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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
Une liste des notations figure en tête d'ouvrage.
Nous allons nous limiter à un chenal (rivière à lit unique ou canal) dont le tracé peut être
raisonnablement considéré comme rectiligne. La géométrie du chenal peut alors être
parfaitement définie par une succession de sections perpendiculaires à son axe. Il existe une
direction privilégiée de l’écoulement appelée axe de l’écoulement. Par voie de conséquence,
la surface libre est supposée horizontale d’une rive à l’autre (absence de dévers). Les
composantes verticales de l'écoulement ainsi que les composantes de rive à rive sont donc
négligées. Tous les paramètres géométriques peuvent être considérés comme des fonctions
de l’abscisse mesurée sur l’axe d’écoulement. Les vitesses sont supposées homogènes
dans une section. Ce type d’approche est celle de la modélisation filaire (ou à une
dimension). Le jargon classique emploie l’appellation « modèle 1D ». A la fin du chapitre 1
du texte principal sont données quelques indications sur les logiciels 1D et 2D.
La rivière est enfin supposée transporter de l'eau claire et avoir ses parois et son fond fixes.
Ces paramètres sont relatifs à une section du chenal dans un plan perpendiculaire à son
axe, dont la position est définie par une abscisse (x). Les paramètres essentiels sont le tirant
d’eau (y), la section mouillée (S), la largeur au miroir (L) ou largeur de la section mouillée, le
périmètre mouillé (P). Ils sont définis sur le schéma de la figure 1.1. Bien noter que le
périmètre mouillé est la longueur de paroi en contact avec l'eau (berges et fond), mais ne
comporte pas le contact eau-atmosphère.
L : largeur au miroir
y tirant
d'eau
P
périmètre mouillé
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1.2 - DÉFINITIONS ESSENTIELLES : LES PARAMÈTRES HYDRAULIQUES
matières en suspension.
2
en suspension. g désigne l'accélération de la pesanteur et vaut 9,81 m/s .
1.2.3 - Débit
Le débit (Q) est le volume d’eau qui traverse une section perpendiculaire à l’axe du chenal
par unité de temps.
Une ligne de courant est une courbe tangente en chacun de ses points P au vecteur vitesse
en ce point. Son équation est donc vΛdP = 0 (produit vectoriel).
En écoulement non permanent, la vitesse v au point P évolue dans le temps ; les lignes de
courant se déforment donc avec le temps. En écoulement permanent, les lignes de courant
ne se déforment pas et constituent des trajectoires de particules d’eau. Le profil de la surface
libre est une ligne de courant particulière.
Un tube de courant est le volume délimité par les lignes de courant qui s’appuient sur un
contour fermé.
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1.2.8 - Pression hydrostatique en un point
p
Dans un liquide au repos, z + est constant. p désigne la pression appliquée à une
γw
facette passant par le point considéré et ne dépend pas de l’orientation de cette facette. Elle
2
s'exprime en Pascal (symbole Pa ou N/m ). Dans ce qui suit, p désignera la pression relative
(autrement dit, en surface d’un liquide p = 0). A une profondeur h sous la surface libre,
p = γ w .h
L'appellation charge hydraulique désigne une énergie par unité de poids de liquide. Par
p v2
définition, la charge en un point P d’une ligne de courant est la valeur H P = z P + +
γw 2g
où z P est la cote du point, p la pression en ce point, v la vitesse au point P. Si ∆z désigne la
différence d'altitude entre le point P et la surface libre, la pression (relative) en P est
p = γ w .∆z (figure 1.2). Si y P désigne la distance du point P à la surface et si α désigne
l'angle du fond avec l'horizontale, y P = ∆z / cos α
Donc p = γ w . y P / cos α . Dans les problèmes courants de rivières ou de canaux, la pente est
très faible (quelques %o à quelques %) et cos α ≈ 1. Par exemple, jusqu'à un angle de 8°,
c'est à dire une pente de 14%, l'erreur n'est que de 1%.
D’où : p = γ w . y P , comme pour un problème hydrostatique. Donc, en hydraulique à surface
libre et pour une pente faible, la charge en un point vaut aussi : H P = z P + y P + v 2 2 g .
∆z yP
.
P
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β = ∫∫
3
v ds
répartition des vitesses dans la section est uniforme. Sa formulation est : . En
V 3 .S
rivière, β est généralement compris entre 1 et 1,2. Par la suite, c’est cette charge moyenne
que nous utiliserons.
ligne piézométrique =
p / γw surface libre
P
zP ligne de
courant
fond
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1.2.12 - Ligne de charge moyenne
2
ligne de charge
v / 2.g
surface libre
HP y
fond
zf
La charge spécifique est la charge moyenne mesurée par rapport au fond du chenal :
p V2
Hs = H − z f = +β . La pression hydrostatique vaut p = γ w . y. cos α . Si la pente
γw 2.g
est faible, p = γ w . y . D’où : H s = y + β .V 2 /( 2.g ) (figure 1.5).
2 ligne de charge
V / 2.g
surface libre
Hs
y
fond
2
ou ligne d'énergie.
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1.2.14 - Poussée sur une paroi du canal
L’eau exerce une poussée égale à celle qui existerait si l’eau était au repos. Sur un élément
de section ds, la poussée est dP = p .ds avec p = γ w . y .
L’eau étant en mouvement, exerce aussi sur les parois du chenal une force de frottement
habituellement notée : dF = τ 0 .ds cf. figure 1.6.
d P= p .ds
d F= τ0 .ds
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1.3 - LES DIFFÉRENTS RÉGIMES D’ÉCOULEMENT
Le chenal transporte un débit Q constant dans le temps. Le tirant d'eau y en un point donné
est donc aussi constant. En pratique, on peut calculer en régime permanent des canaux
d'irrigation, des écoulements en rivière à l'étiage ou en régime moyen. Mais le calcul d'un
écoulement en crue ne peut pas être abordé par le régime permanent.
Permanent : Q indépendant de t ⇒ y indépendant de t
Permanent uniforme :
S , i( > 0 ) et rugosité indépendantes de x ; Q indépendant de t ;
y indépendant de x et t (appelé tirant d'eau normal).
