonde : interprétation sémantique.

 Structure profonde →/Transformations/ → Structure superficielle : forme (ordre des mots


observé).

L’analyse des phrases-types en grammaire transformationnelle (non générative : Z. S. Harris) et dans la


première version de la grammaire générative (Chomsky 1957/trad. fr. 196921 ) privilégiait le type assertif
neutre (phrase assertive active affirmative non emphatisée) en tant que type de base, dont on dérivait
tous les autres types (et toutes les formes de phrase aussi).
La notion de phrase noyau coïncidait à cet observable linguistique, et les phrases modalisées en étaient
dérivées par transformations.
Cette analyse-là était consistante avec le statut privilégié de la phrase assertive, en logique – seule phrase en
langue naturelle donnant lieu à une proposition logique (lieu du vrai ou du faux).

Introduisant le marqueur abstrait de modalité dès la structure profonde, la nouvelle analyse de la phrase ne
privilégie plus le type assertif neutre (phrase assertive active affirmative non emphatisée) : la notion même de
‘type de base’ perd tout contenu propre.
La ‘phrase noyau’ est de fait désormais plutôt appréhendée comme ‘noyau de la phrase’– toute phrase
susceptible d’être énoncée étant, par hypothèse, ‘modalisée’. Ce noyau est maintenant postulé en tant que
niveau d’analyse pertinent (analyse en constituants immédiats), mais n’est plus susceptible d’instanciations per
se au gré des énonciations et n’est jamais, donc, directement observable.

18
Souvent, dans la littérature, il y a hésitation sur la marque du pluriel, vu la variante phrase(s)-type(s) : types/ formes de
phrase ou : phrases ?
19
Définis, en termes (implicitement) transformationnels, comme « réagencements particuliers des types obligatoires » (Riegel
et al. 2004 (1994): 386).
20
Négation descriptive : assertion d’un contenu propositionnel négatif (ex. Paul n’est pas là pour l’instant, à ce que je vois).
L’interprétation des types facultatifs ne peut être actionnelle que de manière marginale, à l’encontre de celle des types
obligatoires : le type facultatif qui illustre ce cas de figure marginal est encore la négation (quand elle réalise, dans
l’énonciation, un acte de dénégation (ou de refus) plutôt que la simple assertion d’un contenu négatif – ex. Tu viens ?/ -Je ne
peux pas. Toujours dans un contexte d’offre/ invitation : Un peu de rôti?/ -Je ne mange pas de viande).
21
Chomsky, N. (1957) – Syntactic Structures, Mouton, The Hague (trad. fr. Structures syntaxiques, Paris : Seuil, 1969).
Sous l’analyse purement transformationnelle des types de phrases/ formes de phrases, les transformations
étaient entendues procéder de manière ordonnée : passivation avant emphase, emphase avant transformation
négative, et transformation impérative/ interrogative par la suite. Comparer :
1. Une vipère a mordu la brebis. [déclarative affirmative active non emphatisée]
2. La brebis a été mordue (par une vipère). [déclarative affirmative passive non emphatisée]
3. C’est par une vipère que la brebis a été mordue. [déclarative affirmative passive à complément
d’agent mis en vedette : phrase clivée]
4. Ce n’est pas par une vipère que la brebis a été mordue. [clivée négative d’une phrase déclarative
passive]
5. N’est-ce pas par une vipère que la brebis a été mordue ? [clivée négative interrogative de la même
phrase passive].

Sous l’analyse non-transformationnelle, qui introduit la modalité (Const) dès la base de la grammaire (en
structure profonde), on s’évertue à rendre compte des mêmes observables en termes du rapprochement des
constituants optionnels et respectivement obligatoire22, de la phrase, par rapport au Noyau : le constituant le
plus à droite dans la formule sera le premier introduit dans la base – en l’occurrence, le passif, puis, l’emphase,
puis, la négation23.

En bon français, certaines combinatoires de types sont de fait barrées :


 mise en vedette de l’attribut (du sujet) par le présentatif c’est… que… : *c’est … que X est24 ;
 phrase clivée & impératif (mise en vedette du complément par le présentatif c’est… que…) et
impératif : *c’est… que+ verbe à l’impératif25 ;
d’autres sont marquées, restant confinées à des genres discursifs particuliers :
 passif & impératif (Soyez remerciés pour votre cadeau. Béni soit-il !).

