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APPORT DE LA METHODE DES ELEMENTS FINIS

DANS LE DIMENSIONNEMENT DES RIDEAUX DE SOUTENEMENT

CONTRIBUTION OF THE FINITE ELEMENT METHOD IN THE DESIGN


OF RETAINING WALLS

O. PAL, A. RECH, L. VOUTE


Forezienne d’Entreprises, Saint-Étienne

RESUME : Dans le cadre de la mise aux normes de la station d’épuration de Nancy, située à
Maxeville en bordure immédiate de la Meurthe, les terrassements d’une nouvelle unité de
traitement appelée « Biolift » ont nécessité la mise en place d’un important blindage. L’objet de cet
article est de présenter l’apport de la méthode des éléments finis (MEF) dans le dimensionnement
de ce blindage et plus généralement dans le cas des rideaux de soutènement. Pour valider la
démarche proposée, le dimensionnement du blindage a été conduit d’une part à l’aide des méthodes
usuelles et d’autre part avec le logiciel PLAXIS. Différents exemples simples mais éloquents
mettent en évidence la contribution de la MEF dans la prise en compte des mécanismes
d’interaction sol-structure.

Mots clés : interaction sol-structure ; soutènement ; méthode des éléments finis (MEF) ; états
limites de service ; état limite ultime ; rideau de palplanches.

1. INTRODUCTION

Le dimensionnement des ouvrages de soutènement, provisoires ou définitifs, constitués de


rideaux, ancrés ou non ancrés, ne relève à ce jour d’aucun document normatif définissant, comme
pour les parois clouées ou les massifs en sol renforcé, un schéma de stabilité pour la justification
des ouvrages. Il existe dans la littérature technique un certain nombre d’approches, éprouvées par la
pratique et d’utilisation courante, mais il est assez difficile d’établir entre elles un lien rationnel
permettant à l’ingénieur de se forger une opinion sur la représentativité des schémas de stabilité
proposés et l’ordre de grandeur des efforts qui s’y développent. A ce titre on peut s’interroger sur le
choix d’une justification aux états limites de service ou ultimes dans la mesure où le comportement
de ce type d’ouvrage dépend directement de l’interaction sol-structure.
Dans le cadre de la mise aux normes de la station d’épuration de Nancy, située à Maxeville, la
société FOREZIENNE d’ENTREPRISES (SFET), titulaire du marché de génie civil, devait réaliser
un local technique particulier appelé Biolift enterré d’environ 9,00 m par rapport au terrain naturel.
La géométrie en plan de cet ouvrage, qui s’apparente sensiblement à un carré de 50,00 m de côté
avec quelques irrégularités, est présentée figure 1. La solution de base, proposée dans le DCE,
consistait en une paroi moulée encastrée dans le substratum marneux et maintenue en tête par deux
niveaux d’ancrages. Une des variantes techniques proposée pour la réalisation de cette fouille
s’appuyait sur un rideau de palplanches, fiché dans les marnes avec un seul niveau d’ancrage. Outre
les aspects financiers et calendaires, la réalisation de ce blindage devait répondre à des sujétions
techniques fortes puisque les terrassements se développaient dans un site exigu alors même que la
station était maintenue en service, l’ensemble étant situé à une dizaine de mètres du lit de la
Meurthe durant une période où les crues sont fréquentes avec des zones de circulation à fort tonnage
en tête du rideau.
Pour appréhender au mieux l’ensemble de ces paramètres et optimiser les caractéristiques
géométriques et mécaniques de ce blindage, nous avons mis en œuvre une analyse par la méthode
des éléments finis à l’aide du code PLAXIS. L’objet de ce document est de présenter les étapes clés
du dimensionnement en accord avec les données disponibles et de comparer les mesures in-situ
avec les prédictions numériques.