L'écoulement est varié lorsque la géométrie ou la rugosité ne sont pas constantes. Mais il
l'est aussi dans un tronçon dont la géométrie et la rugosité sont constantes si le tirant d'eau
n'est pas constant. Nous distinguerons les écoulements graduellement ou rapidement
variés. Voir paragraphes 1.5 et 1.6.
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1.4 - CALCUL DES ÉCOULEMENTS PERMANENTS UNIFORMES
L’équation de continuité exprime que la masse de liquide sortant d’une section 2 est égale à
la masse de liquide entrant dans une section amont 1 pendant le même intervalle de temps
∆t (1). D’autre part, le liquide est supposé homogène et incompressible ( γ w = constante). Il y
a donc aussi continuité du volume.
Donc le volume entrant Q1 .∆t est égal au volume sortant Q2 .∆t ⇒ Q1 = Q2 .
Comme en outre y est constant par définition, S est aussi constant. La vitesse moyenne
V = Q / S est aussi constante.
dz f
Soit i la pente du fond ( i = − ). La pente de la surface libre est aussi égale à i car le
dx
tirant d’eau est constant dans l’espace.
La charge moyenne en une section est par définition H = y + z + V 2 / 2 g (cf. § 1.2.10).
Entre une section 1 et une section 2, la charge varie d’une quantité H1 – H2 appelée perte
de charge (figure 1.7).
Le théorème de Bernoulli exprime que dans un écoulement permanent d'un fluide parfait
(viscosité nulle), la charge est constante. Mais nous nous intéressons à des liquides réels
(visqueux). Le théorème de Bernoulli généralisé exprime simplement que la variation de la
charge ∆H est égale à la perte de charge j .∆x .
La perte de charge linéaire (j) est donc identique à la pente de la ligne de charge
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dH d V2 dz f
j=− . D'où : j = − y + z f + = − car y comme V sont constants. Il en
dx dx 2g dx
résulte : i i = j . Au passage, constatons qu'un écoulement uniforme n'existe que si la pente
est positive, ce que le bon sens indique.
Dans un écoulement uniforme la ligne de charge, la surface libre et le fond sont parallèles..
surface libre
H1
H2
fond
Pour calculer complètement un régime uniforme, il reste à calculer le tirant d’eau y obtenu
lorsque le débit vaut Q. Il ne nous manque plus qu’une relation. Celle-ci consiste à écrire
que dans l’écoulement uniforme, les forces appliquées à la masse fluide comprise entre
deux sections espacées d’une distance l sont en équilibre.
S
γw S.l.i
τ 0 .P.l
l α
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Le poids de la tranche d’eau considérée sur la figure 1.8 est γ w .S .l . Sa projection sur le
fond est γ w .S .l . sin α = γ w .S .l .i .
Pour le même volume d’eau, la force de frottement est τ 0 .P .l (en effet, la surface de contact
avec le liquide est P .l où P est le périmètre mouillé). D’où : γ w .S .l.i = τ 0 .P.l
Soit : τ 0 = γ w .i .S / P , soit : τ 0 = γ w .R .i .
Avec Q = S / V
V vitesse moyenne ;
K coefficient de rugosité (ou de Strickler) du lit ;
S section mouillée ;
R rayon hydraulique R = S / P ;
P périmètre mouillé ;
i pente (constante par hypothèse) du tronçon de cours d'eau (pente du fond).
Dans cette relation, R et S sont des fonctions du tirant d'eau y. La résolution de l'équation
donne y en fonction de Q. Le tirant d'eau obtenu est par définition le tirant d'eau normal
baptisé yn . La pente de la ligne d’eau est égale à celle du chenal et à la perte de charge par
unité de longueur.
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Cas particulier : dans une rivière très large, et de forme rectangulaire, le rayon hydraulique
devient sensiblement égal au tirant d’eau.
On en déduit : Q = K .L. y 5 / 3i 1 / 2 . Il existe donc dans ce cas particulier une relation explicite
donnant le tirant d’eau en fonction du débit : y = Q 3 / 5 K −3 / 5 L−3 / 5 i −3 / 10 .
Béton lisse 75
Canal en terre, non enherbé 60
Canal en terre, enherbé 50
Rivière de plaine, sans végétation arbustive 35-40
Rivière de plaine, large, végétation peu dense 30
Rivière à berges étroites très végétalisées 10-15
Lit majeur en prairie 20-30
Lit majeur en vigne ou taillis 10-15
Lit majeur urbanisé 10-15
Lit majeur en forêt <10
Dans le cas d’un chenal dont le fond et les berges sont en graviers, des formules
empiriques ont pu être établies :
formule de Strickler : K = 21 / d 50
1/ 6
Dans ces formules, K est exprimé en m1 / 3 / s et d n désigne le diamètre (en mètres) des
grains du lit tel que n% en poids aient un diamètre inférieur. Nous y reviendrons en détail
au § 2.6. d 90 représente donc les grains les plus gros ou presque. d 50 est le diamètre
médian, (couramment appelé aussi diamètre moyen par confusion).
) Attention : le coefficient de rugosité du lit d’une rivière varie en fait en fonction du tirant
d’eau, c’est à dire en fonction du débit pour trois raisons :
• la rugosité du fond et celle des berges ne sont généralement pas identiques (matériaux
plus fins, présence de végétation ou de protection ;
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• en cas de débordement, le lit majeur a une rugosité a priori différente de celle du lit
mineur ;
• enfin, la rugosité du fond varie selon que le fond est plat ou bien constitué de dunes,
comme nous le verrons au chapitre 2.
Par exemple, sur la Loire moyenne, le diamètre moyen des matériaux du fond est souvent
assez proche de 1 mm. La formule ci-dessus conduirait pour le fond à K = 66 environ, alors
que le coefficient de rugosité du lit mineur vaut 30 à 35.
Si l’on s’intéresse au seul lit mineur, il est donc utile de distinguer le coefficient relatif au
fond ( K f ), celui des berges ( K b ) et le coefficient global (K).
