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Hommes et Terres du Nord

Artisanat, espace et développement régional. Réflexion sur la place


du secteur des métiers dans le développement et l'organisation de
l'espace du Nord-Pas-de-Calais
Didier Paris

Abstract
Handicraft, space and regional development : reflexions on the role of the handicraft sector in matter of development and space
organisation in the Region Nord-Pas-de-Calais
Through the example of the Region Nord-Pas-de-Calais, we have shown how handicraft takes part into the establishment of a
regional space structure and in its economical development. From this viewpoint, due to its intrinsic characteristics, handicraft
plays a major role in the economic and social life of the local environment ; this role was recognized when the territory planning
policies were elaborated during the last few years.

Résumé
À travers l'exemple du Nord-Pas-de-Calais, il s'agit de montrer comment l'artisanat participe à la structuration d'un espace
régional et à son développement économique. De ce point de vue, par ses caractéristiques propres, l'artisanat joue un rôle
essentiel dans l'animation économique et sociale du milieu local, reconnu à l'occasion des politiques territoriales
d'aménagement élaborées ces dernières années.

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Paris Didier. Artisanat, espace et développement régional. Réflexion sur la place du secteur des métiers dans le
développement et l'organisation de l'espace du Nord-Pas-de-Calais. In: Hommes et Terres du Nord, 1987/1. Nord - Pas-de-
Calais. pp. 19-27;

doi : https://doi.org/10.3406/htn.1987.2095

https://www.persee.fr/doc/htn_0018-439x_1987_num_1_1_2095

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Hommes et Terres du Nord 1987 1, p. 19 à 27

Artisanat, espace et développement régional

et l'organisation
Réflexion sur
dans
de
la l'espace
le
place
développement
dudu
secteur
Nord des
- Pas-de-Calais
métiers

Université
par D. PARIS
de Lille I

RESUME Cet artisanat a pourtant longtemps été considér


A travers l'exemple du Nord - Pas-de-Calais, il s'agit de montrer comme un secteur marginal, frappé d'archaïsme, au
comment l'artisanat participe à la structuration d'un espace régio¬
nal et à son développement économique. De ce point de vue, par structures obsolètes parce qu'exclusivement dom
ses caractéristiques propres, l'artisanat joue un rôle essentiel dans nées par la petite entreprise, au caractère le plus sou
l'animation économique et sociale du milieu local, reconnu à l'occa¬ vent familial. L'évolution qu'il a connu, que ce soit d'u
sion desannées.
nières politiques territoriales d'aménagement élaborées ces der¬ point de vue juridique avec l'apparition de la notio
MOT-CLEFS : artisanat, développement régional, milieu local. de secteur des métiers en 1962, ou économique, ave
l'accroissement
années du débutdudenombre
la décennie
d'entreprises
1970 et dudansdébul
ABSTRACT de la suivante a modifié ce jugement. Il a connu ain
Handicraft, space and regional development : reflexions on un certain regain d'intérêt dans le discours politi
the role of the handicraft sector in matter of development and économique, que ce soit à l'échelon national ou à cel
space organisation in the Region Nord - Pas-de-Calais. des régions. Un aboutissement de cette évolution
Through the example of the Region Nord-Pas-de-Calais, we have
shown how handicraft takes part into the establishment of a regio¬ tifs
été au
la signature
secteur des
de six
métiers
contrats
dansdeleplan
cadre
particuliers
des contrarel
nal space structure and in its economical development. From this
viewpoint, due to its intrinsic characteristics, handicraft plays a major de plan Etat-Région, dont celui du Nord - Pas-d
role in the economic and social life of the local environment; this Calais. Une politique de l'artisanat s'affirme ainsi d
role was recognized when the territory planning policies were ela¬ plus en plus dans sa dimension spécifique aux côt
borated during the last few years. des autres domaines relatifs à une politique régiona
d'ensemble.

Région précocément industrialisée, largement concer


Alors que la plupart des secteurs d'activités et des née par la grande entreprise, le Nord - Pas-de-Calai
régions dominés par la grande entreprise, notamment confronté aux nécessités de la reconversion, de
dans certaines branches pourvoyeuses traditionnel¬ diversification de son économie, redécouvre mainte
les de nombreux emplois (sidérurgie, textile, automo¬ nant l'importance de la petite entreprise, notammen
bile...), sont confrontées depuis plusieurs années à la celle à caractère artisanal, tout particulièrement p
nécessité d'indispensables, mais difficiles restructu¬ rapport au concept de développement local.
rations, les formes les plus récentes de développe¬
ment semblent concerner maintenant davantage les
petites et moyennes entreprises.

