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Tome I
Éditions AZ
Norman PALMA
Tome I
C’est par le biais du droit, de l’économie et du politique que l’homme réalise son
éthique de l’humain. Et ces moyens existent en vue d’une fin éthique qui est
L’économie est la science qui se rapporte aux systèmes des besoins entraînant,
par là, la nécessité d’une réflexion théorique fondamentale. Donc à l’heure où il est
affirmé que les économistes ne savent pas grand chose (François Mitterrand) et où la
l’humain.
l’Université de Paris VIII ainsi qu’à l’Université de Paris XII. Il intervient aussi à
l’IFOCOP et à l’ILERI.
Pour Jean-Paul DUVIOLS
Note préliminaire
Les textes qui font partie de ce premier volume intitulé Introduction à la théorie
Economique ont été écrits à la fin des années quatre-vingts et début des années
quatre-vingt-dix. C’est après les avoir relus avec beaucoup d’attention que je me suis
enfin décidé de les publier, car leur contenu me semble tout à fait actuel. La théorie
a, par définition, une dimension universelle qui lui permet d’échapper à l’usure du
temps bien que tout texte soit produit de son contexte. En effet les écrits théoriques
portent aussi l’empreinte de leur époque, ainsi que celle des obsessions sources de
leur naissance.
Pour le contexte du texte lui-même, il n’est pas inutile de rappeler que la théorie
développée ici fut exposée devant les étudiants de l’Université de Paris VIII, et à
excellence, à tel point que tout autre forme de pensée était absurde voire produite de
nécessaire de repenser entièrement cette théorie. Mais cette tentative est restée
inachevée, car elle n’est pas allée sans mal, surtout au sein d’une institution devenue
d’éclaircissement – qui fut et est pour moi une des fonctions essentielles de
l’enseignement universitaire – a été d’autant plus importante qu’alors à l’Université
de Paris IV1 je n’avais pas le droit de faire cours avec un contenu théorique. Je fus
m’avait pas donné la chance d’enseigner la Philosophie de Droit. Pourquoi ? Car cet
Bien sûr cette thèse peut paraître naïve à notre époque où l’esprit du temps
semble avoir intégré la fameuse phrase de Goethe : « grise est toute théorie et seul est
vert l’arbre d’or de la vie ». En effet cet esprit ne parle que d’échec de la raison et
soutient que l’actuel monde est le moins mauvais de tous les mondes possibles, alors
que de partout surgissent les cris de la misère et de la disgrâce dans leur plus haute
objectivation.
pour la première fois, sous la forme de polycopié à l’Université de Paris VIII2, j’ai
souligné dans son avant-propos, du 23-12-90, que ce travail faisait partie d’un projet
plus vaste. En effet après avoir remarqué le fait que ce projet m’est venu à l’esprit
dans l’automne de 1988, il y est dit : « la construction théorique dont il est question
1
Pour d’autres raisons, en rapport avec la déstructuration du monde pré-américain
2
Ce texte fut publié par Travaux et Documents dans cette université en 1997. Ce travail est sorti
très bien même s’il fut réduit, pour des raisons financières, de quelque 40%. Si les possibilités se
présentent il apparaîtra un jour dans sa version complète.
nature. Ces Introductions, à l’instar des piliers d’une bâtisse seront chapeautées par
En réalité le projet en tant que tel n’a pas varié. Simplement que me suis rendu
compte que je ne pouvais pas employer les titres ainsi que je les avais pensés. Ce fut
le cas notamment de cette théorie économique. Ceci d’autant plus qu’à l’époque les
paraître bizarre au plus haut degré. Puis il y a eu surtout le fait que cela semblait
espagnole, pas encore publié portant le titre de Teología y Politica. Ces écrits font
partie de ce pilier du politique dont il est question plus haut. Quoi que l’idéal serait
de l’Être. Quoi que la réflexion de la nature risque de prendre plus de temps pour
son élaboration que ce qu’il était prévu à l’origine, cette sorte de toiture théorique de
la cinquième partie du système, tend à prendre forme dans mon esprit. Mais son
permettre de relier l’ensemble et donner un sens à chacune des parties. Car il est
3
Editions AZ, Paris, 1999.
fonction d’une perspective axiologique. Il est, en effet, nécessaire de comprendre que
la cause du mal dans le monde n’est ni le système – en tant que dimension holistique
l’universel. C’est plutôt le contraire qui est vrai. La source du mal est plutôt
de la Justice et du Bien.
Politique4 ; où elle est conditionnée par la raison instituante, donc par la dimension
raison pratique. Ce sont des moyens qui existent en vue d’une fin :
universelle des nations. Mais c’est à travers l’économie que les besoins les plus
immédiats de l’être social s’accomplissent. Pour cette raison l’économie est en elle-
4
Aristote a insisté sur le fait que l’économie est un moment du droit, tandis que Smith a souligné
le caractère politique de l’économie.
5
Concernant l’humain elles sont essentiellement éthiques.
6
En effet il ne peut y avoir existence sans coexistence. Le fondement de cette vie sociale est le
besoin que nous avons des autres…
elle-même suffisamment parlante7. En effet on ne peut passer d’un système
produisant des valeurs d’échange à un système produisant des valeurs d’usage, sans
faire apparaître un surplus de population car le premier système est beaucoup plus
Puis dans cette expérience ce passage fut d’autant plus brutal qu’il fut présenté
et cru comme un saut vers l’abondance (le Grand Bond en avant chinois). Ce qui est
dire que le système de la reproduction simple peut permettre l’existence d’un poids
démographique très important9. Le problème essentiel que pose pour nous, sujets
façon simple, est un ordre où il y a fidélité pure par rapport à un discours fondateur.
Car dans ce monde il a reproduction simple des cadres référentiels, retour éternel du
de ce monde est l’esprit qui nie constamment comme le dit Mephistoph de Goethe.
7
Dans Le Livre Noir du Communisme (Robert Laffont, Paris, 1997) il est question de cent millions
de morts.
8
Il fut par sa logique de sécurité matérielle, et ce sans aucun doute, l’un des ordres les plus
accomplis dans cette forme de reproduction matérielle.
9
Dobyns, démographe de l’école de Berkeley, parle d’un poids entre 32 et 37 millions de
personnes.
Mais ce devenir n’est pas celui d’une illusion, ni celui de l’idéalité du mensonge.
comme le croyait Marx. Il s’agit plutôt d’un mouvement conditionné par la raison
théorique. Les grecs parlaient déjà d’un logos qui conditionne l’histoire. Toutefois
phénomène individualiste. C’est dès lors avec la convention que ce monde réalise ses
s’accomplit. Bien sûr ce mouvement est loin d’être aussi clair que l’eau de la
souligna Aristote les êtres humains devant les choses les plus simples et les plus
Ce fut aussi le cas de la crise des années Trente. C’est le cas de nos jours avec le
aussi le cas de la crise boursière que nous connaissons actuellement (mars 2001), et
décriée nouvelle économie. Rappelons, en tout cas, qu’elle est liée à internet.
Voici comment un journal tel Les Echos nous résume cet événement : « à l’instar
de la tulipe du XVI ème siècle ou les compagnies de chemins de fer du XIX ème
de bulle spéculative . Après quelques mois d’euphorie à l’automne 1999 qui allait
conduire à la Nasdaq à son plus haut historique le 10 mars 2000 au-dessus des 5000
10
Nous étudions ces crises principalement dans les deuxième et troisième parties de cet ouvrage.
niveau de décembre 1998. L’éclatement de la bulle s’est traduit par une baisse de
mars 2000, car les principales entreprises de cet indice ont commencé à annoncer
des réductions très importantes de leurs bénéfices, pour le premier trimestre 2000.
C’est ce que nous explique Christophe Jakubyszyn dans Le Monde12. Selon lui, en
pour prévenir le bogue de l’an 2000, il pouvait sembler normal que les entreprises
fassent une pause dans les achats d’équipements aux Etats-Unis et en Europe. »
De sorte que la peur du bogue de l’an 2000, va entraîner les États et les
installations, ou tout simplement à payer des techniciens pour sécuriser les machines
plus ou moins anciennes. Tout indique que les investissements français furent
connaissons.
Or c’est par rapport à ce phénomène qu’il est question de bulle spéculative. Car
11
Journal du 9-10 mars 2001, p. 34.
12
23 février 2001, p. 18.
En effet la peur de la fin du siècle ne fut pas provoquée par une quelconque
croyance apocalyptique, mais par l’idée que les ordinateurs n’étaient pas en
conditions de franchir le cap du millénaire et ceci parce que cette industrie, pour
économiser la mémoire n’avait employé que les deux derniers chiffres de l’année
depuis 190013. Les ordinateurs non sécurisés car n’étant du dernier cri ne pouvaient
être en mesure de franchir le cap 2000, soit en d’autres termes de 99 à 00. Ainsi les
machines non préparées pouvaient revenir au 00 de l’année 1900. Ce qui vaut pour
l’heure vaut également pour la date. Après 23h59, minuit est représenté par 0h00.
Elle est aussi bien la 24 ème heure que la première heure qui commence avec 0h01.
On nous a répété maintes et maintes fois que ce passage allait entraîner des
question d’ascenseurs pouvant s’arrêter partout dans le monde, d’avions qui allaient
s’écraser, des fusées russes qui devaient partir dans tous les sens, etc. Rappelons que
son armée en état d’alerte, a privé ses ministres de réveillon ainsi que le départ des
Mais tout s’est passé normalement, les ordinateurs ne se sont pas rendus compte
13
Si l’on suit le raisonnement invoqué, on disait que 00 était égal à l’année 1900. Or c’est
absurde, l’ordinateur est une machine programmée, sans états d’âmes, et ne se pose pas de
question concernant l’apparition de 00.
14
Tout indique la même chose s’est produit dans plusieurs pays.
fait partie du cœur de la machine dont on ne peut, à moins d’être un expert, en
Cette crise n’a donc pas été le produit de l’horreur de l’économie comme pensent
l’incapacité des spécialistes de comprendre les mécanismes qui sont par ailleurs
l’objet de leur pratique. Ceci de la même manière que l’endettement des pays du
tiers-monde fut le résultat d’une thèse des renversements des termes de l’échange.
Cette thèse apparue en octobre 1973 affirmait que les matières premières allaient
coûter plus cher que les produits finis, comme si le cuir façonnant la chaussure
Est-il utile de rappeler que la théorie contenue dans cette Introduction fut
l’Université de Paris VIII depuis la fin des années soixante-dix. Je tiens ici à les
Je tiens aussi à remercier Nathalie Frade pour avoir assumé le pénible travail de
Norman PALMA
PRÉFACE
Lorsque nous parlons de la théorie économique, nous nous référons d’un côté,
que l’ordre international détermine l’ordre des nations. Ceci est particulièrement vrai
De sorte que la pratique marchande repose sur l’ordre institutionnel. Lequel est,
en tant que tel, juridique. Mais cet ordre comme nous venons de le signaler se
que l’ordre institutionnel est la dimension déterminante. Qu’il s’est tout d’abord
l’époque moderne, une dimension plus vaste. Plus précisément, celle du marché
nationale qui est la plus importante, tandis qu’au niveau structurel, nous avons
affaire au rapport entre le tout et ses parties : entre l’économie internationale et celle
Smith pouvait, par exemple, réfléchir encore à l’économie nationale sans tenir
sorte, car le développement des rapports d’échange entre les nations fait que les
différentes communautés sociales sont extrêmement imbriquées les unes dans les
autres, et donc, dépendantes les unes des autres. Ceci est particulièrement vrai pour
les nations développées ; lesquelles sont, par définition, des structures ouvertes. C’est
ainsi que nous ne pouvons pas comprendre l’économie française si nous ne tenons
2
important au niveau international est celui du système monétaire. Par la suite, nous
principe, à garantir l’égalité des chances entre les nations, ou à promouvoir les
systèmes de préférences.
Cela dit, il est essentiel de comprendre que les institutions sont le produit de la
convention et que les sujets de cette pratique sont, au niveau international, les États.
veut précisément que l’égal soit traité en égal. En d’autres termes qu’entre égaux
sorte qu’elles puissent assurer non pas l’avantage des plus forts par rapport aux plus
faibles, mais puissent assurer l’égalité des chances au niveau des échanges dans la
que les États sont les sujets de cet ensemble et qu’ils sont, par principe, sur un pied
d’égalité.
qu’il est convenu d’appeler une utopie. Mais le but que pose cette communauté
l’échange, entre les nations. Il est, par conséquent, important de comprendre que cet
ordre n’est pas le produit du hasard, mais celui de la volonté réfléchie. Les membres
Il s’avère ainsi que l’économie n’est pas le produit des forces aveugles comme on
possède deux dimensions essentielles. D’une part, celle qui se rapporte au droit privé
Or, si nous considérons cet aspect du droit, nous nous rendons compte que son
sécurité dans ce rapport, selon cette dimension. De sorte que lorsqu’il y a vice de
forme ou défectuosité dans la chose achetée, ou si elle ne correspond pas à ce qui est
demandé, il est clair que l’acheteur peut toujours demander réparation ou porter
plainte. Dans ce dernier cas, le rôle du juge est, comme nous le savons, celui de
but se présente comme un devoir-être. Il s’agit d’une part, de créer les conditions
entre les nations. Comme nous le savons les États ne remplissent pas toujours de
telles finalités.
Quoi qu’il en soit, une des finalités essentielles de l’État est celle de garantir la
stabilité des poids et des mesures. Comme on le sait ce but a été généralement atteint
par les différentes formations sociales qui se sont succédées dans l’histoire en ce qui
impliqué non pas cette pratique de la garantie, mais plutôt l’unification de ces
instruments. Dans le cas de la France on sait que ce but va être atteint avec
Mais, parmi les instruments de mesure nous en avons un qui tend à échapper à
lorsque l’État pervertit la valeur de la monnaie, il ne remplit pas le rôle éthique qui
est le sien. Le résultat de sa politique sera, dans ces circonstances, celui de perturber,
voir d’obstruer, la production matérielle du social. Créant ainsi les conditions de son
communauté sociale.
Le droit public crée aussi - par les formes de prélèvement qu’il institue, ainsi que
reproduction. Ainsi cet ordre institutionnel est le produit du droit. Plus précisément,
de la raison instituante.
pas uniquement au niveau des nations, elle se projette aussi au niveau international.
Il s’avère ainsi que chaque communauté sociale crée selon son niveau de conscience
éthique son propre ordre institutionnel. Ceci car, comme il est dit, chaque peuple a le
gouvernement qui lui correspond. Bien évidement, nous avons affaire ici à un
phénomène d’ordre historique. Les peuples changent avec le temps. Ils peuvent, dès
substance éthique de l’humain, ou un ordre qui le soit moins. En tout état de cause
Or, l’institution qui nous intéresse le plus ici, est celle du Système Monétaire
International (SMI).
C’est, en effet, cet ordre qui conditionne non seulement le marché international,
selon une logique asymétrique, il est évident qu’il y aura des nations qui vont être
avantagées par rapport aux autres. Le problème que nous connaissons actuellement
- et cela depuis 1971 -, est que la logique asymétrique gouverne le rapport entre les
nations. Cet état des choses est la conséquence du fait qu’une nation15 détient le
les biens du monde sans aucune contrepartie réelle, et d’honorer ses dettes avec du
simple papier.
Cela dit, il résulte de ce qui vient d’être exposé, que la théorie économique sans
la prise en compte des ordres institutionnels - dans lesquels cette activité est inscrite -,
est une simple formalisation. On peut par exemple, établir la relation quantitative
entre une offre et une demande solvable donnée, mais ce niveau du marché ne peut
pas rendre compte de la totalité du phénomène dont il s’agit : l’existence d’un ordre
conscient du fait que la théorie implique une saisie totalisante des phénomènes réels.
Les modèles formels et mathématiques sont ainsi pris comme étant la synthèse
même du réel. Donc plus importants que la réalité elle-même. Le savoir strictement
15
En l'occurrence, les États-Unis.
6
formel, sans contenu social effectif, est devenu ainsi l’exposition même du savoir dit
scientifique.
que le jeu présuppose les règles du jeu, de la même manière les rapports de
l’offre n’est pas conditionné par les besoins en tant que tels. En effet, dans une
structure marchande, celui qui n’a pas d’argent16 ne peut pas satisfaire ses besoins.
Pour cette raison nous disons que la demande globale est conditionnée par l’ordre
est d’autant plus forte que le crédit est abondant et bon marché, tandis qu’elle tend à
international ne dépend pas uniquement des forces aveugles - comme sont les
16
Ou du crédit. Donc, en dernière instance, des possibilités d'avoir de l'argent.
7
niveau de la raison pratique contenu dans les institutions et exprimée par ceux qui
sont en charge des ordres institutionnels correspondants. Cela dit, on peut soutenir,
que les nations sont sujets de leur destinée économique, et donc que la communauté
raison ? Aristote avait déjà signalé le fait que le bien être de la cité n’est pas une
pour sa part, que l’économie politique est un discours adressé au Prince pour lui dire
que ce n’est pas lui qui nourrit le peuple, mais que c’est plutôt le peuple qui lui
considérait que l’économie politique se propose deux buts : d’une part mettre le
l’autre fournir à l’État un revenu suffisant pour le service public. De sorte que les
membres de la société civile doivent être capables aussi bien de se procurer leur
Ainsi, l’État est riche et puissant si la société civile l’est aussi. Mais, la société
civile ne peut pas l’être si l’État ne crée pas les conditions nécessaires au
développement des échanges. De telle manière qu’un peuple gouverné par un État
parasitaire et qui pille la société civile ne peut être qu’un peuple misérable en son
immense majorité. Par contre, un peuple qui est gouverné par un État qui a comme
but de son action le bien être général, ne peut qu’avoir une société vivant dans la
Il se pose dès lors la question de savoir : quel est l’ordre qui garantit aux
savoir, au point de départ, s’il est plus rationnel d’être gouverné par l’homme le
meilleur ou par les lois les meilleures. Cette question, comme on le sait, se trouve à la
est clair que le but de la raison est de créer un ordre objectif capable d’assurer,
Cela dit l’idée selon laquelle l’être humain est capable de déterminer sa destinée
à partir de sa propre raison, implique le fait qu’il est capable de créer un ordre
objectif susceptible d’assurer et promouvoir le bien être de tous. Or, nous savons que
dans sa production normative l’être humain produit un ordre objectif qui est le
support concret de son existence social. Cet ordre, comme on le sait, est capable de
promouvoir son bien être, comme son contraire. L’expérience des temps actuels
nous montre, en effet, jusqu’à quel point les communautés sociales peuvent
construire des ordres institutionnels capables de les conduire vers leur propre
Que l’humain est capable de conditionner sa propre destinée, voilà ce qui est
contenue en puissance, dans sa dimension rationnelle et qui est en plus son but
éthique. - Il ne s’agit pas ici de signaler la nécessité d’un projet messianique. Le but
l’action d’un être supérieur. Ce but ne peut être que le résultat de la raison pratique,
qu’un tel rapport. Certes, Marx parle de ces exigences. Il reprend, par exemple,
moralité objective dont parle Hegel. Plus précisément, par la négation de ce qui
valeurs d’usage, des biens destinés à leur propre consommation, est susceptible de
conduire au règne de l’abondance. Une telle pensée peut bien avoir la prétention à la
politique. Cela dit, cette finalité a pour nous un contenu éthique fondamental, car ce
qui se réalise, dans ce devenir, c’est la justice sociale. Plus précisément, le fait que
Ce discours éthique peut paraître problématique à tous ceux qui sont habitués à
compte du simple fait que l’activité économique a pour but la production de valeurs
conséquent, la théorie économique fait partie de la théorie éthique. Ceci est d’autant
plus vrai que cette activité implique comme nous l’avons souligné, une production
17
Certes, il est, toutefois, évident que le gangstérisme et la criminalité produite par cette pratique
idéologique, n'ont pas pu ne pas être conscients de leur malfaisance. Car, nier cette conscience,
c'est nier que l'être humain est capable d'avoir l'intuition du bien et du mal. Ceci indépendamment
du fait que cette idéologie possède la force de transmuter les valeurs. Milovan Djilas dit à ce
propos : aucune forme de pouvoir ne peut susciter une extase comparable à celle du
communisme. C'est dû au fait que, dans un régime communiste, les dirigeants possèdent
simultanément l'autorité et la certitude idéologique d'avoir raison : chaque fois qu'ils consolident
10
de la justice dans le social. On ne peut pas, en effet, concevoir un bien-être social s’il
n’y a pas un niveau suffisant de satisfaction des besoins matériels des membres de la
dite communauté.
politique. C’est précisément la convergence dans l’éthicité de ses trois niveaux qui
elle ne se réalise pas à l’intérieur d’un cadre normatif capable de faire en sorte que
l’État puisse exister non pas en vue de sauvegarder les intérêts de ceux qui
Sans ce cadre éthique, il est tout à fait clair que l’activité économique tend à se
manifester comme une pratique destinée à satisfaire, en priorité, les besoins et les
intérêts de ceux qui dominent. Nous trouvons la plus haute manifestation de cette
perversion, par les temps qui courent, en ce qui concerne les communautés sociales,
dans le cas des pays dits du tiers monde et des pays se trouvant dans le socialisme
En effet, l’observation la plus simple nous permet de saisir que les pays qui
jouissent du niveau de vie le plus élevé, sont ceux où l’ordre institutionnel assure le
minimum de moralité nécessaire à l’existence sociale. Ceci ne veut pas dire, comme
universelle s’est réalisée dans ces sociétés. La finalité axiologique du social est un but
leurs privilèges personnels et renforcent la répression, ils se persuadent qu'ils servent des intérêts
supérieurs. Guy Sorman, Les Vrais penseurs de notre temps, Paris, Fayard, 1989, p. 212.
18
Cas du clientélisme et de la corruption généralisée du pouvoir.
11
lutte pour la justice au niveau des nations, mais aussi la lutte au niveau de la
négation des mécanismes objectifs, le monde actuel semble s’acheminer vers une
ne peut pas y avoir de transformation viable et saine si elle n’est pas faite en
De toutes les sciences humaines, c’est probablement l’économie qui s’est le plus
si les horreurs les plus grandes des temps modernes ont été réalisées et sont réalisées
économique est une des nécessités les plus urgentes de notre moment historique.
ce qui est, il est aussi un moyen en vue d’accomplir la finalité éthique de l’humain.
Plus précisément, la création d’une communauté d’égaux en vue de bien vivre. Dans
d’abord, comme étant celle de la société des nations, pour ensuite se manifester au
Pour ce qui est du rapport entre l’être et le devoir-être de l’économie, il est clair
fait que sécréter misère et disgrâce généralisées. Mais, la transformation d’un tel
Pour ce qui est du devoir-être, il est à rappeler que pour certains le but
axiologique de l’État, est celui de partager d’une manière égalitaire l’ensemble des
source de cette vision du monde, à l’idéalisation de la figure du père juste, telle que
nous la trouvons véhiculée depuis la nuit des temps par la moralité domestique. En
effet, selon cette idéalité, la justice est incarnée dans la figure du père juste. Lequel
réparti ses biens selon un critère de pure justice. Suivant, précisément, le principe de
La radicalité de cette vision du monde donne un ordre qui est très proche de
sociales et les répartit entre les membres de la communauté sociale, selon un critère
d’égalité. Cette vision de l’ordre éthique du social ne peut dans la pratique que
essentielles : premièrement, parce que la chose publique est l’ensemble des richesses
19
Nous étudions cette problématique d'une façon plus précise au chapitre 4, "État et Société
Civile".
13
mises à la disposition de ceux qui contrôlent l’État, et deuxièmement, parce que les
En ce qui concerne le premier point, le problème qui se pose dans la pratique est
le fait que ceux qui contrôlent le pouvoir sont ceux qui se servent les premiers. La
problématique.
publique, cette vision du monde est, par conséquent, pour le critère de l’égalité. Or,
comme on le sait, tous égaux du point de vue des besoins. De plus, les besoins sont
même chose pour un adulte ou pour un vieillard. Ceci sans parler des maladies
Pour ces raisons Marx lui même se prononce contre le principe de l’égalité dans
la distribution de la chose publique. En effet, il faut tenir compte que la justice veut
que l’égal soit traité en égal et l’inégal en inégal. De là que la distribution ne peut se
distribuer les richesses destinées aux aides sociales20 selon le critère des besoins et non
20
Ce qui est pour nous le budget de la sécurité sociale.
14
Donc, à chacun selon ces besoins et non pas à tous la même chose. - Il faut
rappeler, à ce propos, qu’en France les allocations familiales sont réparties selon le
critère de l’égalité. Ces allocations sont données selon le nombre d’enfants et non pas
selon le critère des besoins. De sorte que ces prestations sont accordées aussi bien aux
femmes qui ont de l’argent, qu’à celles qui n’en ont pas.
qu’aggraver les inégalités sociales. Elle est donc contraire à toute finalité éthique. On
peut, dès lors, à partir de cet exemple, dire que la perversion ne se trouve pas
aussi dans les inégalités sociales qui sont à la base. De plus, force est de constater que
niveau de l’être. C’est la raison pour laquelle cette répartition ne peut se faire,
Pour ce qui est de cette autre partie de la chose publique que nous appelons le
veulent que les postes ne soient pas attribués selon le principe de l’égalité, ni selon
celui des préférences subjectives, mais selon celui des capacités. Il s’agit, par
conséquent, d’attribuer ces postes à ceux qui par leur capacités sont susceptibles de
contribuer, de la manière la plus efficace, au bien être général. S’il s’agit, par
exemple, de construire un bâtiment public, il est évident que la réalisation d’une telle
œuvre ne peut pas être confiée, selon la raison axiologique, au premier venu, ni par
De sorte que la chose publique ne peut pas être distribuée ni accordée, selon une
chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ! », correspond précisément à
15
rapporte à ce qui est pour nous le budget de la sécurité sociale, tandis que le critère
entre l’État et la société civile ne s’épuise pas dans cette question de la répartition de
Ces différentes questions que nous abordons tout au long de ce travail21, nous
renvoient à la problématique essentielle qui est celle de savoir : quelle doit être la
que seulement une simple partie soit en propriété privée ? Ou, doit-on considérer
axiologique de l’État n’est pas de produire des biens, mais de produire un droit juste.
En ce qui concerne le premier point, il faut être conscient du fait que nous ne
lui-même. En effet, de même qu’il ne peut y avoir de société civile sans État, de la
21
Voir aussi notre Introduction à la Théorie et à la philosophie du Droit, Textes et Documents,
Université de Paris 8, 1997.
22
La diversité, la pluralité et la division font parties du mode d'être phénoménal du social.
16
Une fois posée la nécessité de ce rapport, il est urgent de comprendre que l’État
a une fonction éthique dans le social. Son rôle axiologique n’est pas, comme nous
juste. Mais, pour que l’État puisse jouer le rôle axiologique qui est le sien, il est
l’État se produit avec ce que nous appelons l’État de droit23. Lequel présuppose un
garantit la liberté des individus. Donc, la libre circulation des personnes, des idées et
du social. En effet, il ne faut pas oublier, à ce propos, que l’État est cette puissance
qui détient le monopole de la force légitime. Il est donc capable, dans sa non
Cela dit, l’État de droit crée les conditions de la régulation de l’espace du pouvoir
concrète dans le principe de l’alternance pure. Plus précisément, par le fait que
par une minorité donnée. Car la propriété commune ne peut pas être, par définition,
23
Aristote disait déjà à ce propos que "la cité est constituée en vue d'empêcher les injustices
réciproques et de défavoriser les échanges". La Politique, 3, 9.
24
De l'élite politique et de l'élite administrative.
17
Le problème principal est que le suffrage universel légitime ceux qui accèdent au
pouvoir, mais non pas ce qu’ils en font. Par conséquent, le système électoral ne
la pratique du pouvoir.
Cela dit, pour ce qui est de la transformation sociale, il est important de retenir
qu’il s’agit avant tout d’un changement institutionnel, non pas en vue de produire la
régression et la disgrâce, mais avec la finalité d’accomplir le social dans le sens d’une
perspective axiologique. Il s’agit dès lors, pour nous, de conduire aussi bien au
injustes entre les individus, les groupes, les communautés et les nations.
pratique, en tant que produit de la raison axiologique. Hegel nous a déjà signalé le
fait que le savoir théorique nous apprend que la raison peut gouverner l’Histoire.
Mais jusqu’à présent cette puissance universelle s’est présentée sous la forme des
croyances, des idéologies et des idées. Il s’agit, par conséquent, de faire en sorte que
l’humain puisse en fin assumer rationnellement sa propre destinée. Cette finalité est
le but principal de la raison axiologique, car c’est seulement ainsi que l’humain
18
pourra se concilier avec lui-même et assumer dans la plénitude le sens même de son
Chapitre 1 : L’Échange
1) La catégorie de l’échange
l’animal par le fait qu’il produit, essentiellement, ce dont il a besoin. Ces besoins se
situent, d’une manière générale, à deux niveaux : ils sont d’ordre matériel et d’ordre
culturel. Il ne s’agit pas d’établir ici une séparation nette entre une dimension et
Cela dit cette différence nous permet de souligner le fait que l’être humain ne
produit pas uniquement, comme on le sait, des biens matériels, il produit aussi des
nature, il tend à la transformer. Le cru tend à devenir cuit. Mais cette transformation
comme dans celui de la transformation des choses. Cet acquis est ce que nous
avons affaire, d’une manière générale, au rapport simple entre la production et les
communauté, dans les relations au sein d’elle-même et par rapport à son monde et
que nous appelons des biens ou des valeurs. L’être humain est ainsi un producteur
de valeurs. Par rapport à ces valeurs, les besoins sont différenciés. De sorte que plus
un bien est nécessaire, plus il est estimé : plus il a de la valeur pour le sujet du besoin.
relation directe à la rareté. Tout ce qui est rare est cher disait Aristote. Cela veut dire
- selon le niveau de la conceptualité dans lequel nous nous trouvons - que ce qui est
l’humain, en ce qui concerne son activité productrice, est celui de surmonter les
conditions de la rareté naturelle. Cela dit c’est en vue de satisfaire des besoins que
l’activité productrice se réalise. Mais ces besoins ne sont pas uniquement de l’ordre
communauté renvoie ici aussi bien à la sphère immédiate qu’à la sphère générale de
l’humain. De sorte que le sujet des besoins peut se situer aussi bien au niveau
Ce qui soutient la communauté humaine, quelque soit son niveau, c’est le besoin
que nous avons les uns des autres. Ce besoin est, pour ainsi dire, la puissance
ce propos que l’être humain n’est pas un animal destiné à vivre dans la solitude,
mais à vivre en communauté. Pour cette raison, disait-il, l’échange est consubstantiel
à la vie en communauté. En d’autres termes, il ne peut pas y avoir de vie sociale sans
échange.
