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TRANSFORMER UN GROUPE DE TRAVAIL EN ÉQUIPE

C’est le défi de tout manager, et cela passe par une vision


collective, une confiance réciproque et des règles claires.

Vous pensez qu’il suffit de réunir des personnes à la fois compétentes et


complémentaires pour former une équipe ? Pas si simple ! D’autant plus qu’un
manager ne choisit pas toujours ses collaborateurs et qu’il doit souvent composer
avec des personnes déjà en place. Patricia Trinquand, responsable du pôle marketing
et communication opérationnelle à l’UCPA, a ainsi hérité en arrivant de trois équipes
aux métiers bien distincts, le marketing, la communication externe et l’agence interne.

«Pour créer le pôle, il a fallu abattre les murs, explique-t-elle, c’est-à-dire mieux faire
comprendre à chacun le métier de l’autre et l’intérêt de développer des synergies. J’ai
demandé aux collaborateurs de se réunir, de bâtir ensemble des plans de
communication très complets et de penser à 360 degrés… Petit à petit, j’ai agrandi
l’équipe en recrutant à l’extérieur des profils très différents, en particulier un
“community manager”, pour que chacun joue à fond la carte des réseaux sociaux.
Aujourd’hui, nous sommes vraiment soudés. Il nous arrive même de partir ensemble
en vacances… à l’UCPA !» se réjouit-elle. Comme dans le sport, pour former une vraie
équipe, il faut un bon «manager-coach», mais aussi de la méthode. Quel que soit le
contexte, les étapes à franchir sont toujours les mêmes. A vos marques, prêts ?
Coachez.

Fédérez votre équipe autour d’un projet commun

Avant toute chose, les membres de votre équipe ont besoin d’avoir une vision
commune, un projet bien défini qui a du sens et qui permet à chacun de s’impliquer. Il
s’agira, par exemple, de lancer un nouveau produit, d’actualiser le système
d’information ou encore de devenir leader sur son marché. Dans un premier temps,
préparez une ou deux phrases qui synthétisent la «mission à acccomplir». Explicitez-
les à vos collaborateurs. Mieux encore, proposez-leur d’y réfléchir ensemble, ils se
sentiront ainsi plus engagés. Mais n’allez pas trop vite vers les moyens et les objectifs
spécifiques de chacun : à ce stade, la priorité est de fédérer l’équipe et de faire en sorte
que chacun soit fier d’y appartenir.

Appuyez-vous sur les trois piliers fondamentaux de la motivation : l’intérêt pour le


travail, la reconnaissance et l’autonomie… Ils sont bien plus importants qu’on ne
l’imagine ! «Au-delà du salaire et des conditions de travail, chacun désire faire
partager son expérience, être reconnu dans sa fonction, s’engager et faire de son
mieux, rappelle Didier Kahn. C’est la vision “optimiste” ou “Y” de l’individu, qui
s’oppose à la vision “X” fondée sur l’autorité, largement dépassée. Nous partageons
tous les mêmes besoins, définis dans la fameuse pyramide de Maslow : sécurité,
appartenance, reconnaissance et accomplissement.»

Construisez la confiance et la cohésion du groupe

Une fois la question de l’objectif et du sens posée, il faut apprendre à se connaître pour
bien travailler ensemble. N’hésitez pas à consacrer du temps à cette étape
fondamentale. «Lors de tous mes stages de formation, au lieu d’effectuer un tour de
table classique, je prévois toujours une étape informelle destinée à briser la glace,
témoigne Isabelle Avril, formatrice en développement personnel pour la Cegos. Je
demande aux participants de se lever, de marcher dans la pièce et de se regarder en
se croisant, puis de faire la connaissance d’un maximum de personnes en vingt
minutes. Pour cela, je leur propose de se présenter en racontant une anecdote sur leur
prénom ou de répondre à des questions originales… Un lien de coopération positive
se crée ainsi beaucoup plus rapidement, et l’ambiance et l’efficacité s’en ressentent
tout au long du stage. Il y a plus de synergie, de motivation et d’écoute dans les ateliers.
Chacun a envie de bien faire pour lui-même et pour les autres.»