Remarque :
 La reformulation, par Dubois & Dubois-Charlier 1970, de la thèse chomskyenne des marqueurs sous-
jacents (seuls) responsables du sens « interrogatif », «impératif », « négatif » (cf. Chomsky 1971
(1965) : 180-181, et, pour commentaire, Ruwet, Nicolas (1967) – Introduction à la grammaire
générative, Paris : Plon, p. 343) ignore un certain nombre de détails, ayant trait notamment au passif
et à l’emphase : nous y reviendrons plus tard.
Retenons pour le moment qu’au sens de Chomsky 1965, aussi bien l’emphase que le passif (et,
principalement, pour les mêmes raisons), continuaient de fait à être analysés comme phénomènes
syntaxiques sans retombées interprétatives sémantico-logiques : l’interprétation sémantique (des
structures générées en syntaxe) était envisagée comme restreinte au représentationnel et à l’actionnel
(force illocutionnaire).
Aussi les « effets de sens » liés à l’emphase, ainsi que les effets de sens communément imputés aux
« divergences d’accentuation » entre une phrase active et sa contrepartie passive, étaient-ils analysés
comme relevant (au mieux) des « effets de surface » sur l’interprétation (sémantique – cf. Chomsky
1971 (1965) : 186, note 9 ; 163, note 32).

1.4.2. Ré-analyse du marqueur abstrait de modalité : la catégorie complément(is)eur (C).

Des versions ultérieures de la GGT reformuleront le marqueur sous-jacent de la modalité (Const) à une
catégorie fonctionnelle qui prendrait TP (le syntagme « Temps ») pour complément : le complément(is)eur C.

Appelé ainsi en référence notamment aux propositions subordonnées enchâssées, le


complément(is)eur est d’abord envisagé en tant que catégorie capable de convertir une phrase en
complément du verbe (position typiquement vouée à un syntagme nominal), correspondant alors à la
conjonction introductive d’une complétive.
Toute subordonnée enchâssée sera donc analysée comme un CP (un syntagme complément(is)eur) :
Jean dit [ que [ Marie est jolie]]/ Jean ignore [ si [ elle est à la fac]]/ Dis-lui [ de PRO26
CP C TP CP C TP CP C

partir].
Les complément(is)eurs que (+indicatif) et si (dubitatif) expriment, outre la sélection d’une
proposition subordonnée à verbe fini (+Temps), respectivement la valeur assertive de la
complétive enchâssée, et la valeur interrogative de celle-ci (question à réponse oui/non) ; le
complément(is)eur de sélectionne, lui, une subordonnée non tensée (-fini).

22
Singulier puisque les constituants obligatoires sont par hypothèse mutuellement exclusifs.
23
La question se pose de savoir si les observables eux-mêmes imposaient un tel biais ou si ce n’était là que l’influence de la
modélisation précédente.
Phénomènes de portée de la négation (C’est Paul qui n’est pas venu (emphase à départ négatif)/ Ce n’est pas Paul qui est venu
(négation d’une phrase déjà emphatisée), restrictions sémantico-distributionnelles liées à la subordination/ à l’enchâssement
(*C’est Paul qui est-il venu ?), réanalyse du passif comme donnée morphologique/ lexicale (radical verbal passif non
trivialement distinct du radical actif, structure argumentale distincte) sont autant d’éléments susceptibles de fournir à cette
analyse des motivations indépendantes.
24
*C’est froid que le café est. OKLe café est froid.
25
*C’est le déca que prenez. OKPrenez le déca (décaféiné)..
26
Pronom abstrait (sans forme phonétique), sujet d’une infinitive ; son interprétation (référentielle) est en général
« contrôlée » par un argument du verbe recteur (ici, par le complément d’objet indirect lui).
L’analyse sera ensuite étendue aux phrases racines (propositions indépendantes comprises), moment
où de fait C se substituera pour de bon au marqueur de modalité de la version standard du modèle
(noté Const in Dubois & Dubois-Charlier 1970). En français, le complément(is)eur des phrases racines
est typiquement non épelé (=dépourvu de matrice phonologique).

Catégorie syntaxique fonctionnelle (vs substantive), à l’instar de D (D de : déterminant ; déterminant du nom :


référence nominale) et de T (T de Temps ; catégorie qui réunit – rappelons-le – les traits de temps-aspect-
mode du verbe (‘flexions verbales’ pertinentes du point de vue interprétatif pour la référence temporelle ce
qui en fait une sorte de déterminant du verbe), ainsi que les traits d’accord (traits de personne et de nombre),
interprétés non sur le verbe, mais sur l’argument nominal (sujet)), le complément(is)eur C est censé exprimer
des composants non référentiels de l’intention informative du locuteur, ayant respectivement trait à la
dimension actionnelle (« force ») et à la hiérarchie informationnelle de la phrase énoncée (bref, C contribuerait
crucialement au codage grammatical de ce que l’on pourrait appeler sans autre ‘l’ancrage discursif’ de la
phrase), tout en rappelant le caractère fini (+Temps) ou non fini (-Temps) de celle-ci – voir Fig. 3 plus bas dans
le texte.