C'est dans ce contexte qu'il faut replacer le dyna¬ 1 . Le fait artisanal dans l'espace
misme observé depuis quelques années du secteur régional Nord-Pas-de-Calais :
des métiers, expression juridico-économique la plus les plus faibles densités artisanales
nette du fait artisanal (1). 762.000 entreprises inscri¬ françaises; contraste entre haut et bas pay
tes au répertoire des métiers (2) en 1971, 846.618
en 1983, soit 1 1 ,5 % de plus, le secteur des métiers
en France occupe 2.300.000 personnes, les artisans,
leurs salariés, les apprentis et les aides familiaux, soit 1.1.au
Au
de
blesse
Ainsi,
tes l'artisanat
premier
Les
au
répertoire
deplus
1-1-1983,
ses
rang
régional,
densités
faibles
des
des39892
métiers
caractéristiques
densités
se trouve
par rapport
entreprises
desartisanales
deux
sans
au géographique
cadre
chambres
conteste
étaient
dunationa
pays
inscr
laco
fa
480
10 %milliards
des actifs
de francs
du pays
assurant
pour un
1 50
chiffre
milliards
d'affaires
de francs
de
de valeur ajoutée.
sulaires de la région; en réalité, le nombre fronté
industriel.
depuis longtemps à la concurrence du procè
d'entreprises actives s'élevait à 37779, soit à peine
4,7 % des
métiers en 801
France
1 90 entreprises
à la même actives
date. du secteur des
C'est notamment le cas pour le bâtiment où la par
de l'artisanat est plus réduite par rapport au secteu
La région se place ainsi au huitième rang national, non-artisanal qu'elle ne l'est ailleurs, particulièremen
alors que son poids démographique en fait le troi¬ dans des régions plus rurales. On note ainsi une dif
sième ensemble régional du pays. Avec une densité férence de près de 30 points entre densités régional
artisanale (calculée à partir des entreprises actives) et nationale pour cette activité.
de 96,1 artisans pour 10000 habitants en 1983, elle
se place même au dernier rang des régions, à plus
d'une dizaine de points de l'avant-dernière, Ile-de- 1.2. Les hautes densités relatives
France, qui en comptait 107,7 à la même époque. du Haut-Pays plus rural
A l'intérieur même de la région, c'est le départemen
du Nord qui, avec près de 65 % des entreprises
En fait, par ses faibles densités artisanales, le Nord regroupe l'essentiel des effectifs de l'artisanat régio
- Pas-de-Calais participe au contraste géographique nal. La métropole concentre à elle seule plus d
àmajeur
celle du
qui,sud
en :lales
matière,
sept régions
opposelesla France
plus septentrio¬
du nord 1 1 000 entreprises, soit 30 % du total régional, tand
que, exception faite des trois arrondissements littorau
nales, situées au nord de la Seine entre Manche, Mer du Pas-de-Calais, qui n'atteignent pas ces chiffres, le
du Nord et Rhin, ont toutes une densité inférieure à
la moyenne nationale (147,5 pour 10000), tandis que effectifsartisans.
3500 par arrondissement varient entre 1 500
plus au sud les chiffres dépassent 150 pour 10000
habitants,
rieurs à 200pour
en atteindre
Limousin même
et Midi-Pyrénées.
des maxima supé¬ Mais c'est l'étude des densités artisanales qui perm
de mettre le mieux en valeur les contrastes interne
de répartition de l'artisanat régional. Apparaît alor
En définitive, terre de hautes densités humaines, la nettement l'opposition entre un Bas-Pays où l'o
région du Nord apparaît ici comme une terre de bas¬ trouve les densités les plus faibles (moins de 100),
ses densités artisanales. L'extrême importance du fait un Haut-Pays où elles peuvent atteindre le niveau d
industriel dans l'histoire économique de cette région, densité moyen du pays, comme pour le Pays de Mo
et, corrélativement, du processus d'urbanisation qui treuil et le Cambrésis où, avec respectivment 142
y a regroupé les hommes, explique pour partie cet 148 artisans pour 10000 habitants, on atteint l
affaiblissement relatif du fait artisanal régional con¬ maxima régionaux (Fig. 1).

LEGENDE :
Nombre d'artisans pour 10 000 habitant
I I moins de 85
CALAIS (78,8 DUNKERQUE (89 >3) I— I 85 à 951
HU 195 à 1051
0 (105 à II5I
RFfllII5 à I25t
BOULOGNE (84,4) J SAINT-OMER- (117, 8 )_ _ _ _
0 [125 à 1351
B plus de 135
BETHUNE (98,8) IĘ (l03 ,9 )

MOBTREDIL (142,4) LENS (72,5) -VALENCIENNES (91,9)


DOUAI (82,6) -"-1

AVESNES/HELPE

CAMBRAI (148

FIGURE I. D.P.84

LES DENSITES ARTISANALES PAR ARRONDISSEMENT DANS LA REGION NORD-PAS-DE-CALAIS (1984).


Source. RlM.1«84etR.&P.1982.
Dans ces deux cas l'artisanat local est marqué par Toutefois certaines spécificités régionales apparais¬
des orientations spéficiques, en rapport avec une tra¬ sent dès lors que l'on considère les indices relatifs de
dition ou une vocation régionale originale qui expli¬ densité artisanale (tableau 2). Ainsi le maximum des
que ces plus fortes densités la tradition ancienne petites unités urbaines de moins de 5000 habitants
d'un artisanat de production textile, avec notamment

:
apparaît plus nettement à l'échelon régional qu'à celui
la broderie mécanique autour de Villers-Outréaux pour du pays; un maximum secondaire est mis en évidence
le Cambrésis; la vocation touristique du littoral de la entre 20000 et 50000 habitants; enfin les densités
Côte d'Opale et de son immédiat arrière-pays pour relatives pour les unités urbaines de plus de 200000
le développement du bâtiment dans l'arrondissement habitants sont moins éloignées de la moyenne régio¬
de Montreuil. L'artisanat apparaît ainsi comme un sec¬ nale qu'elle ne le sont pour l'ensemble du pays.
teur d'activité particulièrement lié au milieu géogra¬ L'appareil artisanal met ainsi en valeur quelques
phique où il est implanté. Cette géographie régionale niveaux très spécifiques de l'urbanisation régionale
de l'artisanat reprend en fait largement à son compte sur lesquels il s'articule. Mais ces observations doi¬
l'opposition entre secteurs très urbanisés et ceux où vent être nuancées par le fait que les densités artisa¬
la population rurale reste plus importante comme le nales concernées restent relativement faibles par
montre le tableau 1 La métropole est le seul secteur rapport aux valeurs moyennes nationales : les maxima
quasi totalement urbanisés à dépasser les 1 00 arti¬
.

régionaux atteignent tout juste le niveau moyen natio¬


sans pour 10000 habitants. nal (147,5 artisans pour 10000 habitants en 1983).
Nous sommes encore loin des chiffres que l'on peut
rencontrer dans le Sud-Ouest par exemple.
TABLEAU 1
Densités artisanales et population rurale par arrondissement Il n'en reste pas moins vrai, même dans ce contexte
.