21
rapports entre les êtres humains. C’est ainsi, qu’il y a de l’échange au niveau de
l’amour, comme de l’amitié. Et l’amour et l’amitié sont des biens, donc ce dont l’être
humain a besoin de par sa nature même. Cela dit, l’échange qui nous intéresse ici
essentiellement, est celui qui se situe au niveau de la choséité. Donc, des biens
communautés explique le fait que toutes les formations sociales ont essayé de régler
qu’entre égaux l’échange soit égal, tandis qu’entre inégaux l’échange soit inégal.
L’égalité dont il est question ne peut être qu’une égalité proportionnelle. Elle se
situe, par conséquent, au niveau de la valeur. Car, l’échange purement égal ne peut
exister entre des choses dissemblables. Or, c’est essentiellement à ce niveau que se
réalise l’échange.
L’échange inégal est celui qui est médiatisé par la hiérarchie sociale. Dans
simples et l’Unité supérieure25. Il se réalise aussi, d’une manière plus conforme aux
généralisé. Les citoyens sont les sujets de l’État. Or l’État, en tant que détenteur de
constituer et pour redistribuer la chose publique. Dans cette relation nous avons
affaire à un échange inégal. Selon la logique de cette relation, l’État est censé donner
plus que ce qu’il reçoit26. Lorsque cette logique est inversée, nous avons affaire à un
communauté, mais pour qu’il soit viable il est nécessaire qu’il soit conforme aux
principes. Ces principes sont le produit de la logique des valeurs. Ils sont en tant que
parlé de principes de l’économie, mais ils n’ont pas pris suffisamment conscience de
la charge axiologique de cette catégorie. Plus précisément du fait, que parmi les
valeurs produites par l’être humain, il n’y a pas que celles qui sont destinées à
production normative se trouve elle même inscrite dans la production générale des
valeurs.
Cela de telle manière que les valeurs d’ordre universel priment sur les valeurs
d’ordre particulier. De même que les valeurs englobantes priment par rapport aux
valeurs immédiates. Certes, l’être humain a besoin de pain ; mais, il est très
important de comprendre que cette production se réalise au sein d’un ordre donné. -
Nous appelons cet ordre soit communautaire, soit social27. L’ordre communautaire
est celui qui n’est pas fondé sur l’individualité, mais plutôt sur les communautés
25
Nous employons ce concept dans le sens que Marx lui a donné : l'État dans les grandes
structures communautaires.
26
Il procure de la sécurité juridique et il reçoit de l'argent, par le biais des prélèvements
obligatoires.
27
De ce point de vue, nous maintenons la différence essentielle qu'introduit Tönnies entre
communauté et société.
23
simples. L’ordre social, par contre, est celui qui est fondé sur un niveau plus ou
d’une production normative donnée. Cette production normative est dans le cas de
l’économie le droit objectif. Cette juridicité est à son tour conditionnée par une
règne des valeurs. Plus précisément, le ce par-quoi l’humain satisfait ses besoins.
ordre institué, tandis que les principes sont les présupposés. Il y a des principes qui
au sein d’une normativité produite par l’éthique familiale. Par contre l’économie se
réalise au sein d’une normativité produite par un niveau plus ou moins accompli de
L’activité matérielle est une pratique et implique, quant à elle, une connaissance
connaître les techniques de son domaine, qui comme on le sait, sont multiples et
connaissances concerne aussi des activités infiniment plus simples, comme celle du
monde grec, l’économie avait comme sujet le foyer. Ce foyer implique : le chef de
famille, sa femme, ses fils célibataires ou mariés, ainsi que les esclaves et les enfants
des esclaves. Le chef de famille était le seul sujet de contrat28. Donc, en dernière
instance le seul sujet de l’échange, parce que seul sujet de droit. L’ « homo
morale. Les rapports d’échange entre ces sujets sont comme nous venons de le
principes et s’objective dans des catégories qui sont les résultats de ce système des
besoins29.
28
Il faut rappeler à ce propos que ce sujet de droit était en principe sujet de la cité, le citoyen. Les
autres membres de la famille n'avaient pas de droit, ils n'avaient que des devoirs envers le
seigneur de la maison. Ce que veut dire qu'ils avaient autant de droit que les esclaves et que les
animaux domestiques.
29
Par ce concept, Hegel exprime le simple fait que tout système économique est en dernière
instance un ordre dans lequel une communauté sociale satisfait ses besoins. Á ce propos,
comme on le sait, il y a des systèmes qui privilégient les besoins de ceux qui gouvernent, tandis
qu'il y en a d'autres qui se proposent de satisfaire le bien être général.
25
domination de cet ensemble sur les communautés sociales particulières. Nous avons
là, par conséquent, affaire à une totalité qui présuppose un ordre institutionnel et où
les sujets sont en dernière instance les États. Lesquels se situent, selon les principes de
que par delà la logique de l’échange au sein des communautés sociales, se situe le
rapport de l’échange international. Au sein de cette totalité, seul est légitime et viable
l’échange selon les principes de l’égalité proportionnelle. -De ce point de vue, il est
viabilité d’un ordre donné ne corresponde à son exigence axiologique que s’il est
conditionner son existence, est un savoir limité par les mécanismes du marché.
Donc, par la simple circulation des valeurs au sein d’un ordre donné, lequel tend à
être considéré comme immuable, comme donné une fois pour toutes. Il manque dès
lors à cette perception la conscience du fait que l’ordre normatif est lui même un
l’échange élargi. L’échange simple est le rapport direct de bien contre bien. Nous
employons aussi, à ce propos, le terme de troc. L’échange élargi est, par contre, celui
l »individuation n’existe pas encore. La production pour l’échange n’y est pas le but
26
famille. Plus précisément, les biens produits sont destinés à satisfaire les besoins
immédiats des producteurs et de leurs familles. C’est le surplus qui s’y échangeait,
De sorte qu’entre égaux l’échange ne pouvait être que proportionnel. Cette égalité
pratique traditionnelle.
très souvent un bien de consommation courant, comme les céréales, le sel, etc., ou
des biens destinés à la parure, comme les coquillages, et les plumes, etc. Il est
s’agit pas d’une monnaie à proprement parler, car ce référentiel n’est pas un moyen
cas des biens dont le rapport quantitatif n’est pas réglé par la pratique traditionnelle.
Ce référentiel est dès lors, un instrument de mesure, permettant d’évaluer les biens.
Mais d’une manière générale la pratique du troc ne comporte pas le rôle du moyen
terme de l’échange. Cela n’a pas exclu, toutefois, le fait que ce référentiel ait pu
jouer, d’une manière marginale, un rôle monétaire. Dans les centres urbains des
pour l’échange n’est pas une dimension dominante. Par contre, dans l’univers social,
27
instrument de mesure garantie par le pouvoir apparaît comme une nécessité. Cela
car il s’agit d’un rapport entre égaux. Il est important de tenir compte du fait que
cette simplicité dans l’échange est possible grâce au fait d’un côté, du caractère
limité de l’échange, et de l’autre, parce que les besoins n’y sont pas diversifiés. En
Mais cette étroitesse de l’échange et des besoins n’exclut pas comme nous l’avons
surmonter précisément le côté arbitraire des relations entre les subjectivités. Cette
régulation comme nous l’avons vu est donnée, dans le règne de la communauté, par
la coutume.
l’univers communautaire. L’échange peut être aussi inégal. Mais cette forme de
l’échange ne se produit pas entre égaux, il est plutôt le résultat du rapport entre
inégaux. Cette inégalité est le résultat de l’ordre communautaire. En tout cas, elle
principe de l’inégalité s’impose. Mais, cette inégalité est faite de telle sorte, que ce qui
est donné par le puissant a toujours plus de valeur, que ce qui provient du
30
À cause précisément soit de l'investissement subjectif, soit du narcissisme et de l'égoïsme ou
ordinaire.
28
valeur moindre que le don. La valeur n’est pas ici une détermination objective, elle
dans l’échange. En effet, selon ce principe, l’échange doit être conforme à l’égalité
proportionnelle. Dans le cas de l’inégalité, il est nécessaire que le puissant - celui qui
a accès à plus de biens - donne plus que le faible. Le cas contraire est précisément ce
qui n’est pas conforme à la proportion raisonnable, et serait, dès lors, injuste. Plus
précisément l’échange entre égaux serait alors inégal et entre inégaux l’échange
serait égal, voir disproportionné à tel point que le puissant donnerait moins que le
faible. Dans ces conditions, comme on peut aisément le comprendre, nous avons
égaux l’échange doit être égal et inégal entre inégaux. Mais, l’inégalité dont il est
question doit toujours se manifester dans l’échange de telle sorte que le puissant doit
Par delà le problème du « logos » des catégories, il est important de tenir aussi
premier ordre. C’est en effet, par le biais du don et de l’offrande que les biens
tendent à circuler au sein des grands ensembles communautaires. Ainsi, les biens
chaque fois qu’une autorité inférieure (le chef d’un village, ou d’une communauté
agricole) rendait visite à une autorité supérieure, elle lui offrait les biens propres à sa
localité. Par contre, cette autorité pouvait recevoir en contre partie de son don, une
29
offrande venant d’une région autre que celle où se trouve établie l’autorité
supérieure. C’est ainsi que beaucoup de biens circulaient là où ils étaient rares. Le
Cela dit, ces formes de l’échange existent aussi au sein de l’univers social. D’une
manière générale l’échange égal est celui qui a lieu à l’intérieur de la société civile,
comprendre que ce monde implique la réalisation d’un certain niveau d’égalité entre
les membres de la société civile. Le minimum est ici l’égalité juridique, pour ce qui
première se situe sur le même pied d’égalité que toute autre pour ce qui est du
sein de l’univers social, il s’est avéré nécessaire de trouver une mesure commune, ou
formelle des sujets de l’échange et puis le fait de l’existence d’une mesure commune.
L’ensemble de ces conditions, n’est pas d’ordre naturel. C’est la raison instituante
qui crée les conditions de l’échange égal, car entre égaux l’échange ne peut être que
pas le résultat d’une institution quelconque, mais le produit même de la nature. Les
sujets de l’échange y sont, en effet, des frères, des cousins. En tout cas, de proches
parents.
Or, comme on peut aisément le comprendre, cette proximité dans les liens
familiaux ne peut exister dans une communauté plus vaste comme la cité. À
Plus précisément, de l’émigration interne au sein d’une culture donnée. Cela fait que
des êtres provenant de régions différentes - les métèques (« meta oikos ») : ceux dont
les foyers se trouvent dans un ailleurs plus ou moins distant -, s’installent dans un
même espace : la cité. Cet afflux crée non seulement une extranéation de plus en
plus importante au sein de la cité, mais aussi le fait que les besoins sont de plus en
besoins sont semblables, nous avons affaire dans le cas de la cité à des besoins de
biens, destinés à satisfaire ces besoins. Dans ces conditions, comme on peut aisément
d’instituer une mesure commune, capable de mesurer les biens les plus différenciés,
monnaie permet ainsi de connaître le prix des biens et des services31 et ainsi de
31
À proprement parler, le concept de biens et services est une redondance, car les services
correspondent à des besoins et sont, par la même, des biens.
31
cette proportionnalité.
En effet, tout d’abord, il y a le fait que le prix est une catégorie objective au sein
d’un marché donné. Cette objectivité est, quant à elle, le résultat du rapport entre les
surtout dans le monde traditionnel. Chacun est ainsi poussé, par son propre intérêt,
meilleur rapport qualité prix. La satisfaction des besoins et les moyens les plus
adéquats pour les satisfaire, crée ainsi une multiplicité de relations qui constitue le
elle même, car une marchandise peut avoir un défaut qui peut ne pas être décelable
à première vue. En d’autres termes, l’acheteur peut bien subir une mystification de
la part du vendeur. Dans ce cas, l’acheteur peut toujours engager un procès contre le
vendeur. Le rôle du juge étant, dans ces conditions, celui de rétablir l’égalité
peut être prouvée - trompé son client. Violant ainsi le principe de la proportionnalité
dans l’échange ; lequel, comme nous l’avons souligné, maintient et garantit la vie
sociale.
dans la société, comme cela est le cas dans la communauté. L’étroitesse des biens
familiaux, dans un monde où la famille est le support même de l’existence, est, dans
tandis que dans l’univers social cette garantie dépend de son ordre institué. La
Cela dit pour ce qui est l’échange inégal comme nous venons de le souligner, il
forme rituelle de l’échange inégal tel que nous le trouvons dans le règne de la
niveau d’individuation. De sorte que cette pratique ne joue pas de rôle significatif
dans l’univers social. En effet, les corporations, ou leur résidu, peuvent faire des
République –, et recevoir en échange des dons, mais ces échanges ne jouent pas un
Par contre, dans le rapport entre les membres de la société civile et la chose
publique, nous avons affaire à un échange inégal qui joue un rôle de premier ordre.
manière particulière, les honneurs, les fonctions et l’aide publique. Lesquelles valeurs
sont, en principe, plus importantes que celles qui font parties de la contribution
redistribution proprement dite, par les critères des besoins et des capacités. C’est en
fonction des besoins que les aides publiques doivent être accordées. De la même
33
logique castifié de l’unité supérieure. C’est donc dans et par le don et l’offrande que
produit des biens par rapport aux besoins. Mais, cette production n’est pas
satisfaire les besoins des autres. Lorsque l’altérité est celle de proches parents
l’échange trouve, comme contre-partie, des biens qui ne sont pas strictement
matériels, tels l’affection et les sentiments. Par contre, lorsque l’altérité est un être
Pour ce qui est de la production, il est important de tenir compte du simple fait
que cette activité se réalise au sein d’une collectivité et est conditionnée par elle.
d’autres termes que toute production tend à satisfaire des besoins. Lesquels, il faut le
32
Comme on sait, la langue anglaise emploie le terme de "civil servent" pour appeler les
fonctionnaires.
34
les besoins à satisfaire sont conditionnés par la collectivité. - Nous entendons par
collectivité ici, aussi bien la communauté dans le sens strict du terme que la
Cela étant dit, il est très important de comprendre que la production de valeurs
seulement des valeurs d’usage, car dans sa solitude il n’a personne d’autre avec qui
échanger. Il est de même pour Robinson Crusoé dans son île, quelque ait été sa
Par conséquent, tout ensemble humain produit des valeurs d’usage et des
valeur d’échange-, s’extériorise dans le fait que la production des valeurs d’usage est
même. Cela veut dire, par conséquent, que les valeurs d’échange sont marginales
communautaire, deux formes de reproduction matérielle : d’un côté celle qui est
assurée par la famille élargie, et de l’autre celle qui est assurée par la famille
monogamique. Dans le premier cas nous avons affaire au modèle dit du village
africain, dans le second nous nous référons au modèle dit inca. -Il est à remarquer, à
ce propos, que nous trouvons ces deux formes de reproduction aussi bien au sein des
matérielle monogamique, pour ce qui est du travail de la terre, existait dans le cas
nord. Cela dit, tout indique que le système familial élargi, comme sujet de la
claniques.
Cela étant signalé, il est essentiel de comprendre que l’échange, sous la forme du
troc, était plus important dans les systèmes monogamiques que dans les systèmes
des familles élargies. À l’intérieur de ces structures, chaque famille cultivait, dans le
lopin de terre qui lui était attribué, d’une manière générale les mêmes choses et
valeurs d’échange ne pouvait pas être le but essentiel de l’activité matérielle. Au sein
des communautés simples, cette activité ne pouvait être que marginale lorsque,
élargie.
dans ses différents niveaux, de la même manière. Il a été constaté, en effet, que la
simples ; par contre cette forme de valeur tend à s’extérioriser comme catégorie
importante au niveau des centres urbains et plus particulièrement entre les grandes
formations communautaires.
Dans ces structures, les centres urbains étaient les lieux du pouvoir religieux.
manifester le marché, sous une forme non encore accomplie. En effet les centres
urbains vont devenir des espaces marchands, dans le sens strict du terme, avec
l’apparition de la cité : de la « polis ». Le fait est que les ethnologues ont constaté en
encore accompli. C’est ainsi que le référentiel y tendait à devenir un moyen terme de
l’échange. Mais, c’est au niveau du marché à longue distance -comme l’a signalé
C’est donc au niveau de cette forme d’échange que le marché et les premières
commerce à longue distance, était pratiquée par des petites communautés vivant en
marge des grands empires. Ce fût les cas notamment des Phéniciens et plus
précisément de villes comme Sidon, Tire et Almina. Cette activité pouvait aussi être
le domaine de certaines castes très fermées, comme les pochtecas chez les Aztèques
et, dans une moindre mesure, des Banias dans le sous-continent indien. -On peut
précisément, entre le onzième siècle et le début de la guerre de Cent Ans : avec les
Foires de champagne.
avons affaire ici à une catégorie sociologique qui va être, de par son historicité, tout
d’une structure de base : chaque foyer indépendant (« ikos ») échange avec les
autres par le biais de la normativité (« nomos »). En d’autres termes, les sujets de
même dans un monde comme le nôtre. C’est ainsi que, d’une manière générale, au
sein de notre société, nous continuons à nous faire nos repas et à réaliser à l’intérieur
de notre foyer des activités non-marchandes. Bien évidement, plus une société est
riche plus ses membres sont en mesure de payer des activités que, dans des
Il s’avère par conséquent, que le rapport des valeurs d’usage et des valeurs
d’échange est toujours présent dans la vie sociale. Mais ces catégories ne sont pas
données d’avance. C’est ainsi que ces valeurs sont tantôt en puissance, tantôt en
acte. Dans certains cas nous pouvons constater un mouvement de passage de l’un à
Pour expliquer ces catégories de la puissance et de l’acte, par rapport aux biens,
nous devons faire appel à quelques exemples. Supposons le cas du paysan avec son
par exemple, qu’il produit deux sortes de poules : les unes étant destinées à sa
consommation et à celle des siens, tandis que les autres sont destinées à la vente.
33
Rappelons que cette thèse fut reprise par des théoriciens comme K.Polanyi et F. Braudel.
38
Notre personnage produit ainsi des valeurs d’usage et des valeurs d’échange.
Mais, dans la réalité ces catégories sont seulement en puissance. Car il se peut
qu’une maladie apparaisse dans le poulailler. Dans ce cas, nous pouvons dire que les
consommation de son producteur peut être vendue. Le cas inverse peut également
se produire. Par exemple, le fait que le producteur soit obligé de consommer une
partie plus ou moins importante de sa production, parce qu’il n’arrive pas à l’écouler
destruction des biens. En effet, dans une telle situation, il est moins onéreux pour les
Pour les biens durables nous pouvons constater le passage d’une catégorie de
valeurs à une autre. C’est ainsi qu’un bijou peut être valeur d’usage après avoir été
valeur d’échange, pour redevenir par la suite valeur d’échange et ainsi de suite. Cela
dit, il est évident, comme l’a signalé Aristote que les biens sont produits en vue de
conditionnée. En d’autres termes la finalité d’un bien est la satisfaction des besoins,
et l’échange est la médiation qui permet la réalisation d’un tel but. Mais, la
médiation ne peut pas être, de par son rôle, un stade définitif ; l’expérience le montre
clairement : un bien ne peut pas s’attarder dans sa médiation sans perdre sa valeur.
En d’autres termes, un bien ne peut pas rester indéfiniment chez le marchand, sans
se déprécier considérablement. Pour cette raison, nous disons que les biens ne sont
fait cette différence. Selon lui, en effet, « Chacune des choses dont nous sommes
appartiennent à la chose en tant que telle, mais ne lui appartiennent pas en tant que
telle de la même manière. L’un est l’usage propre de la chose et l’autre est étranger à
son usage propre. Par exemple, une chaussure a deux usages : l’un consiste à la
porter et l’autre à en faire un objet d’échange ; l’un et l’autre sont bien des modes
d’utilisation de la chaussure, car même celui qui échange une chaussure avec un
chaussure en tant que chaussure, mais il ne s’agit pas là toutefois de l’usage propre,
car ce n’est pas en vue de l’échange que la chaussure a été faite »34.
C’est donc en vue de leur usage que les biens sont faits. Mais, cela ne veut pas
dire que l’échange soit en catégorie perverse comme le croyait Marx. Dans son
Il est à remarquer à ce propos, qu’à la suite du passage que nous venons de citer,
Aristote souligne le fait que « la faculté d’échanger », « a son principe et son origine
dans l’ordre naturel, en ce que les hommes ont certaines choses en trop grande
chaussures, ou peut en avoir, mais il manque de tous les autres biens. C’est pour
cette raison que le cordonnier a tout intérêt à réaliser les résultats de son activité, car
c’est seulement ainsi qu’il arrive à avoir accès aux biens qui lui manquent et dont il a
besoin.
34
La Politique, I.9.
35
Ibidem.
40
Le besoin que nous avons ainsi les uns des autres est le bien qui nous unit et qui
conditionne à son tour le besoin que nous avons d’un ordre conforme aux exigences
de la raison pratique. Donc, de ce point de vue, d’un ordre non seulement capable
4) De la valeur d’échange
économique-, a donné lieu non seulement à des jugements sarcastiques par rapport
à elle, mais aussi à sa marginalisation à l’époque actuelle. C’est ainsi que Keynes a
moderne de la même manière que l’Inquisition avait dominé le Siècle d’Or espagnol.
Pour sa part Karl Popper considère que l’interrogation sur la valeur est purement
Nous avons montré jusqu’ ici l’importance de cette interrogation sur la valeur.
Nous ne sommes pas, toutefois, parti de Ricardo ou de Marx, mais plutôt d’Aristote.
Pour le philosophe grec, en effet, l’être humain est un producteur de valeurs, car
c’est un être de besoins. La valeur n’est pas, dès lors, une catégorie abstraite, mais
bien une catégorie concrète, dans la mesure où les biens (les valeurs) sont ce avec
quoi l’être humain satisfait ses besoins. Les valeurs sont ainsi des produits de
l’activité humaine et ont comme finalité la satisfaction de ses besoins. Cela fait, par
conséquent, comme nous l’avons déjà souligné, que plus l’être humain a besoin de
quelque chose, plus cette chose a de la valeur pour lui. Au sens strict du terme, le
41
sujet de ces besoins est la singularité concrète, mais la forme de ses besoins est
toujours médiatisée par la communauté sociale dont elle est le produit, et par le
Les biens par eux mêmes ont une valeur qui correspond, précisément, à ces
besoins socialement déterminés. Il se pose dès lors la question de savoir qu’est ce qui
problématique est celle de dire : que le conditionnant n’est autre que celui de
l’importance des besoins. Mais dans la réalité les besoins, dont il est question, ne sont
pas des besoins de l’idée de la chose, mais plutôt de la chose elle-même. De sorte que
ces besoins, dans leur dimension réelle renvoient à l’existence quantifiable des biens
Les besoins donnés dans leur dimension quantifiable sont précisément, ce que
nous appelons une demande. À cette demande ne s’oppose pas généralement une
quantité donnée, ne pouvant être modifiée, comme dans le cas des objets d’art. Nous
immédiates, d’offrir une quantité plus ou moins grande des biens en question. C’est
la raison pour laquelle nous disons d’un côté, que la valeur d’échange se réalise dans
et par l’échange, mais de l’autre qu’elle est conditionnée par le rapport entre l’offre
et la demande.
est conditionné, dans ces différents moments, par le marché dans lequel il se réalise.
Nous avons ainsi affaire : soit à des marchés nationaux qui sont ordonnés d’une
l’a souligné Malthus, selon leur raison inverse. Cela veut dire, par conséquent, que la
quantitative. En effet, dans un marché donné il peut y avoir une demande de tant
de biens par rapport à une offre d’une quantité donnée de ces mêmes biens. Dans la
réalité ces données sont des virtualités, et sont effectives seulement une fois que le
processus s’est accompli. À la base nous avons de chaque côté des puissances en
puissance. Plus précisément, du côté de l’offre nous avons affaire en plus d’une
d’achat qui peut être plus ou moins disponible, pour l’acquisition d’un bien donné.
compte non seulement de la loi qui la détermine, mais aussi des conditions de sa
phénoménale.
Ricardo et Marx ont perçu, quant à eux, la réalisation de la valeur d’une manière
différente. Pour eux, en effet, la valeur des marchandises est déterminée par le temps
concept de socialement fut introduit par Marx. Ricardo parle pour sa part de temps
Ricardo, penser que le temps nécessaire dont il est question, est celui imposé par la
concurrence internationale. De sorte que la définition de Marx est plus étroite que
socialement nécessaire, donc celui qui est conditionné par la concurrence à l’intérieur
Quoi qu’il en soit, il est clair que pour les théoriciens de la valeur travail, le temps
sur la valeur elle-même. De sorte que le prix pivote autour de la valeur : tantôt il est
valeur, et deuxièmement que le travail productif est le seul qui créée de la valeur. De
sorte qu’à partir de la théorie de la valeur travail, dans un sens strict du terme, les
vente, pour ne prendre que les moments essentiels- n’ajoutent aucune valeur. Tout
ceci sans parler de la T.V.A. qui dans certains produits participent comme on le sait,
que ces facteurs peuvent multiplier par plusieurs fois les déterminations participant
de l’essence en France. On sait que la seule taxe -la TIPP37 participe pour plus de
Nous avons, aussi, très souvent affaire à des biens dont l’essentiel de la valeur-
conditionnement. En tout cas, la réalité est pleine d’exemples qui nous montrent
36
Dans ce qui suit nous prenons la version marxiste pour éviter toute confusion.
44
marché international est si important, il est évident que la valeur donnée par la
marché. Certes, cette distance s’est accrue avec ce développement. Mais, en tout état
de cause, il est problématique de penser qu’une telle théorie puisse être valable dans
une structure marchande. On peut, à la rigueur penser que cette théorie peut être
valable pour une petite communauté vivant en circuit fermé et où les producteurs
indépendants seraient voisins les uns par rapport aux autres. Dans une telle réalité,
on peut penser que puisque les intermédiaires ne sont pas nécessaires, l’échange se
temps que celle des poules, il n’est pas absurde de penser que l’échange pourrait se
faire selon le rapport conditionné par le temps de travail, c’est à dire de deux poules
pour un lapin.
chasseurs, dont parle Adam Smith dans la Richesse des Nations38. Or, le problème
est que cette communauté de producteurs indépendants, aussi bien que la société
des chasseurs dont parle Smith, sont de simples abstractions qui n’ont rien à voir
avec la réalité marchande, quelque soit sa manifestation. Dans cette réalité ce qui
conditionne la valeur c’est le rapport entre les disponibilités des biens et les besoins
37
La taxe interne pour les produits pétroliers.
38
Livre I, chapitre 6.
45
solvables, ou comme disait John Locke39 : le rapport entre les vendeurs et les
acheteurs.
supposer - peut produire plus de ce qui est demandé, auquel cas l’échange ne peut
pas se faire selon le rapport présupposé par cette théorie. D’ailleurs ce n’est pas parce
qu’un bien cristallise un temps de travail donné qu’il va être vendu, par son
producteur, selon cette mesure. En effet, il faut être conscient que si tel était le cas la
thèse de la valeur travail, il est clair que la problématique smithienne sur le temps de
travail fut mal comprise par Ricardo. En effet, chez Smith le temps de travail ne
détermine pas la valeur échangeable des marchandises. Le travail est plutôt chez lui
suivant.
En tout état de cause, c’est cette confusion qui va mener Marx à présenter la
constant (CC) donné40, engage des ouvriers (CV)41 en vue de produire des
marchandises42. Or, Marx soutient que selon la théorie de la valeur43, l’ouvrier est le
39
Dans ces célèbres Considérations concernant la valeur de la monnaie.
40
Donc, de matières premières, des instruments de production (machines et/ou outils) et d'un
local.
41
Capital variable, comme il appel le coût du travail.
42
Des biens semi-finis ou des biens finis.
43
Issu de Ricardo, comme nous l'avons vu.
46
De sorte que le CC + la valeur ajoutée (VA) par le travail des ouvriers donnent le
produit final (PF). Supposons à partir de là que le CC= 4 unités (U) et que le PF
suivante : CC:4U+VA:6U=PF:10U Mais, voilà nous dit Marx : l’ouvrier ne garde pas
la totalité de la valeur qu’il a créée. Le capitaliste prend une partie que nous allons
CC:4U
CV:3U
PV:3U
Il est important de savoir que le capitaliste partage ces trois unités avec le
effet, l’élite politique du système capitaliste est, toujours selon Marx, le comité
En tout état de cause, dans la théorie de Marx les marchandises ne peuvent pas
être vendues à un prix très supérieur à celui donné par la valeur. Le prix pivote
autour de la valeur, mais tout compte fait les marchandises sont vendues,
globalement parlant, selon leur valeur. Les écarts donnés par le prix ne font
qu’exprimer le fait qu’il y a des capitalistes qui sont plus avisés que d’autres.
pour Marx, cette loi de la valeur-travail est aussi susceptible d’expliquer la valeur du
est la clef universelle, capable de résoudre toutes les énigmes qu’enferme le système
excellence. Hier encore, par exemple, on tenait pour fou ou provocateur celui qui
5) De la valeur échangeable
La valeur échangeable d’un bien est ce contre quoi il s’échange. Cette valeur
renvoie, dès lors, à la mesure qui estime la valeur de cette valeur. -À partir de cette
valeur des biens et ce qui mesure cette valeur. La première catégorie est un
les variations de cet instrument -surtout à notre époque- sont telles qu’il est
Adam Smith nous a déjà indiqué à ce propos qu’il est important de faire la
différence entre la valeur nominale et la valeur réelle des biens. Pour lui, la monnaie
donne la valeur nominale, tandis que le travail -et plus précisément le temps de
l’avons déjà signalé, à partir de Ricardo une confusion de premier ordre. Ceci, à
cause du fait que Ricardo confond la valeur d’échange avec la valeur échangeable.
