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5/9/22, 20:36 Après le rejet massif de la nouvelle Constitution, le président chi...

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CHILI : UNE NOUVELLE ÈRE POLITIQUE

Après le rejet massif de la nouvelle Constitution, le président chilien


est affaibli

Contre toute attente, le Chili a dit « non » au texte soumis par la Convention constitutionnelle. Le
président Gabriel Boric a invité tous les secteurs politiques à se réunir pour trouver un nouveau projet.
Il a annoncé qu’il lancera un nouveau processus constituant, avec le Congrès comme protagoniste.

Yasna Mussa
5 septembre 2022 à 13h53

S antiago (Chili).– La réponse a été retentissante : le Chili a dit « non » à la nouvelle proposition
constitutionnelle dans toutes les régions du pays. Le rejet du texte qui envisageait le plus grand nombre de
droits sociaux au monde l’a emporté avec 61,97 % des voix, contre 38,03 % pour l’option « J’approuve »
(« Apruebo » en espagnol).

Un résultat que même les sondages les plus audacieux n’auraient pu prédire. Une différence indiscutable à
l’occasion d’une journée historique au cours de laquelle, pour la première fois, plus de 13 millions de personnes se
sont exprimées, un taux de participation de près de 86 %. Contrairement au scrutin inaugural, cette fois le vote
était obligatoire. En outre, pour la première fois, les personnes emprisonnées ont voté, et majoritairement en faveur
du rejet. 

« Le peuple chilien n’était pas satisfait de la Constitution proposée et a donc décidé de la rejeter clairement dans les
urnes », a déclaré le président Gabriel Boric dans un message télévisé. Claudia Pizarro, l’une des dirigeantes du
mouvement en faveur de la Constitution et maire de La Pintana, une commune populaire, a jugé que « le problème
n’était pas du côté du peuple, mais d[u] côté [politique] ». 

L’illusion du vote à l’étranger

La tension a commencé très tôt dimanche, jour du référendum, lorsque les premiers votes des Chilien·nes de
l’étranger ont commencé à être connus. « Apruebo » l’a emporté, avec 60,92 % des voix, ce qui a suscité l’espoir chez
celles et ceux qui étaient persuadé·es que l’actuelle Constitution héritée de la dictature d’Augusto Pinochet pourrait
être modifiée en ce jour symbolique pour le pays : ce 4 septembre marque les 70 ans du premier vote des femmes
au Chili et l’anniversaire de la victoire du candidat socialiste Salvador Allende à l’élection présidentielle en 1970.

Cependant, au fil des heures, l’incertitude s’est accrue en raison du niveau de participation, totalement inédit.

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Des partisans du « non » célèbrent leur victoire à Santiago le dimanche 4 septembre. © Photo Martin Bernetti/AFP

Vers 18 heures, le décompte à Magallanes, dans l’Antarctique chilien, région dont est originaire Boric et où les
premiers bureaux de vote du pays ont fermé, a montré que la balance penchait vers le « non ». Une heure plus tard,
le résultat final était connu. Les partis de l’opposition, réunis dans l’alliance Chile Vamos, se sont déclarés prêts à
poursuivre le processus constituant.

« Je demande au gouvernement et au président Boric moins d’improvisation. Le moment et la forme sont importants,
par conséquent Chile Vamos est disponible pour poursuivre notre processus constituant, mais pas sous n’importe quelle
forme. Nous ne pouvons pas refaire des erreurs avec des improvisations », a déclaré Francisco Chahuán, président du
parti de droite Rénovation nationale (Renovación Nacional).

Au centre de la capitale Santiago, dans leur quartier général, les partisans du camp du « oui » restaient silencieux,
malgré les sollicitations des médias. Il était plus de 20 heures lorsque les député·es et porte-parole Vlado Mirosevic
(Parti libéral) et Karol Cariola (Parti communiste) sont monté·es sur scène pour reconnaître la défaite. 