Dans une proposition relative (restrictive), le syntagme relatif (opérateur de relativisation) spécifiera un
complément(is)eur non épelé, lui (l’homme [CP dont [C’ C [TP tu as épousé la fille]]]), ou bien sera analysé
comme phonétiquement nul, le complément(is)eur étant, alors, épelé (l’homme [CP LEQUEL [C’ queC [TP
j’aime]]]).
Selon une analyse déjà classique par Richard Kayne, qui dans les relatives à antécédent du type de l’homme
qui est arrivé est en fait le complément(is)eur, ‘accordé’ au Nominatif avec l’opérateur de relativisation non
épelé (sans forme phonétique) dans son Spec.

C =CP Ancrage discursif

{+assertif, +fini} T =TP Ancrage temporel

2
SylvieN T =T’

=T°max T V =VP Structure de prédication


(proposition)

2
all(er)+ {prés. ind., 3 sg}
1
SylvieN V

=T°
1
all(er) P =PP

à D =DP

la facN =NP

Fig. 3. Sylvie va la fac

1.5. Mode/ modalité/ modalisation.

1.5.1. Mode/ modalité, temps/ temporalité, aspect grammatical / aspect lexical.

Temps, aspect (grammatical), mode : formes de langue (morphologie verbale : « tiroirs verbaux »)
Temporalité, mode d’action (aspect lexical), modalité : notions sémantiques.

Temporalité : notion construite autour du moment de la parole (le maintenant du locuteur, noté par
convention t0). Avant t0, il ya le passé, après, l’avenir. Noter dès à présent que t0 est un moment fictif, variable
en extension (une seconde, une journée, une année, une période quelconque). « Temps extérieur au
procès27 » (Gustave Guillaume).

Mode d’action (aspect lexical) : « temps intérieur au procès » (Gustave Guillaume) ; caractéristiques du
déroulement du procès ; classes (aspectuelles) de verbes28 définies en termes des traits dynamique/ non
dynamique (=statique), télique/ atélique29, ponctuel/ non ponctuel (=duratif) (Zeno Vendler – cf. Vendler
1967):

 verbes d’état ([-dynamique, -télique, -ponctuel] – situations statiques, homogènes et continues, sans
structure interne et sans limite temporelle inhérente) : être malade, connaître qqch, aimer qqch, croire
qqch, avoir qqch, …/ tests distributionnels : *X est en train d’aimer la musique (-dynamique); OKX a
cessé d’aimer la musique (+duratif (=-ponctuel)).

 verbes d’activité ([+dynamique, -télique, -ponctuel] – actions qui peuvent avoir une certaine durée et
qui ont un point de terminaison arbitraire) : marcher, nager, danser … (sans complément désignant la
limite finale ou cible du mouvement30) ; pleurer, rire, … ; penser, écrire, boire, …(sans objet direct
explicite31) / tests distributionnels : OKX est en train de marcher (+dynamique); *X nage en une
heure (-télique) ; *X met une heure à nager (-télique); OKX nage pendant une heure (+duratif), OKX a
cessé de nager (+duratif).

 verbes d’accomplissement ([+dynamique, +télique, -ponctuel] – actions/ situations qui ont une
certaine durée et qui comportent un point de terminaison précis, au-delà duquel l’action ne peut plus
continuer) : fondre (intr.32), sécher (intr.), apprendre la poésie par coeur, peindre un tableau……/
tests distributionnels : OKX est en train de peindre un/ le tableau (+dynamique) ; OKX peint un/ le
tableau en une heure (+télique) ; OKX met une heure à peindre un/ le tableau (+télique)

 verbes d’achèvement ([+dynamique, +télique, +ponctuel] – verbes décrivant le seul point culminant
(ou : dénouement) de la situation envisagée, mais pas ce qui précède, au contraire des
accomplissements) : (se) casser, exploser, éclater, trouver une solution, apprendre la nouvelle…/ tests
distributionnels : *X a cessé de trouver la solution (-duratif), *X est en train de trouver la
solution (!!+ponctuel); OKX a trouvé la solution en deux secondes/ OKX met deux secondes à trouver la
solution (+télique).

Terminologie relativement floue, dans la littérature : télique/ atélique, perfectif (terminatif)/ imperfectif (non
terminatif), accompli/ inaccompli.

Modalité : expression de l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel de son énoncé. Paul court
(énoncé sans marque d’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel autre que le type de phrase :
type assertif neutre; analysé, dans la littérature non-générativiste, comme énoncé ‘non modalisé’ par
excellence)/ Il se peut que Paul coure, Paul court peut-être, Paul peut courir (énoncés modalisés).