2. CONTRAINTES GEOMETRIQUES ET TECHNIQUES

2.1. Contraintes environnementales


La figure 1 présente une vue en plan de l’excavation à réaliser. Le côté Nord est bordé par la
Meurthe, le côté Est par le canal de rejet des eaux traitées maintenu en service pendant les travaux,
les côtés Ouest et Sud correspondant respectivement aux accès chantier et aux semi-remorques
d’enlèvement des résidus de traitement. Précisons également l’existence d’une conduite d’adduction
d’eau, de diamètre 800 mm en tête du blindage côté Meurthe, maintenue en service pendant les
travaux.
BIOLIFT : blindage par rideau de palplanches

zone 2 zone 2

zone 2 zone 2

zone 3
zone 3

N
zone 3
zone 3

zone 3
zone 3
zone 1

zone 1
zone 3

Figure 1 : Vue en plan du blindage pour les terrassements du Biolift

2.2. Contraintes géomécaniques


La réalisation du soutènement était assujettie aux éléments géomécaniques suivants :

2.2.1. Eléments géotechniques


Les différents types de sols rencontrés ont été caractérisés à l’aide d’essais in-situ (essais
pressiométriques) et d’essais de laboratoires (granulométrie, sédimentométrie, cisaillement direct
non drainé, essais oedométriques avec caractérisation du gonflement dans les marnes). Du point de
vue des matériaux, le rideau traversait trois horizons distincts :
Zone 1 Zone 2 Zone 3

Figure 1b : Définition des zones 1, 2 et 3

Des remblais récents constitués de remblais superficiels et de dépôts alluvionnaires fins


(limons). L’épaisseur de ces remblais était comprise entre 2,00 m à 6,00 m avec pour
caractéristiques pressiométriques :

0,12 MPa  Pf  1,50 MPa 0,16 MPa  P  2,00 MPa 1,80 MPa  E M  50,00 MPa

Un essai de cisaillement direct non drainé a permis d’obtenir les paramètres suivants :
c u 30 kPa , M u 15q

Des dépôts alluvionnaires grossiers. L’épaisseur de ces alluvions était comprise entre 2,00 m et
3,00 m, avec pour caractéristiques pressiométriques :

0,22 MPa  Pf  2,10 MPa 0,34 MPa  P  3,20 MPa 3,30 MPa  E M  40,00 MPa

Le substratum marneux à partir de 188,00 IGN. Les marnes, qui constituaient le niveau
d’ancrage du pied du rideau, présentaient la particularité d’être légèrement schisteuses et finement
litées suivant un plan sensiblement horizontal. Cette hétérogénéité a été mise à jour au cours des
terrassements et non pas au cours des essais in-situ. L’expérience montre, pour ce type de matériau,
que les résultats obtenus à l’aide d’essais comme le pressiomètre ou le pénétromètre conduisent à
des caractéristiques apparentes généralement bonnes alors que ces matériaux sont très sensibles aux
variations hydriques et aux phénomènes de gonflement accentués par la présence d’un litage
extrêmement défavorable à la reprise des efforts de butée. Afin d’optimiser le module des
palplanches, nous avons mené des essais de battage qui ont permis de confirmer l’ordre de grandeur
du module et de la résistance à court terme de ce type de marne. Les caractéristiques
pressiométriques étaient les suivantes :

0,10 MPa  Pf  2,50 MPa 1,60 MPa  P  3,90 MPa 49 MPa  E M  560,00 MPa

Des essais de cisaillement direct non drainé ont permis d’obtenir un encadrement des paramètres
suivants :
35 kPa  c u  70 kPa 21q  M u  23q
En conclusion, quel que soit le sol considéré, les résultats obtenus ont mis en évidence une grande
dispersion des résultats avec, pour les remblais récents constitués de matériaux alluvionnaires fins,
des caractéristiques faibles et pour les niveaux alluvionnaire et marneux des caractéristiques
moyennes à bonnes.