dans la région Nord - Pas-de-Calais régional de plus faibles densités, qu'une caractéristi¬
que géographique fondamentale du secteur des'
Arrondissements Dept. artisanale
Densité d'artisans
Nombre Popula¬
tion %lation
Popu¬ métiers est sa diffusion spatiale très poussée, qui le
(p. 10000 h.) (RIM 84) (RGP 82) rurale fait concerner l'ensemble de l'espace régional à tous
Cambrai 59 148,6 2.488 167.699 32,90 les niveaux hiérarchiques de son organisation. Tou¬
Montreuil 62 142,4 1.353 95.636 38,95
Saint-Omer 62 117,8 1.645 139.594 36,83 tefois une prédilection plus marquée pour le milieu
Arras 62 115,2 3.418 296.649 39,89 rural s'affirme, notamment en ce qui concerne l'éche¬
Lille 59 103,9 1 1 .773 1.128.088 3,40
Avesnes/H. 59 100,3 2.511 250.632 23,03 lon d'organisation des bourgs ruraux (2000 à 5000
Béthune 62 98,8 2.774 277.201 1,07
Valenciennes 59 91,9 33.310 360.345 5,77 habitants), centre d'animation artisanale principaux
Dunkerque 62 89,3 3.315 371.670 16,52 des campagnes. Ce caractère fait du secteur des
Boulogne 62 84,4 1.335 158.180 14,33
Douai 59 82,6 2.019 244.092 16,52 métiers un objet d'étude pertinent comme support
Calais 62 78,8 890 113.001 9,84 d'un concept de développement local, notamment en
Lens 62 72,5 2.407 332.152
REGION 96,1 37.779 3.934.939 13,55 milieu rural, privilégiant ainsi l'approche théorique
micro-géographique (grande échelle) du phénomène.

Ces observations sont confirmées par la répartition


des densités artisanales en fonction de la taille des 2. Artisanat et développement régional :
communes de localisation des entreprises (tableau 2). un secteur économique fondamentalement
On constate ainsi pour la région du Nord une distri¬
bution identique à celle observée pour l'ensemble du en prise sur le milieu local_
pays, avec un maximum de densité pour les petites
unités urbaines de 2000 à 5000 habitants (142 pour
le Nord, 199 pour la France), soit un chiffre un peu
supérieur aux communes rurales, tandis que ce chif¬
fre diminue régulièrement alors que s'accroît la taille
des agglomérations. teur
che
en
domaine
Lerégion
régional
l'intermédiaire
un
auquel
la
de aspect
développement
valeur
rôle
àdes
grande
ilde
concerne
contribue.
métiers,
peut
qui
social
sa
l'artisanat
privilégie
fonction
permettre
échelle
des
par
son
àrégional;
emplois
lal'animation
Une en
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lede
étude
matière
un
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situer
mais
etce
relatif
aspect
services
àpeut
de
processus,
l'échelle
c'est
de
ledans
aul'espace
économique,
potentiel
développement
mettre
milieu
par
qu'il
le une
globale
processus
lelocal.
dans
régional
offre,
du
appro¬
mieux
sec¬
par
de
un
et