Une fois la modalité intégrée dans la base de la grammaire (règle de réécriture de toute phrase comme Const
+ noyau), le type assertif neutre se laissera envisager comme modalisateur à l’instar des types de
phrases marqués (phrases interrogative, impérative, etc.), et à l’instar des phrases à ; d’autre part, la
différence, du point de vue de la modalité, entre Il court/ Je crois qu’il court, Il est vrai qu’il court pourra être
formulée non plus en termes de +modalité/ -modalité, mais en tant que différence de réalisation linguistique
d’une seule et même valeur modale (attitude propositionnelle de croyance du locuteur à la vérité de l’état de
chose décrit par son énoncé).

Il n’y a pas de correspondance terme-à-terme entre tiroirs verbaux et notions sémantiques (temps/
temporalité, aspect/ mode d’action, mode/ modalité).

 Vous fermerez cette porte sans la claquer (tiroir : futur, sens : modalité injonctive).

27
Il s’agit bien évidemment du procès désigné par le verbe. Cf. GUILLAUME, Gustave (1984) – Temps et verbe. Théorie des
aspects, des modes et des temps. Paris : Champion.
28
Ou plutôt : classes aspectuelles de situations (métaterme entendu non comme synonyme d’état, mais comme une sorte
d’hyperonyme pour : états, actions, procès, événements ; certains auteurs parlent de : éventualités (Vikner, Carl (1985) –
« L’aspect come modificateur du mode d’action : à propos de la construction être + participe passé », Langue Française 67,
Paris : Larousse, 95-113) ou de prédications (au sens de la Role and Reference Grammar – cf. Van Valin, R. D. (1993) – « A
Synopsis of Role and Reference Grammar », in Advances in Role and Reference Grammar, R. D. Van Valin (ed.), Amsterdam :
John Benjamins Publishing Company, 1-164), puisque ce n’est pas le verbe seul que l’on classifie, mais le verbe avec ses
arguments (sujet, objets) , voire avec ses adverbes.
29
Telos : but, limite finale.
30
Distinguer nager (pendant 30 minutes) : activité/ nager cent mètres (en trois minutes), nager jusqu’à l’île des rats (en dix
minutes) : accomplissements.
31
Distinguer : écrire (pendant des heures) : activité/ écrire l’exercice (en cinq minutes) : accomplissement.
32
La neige fond.
 Un pas de plus, et vous tombez dans l’abîme (tiroir : présent, sens : modalité implicative « si
vous faites un pas de plus, vous tomberez… »).
 Il m’avait dit qu’il viendrait ce soir (tiroir modal : conditionnel, sens temporel : futur du
passé)33.

33
Cf.. Le Querler, Nicole (1996). Typologie des modalités, Caen : Presses Universitaires de Caen.
1.5.2. Modalité/ modalisation.

Modalisation : opération énonciative ; prise en charge de l’énoncé par son énonciateur (rapports entre :
énoncé/ fait asserté ; énonciateur/ fait asserté ; énonciateur/ son énoncé ; énonciateur/ sa façon de réaliser
l’énonciation ; énonciateur/ destinataire (locuteur/ allocutaire, auditeur34)).

Modalité(s) : catégories conceptuelles logico-sémantiques ; produit de la modalisation.

1.6. Modalité/ modalisateur. Démarche onomasiologique/ démarche sémasiologique.

Modalité : zone modale, prédicats modaux (abstraits).

Modalisateur : marqueur (perspective d’interprétation)/ réalisateur (perspective de production).

Démarche onomasiologique (du sens vers les mots) : de la zone modale (valeur modale, prédicat modal
abstrait) à ses incarnations linguistiques.

Démarche sémasiologique (des mots, aux sens) : du marqueur modal aux valeurs modales qu’il exprime.
Polysémie des marqueurs modaux.

Les modalisateurs sont des signes linguistiques à signification modale. La relation modalité/ modalisateur se
laisse alors envisager comme cas particulier de la relation signifié/ signifiant.

Ferdinand de Saussure définit le signe linguistique en tant que catégorie relationnelle35, à


deux facettes solidaires : le signifiant (suite de phonèmes ou de graphèmes) et le signifié (signification
(description) lexicalement associée à cette chaîne sonore ou graphique), le référent (objet du monde
auquel renvoie la chaîne sonore ou graphique pourvue de cette signification : entité extralinguistique qui
satisfait la description) restant extérieur au signe à proprement parler.

D’autres auteurs36 proposeront une définition ternaire du signe linguistique, qui inclura le
référent37 : signifiant (symbol (“symbole”)) + signifié (thought (“pensée”)) + référent (referent)).