Rugosité composée
Il est assez courant que la rugosité du fond K f et celle des berges K b soient différentes.
Einstein (1934) a proposé de calculer la rugosité équivalente K de la manière suivante :
P Pf P
3/ 2
= 3/ 2
+ 3b / 2 (cité dans [25] et [51]). Dans le calcul des périmètres mouillés Pf et
K Kf Kb
Pb relatifs aux berges ou au fond, seuls les contacts terre-eau sont à considérer.
Pb1 Pb2
K
b
Kb
Pf
Kf
La section est découpée en sous sections et le débit total est ainsi obtenu :
∑
Q = K j .S j .R 2j / 3 i j (voir figure 1.10).
j
Dans le calcul des périmètres mouillés Pj , seuls les contacts terre-eau sont à considérer.
Dans le cas d’un chenal avec risbermes, les pentes i j sont toutes pratiquement égales.
Mais dans le cas du lit majeur d’un cours d’eau, i1 = i3 représente la pente du lit majeur et
i2 ( < i1 ) celle du lit mineur.
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En pratique, on ne mesure pas séparément les coefficients des lits mineur et majeur. Par
calage d’une ligne d’eau, on peut faire une estimation du coefficient K 2 du lit mineur, et si
l’on peut observer une crue débordante, on peut faire une estimation du coefficient global.
Ramette [51] et Nicollet [37], à la suite de mesures en laboratoire à Chatou, proposent
pour le coefficient global :
K = 0 ,9.K m5 / 6 K M1 / 6
où K m représente le coefficient de rugosité du lit mineur au moment du début de
débordement, et K M le coefficient du lit majeur. Cela traduit le fait qu’au moment du
débordement, l’écoulement dans le lit mineur est perturbé par les tourbillons qui se
développent au contact des deux lits.
1 3
2
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Exercice sur le régime uniforme .
Soit un canal d’irrigation à section rectangulaire uniforme de pente (i) devant transiter
un débit permanent Q. Quels sont le tirant d’eau (y) et la largeur (L) pour que la section
mouillée soit minimale ?
3/ 8
Q
Réponse : y = L/2 et L = 27 / 8 .
K i
Résolution. La formule du régime uniforme, Q = K.S.R2/3.i1/2,montre que puisque Q, K et i sont fixés, si S est minimal,
alors R est maximal. Puisque le périmètre mouillé P = S/R , P est aussi minimal. Donc dP = 0.
Or P = L+2.y, d'où dL+2.dy=0⇒
dS=L.dy+y.dL = 0 ⇒ L.dy – 2.y.dy = 0, soit y=L/2.
La formule Q = K.S.R2/3.i1/2 en remplaçant S par L2/2 et R par L/4, se transforme en :
2/3
L2 L L8 / 3
Q=K i1 / 2 = K i 1 / 2 . D'où L.
2 4 27 / 3
Nota : une revanche devra être adoptée, par sécurité.
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1.5 - ÉCOULEMENTS PERMANENTS GRADUELLEMENT VARIÉS
En pratique dans un chenal uniforme, c’est à dire de section, pente et rugosité uniformes, le
tirant d’eau n’est constant qu’à une grande distance des extrémités. Près des extrémités,
l’écoulement est varié, c’est-à-dire que le tirant d’eau varie. Plus généralement, l’écoulement
est également non uniforme lorsque le chenal est non uniforme (sa géométrie et/ou sa
rugosité sont variables).
Ce chapitre se limite au cas des faibles variations. Un écoulement graduellement varié est
obtenu lorsque :
• les dimensions, les formes, la rugosité, la pente du chenal varient faiblement sans
brusquerie ;
La figure 1.12 illustre un exemple où l'écoulement est varié dans deux tronçons successifs.
V2 Q2
H = y + zf + = y + zf + (cf. § 1.2.10).
2.g 2.g .S 2
zf = cote du fond ;
V = vitesse moyenne dans la section, ces trois valeurs y, zf ,V étant des fonctions de x.
dH
Intéressons-nous à la perte de charge qui est j = − (cf. § 1.4.3).
dx
dH dy dz f Q 2 dS
D'où : j = − =− − + (car Q est constant tout au long du chenal ;
dx dx dx g .S 3 dx
voir paragraphe 1.4.2)
dz f ∂S ∂S
D’autre part = −i et dS = dx + dy = L .dy (L = largeur au miroir) 3.
dx ∂x ∂y
dy Q 2 L.dy dy i− j
D’où : j = − +i + 3 . Soit = .
dx gS dx dx Q2L
1−
g .S 3
Pour le second membre, Q et i sont des constantes connues et L et S sont des fonctions
3 ∂S
Nous supposons ici que S n’est fonction que de y, c’est-à-dire que est nul ou tout au moins négligeable.
∂x
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connues de y. Reste le terme j. On considère que la perte de charge a la même valeur qu’en
Q2
régime uniforme pour le même tirant d’eau et le même débit. Donc j=
K 2 .S 2 .R 4 / 3
d’après la formule de Manning Strickler vue au § 1.4.4. C’est donc aussi une fonction connue
de y.
Nous avons bien une équation différentielle de la ligne d’eau. Puisqu’elle est du premier
ordre, le problème est complètement résolu avec une seule condition à la limite.
Remarques :
dy
lorsque i = j on retrouve = 0 (y = constante), c’est-à-dire le régime uniforme ;
dx
Q2
nous n’avons pas le droit d’écrire l’équation différentielle ci-dessus lorsque L=1
g .S 3
(division par zéro). Nous allons y revenir.
Par définition, le tirant d'eau normal ( yn ) est la solution de l'équation différentielle en y :
dH s dH s
= 0 . Or H s = H − z ⇒ = i − j . yn est donc la solution de l'équation en y :
dx dx
Q = K .S .R 2 / 3i 1 / 2 . Nous constatons qu'en régime uniforme (i = j), le tirant d'eau réel est
forcément le tirant d'eau normal. En régime non uniforme, si la pente est négative, il ne peut
exister de tirant d'eau normal. Enfin, si la pente est positive, le tirant d'eau réel n'a aucune
raison d'être égal au tirant d'eau normal.