Pour Alain Duluc, consultant, coach et manager du département développement


personnel à la Cegos, cette étape d’«inclusion» ou de «fusion» est essentielle dans
n’importe quel groupe. «C’est un préalable indispensable pour que chacun puisse
trouver sa place, la prenne et s’affirme tout en acceptant de partager le pouvoir avec
les autres», précise-t-il. Stephen Covey ne dit pas autre chose quand il écrit, dans son
livre «Le Pouvoir de la confiance» (Editions First) : «La confiance en soi et en son
entourage – relations proches, organisation, marché, société – est à la base de la
réussite.»

Investir dans un séminaire de «team building», lorsque c’est possible, permet souvent
de gagner du temps dans le processus de cohésion d’équipe : passer quelques jours
ensemble hors du contexte professionnel, rien de tel pour créer du lien ! Nicolas Gilg,
responsable pendant cinq ans d’un projet de développement pour un grand groupe
pétrolier en Afrique, qui a mobilisé 2 500 personnes, en sait quelque chose. «Mes
équipes directes regroupaient 240 personnes de 30 nationalités différentes, les trois
quarts venues d’Afrique, le reste de France et d’ailleurs. Chaque année, nous
organisions un séminaire de trois jours pour une centaine de personnes, réunies par
métiers, avec une partie professionnelle et une partie “team building”. Celle-ci
comprenait des jeux de rôle simulant des situations de travail. Il en résultait beaucoup
d’humour et de bonne humeur. De retour dans leur environnement professionnel, les
participants n’hésitaient plus à décrocher leur téléphone pour communiquer avec un
collègue.»

Clarifiez les objectifs et les responsabilités

Un fois que la glace est brisée, il s’agit de préciser les objectifs, le rôle et les
responsabilités de chacun, de transmettre des directives claires et de fixer les règles
du jeu. «Pour mobiliser les membres de l’équipe, il faut déterminer et partager des
buts “smart” : spécifiques, mesurables, ambitieux, réalistes et temporels. S’ils sont
“smarter”, c’est-à-dire “exciting” (enthousiasmants) et “recorded” (formalisés), c’est
encore mieux», souligne Pierre Finkielstein, consultant pour Acumen en France.

Les règles du jeu portent sur les tâches à accomplir, les délais, les procédures à
respecter, les rôles de chacun et les propres méthodes de travail du manager. «Ces
règles peuvent être définies par l’organisation, le manager seul ou, pour certaines, par
consensus avec l’équipe afin de favoriser l’adhésion, résume Didier Kahn. Elles
doivent être claires. Ne pas les suivre entraînera des sanctions qui doivent être les
mêmes pour tous. Il est important que le manager sache équilibrer le lien et la loi,
c’est-à-dire à la fois mettre de l’humain et exiger des résultats.»

Patricia Trinquand, dont l’équipe de 23 personnes appartient peu ou prou à la


«génération Y» des 18-30 ans, donne beaucoup d’autonomie à ses jeunes
collaborateurs, mais dans un cadre bien délimité : «Ils ont du mal avec une hiérarchie
classique ! Je suis beaucoup dans l’échange, dans une relation d’adulte à adulte, mais
parfois il faut savoir dire non et rappeler qui est la patronne ! Le fait d’avoir 20 à 25
ans de plus qu’eux et deux ados à la maison m’aide à trouver le bon équilibre.»

Une équipe peut-elle fonctionner sans chef ? «Non, si elle doit produire un résultat
commun, répond Didier Kahn. Dans un groupe de travail entre pairs, par exemple
entre coachs, on pourrait se passer d’un chef sur le fond, mais il faut au minimum que
quelqu’un décide sur la forme (timing, étapes…). Et, en pratique, il y a toujours un
leader qui émerge. Cela dit, le niveau d’autonomie au sein d’une équipe est parfois très
important, comme pour ces gérants d’un groupe d’hôtels dont le directeur général fixe
les grands objectifs et se contente de manager “de loin” tout en jouant au golf et au
bridge.»