Le signe linguistique n’est pas identique au mot : d’une part, une lexie complexe ou un syntagme
(groupe de mots) non lexicalisé, une phrase (un énoncé), un paragraphe, voire tout un texte peuvent
être envisagés comme signes (signifiant-signifié(-référent)) ; de l’autre, des parties constitutives d’un
mot sont des signes linguistiques (non autonomes) : les préfixes ou suffixes dérivationnels (impossible,
improbable (« qui n’est pas [possible, probable] »), mangeable, buvable (« (qui) peut être [mangé/
bu] »…), mais également les affixes flexionnels (viendra (« à l’avenir »)).

1.7. Modus/ dictum.

Structure de la phrase modalisée : modus + dictum.

Charles Bally (Linguistique générale et linguistique française (1932)) récupère la distinction, formulée d’abord
par la Scolastique médiévale : dictum propositionis désigne, chez Abélard (XIIe siècle), la signification de la
proposition, son contenu (contenu propositionnel, en logique moderne).

Dictum : contenu propositionnel de l’énoncé (prédication, représentation virtuelle d’un état de chose)
Modus : modalité de l’énoncé (assertion qui actualise une telle représentation virtuelle).

Je crois (MODUS) que les étudiants sont partis (DICTUM).

Toute phrase a un dictum et un modus, selon Bally, mais la structure syntaxique ne soutient pas toujours
aussi directement cette structuration sémantique.

34
Pour les besoins des analyses syntaxiques et syntaxico-sémantiques faisant l’objet de ce cours sur la phrase modalisée, la
distinction allocutaire (visé par le locuteur)/ auditeur (qui se trouve entendre ce qui est dit sans être nullement visé par le
locuteur) – telle que posée en linguistique de l’énonciation – n’est en général pas pertinente.
En linguistique de l’énonciation (notamment dans le cadre des théories polyphoniques – cf. Ducrot, O. (1980) – Les Mots du
discours, Paris : Minuit), distinction est également faite entre locuteur-allocutaire, d’une part, et énonciateur-destinatire (parfois
appelé : énonciataire), de l’autre. Ces distinctions feront l’objet de vos cours d’initiation en pragmatique.
35
Ce qui vaut de tout symbole, et même des indices ou des icônes – pour nous référer au classement des signes selon leur
relation au référent, au sens de Ch. S. Peirce (à noter que, selon cette tripartition, la plupart des signes linguistiques sont des
symboles (interjections (qui sont des indices d’états d’âme, sentiments etc.) et onomatopées (qui, imitant leur référent, sont
des icônes) mises à part).
36
Ogden, C. K. et I. A. Richards (1989/1923) – The Meaning of Meaning, San Diego-New York: Harcourt Brace Jovanovitch
Publishers.
37
Plus exactement : une représentation mentale de celui-ci.
1.8. Modalité de re/ modalité de dicto.

Portée de la modalité (du modalisateur) : interne/ externe (au dictum).

Modalité de dicto : portée extra-prédicative (externe au dictum). Je crois (MODUS) que les étudiants sont
partis (DICTUM).

Modalité de re : portée intra-prédicative (interne au dictum). Les étudiants sont sans doute partis.

Termes remontant à Thomas d’Aquin (De modalibus) : propositions modales de re (quand le modus est
inséré dans le dictum : Socrate peut courir) / propositions modales de dicto (modus prédiqué du dictum
sujet : Que Socrate coure est possible/ il est possible que Socrate coure).

1.9. Classement des modalités.

 Modalités d’énonciation (contribution interprétative → attitude du locuteur dans son rapport avec le
destinataire de l’énonciation : actes de langage38 ; syntaxiquement parlant = types de
phrase obligatoires) :
 assertion (phrase assertive ou : déclarative : Paul est là),
 interrogation (phrase interrogative : Paul est-il là ?/ Où est-il ?),
 injonction (phrase impérative : Fermez la fenêtre !),
 exclamation (phrase exclamative : Paul, parti !/ Que cette fenêtre est sale !).

 Modalités de message (contribution interprétative → hiérarchie informationnelle; syntaxiquement parlant


39types de phrase facultatifs) :
 emphase (Paul, il est déjà parti pour Paris/ C’est PAUL40 qui est arrivé le premier. C’est À
PAUL que je voudrais parler. Voilà TROIS JOURS qu’il est parti).
 passif (La porte fut ouverte par un étudiant) ;
 impersonnel (Il est arrivé trois nouveaux étudiants/ Il a été dansé toute la nuit).

 Modalités d’énoncé (sémantiquement parlant → attitude du locuteur face au contenu propositionnel de


son énoncé ; syntaxiquement parlant  phrases à double prédication (subordination41/ coordination/
juxtaposition42/ insertion43) :

 aléthiques ;
 épistémiques ;
 déontiques
 désidératives (volitives)
 appréciatives (évaluatives, axiologiques)
 implicatives (relation causales au sens large : condition, cause, conséquence, but,
concession …)
 temporelles (logique du temps linéaire (vs logique du temps arborescent: mondes
possibles) ; sporadicité (Kleiber 198344)).