2.2.2. Eléments topographiques et hydrogéologiques


Du point de vue topographique, le site se trouve dans un fond de vallée en rive gauche de la
Meurthe à une dizaine de mètres des berges. L’altitude moyenne du terrain naturel est comprise
entre 194,00 et 195,00 IGN.
Le suivi hydrogéologique du site a permis de mettre en évidence que le niveau moyen de la nappe
au droit du site, (190,00 IGN), était gouverné sur le long terme par une nappe de versant alors que le
niveau à court terme dépendait directement de celui de la Meurthe qui pouvait atteindre 194,50 IGN
avec une occurrence non négligeable pendant la période des travaux. Afin d’optimiser le blindage,
le niveau des plus hautes eaux retenu fut 191,20 IGN (correspondant à la crue annuelle). Pour
prévenir néanmoins tout risque de dépassement intempestif et dangereux, nous avions mis en place
un suivi piézométrique journalier associé à une procédure de remplissage de la fouille en fonction
des prévisions et observations faites en amont du bassin versant.

2.2.3. Eléments hydrauliques


Compte tenu de la raideur des marnes, la mise en place des palplanches n’a pu être effectuée de
façon satisfaisante qu’à l’aide d’un préforage destructif systématiquement arrêté 50 cm au dessus de
la cote de fiche. A partir de cette cote, les cinquante derniers centimètres étaient réalisés par battage
seul afin d’assurer l’étanchéité du blindage et d’empêcher l’apparition de renards. Cette technique a
donné entière satisfaction vis à vis des venues d’eau en provenance du fond de fouille mais
également de celles liées au positionnement des serrures car celles-ci étaient beaucoup moins
sollicitées lors de la mise en place des palplanches.

3. PRINCIPES DE DIMENSIONNEMENT

3.1. Choix de la méthode de dimensionnement


Pour les rideaux de hauteur libre moyenne, comprise entre 5 et 8 mètres, ne présentant pas de
difficultés particulières, le dimensionnement relève des méthodes classiques dont une description
exhaustive a été établie par Delatre et al., [Delatre, 1996]. La plupart des approches proposées sont
basées sur des schémas d’équilibre de type rigide-plastique, c’est à dire que les diagrammes de
pression et de butée des terres sur le soutènement sont prédéterminés et indépendants du niveau de
sollicitation du sol, et des déplacements qui en résultent. Ces diagrammes sont généralement
calculés à partir des coefficients de poussée et butée des terres extraits des tables de Caquot &
Kerisel. Du point de vue cinématique, ce type de distribution s’apparente au déplacement en
translation et en rotation d’un écran beaucoup plus rigide que le massif soutenu.
La réalité est en fait bien plus complexe car la distribution des pressions dépend de nombreux
paramètres comme le mode de mise en place, le contraste de rigidité entre rideau et terrains
soutenus, etc. La raideur des ancrages ou des butons peut également être à l’origine d’effets de
voûtes qui sont susceptibles de modifier la distribution des pressions. Pour illustrer notre propos,
nous présentons, figure 2a, 2b, et 2c la distribution des moments et des contraintes effectives
normales au rideau pour trois modules de palplanches en comparant méthodes rigides plastiques et
MEF. Le sol est un sable moyennement dense dont le comportement est représenté à l’aide du
modèle élasto-plastique de Mohr-Coulomb: E 40 MPa , Q 0.30 , c ' 0 kPa , M' 35q , \ 5q ,
k0 1  sin M' . Le paramètre d’interface a été pris égal à G 2 3 M de part et d’autre du rideau. La
simulation est effectuée sans nappe avec J 20 kN m 3 . Le soutènement est assuré par trois types
de palplanche : L 4S , I v 55 010 cm 3 , L 2S , I v 27 200 cm 3 et PU 8, I v 11 610 cm 3 . La
hauteur excavée est de 6,50 m pour une fiche de 2,50 m. L’approche analytique est conduite à l’aide
de la méthode du rideau ancré simplement buté en pied avec un coefficient de 2 sur la butée.
Cet exemple montre que plus la palplanche est ‘souple’ plus elle contribue à développer une
contrebutée en partie basse et un effet voûte entre la butée et le point d’ancrage ce qui tend à réduire
la valeur maximale du moment de flexion. Dans le cas présent, l’écart entre le moment maximum
pour une L4S et une PU8 est de 20 %. L’expérience montre que les écarts peuvent être plus
importants suivant l’incidence de l’interaction sol-structure. La figure 3 présente une illustration du
développement d’effets voûtes dans le cas d’une paroi comportant plusieurs lits d’ancrages.

