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A Muslim American landscape of mosques in Philadelphia

(Un panorama des mosquées américaines de Philadelphie)

L’arrivée au pays de l’oncle Sam d’un muslim afro-french, un 11 septembre, n'a pas

provoqué de soucis particuliers à mon passage devant les autorités de l’immigration.

Sélectionné par le secrétariat d’Etat américain pour un programme de promotion du

dialogue interculturel, ce n’est pas sans une pointe de fierté que je pose le pied en

Amérique au titre de « Fulbright scholar », un titre et un statut respecté et prestigieux

ici. Sur le sol américain, tout s'est bien donc passé malgré ma très légère appréhension ;

je tort le cou au passage à cette rumeur que les américains seraient islamophobes depuis

le 11 septembre 2008. On n’a ni détourné mon avion comme pour Cats Stevens, ni

refuser un visa en bonne et due forme comme pour Tariq Ramadan…J’ai trouvé ces

restrictions de liberté difficiles à comprendre de la part de l’administration Bush

finissante. Mais tout serait réglé aux dernières nouvelles. Cats Stevens a repris la guitare

et Tariq roule sa bosse depuis Oxford. Revenons à moi à l’aéroport, le taxi driver qui

m'emmène à l'hôtel me demande de suite d'où je suis originaire, ayant repéré mon

accent français. Il est heureux d'apprendre que je suis un arabe citoyen français dont la

famille est originaire d'Algérie Lui même est d'origine tunisienne et de citoyenneté

américaine. Echange de numéros de portable et une course moins chère à la clef, cela

sert parfois d’être un arabe à l’ouest...Mon hôtel est à une courte encablure de Temple

University et du département d’études » pour le dialogue inter religieux qui me reçoit,

«The Dialogue institut » dirigé par une notoriété en la matière Léonard Swidler. A

temple University, c’est un mportant campus de 40 000 étudiants. Le mois de jeûne, un

des 5 piliers de la religion islamique, a commencé pour tous les croyantes et les croyants

de confession musulmane, soit plus d'un milliards de gens sur Terre. Essayant d'observer

cette religion au mieux, je ne déroge pas à la règle. Après avoir rompu mon jeûne 2

jours après mon arrivée, profitant de mon statut de voyageur invétéré, je souhaite dès le

premier vendredi de mon arrivée prier et rompre mon jeûne à la mosquée avec mes co-

religionnaires américains. Me voici à la découverte de la ville avec son réseau de métros

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et son dédale de lignes de bus pour me rendre à West Philadelphia (Philly de son

surnom). Selon Google, c'est la plus grande mosquée de la ville à l’Ouest. Philadelphie

compte une communauté d'environ 10 000 musulmans (chiffres officiels de la ville). On y

compte plusieurs dizaines de mosquées souvent différenciées par les pays d'origine :

mosquée du sous continent indiens (Inde, Pakistan, cachemire, Bengladesh), Asie

(Indonésie, Malaisie), de mosquées "arabes", originaires du Moyen Orient et du Maghreb

(souvent minoritaires), plusieurs mosquées afro-américains (l'une présentée ci dessous),

celle d'une communauté soufie célèbre (majoritairement convertis et visiblement, la plus

mixte car de toutes les origines). Tel Ibn Battuta, moins la gloire, ou comme Alexis de

Tocqueville durant son voyage en Amériques, je souhaite faire profiter le quidam

musulman ou non musulman de ce voyage. Petit retour sur l'histoire avant de plonger

dans le panorama des mosquées du coin...

Philadelphie

J'arrive donc un 11 septembre 2008 aux USA, à Philadelphie dans l'Etat de Pennsylvanie.

La ville est située sur la côte Est, entre New York et Washington DC. Philadelphia a été

fondée au XVIIème siècle par des colons anglais. Le quaker britannique William Penn

(1644-1718) donnera son nom (Pennsylvanie) à cette province composé de 13 colonies

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au début du XVII ème siècle. William Penn qui souhaite émanciper cette terre de

l’autorité anglaise va la racheter, selon la légende, aux indiens d'Amérique (que l'on

appelle ici les "Native American"). Il souhaite y créer un havre de paix et de tolérance

pour toutes les religions et toutes croyances. Il va nommer la bourgade le plus

importante, « Phila-Delphie » (La Delphes de l'amour fraternel, appelée aussi l’Athènes

de l’est). Fuyant les difficultés et les persécutions protestants, quakers, colons suédois,

hollandais ou britanniques, aventuriers ou voyageurs vont converger vers cette Eden de

l’Est pour cet esprit de tolérance. Cette idée de tolérance religieuse et d’équité sociale

est avant gardiste pour cette période et deviendra un mouvement intellectuel identique à

celui des lumières en France et en Europe autour de la figure de Benjamin Franklin