Q2 ∂S ∂S
D’où en dérivant : dH s = dy − dy + dx .
g .S 3 ∂y ∂x
Par définition du régime graduellement varié, S varie peu avec x et le dernier terme est nul.
∂S
En admettant en outre que les pentes des parois sont fortes, = L.
∂y
dH s Q2
D’où : = 1− L.
dy g .S 3
L’énergie spécifique est donc minimale lorsque le tirant d’eau vérifie Q 2 L g .S 3 = 1 . Par
définition, cette valeur est appelée tirant d’eau critique ( yc ) . Remarquons que c’est
justement le cas où l’on ne peut pas écrire l’équation différentielle de l’écoulement
graduellement varié. Nous dirons tout simplement qu'au voisinage du tirant d’eau critique,
l’écoulement n'est pas graduellement varié du fait de la courbure des filets liquides.
Sc
Le lecteur vérifiera facilement que l’énergie spécifique minimale est : H sc = yc + .
2.L
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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
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Dans le cas d’un chenal rectangulaire, le tirant d’eau critique peut s’expliciter ainsi :
Q2 V2 3
yc = 3 = , et l’énergie spécifique minimale vaut : H sc = yc .
g .L2 g 2
Q2L V
Posons F= , appelé nombre de Froude. Il s'écrit aussi F= , où
g .S 3 g .ym
y m = S / L est le tirant d'eau moyen dans la section.
Le nombre de Froude est un nombre sans dimension dont le carré représente le rapport de
l’énergie cinétique du liquide en mouvement à l’énergie potentielle de la pesanteur. Il a un
rôle tout à fait fondamental pour caractériser les écoulements.
Hs
torrentiel fluvial
ligne de
H sc charge
surface
y1 libre
yc
yc y1 y
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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
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Lorsque yn < yc l’écoulement est uniforme torrentiel, et lorsque yn > yc l’écoulement est
uniforme fluvial.
La figure 1.11 ci-dessus a l’intérêt de montrer que pour une même énergie spécifique, deux
tirants d’eau sont possibles l’un fluvial, l’autre torrentiel. Bien entendu, la connaissance de la
condition à la limite aiguillera vers l’un ou vers l’autre, selon sa position par rapport à yc.
Attention, la condition doit être donnée à l’amont si l’écoulement est torrentiel et à l’aval s’il
est fluvial.
Fluvial
yn y
c
yn Torrentiel
La ligne d’eau amont est fluviale et le tirant d’eau tend vers l’amont vers le tirant d’eau
normal yn. La forme de la ligne d’eau est imposée par un contrôle aval, ici y = yc .
De même, dans la partie torrentielle, le tirant d’eau tend vers le tirant d’eau normal vers
l’aval. Le contrôle est amont (le même, y = yc ).
Dans ce cas les deux contrôles (amont du torrentiel, aval du fluvial) peuvent conduire à une
incompatibilité. L’équation différentielle de la ligne d’eau n’est pas applicable sur tout le
tronçon. Il s’agit d’un cas où l’équation de Bernoulli ne permet pas de conclure partout. Nous
verrons au chapitre suivant (paragraphe 1.6.1) comment procéder.
1 2
3
5
4 6
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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
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1.6 - ÉCOULEMENTS RAPIDEMENT VARIÉS
Nous appliquons alors le théorème de la quantité de mouvement (ou théorème d’Euler), car
il permet de nous passer de la connaissance des forces de frottement internes au fluide.
Entre deux sections S1 et S2 encadrant le ressaut, la quantité de mouvement sortant à
travers la surface du volume fluide est égale à la somme des forces appliquées (cf. figure
1.14). Il s’agit d’une égalité vectorielle, que nous allons utiliser en projection sur l’axe du
fond du chenal. Pour simplifier le calcul, le chenal est supposé rectangulaire à fond plat
horizontal.
S2
Fp 2
Fp 1 S1
Les forces en présence sont le poids, le frottement sur les parois et les forces de pression.
En rapprochant au maximum les deux sections considérées, nous pouvons négliger les
deux premières forces devant celles de pression.
En supposant le canal uniforme, les forces de pressions exercées par les parois sont
perpendiculaires à l’axe. Leur projection est nulle. Restent les forces de pression sur les
sections de sortie et d’entrée, Fp 1 et Fp 2 (figure 1.14).
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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
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Fp = ∫S γ w y .ds = γ w S .y G où G est le centre de gravité de la section S.
D’où : F p 1 − F p 2 = γ w (S 1 . yG 1 − S 2 . yG 2 ) .
y y2 2Q 2
3
En divisant par y1 , il vient : 2
+ 1 = 3
.
y1 2
y1 g .L . y1
2
y y
Ou bien, 2 + 2 − 2.F12 = 0 , en introduisant le nombre de Froude amont F1.
y1 y1
y1 1 + 8.F12
Cette équation de second degré se résout en : y2 = − + y1
2 2
y2 1 + 8.F22
On arriverait de même à : y1 = − + y2 . y1 et y2 sont appelés tirants d’eau
2 2
conjugués.
( y 2 − y1 )3
On vérifiera que la perte de charge dans le ressaut est ∆H = (toujours dans
4. y 1 ⋅ y 2
l’hypothèse d’un chenal uniforme rectangulaire à fond horizontal). Ces différentes formules
sont intégrées dans l'abaque de la figure 1.16, fortement inspiré de Lencastre [39].
D'après Lencastre [39], sont distingués cinq types de ressaut (figure 1.15).
• Le ressaut ondulé est obtenu pour des nombres de Froude inférieurs à 1,7. Seules
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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
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quelques légères rides sont observées en surface.
• Le ressaut faible est obtenu pour des nombres de Froude compris entre 1,7 et 2,5. Des
petits tourbillons ou rouleaux prennent naissance.
• Le ressaut oscillant apparaît pour des nombres de Froude compris entre 2,5 et 4,5. Des
turbulences fortes se produisent non seulement en surface, mais aussi au fond et cela de
manière irrégulière. Ces turbulences peuvent se propager loin à l'aval.
