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RÉSUMÉ : Depuis une huitaine d’années, un groupe de travail de l’Association Française de Génie
Civil publie régulièrement des états de l’art sur l’emploi de la méthode des éléments finis en génie
civil et organise des forums et des formations continues à l’adresse des utilisateurs de logiciels. Ces
différentes actions traduisent une volonté commune de promouvoir les aspects de l’assurance-
qualité dans les études par éléments finis. Une étape importante a été franchie en 2001 avec la
publication de recommandations pour la rédaction d’un Manuel d’Assurance-Qualité (M.A.Q.) à
l’adresse des ingénieurs de bureaux d’études et des contrôleurs (vérificateurs) qui ont à réaliser des
calculs par éléments finis. Ce document fait référence à des procédures et à des exemples qui
précisent les applications.
1. INTRODUCTION
Le Manuel d’Assurance Qualité se conçoit comme l’entrée en relation avec le client pour tout ce
qui touche aux dispositions envisagées pour obtenir la qualité requise. Il s’agit donc, pour le
professionnel des arts mécaniques (c’est-à-dire le professionnel dirigeant une entreprise nécessitant
une intervention mécanique (c’est le cas de l’entrepreneur)) qui propose un savoir-réaliser, de
préciser avec soin la nature des qualifications offertes, ainsi que les référentiels techniques utilisés :
normes, règles de l’art, documents techniques unifiés (D.T.U.), référentiels de tests, etc. Dans le
domaine du génie civil, le savoir-réaliser est connexe du savoir-concevoir. La demande de
qualifications et/ou de certifications s’étend donc aussi au professionnel des « arts libéraux »
(exerçant une activité exigeant une construction intellectuelle) qui se livre à une réflexion en regard
des référentiels scientifiques et techniques. Nous pensons que cette démarche, pour un dirigeant ou
un responsable d’un calcul d’ouvrage de génie civil qui s’engage sur la voie de l’assurance-qualité,
est l’occasion de constituer la référence des documents où seront consignées les procédures et les
instructions pour l’exécution des tâches, d’assurer, en terme d’exigence vis-à-vis de la Norme ISO
9002, la base de la traçabilité. C’est l’occasion également d’obtenir l’adhésion des personnels
impliqués et de définir avec précision la politique qualité et les objectifs visés. Le dirigeant doit
profiter de l’élaboration du M.A.Q. pour mobiliser toutes les énergies et les ressources. La réflexion
accompagnant cette rédaction doit permettre la structuration des étapes du calcul, la définition des
niveaux de prestation, la levée des ambiguïtés. Cette rédaction doit être le lieu pour préciser la
terminologie, la présentation du domaine, l’objet et les modalités d’application du manuel. Le
M.A.Q. est un document doublement personnalisé : lié à l’organisation des moyens à mettre en
œuvre, mais aussi à la spécificité du calcul à entreprendre. Il a pour but principal d’adapter les
rubriques classiques de la Norme aux particularités du calcul numérique appliqué aux ouvrages de
génie civil. Dans cet esprit, cette communication propose d’analyser les spécificités de l’assurance-
qualité en fonction de différentes composantes d’une modélisation. Un calcul d’ouvrage peut être
court (1 journée) ou très long (plusieurs semaines). On ne peut bien évident pas appliquer les
mêmes critères pour les deux types de calculs. Les procédures envisagées ne sont pas
nécessairement les mêmes. Malgré ce constat, nous pensons que l’existence d’un guide, plutôt
destiné aux calculs les plus généraux et les plus complexes, pourra servir de base de réflexion, non
seulement dans les cas les plus simples, mais a fortiori comme preuve de la performance dans les
cas où une traçabilité et une clarté dans la mise en œuvre des hypothèses, des méthodes et dans
l’exploitation des résultats peuvent devenir un point fort et jouer en faveur du projet, face à des
solutions plus diffuses.
3. DOMAINE D’APPLICATION
Le Manuel d’Assurance Qualité dont il est fait mention ici, s’adresse aux dirigeants et aux
prestataires du calcul, ainsi qu’aux donneurs d’ordre et aux superviseurs/vérificateurs, concernés
par le calcul numérique des ouvrages de génie civil. Tous ces intervenants ont une approche
différente de la technique de calcul (méthode de calcul par discrétisation) et de la qualité. Aussi, les
recommandations que nous formulons, dans le document cité en préambule, à l’encontre des
personnes qui rédigeront ce MAQ, font référence à une activité de calcul en précisant les choix
scientifiques et techniques qui sont à définir au cas par cas (choix des hypothèses, des méthodes,
des données, des logiciels ; choix des niveaux de sécurité). Ces recommandations explicitent, pour
mieux les intégrer dans le domaine particulier du génie civil, quelques notions et dispositions
générales de l’organisation de la qualité et de sa gestion, notamment en conformité avec les
exigences de la Norme. Il s’agit de définir, très synthétiquement, les principales démarches à suivre
en vue de faire les meilleurs choix scientifiques et techniques dans le cadre du projet envisagé. Il
faut souligner que ces choix portent : sur les moyens (matériels informatiques, logiciels, personnels,
modalités du calcul, contrôles) ; sur les méthodes et techniques numériques (formulation,
hypothèses, types d’analyse, échelles de modélisation, choix géométriques (éléments, maillages,
interfaces…), choix rhéologiques (lois de comportement, lois d’interface…)) ; sur les données et les
résultats : instrumentation et information.
chargement interaction
phasage
L’ignorance qui se connaît n’est plus l’ignorance. L’ignorance qui se mesure appartient déjà à la
connaissance. Les documents qualité sont souvent jugés trop qualitatifs (mais c’est leur rôle). La
conceptualisation du management de la qualité reste trop générale pour répondre avec précision à
une demande sur l’accréditation (l’acceptation, la recevabilité) d’un résultat scientifique. Les
procédures sont mal adaptées quand il s’agit de disciplines incluant des calculs exigeant une grande
précision et des expertises croisées. Egalement, les documents existants n’envisagent pas le projet
dans sa spécificité : les ouvrages de génie civil sont des cas uniques. L’ingénieur confronté à des
calculs hautement spécialisés attend donc autre chose que des discours d’intention.