Modalités (d’énonciation, de message) et types de phrase : problèmes de classement.


Types de phrase obligatoires (= types de phrase45):

38
Ou plutôt : actes illocutionnaires. Voir chapitre dédié (encadré ).
39
Symbole notant ici l’inclusion à un ensemble donné.
40
Les majuscules notent ici l’accent de phrase : l’accent le plus fort dans la phrase, qui frappe un constituant du syntagme
apportant l’information nouvelle (que le locuteur présente/ signale ainsi comme étant) la plus importante pour l’interlocuteur.
41
Il est nécessaire que le cours magistral soit redoublé d’un support écrit accessible aux étudiants/ Il faut prévoir un
support de cours accessible en ligne.
42
Ces structures de phrase concernent surtout, parmi les modalités d’énoncé, les modalités dites implicatives (au sens de Le
Querler 1996) : Je pense, donc je suis/ Encore un pas, et vous tombez dans l’abîme [coordination]/ Chassez le naturel, il
revient au galop [juxtaposition].
43
L’insertion, en tant que mode de composition de la phrase complexe, concerne tant les modalités d’énonciation (il s’agit alors
d’incises, dans le discours rapporté en style direct) que des modalités d’énoncé autres qu’implicatives (par l’intermédiaire cette
fois-ci de propositions incidentes) :
 incises (verbe déclaratif (régissant une complétive, dans le discours rapporté en style indirect) et inversion du
sujet) : Quand, me demanda-t-il, reviendrez-vous ? (comparer à : Il me demanda quand j’allais revenir) ;
 incidentes (verbe non déclaratif régissant normalement une subordonnée complétive ; lien de dépendance entre
verbe de la proposition incidente et phrase matrice marqué souvent par un pronom anaphorique (« neutre ») : L’été,
je le crains, sera chaud (comparer à : Je crains que l’été ne soit chaud)
– cf., pour la dichotomie incise/ incidente, et pour les exemples primaires, RIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe, RIOUL,
René (2004/ 1994) – Grammaire méthodique du français, Paris: PUF, 3ème édition, 470. Comparaison insertion/ subordination
et intégration à la problématique des modalités de notre main.
44
« L’emploi sporadique du verbe pouvoir », in : David, J. et G. Kleiber (éds), La notion sémantico-logique de modalité, Paris :
Klincksieck, 183-203.
- constituants de phrase fondamentaux (→toute phrase est assignée à l’un de ces
types),
- mutuellement exclusifs (→toute phrase est assignée à l’un et seulement un de
ces types),
- à import sémantique fonctionnel-actionnel (« acte de langage »),
- à structure syntaxique, morphologie et intonation spécifiques.

Types de phrase facultatifs (= formes de phrase) :


- constituants de phrase optionnels46,
- par hypothèse non exclusifs des types obligatoires, ni entre eux (→se combinent entre
eux et/ou avec les types obligatoires) ;
- à import sémantique surtout fonctionnel-communicatif (répartition de l’information en
thème-propos : passif, emphase, impersonnel), ou descriptif (=représentationnel :
négation47)
- à structure syntaxique et morphologie spécifiques, mais dépourvus d’intonation propre –
encore que non dépourvus d’effet sur l’intonation spécifique du type obligatoire avec
lequel ils se combinent (phénomènes d’accentuation).

(cf. Riegel et al. 2004 (1994) : 386-387).

Problèmes :
1. L’exclamatif, doué d’intonation particulière, mais non exclusif d’autres types obligatoires (cf. interro-
exclamatif : moi, partir pour Londres ?!), et à spécificité syntaxique douteuse (car partageant les
structures des phrases déclaratives (Vous ne songez point à elle !) et interrogatives (Qu’est-ce qu’elle
était belle ! Est-il bête !)) peut-il être envisagé comme type obligatoire, d’autant que, du moins selon
certains auteurs, il n’exprimerait pas d’« acte de langage spécifique », fondé sur des rapports entre le
locuteur et son destinataire ?
2. Le négatif, qui, seul, parmi les types optionnels, n’a pas d’apport sémantique essentiellement
fonctionnel, non descriptif (hiérarchie informationnelle, structuration du message), mais
représentationnel, descriptif (contribution sémantico-logique propositionnelle), et qui semble au moins
susceptible de réaliser un « acte de langage spécifique » (dénégation, réfutation) peut-il être envisagé
comme type optionnel ?