Dans la tradition marxiste on dit par exemple, à ce propos, que Smith avait signalé
perdu dans sa propre démarche. Ce n’est que Ricardo qui va trouver le droit fil de
cette logique et parvenir ainsi à fonder la pensée scientifique. Or, comme nous
l’auteur des Principes ne réalise plus la différence entre la valeur d’échange des biens
et leur valeur échangeable. L’une, répétons le, renvoie à la valeur d’échange des
mesure.
Cette différence est essentielle, car elle concerne la relation réelle dans l’échange,
qui est celle du rapport entre les biens et leur mesure. Cette différence est d’autant
plus nécessaire à saisir actuellement que nous vivons une époque où non seulement
les monnaies varient beaucoup, mais aussi un moment historique où les ordres
Mais, avant d’aller plus loin dans cette réflexion posons la question de savoir ce
que Smith nous dit par rapport aux catégories que nous sommes en train de traiter.
Pour ce qui est de la valeur nominale l’auteur de la Richesse des Nations signale en
Puis, pour ce qui est la valeur réelle, il nous explique que « nous ne pouvons pas
apprécier les valeurs réelles des différentes marchandises, d’un siècle à un autre,
d’après les quantités d’argent qu’on a données pour elles. Nous ne pouvons pas les
apprécier non plus d’une année à l’autre, d’après les quantités de blé qu’elles ont
coûté. Mais, d’après les quantités de travail, nous pouvons apprécier ces valeurs avec
la plus grande exactitude, soit d’un siècle à un autre, soit d’une année à l’autre. D’un
siècle à un autre, le blé est une meilleure mesure que l’argent, parce que, d’un siècle
à l’autre des quantités égales de blé seront bien plus prêt de commander la même
44
Livre 1, chapitre 5.
49
quantité de travail, que ne le seraient des quantités égales d’argent. D’une année à
l’autre, au contraire, l’argent est une meilleure mesure que le blé, parce que des
quantités égales d’argent seront bien plus prêt de commander la même quantité de
travail »45.
Il est clair, par conséquent, que la valeur échangeable d’un bien est la quantité
de travail que ce bien est en état d’acheter ou de commander. Nous mesurons cette
valeur soit d’une manière nominale, soit d’une façon réelle. Dans la vie de tous les
jours nous nous débrouillons très bien avec la valeur nominale. C’est lorsque nous
Remarquons qu’à l’époque de Smith la valeur nominale était plus stable que de
notre temps. Alors, l’or comme étalon ne donnait pas seulement une valeur très
stable à court et moyen terme, mais il s’agissait aussi d’une mesure universelle. De
sorte que cette mesure était, selon son poids, valable pour toutes les nations. Par
rapport à cette problématique, il est important de rappeler qu’à notre époque nous
n’avons pas d’une part, un tel étalon universel, mais que de l’autre, les différentes
monnaies varient, selon leur valeur en échange, suivant un rythme plus ou moins
important. De sorte que la prise en compte du référentiel réel est plus important à
générale.
Cela étant dit, il est à remarquer que Smith ne nous parle pas uniquement de la
fût très usité à l’époque dite bourgeoise classique de l’Europe occidentale. Grosso
modo, du onzième au dix septième siècle. On pensait alors que le rendement du blé
45
Ibidem.
50
était très stable. Nous savons à présent que cela fut plus ou moins le cas à l’époque.
montre que le rendement du blé est passé en France de 5,5 pour un au douzième, à
Celle-ci est la raison pour laquelle il ne nous reste comme viable, pour mesurer la
valeur échangeable des biens, que les deux catégories que nous sommes en train de
traiter. - Nous allons laisser, pour le moment, de côté la valeur nominale. Nous
pratique d’une telle mesure, en tant que valeur réelle de l’échange. Le premier
niveau d’une réponse, nous semble être donné par Smith dans le passage suivant : «
Un homme est riche ou pauvre, suivant les moyens qu’il a de se procurer les besoins,
les commodités et les agréments de la vie. Mais la division une fois rétablie dans
toutes les branches du travail, il n’y a qu’une partie extrêmement petite de toutes ces
choses qu’un homme puisse obtenir directement par son travail ; c’est du travail
d’autrui qu’il lui faut attendre la plus grande partie de toutes ces jouissances ; ainsi il
46
Que nous trouvons dans ces deux grands monuments qui sont L'Histoire Economique et
Sociale du Monde, dirigé par Pierre Léon et L'Histoire Economique et Sociale de la France, dirigée
par Fernand Braudel.
51
sera riche ou pauvre, selon la quantité de travail qu’il pourra commander ou qu’il
réalise grâce à l’échange. Comme nous l’avons signalé plus haut, la première forme
d’existence est une hypothèse de travail très usitée à l’époque classique. Dans la
réalité un tel état des choses n’a jamais existé, pour la simple raison que comme l’a
toujours besoin de l’échange pour subsister. Le « trucking disposition »48 dont parle
communautaire.
Cela dit, il est clair que dans son existence sociale, l’être humain ne satisfait pas
ses besoins avec ce qu’il produit. Il est obligé, pour cela, d’échanger une partie de
plus en plus importante de son travail avec celui des autres. Le développement des
produit de leur travail social pour se procurer les biens dont ils ont besoin.49
De sorte que la valeur réelle du produit d’un travail donné est égale à la quantité
produit en une année donnée une quantité x de blé, la valeur de ce produit est plus
élevé, par rapport aux autres années, s’il le met en état de se procurer plus de biens
47
C'est encore un passage du livre 1, chapitre 5.
48
La propension à l'échange disons nous actuellement.
49
Ou bien Smith dirait :"The necessaries and conveniences of life."
52
Par conséquent, la valeur réelle du résultat d’un travail d’un individu, ne dépend
que ce produit le met en état de se procurer. Donc, de son pouvoir d’achat. Ceci est
vrai aussi bien pour le résultat de l’activité des personnes physiques, comme des
personnes morales.
comme nous le savons, le pouvoir d’achat que procure un emploi donné ne dépend
pas de la quantité d’argent que le salarié reçoit. Il dépend plutôt de la quantité des
biens et services que ce salaire le met en état de se procurer à une période donnée,
par rapport à une autre. De sorte qu’un salarié peut recevoir à un moment donné un
de, mettons, 10 minutes de travail pour acheter un kilo de pain. Si l’année suivante il
a besoin du double de temps pour acheter la même quantité, nous pouvons dire que
Ce référentiel nous permet aussi de mesurer d’une manière plus précise que la
monnaie, la différence du pouvoir d’achat entre les nations. C’est ainsi que si on veut
50
Nous pouvons aussi employer ce référentiel par rapport à des produits complexes, comme le
cas d'un modèle donné d'une voiture. Les américains font souvent appel à ce cas pour
précisément savoir si le pouvoir d'achat a varié, dans le sens du plus ou de moins d'une année
donnée à une autre. Comme, par exemple, dans quelle mesure le pouvoir d'achat de telle ou telle
couche sociale a augmenté ou diminué en 1990 par rapport à 1970.
53
réelle nous permet aussi de saisir d’autres phénomènes. Comme par exemple,
classes aisées des pays les plus pauvres vivent mieux que les classes aisées des pays
riches. En effet, dans les pays pauvres la main-d’œuvre est très bon marché. De sorte
que la valeur produite par une activité donnée permet d’avoir accès à une quantité
dans un pays pauvre dispose d’un pouvoir d’achat réel supérieur à celui des pays
riches. Ceci même si, comme nous l’avons indiqué, le premier gagne moins en
Chapitre 2 : La Monnaie
« nomisma » (de « nomos » : loi). A notre connaissance c’est Aristote, dans le livre 551
précisément, que la monnaie est instituée par l’Etat en vue d’assurer et maintenir
Nous savons que cet instrument apparaît, sous sa forme légale, frappé par le
sceau Royal avec Crésus roi du royaume de Lydie, d’Asie Mineure vers l’an moins
55052. Tout indique qu’avant cette période la monnaie non frappée avait circulé
En tout état de cause, c’est peu après la frappe de monnaie en Lydie que ce
loi des 12 tables, en l’an moins 450. Tout indique que chez les chinois la production
de monnaie est plus tardive, elle surgit avec la dynastie Qin, entre moins 231 et
moins 206.
Cela dit, c’est Aristote qui va définir les fonctions de base de cet instrument. Pour
éviter toute confusion, nous allons tout d’abord donner ces catégories dans un ordre
conceptuel. Ce n’est que par la suite, que nous allons signaler lesquelles ont été
51
Qui est aussi le livre 4 de l'Ethique d'Eudème
56
possède un pouvoir légal et libératoire. Elle est, en tant que phénomène institué, une
qui devaient acquérir une telle prééminence dans les manuels du 19e siècle : » étalon
furent complétées par la « réserve de valeur « élément fortement souligné par les
aucun exemple sur ces quatre fonctions qui apparaissent clairement côte à côte.
Certains mêmes de ces auteurs n’insistent que sur la première, d’autres que sur la
seconde fonction. Peu à peu, on comprend que ces deux fonctions sont séparables et
l’idée qu’on s’est fait, jusqu’à présent, de ce problème des fonctions de la monnaie.
Car, il est important de comprendre que la théorie et son historicité n’ont pas
beaucoup évolué depuis que cet écrit fut publié, dans sa version originale, en 1954.
52
Ce fut le stratero. Cette monnaie remplaça l'Electrum, produit d'un alliage d'or et d'argent non
frappé par le sceau Royal. L'electrum commença à circuler vers moins 680.
53
Nous verrons que ce concept se divise en accumulation simple et accumulation élargie.
54
Histoire de l'Analyse Economique, Gallimard, NRF, T.I, p. 415.
57
Cela étant signalé, essayons de voir les catégories dans l’ordre, dans lequel nous
dire plus précisément, que la monnaie est le moyen par lequel nous échangeons nos
biens et notre travail d’une part, et de l’autre, le moyen avec lequel nous obtenons
l’essentiel des biens et des services dont nous avons besoin. En tant que moyen terme
« Aussi faut-il que toutes choses soient en quelque façon comparables, quand on
veut les échanger. C’est pourquoi on a recours à la monnaie, qui est, pour ainsi dire,
un intermédiaire ».55
Un peu plus loin il nous signale : » La monnaie est devenue, en vertu d’une
convention, pour ainsi dire, un moyen d’échange pour ce qui nous fait défaut. »56
Enfin, il nous fait remarquer que « la monnaie est une sorte d’intermédiaire qui
sert à apprécier toute chose en la ramenant à une commune mesure. Car, s’il n’y
Il est, par conséquent, clair que pour Aristote la monnaie est en tant que moyen
nous permet d’un côté, de comparer les choses qu’on veut échanger, et de l’autre,
d’apprécier toutes choses en les ramenant à une commune mesure. De plus, cette
nécessité de l’échange trouve son fondement dans la vie sociale. Nous avons à ce
55
Ethique de Nicomaque, Garnier-Flammarion, Livre 5, chapitre 5-10.
56
Chapitre 5-11.
57
Ibidem, 5-14.
58
Pour cette raison nous formulons l'échange simple : m-A-m (marchandise-argent-marchandise).
58
propos déjà signalé que pour Aristote l’échange est consubstantiel à la vie sociale. En
De sorte que c’est par le biais de l’échange que l’être humain se procure ce qui
lui fait défaut. On peut aussi expliquer cette nécessité en faisant remarquer que la
singularité est un être qui ne peut pas se suffire par lui même. Il a besoin d’avoir des
rapports avec les autres et donc des relations d’échanges. Mais, pour échanger il lui
mesurer l’ensemble de biens et de services59 dont nous avons besoin. Tout d’abord,
pour savoir si nous sommes en conditions de nous procurer ces biens ou ces services.
A propos de cette catégorie Aristote nous dit que la monnaie « mesure tout, la
valeur supérieure d’un objet et la valeur inférieure d’un autre, par exemple, combien
de rapports ».60
souligne que « ce rapport ne se serait pas réalisé, s’il n’existait un moyen d’établir
l’égalité entre les choses dissemblables. Il est donc nécessaire de se référer pour tout à
une mesure commune... Et cette mesure, c’est exactement le besoin que nous avons
59
Nous avons signalé plus haut que le service est un bien ; mais il s'agit d'un bien particulier,
puisqu'il s'objective dans une activité et non pas sous la forme immédiate de la choséité.
60
Ibidem, 5-10.
59
les uns des autres, lequel sauvegarde la vie sociale ; car, sans besoins, et sans besoins
semblables, il n’y aurait pas d’échanges, ou les échanges seraient différents. »61
De plus pour Aristote, il ne peut pas y avoir « d’échange sans égalité, ni d’égalité
Il est dès lors clair que pour Aristote la monnaie est, non seulement, un
savoir ainsi combien de ces biens il nous faut pour obtenir un bien autre dont nous
avons besoin.63
comme l’a observé Smith, de savoir quel est le pouvoir de commandement de notre
manifestation d’une communauté des besoins. Elle est dès lors, comme dit Hegel,
phénomène universel qui est le besoin que nous avons les uns des autres et qui nous
communauté sociale les besoins sont très semblables. Certes, de notre temps, avec le
développement des rapports entres les communautés sociales, nous assistons à une
l’expression du fait que les besoins sont semblables au sein d’une communauté
61
Ibidem, 5-10-11.
62
Ibidem,5-14.
60
sociale, mais aussi parce que la monnaie est la manifestation d’un ordre
sujets de l’échange sont, en effet, en rapport d’égalité civile. De plus, cette égalité se
manifeste dans la mesure commune et est consolidée, dans son existence, par son
objectivation adéquate. Comme nous verrons plus loin, cette forme d’objectivation
Nous allons à présent passer à la troisième catégorie. Donc à traiter la thèse selon
qui est plus ou moins lointain. Nous avons vu que l’échange élargi surgit avec le
leur échange grâce à la monnaie et aux déterminations qui lui sont propres. C’est
pour cette raison que la monnaie est considérée comme l’instrument de circulation
des marchandises. De plus, cette circulation concerne aussi les personnes ; car, les
personnes se déplacent le plus souvent grâce à l’argent, et, dans leur activité
marchandise est très demandée dans une localité donnée et se trouve en abondance
ou est produite à moindre coût dans une région plus lointaine, cette personne va
63
Il faut rappeler, à ce propos, que les anciens romains appelaient la monnaie "oestimatio".
61
Toute cette activité, comme on peut aisément le comprendre est médiatisée par
nous parlons du marché du travail. Une personne se déplace pour aller très loin et
exercer une activité, si cette activité est bien rémunérée et lui permet d’amortir les
la condition de sa réalisation. Pour ces raisons, nous pouvons dire que l’échange
élargi - la circulation des biens et des services -, est conditionné par la monnaie. En
d’autres termes, que la monnaie est l’instrument de la circulation en tant que telle :
de la circulation des biens, comme de la mobilité sociale. C’est d’ailleurs pour cette
raison que Smith appelle la monnaie la grande roue de la circulation. Ceci tout en
nous faisant remarquer son rôle instrumental. Car selon lui, « la grande roue de la
circulation est tout à fait différente des marchandises qu’elle fait circuler. Le revenu
A partir de ce que nous venons de signaler, il est clair qu’Aristote n’a pas pu
l’intérieur d’un horizon dans lequel la monnaie était créée en vue de l’échange. Mais,
fait que la totalité (la circulation) est plus importante que l’ensemble dont il est
64
La Richesse des Nations, Livre 2, chapitre 2.
62
marchandes, la mobilité horizontale des sujets de cette activité que nous appelons la
Cela étant dit, nous allons réfléchir sur la quatrième fonction de la monnaie : la
par Marx. Selon lui, en effet, avec l’apparition de l’échange, une marchandise tend à
marchandises qu’en les comparant à une autre marchandise quelconque qui se pose
devant eux comme équivalent général. [...] Mais cet équivalent général ne peut être
le résultat que d’une action sociale. Une marchandise spéciale est donc mise à part
par un acte commun des autres marchandises et sert à exposer leurs valeurs
l’équivalent général. Dans le passage suivant cette problématique nous semble être
explicitée d’une manière encore plus transparente. En effet, selon lui : « Le progrès
65
Le Capital, Livre premier, Première section, Chapitre 2. (B. de la P., Oeuvres, Economie 1,
p.622)
63
De sorte que l’or est devenu pour Marx l’équivalent général grâce, précisément,
au développement des échanges. Or, par rapport à cette problématique posée par
Marx, il s’agit de faire la différence entre le devenir de cette catégorie et sa notion elle
même.
l’existence d’un étalon de mesure de toutes les marchandises -, il est à remarquer que
non pas à partir d’une accélération des échanges. En effet, le phénomène monétaire
est très ancien, comme nous l’avons indiqué plus haut. Il n’est pas en tout cas,
monnaie, montre que l’automatisme dont parle l’auteur du Capital est une thèse
problématique.
En tout cas, la thèse aristotélicienne sur le fait que la monnaie est le produit de la
grec formule cette thèse de la façon suivante : »Notons qu’en soi, il est impossible,
pour des objets si différents, de les rendre commensurables entre eux, mais, pour
étalon, quel qu’il soit - et cela, en vertu d’une convention ; d’où le nom de
« nomisma » donné à la monnaie. Elle soumet tout, en effet, à une même mesure ;
66
Ibidem, p. 603.
67
Op. cit., chapitre 5-14-15.
64
nous dit, au contraire qu’il s’agit de trouver un étalon, « quel qu’il soit », et de lui
monnaie est équivalent général par le fait même qu’elle est une manifestation de la
nous réfléchissons le rapport de nos besoins avec les biens qui les satisfont. En effet,
dans un laps de temps donné, mettons un mois, nous consommons une quantité
donnée de biens et services, dont la diversité est plus ou moins importante. Donc, au
lieu de nous faire une liste des biens et services dont nous avons besoin pour vivre le
mois d’après - ou les mois suivants pendant un certain temps -, nous avons recours à
la monnaie. Nous disons, alors, que nous avons besoin de tant d’argent pour vivre,
au lieu de nous représenter la liste de biens et services dont nous avons besoin pour
Dans ces conditions la monnaie joue un rôle d’équivalent général, car c’est aux
biens et services que nous nous référons lorsqu’il est question des besoins et non à la
68
Op. cit. p.601.
65
monnaie en tant que telle. En d’autres termes, lorsque nous disposons d’une
quantité de monnaie donnée, nous ne disposons pas des biens et services dont nous
pouvons avoir besoin, mais plutôt de leur équivalent valeur. Or, c’est cette
Aristote. Pour lui, les fonctions d’échange et de réserve sont les deux catégories
étant pour lui une dimension théorique, de même que la fonction d’accumulation.
Quoi que cette dernière ait pour lui une dimension négative. Cela dit, pour ce qui est
venir, la monnaie nous sert, en quelque sorte, de garant et, en admettant qu’aucun
échange n’ait lieu sur-le-champ, nous l’auront à notre disposition en cas de besoin. Il
faut donc que celui qui dispose d’argent ait la possibilité de recevoir en échange de
la marchandise. »69
par la suite, l’accumulation dont parle Aristote est la thésaurisation. En tout cas,
recouvrent l’une l’autre en ce que la chose dont chacune fait usage est la même :
c’est bien de la même chose possédée qu’il y a usage, mais l’usage n’a pas lieu de la
69
Op. cit., chapitre 5-14.
66
vue une fin autre, tandis que la seconde forme a pour fin l’accumulation même. »70
Ainsi, la monnaie de réserve est celle qui est destinée aux dépenses de tous les jours.
actuellement aux liquidités avec lesquelles nous réalisons nos dépenses quotidiennes.
si dans les sociétés marchandes71 les biens offerts sont en abondance, c’est parce qu’il
sorte que les stocks de biens sont le résultat et la contre-partie de cette réserve. En
d’autres termes, l’offre en acte, ainsi que les stocks qui l’alimentent, sont la
monnaie de réserve. Ceci fait que l’offre globale est en raison directe à l’importance
même.
tant qu’instrument d’accumulation. Il faut dire que cette fonction est plus complexe
que les autres, dans la mesure où elle implique deux dimensions bien différentes. De
70
La Politique, J. Vrin, Paris, p.61.
71
A la différence de celles qui ne le sont pas, comme dans le cas des structures du socialisme
dit réel.
67
En effet, nous avons affaire, pour ce qui est de cette fonction à deux catégories
Comme nous le verrons plus loin, l’accumulation élargie surgit avec l’épargne et
l’avare. Plus précisément, celui qui par l’obsession de l’accumulation simple, retirait
4ème au 1er siècle, avant l’ère chrétienne, aussi bien dans la sphère de la culture
Pour ces raisons, cette pratique fut considérée comme étant un phénomène
l’avare, mais aussi au fait que le revenu de l’argent va être considéré comme le
résultat de la pure et simple usure. Prêteur et usurier vont être considérés, alors,
comme deux concepts synonymes. Nous trouvons une trace de cette problématique
dans la Politique d’Aristote. C’est ainsi qu’il nous dit, à ce propos : « ce qu’on déteste
avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêts, parce que le gain qu’on en
création. Car la monnaie a été inventée en vue de l’échange, tandis que l’intérêt
(de « toxos » enfant) : car les êtres engendrés ressemblent à leurs parents, et l’intérêt
68
est une monnaie née d’une monnaie. Par conséquent, cette dernière façon de gagner
contraire à la nature. Or, la plus simple observation nous montre que le propre de
contraire à la nature des choses. Cela dit ce n’est pas ce texte qui a eu le plus
d’influence dans l’histoire de l’interdit du prêt avec intérêt. En réalité les textes les
plus efficace ont été d’ordre religieux. Comme on le sait l’Eglise catholique rappela
très souvent cet interdit. C’est d’ailleurs une des décisions les plus importantes prises
lors du conseil de Trente, en 1563. Nous trouvons, par ailleurs, la même logique
dans le cas de l’Islam. Le Coran est à ce niveau-là très explicite. C’est ainsi qu’on
D’ailleurs l’auteur du Coran menace ceux qui pratiquent le prêt avec intérêt en
Dieu et de son Prophète. » (II, 279) De plus, comme on le sait, c’est pour cette raison
particulièrement clair : « ils ont pratiqué l’usure qui leur était pourtant défendue »
(IV, 161).
72
Op. Cit., p.65-66.
73
Rappelons que dans la tradition musulmane, le prêt avec intérêt est l’usure : la « riba ».
69
Il se pose, dès lors, la question de savoir jusqu’à quel point cette interdiction a
effectivement été formulée. Or nous constatons que cette interdiction a bien existé,
mais elle ne concerne que les membres du peuple de l’Eternel. Le passage suivant est
est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n’exigeras de lui
En tout cas il y est dit très clairement : « Tu pourras tirer un intérêt de l’étranger,
mais tu n’en tireras point de ton frère. (Deutéronome 23,20). Puis à la question de
savoir qui est le frère en question Ezéquiel répond : « Tes frères sont les hommes de
Ceci nous montre jusqu’à quel point l’interdit du prêt avec intérêt ne vient pas
de l’Eternel comme l’a affirmé pendant des siècles la conscience dite monothéiste. Ce
mal entendu peut bien être le résultat du fait que comme le dit Paul75, chaque fois
Quoi qu’il en soit, il est important de comprendre que cet interdit a joué dans
tout cas, que cette prohibition va disparaître tout d’abord en Hollande en 1658,
lorsque le pouvoir d’alors déclara ne plus être concerné par l’interdit du prêt avec
intérêt.
révolution anglaise que le prêt avec intérêt, donc le crédit, va prendre une dimension
74
Dans le Lévitique on peut lire aussi : " Vos frères, les enfants d'Isra‘l (25,46). Voir aussi I Rois
12,24, où la même expression est employée.
75
2 Corinthiens 3,15.
70
élargie.
conséquent dans l’ordre des fonctions, nous pouvons dire qu’en sixième lieu la
précisément le fait que les gens gardaient leurs richesses monétaires chez eux. Ce qui
fait que les individus, quelques soient leurs conditions sociales, vont avoir la
C’est ainsi que vont apparaître très rapidement les nouvelles structures bancaires
: les « country banks », les banques régionales. Rappelons que l’Habeas Corpus Act
fut institué fin 1679 et à partir de janvier 1680 nous constatons l’existence des
d’émission.
Car le rôle de ces nouvelles institutions est celui recevoir des dépôts contre
de la monnaie. De sorte que les réserves métalliques qui étaient jusque-là stérilisées
dans les réserves privées, vont commencer à devenir efficaces et atteindre par la
rémunération va se faire, plus précisément avec des billets de banque. Pour cette
raison nous disons que les « county banks » étaient des institutions de dépôts et
d’émission.
Cela étant souligné nous devons toute fois tenir présent à l’esprit qu’au sein de ce
termes les réserves privées d’or vont tantôt se déposer dans les banques, tantôt
retourner dans les bas de laine. De sorte que la thésaurisation et l’épargne vont se
présent à l’esprit que ces institutions bancaires cherchaient à augmenter les dépôts
volume des engagements est supérieur à cette base elle-même. Pour cette raison
76
Ce qui n'est pas le cas du syst•me actuel fond? sur le papier monnaie.
72
monnaie. Mais cette vitesse est elle-même en rapport inverse au loyer de l’argent. De
la que plus ce niveau est bas, plus important est le niveau de l’activité économique.
Ce qui veut dire que le taux de crédit est l’instrument du niveau d’efficacité de la
monnaie.
Cela dit, la finalité du crédit était alors l’investissement, car à l’époque classique
le crédit à la consommation n’existait pas encore. Pour cette raison nous pouvons
de la production dans une échelle de plus en plus élevée. C’est précisément ce que
constater qu’il ne peut pas y avoir de capitalisme sans crédit. Plus précisément sans
plus élevée.
comptabilité. Pour ce qui est de cette dimension nous savons que la monnaie a
cette raison dans la vie courante nous parlons de quantités déterminées de monnaie.
des échanges. L’histoire de l’économie nous signale que c’est en 1494 que Luc
dépenses et celle des recettes. Mais dans ce système nous ne comptabilisons pas les
biens et les services, mais plutôt la monnaie. De telle sorte qu’à la fin la monnaie est
objet d’elle-même.
où la monnaie est tout d’abord moyen terme de l’échange pour retourner, enfin, à
conséquent d’un mouvement qui est en lui-même cohérent. Cela dit le véritable
et, en tant que telle, elle joue un rôle de premier ordre dans le processus de
l’être humain est un être qui doit produire des biens et des valeurs pour satisfaire ses
propres besoins. Parmi les systèmes de valeurs qu’il produit, nous trouvons ceux qui
Cet ensemble de systèmes est ce que nous appelons, suivant Hegel, la manifestation
biais de la raison instituante. La monnaie est précisément une de ses plus hautes
manifestations, car elle est instituée en vue de réaliser un système de besoins qui
tend à garantir et assurer l’universalité des rapports matériels entre les êtres
humains. Tout d’abord au sein des communautés sociales, pour se projeter par la
Pour ce qui est de la création de la monnaie, nous avons vu qu’elle est le produit
acte créateur n’est pas le produit de l’arbitraire, mais plutôt d’une nécessité et en vue
instituante doit tout d’abord, choisir un étalon qui soit pratiquement viable. Ceci,
tout en étant, pour ainsi dire, conscient qu’il est dans son pouvoir, « soit de
changer » la monnaie, « soit de décréter qu’elle ne servira plus »77. Par conséquent,
la puissance instituante peut choisir son étalon. De la même manière qu’elle peut par
la suite, soit changer, soit supprimer son existence. Ces différentes possibilités sont
fait soit que les changements de monnaie se produisent à intervalles très courts78, soit
77
Ethique de Niconaque, 5,5,11.
78
Cas de certains pays de l'Amérique latine.
79
Comme au Cambodge avec les Khmers rouges.
75
Cela à cause du fait que les métaux précieux étaient considérés comme la matière
idéale de cet étalon de mesure. Il avait ainsi des sociétés dont l’étalon était l’or, et
d’autres qui employaient à cette fin l’argent métal. Dans certaines sociétés il y a eu
En tout cas, l’emploi de ces métaux rares empêchait toute forme de création
monnaie.
facteur, car de par son rôle en tant que puissance instituante, il se doit de garantir
Cette responsabilité éthique de l’État trouve son fondement dans le fait que
la proportionnalité dans l’échange. Pour ce qui est de cette nécessité, nous avons
80
En France, selon l'article 34 de la Constitution de 1958, la loi fixe non seulement "l'assiette, le
taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature", mais aussi " le régime
d'?mission de la monnaie."
76
bien-être général.
éthique, car un des buts de la substance éthique de l’humain est précisément celui de
apparaît immédiatement dans le fait que la monnaie est un produit du droit et que
maintenir et d’assurer l’élargissement des échanges. Mais, cette nécessité ne doit pas
être perçue comme une nécessité nécessiteuse. Il s’agit bien plutôt d’une exigence de
son niveau, c’est l’objectivation de la raison. Laquelle a comme finalité, en tant que
dominante dans notre monde. Cette sensibilité est, en effet, très imprégnée de
81
Ces visions du monde constituent en quelque sorte notre " Weltgeist ", l'esprit de notre monde.