• Lorsque le nombre de Froude est compris entre 4,5 et 9, le ressaut est dit établi ou
stationnaire. Il est bien localisé et efficace en terme de dissipation de l'énergie.
• Enfin, au-delà d'un nombre de Froude de 9, ce qui ne se rencontre pas en rivière, le
ressaut est dit fort. De véritables paquets d'eau sont projetés par intermittence.
Lorsque le nombre de Froude croît, le ressaut devient moins ondulé et présente un rouleau
marqué. Il est donc plus facile à stabiliser.
La longueur du ressaut est par définition la distance entre sa face amont et la zone atteinte
lorsque toute l'énergie est pratiquement dissipée et ne provoque pas plus d'érosion que
l'écoulement fluvial. Il faut être conscient de l’imprécision de cette définition. L'abaque de la
figure 1.16 permet d'estimer la longueur du ressaut ( Lr ) en fonction du nombre de Froude
à l'extrémité du tronçon torrentiel et du tirant d'eau fluvial aval. Selon Sinniger et Hager [55],
on peut également appliquer la formule Lr / y 2 = 35 F1 /( 8 + F1 ) , valable au-delà de
F1 = 3 .
Lorsque l'on dimensionne un bassin de dissipation d'énergie d'un ressaut, il est important de
bien noter que l'écoulement aval est indépendant du ressaut, et qu'il n'y a aucune raison
pour que la ligne d'eau fluviale aval rejoigne le tirant d'eau conjugué calculé. Lorsque le
tirant d'eau aval est supérieur, le ressaut est dit submergé. La dissipation d'énergie
demande plus de place, et selon Lencastre [39], la longueur du ressaut submergé est :
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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
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Lr = 4 ,9. yaval + 1,2. y2 .
Le dimensionnement des bassins de dissipation d'énergie à l'aval des seuils est traité au
paragraphe 9.4.3.2.
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TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
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1
F1
H2 / H1
0,9 ∆ H/H1 6
Ressaut établi
4,5 < F1 < 9
0,8
y / H1 5
2
y2 / H 1
3
F1
0,4
Ressaut faible
0,3 2 1, 7 < F1 < 2,5
Ressaut ondulé
0,2
1 < F1 < 1, 7
1
0,1 Pas de ressaut
∆H
2 2
V1 / 2g V2 /2g
H1
H2
y2
y1
Lr
7
Fond horizontal
6
Pente 5%
5
Lr / y 2
4
2
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
1 F1 = V1 / g.y1
35
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
1.6.3 - Position du ressaut
fluvial
conjugué
torrentiel
longueur ressaut
Lr
Un seuil est dénoyé tant que l'écoulement aval n'influe pas sur l'écoulement au droit du
seuil. Lorsque le débit est suffisant pour que l'écoulement aval conditionne l'écoulement au
droit du seuil, le seuil est noyé ; le niveau d'eau obtenu à l'amont est alors supérieur à ce
qu'il serait si les conditions aval permettaient un fonctionnement dénoyé.
36
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
ligne de charge
H
H'
y y'
p
Lorsque l’on fait croître le débit, la limite dénoyé-noyé apparaît pour H’ = 2.H/3 c’est-à-dire
environ pour y’ = 2.y/3. Or, au niveau critique : H = y c + Vc2 /( 2.g ) = 3. y c / 2. La limite
noyé-dénoyé apparaît donc lorsque y’ atteint yc. Ceci n’est bien sûr possible qu’en
écoulement fluvial. On en déduit que lorsque l’écoulement du tronçon aval du seuil est
torrentiel, le seuil est dénoyé pour tout débit. (Ce résultat est intéressant pour la conception
des évacuateurs de crue des barrages).
Attention au vocabulaire : dans le langage courant, un seuil noyé désigne plutôt un seuil
ne provoquant pas de forte dénivelée de la ligne d'eau. Cela est gênant, car au début du
vrai ennoiement, il reste encore une dénivelée égale au tiers de la différence de charge.
Pour éviter toute confusion, il convient de réserver l'appellation de seuil noyé au cas où les
conditions aval influent sur la charge sur le seuil. Pour qualifier un seuil qui ne marque plus
vraiment l'écoulement, nous préférons dire qu'il est complètement noyé. Donc, lorsque le
débit croît, un seuil est successivement dénoyé puis noyé puis complètement noyé.
37
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
Seuils profilés
Lorsque l’on souhaite améliorer l'écoulement et éviter des dépressions entre la lame d'eau
et le béton, on donne aux seuils la forme de la surface libre d'une lame déversante. Le profil
classiquement utilisé est le profil Creager d'équation :
où x (positif vers l'aval) et z (positif vers le bas) sont les coordonnées d'un point du profil de
sommet x = z = 0, et H0 la charge pour laquelle le seuil est calculé. Elle est comptée au-
dessus du sommet du seuil. Pour une charge égale à H0, la pression appliquée par
l'écoulement au seuil est égale à la pression atmosphérique. La pression est supérieure à la
pression atmosphérique si la charge est supérieure et inversement.
Le raccordement entre le parement amont et la crête a une forme courbe constituée d’un arc
de cercle (figure 1.19). Le rayon de l’arc de cercle et la distance de l’extrémité d’arc à l’axe
de la crête sont : r = 0,40.Ho ; d = 0,28.H0. (Source US Bureau of Reclamation).
Le coefficient de débit d'un seuil Creager est d'environ µ0 = 0,50 lorsque la charge est
voisine de H0 , alors que pour un seuil plat il est de l'ordre de 0,32 seulement. Le bénéfice
est donc significatif. Lorsque la charge H est très faible, le coefficient de débit tend vers
0,385. Lorsqu'elle est très forte, il vaut environ 0,55. Selon V.T. Chow, cité dans [55], le
coefficient de débit varie ainsi en fonction de la charge :
H0
x
r
d
38
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
1.7 - ÉCOULEMENTS TRANSITOIRES
à t à t+dt
dS
à t + dt
surface
Q y (x,t)
Q+ Q.dx libre à t y (x,t)
x
fond
dx
- problème filaire : à chaque abscisse, le niveau de l'eau est horizontal d'une rive à
l'autre ;
(1) En hydraulique à surface libre, il est presque toujours parfaitement licite de considérer les liquides comme
incompressibles. En écoulement en charge, dans l’étude des coups de bélier, cette hypothèse n’est plus
justifiée. Elle ne l’est pas non plus dans l’étude de la cavitation (qui peut se produire dans des écoulements
très rapides à surface libre ou en charge).