Densités artisanales
et dans
selon leTABLEAU
la Nord-Pas-de-Calais
taille des2. unités urbaines en France
Com. 2 5 10 20 50 100 200 Plus En¬
d'habit.)
(milliers
urbaines
Unités rura¬ à à à à à à à de sem¬
les 5 10 20 50 100 200 2.000 2.000 ble 2.1. La place de l'artisanat dans l'économie
Densité artisa¬ régionale
nale France 180,1 199,2 183,2 162,2 151 135 117,9 123,7 106,7 147,5
Indice de den¬ 2.1.1. Les entreprises
sité artisanale
France 122,1 135,1 124,2 110 102,4 91,5 79,9 83,9 72,3 100 Le secteur des métiers regroupait, en 1985, 35729
Densité artisa¬ entreprises dans la région. En fait, au-delà de cette
nale N.-P.-d.-C. 117,6 142,1 118,7 112,3 114,4 94,6 69,9 87,7 _ 96,1 apparente précision, il reste difficile de dénombrer
Indice de den¬ avec une totale perfection le nombre d'entreprises arti¬
sité artisanale sanales (3). On peut néanmoins s'accorder sur cer¬
N.-P.-d.-C. 122,4 147,9 123,6 116,9 119,1 98,4 72,7 91,3 100
tains aspects essentiels de l'évolution de l'artisanat
21
régional sur une période suffisamment longue, cela par des actions de formation et d'encadrement, à faci¬
malgré l'élargissement de la définition du secteur des liter le passage des anciens salariés à la fonction de
métiers intervenu en 1976(4). Ainsi, depuis 1968 chef d'entreprise. Mais pour l'instant, nombreuses
(41 728 entreprises immatriculées au Répertoire des sont les expériences d'essaimage qui ne constituent
Métiers), on peut reconnaître une première phase de qu'un volet, parmi d'autres, d'une gestion sociale des
baisse qui prolonge en fait le long déclin de l'artisa¬ reconversions et des suppressions d'emploi. Cela
nat depuis la seconde guerre mondiale, et qui ajouté au fait que l'essentiel des créations concernent
s'achève dans la région vers 1975, c'est-à-dire plus des activités de commerce ou de service induits, et
tardivement qu'à l'échelon national où l'étiage des non des activités de production bąties autour de pro¬
effectifs se situe vers 1969-1970 (environ 760000 duits performants, montre toutes les limites du con¬
entreprises contre plus d'un million en 1948). A cette cept d'essaimage par rapport à la problématique du
date le secteur des métiers régional regroupe envi¬ développement régional; sans compter qu'il peut
ron 38800 entreprises, et se stabilisera à ce niveau s'agir aussi dans certains cas d'une stratégie des
jusque 1979. Le début de la décennie 1980 est mar¬ anciens employeurs, qui, cherchant à diminuer leurs
qué par un accroissement des effectifs de 1 000 à charges
exclusifs sociales,
de leurs anciens
deviennent
salariés
des donneurs
devenus en d'ordres
fait de
1 200 unités pour atteindre 40000 entreprises imma¬
triculées. Pour la France entière, c'est dès 1972 que pseudo-artisans dépendants : c'est le cas de certains
le nombre d'entreprises artisanales s'accroît (+ 5000 tacherons du bâtiment ou de certains façonniers tex¬
à + 8000 unités par an) avec une nette accélération tiles. Ceux-ci contribuent parfois à déstabiliser l'offr
de 1 977 à 1 981 ( ± 1 0000 unités par an en moyenne). en acceptant des prix inférieurs aux coûts des autres
Çete phase de croissance d'une dizaine d'années artisans, voire même à leurs propres coûts s'ils ne maî¬
pour la France, de 3 à 4 ans pour la région, permet trisent pas totalement leur gestion. Il s'agit en fait, dans
l'émergence d'un discours politico-économique sur ce cas, d'un phénomène de restructuration d'un
le bon comportement d'un secteur dominé par la appareil de production sans articulation aucune avec
petite entreprise en période de crise, et que l'on avait un processus de développement régional.
trop
courstôtrelatif
condamné
au secteur
sur l'autel
des métiers
de la modernité.
s'articulaitCe
surdis¬
un
Le flux de sortie, c'est-à-dire les radiations du Réper¬
autre, plus général, significatif de la philosophie du toire, est constitué de cessations d'entreprises, failli¬
« small is beautiful » (5). Cette période de renouveau tes ou retraites, mais aussi des passages hors du
économique pour l'artisanat servira de support à l'éta¬ secteur des métiers d'entreprises en croissance qu
blissement de politiques de développement, ayant dépassent le seuil juridique des 10 salariés, sans
notamment, pour ce qui nous concerne en tant que oublier les disparitions purement statistiques issue
géographe, une dimension territoriale. Celle-ci trans¬ des efforts de mise à jour du Répertoire. Dans la réa¬
paraît dans de nombreux documents d'aménage¬ lité il est bien difficile de faire la part des choses entr
ment, notamment en milieu rural, à l'occasion par les diverses composantes de ces flux. Le fait majeur
exemple des contrats de Pays. Ce sera le cas dans en ce qui concerne l'évolution récente tant nationale
la région à partir de 1976 avec le contrat du Pays que régionale, réside dans la réapparition d'un solde
d'Avesnes qui amorcera une politique de décentrali¬ négatif entre entrées et sorties.
sation reviendrons
nous de la Chambreultérieurement.
de Métiers du Nord sur laquelle
Ainsi, du 1 -1 -1 983 au 1 -1 -1 984, la région perdait prè
de 900 entreprises artisanales; elle en perdait encor
Si le flux d'entrée au Répertoire des Métiers est ali¬ 1 200 l'année suivante pour revenir à un effectif de
menté par un mouvement réel de création d'entrepri¬ 35729 entreprises actives, c'est-à-dire au plus ba
ses, il l'est également par, notamment pour le bâtiment niveau jamais atteint. Il est vrai qu'une modification
ces dernièrs années, par l'intégration au secteur des récente dans le mode d'immatriculation au Répertoire
métiers de PME ayant réduit leur effectif salarié jus¬ la
rend
diminution
difficiles de
les 3000
comparaisons
unités en(7).1983
Pourramène
la Francele
que sous le seuil maximum de 10 employés. Depuis
plusieurs années les licenciements pratiqués dans effectifs à un niveau atteint vers 1980-1981. Ainsi l
l'industrie ont nourri le flux de création d'entreprises position du secteur des métiers n'apparaît peut-êtr
de nouveaux artisans qui risquaient dans l'aventure plus aussi forte qu'elle a pu l'être précédemment. L
les primes éventuellement perçues à l'occasion de discours
être totalement
politico-économique
remis en cause,évoqué
car il conserve
plus haut,à notr
san
leur départ de chez leur ancien emloyeur. Plus que
de créer une entreprise, il s'agit souvent, en ce qui avis beaucoup de sa pertinence à l'échelle locale, on
concerne la motivation du créateur, de maintenir son y reviendra, doit être pour le moins plus nuancé.
emploi, d'où une attitude psychologique qui n'est pas
toujours celle d'un novateur. La nécessité d'une ges¬
tion rigoureuse est également, parfois, une découverte 2.1.2. Les actifs
difficile, ce qui fragilise d'autant certaines de ces jeu¬ Au-delà du nombre d'entreprises, l'importance du
nes entreprises. De telles créations peuvent parfois secteur des métiers tient également à la masse non
être encouragées et encadrées par les anciens négligeable d'actifs qui s'y rattachent. Ainsi, au
employeurs (6) : les Houillères du Nord - Pas-de-Calais 31-12-1983, le secteur artisanal régional employai