77
Certes, dans la positivité des réalités que nous avons connu jusqu’à présent la
monnaie a très souvent véhiculé et cimenté l’horreur dans le monde. Cela de même,
d’ailleurs, que le droit, la politique et l’économie en général. Or, une fois cela
constaté se pose la question de savoir, si ces dérives dans le négatif doivent nous
conséquent, supprimer la monnaie parce qu’elle a très souvent été une manifestation
négative dans le monde ? Il faut être conscient, comme nous l’avons souligné qu’une
Il est, en tout cas, nécessaire de rappeler que pour Aristote la monnaie est une
est atteint par le simple fait que la monnaie est un instrument de mesure. Elle met
donc sur le même pied des biens dissemblables. La table ou la maison cessent ainsi
C’est précisément cette identité qui les rend échangeables et qui permet d’établir un
rapport entre l’une et l’autre. Car les biens, en se rapportant à la monnaie, cessent
d’être des simples valeurs d’usage, pour devenir des objets ramenés à une
proportion. En d’autres termes, une table donnée cesse d’être ce qu’elle est, ses
proportionnalité est donnée par les automatismes du marché. Et elle est donnée
avant que l’échange ne se réalise. Les sujets de l’échange sont donc au courant de
78
cette valeur avant que l’échange ne se réalise. C’est d’ailleurs par rapport à cet
indicateur que les sujets de l’échange entrent en palabre. Car le commerce est par
définition et dans sa pratique non seulement une relation entre les choses, mais aussi
est donnée par la logique même du rapport entre les sujets ! Dans l’univers social,
nous l’avons vu, les sujets de l’échange sont en rapport d’égalité. Cela fait, par
conséquent, que l’échange entre égaux doit se réaliser selon le principe de l’égalité
proportionnelle.
sociale. Le principe quant à lui est celui de la justice, qui veut que l’égal soit traité en
égal et l’inégal en inégal. Il faut de plus être conscient, par rapport à cette
l’échange, l’individualisation de base en est son support. Cela veut dire que les sujets
sait, les esclaves n’étaient pas, dans l’univers gréco-romain, des sujets de l’échange82.
82
Bien évidemment, les esclaves allaient au marché, mais ils n'étaient considérés que comme
des simples instruments de leur seigneurs, de m•me que les femmes et les mineurs.) En effet, si
ces singularités n'étaient pas sujet de l'échange c'est parce qu'elles n'étaient pas sujets de
contrat. Donc, en bref, des sujets de droit civil. Elles étaient, d•s lors, considérées comme des
irresponsables.
79
Il est clair, par conséquent, que les sujets de l’échange sont, au sein de la
proportionnalité dans l’échange est une condition de cette égalité. Car, entre égaux il
s’agit d’empêcher par tous les moyens que les uns l’emportent par rapport aux
autres. Ceci, dans le sens où les uns seraient des perdants et les autres des gagnants.
les indicateurs du marché, mais sont aussi en condition de palabrer sur les termes de
l’échange.
personnes soit lésée par la transaction. Dans ce cas, la personne trompée peut
toujours faire appel à la puissance judiciaire. Le rôle du juge étant celui de rétablir la
proportion raisonnable.
C’est pour ces raisons qu’Aristote considère que la monnaie est l’un des
instruments de la justice corrective, au même titre que le droit commercial. Son but
Voici comment le philosophe grec perçoit cette problématique : »ce qui constitue cet
dire. Faute de quoi, l’égalité sera détruite et ces rapports n’existeront plus. Car rien
80
n’empêche alors l’œuvre de l’un de l’emporter sur l’œuvre de l’autre. Il faut donc les
image, comme dit Jean Voilquin84, comme un « abus de la géométrie qui ici éclaire
aristotélicienne nous semble plutôt lumineuse. Car, nous pouvons nous représenter
un carré, où les échangeurs et les choses échangées sont en relation opposée. C’est
ainsi qu’A veut échanger son bien a avec B, lequel dispose d’un bien b. Car comme
nous l’avons vue, la valeur échangeable d’un bien est réellement égale à la quantité
de travail que ce bien met son propriétaire en état de se procurer. De sorte que le
A---------b
a----------B
un pied d’égalité. De telle manière que puisqu’ A est en égalité avec B, il est normal
complémentarité. L’un a besoin de l’autre, mais pour que l’échange puisse se réaliser
il est nécessaire qu’il y ait égalité proportionnelle. Donc, d’un instrument capable
celui de l’autre. Toutefois, ce n’est pas au moment où se fera l’échange qu’il faut
83
Op. Cit. 5,5,8.
84
L’auteur que nous venons de citer.
85
Note 145, p. 298.
86
Qui est celle d'un carré.
81
de ses produits. A cette condition les gens sont égaux et véritablement associés parce
que l’égalité en question est en leur pouvoir ; par exemple un paysan A, une certaine
équivaloir à cette quantité. Si l’on ne pouvait pas établir cette réciprocité, il n’y
aurait pas de communauté sociale possible. Quant au fait que c’est le besoin qui
maintient la société, comme une sorte de lien, en voici la preuve : que deux
personnes n’aient pas besoin l’une de l’autre, elles n’échangent rien. C’est le
contraire si l’on a besoin de ce qui est la propriété d’une autre personne, par exemple
De sorte que la réciprocité est conditionnée par le fait que l’être humain est un
être qui n’est pas destiné à vivre dans la solitude. Nous avons besoin les uns des
autres. Il s’agit, par conséquent de créer les conditions pour que l’échange soit assuré
instrument. Ce qui nous intéresse ici, c’est sa dimension rationnelle et éthique. Or, ce
purement axiologique.
87
Op. cit. 5,5, 12-13.
82
Cette dimension est aussi en puissance, car l’Etat peut être l’objectivation de ce qui
Pour ce qui est de la dimension éthique de la monnaie, nous avons déjà signalé
que, par le fait même qu’elle permet la proportionnalité dans l’échange, la monnaie
société humaine en tant que société, moyen et pouvoir de changer l’idée en réalité et
l’argent est la perversion générale des individualités qu’il change en leur contraire,
en leur attribuant des qualités qui ne sont pas le moins du monde les leurs.
etc., qui passent pour être essentiels. Il transforme la fidélité en infidélité, l’amour en
phénomène monétaire, -que nous reprenons comme base dans cette théorisation-, et
monnaie est un instrument de la justice corrective, par contre pour Marx elle est une
Cela étant signalé, revenons aux catégories qui sont à la base de ce sous-chapitre
affaire dans cette relation à deux notions dont l’une, la valeur éthique, a une
particulière. Pour cette raison, nous avons pu laisser entendre que la valeur éthique
se réalise dans la valeur monétaire, par le biais de la moralité objective. Ceci dans le
3) La valeur de la monnaie
monnaie89, ainsi que celle de savoir comment se détermine la valeur des biens90.
88
Economie et Philosophie, (Manuscrits Parisiens),(1844). Voir Karl Marx, Oeuvres, Economie 2,
B. de la P., p.117 et suivante.
89
Voir plus loin le sous-chapitre sur "La valeur échangeable de la monnaie."
90
Nous traitons, cette problématique dans le chapitre 3, 1, concernant la formation des prix.
84
qu’Aristote avait signalé le fait qu’elle varie, mais que ces variations n’empêchaient
pas cet instrument de jouer les fonctions qui sont les siennes et particulièrement, en
dépréciations, n’ayant pas toujours le même pouvoir d’achat. Toutefois elle tend
plutôt à être stable. »91. Comme on peut aisément le comprendre, d’après ce passage
le philosophe grec parle d’une monnaie qui est très stable. Ce qui n’est pas le cas à
notre époque, en ce qui concerne la plus grande partie des monnaies. Cette stabilité,
dont il est question, est le résultat d’un étalon monétaire exprimé par les métaux
précieux.
au centre de la réflexion chez Locke. Nous la trouvons par la suite chez Ricardo et
développée en tant que production théorique spontanée. Elle est en tout cas liée au
Nous allons étudier ces trois positions théoriques en vue de trouver une réponse
adéquate à la logique du problème qu’elle pose. Nous ferons cette analyse, pour des
cette dernière théorie que nous parlerons de la théorie monétariste. -Comme on peut
théorique elle-même. Il s’agit bien plutôt d’une démarche conceptuelle. Le but étant
91
Ethique de Nicomaque, 5,5,14
85
première théorie.
cette thèse, la valeur des marchandises est déterminée par le temps de travail
nécessaire à leur production. Pour Ricardo cette thèse peut expliquer, de par sa
quoi qu’il en soit, c’est Marx qui reprend cette thèse dans toute son effectivité.
la monnaie. Voilà ce qu’il nous dit à ce propos : « Nous avons déjà fait la remarque
que la forme équivalente d’une marchandise ne laisse rien savoir sur le montant de
sa quantité de valeur. Si l’on sait que l’or est monnaie, c’est-à-dire échangeable avec
toutes les marchandises, on ne sait point pour cela combien valent par exemple 10
livres d’or. Comme toute marchandise, l’argent ne peut exprimer sa propre quantité
Par conséquent, pour Marx la valeur de la monnaie est déterminée par le temps
de socialement nécessaire. Ceci, à cause du fait que la production de métal jaune est
un phénomène international. Nous avons de plus, affaire dans le cas de l’or - pour ce
92
Le capital 1, Première section, chapitre 3. Voir Oeuvres, Economie 1, B. de la P., p.628.
86
universel. Il était donc problématique pour Marx, dans ce cas là, de parler de
manifeste, plutôt, lorsque nous réfléchissons sur une telle définition par rapport à la
monnaie actuelle. Car, c’est dans les conditions actuelles que l’absurde de cette thèse
du système monétaire actuel, que la différence de valeur d’un billet de 100 dollars,
leur production. -Il faut noter que dans le cas du dollar U.S.A., nous avons affaire à
une monnaie où il n’y a précisément pas de différence matérielle entre les coupures
en circulation.
Cette argumentation fut déjà employée par Malthus pour critiquer la thèse
ricardienne. C’est la raison pour laquelle Ricardo change d’avis pour ce qui est du
revient à la thèse de base de Ricardo, c’est parce que alors le papier monnaie n’était
pas de la monnaie dans le sens strict du terme. Il s’agissait plutôt d’une quasi-
n’est plus valable à l’époque actuelle ; car, comme on sait, à notre époque le papier-
théorie de la valeur-travail puisse être valable dans le cas de l’or comme étalon. Nous
avons déjà souligné la problématicité de cette thèse pour ce qui est la valeur des
93
Plus précisément, de la théorie quantitative.
87
demande est supérieure à l’offre, tandis que la déflation est le résultat du phénomène
De plus, comme nous le verrons plus loin, cette théorie confond inflation et
hausse des prix, déflation et baisse des prix. Mais, quoi qu’elles en soient les
confusions, il est clair que cette thèse considère les variations de la valeur de la
globale des biens et services. La cause se trouve, dès lors, précisément, dans ces
De sorte que selon cette théorie, les variations dans la valeur de la monnaie ne
sont pas la conséquence des causes propres à la monnaie elle-même, mais plutôt des
implique le fait qu’il y a trop de monnaie à la recherche de peu de biens. Par contre,
sécrétées par le marché global des biens et services. De telle manière que ce rapport
94
Nous étudions plus loin l'ensemble de ces thèses.
88
Or, le problème est que d’un côté, ce mouvement cyclique ne se produit pas
dans la réalité, et que de l’autre l’inflation s’est toujours produite, dans les sociétés
modernes, au sein d’une surproduction plus ou moins importante. Ce qui rend cette
Il est clair, de plus, que lorsque nous parlons de sur-demande, cela impliquerait
Comme nous l’éclairerons plus loin, nous avons affaire ici à une confusion entre les
Locke95. Le premier texte fût publié pour la première fois en 1692 et le deuxième en
95
Le titre des deux textes sont : Some Considerations of the consequences of the lowering of
interest, and raising the value of money et Further considerations concerning raising the value of
money.
89
Locke nous dit, en effet, qu’il est nécessaire de maintenir une certaine proportion
entre la monnaie et le commerce. Mais, que cette proportion dépend non seulement
dans sa Théorie Générale (4, 23, 2), l’importance de ce texte pour la théorie
monétaire.
Il est important de noter que la théorie exprimée par Locke se différencie de celle
formulée par Jean Bodin. Jean Bodin nous dit, dans ses réponses aux paradoxes de
M. de Malestroit (1568), que la cause principale de l’élévation des prix est toujours
l’abondance de ce avec quoi le prix des marchandises est mesuré. Il nous semble
Chez Bodin, il est question uniquement de quantité. Tandis que chez Locke, il
de Locke rappelons qu’elle fut reprise, parmi d’autres, par Irwing Fisher dans son
travail sur le Purchasing Power of Money (1911). La célèbre équation des échanges
Fisher - mv=pt97 - doit être plutôt considérée comme une théorie du niveau des prix.
En effet, le but de la thèse fisherienne est celle de montrer que p=(mv)/t. En d’autres
termes, que le niveau général des prix est égal à la quantité par la vitesse, divisée par
le nombre de transactions.
Cela dit, le problème essentiel n’est pas ici celui de constater les variations dans le
niveau des prix, mais plutôt de savoir quels sont les facteurs qui déterminent la
affaire à une théorie qui a été très critiquée pendant et après la grande crise. C’est la
raison pour laquelle son rôle est si marginal dans le monde moderne.
96
Le texte en anglais exprime cette problématique de la façon suivante : "The necessity of some
proportion of money to trade. This proportion depends not barely on the quantity of money, but on
the quickness of its circulation". Some Considerations, Second edition, London, 1696, p.33.
97
m (monnaie), v (vitesse), p (prix) et t (transactions).
90
Pour ce qui est de la critique qui a été faite jusqu’à présent, Schumpeter fait la
remarque que voici : « il n’est pas facile de tracer une frontière bien nette entre les
économistes qui ont adhéré au théorème quantitatif et les économistes qui l’ont
étaient la majorité - qui ont affirmé que le théorème était insoutenable sinon sans
aucune valeur. Si on les compare avec l’œuvre de Fisher ou même avec les oeuvres
d’un quelconque des grands auteurs dont on peut dire (à leur avantage ou à leur
Donc, une fois ces problèmes éclaircis, nous allons passer à la théorisation du
théorème quantitatif. Pour cela, nous partons de la thèse lockienne selon laquelle,
période est, comme on sait, par convention dans toutes les sociétés d’ordre annuel.
98
Histoire de l'Analyse Economique, 3, NRF, Paris, p.457.
99
De sorte que VT=Q*VC. En d'autres termes le volume des transactions est égale à la quantité
par sa vitesse de circulation
91
En termes réels, la masse monétaire est le résultat des transactions dans cette période
De sorte qu’une base monétaire (de monnaie primaire) doit circuler un nombre
de fois plus ou moins important, pour donner une masse monétaire plus ou moins
élevée. Se pose alors la question de savoir quels sont les agrégats monétaires qui
doivent rentrer dans la catégorie de la quantité? Pour donner une réponse claire
nous allons introduire la différence des systèmes monétaires essentiels. Donc, d’un
côté l’étalon or, et de l’autre, le règne du papier-monnaie. Pour ce qui est du système
encore : Or x mf = m.m.
Cette catégorie est : premièrement, fiduciaire parce que sa valeur ne dépend pas
100
Bien évidemment l'essentiel de cette masse ?tait compos? par le papier en circulation.
92
d’elle même, mais de sa garantie or. Donc, de sa proportion adéquate par rapport à
sa base monétaire.
monnaie de crédit. Ceci, parce qu’elle est créée par le système bancaire.
terme. Cela à cause du fait que cet instrument ne tire pas sa valeur de lui même. Ce
n’est donc pas une monnaie stricto sensu, mais quelque chose qui s’approche de la
déterminations.
circulation ne pouvait pas aller au-delà de certaines limites. Ce qui veut dire que si
garantie or. Le système bancaire était dès lors obligé de réguler ce rapport. - Pour ce
classique deux moments différents. Dans un premier temps les banques étaient des
fiduciaire de la monnaie.
réduisait, et inversement dans le cas contraire. Pour ce faire, les banques disposaient
de deux sortes d’instruments essentiels. D’un côté, les billets de banque et de l’autre
les lettres de change. Donc, du papier à moyen et court terme. Le papier à long
de ce système.
Nous assistons, par conséquent, pendant cette deuxième période à une élévation
avait le monopole d’émettre des billets de banque, vit son privilège renouvelé en
nombre des billets de banque en circulation quadrupla de 1850 à 1870 »103. Dans un
principaux sont à noter, en ce qui concerne la monnaie, pour la période qui nous
intéresse. Les diverses monnaies européennes ont montré une remarquable stabilité ;
la valeur du franc français, par exemple, n’a jamais variée jusqu’en 1914. En second
lieu, l’Europe a disposé, de 1850 à 1914, d’une quantité croissante de monnaie. Cette
101
A cause du fait que certaines banques avaient tendance à émettre plus de papier de ce qu'il
était convenable, pour maintenir la proportion adéquate.
102
Malet et Isaac, l'Histoire, Vol 4, Ed. Marabout, p.81.
94
circulation. »104.
règne du papier-monnaie.
de la façon suivante :
Ainsi, le passage au règne du papier, implique, par conséquent, le fait que cet
instrument cesse d’être monnaie fiduciaire, pour devenir monnaie dans le sens strict
du terme. Or, du point de vue de la problématique qui nous intéresse ici - la valeur
Essentiellement le fait que cet instrument peut être émis, pour ainsi dire, sans limite.
Ce qui, comme on sait, ne peut pas être le cas du métal jaune. - Nous étudions plus
103
Ibidem, p.81
104
Ibid, p.52.
95
uniquement dans le fait que le papier monnaie cesse d’être monnaie fiduciaire, mais
aussi dans l’apparition d’autres instruments pour jouer ce rôle. C’est le cas des
chèques et des cartes de crédit. Ces instruments sont à présent, comme on le sait, la
nouvelle monnaie fiduciaire105. Ce sont, en effet, ces instruments qu’on peut soit
refuser la monnaie légale d’une nation. Sauf, bien évidemment, dans le cas des
la quantité, d’une manière plus ou moins significative, mais aussi d’élever sa vitesse
changement. Ce qui veut dire que dans le système moderne la vitesse de circulation
circulation ? Ceci, avant de nous interroger sur la question de savoir quelle est
En effet, pour connaître la catégorie VC, nous devons connaître Q et VT. Donc,
total d’une société. Comme nous l’avons indiqué, plus haut, la catégorie qui
s’approche le plus de ce concept est celle du PIB. Dans le cas de la France nous
Cela veut dire par conséquent qu’en France Q=264,5 mds de F. Pour ce qui est
du PIB, il fût, toujours en 1989 égal à 6105 mds de F. Ce qui veut dire que la vitesse
de circulation fût, cette année là, de autour de 23. De plus, il est important de tenir
compte du fait que VC augmente lorsque le loyer de l’argent est bas et que les
facilités de crédit sont importantes. Dans le cas contraire, nous assistons à une
est inversement proportionnelle à sa quantité. Cela veut dire que la monnaie perd de
biens et services que cette monnaie véhicule au sein d’une société donnée. Si nous
Au cour 81 82 83 84 85 86 87 88 89
de l’année
105
Curieusement la plupart des textes scolaires et universitaires n'ont pas encore enregistré ce
changement. Plus précisément le fait que seul la presque monnaie est monnaie fiduciaire.
106
Voir à ce propos : Compte Rendu, présenté à Monsieur le Président de la République au nom
du Conseil Général de la Banque de France, Exercice 1989, p.118.
107
En 1996 l’encour brut de la monnaie divisionnaire fut de 18,5 mds de F. et celle des billets de
239,3mds de F. Rapport, Exercice 1996, Banque de France, p.60.
108
Pour ce qui est du rythme d'émission, voir : Compte Rendu, 1985, p.78, Compte Rendu 1989,
p.118 et Compte Rendu,1990, p.121.
97
Emission 13,4 10,6 8,4 4,7 3,6 2,9 4,8 5,2 4,9
monétaire
Taux 13,4 11,8 9,6 7,4 5,8 2,7 3,1 3,1 3,5
d’inflation109
quantité. Une étude plus minutieuse pourrait nous permettre de dévoiler l’incidence
l’inflation. Cette forte inflexion ne va se concrétiser qu’en 1986. Par la suite, nous
assistons à une reprise du rythme d’émission monétaire qui, par l’inertie précédente,
image, nous pouvons dire que le chien suit bien le lapin, quoi que le mouvement du
premier ne peut pas être identique au second. En effet, de même que le rythme
l’orientation de la course du chien est conditionnée par celle du lapin. Mais l’un et
l’autre ne peuvent pas être identique. Sauf bien entendu si le facteur déterminant
suit un mouvement régulier. Dans ce cas là, il est clair, pour ce qui nous intéresse,
109
En ce qui concerne le taux d'inflation, voir : Les Finances Locales décentralisées, Jean Cuzel,
LGDJ, Paris, 1989, p.400 - Nous avons ajouté le taux d'inflation des deux dernières années.
98
que les écarts entre le facteur déterminant et le déterminé ne puissent être que le
le volume du crédit suit ou non une évolution régulière pendant une période donnée.
Cela veut dire, par conséquent, que s’il y a constance au niveau du rythme
une coïncidence entre les deux catégories que nous sommes en train d’étudier.
Au sens strict du terme, comme nous l’avons souligné plus haut, la monnaie est
un étalon. Ce qui veut dire qu’elle est d’un côté, un instrument de mesure, et de
3) aux autres monnaies. Nous avons affaire ainsi, en premier lieu à la valeur
valeur de change.
Pour ce qui est de la valeur nominale, nous savons que c’est la puissance
instituante qui décide si une monnaie doit avoir cours ou ne doit pas. Or, il s’agit de
savoir si, c’est cette puissance qui décide aussi du rapport quantitatif de la monnaie
Pour répondre à cette question il convient de voir, tout d’abord, quelles sont ces
déterminations quantitatives pour savoir quelles sont celles où l’Etat intervient d’une
99
manière décisive. En effet, pour ce qui est de la valeur nominale nous avons affaire à
pure relation quantitative de cet instrument avec lui-même; deuxièmement, les parts
troisièmement, les proportions au sein desquelles ses parts existent les unes par
Pour ce qui est du premier aspect de cette problématique, nous savons que la
relation purement quantitative de cet instrument avec lui-même n’est pas déterminé
par l’Etat, mais par la logique du nombre. Ce n’est pas, en effet, la puissance
instituante qui décide si un billet de 100 francs doit se changer avec un, deux ou trois
billets de cinquante francs et ainsi de suite. Ce rapport quantitatif est, comme nous
d’une manière décisive. En effet, c’est celle qui décide quelles sont les parts dans
lesquelles cet instrument se décompose. Dans le cas du franc français, par exemple,
c’est l’Etat qui a décidé que les billets de banque existent en coupures de 20, 50, 100,
200 et 500. Bien évidemment cette décision tient compte de la valeur échangeable de
quantitatifs de son instrument monétaire -, se doit de tenir compte aussi bien de cet
d’entretien. En effet, la rationalité de cette gestion veut qu’il est nécessaire qu’il y ait
Cela nous mène à la troisième problématique qui est celle des proportions dans
lesquelles ces parts existent les unes par rapport aux autres. Pour ce qui est de cette
dimension, il est clair que ce n’est pas l’Etat qui décide de l’ordre de ce rapport, ou
effet, pour reprendre l’exemple des billets en circulation110 on peut dire que l’Etat
peut décider sur le fait de savoir s’il faut émettre ou non une coupure de 1000 F.,
mais il ne décide pas de la proportion dans laquelle les différentes coupures existent
C’est ainsi que dans le cas de la France nous avons assisté, dans les dernières
années, à une évolution très significative, pour ce qui est du rapport des types de
50 F 2,7 2,3
20 F 0,6 0,4
10 F 0,3 0,1
Nous constatons ainsi, dans cet intervalle de 6 ans, surtout une augmentation
significative des coupures de 200 F. au détriment des billets de 100 F. Cette évolution
est, comme on le sait, conditionnée essentiellement par le fait que les distributeurs
110
Nous laissons de côté le problème de la monnaie métallique. Laquelle suit la même règle.
101
automatiques ont commencé, pendant cette période à procurer des coupures de 200
F. De plus, cette période nous montre aussi la quasi disparition des petites coupures
apparaît clairement, que plus une nation est riche, plus ses instruments monétaires
sont en proportion adéquate et plus ils sont soignés. Pour ce qui est du dernier
aspect, nous pouvons constater que le soin apporté par un Etat à son instrument
moment donné avec une quantité donnée d’argent. La mesure de cette valeur est
une quantité de monnaie donnée - mettons 1000 francs - nous pouvons obtenir plus
transparente, - que la valeur en échange de la monnaie n’est pas donné par l’Etat et,
forme de croyance tout dépend de la volonté de cette volonté. Or il n’est pas difficile
111
Pour l'année 1983, voir Compte Rendu, 1985, p.78, et pour l'année 1989, voir Compte Rendu,
1989, p.119.
102
Ces variations dans l’instrument de mesure sont ce que nous appelons l’inflation
l’instrument de mesure, avec la variation des biens qui sont mesurés, précisément,
est en rapport inverse à sa quantité. Or, c’est précisément cette détermination qui
national, dans lequel cette monnaie est l’instrument légal. Puisque, la valeur
Il s’agit, dès lors, de faire et maintenir la différence entre d’une part, l’échange
contre, le change nous renvoie à la relation d’une monnaie avec elle-même, ainsi
qu’au rapport d’une monnaie avec les autres. C’est surtout avec cette dernière
deuxième renvoi à sa valeur de change. Comme on verra par la suite l’un ne dépend
pas de l’autre. Ces niveaux ne doivent pas être considérés, telle que le veut la
Cela étant dit, il est important de retenir que le changement dans la valeur
soit une augmentation générale du prix nominal des biens et services inflation, soit le
de mouvement général des prix, dans un sens ou dans un autre lorsqu’il s’agit de
d’échange, ce ne sont pas les biens et services qui varient, mais plutôt l’instrument
et services. Ceci, dans le sens où la dominance d’un côté par rapport à son autre est
en sens opposé dans ces différents niveaux. Ainsi, dans une structure fonctionnant
niveau monétaire, la demande est toujours plus importante que l’offre, tandis qu’au
niveau du marché réel c’est plutôt l’offre qui est plus important que la demande.
peut pas être soutenu au niveau du marché réel, ceci tout en tenant compte de sa
logique inversée. C’est pour ces raisons qu’en ce qui concerne l’offre de la monnaie,
l’offre quantitative que de l’offre du crédit. - Nous étudions cet aspect de la politique
Il est important de bien retenir, pour ce qui est cette problématique, que si la
sommet de l’ordre institutionnel, elle est la conséquence de la logique d’un tel ordre.
Cela veut dire, plus précisément, que c’est la logique de l’ordre institutionnel qui se
son pouvoir en tant que tel. - Nous éclaircirons cette problématique, précisément,
valeur de la monnaie nous allons tout d’abord rappeler la doctrine dominante, pour
deux niveaux différents. Tout d’abord il s’agit du rapport de change d’une monnaie
avec elle même. En d’autres termes, de la relation valeur de chaque monnaie en elle-
même. Puis, c’est le rapport valeur de chaque monnaie avec les autres. Ainsi cette
forme de valeur implique la relation de change de chaque monnaie avec les autres,
Nous avons déjà traité la première forme de cette valeur en parlant de la valeur
nominale. Il nous reste à analyser la deuxième forme qui est, au sens strict du terme,
la valeur de change. Cela dit, ce concept ne doit pas être confondu avec celui de la
valeur d’échange. - D’ailleurs toutes les langues modernes font cette différence. Nous
« cambio », « change », « wechsel »112 - est employé pour désigner la relation valeur
d’une monnaie avec elle même ou avec les autres. Nous parlons ainsi, dans cette
Cela étant dit, revenons aux deux théories qui nous intéressent ici
change d’une monnaie dépend ainsi de sa valeur d’échange. De sorte que la valeur
monnaie, nous nous référons à sa capacité compétitive par rapport aux autres. Ceci
tandis qu’une qui ne l’est pas en possède peu ou pas du tout. En tout cas, dans ce
dernier exemple s’il y a des réserves c’est parce qu’elles sont le produit des emprunts.
Il s’avère, dès lors, que cette dimension est plus importante que celle qui renvoie
de la dépréciation brutale du dollar entre mars 1985 et mars 1987. En effet, en deux
ans le dollar (USD) s’est effondré de presque 50% par rapport au DM et au Yen.
Ceci, sans que le taux d’inflation ait varié d’une manière significative aux Etats-
Unis. Ce taux est resté en effet, au tour de 4,6% pendant cette période113.
Cela étant signalé, il s’avère clairement que la valeur d’une monnaie sur le
112
En Espagnol, en anglais et en allemand pour les deux concepts.
106
d’autres exemples pour corroborer cette chose, mais le cas du dollar nous semble
être plus que significatif. Il se pose dès lors la question de savoir : qu’est ce qui
international ? La deuxième théorie nous dit, précisément, que cette valeur dépend,
manifestation institutionnelle.
Nous allons rester au niveau de la première instance, car c’est elle qui détermine
au niveau immédiat la valeur de change d’une monnaie. Nous pouvons dire alors,
ou de la rareté de cette monnaie sur le marché international. Ou, ce qui veut dire la
même chose, que cette valeur est en rapport direct à l’importance de la demande et
ainsi réglé d’une manière immédiate par son mécanisme régulateur englobant qui
mécanisme est lui même conditionné par l’ordre institutionnel au sein duquel il se
manifeste. Cela étant souligné, il est important de remarquer que lorsque nous
valeur d’échange114, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de rapport entre l’une et
l’autre. Cette relation se manifeste clairement en cas d’inflation galopante. Ceci non
pas parce que, dans ces conditions, une monnaie se déprécie en tant que telle, mais
parce qu’une perte de valeur trop rapide, tend à produire la préférence pour d’autres
113
Ce phénomène fut le résultat des Accords de New York, du 22 septembre 1985.
114
Ou ce qu'on appelle improprement le niveau des prix.
107
monnaies plus stables et donc la sortie de cette monnaie sur le marché international.
dépréciation.
On peut dès lors soutenir que l’érosion monétaire peut ne pas sécréter la
dépréciation d’une monnaie, s’il n’y a pas de préférence pour d’autres monnaies.