La solution serait de re-classer les types de phrases obligatoires/ facultatifs en quatre catégories, quitte à ce
que l’exclamatif soit envisagé comme seul représentant de sa catégorie (Riegel et al. 2004 (1994) : 388-
390) :
 types énonciatifs (assertif, interrogatif, impératif) ;
 types logiques (négatif/ positif) ;
 types de réagencement communicatif (passif, emphase, impersonnel) ;
 type exclamatif (manifestant seulement la subjectivité du locuteur et réalisant la fonction expressive du
langage).

Cette solution ne fait que reformuler les problèmes soulevés, sans y apporter de réelle explication.

L’analyse de la négation ou bien fait l’impasse sur les emplois « illocutionnaires », pour ne rendre compte que
de ce qui est appelé, dans la littérature, négation descriptive (avec la notion de « type logique »), ou bien ne
tire argument que des emplois « illocutionnaires » : « nier un contenu propositionnel constitue un acte de
langage, ce qui rapproche le type négatif des types obligatoires » (op.cit., p. 388).
Et la distinction alléguée entre types énonciatifs et exclamatif, selon le critère pragmatique de « l’acte de
langage spécifique », est elle-même sujette à caution, dans la mesure où :

(1) les types énonciatifs restants eux-mêmes ne font pas l’objet d’analyses uniformes, dans le paradigme
théorique dont procède la notion distinctive invoquée (Théorie des actes de langage) : les types assertif et
impératif correspondent aux forces primitives assertive et directive, tandis que le type interrogatif procède
des forces dérivées (instanciant un sous-type directif : demander de répondre)48 ;

45
Souvent, dans la littérature, il y a hésitation sur la marque du pluriel, vu la variante phrase(s)-type(s) : types/ formes de
phrase ou : phrases ?
46
Définis, en termes (implicitement) transformationnels, comme « réagencements particuliers des types obligatoires » (Riegel
et al. 2004 (1994): 386).
47
Négation descriptive : assertion d’un contenu propositionnel négatif (ex. Paul n’est pas là pour l’instant, à ce que je vois).
L’interprétation des types facultatifs ne peut être actionnelle que de manière marginale, à l’encontre de celle des types
obligatoires : le type facultatif qui illustre ce cas de figure marginal est encore la négation (quand elle réalise, dans
l’énonciation, un acte de dénégation (ou de refus) plutôt que la simple assertion d’un contenu négatif – ex. Tu viens ?/ -Je ne
peux pas. Toujours dans un contexte d’offre/ invitation : Un peu de rôti?/ -Je ne mange pas de viande).
48
Cf. Ghiglione & Trognon 1993.
(2) le lien entre types de phrases et « acte de langage spécifique » n’est pas aussi direct, ni aussi naturel, que
cette analyse le suppose49, ne laissant pas d’être tributaire d’un certain horizon théorique. En pragmatique
inférentielle50, par exemple, les trois types de phrases en question sont censés correspondre non pas à des
« actes spécifiques », mais à des « actes génériques dire que/ dire de/ demander (si /qu-) » – entendus par
Sperber et Wilson comme des « schémas d’hypothèse » (ou « schémas descriptifs ») dans lesquels sont
incorporées les formes propositionnelles pleines des énoncés concernés, mais qui restent typiquement sous-
déterminés quant à ce qu’il est convenu d’appeler « intention (ou : but) illocutoire »51.

1.10. En guise de conclusions : retour sur les critères de classement des modalités.

a. Critères syntaxiques.

a.1. Critère du rapport fonction modale/ structure phrastique (modalité/ type de phrase) :
 modalités d’énoncé (phrase à double prédication)/
 modalités d’énonciation (phrases à contour non assertif : interrogatives, injonctives,
exclamatives)52/
 modalités de message (phrases clivées, topicalisations, …)53.

a.2. Critère de l’incidence (construction de la phrase modalisée54):


 modalité de re (incidence syntaxique intra-prédicative) ;
 modalité de dicto (incidence syntaxique extra-prédicative).

Distinction terminologique : incidence syntaxique/ portée sémantique (cf. Le Querler 2001)

b. Critères sémantiques55.

b.1. Critère de l’énonciateur56 :


 modalités subjectives57 (« élocutives » 58 ; rapport sujet énonciateur/ contenu
propositionnel : modalités épistémiques, appréciatives (ou : évaluatives, ou : axiologiques),
désidératives (ou59 : volitives) réflexives60) ;