4.2. Le benchmarking
Il convient de dissocier les cas-tests, destinés à la formation (initiale, continue), des benchmarks,
destinés à la recherche (activité d’experts pour juger de la qualité des modèles et de la mise au point
de méthodologies). Mais objectivement, le benchmarking peut également servir à faire jouer la
concurrence. La comparaison porte alors sur les pratiques, les procédures, les produits. Le
benchmarking appliqué aux éléments finis est principalement utilisé pour comparer des solutions et
viser l’excellence au plan scientifique. En ce sens, le benchmark sert à organiser la comparaison et
à susciter des améliorations. La preuve est alors soit un résultat théorique réputé connu, un résultat
de mesures (essais de laboratoire, essais en vraie grandeur ou centrifugés), un résultat (moyenne)
obtenu à partir de divers calculs. En génie civil, le benchmarking le plus intéressant est celui qui
porte sur des ouvrages réels et qui passe par un concours de prévisions en aveugle. L’intérêt du
concours est de permettre la comparaison des résultats numériques avec des mesures au travers
d’une confrontation entre logiciels. L’enjeu est important et concerne aussi bien les concepteurs, les
diffuseurs de logiciels que les utilisateurs, les assureurs ou les contrôleurs. Les benchmarks doivent
déboucher sur une qualification d’outils logiciels ou méthodologiques, qui dépendra de la
pertinence des configurations étudiées, de leur exhaustivité et de leur caractère académique ou
industriel. Les benchmarks peuvent permettre également, d’une part, de valider les avancées des
modèles, d’autre part, de contribuer à la justification d’hypothèses, de types d’analyse, etc. Ils
peuvent fournir ainsi des indications sur les erreurs commises et acceptables dans un cadre
professionnel donné. Ils sont généralement organisés sous l’égide d’organismes techniques
indépendants et peuvent durer deux ans. Une étude bibliographique, réalisée par Mestat et Riou
(Mestat 1999), a mis en évidence vingt-un benchmarks en aveugle, dans le domaine de la
géotechnique. Le tableau 1 regroupe les différents types d’ouvrages traités faisant référence à des
problèmes statiques ou dynamiques, mécaniques ou thermo-hydro-mécaniques. Les
expérimentations ont fréquemment été menées jusqu’à la rupture des ouvrages. Lorsque les
paramètres de modélisation sont imposés, les écarts entre les résultats fournis restent faibles, (2%
sur les tassements, 10% sur les efforts). Au contraire, lorsque les paramètres ne sont plus fixés
(éléments finis, lois de comportement, etc.), les écarts peuvent dépasser les 100%.
Les calculs doivent servir les ouvrages et offrir les meilleures garanties de succès au plan
concurrentiel. Diverses exigences quant aux résultats peuvent être formulées : les résultats sont
justifiés en regard de la destination de l’ouvrage et de sa tenue en termes de sécurité, de service et
de durabilité. Divers niveaux de justification peuvent être considérés : par exemple, justifications
locale et globale. Il s’agit toutefois de justifier des résultats portant sur les éléments jugés
importants de l’ouvrage. Ces niveaux peuvent faire référence à des critères de classes d’ouvrages.
6. ENJEUX ET PERSPECTIVES
Les calculs de projet d’ouvrage doivent être exécutés, sauf spécification contraire, par référence
aux documents techniques et textes normatifs et réglementaires les plus actuels et les plus
représentatifs. En particulier, les textes ISO (ISO 2394, 2631, 3898, 6707-1, 8930, 9001, 10137,
8402, etc.) et les normes Eurocodes. Ces Eurocodes considèrent que les techniques de l’assurance-
qualité peuvent être avantageusement mises en œuvre. C’est un point extrêmement important sur
lequel il est indispensable de s’arrêter un instant. En effet, la réglementation technique européenne
est en cours d’achèvement. Ces normes vont devenir d’ici trois à cinq ans obligatoires et constituent
un enjeu économique considérable. Au plan national, les euronormes seront doublées par des
Annexes Nationales permettant d’ajuster certaines valeurs ou procédures pour tenir compte de
spécificités locales. La qualité des résultats d’un calcul approché par discrétisation devient alors la
clé de voûte des enjeux logiciels à moyenne échéance, car les incertitudes liées à la modélisation
sont plus ou moins bien intégrées dans l’expression des coefficients de sécurité. Etant donné que la
grande majorité des études passe par le calcul, ces incertitudes dépendent nécessairement de la
robustesse et de la représentativité des modèles utilisés. Le projet envisagé déborde donc
naturellement son propre cadre et touche directement des problèmes éminemment stratégiques. Si
les résultats obtenus du fait d’un logiciel qualifié peuvent être garantis par une procédure
d’assurance-qualité, cette procédure ne peut que jouer en faveur de l’entreprise ou du bureau qui la
met en œuvre dans un contexte concurrentiel fort.
7. BIBLIOGRAPHIE
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Piguet J.P. (1995). Ingénierie en Mécanique des Roches : de nouveaux progrès en informatique
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Mestat Ph., Riou Y. (1999). À propos des benchmarks en géotechnique. Revue Française de Génie
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RILEM, Paris.
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