39
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
∂Q ∂ S
m3/s/m), ou d’un débordement latéral (q<0), l’équation devient : + =q.
∂x ∂ t
Pour chaque couple (x,t), les inconnues sont Q et S. Il nous faut donc une deuxième
équation. C’est l’objet du paragraphe suivant.
Cas particulier du régime permanent :
∂S ∂Q
= 0 par définition, donc = 0 . On retrouve le résultat du paragraphe 1.4.2.
∂t ∂x
volume liquide D
Fp
γw Sidx
Fp + dFp
x
dFf
x+dx
α
40
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
∂F p ∂
D’où : dF p = dx = γ w (S .hG )dx . On suppose ici (comme déjà fait au § 1.6.1.) que
∂x ∂x
les forces de pression appliquées par les parois ont une résultante perpendiculaire à l’axe
du chenal. C’est en particulier vrai lorsque le chenal est de section uniforme.
Nous allons supposer, pour simplifier l’exposé, que la section est sensiblement rectangulaire
(S = L.y et hG = y / 2 ) et que la largeur L varie faiblement.
∂( L . y 2 / 2 ) ∂y ∂y
dFp = γ w dx = γ w .L.y dx = γ w .S dx .
∂x ∂x ∂x
∂y
Au total : ∑F e = dFg − dF p + dF f = γ w .S .( i − j −
∂x
)dx .
x+dx
- formulation en débit :
∂S ∂Q
+ =0
∂t ∂x
1 ∂Q
+
1 ∂ Q 2 /S ∂y
+
( ) − Q2
− i = − j = 2 2 4/3
g .S ∂t g .S ∂x ∂x K .S .R
42
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
∂S ∂( V .S )
+ =0
∂t ∂x
1 ∂V V ∂V ∂y −V 2
+ + − i = − j = 2 4/3
g ∂t g ∂x ∂x K .R
Ces équations sont les équations de Barré de Saint Venant (1871). Elles ont été
démontrées pour des sections rectangulaires, mais sont valables pour des sections de
forme quelconque.
Dans ces équations, il ne faut pas oublier que les inconnues Q, V, y sont des fonctions de x
et t. R et S sont des fonctions de x et y. i est fonction de x (modèle à fond fixe) et K est une
constante (ou éventuellement une fonction de x et même de y).
3
Dans le cas d’un apport latéral uniforme q (en m /s/m), ou d’un débordement latéral (q<0),
les équations ci-dessus restent valables en remplaçant 0 par q dans le second membre des
deux premières équations.
Q 2 dS dy
D'où : − + =i− j
g .S 3 dx dx
Supposons que la vallée ait des pentes latérales fortes. (Ce n’est pas le cas des champs
d’inondation où d’ailleurs les écoulements peuvent rarement être considérés comme
permanents). Alors dS = L.dy.
Q 2 .L dy
La deuxième équation s’écrit donc : 1 − =i− j
g .S 3 dx
i=j
Résultat déjà vu au paragraphe 1.4.3.
43
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
1.7.2 - Résolution des équations de Barré de Saint Venant (méthode des
caractéristiques)
La résolution analytique des équations de Barré de Saint Venant n'est pas possible, mais la
résolution numérique est maintenant tout à fait courante sur micro ordinateur. Le principe en
est soit la méthode aux différences finies, soit celle aux éléments finis. La méthode
classique des caractéristiques que seule nous exposons présente cependant un intérêt
pédagogique et conduit à des résultats intermédiaires intéressants.
Prenons par exemple la formulation en vitesse. En raisonnant non pas sur les variables de
base (V et y) mais sur leurs dérivées partielles, nous avons formellement quatre inconnues
∂V ∂V ∂y ∂y
qui sont : , , et .
∂x ∂t ∂x ∂t
Aux deux équations de Barré de Saint Venant s’ajoutent deux relations évidentes :
∂y ∂y
- dy = dx + dt
∂x ∂t
∂V ∂V
- dV = dx + dt
∂x ∂t
Quatre inconnues, quatre équations : le problème est théoriquement résolu.
Prenons un chenal rectangulaire (S=L.y).
∂S ∂( V .S )
L’équation de continuité + = 0 devient :
∂t ∂x
∂y ∂y ∂V
+V +y =0
∂t ∂x ∂x
∂y ∂c
En posant c 2 = g .y (d’où g = 2.c et de même en t), puis en éliminant y et faisant la
∂x ∂x
somme puis la différence des deux équations, on arrive très facilement au système
d’équations où les inconnues sont V et c :
∂ (V + 2c ) ∂( V + 2c )
+ (V + c ) = g(i − j)
∂t ∂x
∂ (V − 2c ) ∂ (V − 2c )
+ (V − c ) = g(i − j)
∂t ∂x
Nous pouvons passer des dérivées partielles aux dérivées totales puisque :
∂ (V + 2c ) ∂ (V + 2c )
d(V + 2c) = dt + dx
∂t ∂x
∂( V − 2c ) ∂( V − 2c )
d ( V − 2c ) = dt + dx
∂t ∂x
44
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
d (V + 2c ) dx
D’où = g(i − j) avec V + c =
dt dt
d (V − 2c ) dx
= g(i − j) avec V − c =
dt dt
Ce système de deux équations aux dérivées totales remplace le système des deux
équations aux dérivées partielles de Barré de Saint Venant 4.
dx
La relation = V ± c exprime que c = g . y est la célérité des intumescences (vitesse
dt
dx
pour un observateur qui suit l’écoulement) alors que est la vitesse par rapport au sol.
dt
Ces deux équations différentielles dans lesquelles V et c sont des fonctions de x et t,
définissent les familles de trajectoires des perturbations (ou familles des caractéristiques).