49
Dans cette même logique, on voit dans les types de phrases obligatoires des « indicateurs de force illocutionnaire ».
50
Cf. Sperber Dan et Deirdre Wilson, La pertinence. Communication et cognition, Paris : Minuit, 1989 (original en anglais
1986).
51
Par contre, les « forces primitives » assertive et directive (cela vaut d’ailleurs de toutes les cinq « forces primitives »
distinguées dans la théorie logique de l’illocutoire), tout en étant sous-déterminées quant aux autres « composants », ce
qui en fait justement « les forces illocutoires les plus simples possibles », sont bien déterminées, elles, quant au but. Le but
assertif (primitif) est de représenter quelque chose qui est le cas, et le but directif (primitif), de faire une tentative
linguistique pour que le destinataire réalise une action future (cf. Ghiglione & Trognon 1993). Par contre, dire que P et dire de P
(où P est la forme propositionnelle de l’énoncé p), en tant qu’actes génériques, ne « rendent manifeste qu’une propriété assez
abstraite de l’intention du locuteur : la direction dans laquelle la pertinence de l’énoncé est à rechercher » (Sperber et Wilson
1989 : 381). Dire que rendrait manifeste l’existence d’une relation descriptive (vs interprétative) entre la pensée du locuteur et
un état de choses réel ; dire de, l’existence d’une relation descriptive entre la pensée du locuteur et un état de choses (non pas
réel, mais :) désirable.
52
Au sens d’André Meunier. Cf. Meunier, André (1974) – « Modalités et communication », Langue Française n° 21, pp. 8-25.
Citations pertinentes : « [La modalité d’énonciation] se rapporte au sujet parlant (ou écrivant). Elle intervient obligatoirement
et donne une fois pour toutes à une phrase sa forme déclarative, interrogative ou impérative […].
[La modalité d’énoncé] se rapporte au sujet de l’énoncé, éventuellement confondu avec le sujet de l’énonciation. Ses
réalisations linguistiques sont très diverses de même que les contenus sémantiques et logiques qu’on peut lui reconnaître.
[Elle] caractérise la manière dont le sujet de l’énoncé situe la proposition de base par rapport à la vérité, nécessité (vra i,
possible, certain, nécessaire et leurs contraires etc.), par rapport aussi à des jugements d’ordre appréciatif (utile, agréable,
idiot, regrettable, …) » (art. cit., pp. 13-14).
« Une phrase ne peut recevoir qu’une seule modalité d’énonciation, alors qu’elle peut présenter plusieurs modalités d’énoncé
combinées » (art. cit., p. 13).
53
Cristea, Teodora (1981) – « Pour une approche contrastive de la modalité », in Cristea et al., Les modalités. Etudes
contrastives, Bucuresti : TUB, 8-46.
54
Ce classement concerne surtout les modalités dites d’énoncé (selon le critère précédent).
55
Nous préférons cette étiquette à celle de « critères fonctionnels» – susceptible de suggérer, à tort, que lesdits critères aient à
voir avec la découpe focus/ topique de la grammaire fonctionnelle.
56
Ce sont là des tentatives de classement (Le Querler 1996 et Charaudeau 1992) qui regroupent modalités d’énonciation et
modalités d’énoncé. Cf. Le Querler, N. (1996). Typologie des modalités, Caen : Presses Universitaires de Caen. Cf. Charaudeau,
Patrick (1992) – Grammaire du sens et de l’expression, Paris : Hachette.
57
Le Querler (1996).
58
Terme emprunté à Charaudeau 1992. Noter que le contenu de cette classe n’est pas identique chez les deux auteurs, malgré
des points de coïncidence.
59
Au gré des auteurs, la distinction <désidératif>/ <volitif> est maintenue ou au contraire délitée. Si nous n’avions pas
souscrit au délitement de cette nuance au niveau conceptuel même, il aurait fallu noter ici « ou » (sans « : »).
 modalités intersubjectives (« allocutives » ; rapport entre énonciateur et destinataire à propos
du contenu propositionnel : modalités déontiques, modalités illocutionnaires directives :
ordre, requête, conseil, suggestion…, modalités désidératives (ou : volitives) translatives61) ;
 modalités objectives (« délocutives » : rapport entre deux contenus propositionnels, contre
effacement de l’énonciateur : ontiques (ou : aléthiques), implicatives).

b.2. Critère du contenu62 :


 modalités aléthiques (ontiques), déontiques, épistémiques, désidératives, appréciatives, implicatives,
temporelles …

60
Vouloir, désirer + infinitif : Je veux partir.
61
Vouloir que, désirer que + subjonctif : Je veux que vous fassiez attention à l’emploi des modes dans la relative. Je ne veux
pas que tu viennes (négation portant sur la complétive : « défendre, interdire » - cf. Nouv. P. Rob.)
62
Ce classement, qui récupère les catégories modales de la tradition logique, tout en en augmentant l’inventaire, concerne, à
nouveau, surtout les modalités dites d’énoncé.

Vous aimerez peut-être aussi