Figure 2a Figure 2b Figure 2c


9 9
L4S
8 8 PU 8

7 7 A n a ly tiq u e
J 20 kN m 3
6.50 m

L4S
6 6
E 40 MPa L2S
H a u te u r (m )

H a u te u r (m )
Q 0.30 5 PU8 5
' A n aly tiq u e
c 0 kPa 4 4
'
M 35q 3 3
\ 5q
2 2
2.50 m

1 1

0 0
-4 0
-2 0
0
20

40
60

80
100
120

-7 5
-5 0
-2 5
0
25
50
75
100
125
150
175
200
M o m e n t (k N m ) C o n train te n o rm a le e ffec tiv e (k P a )

Figure 2a, 2b, et 2c : Influence de la rigidité du soutènement


sur la distribution des moments et des pressions derrière l’écran.

Figure 3 : Distribution des contraintes principales derrière un rideau doublement butonné

Les deux cas précédents montrent que la distribution des pressions de part et d’autre d’un rideau
peut être assez différente de celle proposée par le modèle rigide-plastique et plus favorable quant
aux efforts subis par l’écran. La modélisation de ce type de problème n’est cependant pas triviale
car si la rigidité du rideau et des ancrages est facilement accessible, il n’en va pas de même pour le
massif à soutenir. En effet, quels que soient les matériaux rencontrés, le module est fonction, entre
autres choses, de l’état de contrainte, et, pour les matériaux fins, des variations hydriques induites
par les modifications du réseau d’écoulement liées à la présence du rideau.
Pour l’ensemble de ces raisons et lorsque la hauteur du rideau le justifie nous pensons qu’il est
nécessaire de recourir, en complément aux méthodes usuelles, à des simulations plus élaborées à
l’aide de la MEF. En outre, à partir d’une première modélisation, on peut procéder à des études
paramétriques qui intègrent l’ensemble des facteurs évoqués précédemment. Dans de pareil cas la
logique voudrait que les investigations géotechniques soient à la hauteur du problème !

3.2. Apport de la MEF dans l’optimisation du rideau


La démarche retenue au sein du BET de la SFET consiste donc à pré-dimensionner le rideau à
l’aide de méthodes simples et éprouvées comme la méthode de Blum, ou bien encore celle du
rideau ancré simplement buté en pied. Pour limiter les erreurs inhérentes à ce type de calculs
fastidieux et accéder rapidement aux éléments clés du dimensionnement : fiche, moment maximum,
effort dans l’ancrage, nous avons développé en interne un logiciel spécifique à ce type
d’application. A l’issue de cette étape on procède à l’optimisation proprement dite, par le biais de la
MEF, en intégrant cette fois la rigidité des différentes composantes du soutènement, les conditions
hydrauliques particulières telles que les écoulements interstitiels, les conditions de mise en place du
rideau et la variation éventuelles des caractéristiques mécaniques en cours de réalisation.
L’optimisation du rideau par la MEF permet alors d’analyser l’équilibre de la structure
géotechnique non seulement au niveau local (taux de travail et plastification au niveau de la butée
de pied et du lit d’ancrage) mais également dans sa globalité (stabilité d’ensemble de la structure).
Si la méthode des coefficients de réaction permet une prise en compte partielle des effets de la
rigidité de l’écran et de ses appuis, elle ne permet pas de traduire les effets de voûte. La méthode de
calcul à la rupture proposée dans les recommandations TA95 permet de vérifier la stabilité globale
avec un lit d’ancrages mais pas avec plusieurs lits. La MEF tient compte des effets de voûte et
permet de vérifier la stabilité globale en ELU avec plusieurs lits d’ancrages.
Un autre apport de la MEF est de permettre la modélisation de points singuliers aux
conséquences déterminantes sur le comportement d’ensemble de la structure. Dans le cas présent,
les efforts mis en jeu et le déplacement maximum autorisé en tête permettaient la mise en place de
PU16. Cependant en raison de la compacité des marnes grises à court terme, la section et le module
de ce type de palplanche s’avéraient insuffisants si bien que, dans un souci d’optimisation, nous
avons eu recours à un préforage sur pratiquement la hauteur de la fiche. Les palplanches étaient
donc vibrofoncées dans terrain décomprimé sauf sur les cinquante derniers centimètres où elles
étaient mises en place par battage pour garantir l’étanchéité du rideau. Le remaniement du terrain
sur un certain volume autour de la palplanche, se traduisait donc par une diminution significative
des caractéristiques mécaniques et hydrauliques qui a pu être modélisé pour apprécier son incidence
sur la stabilité locale et globale.
Une autre possibilité apportée par la MEF est, dans le cas du logiciel PLAXIS, la possibilité de
simuler des phases de travaux par addition ou suppression des éléments qui composent le maillage.
Cette possibilité s’avère très utile dans bien des cas car pour bon nombre d’ouvrages ce sont les
phases provisoires qui sont dimensionnantes et non la phase définitive. De même le champ de
contrainte résultant de l’application du chargement en une étape de calcul n’est pas nécessairement
identique aux champs de contraintes et de déplacement qui résultent d’un phasage représentatif de
la réalité du chantier. Il va sans dire que les adaptations ou plastifications locales du sol ont une
répercution immédiate sur la distribution des moments dans le rideau.

