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Le complexe pyruvate
déshydrogénase :
de l’organisation moléculaire
à la pathologie
Le déficit en pyruvate déshydrogénase (PDH), décrit pour la
Françoise Fouque première fois en 1970, est une maladie héréditaire du méta-
Cécile Marsac bolisme intermédiaire affectant principalement le système
Chantal Benelli nerveux. Plus d’une centaine d’observations en ont déjà été
rapportées, mettant en évidence l’extrême hétérogénéité cli-
nique et moléculaire de ce déficit. Cette hétérogénéité est liée
à deux caractéristiques de la PDH : (1) sa structure caractéri-
sée par l’assemblage de six sous-unités dont l’une est codée
par un gène situé sur le chromosome X ; (2) son rôle dans le
métabolisme du glucose et sa régulation, en particulier au
niveau cérébral. La découverte d’un grand nombre de muta-
tions différentes a conduit à mieux comprendre les méca-
nismes moléculaires complexes responsables de la diversité
des tableaux cliniques observés dans les déficits en PDH.
A B P3 P2 P1
LS TPP αIβ
I II III IV V VI VII VIII IX X XI
aa 1 19 39 97 140 170 202 263 277 299 336 390
-
+ +
– +
Garçon -
–-
FIlle - + ++
- + + +
+ –
Figure 5. A. Immunodétection des + -
sous-unités du complexe PDH dans -
des mitochondries de fibroblastes –
Mutation ponctuelle Délétion + Insertion +
humains. Des mitochondries de - Modification du cadre de lecture
fibroblastes ont été préparées par
centrifugations différentielles chez
un témoin (1) et trois patients atteints de déficit enzymatique en PDH (2, 3, 4) et analysées pour leur antigénicité vis-
à-vis d’un anticorps polyclonal dirigé contre le complexe PDH. Ces patients présentent une absence de protéine X
immunodétectable. Des délétions importantes ont été retrouvées sur le gène codant pour la protéine X chez les
patients n° 2 et n° 3 ; une diminution importante du transcrit de ce gène (2,5 kb) a été décrite pour le patient n° 4. B.
Tableau récapitulatif des différentes mutations pathogènes affectant le gène E1α. LS : séquence leader (29 acides
aminés) ; TPP : motif conservé de fixation de la thiamine pyrophosphate ; α/β : régions d’interaction entre les deux
sous-unités ; P1, P2, P3 : sérines phosphorylables. Les 11 exons du gène sont numérotés en chiffres romains. Les
mutations chez les filles et chez les garçons sont représentées séparément et reliées par un trait plein s’il s’agit de la
même mutation ou d’une mutation située dans le même codon. Les mutations différentes dans le même codon, et
affectant le même sexe, sont, elles aussi, reliées par un trait plein.
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que l’on peut répertorier ment soumises à une spécificité de nant dans le site de fixation de la
aujourd’hui 52 mutations différentes tissu considérable. Chez les garçons, thiamine pyrophosphate (TPP),
dans le gène E1α-PDH situé sur le les déficits complets ne sont pas com- comme les leucines 217 et 205 [34,
chromosome X [1] (figure 5B). patibles avec la vie et seuls les déficits 35], les alanines 199 et 231 [36] et la
Quarante-deux mutations n’ont été plus ou moins partiels affectent de valine 210 [37]. Des mutations ponc-
trouvées qu’une seule fois et six ont façon plus ou moins grave le métabo- tuelles de ces acides aminés entraî-
été décrites au moins trois fois lisme cérébral. Il convient également nent toutes une diminution d’activité
(R72C, R263G, R302C, S312fs, de rappeler que, quels que soient les PDH qui s’accompagne ou non
Q382fs et S388fs). Les mutations mécanismes tissulaires qui modulent d’une diminution des sous-unités
observées chez les garçons diffèrent l’expression d’une mutation, le cer- immunoréactives E1α et β ; on peut
de celles trouvées chez les filles [29] veau reste l’organe le plus sensible à citer la mutation de leucine 217 en
à l’exception d’une mutation qui a un déficit en PDH, puisqu’au niveau proline, qui entraîne une diminution
été décrite comme étant patholo- cérébral, l’oxydation du glucose four- de la stabilité de la sous-unité E1α,
gique dans les deux sexes (R278H). nit la majorité de l’énergie cellulaire suggérant que le site de fixation à la
La majorité des insertions et des et le flux de pyruvate oxydé à l’état TPP s’intègre aussi dans une région
délétions siègent dans les exons 10 et normal est très proche des capacités d’interaction des deux sous-unités
11 et affectent les filles (23 filles sur enzymatiques maximales. De plus, E1α et E1β [34]. D’autres acides ami-
32), à l’exception de la délétion de la certaines parties du cerveau, comme nés, situés en dehors de la région de
totalité de l’exon 6 retrouvée chez les noyaux gris centraux ou le tronc fixation de la thiamine, ont égale-
deux garçons (cousins) et chez une cérébral, sont encore plus dépen- ment un rôle important dans ce
fille. La majorité des mutations ponc- dantes du métabolisme aérobie oxy- mécanisme ; il s’agit en particulier de
tuelles sont répertoriées sur les exons datif et sont donc les cibles privilé- la mutation de l’arginine 44 en histi-