(1706-1790). Ce sera la première ville à s’engager contre l’abolitionnisme avec Boston,

et à affranchir les esclaves, à nommer un évêque noir (Bishop) ou à fonder la première

église afro-américaine. Celle-ci existe toujours ; je suis d’ailleurs allé suivre l’office

dominical dans le pur style Gospel traditionnel avec un pasteur féminin et une musique

entrainante un dimanche matin. Benjamin Franklin, philosophe autodidacte,

encyclopédiste, inventeur du paratonnerre, savant, diplomate et l’un des pères

fondateurs de la constitution américaine rendra la ville encore plus célèbre en y ouvrant

hôpitaux, universités, école des beaux art…La première constitution des 13 Etats sera

signée à Philadelphie en 1776 et elle en est la capitale. La ville a pris un essor

économique, culturel et politique énorme au XVIII ème siècle. Sa grande rivale New York

la détrônera bientôt… La ville est toujours d'une grande aura artistique et intellectuelle de

nos jours. Berceau de la soul music, elle a donné le jour aux célèbres groupes de disco et

de funk tels que les Delfonics, les Stylitics. Billie Holidays, Teddy Pendergrass, Noam

Chomsky, sont nés dans cette ville ou est tournée la fameuse chanson de Bruce

Springsteen « Born in USA ». La dernière star de la soul, Jill Scott y vit avec sa famille.

Le cinéma n’est pas en reste. Bill Cosby, Kevin Bacon et Will Smith y sont nés. La série

des films « Rocky » avec Sylvester Stallone dans le rôle principal y a été tournée

notamment la scène fameuse où il monte les marches du musée durant son

entrainement. En 1993, c'est "Philadelphia" qui la mettra sous les feux de l'actualité

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cinématographique avec Denzel Washington et Tom Hanks. Majoritairement de tradition

démocrate, elle est la 4ème ville des Etats unis par sa densité de population aujourd'hui

(chiffres 2007) qui compte 1.5 millions d’habitants pour le centre ville et 5 millions pour

son agglomération. Philadelphie est l'une des rares villes de cette importance ayant un

maire afro-américain, John Street.

Mosque of the 52th Street and Chesnut Street

West Philadelphia (Ouest), un des quartiers les plus pauvres et les plus dangereux de la

côte Est, avec 30 meurtres/ an pour 100 000 habitants, un record sur la côte Est des Etat

Unis, comparativement NY est à 6,8 meurtres à la même échelle. Pauvreté, délinquance,

violence, drogue et banditisme....Aventurier, je souhaite voir de mes propres yeux ces

quartiers et comment y fleurit l'islam des ghettos. J'ai prévenu l'hôtel de l'endroit où

j'allais...

Les panneaux d'accueil de la mosquée de la 52ème rue et de Chesnut Street. Après avoir

prié, rompu mon jeûne avec les fruits que j'ai apportés (pommes, bananes), j'observe

attentivement les personnes présentes qui sont à 100 % de noirs américains, moyenne

d'âge 30 ans, si ce n'est pas 25. Plusieurs sont handicapées aux jambes, c’est un fait

flagrant qui soudain me saute aux yeux…Je n'ose pas imaginer que c'est les

conséquences de coups de feux, mais cela ma parait fort probable. l'imam Akeem me le

confirmera ensuite...La mosquée offre pour la rupture du jeûne de l'eau citronnée en

bidon de 5 litres, des dattes, du raisin, des bananes, des Bretzel (sic), de la pizzas Maxi

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Size et du Coca cola, pays de l’oncle Sam oblige...Je me présenterai à l’imam après le

repas collectif. Il est heureux de savoir que je viens de Paris, en France jusqu’à cette

mosquée un peu perdue dans Philadelphie. Nous discutons 10 minutes au bord de la

route. J’apprends que le quartier est mal famé, dangereux, pauvre, violent et que ce

n’est pas vraiment une mosquée mais plutôt une salle de prière pour les personnes du

quartier. Akeem me recommande d'aller à la grande mosquée de la 43rd street et de

Walnut à 2 pas d'ici...Echange de numéros de téléphone et me voila parti vers le 42nd

street...le quartier de nuit n'inspire pas confiance. Je marche vite...les sans abri et les

mendiants sont à tous les carrefours. Le quartier est très vivant, restaurant hallal,

épiceries chinoises et pakistanaises, petits magasins d’Hifi ou d’électroménager parsème

le chemin. Je prends le premier bus bondé vers les 43th Street

Mosque of the 43rd Street and Walnut

J'arrive dans la plus grande des mosquées de West Philadelphia. Près de 3000 m².