4. DIMENSIONNEMENT

Concernant la justification de ce type d’ouvrage vis à vis de sollicitations ELS ou ELU, on peut
s’interroger sur la pratique qui consiste à dimensionner le rideau à l’aide d’un diagramme rigide
plastique (massif à l’état ELU ) mais avec des charges non pondérées (charges permanentes et
surcharges d’exploitation ELS). L’effort dans l’ancrage, obtenu par cette manipulation, est alors
pondéré pour cadrer avec les règles de dimensionnement proposées soit dans les recommandations
TA95, soit dans le fascicule 62 titre V.
A notre avis, la justification de résistance du rideau en tant que structure relève d’un état limite
de service car les déplacements en tout point, et notamment en tête, doivent rester limités afin de ne
pas induire des déformations trop importantes et irréversibles à l’arrière du soutènement
susceptibles d’occasionner des désordres immédiats ou différés sur les structures avoisinantes. On
notera à ce propos que la MEF donne accès à des critères plus pertinents que le déplacement
horizontal de l’écran qui sont l’élongation ou la variation de pente imposée aux ouvrages voisins du
rideau (et dans certains cas d’apprécier le rôle de k 0 ). Le diagramme à prendre en compte ne
résulte donc pas d’un modèle rigide plastique mais bien plus de l’interaction entre le sol et la
structure sous charge de service. En ce sens il est toujours possible de multiplier les niveaux
d’ancrages ou d’augmenter de façon significative le module du rideau, mais dans une optique
d’optimisation, il y a lieu de trouver le meilleur compromis entre section minimale et taux de travail
admissible tout en respectant un champ de déplacement compatible avec l’environnement. On
vérifie donc sous charge de service que le taux de travail du rideau reste voisin de 2V e 3 et que les
déplacements restent admissibles. Taux de travail admissible et déplacements limités ne signifient
pas pour autant que l’on ne puisse pas admettre une plastification locale du sol pour permettre le
transfert des charges des zones les plus sollicitées vers les zones moins chargées par le biais de
l’interaction sol-structure. En revanche lorsqu’il s’agit de l’ouvrage géotechnique à part entière dont
la stabilité relève à la fois de schémas d’équilibre locaux et globaux, une approche ELU nous paraît
utile mais non suffisante. En effet P. Vezole [Vezole, 2000] a montré récemment, en s’inscrivant
dans un processus de justification aux ELU, que les efforts ultimes de flexion qui se développaient
dans un écran butonné à plusieurs niveaux pouvaient être inférieurs à ceux obtenus sous charge de
service. Cet exemple n’est certainement pas un cas isolé compte tenu de l’incidence des adaptations
plastiques qui peuvent se produire tant au niveau de la structure que du massif soutenu sur la
redistribution des charges.
Le choix du module de la palplanche résulte donc de deux principaux critères : le premier lié au
comportement du rideau sous charge de service (moment de flexion admissible tel que
2 3 f e  V max  3 4 f e , déplacement admissible pour les structures avoisinantes), le second lié au
mode de mise en place du rideau.
Le dimensionnement de la fiche et des ancrages éventuels résultent donc d’une approche ELU
car il s’agit cette fois d’évaluer la marge de sécurité dont on dispose par rapport à un mécanisme de
rupture donné. A ce propos, il faut bien garder à l’esprit que pour la plupart des outils basés sur la
méthodes des états limites qui utilisent par exemple la méthode des tranches (Bishop simplifiée ou