de 1 à 9, principalement chez des giées d’un déficit en PDH. dine qui a pour conséquence de
garçons (25 garçons/36). La muta- L’analyse des mutations dans le gène modifier l’affinité de la PDH vis-à-vis
tion R263G dans l’exon 8 est la plus E1α, et des études structurales ont de la thiamine [38]. Il est intéressant
fréquemment décrite chez les gar- permis de définir plusieurs domaines de noter que l’état clinique de ce
çons (sept cas non familiaux) et les fonctionnels de la protéine E1α [22]. patient a été sensiblement amélioré
phénotypes cliniques sont très com- Plusieurs régions présumées d’inter- par un traitement approprié à la thia-
parables [30] : les enfants présentent action entre les sous-unités E1α et mine. Enfin, des mutations ponc-
des syndromes de Leigh tardifs ou E1β ont été mises en évidence, en tuelles affectant des régions ou des
des ataxies et le pronostic est moins particulier dans la région comprise résidus proches des trois sites de
sévère. Il en est de même pour entre les acides aminés 246 et 290 et phosphorylation (Ser 300, 293, 232)
quatre garçons atteints de la muta- dans la partie carboxy-terminale de la entraînent également des anomalies
tion R72C. Si l’on considère protéine qui est très conservée chez fonctionnelles du complexe PDH
l’ensemble des mutations, on ne les mammifères et les eucaryotes [39] qui s’accompagnent le plus sou-
retrouve que dans 10 % des cas [32]. Une anomalie moléculaire dans vent d’une instabibité des sous-unités
(R10P, R127P, V171del, R263G, ces régions s’accompagne, dans tous E1α et E1β. Dans certains cas, la
R302C) la mutation chez les mères les cas, d’une diminution des sous- mutation peut aussi modifier le
qui sont peu (ou pas) symptoma- unités Ε1α et Ε1β immunoréactives, niveau d’interaction de la PDH phos-
tiques. La majorité des mutations parallèle à la diminution d’activité du phatase avec le substrat E1α phos-
sont donc des mutations de novo et complexe PDH. C’est également phorylé [40].
un éventuel diagnostic anténatal des dans cette région qu’a été retrouvée
déficits en Ε1α-PDH reste difficile à la mutation la plus fréquente, en Conclusions
envisager dans ce type de maladie position 263 (R263G) ; elle a en effet et perspectives
[31]. Le fait qu’il y ait un nombre été décrite chez sept garçons non
égal de garçons et de filles affectés apparentés qui présentaient un Le déficit en pyruvate déshydrogé-
par un déficit en E1α-PDH est la tableau clinique comparable, une nase est une des causes majeures de
conséquence de la répartition aléa- forte diminution d’activité PDH et perturbation du métabolisme oxyda-
toire inégale dans les différentes cel- une stabilité variable des sous-unités tif chez l’enfant, entraînant une aug-
lules de l’inactivation du chromo- Ε1α et Ε1β [30]. Les mères de quatre mentation anormale de lactate dans
some X sur l’allèle normal codant de ces patients étaient hétérozygotes le sang et le liquide céphalo-rachi-
pour E1α-PDH. Chez les filles hétéro- pour la mutation et ne présentaient dien. Le déficit, qui se traduit très tôt
zygotes, le déficit peut être variable aucun signe clinique. dans la vie intra-utérine par un déve-
dans son expression tissulaire ; si c’est Une autre mutation située en posi- loppement anormal du système
l’allèle normal qui est inactivé dans tion 378, dans la partie carboxy-ter- nerveux central, se caractérise cepen-
des régions cérébrales à forte activité minale de la protéine, a également dant par une très grande hétérogé-
oxydative, la maladie se traduira par été retrouvée chez cinq garçons, non néité des tableaux cliniques. Les
des lésions cérébrales graves. Les apparentés, qui présentaient tous mutations connues portent essentiel-
formes cliniques dites « intracéré- une forte diminution d’activité PDH lement sur le gène E1α, qui est loca-
brales », sans perturbations métabo- [33]. lisé sur le chromosome X. A ce jour,
liques ni modification de l’activité D’autres résidus ont été également 52 mutations différentes chez 76 indi-
PDH périphérique, sont probable- identifiés, en particulier ceux interve- vidus non apparentés ont été réper-
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toriées, dont seulement 10 % sont 4. Behal RH, Buxton DB, Robertson JG, 18. Blass JP, Avigan J, Uhlendorf BW. A
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RÉFÉRENCES
Summary
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Three new mutations of the pyruvate dehy- mon defects are associated with mutations of the E1α gene located on
drogenase alpha subunit : a point mutation chromosome X. To date, some 52 mutations within the reading frame of
(M181v), 3 bp deletion (-R282) and 16 bp E1α have been reported in around 76 individuals, with less than 10 %
insertion/frameshift (K358SVS-TVDQS).
Hum Mutat 1996 ; 8 : 180-2. recurring in the same family. Defects of other components are less com-
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