« Nous avons écouté la volonté de la majorité du Chili, et nous le faisons avec humilité. La majorité des citoyens se sont
exprimés et, malgré le fort désir d’avoir une nouvelle Constitution, ils ont rejeté la proposition de la Convention
constitutionnelle », a déclaré Mirosevic, ajoutant : « Le pays mérite d’avoir une nouvelle Constitution qui emporte le
sentiment majoritaire du peuple chilien. »

« Cette volonté forte et claire qui nous a portés jusqu’à ce jour n’est pas perdue avec ce résultat. La Constitution des
années 1980 ne nous unit pas et ne nous représente pas, la décision de nous donner une nouvelle Constitution est
toujours valable et a été reconnue par les représentants, y compris les représentants du rejet. Tout au long de leur
campagne, ils ont promis au pays que la Constitution, les abus et la dictature feraient partie du passé », a dit de son
côté Karol Cariola.

Plus loin, vêtues d’un tee-shirt violet, trois femmes de l’association Yo Cuido portent des banderoles, tout en
partageant leur tristesse. « C’est une déception que notre pays rejette une Constitution qui faisait avancer des droits

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qui n’avaient jamais été reconnus auparavant, comme le droit à la santé, les droits pour les personnes handicapées,
ainsi que la parité. C’est inhabituel », lâche Paloma Olivares. 

À ses côtés, Romina Fuentealba se dit « dévastée ». « C’était un processus merveilleux dans une démocratie absolue,
où les droits étaient reconnus, et nous n’aurons pas une autre occasion comme celle-ci. Nous espérons qu’il y aura un
autre processus, mais il ne permettra pas d’atteindre ce que ce texte a permis de réaliser en matière d’environnement
et de santé en général. Nous étions à l’avant-garde et nous étions regardés par le monde entier. »

Le résultat a été si surprenant qu’il est encore difficile d’interpréter pourquoi, dans une commune comme Petorca,
qui connaît de graves problèmes de sécheresse et dont la population dépend des camions-citernes pour avoir accès
à l’eau, le « non » l’a emporté, alors même que la proposition constitutionnelle revendiquait le droit humain à l’eau.
Il en a été de même pour Quintero et Puchuncaví, deux communes considérées comme des « zones de sacrifice »
en raison de la pollution qui affecte gravement leur population, qui n’a pas non plus accepté de remplacer la
Constitution actuelle, alors que le texte proposait des articles de défense de l’environnement et une vie exempte de
pollution. 

La droite reprend le dessus

À un pâté de maisons du quartier général du « oui », l’Alameda, l’avenue principale de la capitale chilienne, est vide.
Trois jours plus tôt seulement, elle avait accueilli une cérémonie de clôture de campagne massive et joyeuse qui
avait redonné espoir à celles et ceux qui misaient sur un changement de la Constitution. Les murs sont encore
couverts de graffitis, d’affiches et de messages contre la dictature, les inégalités et en faveur des soulèvements
sociaux. 

Après les protestations sociales de 2019, un accord politique avait donné naissance à ce processus constituant. En
octobre 2020, lors d’un scrutin où le vote était volontaire, 80 % des Chilien·nes l’avaient approuvé, ouvrant la voie
aux travaux de la Convention constitutionnelle qui a travaillé pendant un an à partir de juillet 2021.

L’opposition au texte a cependant commencé à se renforcer, surtout au cours des derniers mois. Et la droite, en
pointe pour défendre le « non », avait néanmoins promis que si ce dernier l’emportait, elle s’engagerait à réformer
la Constitution actuelle. 

Dimanche, dans son message présidentiel, Gabriel Boric a annoncé qu’il lancerait un nouveau processus
constituant, avec le Congrès comme protagoniste, et il en a profité pour confirmer un remaniement ministériel.
Après six mois au pouvoir, le président a une faible cote de popularité et le résultat de ce dimanche l’affaiblit
encore plus.

L’opposition a d’ailleurs répondu qu’elle ne se rendrait pas à l’invitation à la Moneda, siège de la présidence, tant
que le président n’aurait pas « mis de l’ordre dans sa maison » et réfléchi au résultat du 4 septembre. L’extrême
droite, dirigée par son ancien rival au second tour de la présidentielle, José Antonio Kast, a quant à elle annoncé
qu’elle ne négocierait pas avec le pouvoir.

Au moment où le président s’adressait au peuple chilien, les partisan·es du « Rechazo » (« Je rejette ») célébraient
leur victoire sur une place d’un quartier huppé de la capitale. Celles et ceux de l’« Apruebo » se sont retrouvé·es sur
la place Baquedano, rebaptisée place de la Dignité pendant le mouvement social de 2019. Quelques jeunes ont érigé
des barricades. Au loin, on entendait les sirènes des voitures de police.

Yasna Mussa

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