(HBNPC), ou encore la Compagnie Française des 66480 personnes, y compris les apprentis, par l'inter¬
Aciers Spéciaux et la Normed dans le Dunkerquois, médiaire de 1 8 1 73 employeurs affiliés au régime de
en ont donné ces dernières années quelques exem¬ ASSEDIC (8) : ceux-ci représentaient ainsi 49,3% de
ples. En la matière, la COREM est à l'origine d'une artisans de la région et utilisaient chacun les service
opération pilote intéressante avec les HBNPC qui vise, de 3,66 salariés, ce qui donne pour l'ensemble du
22
secteur des métiers de la région 1 ,8 salarié pour un production à la spécificité régionale, ou pour le moins
artisan. Si 50,7 % des artisans n'employaient aucun locale
la broderie
pour lamécanique,
seconde, trèsdemarquée,
l'autre leavec
travail
d'unedepart
la
salarié, 21 ,8 % en employaient un, 14,5 deux ou trois,
5,9 de six à huit et 1 ,6 plus de dix. Par rapport à la chaise. Pour 25 de ces communes, toutes rurales, il
moyenne française (56,2 %), les artisans sans sala¬ représente même plus de la moitié d'un emploi local
riés sont donc un peu moins nombreux dans la région. qui, le plus souvent,
soixante-dix unités. Pour
est compris
certaines
entrecommunes
la vingtainetrès
et
Cette taille
sanales de la
un région
peu plus
est très
grande
certainement
des entreprises
corrélative
arti¬
petites, c'est même parfois la source quasi unique
de l'urbanisation plus poussée du milieu régional ainsi d'emploi. Au contraire, pour 12 communes urbaines
que des densités artisanales plus faibles. sur 18, là où l'activité est plus diversifiée et la masse
d'emplois offerts plus importante, la part de l'artisa¬
Si les employeurs du secteur des métiers représen¬ nat ne dépasse pas 10 %. C'est également le cas,
taient au 1-1-1984 28,6 % des employeurs affiliés à dans cette région où l'industrie textile est traditionnel¬
une ASSEDIC de la région, les salariés ne pesaient lement dispersée, pour 27 communes rurales où
que pour 7,6 % de l'ensemble. Par rapport au total généralement est implanté au moins un établissement
de l'emploi régional (le régime des ASSEDIC ne con¬ industriel qui accroît la masse globale d'emplois
cerne pas l'ensemble des salariés) sa part peut être offerts : c'est le cas pour une commune comme Clary.
évaluée à 5,7 %. En fait, l'évaluation de la part de l'arti¬ Pour d'autres, l'emploi local est gonflé par une acti¬
sanat dans l'activité régionale à partir des effectifs sala¬ vité commerciale et de service (hors secteur des
riés est certainement trop restrictive et peu adaptée métiers) un peu plus développée par leur position à
àprend
la nature
en compte
même du ni fait
les artisanal.
artisans eux-mêmes,
Cette approcheni leur
ne un échelon infra-urbain de l'organisation spatiale
régionale, ce qui confère un rôle d'animation très loca¬
conjoint qui, dans une proportion difficile à préci¬ lisé sur l'espace rural immédiatement proche, et qui
ser (9), que ce soit en nombre d'individus ou en temps profite également à l'artisanat sensu-stricto, ainsi par
passé pour chacun d'eux, participent à l'activité de Cambrai.
exemple pur une commune comme Saint-Hilaire-les-
l'entreprise. Ainsi, les actifs de l'artisanat, entendus
comme l'ensemble des artisans, de leurs apprentis
et leurs salariés, mais sans les auxiliaires familiaux, Mais le rôle de l'artisanat dans le développement local
représentent 7,8 % des actifs de la région (1982) et ne se limite pas à son apport en matière d'emploi :
10 % de ceux de l'ensemble du pays. il participe également à l'animation économique et
Mais cette évaluation globale de l'artisanat à l'échelle sociale
ce rôle de
avecl'espace
des commerces
où il est ancré.
et des
En services
ville, il partage
divers
de la région n'est pas suffisante pour mettre en évi¬ d'autant plus nombreux et rares que la taille de l'unité
dence la façon dont ce secteur intervient dans le pro¬ urbaine est importante. A côté de ceux-ci il peut appa¬
cessus de développement de celle-ci. C'est en fait à raître quelque peu marginalisé, notamment en raison
une échelle encore plus fine qu'il convient de poser des pressions économiques sur sa localisation qui ten¬
le problème. dent à l'éloigner des centres-ville pour le confiner dans
les quartiers, qu'il contribue à animer, ou à la périphé¬
rie de l'agglomération en fonction du type d'activité.
Au contraire, en milieu rural, le secteur des métiers
2.2. Un domaine d'activité essentiel par rapport représente souvent l'essentiel de l'appareil commer¬
au concept de développement local
2.2.1. L'artisanat, facteur d'animation sociale cial des
cier. A cecommunes,
titre il contribue
aux côtés
de du
manière
cafetierdécisive
ou de l'épi¬
à la
et économique du milieu local diffusion et au maintien de services en milieu rural. Il
En effet, par sa diffusion spatiale poussée, l'artisanat participe alors à l'animation économique locale ou
joue un rôle de premier ordre, notamment en milieu péri-locale par les services qu'il offre dans la commune
rural, dans l'économie du milieu local à laquelle il est ou pour les communes voisines en fonction du rayon¬
pleinement intégré. Il intervient dans le processus de nement géographique des artisans concernés. Il cons¬
développement de cette économie à la fois par les titue ainsi un facteur essentiel dans les phénomènes
emplois qu'il peut procurer, mais aussi par l'anima¬ de micro-polarisation que l'on peut observer à un
tion économique et sociale, qu'il permet. Par ses échelon infra-urbain en milieu rural. Ceux-ci permet¬
caractéristiques intrinsèques en la matière (plus for¬ tent l'émergence de micro-centres ruraux, un peu plus
tes densités artisanales régionales, activités variées, équipés que les communes voisines, qui apparaissent
notamment grâce à la présence d'un artisanat de pro¬ comme les supports géographiques ultimes, par rap¬
duction textile important), le Cambrésis offre un exem¬ port à une conception hiérarchisée de l'organisation
ple régional pertinent pour mettre en valeur de telles de l'espace, de l'accessibilité aux services.
inter-relations (10). L'étude de l'activité artisanale au
niveau communal y est assez révélatrice. Ainsi, en Egalement, d'un point de vue social, à l'instar des
1983, alors que l'artisanat dans l'arrondissement cafés ou d'autres commerces, les établissements des
regroupait 2560 artisans et 2700 salariés et appren¬ artisans constituent autant de lieux de rencontre pour
tis, l'emploi artisanal représentait plus de 30 % de les habitants du village (ou du quartier en ville) qui offre
l'emploi total local pour 37 communes, soit le tiers des eux-mêmes.
l'occasion d'échanges
Par ce réseau
avecl'information
l'artisan ou locale
entre circule
clients
communes de la circonscription. Trois d'entre-elles
seulement dépassaient le seuil des 2000 habitants, rapidement. Surtout orale, elle se matérialise souvent
Villers-Outréaux, Iwuy et Neuville-Saint-Rémy les également dans la boutique par des affiches ou affi¬
deux premières sont le siège d'activités artisanales de
:

