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bien vont exiger des moyens gigantesques. D’autant Comment imaginer que ceux-ci puissent prendre des
que les gouvernements, empêchés par les différents options contraires à leur intérêt, même si elles sont
traités européens – Six-Pack, Two-Pack, Mécanisme favorables au réchauffement climatique ?
de stabilité – ont perdu leur capacité d’agir en matière
d’investissements publics.
« Je ne suis pas favorable à un green QE. Ce n’est
pas aux banques centrales de décider ce qu’il est
bon de faire en matière d’écologie. Il faut d’abord
qu’il y ait un débat public, qu’on se mette d’accord
entre nous démocratiquement sur les orientations que
Le Havre. © Martin Bertrand/AFP
l’on souhaite, sur ce que l’on veut faire. Si on ne
pose aucune règle, on file un pouvoir considérable « Le choix des technologies est déjà un sujet
aux banques centrales sans contrepartie », dit Alain hautement politique. Prenez l’exemple des voitures
Grandjean, membre de la Fondation Hulot et ardent électriques qui sont présentées comme étant clé
défenseur d’un « Green New Deal » en Europe. dans la décarbonisation, mais qui largement sont
un moyen d’éviter tout changement fondamental.
Le risque de conforter le système existant […] Si les politiques voulaient réellement réduire
Il y a quelques raisons de s’inquiéter de donner les émissions carbone, ils feraient ce que certaines
un chèque en blanc à la banque centrale. Au villes comme Amsterdam, Barcelone ou Tallinn font :
moment même où les présidentes de la Commission ils décourageraient l’usage de la voiture. Mais
européenne et de la BCE scellaient leur alliance pour faire cela à grande échelle supposerait défier le
soutenir la lutte contre le réchauffement climatique, pouvoir politique des constructeurs automobiles et
la Commission européenne adoptait deux textes, l’un le pouvoir culturel de l’industrie automobile dans le
pour soutenir des projets gaziers d’un montant de capitalisme », note Simon Pirani, chercheur sur les
28 milliards d’euros, l’autre pour donner son feu énergies à l’institut d’ Oxford. Les exemples peuvent
vert pour un nouvel accord commercial entre se multiplier à foison, que ce soit dans l’énergie, les
l’Europe et le Vietnam. Autant de mauvais signaux transports, la construction, les projets, les matériaux.
qui font peser d’importants doutes sur les suites du Qui osera défendre des stratégies de rupture face à de
« Green Deal », tel que semble vouloir le concevoir la tels intérêts ?
Commission européenne. La BCE dit vouloir soutenir le programme
Le programme européen entend « promouvoir » les d’investissement de la Banque européenne
énergies renouvelables, « promouvoir » le véhicule d’investissement qui projette de devenir la banque du
électrique, « promouvoir » l’agriculture biologique, climat. Mais sous couvert de soutien, ses interventions
« promouvoir » la réduction des voyages aériens au ont des chances d’aboutir à des surfinancements vers
bénéfice du rail, le tout dans le cadre de « partenariats des secteurs privilégiés par la finance comme l’éolien
publics-privés ». ou le solaire, si prisés par les fonds d’investissements
Compte tenu du poids acquis par les lobbies dans les ou les family offices, au détriment de nombre
choix des politiques européennes, cette coopération d’activités tout aussi importantes écologiquement
publique-privée suscite de nombreuses interrogations. mais entrant moins dans le champ des investisseurs,
comme la biomasse ou l’économie circulaire. Ce qui
reviendra en fait à organiser à nouveau d’immenses
transferts du privé vers le public pour le seul profit
du privé, comme le pointe l’économiste et ancien
ministre grec des finances Yanis Varoufakis.
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Mais au-delà de ces réserves, il y a un malaise plus à faire le job des gouvernements. C’est bien aux États
profond. Voir confier à la BCE un rôle clé dans la de lancer le Green Deal, de tracer les lignes et les buts
transition écologique revient à conforter le pouvoir », ajoute Alain Grandjean.
dominant que les banques centrales ont acquis depuis Relance budgétaire, taxe carbone, nouvelle
plus de quatre décennies et encore plus à partir de politique industrielle, démondialisation du commerce,
2008. Cela vise à perpétuer le système financier économie circulaire, développement des transports
existant, en lui offrant même des prolongements, à collectifs, les uns et les autres ont dix mille pistes
mettre tout en œuvre pour que rien ne change. en tête. Mais pour tous, cela doit donner lieu à
des délibérations collectives, à des débats publics
et démocratiques, à de nouveaux pactes sociaux.
« La transition écologique ne peut pas se faire
sans accompagnement social. Écologie et social sont
indissociables », prévient Laurence Scialom.
Que devrait être une bonne finance verte dans cette
© Pascal Pavani/ AFP transformation ? Une finance régulée et réglementée
Ainsi, l’Europe continue de croire que le marché doit qui ne soit plus hypertrophiée. Une finance qui
être la force déterminante pour conduire la lutte contre relie les risques d’instabilité financière et la question
le changement climatique, alors que celui-ci a refusé écologique. Une finance qui accompagne la transition,
pendant des décennies de prendre en compte les dégâts qui assume une politique responsable en matière
écologiques, et s’est révélé incapable de prendre la d’écologie, répondent unanimement les économistes
moindre mesure pour en limiter la portée. Une fois interrogés. « Le monde de la finance s’adapte à son
de plus, cela pousse à dénier aux États et aux acteurs environnement, y compris les contraintes. Si le marché
publics toute capacité d’intervention, tout pouvoir, s’est révélé incapable de prendre en compte les
à refuser de toucher à tous les carcans budgétaires questions écologiques, c’est parce que les contraintes
imposés dans le cadre des traités. posées par les pouvoirs publics ont été insuffisantes »,
assure, plein d’optimisme, Thierry Philipponnat,
« Décarboner l’économie sera impossible sans directeur de recherche de Finance Watch et membre
transformer nos systèmes économiques et sociaux. du collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF)
Cela signifie imaginer un monde au-delà du et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
capitalisme », soutient Simon Pirani. Même s’ils (ACPR).
ne tiennent pas tous des propos aussi radicaux, la
plupart des économistes travaillant sur ces questions D’autres se montrent plus circonspects. Alors que
considèrent qu’il sera impossible d’appréhender la crise de 2008, qui aurait dû provoquer une
la lutte contre le réchauffement climatique sans transformation radicale dans le monde financier, n’a
transformations profondes. Et celles-ci, selon eux, rien changé, comment croire que celui-ci va accepter
passent d’abord par une réhabilitation du pouvoir des sans rechigner de céder l’immense pouvoir qu’il a
États, de l’action publique, qui ont été contestés et mis acquis ? Tout cela laisse entrevoir, redoutent certains,
en pièces par quarante ans de néolibéralisme. de terribles épreuves de force, surtout si les États et
les institutions peinent eux-mêmes à se convaincre de
« Le nœud du problème est en dehors de la sphère la nécessité de changer d’approche. « Le problème est
financière. Les États jusqu’à présent n’ont pas de qu’on a très peu de temps pour agir. On danse sur un
politiques crédibles. Mais il faut qu’ils reprennent le volcan », s’inquiète Laurence Scialom.
contrôle », dit Laurence Scialom. « La finance n’a pas
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