modifiée, méthode des perturbations, etc.) le coefficient de sécurité obtenu correspond à un
mécanisme de rupture que l’on se donne à priori et qui peut très bien s’avérer peu pertinent pour
une approche de la sécurité par l’extérieur. Sous chargement ELU, le coefficient de sécurité proposé
par le code PLAXIS correspond au rapport entre les forces internes résistantes : Fint ³
t
B V dv ou
:
forces résistantes mobilisables et les forces extérieures appliquées au modèle : F ext . Ce coefficient
est obtenu de façon itérative par réduction automatique des paramètres plastiques du modèle
rhéologique mis en œuvre jusqu’à la ruine de la structure. Le système numérique associé à ce type
de manipulation devient alors proche d’un état singulier et l’on peut s’interroger sur l’unicité du
champ de déplacement solution proposé. Nous laisserons ce débat aux spécialistes pour constater
que les schéma de rupture proposés sont généralement cinématiquement admissibles et que les
mécanismes mis en jeu s’apparentent plus, dans le cas de rideaux ancrés, à des mécanismes
multiblocs qu’à de simples surfaces circulaires.
Le tableau I présente, pour les zones 1, 2 et 3 (confère figure 1) les principales caractéristiques
géométriques et mécaniques du rideau suivant l’approche classique du rideau ancré simplement
buté en pied et la modélisation par éléments finis. Les caractéristiques à long terme prises en
compte pour le dimensionnement sont présentées dans le tableau II. La figure 4 présente, pour la
zone 1, le mécanisme de rupture associé à un facteur de sécurité égal à 130.
5. REALISATION ET AUSCULTATION

En raison du contexte particulièrement sensible entourant la réalisation de ce rideau, nous avons


mis en oeuvre un programme d’auscultation basé sur le suivi des déplacements en tête (pendant et
après les terrassements) et en pied du soutènement (en fin de terrassement de la fouille). Le débit
pompé en fond de fouille était également surveillé ainsi que les très rares venues d’eau au droit des
serrures. Afin de déceler tout amorce de renard l’eau d’exhaure était recueillie dans un bac de
décantation avant d’être rejetée dans la Meurthe. Le comportement d’ensemble était ‘validé’ en
confrontant les mesures effectuées à deux types de critères : un critère d’alerte et un critère d’arrêt.
Ces deux critères étaient déterminés en fonction des valeurs de déplacements obtenues par
simulation numériques :

G alerte
max MAX^1.5 u G calcul , G calcul  1.00 cm`
G arrêt alerte
max 1.50 u G max

L’atteinte ou dépassement du critère d’alerte conduisait à renforcer le contrôle du rideau en


augmentant la fréquence des relevés. Si le critère d’arrêt était atteint, le chantier devait alors
procéder au remblaiement en pied du soutènement. Le tableau III présente, en fin de terrassement,
les déplacements horizontaux mesurés en tête du rideau et à une hauteur de 1,00 m par rapport au
fond de fouille pour les trois profils types étudiés. Le critère d’alerte n’a donc jamais été atteint car
les déplacements estimés étaient dans l’ensemble supérieurs à ceux mesurés même si l’ordre de
grandeur est très satisfaisant compte tenu des données disponibles. Il faut toutefois être assez
critique dans ce type de comparaison car les déplacements retenus pour la définition des critères
sont issus de calculs à long terme avec régime hydraulique permanent alors que rien ne permet
d’affirmer qu’au moment des mesures le massif à soutenir était bien dans un état drainé.