Hommes, femmes et enfants sont présents. Ambiance autre plus conviviale que celle de

la 52ème...et la prière du soir (Icha). On m'offre du riz et des petit pois sauce piquante,

du thé et de l'eau citronnée...Un prêche a lieu avant cette prière. Un imam arabisant du

proche orient baragouine l'anglais, de temps en temps, pour se faire comprendre

lamentablement. Il a plus de 65 ans. Des habitués attendent patiemment la fin du prêche

et la prière du soir puis celle spéciale du mois de jeûne faite chaque soir durant Ramadan

(Tarawih)... Je reste pensif à voir l'état de ces quartiers populaires américains si

délabrés dans un pays si grand et si puissant. On ne s’y attend pas. Ils n'ont rien à

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enviés à Clichy sous bois où à Mantes la Jolie. Découvrir que le tiers monde est là, en

face de vous, ect un choc, surtout au delà du centre ville (downtown) chic aux gratte ciel

par centaines qui défient l’imagination. Quartiers appauvris et miséreux. A chaque fois,

la communauté musulmane de Philadelphie semble essentiellement, jusqu’à là, être issue

de la population noire ou du sous continent asiatique pour l’essentiel, quasiment aucun

converti « blanc », avec une part relative d'Arabes. Le niveau de vie est bas et les

musulmans sont sur représentés dans ces classes pauvres. Triste que ce spectacle d'une

comédie humaine déjà vue ailleurs, dans mon pays, si souvent…Vous avez dit banlieues

pauvres ?

The Aqsa Mosque (North Philadelphia)

Enfin, plus tard dans mon séjour, j’ai la chance de visiter la véritable mosquée officielle

de la ville. « Aqsa Mosque ». Quelques lignes, pour finir, sur cette mosquée remarquable.

Proche de l'Université de Philadelphie (Temple Université), C'est une mosquée qui

contraste dans le panorama islamique pauvre et miséreux de Philly. L'imposant building,

refait à neuf, est très beau extérieurement couvert de mosaïque orientalisante. Un

parking d'une centaine de places et un terrain de basket ball grillagé sont sur le terrain

de la mosquée. A caque prières de Maghreb et de Tarawih, des agents bénévoles ou

salariés accueillent les fidèles arrivant en voitures pour les guider vers les places

disponibles. Il en est également à chaque prière de vendredi et aux prières du soir

(prière de Maghreb et prière de Icha) tout le long de l'année; des cours sont organisés

également pour enfants et adolescents durant tout le mois de Ramadan à partir de la

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prière du coucher de Soleil (Maghreb). Cette mosquée, dont je rencontre l'imam jovial et

égyptien, mais ne parlant pas un mot d'anglais, est très impliquée dans le dialogue inter

religieux avec des communautés juives et chrétiennes protestantes. C'est Zaïnab, au

Hidjab bleu turquoise, une jeune et dynamique étudiante de 31 ansqui est chargée de la

communication de la mosquée et de son comité. Parfaitement bilingue anglais arabe, elle

est aussi originaire d'Egypte mais elle est née et à grandi aux USA. En thèse de droit, elle

devrait devenir prochainement avocate et s'investi bénévolement dans des associations

pour les droits des habitants de ce quartier paupérisé de North Phildadelphia. Le

président du comité de la mosquée Aqsa est d'origine irakien. Médecin, il est aux UA

depuis 25 ans et 'appelle Ali. La cinquantaine, cheveux poivre et sel, une barbe très belle

et les yeux bleus, on sent immédiatement chez Ali, une grande spiritualité. D'une

douceur qui égale son calme, il ouvre régulièrement la rupture du jeûne par une

allocution en arabe et en anglais de quelques minutes sur un point de ma spiritualité ou

de la vie de notre noble Prophète (Prières et paix sur lui). Sur le volet plus statistiques,

dans cette mosquée, à la prière de Maghreb, un rapide coup la salle de prière donne une

image assez juste des origines et des appartenances. On compte une majorité de fidèles

d'origine arabes (proche et Moyen Orient), mais également, une forte communauté afro-

américaine et de nombreux convertis.

Il semble y avoir une part non négligeable d'étudiants du fait de la proximité du campus

de Temple Universty, mais également des "muslisms yuppies" (Young Urban

Professionnals) de classe moyenne au vu des grosse cylindrées sur le parking et des

codes vestimentaires. Zainab et Ali me confirmeront ce fait. Des cours pour les nouveaux

convertis, cercles de discussion informels ("the Deen coffee"), des échanges réguliers

avec des non musulmans (peace walk, une marche inter religieuse pour al paix une fois

par an en mai, fabuleuse idée), des activités d'enseignement, du soutien scolaire, des

journées "Mosques portes ouvertes" 2 fois par mois, et des activités humanitaires (soupe

aux sans abris et don de vêtements) sont l'essentiel de l'activité de cette mosquée qui

m'a beaucoup impressionnée par la qualité de son organisation et la chaleur de son

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accueil. Je rentre, exténué, en taxi vers North Philadelphia au St James, mon Hôtel. Il

est 22h30 à Philadelphie, 5H30 à Paris...

Moussa Khedimellah

Récit de voyage - Nov 2008

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