Favorisez le dialogue et la communication

Une fois l’équipe sur les rails, entretenir un échange constructif suppose une
implication dans la durée. Organisez des réunions à intervalles réguliers, si possible
en «live» plutôt que par visioconférence, utilisez tous les moyens pour partager
l’information, montrez-vous accessible et disponible, encouragez une communication
sincère, créez des moments de convivialité, de complicité, de rire… et accordez le droit
à l’erreur à vos collaborateurs.

Jean-Pierre Braun, vice-président software integration chez Alcatel-Lucent, encadre


des milliers de personnes à travers le monde.

Les séminaires de plusieurs centaines de personnes ne sont plus de mise.


«Aujourd’hui, ils se limitent à des équipes de dix à quinze personnes, une fois par an,
pendant deux à trois jours, indique Jean-Pierre Braun. Une enquête auprès du
personnel nous a cependant révélé qu’il y avait des attentes importantes en matière
de communication. Nous avons donc mis en place de nombreuses actions :
vidéoconférences, webcasts, échanges d’expérience transverses entre personnes du
terrain via nos réseaux sociaux internes… Par ailleurs, avec mon équipe de 15
managers répartis sur les cinq continents, j’organise un “staff meeting” hebdomadaire
par visioconférence. Depuis que je leur ai proposé de préparer l’agenda à tour de rôle,
tout le monde se sent plus concerné et la différence en termes d’efficacité est énorme.»

Pour créer du lien à distance, il suffit parfois d’un petit rien : organiser une
visioconférence pour mettre des visages sur les noms, créer un organigramme avec
des photos, animer des forums de discussion en ligne… Bien sûr, le contact direct est
idéal ! «La porte de mon bureau n’est pas toujours ouverte, mais j’essaie autant que
faire se peut de garder du temps pour les rendez-vous informels, indique Nicolas Gilg,
aujourd’hui responsable de développement au siège de Total. Me rendre disponible
améliore la confiance à tous les niveaux.»

Célébrez les succès avec l’équipe au grand complet

Le nouveau site Internet vient d’être mis en ligne, vous avez atteint ou dépassé
l’objectif de chiffre d’affaires de l’année ? Félicitez individuellement chacun de vos
collaborateurs, en face à face, au téléphone ou par écrit, communiquez dans le journal
interne ou l’Intranet… Organisez un pot au bureau ou invitez toute l’équipe à dîner.
Vous pouvez aussi attribuer une prime, lors d’un séminaire d’équipe. Qu’importe le
lieu : ce qui compte, c’est de se retrouver hors des murs de l’entreprise pour partager
des moments de convivialité. Sachez aussi fêter les résultats intermédiaires, pour
entretenir la cohésion et la motivation de l’équipe.

Transformez les difficultés en autant d’occasions de progrès

Crise économique, baisse de résultats, restructurations, ou changements en tout


genre, désaccords ou conflits entre personnes… la vie des entreprises s’apparente
davantage à un parcours d’obstacles qu’à un long fleuve tranquille ! La capacité à les
franchir avec brio serait même un des indicateurs de bonne santé d’une équipe, selon
Jean-Pierre Braun. «On peut parler de “vraie équipe” à partir du moment où ses
membres sont à l’aise avec les dissensions et capables d’en discuter ouvertement pour
trouver des solutions.»

De temps en temps, le manager est obligé d’intervenir et d’arbitrer un conflit entre


deux personnes. «Cela demande beaucoup d’habileté et d’énergie, mais attaquer le
problème de front est incontournable, affirme Patricia Trinquand. Lorsque deux
individus qui partagent le même bureau refusent de se parler, cela peut pourrir
l’ambiance générale.» Certaines situations nécessitent un coaching d’équipe pour
améliorer les processus de fonctionnement ou résoudre un conflit.
«Cet accompagnement dans le temps dure de quelques mois à plus d’un an, avec en
général des interventions mensuelles d’un coach extérieur à l’entreprise lors des
réunions normales de l’équipe, raconte Didier Kahn. Je me positionne alors surtout en
observateur, mais je n’hésite pas à intervenir pendant la réunion ou en dehors si cela
s’avère nécessaire.» Parfois, le manager-coach a besoin d’être coaché… Une démarche
individuelle au service du collectif.

Isabelle Gonse

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