C’est précisément ce que nous constatons dans les pays où le taux d’inflation reste
dans les limites du raisonnable. En d’autres termes, des limites au delà desquelles il
n’y a pas de préférence pour d’autres monnaies. Ce qui se produit en cas d’inflation
constater que sa manifestation la plus radicale est le résultat de la fuite des capitaux.
cette fuite massive des capitaux, va provoquer une série de dévaluation du franc par
rapport au DM. En moins de deux ans115 le taux de dévaluation, dont il est question,
fut de 29%.
d’une nation. Ce recul, qui s’étale généralement dans le temps, est la conséquence
immédiate du fait qu’une monnaie donnée est de moins en moins demandée parce
que les non-résidents achètent de moins en moins les biens et services de la nation en
question.
115
D'Octobre 1981 à mars 1983.
108
Pour ce qui est l’appréciation, elle est généralement le résultat soit d’un facteur
mi des années soixante, et jusqu’à la fin des années quatre-vingts ce fut le cas du
des monnaies était le résultat de la différence entre les pouvoirs d’achat et les coûts
sous le règne de l’étalon or, ce qui est convenu d’appeler les automatismes du métal.
Ceci dans le sens où les pays excédentaires avaient des coûts de production plus
élevés que les pays déficitaires. Ce qui tendait à réguler les différences entre les
excédents et les déficits. Pour notre part, il nous semble qu’il serait plus adéquat de
Car, en dernière instance, les pays excédentaires tendait au libre échange, tandis
que les pays déficitaires étaient tôt ou tard contraints à une pratique protectionniste.
change sur le marché international ne se posait pas. Ceci, dans la mesure où on avait
change se posait plutôt soit entre les métaux eux-mêmes - aux époques bi-
métalliques (or-argent métal) -, soit entre le métal jaune et le papier, sous le règne de
109
l’or comme étalon. Il faut rappeler à ce propos que c’est ce problème du change
entre le papier et l’or, qui va être la première manifestation de la crise, entre les deux
guerres, en Europe. En effet, lorsqu’il s’est agit du retour à la convertibilité libre, des
pays comme l’Angleterre et la France ont cru pouvoir rétablir l’ancienne parité.
Remarques préliminaires
entre marché et capital, mais aussi de soutenir que la première dimension est
positive tandis que la deuxième est négative. Il nous semble indispensable, avant de
de ce jugement. Car il faut savoir que ce jugement semble avoir pris racine dans la
avoir pris droit de citer; ce qui est difficilement acceptable, est le capital, par une
Certes, le marché est, en quelque sorte, différent du capital. Mais cette différence
est en même temps une non-différence. Pour ce qui est de la différence, nous savons
que le marché apparaît avant le capital. Ceci, dans le sens où la reproduction simple
pouvons affirmer, sans l’ombre d’un doute, que le marché existait dans l’univers
grec et romain, de la même manière qu’il existait dans la Chine mandchoue, dans la
post-renaissance ; mais, nous ne pouvons pas soutenir que le capital existait dans ces
cultures. Pour ce qui est l’histoire, pas trop ancienne, de la France nous pouvons
116
Rappelons que pour Marx la monnaie et d’échange sont la manifestation de la vénalité et de la
prostitution universelle.
111
aussi soutenir que le marché existait bien à l’époque des Bourbons117, mais qu’à cette
Mais on peut argumenter qu’à ces époques-là, il y existait bien des riches et
même des personnes très riches. Bien évidemment il ne s’agit pas de nier un tel
fortunes. Ceci, à cause du fait que la forme d’accumulation était simple ; elle n’avait
dans leur différence. Plus précisément, comme si l’une était d’un côté et une autre de
l’autre, sans aucune relation entre elles. En effet ce dualisme naïf oublie que ces deux
avec les rapports marchands. Le capital est plutôt la manifestation supérieure de ces
rapports.
117
La période du règne de Louis XVIII étant exclue.
112
marché et est entièrement conditionné par lui. De sorte que le capital se manifeste,
en quelque sorte, comme une détermination du marché. C’est ainsi que le marché
peut exister sans le capital, mais en aucun cas, le capital ne peut exister sans le
marché.
marché.
effet, cette croyance existe, actuellement, dans les pays qui cherchent à dépasser
Ce n’est d’ailleurs, pas un hasard si les observateurs les plus avertis se rendent
compte qu’un tel processus est plus complexe que ce qu’on croit et que, dans le
meilleur des cas, il peut prendre un certain temps pour se réaliser. L’expérience nous
montre, à ce propos, qu’il est plus facile de nier l’économie que de réinstituer sa
logique et, plus encore, dans sa forme supérieure. Cette forme n’est autre que celle
communauté sociale.
Il est important de comprendre aussi qu’un tel processus, n’est pas le résultat des
118
Voir à ce propos le chapitre 11,1, concernant les fonctions de la monnaie.
119
Celui-ci est considéré comme l'usure (riba) dans le Coran et doit, selon l'intégrisme, disparaître
de toutes les sphères de l'activité économique.
113
comme une détermination du marché, lequel dépend d’un ordre englobant qui est,
incidence est négative, comme c’est le cas de notre temps, son impact dépend de la
Pour ces différentes raisons, il nous semble que le concept de système capitaliste
est trop réducteur, lorsqu’il est employé pour déterminer une réalité donnée. Dire,
par exemple, que la Grèce et la Turquie sont des sociétés capitalistes, tout comme la
Suisse et l’Allemagne, c’est énoncer une identité qui ne rend pas compte de
120
Où ce qui est en rapport avec la logique du capital.
114
celle d’autres facteurs121 qui font qu’un ordre donné est conforme aux exigences de
sociale. Pour ce qui est de cette satanisation, il est important de comprendre que le
mais dans les ordres qui conditionnent son existence. Ce n’est, d’ailleurs, pas un
instituante. Mais ce qui s’objective dans certains ordres, n’est pas la raison en tant
des prix. Il convient d’ajouter, à ces deux grandes écoles, la théorie sur les termes de
l’échange qui s’interroge sur la formation des prix sur le marché international. Et
l’échange.
121
Comme la garantie des libertés individuelles, c’est-à-dire de droit, le principe de l'alternance
pure et le niveau d'efficacité de la justice distributive. En d'autres termes la démocratie dans sa
dimension axiologique.
115
En ce qui concerne les deux écoles classiques, nous avons d’un côté, la théorie de
commencer par cette dernière, car bien qu’elle soit postérieure dans le temps, elle est
conceptuellement plus simple. De sorte que c’est cet ordre qui s’impose, car le
qui va du plus simple au plus complexe. Nous avons déjà parlé de la théorie de la
prix. Dans ce qui suit, nous allons nous inspirer plutôt de la version marxiste de cette
théorie, car elle est très simple et se prête peu à confusion. Rappelons, en effet, que
pour Marx la valeur des marchandises est déterminée par le temps de travail
socialement nécessaire à leur production. Cela veut dire, plus précisément, que dans
une société donnée, ce qui s’impose c’est le temps de travail moyen, pour détermine
Nous pouvons ainsi nous trouver, pour ce qui est de la production d’un bien
donné, dans la situation suivante. Le fait que trois entreprises produisent un même
bien, mais selon un temps de travail très différent, Nous pouvons exposer cette
De sorte que nous avons affaire dans cet ordre des choses que dans une telle société
l’entreprise C est plus performante que les autres. Par contre, l’entreprise A est la
moins performante parmi elles. Mais selon la logique de ce rapport c’est l’entreprise
B qui conditionne la valeur. De sorte qu’en relation avec elle l’entreprise A n’est pas
122
Voir à ce propos, le chapitre 1,3 et le chapitre 11,3
116
A->12h 12 um
B->10h 10 um
C->08h 08 um
Ainsi, dans une telle société la marchandise x a la valeur de base de 10um. Mais
Marx, suivant en cela Ricardo, nous dit que la marchandise en question ne se vend
pas suivant cette valeur précisément, mais plutôt autour d’elle. Plus précisément, le
prix pivote autour de la valeur. Il se situe tantôt un peu en dessous, tantôt un peu au-
question sera vendue soit à 11um, soit à 9um. Mais une telle variation ne veut pas
signifier pour Marx que dans leur totalité les marchandises sont vendues en dessous
Pour saisir la problématicité de cette thèse, il est nécessaire de rappeler que pour
d’autres termes, pour lui, le prix de vente global est égal au prix de revient plus la
question sont les deux variables essentielles du prix final. Car, comme le dit Engels
« la valeur d’un produit du travail est déterminée par le temps de travail nécessaire à
sa fabrication »124. Or, cette production contient, comme le sait tout marxiste, le prix
123
Lettre de Marx à Engels, du 30 avril 1868. Marx Engels Correspondance, T.9,E.S.,p.222.
124
Anti-Dührin, E.S., Paris, 1973, p.216
117
supplémentaire qui est, pour ainsi dire, extorquée aux autres capitalistes. Plus
précisément à ceux qui vendent en-dessous de la valeur, dans notre exemple à 9um.
Par conséquent, lorsque le capitaliste vend son produit, il peut soit gagner au-delà
de la plus-value qui lui correspond, soit perdre une partie. A ce propos, dans la
même lettre de Marx à Engels que nous venons de citer, l’auteur du Capital explique
à son ami que « pour le capitaliste, la partie de la valeur de la marchandise qui lui
coûte est son prix de revient, et que, par contre, le travail non payé que contient la
marchandise n’entre pas, de son point de vue, dans le prix de revient de celle-ci.
vente sur son prix de revient. Si nous nommons donc la valeur de la marchandise M,
et son prix de revient pr, alors M=pr+pl donc M-pl=pr, donc M est plus grand que
pr. Cette nouvelle catégorie, prix de revient, est très nécessaire dans le détail du
développement ultérieur. Dès l’abord, il ressort que le capitaliste peut vendre avec
Nous voilà fixés ! Pour Marx la formation des prix peut être réduite globalement
exemple, ceci nous mène à souligner que, selon cette théorie, cette marchandise x est
prix-là. Il faut savoir que pour Marx la plus-value est cette partie de la valeur que le
125
Ibidem.
118
capitaliste partage avec les marchands et avec le pouvoir d’État. En effet, pour ce
La problématicité de cette théorie se trouve, dès lors, aussi bien dans le fait de ce
partage de la plus-value, que dans celui du fait que Marx considère que la
production est le seul facteur à ajouter de la valeur. Pour ce qui est du premier volet
nous avons vu qu’au niveau global valeur et prix sont une seule et même chose. De
sorte que les marchands ne perçoivent rien comme rémunération de leur activité.
On peut supposer que la bureaucratie étatique reçoit sa part par le biais des impôts.
Quoi qu’il soit difficile de croire qu’une telle charge puisse être subventionnée par les
Ricardo, d’ailleurs –, se trouve dans le fait que la production est le seul facteur à
participer dans la formation de ces catégories. Ils ont oublié, comme nous l’avons
signalé plus haut, les intermédiaires et, à plus forte raison, la fiscalité indirecte.
Laquelle participe, pour certains biens comme les produits pétroliers126, d’une
Il est important de retenir que dans la réalité pratique, les intermédiaires ont une
incidence très significative dans la formation du prix final. Elle est, d’ailleurs, en
rapport direct avec l’élargissement des échanges. Ce qui veut dire que, plus le
augmente, plus les intermédiaires incident dans la formation du prix final. Or, ces
126
En France, par exemple la taxe sur l'essence est actuellement (1991), de l'ordre de 76% du
prix final.
119
publicité et la vente.
reproduisant d’une manière simple, que la logique du marché moderne. Celle-ci est
d’incidence dans les sociétés sous-développées que dans les sociétés développées
modernes.
Cela dit, les marxistes qui arrivent à saisir l’inadéquation entre cette théorie de la
formation des prix et la pratique du marché, tendent à croire qu’une telle erreur ne
peut être que le produit du temps historique qui lui a donné naissance. En d’autres
termes, ils pensent qu’à l’époque de Ricardo et de Marx le marché était extrêmement
étroit. De sorte que leurs théories pouvaient être valables alors. Or, l’histoire nous
pris depuis le début du XVIII siècle des proportions considérables. Le XIX était, à ce
Smith nous avait déjà fait remarquer, pour sa part, qu’il y a quatre manières
produit brut qu’il lui faut pour son usage et sa consommation annuelle ; ou bien, 2)
produit brut, soit le produit manufacturé, des endroits où ils abondent à ceux d’où
ils manquent ; ou, 4) enfin, à diviser les proportions de l’un et de l’autre de ces
120
Pour ce qui est du premier point la position de Smith ne laisse pas de place au
doute. Selon lui, en effet, « les personnes dont les capitaux sont employés de l’une de
ces quatre manières sont elles-mêmes des ouvriers productifs. Leur travail,
marchandises que produisent les deux premiers, et dont trafiquent les deux autres128.
Il est évident qu’il y a dans cette description une perception très simplifiée du
sont pas les seuls qui interviennent dans ce mouvement. Comme producteur de
matières premières il n’y a pas, par exemple, seulement le fermier, mais aussi le
marchandises, il est clair que Smith ne commet pas la lourde erreur de croire,
127
La Richesses des Nations, Livre 2, chapitre IV., Idées/Galilimard, Paris, 1976, p. 194.
121
moments correspondent à une nécessité structurelle et sont aussi importants les uns
que les autres. Ceci implique concrètement que ces moments sont aussi productifs
les uns que les autres lorsqu’ils se manifestent dans leur nécessité d’ordre structurel.
Il ne s’agit pas, toutefois, d’en déduire à partir de là que l’ordre de ce processus est
tout à fait rigide. Le rôle du marchand qui amène un produit dans un marché
donné est celui d’être le plus concurrentiel possible. Par conséquent de réduire, dans
Pour ce qui est des frais d’intermédiation, nous constatons que les négociants
cherchent par tous les moyens à trouver les transporteurs et les distributeurs les
moins chers et les plus fiables. En tout état de cause la circulation des marchandises
formation des prix. Par dessus ce marché se trouvent les différentes taxes, appelées
actuellement la taxe de la valeur ajoutée, les impôts sur les sociétés et les impôts
locaux, ou la patente.
Dans la formation du prix final, il s’agit de faire la différence, entre les coûts
128
Ibidem.
122
d’un ordre donné.- Nous étudions cette problématique au chapitre IV, sur l’État et la
société civile.
formation des prix. Le coût public doit être considéré comme étant une constante
stable et nivelée dans un marché donné. Les variations des prix sont plutôt la
même. Lequel est toujours un marché donné, et qui peut être considéré à trois
niveaux différents : local, national et international. Cela dit, le marché est en dernière
À partir de cette dimension, nous constatons que la loi dominante du marché est
des prix en ce qui concerne les marchandises, mais aussi les services, les salaires et la
la simple formulation de cette loi, il s’agit de saisir, comme l’a signalé Malthus, le fait
que les prix sont en rapport direct avec l’importance de la demande et en relation
inverse avec l’importance de l’offre. De plus, il s’agit de tenir compte du fait que le
marché est, dans son effectivité, l’espace où l’offre tend à satisfaire une demande
cette activité ont pour but, précisément, l’accès à cette demande effective. De sorte
que lorsque nous parlons d’un marché donné, nous nous référons à une réalité où
de vue là, un système à produire des prix. On peut dire, plus précisément, que ce
mécanisme de formation des prix est en acte et en puissance. En acte pour ce qui est
des biens en circulation à un moment donné, jour j129. Par contre, le marché est une
puissance pour ce qui est soit, le jour J+l et à fortiori le jour J+N, soit des biens qui n’y
Nous nous référons ici aux premiers, car ils constituent la réalité par excellence.
Ainsi par rapport à ces biens, il est clair que dans un marché donné il y a toujours
un prix moyen pondéré. Or, c’est ce prix qui sert de référentiel aux acteurs de ce
marché et plus particulièrement aux négociants. Il s’agit pour eux d’y apporter ces
biens au prix le moins cher possible. Car c’est, précisément, d’un tel objectif que
Par extension nous pouvons soutenir que toute activité a en face d’elle un
marché, qui donne l’horizon du prix par rapport auquel elle se situe. De sorte que la
lutte pour le prix est le sens même de son activité. Mais dans cette lutte les acteurs de
cause, si nous partons d’une qualité égale, il est évident que le facteur prix est une
Les producteurs et les commerçants ont ainsi comme référentiel de leur activité
le niveau du prix du bien (ou des biens), dont ils s’occupent. Il est clair que ce niveau
de prix tend à varier, soit par une variation dans l’offre, soit par une variation dans
la demande. - Nous allons supposer dans ce qui suit : 1) l’existence d’un produit plus
l’homogénéité, il s’agit précisément d’écarter, pour l’exemple, ces produits dont les
129
Il convi endrait même de parler de moyenne pondérée du jour J.
124
variantes sont très importantes, comme sont les produits industriels. Nous savons à
blé ou de café. Nous mettons ainsi en rapport, toujours pour l’exemple, d’un côté un
première est un phénomène général, tandis que la deuxième ne concerne que des
hypothèse, car elle ne concerne pas le prix des marchandises, mais est plutôt le
résultat de la valeur de la monnaie. Les variations générales des prix nominaux sont,
en effet, la conséquence des variations dans l’instrument de mesure et non pas dans
les choses mesurées. De sorte que lorsque nous parlons de variations des prix nous
marchandise par rapport à la moyenne générale. Dans ce sens nous pouvons dire
moyenne générale.
Au sens strict du terme les variations des prix concernent les marchandises. En
effet, les marchandises varient de prix par rapport à elles mêmes et en relation à la
moyenne générale. Il convient, dès lors, de faire la différence entre les variations des
dans le premier cas, nous avons affaire au phénomène de la variation des prix, dans
Une marchandise donnée peut ainsi s’apprécier ou se déprécier par rapport aux
autres. Il se pose dès lors la question de savoir quelles sont les causes de telles
variations. Nous disons alors qu’un bien s’apprécie : soit parce que l’offre est
inférieure à la demande, soit encore parce que la demande est supérieure à l’offre.
125
La dépréciation se manifeste, quant à elle, dans un rapport inverse à celui que nous
venons de souligner.
Il est très important de rappeler, pour les variations des prix, que le prix réel des
biens ne peut pas rester identique à lui même pendant une période donnée de
plusieurs semaines, voire de plusieurs jours. Ceci à cause du fait qu’il y a toujours
des variations dans la capacité de production, comme dans les besoins, exprimés
De plus, ce mouvement dans les prix réels implique en même temps des
variations dans le taux de profit. De sorte que toute hausse du prix réel d’une
cette augmentation du taux de profit réel qui tend à attirer l’investissement dans ce
marchandise.
Ainsi dans le phénomène de la formation des prix, la loi générale est que toute
hausse des prix est suivie d’une baisse des prix. Cette règle concerne le court et le
moyen termes. Dans le long terme nous avons affaire non pas à un mouvement de
régulation, mais plutôt à une tendance générale à la baisse des prix réels. Ce
croissance économique.
De sorte que dans une telle réalité - comme ce fut le cas particulièrement
concrètement : soit dans la variation des prix, soit par la tendance générale à la
baisse des prix. Cette tendance générale, dans les conditions de la croissance,
implique plus précisément le fait que la valeur d’une même quantité de travail tend
126
Il nous reste, avant la fin de ce sous-chapitre, à nous tourner vers la théorie des
des termes de l’échange - la formation des prix des biens dans le monde, ne se fait
pas selon une loi générale, mais suivant l’ordre de la domination internationale.
Pour expliquer cette problématique de façon claire, rappelons tout d’abord que le
globale.
C’est ainsi que dans une première version, ce concept se rapporte à la balance
commerciale des économies nationales. C’est ainsi que lorsqu’un pays a une balance
défavorable, on dit que les termes de l’échange lui sont négatifs. Par contre, dans la
les produits finis. De sorte que toujours selon cette vision, le monde est divisé en deux
parties. D’un côté, les pays producteurs de matières premières, et de l’autre, les
comme un système dual, où tantôt les matières de base sont désavantagées par
rapport aux produits finis, et où tantôt il s’agit de la relation inverse. Il est, dès lors,
deuxième cas de renversement de ces mêmes termes. Par conséquent, dans cette
Cela étant signalé, il convient de rappeler que pour les classiques, la formation
des prix et des valeurs est conditionnée au niveau universel par une seule et même
loi. Comme nous venons de le voir pour les uns il s’agit de la loi de la valeur-travail,
127
tandis que pour les autres il s’agit de la loi de l’offre et de la demande. De plus pour
eux cette loi unique est susceptible d’expliquer non seulement la valeur des
notre temps remplacée par une théorie à la fois parcellaire, dualiste et arbitraire. Elle
est parcellaire parce qu’elle ne se réfère qu’à la valeur des marchandises, excluant
ainsi la valeur du travail et de la monnaie. Elle est, par la suite, dualiste parce qu’il y
a d’un côté les pays qui produisent les produits finis et de l’autre ceux qui produisent
des matières premières. Enfin, cette théorie est arbitraire pour deux raisons très
objectifs, mais plutôt des rapports de force. Deuxièmement, parce que dans ce
c’est tantôt l’un, tantôt l’autre, donc, soit la dégradation, soit le renversement des
termes de l’échange.
thèse selon laquelle le monde se trouve divisé en deux parties. La différence entre
sous-sol. De sorte que les pays qui ont ces richesses ne connaissent pas le
développement, tandis que ceux qui ne les ont pas sont des réalités industrialisées.
lorsqu’on regarde de plus près cette problématique, on se rend compte du fait que
cette thèse, ne correspond pas à la réalité et ceci à cause du fait que les premiers
contre dans le sens contraire les trois pays les plus importants du tiers monde, de par
matières premières.
couramment affirmé - pour ce qui est de la formation des prix des produits
tropicaux, comme le café ou le cacao -, que les prix sont fixés par les pays
Or, dans la réalité nous avons affaire, dans ce cas, à une manifestation de la loi des
concept de capital a été tout au long de son histoire l’objet d’un culte naïf, ou du
simple rejet. Très souvent la théorie économique s’est posée la question de savoir
comment expliquer son apparition. C’est ainsi qu’on a pu soutenir que le capital fut
dans son apparition le fruit du pillage impérial. Nous trouvons cette thèse
capitaliste. Comme Marx, Proudhon, Bakounine et ceux qui se sont réclamés d’eux.
Nous trouvons cette identification entre pillage et capitalisation dans une version
moderne, chez Paul Baran. Sa thèse sur l’extorsion du surplus économique, comme
du capital est encore de nos jours, très en vogue en Amérique Latine. Elle fut, en
outre, popularisée en Afrique par Samir Amin pendant les années soixante-dix.
Pour saisir la nature de cet événement il faut tenir compte du fait que pour ces
et de s’affirmer dans leurs propres valeurs. Cette affirmation a donné lieu à des
Cela dit, le passage de l’un à l’autre de ces moments est, toujours selon ces
croissance économique.
essentielles. La première étant le fait que les événements ne coïncident pas du point
capitalisation. Pour ce qui est ce dernier point, il convient de rappeler que les pillages
produits par les entreprises conquérantes ne datent pas du seizième siècle. Nous
constatons, en effet, que jusqu’à nos jours les guerres et les conquêtes ont été
phénomène - cas de Rome, par exemple - n’a jamais sécrété l’accumulation élargie :
deux sociétés qui ont, à cette époque-là, pillé à grande échelle, sans que une telle
pense, à ce propos, que si l’Espagne n’a pas connu ce phénomène, c’est dû au fait
qu’elle était à son tour exploitée par les Pays-Bas. Or, nous savons qu’à cette époque
l’Espagne.
fut le résultat du pillage de l’Amérique, d’une partie de l’Afrique et de l’Asie par les
siècle fut une époque d’abondance. Mais, à partir de 1560 commencent non
l’Italie. Pour être plus précis, il faut rappeler que c’est précisément à cette époque
renaissance et de la pré-renaissance.
C’est pour ces raisons que nous disons que la thèse de Gunder-Franck ne
coïncide pas avec les événements historiques. En effet, si cette thèse avait coïncidé
avec la réalité historique il est évident qu’on aurait dû constater une croissance
qui n’est pas le cas. En effet, à partir de 1560 l’Europe occidentale va connaître un
avec l’ensemble de ces colonies à partir de 1580, n’a pas empêché ce processus
marché. C’est ainsi que le marchand achète une quantité de biens à une valeur X et
les vend en faisant un profit à X’. Ce qui nous donne dans la formule classique de
transforment à leur tour en une somme d’argent plus importante que celle qui se
trouvait au point de départ (A’). Nous avons ainsi l’équation A-M-A’, qui est censée
Quoi que cette équation soit très suggestive, de par sa simplicité même, elle pose
tout de même des problèmes très importants. En effet tous les historiens de
l’économie sont d’accord pour constater que le profit apparaît avec le marché. Dès
lors, il est légitime de savoir comment le capital n’est pas apparu d’une manière plus
ou moins simultanée. Car, lorsque nous disons qu’un phénomène est l’effet d’une
cause, nous supposons en même temps que l’apparition de la cause ne peut pas être
très distante de celle de son effet. Or, en l’occurrence nous avons affaire à une
différence dans le temps de plus de vingt deux siècles. Comment expliquer alors, une
Cela étant signalé, il est évident que la monnaie et le profit sont deux éléments
indispensables à l’accumulation élargie, mais ils ne sont pas les seuls. Ces facteurs
par eux mêmes ne peuvent donner que la dimension simple du marché. Il s’avère
dès lors nécessaire d’aller plus loin dans la recherche du phénomène qui nous
trouver les moments concrets de ce processus. Dans ce qui suit nous nous inspirons
de cette recherche. Tout indique, en effet, que les conditions de la capitalisation sont
d’Hollande déclarent ne plus être concernés par l’interdit du prêt avec intérêts. Ce
De sorte que la fin de l’interdit du prêt avec intérêts va se réaliser, dans ces
conditions, dans une société individualisée, où chacun est pour lui-même. C’est
dépassement de cet interdit. Nous allons assister alors, très vite, à l’apparition d’un
l’accumulation élargie.
130
Armand Colin, Paris.
133
à remarquer que nous avons affaire, dans ces circonstances, à l’existence d’un
fonctionnement de ce système, car elle était et va rester, jusqu’au Peel’s Act de 1844,
une banque comme une autre. De plus, c’est au sein de ce système que va
système de dépôt et d’émission. Ceci veut dire que les banques émettaient des billets
pour rémunérer les dépôts en or. Le crédit lui-même étant accordé en papier, cela
papier bancaire.
alors de grandes fortunes, dont l’institution avait pour rôle d’assurer le change131 et
les transferts des fonds grâce à un système de filiales et de la circulation des « lettere
131
Cette fonction était assuré par des lombards, - des vrais ou des tenus pour tels.
132
Lequel prend fin en 1563.
134
Il faut, dès lors, garder présent à l’esprit que la capitalisation surgit avec
comme nous l’avons souligné un peu plus haut ce crédit va s’objectiver dans
intérêts s’est concrétisé avec antériorité. - Il ne s’agit pas, dès lors, de considérer que
rappeler, à ce propos, que la pratique du prêt fut très courante dans la Rome
processus de la capitalisation.
Cela étant dit, il est indispensable de retenir134 que l’épargne est, précisément, le
processus par lequel la monnaie, stérilisée par la thésaurisation, devient une masse
monétaire avec un niveau d’efficacité de plus en plus élevé. C’est ainsi que le stock
crédit. En effet, de par sa fonction, le crédit doit être perçu comme un multiplicateur
133
Le taux de crédit légal fut dès lors régulé par la loi Licino-Sexistas de 366 A.C.
134
Il faut rappeler, à ce propos, que la confusion autour de cette problématique est très grande.
135
Comme nous allons le voir135, dans le système classique l’épargne était encore
Remarquons que cette thèse est encore défendue par Keynes. C’est ainsi qu’il
collectif des entrepreneurs individuels, ces deux montants sont nécessairement égaux
puisque chacun d’eux est égal à l’excès du revenu sur la consommation »136.
135
Voir à ce propos le chapitre II-3 et II-5.
136
Théorie Générale, P.B.P, Paris, 1971, p.83.
137
Ibidem
136
soutenir, comme le fait Keynes, que le montant de l’un est équivalent à l’autre. Dans
crédit. En effet n’oublions : 1) que l’épargne n’est que la base monétaire, et 2) que le
est conditionné non seulement par le volume de l’épargne, mais aussi par celui du
crédit.
C’est justement pour cette raison qu’on peut soutenir que l’équivalence entre
ne joue pas le rôle qui est le sien: celui d’être un multiplicateur de la base monétaire.
Nous trouvons ce phénomène aux époques modernes, dans les pays sous-
développés. Au sein de ces réalités, en effet, les possibilités de crédit sont absorbées
niveau de l’épargne joue un rôle moins important, car il n’y a pas de préférence
138
Sous le règne du papier monnaie ce rapport est différent. Nous expliquons cette problématique
un peu plus loin.
139
Nous présupposons ici, pour faciliter l'analyse, une demande stable ou en progression
constante.
140
Ce qui veut dire que, dans ces conditions l'investissement est essentiellement le résultat de
l'autofinancement.
137
Cela fait, par conséquent, que dans ce système l’argent se trouve toujours dans
les circuits financiers. Ainsi, la base monétaire n’est pas menacée par un retrait
monétaire.
le crédit lui-même, il convient de rappeler que d’une manière générale le crédit était
commercial et d’affaires.
par la suite la catégorie des taux de crédit. En ce qui concerne le volume du crédit, il
est important de signaler qu’il était peu important à l’époque classique. Pendant
141
Nous employons ce terme par convention. On emploi aussi le concept d'économie de
consommation. Dans le sens strict du terme ces concepts sont problématiques. Ceci non
seulement parce que Keynes n'a pas crée un système, mais aussi parce que toute économie est
de consommation. Le terme le plus convenable serait en fait celui d'économie
'brettonwoodsienne".
142
Ce phénomène va apparaître avec la déflation qui se développer actuellement, surtout au Japon
depuis 1992. Donc avec la négation de l’inflation. Voir à ce propos le Tome III de cette
Introduction.
138
que les deux moments en question trouvent leur séparation avec la loi de Peel de
1844. Il y a ainsi l’avant et l’après cette loi du Premier ministre anglais d’alors. La
monnaie. Tout indique que ce volume s’est accru après 1844, lorsque les banques
système bancaire, par rapport à la base monétaire, est chaque fois plus important.