chettes : petites annonces des particuliers, faire-part,


23
informations du curé, de l'école, des associations, de nence celle de la situation socio-économique du milieu
la mairie... La boutique de l'artisan, surtout pour ceux local oùrural.
milieu il est implanté, cela tout particulièrement en
qui ontnodal
point nécessité
essentiel
de du
vitrine,
réseau
apparaît
de sociabilité
ici commelocal.
un

Enfin, dans les communes rurales, l'artisan partage Le second type d'artisanat concerne les entreprises
avec les autres indépendants, les agriculteurs et cer¬ dont
cette
le cadre
l'espace
activité.
local Pour
économique
et régional
l'essentiel
ende fonction
cela
leur concerne
activité
du marché
dépasse
l'artisa¬
de
taines professions libérales, la caractéristique d'exer¬
cer sa citoyenneté locale là où à la fois il exerce son nat de production, mis à part certains métiers réces¬
activité et possède ses intérêts économiques. L'étude sifs qui n'ont pu élargir leur marché, et qui ne se sont
de leur
nous avons
participation
eu l'occasion
aux de
conseils
mener dans
municipaux
le Cambré-
que maintenus qu'en évoluant vers une activité annexe,
souvent devenue prépondérante, à caractère com¬
sis (11) montre que, s'ils ne représentent pas locale¬ mercial ou de service, orientée sur le marché local ou
ment un groupe de pression aussi puissant que celui péri-local (par exemple bourrelier devenant cordon¬
des agriculteurs (4,5 % de la population des ména¬
ges de l'arrondissement, 15,5 °/o des conseillers muni¬ nier). Cette ouverture plus large de l'espace écono¬
cipaux, 30 °/o des maires), ils apparaissent cependant mique des entreprises artisanales (échelle nationale
ou internationale) peut se faire de manière directe pour
relativement bien représentés avec les autres indépen¬
dants (c'est l'approche globale des indépendants qui, des producteurs indépendants, ou de manière indi¬
recte, par l'intermédiaire de la sous-traitance ou du
en tant que classe sociale (1 2) nous paraît la plus per¬
tinente) : artisans, commerçants et chefs d'entrepri¬ travail à façon. Dans le premier cas, cela concerne
ses représentent 7,7 % de la population des ménages des producteurs isolés, sur un créneau précis, qui,
dans l'arrondissement de Cambrai, 7,7 % des con¬ cherchant à élargir leur marché, peuvent être ame¬
seillers municipaux et 9,6 % des maires. Ce poids rela¬ nés, pour l'hypothèse la plus favorable, à développer
tif est supérieur à celui des employés, ouvriers et leur entreprise jusqu'à dépasser le cadre de l'artisa¬
retraités largement sous-représentés, mais, pour ce nat. Celui-ci apparaît alors, en tant qu'échelon infra-
qui concerne la fonction de maire, nettement inférieur industriel, comme le terreau duquel peuvent émerger
les PME qui renouvelleront le tissu économique régio¬
aux cadres, professions libérales, intellectuelles et nal. Dans le second cas, l'ouverture est le fait de don¬
intermédiaires (1 7 % de la population des ménages,
17,7 % des conseillers et 31,6 °/o des maires). Cela neurs d'ordre, et concerne peu, en définitive, des
sous-traitants et façonniers qui n'ont pas de prise sur
traduit, mais à un moindre degré que pour les agri¬
culteurs, l'ancrage et l'influence de ces indépendants un marché dont ils ne peuvent que subir les évolu¬
dans le milieu local, tandis que les chiffres des cadres tions passivement, à travers le volume de leur charge
seraient davantage le reflet d'une position d'influence de production. Dans ce schéma, la sous-traitance de
plus générale de ces professions dans la société fran¬ spécialité, qui repose sur la performance technique
de l'entreprise, est plutôt à rapprocher du premier cas.
çaise, qui s'exprimerait pleinement, à l'échelle locale,
au plus haut niveau des responsabilités communales.
Souvent alors l'ouverture concerne un ensemble de
Mais au-delà d'un exemple régional, utile comme sup¬ producteurs, géographiquement concentrés, travail¬
port de la réflexion, il est possible d'essayer de géné¬ lant dans une même activité, et associés en un
raliser celle-ci et de dégager une position théorique système spatial à travers un réseau régional de sous-
sur le rôle et la place de l'artisanat dans le dévelop¬ traitance et de liaisons techno-économiques. Ce
pement d'un espace régional. De ce point de vue il système s'organise autour d'un centre principal dont
convient de distinguer, à notre avis, deux types d'arti¬ le nom est historiquement et intimement associé à
sanat en fonction de l'assise géographique de leur cette activité. Le plus bel exemple régional est offert
marché, qui conditionne largement la forme des rela¬ par l'activité de la broderie mécanique dans le sec¬
tions
nal considéré.
qu'ils entretiennent chacun avec l'espace régio¬ teur du Cambrésis-Vermandois, autour de Villers-
Outréaux (13); mais on rencontre aussi ce genre de
situation ailleurs, par exemple pour la coutellerie
2.2.2. Deux types d'artisanat autour de Nogent ou de Thiers, pour le décolletage
Un premier type, qui regroupe en fait la part la plus dans la vallée de l'Arve, ou pour les plastiques (mou¬
importante du secteur des métiers, est essentiellement lage) autour d'Oyonnax. Ce dernier exemple montre
tourné vers le marché local ou péri-local, voire régio¬ que la concentration spatiale n'est pas forcément une
nal pour celles des entreprises qui ont un rayonne¬ donnée permanente, malgré son caractère souvent
ment plus important. Elle concerne en priorité la traditionnel : elle est actuellement beaucoup plus dif¬
clientèle des particuliers avec notamment l'artisanat fusée dans l'ensemble du territoire national qu'elle ne
de l'alimentation, celui de service et du bâtiment. Par l'était à l'origine (14). Ainsi, par ses caractéristiques,
ses prestations, il contribue, aux côtés des autres for¬ l'artisanat de production se situe aux côtés de l'indus¬
mes de commerce local, à la qualité du cadre de vie trie, mais de façon plus marginale sauf à l'occasion
des habitants; la spécificité tient surtout, en la matière, de ces exemples de concentration géographique
à sa diffusion très poussée, jusqu'aux communes rura¬ d'une activité, plutôt à l'amont du processus de déve¬
les les plus petites, qui rend particulièrement acces¬ loppement
marché avecrégional.
le milieuS'il
local
n'aoù
queil est
peuimplanté,
de rapports
il entre¬
de
sibles les activités concernées. Ce type d'artisanat à
vocation locale se situe plutôt en aval du processus tient avec celui-ci d'autres types de relations, qui
de développement régional. Dans cette perspective, valent également pour les autres formes d'artisanat,
l'évolution de l'artisanat semble refléter avec perti¬ et qui concernent notamment son apport en matière