Il est facile de généraliser à une section non rectangulaire en passant par le tirant d'eau
moyen y m = S / L .
Les équations de Barré de Saint Venant permettent de résoudre tous les problèmes
d’hydraulique transitoire dès lors que la courbure des filets liquides n’est pas trop forte et
que la pression reste hydrostatique :
- phénomène analogue lors de l’arrêt ou de la mise en marche des turbines d’une centrale
hydroélectrique ;
4
Une présentation plus élégante conduit à une seule équation vectorielle dont les coefficients sont des matrices. Nous l'avons
volontairement écartée pour ne pas encore accroître l'abstraction de la démonstration.
45
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
- onde de crue provoquée par une rupture de barrage.
Nous allons examiner plus en détail le cas des crues en rivière à pente forte puis faible.
Dans le cas des chenaux à forte pente, et lorsque le lit majeur n'est pas très large, les
1 ∂V V ∂y ∂y
termes d’inertie ( + ) sont négligeables et la variation de profondeur sont
g ∂t g ∂x ∂x
négligeables devant celle du fond (i). L’équation dynamique se réduit alors à i = j (ce qui
revient à considérer que l’évolution du débit est suffisamment lente pour que l’écoulement
soit assimilé à une succession d’états où l’écoulement est uniforme). L’onde de crue est dite
cinématique. Elle ne s’atténue pas.
∂S ∂Q
Transformons l’équation de continuité : + =0.
∂t ∂x
En un point d’abscisse x0 donnée, et si le chenal est prismatique uniforme, Q et S ne
∂S ∂S ∂Q ∂Q ∂Q
dépendent que de y, peut être remplacé par = . L’équation de
∂t ∂Q x0 ∂t ∂t ∂S x0
∂Q ∂Q ∂Q ∂Q
continuité se transforme en : + = 0 . Il apparaît donc que cc = est
∂t ∂S x0 ∂x ∂S x0
une estimation de la célérité de la propagation de la crue en un point donné (figure 1.23).
à t0
à t0 + x / cc
Pour un chenal rectangulaire large dont la rugosité ne dépend pas du tirant d’eau, la célérité
de l’onde de crue est :
cc = = =
(
∂Q 1 ∂Q ∂ K .y 5 / 3 .i 1 / 2 5 ) 5
= K . y 2 / 3i 1 / 2 = V .
∂S L ∂y ∂y 3 3
(Avec la formule de Chézy au lieu de celle de Strickler, nous obtiendrions cc = 3V / 2 ).
46
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
si V + g . y = 5V / 3 soit si 2V / 3 = g .h c’est-à-dire si F = 1,5 (nombre de Froude).
En rivière, généralement F < 1,5. La crue se propage donc moins vite que les
intumescences.
Ce type de phénomène peut être résolu de manière approchée en négligeant les termes
d’inertie (c’est-à-dire de quantité de mouvement) dans l’équation dynamique. Ainsi, pour une
1 ∂V V ∂y
crue du Rhône en aval de Lyon, les deux termes et sont de l'ordre de
g ∂t g ∂x
−5
grandeur de 10 , alors que les termes de pente de la ligne de charge et du fond, i et j sont
−
de l'ordre de 10 3. Par contre, la pente de la ligne d'eau n'est plus négligeable par rapport à
celle du fond.
∂y
L'équation dynamique se résume alors à = i − j (appelée équation de l’onde diffusive).
∂x
Il est facile de démontrer comme au paragraphe précédent que si la section est
rectangulaire et large, si la pente du fond i est constante et si la rugosité ne dépend pas du
tirant d’eau, la crue se propage avec une célérité cd = 5.V / 3 .
L’onde de cette crue (appelée onde diffusive) s’amortit au fur et à mesure de sa propagation
vers l’aval (figure 1.24), contrairement à l’onde cinématique.
Avec les hypothèses ci-dessus, il peut être établi que le coefficient d’atténuation de l’onde
de crue vaut :
Q K 2 .L. y 10 / 3
σ= ≈ .
2 L. y 2.Q
Une crue s’atténue donc d’autant mieux que le lit est large et que le tirant d’eau est élevé.
j=i
j<i
j>i
à t 0 à t0 + x /c
d
∂y Q2
L'équation de l'onde diffusive est − i + 2 2 4 / 3 = 0 , en introduisant la formulation de
∂x K .S .R
Strickler.
∂y
Ou bien Q = K .S .R 2 / 3 i − . Nous écrivons Q pour ne pas alourdir les équations, mais il
∂x
faudrait écrire Q(x,t).
Q écoulement uniforme
(onde cinématique)
écoulement non
uniforme transitoire
(onde dynamique)
48
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
Exercice sur l’onde diffusive e
Soit une rivière à faible pente dont le lit rectangulaire est large mais de largeur variable.
Donner l’expression du coefficient d’amortissement de la crue ( σ ) et de la célérité de l’onde
( cd ) . On admettra que R = y et que le terme de frottement est régi par la formule de
Strickler.
Quelle conclusion pratique pour la propagation des crues lorsque la vallée s’élargit ?
Indication : ces deux paramètres apparaissent dans une équation de la forme
∂Q ∂Q ∂ 2Q
+ cd = σ 2 , qui est de type convection-diffusion.
∂t ∂x ∂x
Réponse :
K 2 L.y 10 / 3
σ=
2.Q
5.V σ ∂L
cd = +
3 L ∂x
∂L
Si la vallée s'élargit, est positif, donc la crue se propage plus vite. Ce n'est pas ce que le
∂x
sens commun indiquerait.
❖ lorsque la pente est forte, et lorsque le champ d’inondation est réduit, la crue se propage
sans s’amortir, et la relation (Q-y) reste univoque (onde cinématique) ;
❖ lorsque la pente est faible, la crue s’amortit et la relation (Q-y) n’est pas univoque (onde
diffusive).
épandage supprimé
Le bief est un tronçon de rivière compris entre deux affluents (ou défluents).
Le logiciel permet facilement de calculer les lignes d'eau pour plusieurs débits différents. Par
tâtonnements on obtient en particulier le débit de plein bord tronçon par tronçon (débit au-
delà duquel il y a débordement sur l'une au moins des berges).