C’est-à-dire que les banques doivent disposer d’un capital au moins égal à 8% de
rapport de la BRI, il est question du capital des banques et non pas de leur base
monétaire145. Ceci signifie que celle-ci ne peut qu’être très inférieure au ratio en
question. Il faut noter aussi que ce ratio est réservé aux banques à vocation
internationale, donc aux grandes banques des pays développés. Il ne demeure pas
moins que ce ratio nous donne une idée du niveau d’engagement du système
bancaire moderne.
Pour ce qui est du taux de crédit, nous avons déjà montré, dans le chapitre
143
Organisme bancaire international résidant à Bâle.
144
Dit Ratio Cooke, du nom de son président, sous-gouverneur de la Banque d'Angleterre.
145
Donc, du ratio de liquidité.
139
ce dernier taux se situe, d’après ce qu’il semble, au tour de 12%. Donc si nous
la rentabilité moyenne réelle des entreprises d’un pays, nous devons déduire le taux
les entreprises sont pénalisées lorsque le taux moyen de crédit à l’investissement est
supérieur à 5%, tandis que dans le cas contraire nous avons affaire à une situation
Ainsi, lorsque le taux réel du crédit à l’investissement est très élevé - mettons au-
delà de 10% -, nous avons affaire à une économie qui souffre de la paralysie. Dans
ces conditions, ne subsistent au bout d’un certain temps que les entreprises qui ont
organisme vivant qui connaît, précisément la même logique. Bien sûr dans un tel
le taux de rentabilité du capital. Tout indique, en effet, que nous avons affaire-là à
deux variables d’ordre structurel. En effet, le taux réel moyen de l’une et de l’autre,
de ces variables, est le même en système classique que sous le règne du papier
monnaie. Dans le système inflationniste, ces variables doivent être déflatées du taux
d’inflation. Par conséquent dans une société où le taux d’inflation est de 5%, la
deuxième.
Il est, par conséquent, important de saisir le rôle des taux d’intérêts réels dans le
A 5% 18%
B 10% 18%
C 15% 18%
plus sain, tandis que le cas C serait le plus dégradé. Or, si nous tenons compte des
taux réels, on doit conclure que l’économie se trouvant dans la situation de type A
est pour ainsi dire freinée. L’économie B fonctionne plutôt en ralentissement, tandis
trouve médiatisé par le crédit. Or, cette catégorie trouve sa propre régulation dans
les taux d’intérêts. Rappelons qu’à l’époque classique ces taux suivaient les
automatismes du marché, tandis que sous l’époque moderne l’État participe d’une
lui-même. Mais les États peuvent de cette manière soit relancer les économies en
146
Fonctionnant donc selon la loi du capital. Cette loi étant celle de l'investissement rentable.
141
mettant à la disposition des entreprises, un crédit abondant et bon marché, soit les
Mais les États ne tirent pas toujours profit de ces possibilités. Soit parce que des
soit parce que les responsables de l’économie n’ont pas une conscience claire de la
bien-être général.
sociales et des inégalités entre les nations. Or pour nous cette dérive qui semble
s’aggraver avec la crise actuelle, est bien plutôt le résultat de l’éclipse de la raison. À
savoir l’incapacité par les temps qui courent de produire des ordres institutionnels –
147
C'est le cas pour la presque totalité des nations existants actuellement.
142
d’individualisation.
libéralisme veut dire que l’État reconnaît et garantit la liberté des individus, tandis
produit de la raison instituante ; dès lors son développement ne peut être que le
uniquement dans la monnaie, elle doit se manifester aussi dans l’ensemble des
monnaie. Cela dit l’élévation d’efficacité de cet instrument passe nécessairement par
un taux marginal d’inflation. Pour cette raison nous disons que toute politique
efficace. C’est ce que nous montre l’expérience monétaire actuelle (2001) du Japon et
capitalisation est, en lui-même conditionné par les mécanismes du marché. Ceci est
vrai non seulement pour ce qui est des forces conditionnant la capitalisation elle-
de comprendre quel est le mécanisme qui fait, par exemple, que la formation des
prix d’une marchandise donnée oscille, selon sa qualité, autour d’un prix moyen. En
d’autres termes, qu’il n’y a pas de différences considérables au sein d’un même
marché, pour un produit donné à qualité égale. Cela est vrai aussi pour ce qui est du
prix du travail et encore plus vrai pour ce qui est de la valeur des monnaies.
d’anarchie du marché. Il faut dire que ce terme est particulièrement inadéquat. Car
conserver. Le côté anarchique est plutôt une apparence. C’est pour ainsi dire
l’immédiateté d’une telle réalité. Ainsi lorsque nous observons la réalité immédiate
les grands marchés, nous constatons que les gens s’agitent dans tous les sens. Ceci
est vrai dans un centre commercial comme les Halles actuelles de Paris, ou comme
lorsqu’il s’agit du grand marché de la ville de Bangkok, ou bien encore d’un souk de
l’Afrique du nord, pour ne prendre que quelques exemples précis, mais significatifs.
consommation.
Pour la plupart, les classiques s’accordent pour dire que le mécanisme englobant
qui régule le marché n’est autre que le rapport entre l’offre et la demande. C’est, en
d’autres termes, une manifestation de la loi des contraires qui assure cette
régulation. Car toute régulation, quelle qu’elle soit, est la conséquence des forces
contraires. C’est ce rapport de forces contradictoires qui assure soit l’équilibre, soit le
mouvement de ré-équilibrement.
remarquer que dans une structure simplement marchande, le rapport entre ces deux
forces est très équilibré, tandis que dans les sociétés capitalistes nous avons affaire à
l’avènement d’un état stationnaire. Ce désir d’un devenir autre a été précisément la
a fait croire que les mécanismes d’autorégulation avaient cessé d’être viables. - Nous
étudions au chapitre 5 la problématique des crises. Ce qui nous intéresse ici, ce sont
Par conséquent la régulation, dont il est question ici, est celle qui se rapporte à
régulateur englobant, Smith nous avait fait remarquer qu’elle concerne non
seulement les flux des marchandises, mais aussi la capacité productive. En effet,
selon lui, il y a d’une part, le fait que la quantité de chaque marchandise mise sur le
l’autre, le fait que la somme totale de l’industrie employée pour mettre sur le marché
actuellement de zéro stock, ainsi que de zéro délai. C’est la théorie japonaise de : « ce
concrètement de telle sorte que, dans tout secteur capitalistique, la production trouve
pas de produire, mais de vendre. C’est la raison pour laquelle, la capacité productive
effective.
plus simple est de dire que c’est la rentabilité du capital qui conditionne ces
mouvements. Mais, s’il est bien vrai que ce mécanisme est fondamental, il convient
international, qui est autrement plus importante que dans le système classique. Cela
fait, par conséquent, que dans le système ouvert que nous connaissons, une partie de
148
Voir à ce propos - RdN, Livre 1, chap. V
147
moins compétitive que celles avec lesquelles elle est en concurrence ouverte.
d’emplois. Cette régulation est tout à fait automatique car les entreprises ne peuvent
productive des biens et services tend à porter au marché la quantité précise pour
On tend à croire, en effet, que cette forme de régulation est une perversion des
et capital monétaire.
rapport entre l’offre et la demande globale. Celle-ci est toutefois une régulation
149
Op. Cit. Idées/Gallimard, p-83
148
facteur, elle dépend de l’intérêt privé. Car, d’un côté, l’employeur cherche la
personne qu’il considère comme la plus adéquate pour le travail qu’il offre, et de
l’autre côté, comme dit Smith l’intérêt individuel porte chacun à chercher les
De sorte que l’optimalité dans l’allocation du travail est, à son tour, conditionnée
par le mécanisme englobant de la loi des contraires. - Nous nous référons ici, bien
sûr, à un marché de l’emploi non perturbé par une logique étatiste, supprimant la
Cette dernière crée des emplois fixes, non soumis au principe du marché, donc à la
concurrence pure. - Nous étudions cette problématique d’une façon plus précise au
monétaire. Nous avons vu que le capital fixe, emploie sa capacité productive pour
satisfaire la demande effective. Lorsque nous parlons ici de capital monétaire, nous
nous référons à cette masse active en amont du capital fixe ou du capital objectivé,
cette partie du capital circulant qui consiste en monnaie. Pour A. Smith, l’intérêt
privé conditionne ce phénomène. En effet, selon lui, « chaque individu met sans
cesse tous ses efforts à chercher, pour tout le capital dont il peut disposer, l’emploi le
plus avantageux ; il est bien vrai que c’est son propre bénéfice qu’il a en vu, et non
celui de la société ; mais les soins qu’il se donne pour trouver son propre avantage
société150.
En effet c’est ce mécanisme du libre jeu de l’intérêt privé qui sécrète l’intérêt
puissance ne doit pas être considérée comme une sorte de transcendance, mais
processus, l’individu qui investit cherche par tous les moyens à faire fructifier son
argent. Ce but ne peut être atteint que s’il le place dans les secteurs où les besoins de
capitalisation sont importants. Or, ces secteurs sont, précisément, ceux dont la
demande effective est en moyenne plus importante que dans les autres.
s’agit de constater le fait que dans toute économie les différents secteurs, branches,
voire unités simples, n’ont pas le même niveau de rentabilité. Il existe, en d’autres
alors qu’il y a des entreprises qui sont plus rentables que les autres.
Mais, avant de nous s’interroger sur le pourquoi de cette différence, nous devons
tenir compte du fait qu’il y a une rentabilité moyenne dans le social. De sorte qu’il y
au-dessus. Cette différence est conditionnée par le simple fait qu’il y a des entreprises
qui écoulent mieux leur production que d’autres. Ce qui veut dire concrètement que
150
Op. Cit. p.252 et 253
150
des entreprises enregistrent une demande très puissante de leur production, tandis
précisément qu’il y en a qui ont un taux de rentabilité supérieur aux autres. Ricardo
exprime cette problématique en disant que « c’est en raison de l’inégalité des profits
constater qu’il y a des valeurs dont les taux de bénéfices sont supérieurs à la
moyenne, et d’autres qui sont inférieurs. Nous pouvons, pour illustrer ces propos,
loi du marché, nous pouvons dire qu’A est en sous-production, que B est en
fait de l’inégalité des profits, comme le signale Ricardo. Son intérêt, la recherche du
la sorte, il joue un rôle régulateur, ou, plus plutôt il est une manifestation de la
Il est clair, toutefois, que l’afflux des capitaux vers A va faire en sorte que cette
151
Principes de l'économie Politique, Calmann-Levy, Paris, p.89.
151
circulation. C’est son déplacement des secteurs sur-capitalisés, vers ceux qui se
en lui-même. Bien sûr ce même mécanisme peut pousser à la sortie des capitaux
d’un pays donné, vers les autres. Ce mouvement de capital sur le plan international
peut être le résultat soit de la surabondance des capitaux dans un pays, soit de
l’incapacité qu’a le capital à s’y fructifier. Dans le premier cas, nous avons affaire à
Si nous observons la réalité actuelle, nous constatons que des pays comme le
Japon et l’Allemagne se trouvent dans le premier cas, tandis que les pays du tiers-
monde se trouvent dans le deuxième. De ce point de vue on nous constatons que les
nations riches sont celles qui s’accordent aux mécanismes régulateurs du marché,
tandis que les pays pauvres sont ceux dont leur ordre institutionnel est en
chapitre suivant.
marchandise nous avons déjà signalé le fait qu’au niveau global, l’offre est toujours
plus importante que la demande. Ce hiatus entre un côté et l’autre était plus
conditionnée d’une part, par l’existence même de l’accumulation élargie (le crédit)
Cette inélasticité avait sa source dans l’or comme étalon. Lequel non seulement avait
152
importante dans le système actuel à cause d’une part, du fait que le crédit existe
fait même de l’absence de préférence pour la liquidité. Nous avons ainsi affaire en
toutes les manières dans ce système le problème n’est pas de produire, mais de
production, dans le simple fait que l’industrie est capable de saturer, avec de
niveau-là, nous avons affaire à un rapport inverse à celui du marché des biens et
importante que l’offre. Ceci à cause du fait que tout le monde, pour ainsi dire,
Il est important de comprendre que la monnaie donne accès aux biens du monde.
152
À l’époque où nous écrivions ce texte, 1991, ce phénomène n’existait qu’au niveau international
avec le dollar. Depuis 1997, nous assistons à un mouvement déflationniste. C’est surtout au
Japon que ce problème se produit actuellement, 1999. Nous y constatons une tendance à la
thésaurisation des yens, inconcevable auparavant.
153
Seuls les repus peuvent se permettre le luxe de dédaigner la monnaie. C’est eux, en
tout cas, gavés toute leur vie durant, expriment leur dégoût en méprisant la
monnaie. Cette attitude ne peut certes pas venir de ceux qui n’ont connu et ne
moderne, il convient d’y inclure non seulement l’offre de crédit, mais aussi sa
développer d’une manière trop importante sans qu’un tel accroissement n’ait une
Quoi qu’il en soit il est évident que les marges de manœuvre, de ce côté-là, bien
qu’étroites sont pourtant significatives. En tout cas, il est clair que la monnaie ne
peut pas être totalement en surabondance, car un tel phénomène implique la perte
l’offre.
niveaux différents. La forme de la contradiction étant différente dans les deux cas.
Ce qui implique un rapport contradictoire entre ces niveaux, l’un par rapport à
l’autre. Or, c’est précisément cette double manifestation de la loi des contraires, dans
4) Marché et entreprise
Plus exactement, avec l’investissement destiné à une production dans une échelle
d’abord au sein de la production, pour s’extérioriser par la suite dans le domaine des
travail chez les particuliers. Ce travail était payé à la façon. - Il convient de rappeler
développées tout d’abord au sein de l’Empire Ottoman, pour être repris par la suite
par la France de l’Ancien Régime sous Colbert notamment et par la Russie, avec
pouvait se développer qu’à l’intérieur d’un système despotique. En effet dans ces
153
'Fabric system.'
154
Le ' Verlagsystem', sur lequel Fernand Braudel a attiré beaucoup l'attention.
155
avons affaire d’un côté, à une main d’œuvre servile, et de l’autre à une main
d’œuvre libre.
Nous avons signalé, déjà à ce propos que cette liberté, ou niveau minimal
système de la fabrique, n’est pas très élevé par rapport à celui que nous connaissons
l’expression de Sieyès, il y avait d’un côté, des citoyens actifs, et de l’autre, des
citoyens passifs. En effet, pour l’Abbé de Sieyès, la grande Majorité des hommes ne
Cette vision des différences dans la communauté sociale, reflète bien l’ordre des
entreprises à capital familial. De sorte que les subordonnés étaient traités soit d’une
manière paternaliste, soit d’une manière despotique. Les ouvriers étaient, en tout
l’entreprise était (disait-on), celui de travailler et non pas de penser. Cette perception
est la plus grande source d’efficacité dans le travail. La surveillance des rendements
l’efficacité dans la production. Quoi que F.W. Taylor soit mort en 1915, sa
156
nous allons assister dès lors à une élévation très importante de ce que Marx appela la
développer dans les entreprises. Nous allons pour ces raisons assister à un processus
dans les entreprises. Ce mouvement peut être aussi décrit comme le passage, au sein
secteur tertiaire. Nous n’appuyons pas ici la thèse, selon laquelle le développement
technologique provoque le chômage de masse comme l’a cru Marx. Il s’agit pour
grande partie, le changement qui est en train de s’opérer, de nos jours, dans la
la forme de production elle-même. - Mais ces termes ne sont pas employés dans le
sens marxiste. En effet par mode de production nous voulons signaler le niveau
157
technique qui conditionne ce processus. Tandis que par forme de production nous
était liée très souvent à la découverte d’un produit. De sorte que l’activité d’une
entreprise était liée au cycle vital du produit. Lequel tend à connaître trois moments
l’époque classique. Il faut rappeler, en effet, qu’à l’époque l’essentiel était de produire
; car, comme disait J.B. Say tout produit tend à trouver son propre consommateur,
supporter les variations de cette demande. Tout indique que cette différence dans la
Il convient aussi de tenir compte du fait que l’économie classique est encore
enfermée dans le cadre national. Ce qui n’est plus le cas actuellement. En effet,
depuis les années soixante, nous assistons à une ouverture chaque fois plus
maintenir. Ce n’est qu’avec les années quatre-vingts que nous allons assister à un
d’abord aux États-Unis, pour se développer par la suite au Japon et s’étendre dans
Tout indique que la politique des entreprises telles qu’IBM, Toyota, Siemens etc.
etc. - pour ne mentionner que quelques entreprises parmi les plus connues des trois
pays qui dominent l’économie internationale -, peut se résumer aux points suivants :
1) Le respect de l’individu.
3) La formation du personnel155.
personne est en tant que telle égale à une autre et que les différences ne se
manifestent que dans les capacités. Ce qu’implique du point de vue des entreprises
155
Les deux premiers points correspondent à ce qu'on appelle en économie d'entreprise les Trois
principes d'IBM. Nous ne nous proposons pas dans ce sous-chapitre d'exposer les principes qui
sont censés guider la politique de telle ou telle grande entreprise, mais plutôt de systématiser
l'ensemble de cette vision. Laquelle est en opposition avec la politique qui a conditionné les
entreprises de l'époque précédente. C'est précisément, cette différence qu'il convient de souligner.
159
En effet une fois l’égalité des chances annoncée, comme principe pratique de la
dans ce qui est convenu d’appeler l’entreprise du nouveau type. Un patron n’a pas
ainsi une secrétaire, mais une collaboratrice. De même pour les cadres de l’entreprise
les personnes qui travaillent sous ses ordres sont ses collaborateurs. - Il serait
démagogique de la part des patrons nouvelle vogue. En effet, ce n’est pas le concept
qui peut changer la nature d’un rapport autoritaire et despotique. C’est ainsi que
dans les pays du socialisme réel les ouvriers sont appelés camarades, mais sont
traités et considérés par les patrons comme des êtres sans valeur.
Par conséquent cette nouvelle terminologie n’est pas le produit d’un simple
changement sémantique, mais plutôt d’un changement dans l’ordre des relations
une machine à travailler et non pas comme un être capable de réfléchir son activité
160
se situe précisément dans le fait que le producteur lui-même était censé n’avoir rien à
dire sur ce qu’il produisait pendant des années, si ce n’est pas une vie durant.
conscience du fait que le travailleur a son mot à dire non seulement en ce qui est
l’ordre de son activité, mais aussi dans son résultat. De plus, cette participation
distendant les rapports. Lesquels par l’ordre des choses tendent à être conflictuels.
moins réduits, pendant une partie importante de la vie en éveille et pendant une
période de la vie plus ou moins longue, ne peut se manifester sans poser des
exclure de son sein les êtres asociaux. Ceux qui ne peuvent vivre que dans
De sorte que, par rapport à tous ces problèmes existentiels, il ne s’agit pas, dans
essentiellement, lorsque le principe de l’égalité des chances est violé. Car, dans le
rapport entre les individualités, la justice veut qu’on tienne compte de la valeur de
chacun. - Il est important de rappeler, à ce propos, que nous avons affaire dans le
conscience de l’égalité de base entre les individus, fait que la juste lutte pour être ne
156
On disait à l’époque que l’ouvrier n’était pas dans l’entreprise pour penser, mais pour travailler.
161
L’intelligence dans la direction des affaires, montre qu’il est plus raisonnable et
profitable de tirer partie des capacités de chacun, que de nier leur existence. C’est
pour cette raison que les entreprises de nouveaux types encouragent la critique
favoriser la circulation des idées et des informations, afin d’éviter tout monopole
précisément, de cette nouvelle éthicité. Tout indique que la pratique de ces valeurs
est une des conditions de la réussite économique. En dévoilant et utilisant les vraies
présent. En tout cas, l’expérience des entreprises modernes montre que leur
Ceci ne veut pas dire que l’entreprise du nouveau type ait cessé d’être
bien plutôt d’une réalité ayant une fonction éthique qui est celle de satisfaire les
propre valeur. Tout indique que la recherche de cette dernière dimension soit dans
l’intérêt des entreprises. De sorte que cet intérêt correspond à celle de la réalisation
des principes d’ordre universel qui veut que la concurrence entre égaux puisse se
implique l’existence d’une règle égale pour tous et donc l’égalité des chances. Bien
évidemment, dans ces conditions, ceux qui gagnent sont les plus capables.
D’ailleurs, tout ce que demande l’athlète, c’est de se battre à armes égales, donc
quelqu’un perd dans ces conditions, il ne vit pas l’échec comme une frustration,
mais soit comme une motivation dans la poursuite de l’effort, soit comme l’occasion
de la prise de conscience de ses propres limites. Pour ces raisons, il est évident que la
de premier ordre. Ceci, aussi bien en vue de réduire les tensions propres à la
problématique à partir d’une vision chrétienne et/ou marxiste. En effet, pour ces
visions du monde, l’entreprise est l’espace du mal, soit à cause du profit, soit à cause
chances parmi ces membres. Dans sa pratique effective, elle cherchait plutôt à
157
Ce concept veut dire en français: équité, honnêteté, impartialité. On dit. 'In all fairness', en toute
justice.
158
Voir à ce propos notre travail : Introduction à la théorie et à la philosophie du Droit Textes et
Documents, Université de Paris 8, 1997.
163
maintenir et à cultiver les différences sociales. De sorte que l’apparition d’une culture
dimension éthique globale. Laquelle est d’autant plus importante qu’elle correspond
2. Prise en compte des besoins des clients tout au long des phases de
besoins réels.
politique de l’entreprise moderne, montre jusqu’à quel point la catégorie des besoins
différencie de l’entreprise classique. Nous avons signalé plus haut, à ce propos, que
bien du contraire. En effet, il s’agit de connaître les besoins réels pour mieux les
satisfaire.
valeurs est la satisfaction des besoins. Plus précisément, que la société produit des
perceptions théoriques, que les besoins individuels sont médiatisés par le social et
164
production et les besoins à satisfaire. Quoi que la catégorie des besoins reste dans ce
satisfaire, nous avons affaire à une perception radicalement opposée à celle qui a eu
cours après la deuxième guerre mondiale. Laquelle fut une sorte de radicalisation en
conditionner la demande, par le biais de la publicité. Une des oeuvres qui a exprimé
cette thèse de la façon la plus radicale est, sans doute, l’œuvre d’Aldous Huxley :
Brave New World- Revisited. Dans ce retour aux meilleurs des mondes, l’auteur
années cinquante et au début des années soixante. Dans un tel monde, les
grandes corporations. Donc, des êtres sans volonté, sans désirs et besoins propres.
l’entreprise. Pour laquelle, l’essentiel est de connaître les besoins de la clientèle réelle
dimension est celle de la clientèle réelle ou potentielle. Car comme dit l’adage : le
client est Roi! On sait à ce propos qu’au Japon, à l’entrée des grands magasins, il y a
d’un côté et de l’autre des jeunes filles qui S’inclinent respectueusement devant le
que dans les économies étatisées159 L’employé est le roi, et le client celui qui dérange
tous ceux qui ont fait l’expérience des structures étatisées, ou tout simplement, des
client. Plus précisément au fait que toute entreprise se doit de disposer d’un service
clientèle. De sorte à connaître les plaintes et à résoudre les problèmes posés par les
défauts de fabrication. Il faut tenir compte, pour ce qui est des plaintes et des
vue de rendre l’une ou l’autre adéquate aux besoins. Il va sans dire que les produits
ayant des défauts doivent être remplacés. Ceci pour des différentes raisons:
que nous sommes en train d’analyser. Toutefois, une entreprise peut aisément passer
il y a l’incidence de ces tares auprès des vendeurs. Lesquels pour éviter d’avoir à
gérer des retours, se voient dans l’obligation de ne plus s’occuper d’un produit
donné.
Pour ces raisons les entreprises sont obligées non seulement d’éviter les
159
Phénomène particulièrement frappant, dans le cas du socialisme réel.
166
Ces enquêtes, de suivi du produit, se font auprès de ceux qui achètent le produit, ou
ont recours à un service. De plus, ces enquêtes permettent de corriger le tir par
transformations importantes.
Il faut noter à ce propos que ces enquêtes doivent être cycliques, car la sensibilité
et le goût tendent à changer. Ceci est particulièrement vrai dans un monde comme
le nôtre, où l’ouverture sur le marché international est très importante. De sorte que
Quoi que ceux-ci doivent être les premiers usagers, des biens qu’ils produisent ; mais
il est évident que le conditionnement de la réalité dans laquelle ils déploient leur
activité, peut leur faire perdre la distance critique nécessaire pour percevoir les
réaliser des bons produits, mais de prévoir ceux qui vont être demandés dans un
avenir proche. Pour cette raison il est nécessaire de tenir compte des besoins des
Rappelons, à ce propos, que le refus d’innovation est une des caractéristiques des
se fait sentir. - Nous réfléchissons ici à partir d’une production non diversifiée. C’est-
diversification.
167
savoir si l’entreprise doit pendant un laps de temps très long produire le même bien,
variantes du même bien. Prenons le cas d’une usine qui produit du camembert. La
camembert, où doit elle chercher à produire d’autres fromages. Dans le premier cas
nous avons affaire à des entreprises traditionnelles ; tandis que dans le deuxième cas,
de savoir si les nouveaux produits doivent être élaborés en tenant compte, d’une
développement, etc., etc. - des besoins du marché, ou des marchés, vers lesquels
s’oriente sa production. Car cette entreprise peut, écouler sa production sur des
soit l’entreprise sort une variante, dont ces responsables croient être, adaptés à tel ou
tel marché, soit cette production se fait avec la participation de ceux qui vont
Dans les grandes lignes nous trouvons cette double alternative dans la
production des autres biens. C’est ainsi que dans le cas de la voiture, les sociétés
spécialisées peuvent : soit sortir un modèle conçu et développé par les ingénieurs de
l’entreprise, soit produire un modèle à partir des informations recueillis sur le terrain.
168
D’un côté nous avons affaire à une solution plutôt traditionnelle, tandis que de
l’autre il s’agit d’une pratique innovante dans la mesure où elle tient compte des
besoins de la demande.
2) De placer des vigies dans les points de vente les plus importants.
Cela dit pour terminer ce volet de la politique des entreprises modernes, nous
jouait aucun rôle. Les travailleurs étaient censés être des appendices de la machine.
besoin de personnel ayant une bonne formation. De là, la nécessité d’un recrutement
est ainsi confiée à des personnes très qualifiées dans le domaine correspondant. Très
indépendamment d’un tel effort dans la sélection des nouveaux collaborateurs, les
Il existe, en effet, au niveau de l’entreprise moderne une vision très relativiste des
importante. Cette attitude a été, sans nulle doute, conditionnée par les grands
actuelle. Il s’est produit dès lors, nous pouvons le constater, une accélération
des centres de formation, les écoles et les universités. En ce qui concerne la formation
interne dans les grandes entreprises, il faut rappeler les stages de différents ordres,
160
Les dépenses de formation sont, comme on le sait, de plus en plus importantes dans les
entreprises modernes.
170
des informations scientifiques et techniques fait aussi partie de cette lutte pour être à
Pour ce qui est de la formation extérieure, il convient de rappeler que dans les
révision d’un tel système de valeurs, selon lequel l’entreprise participe de l’espace du
mal ontologique, tandis que l’Université se trouve du côté des valeurs d’ordres
universels.
3) Diversification.
4) Groupes de réflexion
5) Cercles de qualité.
points suivants :
De sorte que l’entreprise est passé de la non participation des travailleurs à leur
célèbre boîte à idées, dont les ouvriers se faisaient généralement subtiliser par les
dans les entreprises modernes. Pour cette raison, les entreprises sont obligées de
spécialisées qui s’occupent de faire des recherches sur les produits de l’entreprise ; en
Comme nous l’avons signalé plus haut, cet objectif ne peut être atteint que si les
3) le comment il se produit.
De là, la nécessité de promouvoir les suggestions dans tous les domaines. Dans
non-matériels sont importants. Il y a ainsi d’un côté, des primes et des promotions
dernière dimension.
Mais dans les entreprises le critère essentiel pour ce qui est des inventions est le
promouvoir le regard critique des inventeurs. Ceci à cause du fait que les entreprises
changement -, ont besoin d’une distanciation critique par rapport à leur activité et à
leur organisation.
173
Pour cette raison, les entreprises doivent être capables de pouvoir se réorganiser.
Plus précisément :
proposer ces buts. Nous avons affaire, en ce qui concerne cette dimension, à une
niveau de la politique de l’entreprise, nous avons vu qu’un des aspects essentiels était
à la demande effective.
implique. En tout état de cause, la connaissance des besoins du marché visé, est à la
Mais accroître l’efficacité n’a de sens que si elle permet une réduction des coûts.
Pour cette raison l’entreprise doit être capable de réaliser une meilleure utilisation
de la communauté qui la compose. Cela dit pour atteindre ce but, l’entreprise doit
décisionnel, ne peut pas être suffisamment cohérente et efficace, si elle n’est pas en
rapport avec une meilleure écoute et un meilleur service rendu à la clientèle. En effet,
service après-vente.
productive de l’entreprise.
spécialisation.
175
faire, les entreprises doivent connaître leur capacité technologique, ainsi que les
les possibilités de réaliser de nouveaux projets. C’est ainsi que si une entreprise
produit des voitures, elle peut être en condition de produire des bicyclettes, des
motos et des camions. Elle peut aussi produire ces mêmes biens en modèles réduits,
ou tout simplement en miniature pour les enfants, et ainsi de suite. On peut aller
plus loin. Les possibilités qui se présentent sont pour ainsi dire extrêmement
modèles de la diversification.
Il s’agit, en tout cas, pour les entreprises modernes d’éviter, comme on dit, de
mettre tous les oeufs dans le même panier. Un certain produit peut connaître une
Pour cette raison, il est très important de faire apparaître des opportunités nouvelles
aux entreprises d’éviter les variations de rentabilité qui sont nécessairement liées à la
niveau plus général, des problèmes de l’entreprise, que les cercles de qualité. En
effet, ces derniers sont en relation avec les problèmes immédiats au sein de
l’entreprise.