24
d'emploi et d'animation économique. Mais il s'en l'autre : ainsi, si les actions en faveur des activités non
ajoute une, plus profonde, à caractère historique, qui agricoles représentent 71 % du financement Fiat dans
repose sur les traditions anciennes de certaines l'Est-Cambrésis, où l'artisanat et l'industrie textile sont
régions à la personnalisation desquelles l'artisanat par¬ bien représentés, il n'en représente que 1 8 % pour
ticipe, particulièrement par l'image de marque de le Pays de Cassel, plus majoritairement agricole. C'est
savoir-faire qu'il apporte alors. dans le Pays d'Avesnes, le premier contrat signé, que
l'artisanat représente la part la plus importante du
En définitive, l'artisanat apparaît comme l'un des sup¬ financement global des opérations avec 30 °/o du
ports possibles d'un développement économique financement du contrat; l'Est-Cambrésis, le Ternois et
envisagé à l'échelle locale, mais qui s'articule sur les le Val de Canche lui consacrent entre 1 0 et 1 5 % du
nécessités d'un développement régional plus global. financement, et les secteurs d'Audruicq et de Cassel
Dans cette perspective, le Nord - Pas-de-Calais offre moins de 5 °/o. En ce qui concerne les C.R.A.R., les
un exemple pertinent pour montrer de quelle façon premiers contrats signés de 1977 à 1979 n'accordent
l'artisanat a pu être pris en compte dans les politiques qu'une faible place à l'artisanat (généralement moins
territoriales de développement ces dernières années, de 3 %) : la priorité est alors donnée aux équipements
et avec quelles conséquences structurelles sur l'orga¬ plus qu'aux actions de développement économique.
nisation du secteur des métiers régional. Par la suite, au contraire, la part consacrée aux actions
économiques augmente : à quelques exceptions près,
la Flandre occidentale et le Ternois notamment (ce
dernier avait déjà consacré une part non négligeable
3. Espace, politiques de développement à l'artisanat à l'occasion du contrat de pays), l'artisa¬
et mutations structurelles nat prend plus d'importance. On peut citer l'Ouest-
de l'organisation du secteur des métiers Cambrésis, la Plaine de la Scarpe et le Hainaut wal¬
dans l'exemple du Nord - Pas-de-Calais lon où il représente plus de 20 °/o du financement des
contrats, ou encore le Val de Canche (plus de 1 5 %).
3.1
dans
régional
. Lalesprise
: l'exemple
politiques
en compte
de
territoriales
l'aménagement
de l'artisanat
de développement
rural
Outre l'évolution, avec le temps, de la philosophie qui
a présidé à leur élaboration, la structure de ces con¬
C'est en effet dans le monde rural que l'artisanat s'est trats reflète également des préoccupations locales dif¬
affirmé comme une composante économique dont il férentes en rapport avec les caractéristiques propres
était nécessaire, pour toutes les activités que nous à chacun des milieux géographiques considérés. On
avons analysées plus haut, de tenir compte à l'occa¬ retrouve ainsi parmi les secteurs géographiques où
sion des actions de développement territorial mises une part non négligeable du financement des contrats
en place ces dernières années dans la région. Ces a été consacrée aux activités non agricoles, notam¬
actions ont été menées successivement, à la suite de ment celles à caractère artisanal, des campagnes
l'élaboration des P.A.R. au début des années 1970 industrialisées où l'artisanat pouvait, notamment par
d'abord, puis des politiques contractuelles qui ont ses densités, jouer un rôle important dans l'économie
suivi, avec les contrats de pays dans la seconde moi¬ locale, comme l'Est-Cambrésis, la bordure de la forêt
tié de cette même décennie, et parallèlement, de sub¬ de Mormal, ou d'autres dont la vocation touristique
ventions régionales de suivi de P.A.R. (opération « Un affirmée s'articulait sur des densités artisanales fortes,
million par P.A.R. » à partir de 1976), des C.R.A.R. tel le Pays de Montreuil. C'est par la multiplication de
à partir de 1 977, puis des contrats de filières et autres ces actions contractuelles, qui revêtirent les formes les
contrats de pays d'accueil mis en place localement plus diverses, touchant aussi bien à l'apprentissage,
à l'occasion du plan intérimaire de 1981-1983, et enfin la formation continue, l'assistance technique, la créa¬
à l'occasion de quelques opérations programmées tion de zones ou de centres d'activité artisanale, que
localement, du type O.P.A. H. (Opération Programmée les Chambres consulaires de la région furent condui¬
d'Amélioration de l'Habitat, instituées dès 1977, mais tes à s'interroger sur la dimension territoriale des
qui se développent surtout à partir de 1980) (15). Cité actions de développement du secteur des métiers qui
dans la plupart de ces documents soit directement, leur incombe de par leur fonction. L'un des moindres
en tant que tel, soit indirectement, à l'occasion par aspects de la question n'était pas la position stratégi¬
exemple de la nécessité évoquée de développer que à retenir face à ces possibilités de financement
l'emploi non-agricole, ou encore de l'affichage de pro¬ « territorialisé » : le secteur des métiers pouvait-il être
jets d'O.P.A.H., l'artisanat apparaît comme un des absent non seulement des lignes budgétaires, mais
supports d'action de développement au niveau local. plus encore d'une réflexion sur le milieu local, dans
le tissu économique duquel il occupe une place de
Plus concrètement, la place de l'artisanat dans les poli¬ choix ? Parallèlement, les chambres consulaires
tiques contractuelles appliquées peut être appréhen¬ devaient se situer par rapport aux institutions régio¬
dée à travers l'importance du financement qui lui a nales dont l'importance comme échelon de décision
été accordé. Ainsi, à l'occasion des six contrats de s'affirmait davantage avec la décentralisation. Ces
pays signés dans la région, les actions en faveur de deux préoccupations devaient provoquer des chan¬
l'emploi non agricole ont représenté 45 °/o des subven¬ gements dans l'organisation consulaire à l'intérieur de
tions globales du Fiat, dont 23 °/o pour l'assistance la région, qui peuvent être interprétés, entre autres
technique aux métiers et 20 °/o pour l'apprentis¬ possibilités, comme une adaptation structurelle aux
sage (16). Mais comme le souligne les auteurs d'une différents niveaux géographiques d'approche des
étude réalisée sur ce thème (1 7), les applications en
matière d'artisanat varient beaucoup d'un contrat à tiqués
problèmes
ces dernières
de développement
années à l'occasion
régional quides
ontdifféren-
été pra¬