Quelques valeurs repère sont données au paragraphe 1.4.4, mais il est absolument
indispensable de réaliser un calage en comparant le résultat du calcul à une ligne d'eau
observée. L'idéal, est de bénéficier d'une crue presque débordante et peu pointue, de
piqueter les niveaux atteints en plusieurs points et de jauger dans chaque bief le débit au
même moment, sauf si l'on dispose d'un limnigraphe. Le lever topographique des piquets
est ensuite effectué le plus tôt possible après la décrue. Lorsque, pour le débit de crue
jaugé, le tirant d'eau calculé diffère du tirant d'eau observé, on modifie le coefficient de
Strickler jusqu'à ce que les deux lignes d'eau soient assez proches l'une de l'autre.
Ce coefficient de Strickler est donc en fait utilisé comme un coefficient de calage intégrant la
rugosité des parois mais aussi les irrégularités géométriques. Les coefficients de perte de
charge aux singularités hydrauliques (ponts, seuils ...) constituent aussi des paramètres de
calage.
Lorsque la crue connue est ancienne, il faut en premier lieu travailler avec la géométrie de
l'époque si la géométrie du lit mineur a évolué (enfoncement, rescindement de méandres...)
ou si l'occupation du lit majeur a changé. En second lieu on introduit la géométrie actuelle
dans le modèle ainsi calé.
Le calage nécessite des tâtonnements menés avec bon sens. Si la ligne d'eau obtenue est
trop haute, il faut augmenter le coefficient de Strickler du tronçon aval sans modifier celui de
l'amont. Si le calage conduit à un coefficient aberrant, par exemple 55, il faudra porter un
regard critique sur les données et peut être en abandonner une. Ne pas chercher à atteindre
une précision illusoire au cm et ne pas changer de coefficient à chaque section de calcul.
Un modèle bien calé peut ensuite rendre de très grands bénéfices : calcul des débits
conduisant aux premiers débordements, simulation d'enlèvements de seuil, de coupure de
méandre …
¸ Sur un tronçon court, un calcul permanent peut suffire. Souvent, il est limité au lit mineur,
sauf bien sur si l'on veut calculer les plus hautes eaux dans le lit majeur.
¸ Mais lorsque l'on étudie l'aménagement d'un tronçon de grande longueur, l'influence sur
l'aval doit être calculée. En effet, l'aménagement modifie le rôle de laminage du lit majeur et
les crues se propagent alors différemment à l'aval. Par exemple, un calibrage de rivière ou
la surélévation d'une partie du lit majeur ont pour conséquence de diminuer l'effet de
stockage transitoire du lit majeur. Les débits de pointe sont alors plus forts à l'aval
(fig.1.27a). Au contraire, si l'aménagement consiste à favoriser les débordements dans une
zone où cela est peu gênant, on diminue les débits de pointe à l'aval (fig.1.27b). Ce type de
solution est malheureusement trop souvent ignoré ! Dans ces deux cas, un calcul transitoire
s'impose.
Q Q
(2) (1)
(1) (2)
t t
a) b)
Figure 1. 27 - (a) effet d'un calibrage amont (b) effet d'un débordement amont
Pour savoir si un calcul transitoire apporte quelque chose, une bonne manière consiste à
adopter le raisonnement que l'on emploie pour savoir si une retenue lamine la crue. Il s'agit
51
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE
de comparer le volume de la crue entrante au volume stocké dans le tronçon. Si le premier
est nettement supérieur, l'effet transitoire est négligeable et un calcul permanent suffit.
On retiendra que pour l'étude de l'influence d'un aménagement sur les débordements, un
calcul transitoire doit être entrepris en règle générale, avec prise en compte du lit majeur.
Parmi ces modèles, on distingue les modèles à bief unique, les modèles ramifiés qui
permettent de considérer des affluents et enfin les modèles maillés qui autorisent la prise en
compte de bras multiples. Dans un modèle 1D, le lit mineur et le lit majeur actif coulent en
même temps mais il est possible de différencier les coefficients de rugosité des deux lits.
Pour les calculs transitoires, il est possible de considérer qu'une partie du lit majeur (non
active) joue le rôle de champ d'expansion et communique avec le lit actif par des lois de
type seuil (noyé ou dénoyé). Ces modèles simulent alors bien les propagations de crue sur
de longues distances et l'impact en grand d'aménagements importants. Les impacts locaux
ne peuvent pas être étudiés.
Les modèles bidimensionnels horizontaux (ou 2DH) sont libérés de cette hypothèse
d'écoulement axial. Ils permettent de simuler en plan les écoulements et de tenir compte
finement des obstacles dans le lit majeur (sans avoir à faire une distinction entre un lit
majeur actif et un lit majeur stockant).
Les modèles à casier sont intermédiaires. Ils permettent de prendre en compte des zones
du lit majeur, appelées casiers, dont les contours s'appuient sur la topographie (coteaux,
digues). Ces modèles supposent que la cote de l'eau est uniforme dans tout le casier et sont
architecturés comme des modèles 1D. Les casiers communiquent avec le lit mineur et entre
eux par des lois de type seuil ou orifice ou écoulement poreux dans une digue ou perte de
charge par frottement sur le fond. Ces modèles moins coûteux en temps de calcul que les
modèles 2D autorisent la prise en compte du rôle d'écrêtement du lit majeur mais ne doivent
pas être utilisés sur de longues distances. Ils sont avantageux par rapport aux modèles
filaires pour étudier des impacts locaux dans le lit majeur, en particulier ceux des obstacles
transversaux à la vallée (digues longeant le lit mineur).
Modèle ≠ modélisation .
D'une manière générale, préférer toujours un modèle simple à un modèle sophistiqué pour
lequel des données doivent être inventées. Le meilleur modèle ne compensera jamais la
médiocrité des données ni celle de l'utilisateur. C'est toute la différence entre un modèle,
toujours d'emploi assez facile et la modélisation qui s’apparente plutôt à un art délicat.
52
TRAITÉ D'HYDRAULIQUE À SURFACE LIBRE
Gérard DEGOUTTE