Les cercles de qualité concernent, plus précisément, les équipes de travail eux-
mêmes. Ils peuvent, par conséquent, avoir lieu au niveau des services de production,
2) À l’esprit de compétitivité.
6) À la créativité et à l’innovation.
Les cercles de qualité sont, dès lors, concernés par la stratégie globale de
l’entreprise au sein des équipes de travail eux-mêmes. C’est ainsi que dans les ateliers
compte de l’avis des producteurs eux mêmes, sur la finalité pratique de leur propre
activité.
Considèrent-ils par exemple que tel ou tel produit ou service peut être amélioré ?
Et, si oui, comment ? Il est important de rappeler que ces discussions se tiennent
rémunérée. Quoi qu’elle n’est pas obligatoire. Ce sont des réunions plutôt brèves,
avec un ordre du jour très précis. Il s’agit, en effet, d’aller droit au but et éviter la
surenchère verbale.
ces blocages peuvent être le résultat d’un manque de coordination des tâches, ou de
l’ambiance dans laquelle le travail se réalise. Pour cette raison les conditions
objectives du travail font aussi partie des discussions au sein des cercles de qualité.
La philosophie qu’inspire ces cercles, surtout au Japon, part de la thèse selon laquelle
Cela dit il apparaît clairement que les cercles de qualité ne peuvent fonctionner
collaborateur et que celui-ci se sent satisfait dans la tâche qu’il réalise. C’est
l’innovation. Il est évident qu’un tel consensus ne peut pas exister au sein d’une
l’égard de ceux qui réalisent les objectifs immédiats. Ce consensus ne peut pas non
minimale est indispensable, pour pouvoir précisément assurer l’égalité des chances
présupposent une dimension tactique qui leur est subjacente. La tactique au sein de
Rentrent dans ce chapitre, des pratiques telles que les exercices avant que le travail
ne commence ; ainsi que les réunions, à cette occasion, en vue d’indiquer les tâches
inclure sous cette rubrique les différents procédés nécessaires à faire connaître, aux
capacité concurrentielle.
3) Les facilités d’achat des biens extérieurs par le moyen des Comités
d’entreprise.
6) Les possibilités de crédit, pour l’achat des biens durables et des biens
immeubles.
Comme on peut le constater, les entreprises peuvent développer toute une série
sont ceux qui sont les plus à même de s’investir pleinement dans leurs activités au
sein de leurs entreprises. Par conséquent un des objectifs de l’entreprise moderne est
capacité concurrentielle.
pleinement comprise si on ne tient pas compte de ce qu’on peut appeler ses objectifs
idéaux :
Pour ce qui est de l’objectif des cinq zéros, qui nous arrive du Japon, voici leur
détermination :
1) Zéro stock
2) Zéro panne
3) Zéro délai
4) Zéro paperasse, et
5 Zéro défaut.
En ce qui concerne le premier point, il s’agit d’éviter les stocks aussi bien en
flux continu aux différents stades qu’on peut définir grosso modo de la façon
suivante :
b) Processus de fabrication, et
180
c) Livraison
a) Quoi produire.
b) Juste quand, et
c) Juste combien.
s’agit, dès lors, de fabriquer les produits nécessaires avec le minimum de main
1) Production excessive.
2) Attentes.
3) Stocks importants.
5) Usinage inutile
6) Mouvements inutiles.
7) Productions défectueuses.
Ainsi, au sens strict du terme, le zéro stock ne veut pas dire absence total de
stock, mais le strict nécessaire. Cette quantité de biens doit arriver sur place au
moment précis, de sorte à éviter toute dépense de stockage. C’est ainsi que s’il est
question de fabriquer un nombre déterminé de voitures, pour une date donnée. Il est
nécessaire que les pièces et les différentes parties de la structure, arrivent sur place
Supposons, en plus, que ces voitures sont destinées à un marché se situant par
delà les mers. On peut aussi supposer que cette entreprise se trouve au bord d’un
181
production des chaînes automatisées peut nous permettre d’imaginer que les
peut imaginer que des équipes de travail, réalisent les finitions pendant la durée de
conforme à cette logique, on peut penser que tout l’amont de la production suit le
même mouvement. Alors, dans cet exemple nous avons affaire à un flux continu de
De ce point de vue, le zéro panne, de même que le zéro délai, sont aisément
concevables. Pour ce qui est l’absence de pannes, son exigence implique une
technologie très avancée et très au point. Les machines devant être elles mêmes bien
En ce qui concerne le zéro délai, il est, en premier lieu, clair que le flux continu
de production, ne peut pas accepter des retards dans une quelconque étape de son
processus productif. Pour cette raison il est nécessaire que tout soit prévu, avant que
détails, est une des conditions essentielles au maintien de ce flux continu. Certains
Puis, en dernière instance, pour ce qui est du zéro délai161, il y a le fait qu’il ne
doit pas y avoir de retard pour satisfaire la demande. Ceci, non seulement pour le
produit lui même mais pour ses pièces détachées, lorsqu’il y a lieu. Cette exigence
161
On parle aussi du juste à temps.
182
rapport à la condition du zéro stock. Il s’agit, en fait, de saisir cette exigence plutôt
ce moyen de communication étant que très souvent ces textes sont rédigés dans un
langage hermétique, en tout cas, dans un langage peu claire. De plus il y a le fait
que beaucoup de gens se concentrent très peu dans ce genre de lecture. Ce qui peut
provoquer des malentendus au sein de l’entreprise. Pour ces raisons, les partisans de
défaut. Le but de cette condition idéale est la lutte pour la qualité. - Remarquons, à
ce propos, que nous sommes ici très loin de la théorie qui a prévalue pendant les
laquelle le but de la production moderne est de réduire le temps utile des objets, en
des fortunes pour trouver l’alliage nécessaire, en vue de limiter le temps utile des
différente. Le but dans la production et les services, est la plus grande perfection,
défaut exprime précisément cette lutte pour la qualité. Cela dit cette exigence nous
met en rapport avec le deuxième objectif idéal de l’entreprise moderne, qui est la
En effet une entreprise qui se situe dans cette logique, ne peut pas se permettre
Une telle pratique ne peut que nuire son image de marque. Cette volonté de
qu’une entreprise ne peut pas sortir un produit parfait à partir du moment où elle se
lance dans la fabrication. Pour cette raison toute nouvelle production tend à être
réalisée par des équipes qui se constituent en unités autonomes, voir en usines
meilleure publicité est celle de la qualité. Pour cette raison, les entreprises modernes
que la clientèle se fait de sa production. Ce qui équivaut à dire que cette réussite
5) De la régulation monétaire
négatif. Nous allons laisser ici de côté toute cette époque et l’ensemble des époques
dites pré-capitalistes. Nous allons plutôt faire référence ici au concept de régulation
comment elle est régulée. Pour parler de ces mécanismes, nous allons faire référence
Cela veut dire, par conséquent, que la richesse d’une nation dépendait
métal jaune et le stock de billets en circulation, il faut rappeler - comme nous l’avons
souligné plus haut - qu’il y a dans l’économie classique deux périodes différentes. La
dépôts et d’émission. Avec le Peel’s Act –1844 - commence la deuxième période. Plus
Nous avons déjà rappelé que ce passage implique une consolidation du rôle
fiduciaire du papier monnaie. Il doit donc être, perçu comme le résultat d’une
Mise à part cette différence, qui correspond à deux moments bien distincts de
base monétaire, ou du stock d’or actif dans une société donnée, dépendait, comme
Pour ce qui est du niveau de thésaurisation, il faut noter qu’il dépendait des
veut dire, plus précisément, qu’en période de croissance l’or sortait des réserves
Nous avons vu que dans les économies nationales, cette base avait tendance à se
pouvait être conditionné aussi, comme nous venons de le souligner, par l’état de la
balance extérieure. Les deux facteurs n’intervenaient pas forcément en même temps.
touchaient aussi bien les pays excédentaires que les nations déficitaires.
des sorties d’or dans les économies nationales. Ce qui constituait un mécanisme
162
Le taux de rémunération de l'épargne jouait ici un rªle de première importance. La montée de ce
taux augmentait l'épargne, tandis que sa réduction avait l'effet inverse. Voir ö ce propos le chapitre
III, 5.
186
manière que les nations déficitaires ne pouvaient pas laisser leur situation se
moins totale de la monnaie. Il était dès lors difficile qu’un tel état des choses puisse se
produire164.
relever les barrières douanières pour faire en sorte d’arriver à exporter plus de ce
qu’ils importaient. La plupart des pays connaissaient ainsi des phases de libre
se produire alors.
que nous venons d’analyser. Or, comme nous l’avons souligné un peu plus haut, la
monnaie fiduciaire évoluait en rapport direct avec cette base. Mais le niveau
économiques eux-mêmes. Car, les taux d’intérêts n’étaient pas régulés à l’époque
163
Il faut rappeler qu'en économie classique, la balance commerciale était de loin la balance
principale
164
Pendant la crise des années Trente cette situation va se produire pour des raisons extérieures
aux mécanismes régulateurs du système de l'étalon or. Nous étudions cette problématique au
chapitre 5, sur les crises économiques.
187
par l’État, comme c’est le cas actuellement. Ces taux variaient par rapport à l’offre et
et 2) dans celui des taux d’intérêts. Nous venons de voir le premier domaine qui
considérer la variable des taux d’intérêts, il est important de souligner que, tout en
étant différentes, ces deux dimensions sont des manifestations monétaires des cycles
économiques. Les facteurs monétaires cycliques sont ainsi, dans leur effectivité, des
Cela étant dit, passons au problème des variations des taux d’intérêts en système
d’expansion les taux d’intérêts tendaient à monter, tandis qu’en époque de récession
rapport à un niveau considéré comme étant celui du taux raisonnable. De sorte que
le taux réel pouvait se situer au dessus ou en dessous du taux raisonnable, dit aussi
taux naturel. Le taux raisonnable peut être considéré : soit comme la moyenne des
taux réels, soit comme ce niveau dans lequel il y a coïncidence dans les intérêts de
époque classique, au tour de 5%. Des théoriciens aussi différents que Locke, Juglar,
De sorte que lorsque la demande des capitaux était très importante, le taux réel
dans la phase supérieure du cycle. En d’autres termes, lorsque le taux réel tendait à
188
En tout état de cause, un tel écart par rapport au taux raisonnable, ne pouvait
immédiatement suivi d’une baisse des taux. Ceci à cause du fait que l’offre et la
faisait, par conséquent, que le taux réel tendait à se situer en dessous du taux
raisonnable. La montée des taux réels annonçait ainsi la reprise d’un nouveau cycle.
taux d’intérêt raisonnable par le taux réel tendait à déclencher le processus récessif.
Tout indique que ce phénomène est la conséquence du fait que le taux moyen de
rentabilité du capital constitue une limite par rapport à la montée des taux
d’intérêts. Plus précisément, que cette limite se situe en dessous du taux moyen de
semblait se situer au tour de 12%. De sorte que la montée des taux d’intérêts réels
avait comme effet de réduire le taux de rentabilité effectif. Ceci pour ce qui est la
Ainsi l’élévation du taux réel au dessus du taux raisonnable, réduisait les marges
bénéficiaires. Le cycle des affaires tendait ainsi à connaître les moments suivants :
la faillite.
actuel se trouve dans le fait que le premier moment est fondé sur l’étalon-or, tandis
que le deuxième est conditionné par le règne du papier monnaie. Nous avons ainsi
d’un côté, un système où la monnaie est très stable dans sa valeur en échange,
tandis que de l’autre côté, nous avons affaire à un instrument qui tend à varier d’une
façon plus ou moins significative dans le sens de l’inflation. De plus, étant donné que
change devient une dimension essentielle. - Pour ce qui est de cette variable, de la
réglés avec des lingots et des barres d’or. En d’autres termes, la monnaie or frappée
monnaie dépend d’une manière significative de l’État. A la base même, comme nous
de change ne dépend pas de la volonté de l’État. Ceci est clair lorsque nous avons
et par la politique des taux. Pour ce qui est de la valeur de change, l’État régule sa
(contrôle des changes et taux de crédit élevé sur le marché international), soit encore
Nous allons faire référence tout d’abord, d’une manière générale, aux différentes
des tendances, et 2) selon une logique progressive, plutôt que par une logique
régressive. En effet, en ce qui concerne les tendances, nous pouvons constater des
rythmes de croissance plus ou moins fort. Dans le premier cas nous parlons de
désinflationniste.
connaissons, ce sont les États qui conditionnent ces taux. Ce conditionnement peut-
191
être plus ou moins rigide, selon qu’il s’agisse d’une économie concurrentielle, ou
d’une économie dirigée. Dans le premier cas, l’État fixe les taux directeurs et à partir
de là, la hiérarchie des taux s’établit d’elle même. Selon, précisément, les
Pour ce qui est de la différence entre le taux nominal et le taux réel, il faut
déduire du premier le taux d’inflation pour trouver le deuxième. C’est ainsi que si
dans une réalité donnée le taux d’inflation est de 5% et le taux nominal165 est de 10%,
nous disons que le taux réel est de 5%. Bien évidemment ce taux réel, comme nous
l’investissement s’il est inférieur à 5%, que s’il est supérieur. - Nous montrons au
dessous de ce taux raisonnable sont très importantes. Et cela sans provoquer des
régulation du change est un phénomène extérieur, tandis que la régulation par les
agrégats fait partie de la politique monétaire interne, tout comme les différentes
variables que nous venons d’analyser. Nous allons voir ce problème des agrégats
165
Ce taux correspond dans la réalité au TBB - au "Prime rate" des USA -, ou encore au taux
moyen pour l'investissement, dans les sociétés dirigistes.
192
contrôle ces agrégats en vue de maîtriser les flux dits quasi-monétaires, dans la
terme, ce sont, précisément, ces derniers instruments qui doivent être considérés
comme des instruments de régulation, car ils le sont dans la pratique. Cela étant dit,
qui concerne cette dimension, il est indispensable de retenir qu’elle ne concerne que
les monnaies convertibles. - Nous avons, de plus, déjà souligné le fait que la valeur
valeur. C’est cette garantie externe qui se manifeste dans et par la valeur de change.
Nous avons ainsi, généralement parlant, deux sortes de monnaies : celles qui
sont convertibles et celles qui ne le sont pas. Lorsqu’un État décide de rendre sa
monnaie convertible, il s’engage, par la même, à garantir sa valeur quand les non-
résidents lui présentent ses billets de banque. Cette transaction présuppose des
193
réserves sont celles qui sont les plus fortes sur le marché international.
Les pays à monnaie convertible ont ainsi besoin de réserves non seulement pour
se procurer des biens sur le marché international, mais pour garantir et soutenir la
Pour cette raison cet acte de soutien peut s’exprimer comme une vente ou un
on peut dire soit qu’il l’achète, soit qu’il vend ses réserves.
L’opération contraire est celle du maintien d’une monnaie à une valeur donnée.
Evitant ainsi tout appréciation exagérée. Dans ces conditions l’Etat vend sa propre
Pour ce qui est des monnaies convertibles il convient de faire la différence entre
peut, en effet, garantir sa monnaie seulement sur son marché. Cela veut dire qu’il
vend et achète sa monnaie, à des non-résidents, sur son propre marché166. Le but est
la différence entre les monnaies simplement convertibles et celles qui sont des devises
166
Cas, par exemple, fin des années quatre vingt et début des années quatre vingt dix, du dinar
tunisien et le batte Thaïlandais.
194
des monnaies qui jouent le rôle d’instruments de crédit sur le marché international.
par le biais des interventions sur le marché monétaire international, le taux de crédit
sur ce marché joue un rôle de premier ordre. De sorte que lorsqu’une de ces
d’intérêt. L’augmentation de ce taux, au-dessus de celui des autres, n’a pas comme
conséquence effective d’une telle politique est celle de raréfier la quantité d’une
niveau du marché international, le fait qu’elle est moins accessible, aux non-
résidents, que les autres monnaies. - En tout état de cause, il est hautement
problématique de croire qu’emprunter et investir est une seule et même chose. Or,
c’est précisément cette confusion qui est à la base du discours qui considère que
167
Cas, par exemple, du F.F., et de la livre anglaise.
168
C’est le cas notamment, depuis Septembre 1985, du DM et du Yen.
169
Parmi les devises internationales il y en a qui jouent un rôle de monnaie de crédit plus
importantes que d'autres. C'est actuellement le cas du franc suisse.
170
Concernant l'Europe du Marché Commun
195
demande d’une monnaie donnée. De sorte que les taux d’intérêts sont un instrument
ce qui concerne cette dimension, jouer le rôle de barrière protectrice contre ce qui est
monétaire, nous pouvons soutenir que la variable quantitative et celle des taux
d’intérêts sont les paramètres les plus adéquats et les plus efficaces du contrôle de la
dimension c’est plutôt les taux d’intérêts qui sont objet de régulations de la pratique
manifester d’elle même comme une variable incontournable. Les interventions des
pratique de ce phénomène.
171
Pour ce qui est le F.F., par exemple, le taux de l'eurofranc.
172
L'économie positive est, pour nous, celle de la pratique institutionnelle. Elle est très souvent
différente de l'économie universitaire, et a fortiori très éloignée de l'économie théorique.
196
pluralisme politique, etc., etc. Pour surmonter le mal social qui se manifeste dans
l’érosion des cadres référentiels, et l’absence de justice effective, il s’agit, pour lui, de
dans la sphère publique. Le règne de cet État totalisant, implique chez Platon, la
thèse selon laquelle le rapport des contraires fait partie de la substance même de
l’Être, De la même manière qu’il ne peut pas y avoir de bien sans mal, de vie sans
mort, etc., etc., de la même manière il ne peut pas y avoir d’État sans société civile,
extension étant, pour lui, la garantie même de la justice sociale, car, ainsi les
impliquait, dès lors, non seulement la disparition de la propriété privée, mais aussi la
et plus précisément à l’appropriation privée des femmes. C’est d’ailleurs, pour cette
strictement économique, il est clair que pour Platon l’argument essentiel est celui de
dire que la propriété commune implique la propriété de tous. À partir de cette thèse
il est clair que la justice sociale, ne peut être qu’une affaire de distribution. Plus
centrer la critique qu’Aristote fait à Platon. En effet, Aristote est d’accord pour
propriété de tous. Mais là ou il n’est pas d’accord avec son maître, c’est pour soutenir
d’eux173.
Il constate que « le mot tous présente une ambiguïté174. Ceci, dans le sens où le
mot tous - tout en étant un terme collectif, qui subsume les différents sujets qui le
composent - tend à être pris au sens de tout un chacun. Ce qui est particulièrement
problématique. En effet, le mot tous subsume les différents sujets qui le composent,
173
La Politique, 11, 3, 25.
174
Ibid., II, 3, 20.
198
Aristote nous fait, dès lors, comprendre que la propriété commune est l’ensemble
de ceux qui contrôlent le pouvoir. Ceci, en vue de quoi ? Eh bien, de gérer ces
richesses et de les redistribuer selon les principes de la justice. - Nous étudions cette
ou de monopole. Elle ne peut pas être non plus source de privilège ou de sinécure.
Pour cette raison nous dit Aristote que du point de vue éthique, il s’agit d’organiser
Mais en deçà de cette exigence de la raison pratique, il s’agit d’éviter que les
noter que l’éthique publique est étroitement liée au mode de gestion de la propriété
publique va, dans un sens large, au-delà d’une dimension strictement matérielle, car
les lois, les institutions, la tradition et les valeurs collectives font partie précisément,
De sorte que la moralité publique se rapporte aussi bien à la gestion des valeurs
(culturelles) communes, qu’à la gestion des richesses matérielles qui sont mises à la
199
disposition de ceux qui contrôlent le pouvoir. Ainsi, le bien et le mal social sont
éviter le mal social, Aristote ne pourrait répondre en disant qu’il faut faire confiance
à ceux qui contrôlent le pouvoir, quels que soient leurs déclarations concernant leur
d’une telle finalité est pour lui d’ordre institutionnel. Lequel dans sa manifestation
concrète doit être conditionné par des principes et des valeurs d’ordre universel.
côté de la sphère privée, se pose pour Aristote la question de savoir qu’elle est la
proportion adéquate entre l’une et l’autre. Cette question est d’une importance
lors nous nous posons la même question. De nos jours, par exemple, il est encore
Tout indique que pour Aristote l’essentiel est de comprendre que le social ne peut
Une telle finalité axiologique exclue, par conséquent, tout objectif d’ordre
oligarchique. Plus précisément l’existence d’un ordre où le but de l’État est le bien-
être de ceux qui gouvernent. Cette problématique nous oblige à signaler le fait que
175
Aristote disait aussi, à ce propos, que « la communauté politique existe en vue de
l’accomplissement du bien, et non seulement en vue de la vie en société » Politique, III,9.
200
privée, il y a la dimension des prélèvements. Car l’État peut non seulement être
composant une société donnée, comme il peut aussi prélever une partie, assez
significative, des richesses créée dans la société civile. Donc lorsque nous parlons de
deux dimensions.
Dans les réalités actuelles, comme on le sait, les moyens financiers issus des
prélèvements directs et indirects sont de loin beaucoup plus importants que ceux
que l’État peut dégager des unités économiques très souvent subventionnées par le
Ainsi, quand nous parlons de propriété publique, nous devons tenir compte de
cette double dimension. Au sens strict du terme ce concept englobe, pour Aristote,
l’État. De plus tout indique que le problème principal pour l’auteur de La Politique,
n’est pas tellement celui de l’importance de cette dimension par rapport à la totalité
des richesses sociales, mais celui de connaître la finalité. Celle-ci peut être destinée
soit en vue de satisfaire les besoins ostentatoires de ceux qui contrôlent le pouvoir,
propriété privée, mais doit aussi employer les ressources publiques en vue de réaliser
Il convient, toutefois, de rappeler que cette division sociale est pour Aristote
sphère domestique. Pour lui, dans cet espace le règne du droit ne se manifeste pas.
précisément, de la communauté des citoyens. Lesquels sont les sujets du pouvoir. Ils
celles de gouvernés. Ceux qui en sont exclus de ce roulement sont, par principe,
frappés d’indignité.
Cette exigence de l’égalité juridique ne peut pas, pour Aristote, se donner au sein
civilisation gréco-romaine. Pour ce monde, en effet, les femmes, les esclaves et les
enfants ne sont pas des sujets de la cité. De sorte que face au seigneur ces êtres
avaient autant de droit que les animaux domestiques. Les règles qui conditionnaient
les rapports dans la sphère domestique étaient données non pas par la cité, mais par
Nous trouvons aussi cette problématique exprimée d’une façon très claire et
précise par Paul dans son « Epître aux Ephésiens ». En s’adressant aux femmes il dit
tout d’abord : « Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur ; car le
mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Eglise, qui est son
176
Il faut rappeler, à ce propos, que pour le Philosophe: « en politique le bien n'est autre que le
juste, autrement dit l'intérêt général. » (111, 12).
202
corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l’Église est soumise à Christ, les
Pour ce qui est du rapport maître-esclave, Paul dit ensuite dans le même Epître.
« Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair, avec crainte et tremblement, dans
la simplicité de votre cœur, comme à Christ, non pas seulement sous leurs yeux,
comme pour plaire aux hommes, mais comme des serviteurs de Christ qui font de
Seigneur et non les hommes, sachant que chacun, soit esclave, soit libre, recevra du
domestique est donnée par la religiosité, tandis que la normativité dans l’univers de
la cité est donnée par la juridicité. Pour Aristote ce rapport est une donnée de base.
De ce point de vue il est le produit de son monde. Cela dit, dans La Politique comme
l’univers de la cité. C’est dans ce domaine précisément qu’il nous apporte une
D’un point de vue strictement théorique c’est justement cette dimension qui attire
notre intérêt. Il ne nous paraît pas, en tout cas, nécessaire d’accorder dans cette
Cette théorie n’est qu’une reprise des mœurs de son temps, de la moralité
contenue dans son monde. Cette dimension est d’autant moins importante, pour
nous, que nous vivons un monde dans lequel le niveau d’individualisation est
177
Voir aussi à ce propos la Première Epître de Paul aux Corinthiens ", 10,3-9 et la « Première
Epître de Paul à Timothée », 1,12-14.
203
sorte que c’est le droit qui conditionne et règle le rapport entre les êtres, au niveau de
la vie privée, et non pas la religiosité, comme c’est encore le cas dans les sociétés
traditionnelles.
économique de l’État ne peut qu’appauvrir le social. Ceci à cause du fait que l’État
l’objet sur lequel il s’exerce ; il y a un autre qui n’a pas le même effet. Le premier,
produisant une valeur, peut être appelé travail productif ; le dernier, travail non
productif178.
À la question de savoir qui sont précisément ceux qui réalisent un travail non-
productif179, Smith répond -. « Le travail de quelques unes des classes les plus
valeur, il ne se fixe ni ne se réalise sur aucun objet ou chose qui puisse se vendre, qui
subsiste après la cessation du travail et qui puisse servir à procurer par la suite une
pareille quantité de travail. Le souverain, par exemple, ainsi que tous les autres
magistrats civils et militaires qui servent sous lui, toute l’armée, toute la flotte, sont
autant de travailleurs non productifs. Ils sont les serviteurs de l’État, et ils sont
entretenus avec une partie du produit annuel de l’industrie d’autrui. Leur service,
178
Richesses des Nations, II, III. Idées Gallimard, p.157.
179
Ibidem, p.158.
204
tout honorable, tout utile, tout nécessaire qu’il est, ne produit rien avec quoi on
La position de Smith est, ainsi exprimée, tout à fait claire. Curieusement cet
théorie sur la main invisible. Parfois, comme Schumpeter, on s’est borné à soutenir
qu’il n’avait rien dit d’important, si ce n’était que lorsqu’il répétait les théories de ces
prédécesseurs. Certes, les ricardiens et les marxistes lui accordent l’insigne honneur
d’avoir intuitionné la théorie de la valeur travail, ce qui en réalité n’a pas été le cas.
probablement une des plus importantes, par sa dimension critique, que le fondateur
de l’économie politique ait formulées Pour lui, en effet, les serviteurs de l’État sont
aussi improductifs que ceux qui travaillent dans la domesticité. De plus, Smith
range dans cette catégorie « quelques - unes des professions les plus grandes et les
plus importantes, quelques-unes des plus frivoles « comme : « les ecclésiastiques, les
gens de loi et les gens de lettres de toute espèce, ainsi que les comédiens, les farceurs,
professions dans la société civile qui sont aussi improductifs que les serviteurs de
l’État. La différence étant que les premiers vivent de l’argent payé par les personnes
privées, tandis que les deuxièmes tirent leur substance et leur bien-être des fonds
publics.
Les personnes privées peuvent décider, selon leurs moyens, de se procurer par
exemple une série de services qu’ils pourraient faire par elles-mêmes. Comme faire le
180
Ibidem, p.158 et suivantes.
205
ménage, la cuisine, le repassage, etc. Or si ces dépenses vont au-delà de leur capacité
financière, ils vont connaître des difficultés. Tandis que lorsque l’État engage des
sociale.
C’est pour cette raison que Smith nous dit que les « nations ne s’appauvrissent
Dans la plupart des pays, la totalité ou la presque totalité du revenu public est
employé à entretenir des gens non productifs. Tels sont les gens qui composent une
temps de guerre, ne gagnent rien qui puisse compenser la dépense qui coûte leur
produisant rien par eux mêmes, sont tous entretenus par le produit du travail
d’autrui. Ainsi, quand ils sont multipliés au delà du nombre nécessaire, ils peuvent
dans une année, consommer une si grande part de ce produit, qu’ils n’en laissent
pas assez de reste pour l’entretien des ouvriers productifs, qui devraient le reproduire
totalement une société. Nous connaissons actuellement, à ce propos, le cas des pays
181
Idem.
182
Ibidem, p. 174
183
Cette charge comprend les dettes interne et extérieure. Voir à ce propos le Tome II, chapitre
IV, 3 de cette Introduction à la Théorie Économique.
206
paupérisation absolue.
Ainsi, à partir de cette thèse de Smith nous pouvons dire que les pays misérables
important. Il est clair que pour l’auteur de La Richesse des Nations, le poids
secteur public. L’importance des improductifs dans la société civile n’est pas elle, dès
formulée en une loi générale en disant que la richesse des nations est en rapport
inverse au poids de l’État. Bien évidemment cette loi est particulièrement efficace
D’ailleurs Smith a très bien compris cette problématique. Car, au sein de la société
général.
Cela dit, cet automatisme, du passage de l’intérêt privé à l’intérêt général, que
Smith appel la main invisible, ne peut se matérialiser que dans les sociétés
dans une société où le niveau de prélèvement est très important et où les taux
détourner de l’investissement productif pour réaliser des placements dans les valeurs
à taux fixe (les obligations et les bons du marché monétaire, public et privé). De
sorte que les capacités d’investissements vont, pour ainsi dire, se détourner du
l’accumulation tend à investir, donc à créer des biens et à procurer des emplois.
pour cette raison que Smith nous dit que la capacité productive d’une communauté
Ainsi, une société sans garantie de liberté individuelle généralisée (niveau des
l’État est riche et le peuple est pauvre. Dans le cas contraire, nous avons affaire à des
transparente, mais il nous donne les éléments de base pour y parvenir. Pour lui le
rapport idéal ne peut se manifester qu’au niveau d’une relation entre une société
par tous les moyens, la surcharge économique de l’État et d’écarter toute forme de
déficit des finances publiques. Avec lui, la loi d’or de la gestion économique de l’État,
184
The Wealth of Nations, 1,Vlll, University of Chicago Press, p.80.
208
clair que pour Smith le rôle de l’État n’est pas la gestion de ces unités. En effet, le
des richesses sociales. Selon ce système, « tout homme, tant qu’il n’enfreint pas les
lois de la justice, demeure en pleine liberté de suivre la route qui lui montre son
intérêt, et de porter où il lui plaît son industrie et son capital, concurremment avec
sans s’exposer infailliblement à se voir sans cesse trompé de mille manières, et pour
particuliers, de la diriger vers les emplois les mieux assortis à l’intérêt général de la
société »185.
Il est clair ainsi que pour Smith la société civile est l’espace de l’intérêt privée.