Tableau I : Comparaison entre modèle analytique et simulation numérique

Méthode Analytique MEF (PLAXIS)


Zone f (m) Tancrage (kN m) M max (kNm m) f (m) Tancrage (kN m) M max (kNm m)
1 5,30 178,60 483,22 2,70 161,59 170,83
2 3,60 118,30 234,18 2,00 107,42 109,15
3 4,20 159,40 244,30 2,00 96,72 83,43
(*) Nappe à 191.20 IGN

Tableau II : Caractéristiques mécaniques effective pour la modélisation par la MEF

Matériau J sat (kN m 3 ) J h (kN m 3 ) E (MPa ) Q c ' (kPa ) M' (q) \ (q)

Remblais récents 20,00 18,00 20,00 0,30 5,00 25,00 0,00


Alluvions grossières 20,00 18,00 40,00 0,30 0,00 35,00 5,00
Marnes compactes 21,00 19,00 100,00 0,30 35,00 22,00 0,00
Marnes altérées (*) 19,00 17,00 50,00 0,30 25,00 20,00 0,00
(*) Matériau altéré suite au préforage destructif
A A

Figure 4 : Mécanisme de rupture pour la crue annuelle, zone 1, facteur de sécurité égal à 1,30

Tableau III : Comparaison des déplacements entre simulation numérique et mesure in-situ

Zones Mesure in-situ (*) Simulation MEF PLAXIS (*)


Etudiées G1h (**) (mm) G 2h (**) (mm) G1h (**) (mm) G 2h (**) (mm)
1 23,00 5,00 18,60 27,50
2 5,00 2,00 13,50 14,90
3 14,00 8,00 17,20 15,40
(*) : Niveau de la nappe 191.20
(**) : G1h : déplacement horizontal en tête du rideau
G 2h : déplacement horizontal à 1.00 m au dessus du fond de fouille.
Nota : Ces résultats sont donnés à titre indicatif et ne sont pas directement comparables car le point
zéro pour la mesure des déplacements en tête de rideau est différent de celui en pied de rideau.

CONCLUSION

Cette réalisation illustre un des apports de la MEF dans le dimensionnement des ouvrages
géotechniques pour lesquels l’interaction sol-structure joue un rôle déterminant. Si cette technique
permet d’accéder à une distribution des contraintes plus réaliste de part et d’autre du rideau, il n’en
demeure pas moins que l’équilibre global de la structure repose, in fine, sur un choix adéquat des
caractéristiques mécaniques pour évaluer la sécurité de l’ouvrage à court, moyen et long terme,
l’eau ayant comme toujours une rôle déterminant sur les efforts mis en jeu et l’évolution des
caractéristiques mécaniques.
Cet exemple concret montre que tous les détails de la modélisation ont leur importance et qu’une
simulation ne repose pas uniquement sur des critères numériques de convergence mais également
sur une appréciation réaliste du chantier dans sa globalité. Le mode d’exécution de ce blindage
rappelle au combien le choix optimal d’un module n’est pas toujours une opération aisée et que le
succès d’un atelier de palplanches repose avant tout sur les techniques de mise en œuvre retenues.

7. REFERENCES
Delatre L. et al. (1996). Comparaison des méthodes de dimensionnement des écrans de
soutènement. Bull de liaison des LPC, n° 205.
Vezole P. (2000). Quelques réflexions sur les règles de calcul béton armé ELS et justifications de
résistance. Annales du bâtiment et des travaux publics n° 3, juin 2000.

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