économique. Le rôle de l’État est par rapport à cet univers, celui de produire les
juridique. Cette égalité devant le droit civil et pénal, est synthétisée par le concept
sens strict du terme en dehors de deux conditions : Premièrement, les sujets doivent
être libres, et deuxièmement ils doivent se situer sur un pied d’égalité. Sans ces deux
185
R. des N., IV,IX, Idées-Gallimard, p-253,
209
De sorte que le rôle de l’État qui veut atteindre un tel niveau, de création et
production de richesses, est de créer les conditions institutionnelles pour qu’une telle
activité soit possible. Celui-ci est pour Smith le rôle premier de l’État. Le deuxième
d’improductifs.
Les serviteurs de l’État sont comme nous l’avons souligné, des improductifs,
mais ils ne cessent par cela même d’être sociologiquement nécessaires. Il faut pour
question de l’attribution des moyens dégagés par les prélèvements publics. Il n’y a
pas non plus, pour lui, d’impératif éthique, conditionnant l’ordre institutionnel au
sein duquel se réalisent ces attributions. De ce point de vue il est, par conséquent,
clair que Smith reste en deçà de la perspective éthique aristotélicienne. Laquelle est
Smith a raison lorsqu’il dit qu’il ne y avoir croissance économique avec un surpoids
d’improductifs. Ceci veut dire qu’un organisme sur-parasité n’est pas viable.
souligné que l’État appartient au secteur improductif et que son poids doit être
limité si l’on veut connaître la croissance économique. Quoi que cette dimension ait
été jusqu’à présent escamotée, il est important de comprendre qu’elle ne peut être
propos, nous avons vu que Smith a très bien saisi que l’économie se manifeste
de cette raison. Car contrairement à ce que pensait Hegel, ce n’est pas la raison qui
d’ordre universel, il s’agit plutôt que la raison puisse gouverner le monde, pour que
mode de production est à son début conforme aux forces productives dont il est
production rentrent en contradiction avec les forces productives que l’ont fait éclore.
De sorte que ce mode de production cesse d’être un véhicule des forces productives,
pour se transformer en son contraire. Devenant, ainsi, une entrave aux forces
force motrice de l’Histoire. Mais cette substance du monde historique n’est pas une
211
puissance sans finalité. Dans sa vérité, cette puissance contient en elle même sa
coïncidence pure avec leur fondement. Le but de l’Histoire est ainsi de produire un
univers non-contradictoire.
de chaînes. Ces chaînes, il fallait les briser: elles furent brisées »186.
se produire187 dans le règne du capital. Il nous dit, en effet, que « sous nos yeux se
186
Oeuvres d'Economie 1, E. de la P., p. 166.
187
Au moment où il rédige ce texte: fin 1847, début 1848 !
212
que l’histoire de la révolte des forces productives modernes contre les rapports de
concrètement pour Marx, dans et par les crises de surproduction. Bien évidemment
ce qui étonne le plus dans ce jugement de l’auteur du Manifeste c’est le fait que pour
lui cette inadéquation fondamentale puisse se produire, pour ainsi dire, depuis la
naissance de ce système. Car, d’un côté, il nous signale que c’est la Révolution
de l’autre, comme nous venons de le voir, que cette révolte des forces productives
En effet, la loi qu’il essaye de nous expliquer est la suivante. Tout être manifesté
est dans ces premières phases conforme à la logique de son fondement. Ce n’est
qu’au bout d’un certain temps que cet être manifesté rentre en contradiction avec
son fondement, ou avec la puissance énergétique qui conditionne son existence. Or,
en l’occurrence, le système que Marx appel bourgeois semble se dérober à cette loi,
car il est de ses premières phases en contradiction avec les forces productives qui
188
Ibidem, p. 167.
189
Ibidem, p. 175.
213
l’ont fait éclore. Il aurait donc été nécessaire que le théoricien du matérialisme
hauteur de nos circonstances, c’est le jugement selon lequel, le système était en train
Manifeste... Mais, quoi qu’il en soit, une chose est claire pour Marx. Le système
fondée sur des antagonismes de classes, sur l’exploitation des uns sur les autres »190.
dérobe sous ses pieds. Ce quelle produit avant tout, ce sont ses propres fossoyeurs.
d’une nation par une autre nation. En même temps que l’opposition des classes au
190
Ibidem, p. 175.
191
Ibidem, p. 173.
192
Ibidem, p. 180.
214
dans l’autonomie.
première le réel se manifeste au sein de l’unité des contraires. De sorte qu’il est
support effectif.
concerne la thèse d’une substance matérielle ayant une telle finalité. En effet chez
Marx ce n’est pas l’humain qui réalise dans l’histoire sa substance éthique - le règne
nécessairement à une telle fin. En d’autres termes, chez Marx ce n’est pas l’humain
qui réalise sa raison pratique dans l’histoire, mais plutôt le développement des forces
portée de la pratique immédiate. A ce niveau là les êtres humains sont, pour ainsi
attentiste. Donc, à la position de celui qui assit devant sa porte attend le passage du
général.
elle est présente dans les différentes manifestations du règne de la propriété privée.
C’est elle qui sécrète la lutte des classes. Seulement, dans le mode production
mais social. En effet, le capital accumulé et objectivé dans le machinisme n’est pas
l’accumulation de la plus-value.
Comme nous le savons, ce passage est conditionné par ce qui se présente comme un
comprendre, une volonté d’action. Cette pratique ne peut être, dès lors, que le
phénoménale.
n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de toute la classe bourgeoise »194.
De sorte que le gouvernement peut bien être ; soit l’expression des intérêts de la
classe capitaliste, soit l’objectivation des intérêts des travailleurs. À la base de cette
problématique se trouve non pas la thèse selon laquelle l’État peut être soit
l’expression des intérêts de ceux qui gouvernent, soit la manifestation des intérêts de
la théorie de la valeur ricardienne. De sorte que l’État peut être : soit l’expression des
193
Ibidem, p. 171.
217
intérêts des capitalistes, soit l’objectivation des intérêts des travailleurs. Dans le
premier cas nous avons affaire à l’État comme puissance improductive, tandis que
dans le deuxième cas l’État ne peut être qu’une puissance productive, rationnelle et
juste. En d’autres termes, d’un côté l’État est le défenseur des intérêts privés, tandis
que de l’autre il ne peut être que la manifestation des intérêts du peuple travailleur.
Nous avons déjà souligné le fait que cette perception du rôle de l’État - soit
comme puissance improductive, soit comme force productive -, n’est pas tout à fait
laquelle nous avons parlé de révisionnisme. En effet, c’est un fait historique que le
marxisme ne s’est pas seulement manifesté sous la forme de l’orthodoxie, mais aussi
donné la troisième et la deuxième internationale. Les partis dits réformistes ont été,
d’une élite de soi disant spécialistes du bonheur du peuple. Hegel avait parlé déjà à
l’universalité comme but de son action immédiate. En tout cas, pour Marx les
porteurs de sa théorie sont ceux qui « mettent en avant et font valoir les intérêts
du mouvement195.
194
Ibidem, p. 163.
195
Ibidem, p. 174.
218
Aristote nous avait déjà signalé que l’ordre étatique peut prendre deux formes
disons que l’ordre oligarchique est celui dans lequel la chose publique est contrôlée
par une minorité. Cela veut dire concrètement que seulement une minorité des
publiques. Toutefois cette minorité peut détenir ce pouvoir : soit par la force, soit par
pouvoir et de la chose publique qui en est son support, a été le fait d’une minorité
au sein de sociétés où le niveau d’individuation est très faible. Ce qui fait que le
peuple n’y a pas la possibilité de jouer un rôle quelconque dans les affaires du
pouvoir.
l’horizon du social. Cet univers du social implique, comme nous l’avons déjà signalé,
un niveau d’individuation plus ou moins généralisé. Pour cette raison, il est question
au sein d’un tel ordre, de cette différence entre l’oligarchie et la démocratie. De sorte
l’individualisme est un produit du droit. L’individu peut être dès lors : soit
uniquement sujet du droit privé, soit sujet du droit privé et public. En tant que
simple sujet du droit privé, l’individu ne participe pas à l’enjeu du pouvoir. Il est
dans ce cas simple sujet passif par rapport au politique. Par contre, le sujet de droit
219
public196 est le citoyen au sens strict du terme. Donc, le sujet du pouvoir : sujet dans
la plénitude du droit.
De ce point de vue, il est important de retenir que le social peut être composé en
propos, qu’en Grèce les sujets ayant une plénitude de droit, n’étaient qu’une infime
non participation de tous aux affaires publiques. Plus précisément, par le degré
dans le fait que, dans le premier système il n’y a accès à l’espace publique que pour
une simple minorité, tandis que dans la deuxième le principe de l’alternance pure
minorité. Ce qui n’est pas le cas de la démocratie, car le principe de l’alternance pure
fait que la chose publique est par définition la propriété commune, le bien de tous les
196
Et nécessairement du droit privé, car le fondement du sujet de droit se trouve précisément dans
cette sphère.
197
Tous les sujets libres de l'Empire deviennent citoyens romains.
220
membres de la communauté sociale. Or, la propriété de tous ne peut pas être objet
Il y a pour ainsi dire un espace ou l’appropriation privée est possible et licite (la
société civile) et un autre où elle ne l’est pas (l’État). De sorte que l’oligarchie est cet
reste des citoyens du jeu politique proprement dit. Ce qui est contraire aux principes
En effet, au sens strict du terme l’État est une entité juridique produite par la
convention. Donc, par l’accord entre égaux. De là que s’il y a exclusion d’une partie
de citoyens des affaires publiques, il y a tôt ou tard révolte de ceux qui sont ainsi
frappés d’indignité (Aristote). Cette révolte est ainsi une manifestation de la lutte
pour l’égalité. La violation du pacte fondamental ne peut dès lors que provoquer la
sédition de ceux qui se sentent exclut du rapport égalitaire. C’est pour cette raison
moins radical. Par conséquent, l’extension de la plénitude du droit ne peut pas être
Le droit de vote n’exclut pas l’existence d’un pouvoir oligarchique. En fait, les
la suprématie du plus grand nombre. Ce qui veut dire qu’à la base de la démocratie
221
il y a, en premier lieu, le principe du chacun pour soit ainsi le fait que chacun est en
d’individualités. Le rôle du droit objectivé est de garantir l’égalité entre les membres
de la communauté. Plus précisément le fait que chacun doit compter pour un et pas
citoyens. Ce qui implique une communauté d’égaux. Donc, des êtres qui sont par
Cela ne veut pas dire, par conséquent, que les sujets sont identiques, les uns aux
comme un phénomène réel. En effet, pour prendre un exemple, A n’est pas égale à
sont égaux en tant que simples signes, et donc en tant que lettres de l’alphabet. De la
même manière Jean, n’est pas réellement égal à Pierre, ni Marie à Aude. Mais, ces
communauté sociale donnée, des égaux. En d’autres termes, toute singularité est en
tant que telle égale à une autre. Bien évidemment, la singularité humaine est en
niveau-là que nous parlons d’égalité juridique dans un ordre social donné199.
198
Aristote disait déjà, à ce propos, que " la justice selon la conception démocratique, réside dans
l'égalité numérique ". Politique, VI,2.
199
Dans ce sens la communauté sociale s'accomplie dans la communauté juridique.
222
dans et par la suprématie du plus grand nombre, dont parle Aristote. Donc, à
rôle d’un tel mécanisme ? La réponse se situe à deux niveaux différents. En effet le
rôle des élections est d’une part, de légitimer l’élite du pouvoir, et de l’autre,
De sorte que lorsque le pluralisme est donné, il l’apparaît la nécessité d’une force
capable de jouer le rôle d’arbitre. Cette puissance n’est autre que la communauté des
citoyens. Lesquels vont tantôt donner le pouvoir aux uns, tantôt le pouvoir aux
autres. Cette alternance permet et assure la stabilité du social, car elle empêche toute
223
forme de lutte pour le pouvoir qui puisse provoquer l’affrontement ouvert entre ces
Il ne faut pas oublier à ce propos que toutes les élites politiques ont pour finalité
la chose publique. De plus, pour atteindre ce but, toutes les armes sont bonnes :
là l’appel aux valeurs les plus sacrées, comme aux valeurs universelles s’avère
nécessaire. Cela donne ce qu’on appelle la démagogie. Plus précisément, les discours
masses.
régulation sociale. Ce qui se régule précisément n’est autre chose que l’accès à
d’éviter que la chose publique soit objet d’appropriation ou le monopole par une
minorité quelconque. Ceci à cause du simple fait que la chose publique est dans son
Aristote, l’ensemble des richesses, des honneurs et des possibilités de vie en société.
contrôlent le pouvoir. Il s’agit, alors, d’un point de vue axiologique, de réaliser une
Il s’avère, dès lors, clairement que la vie démocratique ne consiste pas à déposer
essentielle est d’un côté, celle d’assurer l’alternance des élites, et de l’autre,
simple déformation du système électoral. C’est ainsi que dans les structures à partie
simple fait que le peuple est contraint politiquement à légitimer l’élite du pouvoir.
Comme on sait, dans ces ordres sociaux le pluralisme est interdit. De telle sorte que
le suffrage universel ne sert pas à réguler l’espace du pouvoir, mais encore une fois à
ne peut pas être réduit au simple phénomène électoral, voire au suffrage universel.
Sa fonction de base est de donner au peuple le rôle d’arbitre pour éviter d’une part,
l’alternance entre les différentes élites qui luttent pour le pouvoir. Sans la fonction du
choix il est évident que la loi de la majorité n’a pas de sens. En effet cette loi n’a un
sens que lorsque le peuple se trouve devant l’alternative d’avoir à choisir un parti
la fonction de légitimation dans les sociétés où règne le droit. Pour ce qui est de la
fonction de l’alternance, il est à remarquer qu’elle trouve son fondement dans la loi
de la majorité. Son rôle axiologique est comme nous l’avons souligné, celui d’éviter
200
Comme dans le socialisme réel et certaines dictatures du tiers-monde.
225
publique se situe, au sens strict du terme, en deçà de l’État de droit. Ce qui n’est pas
Ce monopole est, en l’occurrence cautionné par le droit. Les privilégiés sont, on peut
Ceci est dû au fait, comme nous l’a appris Aristote, que « les lois se prononcent
sur toutes choses et ont pour but soit l’intérêt commun, soit celui des chefs »201. Dans
démocratique dans le deuxième. Ceci veut dire, plus concrètement, que la différence
minorité donnée. Dans la pratique cette forme de monopole se concrétise dans et par
la fixation202 dans l’espace public d’une partie de l’élite du pouvoir. De sorte que le
Pour saisir cette problématique d’une manière plus précise nous devons tenir
compte du fait que dans les structures sociales modernes, l’élite du pouvoir se divise
Polis ». En effet, les sociétés modernes, ont, par l’importance de leur poids
201
Ethique de Nicomaque, V,1,13.
202
La titularisation.
226
particulièrement marginale. Avec les sociétés modernes nous avons affaire, comme
seulement l’élite politique, mais aussi l’élite administrative. Ce qui empêche toute
administrative.
permanents.
Ainsi dans le système oligarchique, les élections ne jouent pas le rôle régulateur qui
doit être le sien. Les élections deviennent dès lors, de simples pratiques de
poids de l’État tend à être particulièrement rigide. Ce qui n’est pas le cas dans le
système démocratique proprement dit. En effet le poids essentiel de l’État est celui
des dépenses de fonctionnement. Or, si les fonctions publiques sont assurées par des
présupposent l’accès à cet espace d’une nouvelle clientèle, aussi minime soit-elle.
oligarchiques, par la non embauche dans la fonction publique ainsi que dans les
tendent à palier jusqu’à un certain point ce manque d’espace pour placer les
à se produire.
Cela est d’autant plus vrai que l’État ne peut pas sur-ponctionner le social sans
l’appauvrir. Donc sans provoquer une diminution des recettes. Toutefois la logique
203
Il est question alors de panne de l’ascenseur social.
228
Comme nous venons de l’indiquer, ces blocages ne peuvent pas se produire dans
fixation de la charge publique. Les élites politiques qui accèdent au pouvoir ont la
pouvoir des élites sociales. Concrètement parlant, chaque élite politique est capable,
dans un tel système, de satisfaire les besoins de sa propre clientèle, sans avoir à sur-
concurrentiel pour placer ses pions. En toute état de cause, cette possibilité de
participation des élites sociales à la gestion des affaires publiques, est une des raisons
pour laquelle la mobilisation sociale est si importante, lors des élections, qui
sociales. Les affaires politiques tendent ainsi à devenir le résultat des rapports des
sociétés duales, tout en créant les conditions d’une rupture venant de l’extérieur du
5) L’Etat de justice.
204
Les républiques et les monarchies oligarchiques.
229
Certes, par les temps qui courent, le concept de démocratie est devenu une sorte
excellence.
l’occurrence, devant ce paradoxe qui consiste dans le fait que ces pouvoirs, comme
connotation est différente. Ces pouvoirs entendent par démocratie, les mécanismes
Nous avons vu dans le sous-chapitre précédent que selon son concept et son
démocratie, elles signifient ces présupposés. Plus précisément, ce sans quoi non
230
seulement la démocratie au sens strict du terme, mais aussi les formes oligarchiques
manifestation de cette pratique politique qui lui est la plus favorable : la simple
la plus simple prétention de toute élite du pouvoir. Plus exactement, le fait que
communauté sociale.
les discours qui accompagnent l’action que dans les réflexions théoriques. En réalité
cette dimension tend à se manifester dans les digressions théoriques, d’une façon
d’un droit, par la ruse ou par la force. Ce qui veut dire concrètement que les
phénomène injuste. Donc, contraire aux principes d’ordre universel. Car, l’acte de
spolier ou de dépouiller quelqu’un de son bien ou de son droit ne peut être qu’un
ce principe. Aristote avait déjà signalé, à ce propos, le fait que les institutions doivent
être organisées de telle sorte que les fonctions publiques ne puissent pas être source
L’Homme et du Citoyen « qui introduit, la Constitution de juin 1793. Cet article est
Cela dit, cette fonction axiologique de la démocratie effective, ne veut pas dire
que ce système assure de par lui même la justice sociale. Celle-ci présuppose la
démocratie effective, mais ne coïncide pas avec elle. En effet, le peuple manifeste son
choix au sein d’un ordre institutionnel donné. Comme nous l’avons vu, ce choix se
structure oligarchique. De plus, le peuple choisit qui commande et non pas ce qui est
commandé.
effective qui s’objective dans un pouvoir donné, n’a pas sa source dans les mœurs de
et le peuple, est que ce pouvoir ne tient compte, le plus souvent, que des préjugés de
son peuple. Les personnalités politiques sont essentiellement obsédées par les
élections et non pas par l’objectivation des valeurs d’ordre universel. Or, comme
l’alternance pure et non pas au niveau de ce qu’elle légitime. Un peuple peut bien
l’objectivation des valeurs d’ordre universel. C’est pour cette raison que nous disons
En ce qui concerne ce devoir être de l’État de droit, Aristote avait parlé déjà de
d’assurer les dépenses de fonctionnement, mais aussi de subventionner ceux qui sont
dans le besoin. En ce qui concerne cette dernière fonction, il faut noter que l’État se
doit d’avoir une dimension sociale. Le but essentiel de cette politique étant de réduire
205
Ce fut le cas aussi de Milosevich.
233
Nous avons ainsi affaire, avec le nivellement social, à une fonction axiologique
de l’État. En ce qui concerne cette problématique nous savons que la société civile est
un corps inégalitaire, de même d’ailleurs que l’État. Mais, le rôle éthique de l’État
n’est pas d’augmenter ces inégalités avec un accroissement des siennes, par la
? Aristote donne une réponse qui nous semble tout à fait satisfaisante. Il nous dit, en
effet, que la justice veut que l’égal soit traité en égal, et l’inégal en inégal.
est de la constitution de ces ressources, elles se réalisent, à travers ce qu’on appelle les
prélèvements obligatoires206.
Force est de constater que cette contribution ne peut pas se faire selon les
sociale ne disposent pas des mêmes moyens. Il y a, en effet, ceux qui en ont
beaucoup, et puis du côté opposé, ceux qui n’ont rien ou très peu. Cette inégalité
comme nous le verrons par la suite d’une manière plus précise -, est justement celui
234
de les réduire. Ceci nous mène, en tout cas, à souligner que le principe de l’égalité ne
peut se manifester que dans les domaines du droit privé, du droit pénal, du droit
à tous la même chose, aussi bien à ceux qui ont, comme à ceux qui n’ont pas. Ceci
pour la simple raison que ces derniers sont dans l’incapacité de pouvoir acquitter les
sommes qu’on peut leur demander. Pour cette simple raison, la justice veut que la
Donc selon la capacité économique de chacun. Ainsi ceux qui en ont beaucoup
doivent payer selon cette capacité, tandis que ceux qui en ont peu doivent le faire
possibilité de prélever selon un ordre progressif. Ce qui n’est pas le cas de l’impôt
indirect. Car, celui qui achète un bien donné paye le même taux qu’il soit riche ou
pauvre. Pour cette raison, l’exigence d’un minimum de justice veut que les biens de
la constitution des ressources communes doit se faire d’une manière dominante par
206
Ces prélèvements, comme on le sait, sont de deux ordres : directs et indirects. Il faut aussi
tenir compte des prélèvements à la source, lorsque ceux-ci sont opérés par le pouvoir public.
235
d’infrastructures et celles qui ont commune but les subventions sociales. - On peut, à
être, d’un point de vue axiologique, d’une part, la proportion de chacune de ces
parties par rapport au tout, et de l’autre, la proportion de cette masse par rapport au
Pour ce qui est de la première problématique, nous devons tenir compte que la
fonction éthique essentielle de l’État est celle d’aider ceux qui sont dans le besoin. De
sorte que dans un État de justice les dépenses sociales doivent être plus importantes
que les dépenses de fonctionnement. Ceci, d’autant plus que dans un tel ordre les
fonctions publiques ne peuvent pas être une source de profit, ni le produit d’un
clairement que les dépenses improductives ne peuvent pas être plus importantes que
mêmes, ainsi que de celles de la capacité productive elle-même. Adam Smith nous a
en effet, selon l’exigence de la raison d’éviter un tel phénomène. Car, elle veut qu’on
207
Aristote, La Politique, Librairie Philosophique J. Vrin, Paris, 1977, p.542.
236
Le problème essentiel est ainsi celui d’éviter que le poids de l’État puisse écraser
le secteur productif par son surpoids. Bien évidemment, un État éthique ne peut pas
se trouver dans une telle situation, car il ne peut pas se trouver dans la condition
d’avoir à sauvegarder les intérêts d’une minorité208 tout en sacrifiant les intérêts de
des unités économiques, ne fait pas partie de celle se rapportant à la constitution des
d’administrer le droit juste209. En tout cas, le rôle d’un tel Etat n’est pas de produire
des biens et des services, dont la production est conditionnée par le principe de la
rentabilité.
Il est, toutefois, difficile d’établir une ligne de démarcation très précise pour faire
cette différence entre ce qui peut être géré par l’État et ce qui ne doit pas l’être. Mais
quelque soit l’importance des domaines devant être gérés par l’État, l’essentiel est de
comprendre que ce secteur doit être aussi soumis au principe de l’alternance pure. Il
chose publique.
208
En l’occurrence l'intérêt de ceux qui contrôlent la chose publique.
237
pouvoir210. Dans un ordre ayant un contenu axiologique minimal, cette élite qui
contrôle le pouvoir doit être préalablement légitimé par le peuple. Ce qui veut dire
que seulement ceux qui possèdent cette légitimité, les représentants du peuple, ont le
Le problème est à présent celui de savoir selon quel principe cette distribution
doit se faire. Pour saisir la vraie nature de ce phénomène, il faut rappeler que
l’allocation des ressources communes implique d’un côté, la création de postes et des
La réponse de Gracchus Babeuf est : « À chacun la même chose ! ». Par contre, celle
de Marx est : « À chacun selon son mérite ! » Comme nous pouvons le constater, à
partir de ces deux exemples, la réponse n’est pas toujours la même. En effet Babeuf,
Marx se prononce, quant à lui, pour le principe de l’inégalité. Aristote, pour sa part,
Mais, que cette inégalité doit se faire suivant des critères différents, selon qu’il
de l’autre, de subventions sociales. Or, si nous commençons par cette dernière forme
209
Vouloir le droit juste est vouloir le règne de la raison.
210
Si nous nous rapportons à la France moderne, cela donne le budget de l’État, celui de la
sécurité sociale et celui des collectivités locales.
211
Notons, à ce propos, qu'en France le budget de la sécurité sociale est géré par les syndicats.
238
d’allocation des ressources communes, il faut se poser la question de savoir s’il faut
donner à chacun la même chose, comme le propose Babeuf. Donc, les mêmes
sommes aux pauvres qu’aux riches212. Mais la justice veut que les inégaux soient
traités en inégaux. Il est par conséquent injuste de donner la même chose à ceux qui
sont dans le besoin, comme à ceux qui ne le sont pas. Ceci est d’autant plus vrai que
qui ne sont pas dans le besoin., et que parfois ont de tels quantités de richesses, qu’ils
déposer, et enfin où l’investir ? Par contre le principal souci des nécessiteux est où
trouver l’argent nécessaire pour se procurer les biens indispensables afin de satisfaire
La justice veut, par conséquent, que le critère qui précède cette forme
d’allocation des ressources communes, soit celui des besoins. Il serait bien
pratique à partir du critère du mérite. Ce critère, en effet, tend à donner à celui qui
ne mérite pas. De plus, un tel critère ne peut que pousser le nécessiteux à faire du
zèle à l’égard de ceux qui contrôlent ces ressources. Une telle pratique ne peut, par
212
Rappelons qu'en France les allocations familiales sont accordées suivant ce principe proche de
l'égalité. En ce qui concerne l'enseignement public, ce service est accordé, toujours en France,
selon le principe de l'égalité.
239
se faire selon le principe de l’égalité, mais selon celui de l’inégalité. Il ne s’agit pas,
publiques identiques pour tous les membres de la communauté sociale. Une telle
proposition est en elle même absurde. Elle peut équivaloir, par exemple, à vouloir
accorder les commandes publiques à tous ceux qui le veulent. Le critère d’une telle
allocation, ne peut pas se faire non plus, selon son exigence éthique, à partir du
critère du mérite. Ceci, pour les raisons que nous venons d’indiquer à propos des
critère n’est autre que celui de la capacité. En effet, s’il faut construire un bâtiment
public, il est évident que la réalisation d’une telle oeuvre ne peut pas être attribuée
minimum de moralité veut, comme on peut le comprendre aisément, qu’un tel choix
Or, il est de même lorsqu’il s’agit d’attribuer des postes dans la fonction
publique et dans les secteurs qui pour une raison ou une autre, sont contrôlés par
l’État. Ces fonctions ne doivent pas être attribuées selon d’autres principes, comme
de l’ensemble de la communauté. Tout autre critère ne peut que conduire au fait que
chose publique conditionne comme nous l’avons souligné, l’existence d’une classe de
213
Le serviteur du social, se transforme en maître non-civilisé.
240
C’est précisément pour éviter une telle perversion que les contrats dans la
fonction publique doivent non seulement être guidés par le critère de la capacité,
mais doivent aussi être déterminés dans le temps. Ce dernier critère, comme nous
nous venons de parler. Mais, les mécanismes de l’alternance pure, font qu’une telle
Or, pour éviter une telle dérive dans le mal social, comme nous le dit Aristote,
« tous les citoyens doivent nécessairement avoir pareillement accès à tour de rôle aux
Plus précisément de la justice corrective. L’inégalité devant la loi civile et pénale est
pour ainsi dire, un pré-réquisit de l’État de justice. « L’isonomia » est en effet une
Pour ce qui est de la justice corrective il convient de rappeler que l’injustice est ce
qui se rapporte ? L’inégal, tandis que la justice est ce qui s’accorde ? L’égalité.
214
Op. cit. VII, 14,25.
241
liberté des personnes. Le règne de l’égalité juridique est consolidé par l’Etat de droit
et par la démocratie effective. L’Etat de justice215 est, dès lors, l’être accomplie de
l’Etat de droit. Il s’agit, en effet, selon cette dimension de réaliser un ordre dans
lequel l’Etat est non seulement conditionné par la juridicité (Etat de droit) et par des
mécanismes objectifs (démocratie), mais aussi par les principes d’ordre universel
(Etat de justice). Car comme nous l’avons souligné selon ces principes l’Etat doit
assurer et garantir l’égalité entre égaux et le traitement inégal entre inégaux. Ainsi,
le règne de l’égalité juridique trouve son complément dans les principes de l’inégalité
Il est important de comprendre que nous avons affaire ici d’une part, à un
cristalliser dans un ordre donné une fois pour toutes. En effet le but de ce processus
est bien la communauté d’égaux. Mais la réalisation d’une telle finalité tend à se
2) pluralisme,
3) État de droit
4) démocratie effective et
5) État de justice.
Il convient, toute fois, de rappeler que cette lutte pour la justice concrète, ne peut
pas connaître une fin. Car, les intérêts particuliers tendent toujours à se présenter
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L'État de justice n'est pas, dès lors, pour nous, l'ordre qui administre le droit comme le soutient
Pierre Chaunu, car le propre de cette entité juridique qui s'appel l'État est précisément de produire
et administrer la juridicité.
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peut être justifiable. L’appel aux valeurs d’ordre universel est la condition d’une telle
pratique. De sorte que la raison axiologique doit jouer nécessairement un rôle social
de premier ordre. C’est précisément dans ce rôle que la raison théorique est à la fois
Cela dit une telle position ne peut être conforme à la finalité que si la raison
théorique garde sa distance par rapport aux forces qui se disputent le pouvoir. En
effet toute critique est un jugement. Mais on ne peut pas être juge et partie. Il
s’ensuit, dès lors, que la raison axiologique ne peut se manifester qu’à partir de la
s’objective dans l’État non pas grâce à des automatismes historiques, mais grâce à la
prise en charge de ces valeurs par la conscience théorique. Laquelle devient dans le