25
tes politiques mises en œuvre. C'est là certainement sentent le cadre institutionnel du secteur des métiers
un des
de celles-ci
pointsenessentiels
matière de
du bilan
secteur
quedes
l'onmétiers.
peut établir et l'instance de décision pour la mise en œuvre des
politiques de développement de l'artisanat; enfin, pour
le Nord, les bureaux décentralisés représentent les
3.2. Mutations structurelles de l'organisation structures d'application sur le terrain des politiques de
du secteur des métiers et niveaux géographiques développement local de l'artisanat et, par les commis¬
d'approche des problèmes de développement sions d'arrondissement, un niveau de proposition pour
La participation des Chambres de Métiers à l'élabo¬ l'élaboration de ces politiques.
ration des chapitres consacrés à l'artisanat des politi¬
ques territoriales de développement mises en œuvre Mais, en dépit d'une évidente complémentarité entre
à l'occasion des différents contrats d'aménagement, les trois niveaux, cette évolution structurelle, et l'inté¬
a provoqué en leur sein une réflexion sur la nécessité rêt qu'elle présente par rapport aux nécessités du
et l'opportunité d'une adaptation des structures con¬ développement régional, trouvent maintenant leurs
sulaires : nécessité de se rapprocher des besoins limites. Ainsi, alors que le secteur des métiers s'est
exprimés localement par les artisans, opportunité d'un àmobilisé
l'occasion
sur des
de contrats
pratiquesà financement
de développement
territorialisé
local
financement d'opérations d'assistance technique loca¬
les. C'est la Chambre de Métiers du Nord qui devait jusqu'au début des années 1980, c'est maintenant le
pousser le plus loin cette réflexion en posant d'emblée plan régional qui constitue le cadre de telles pratiques,
le principe de la décentralisation de son appareil. notamment à travers le financement qui leur est con¬
Dans chaque arrondissement a été mis en place un sacré. Mais on peut s'interroger ici sur la portée des
assistant technique des métiers (A.T.M.), ainsi qu'une choix retenus. Est-il utile d'encourager la création de
zones artisanales alors que nombre de celles qui exis¬
commission
dans une assemblée
d'arrondissement
à vocation
regroupant
consultative.
des artisans
A l'ori¬ tent déjà ne sont pas remplies ? Si oui, sous quelle
gine du processus on trouve l'expérience menée lors forme
de telles
qui zones
permette
entred'éviter
communes
une course
voisines
à l'équipement
? Ne faut-il
du contrat de pays d'Avesnes en 1 976, qui fut l'occa¬
sion de l'implantation du premier A.T.M. décentralisé pas envisager une sorte de schéma directeur après
avoir dressé l'inventaire de ce qui existe déjà?
et decommission
de l'émergenced'artisans.
d'une première
Reconduite
forme spontanée
ensuite à L'encouragement au regroupement d'artisans prévu
l'occasion du contrat de pays de l'Est-Cambrésis, dans le contrat de plan particulier n'est-il pas, concrè¬
cette pratique fut étendue à l'ensemble du départe¬ tement, un vœu pieux dans ce milieu très individua¬
liste? Les quelques exemples de regroupements
ment. Ainsi
comme un moment
l'étape des
décisif
contrats
dans de
l'évolution
pays apparaît
de la réalisés, par exemple dans le bâtiment à l'occasion
réflexion de la Chambre de Métiers sur le problème d'OPAH, restent marginaux.
du développement local.
Parallèlement, le processus de décentralisation entre¬
Parallèlement à ce processus descendant, les struc¬ pris dans le Nord est bloqué. Le développement des
tures de l'organisation consulaire régionale étaient moyens des A.T.M. décentralisés n'a pas suivi leurs
concernées par une autre évolution qui se révélait sou¬ besoins, et ils doivent continuer à se partager, cha¬
haitable par l'importance croissante prise par les ins¬ cun dans son arrondissement, entre les actions de
tances politiques régionales. C'est à partir de 1981, représentation du secteur des métiers d'animation, de
devant la nécessité de présenter un interlocuteur uni¬ formation, d'information, de conseil aux artisans, aux
que de l'artisanat et de coordonner les actions des créateurs d'entreprises artisanales, et autres tâches
Chambres de Métiers et des organisations profession¬ administratives dont la multiplicité freine leur efficacité
nelles régionales, que la Conférence Régionale des d'où la nécessité de priorités à définir dans leur mis¬
Métiers d'années
dizaine (COREM) d'existence
a pris son véritable
tout à faitélan
formelle.
aprèsAinsi
une sion. D'autre part, la commission d'arrondissement
n'est peut-être pas toujours la force de proposition
c'est la COREM qui a négocié avec la région et l'état qu'elle devrait être ce qui fut à l'origine décentrali¬
le contrat de plan particulier artisanat en 1984 : 43,5
:

sation ne glisse-t-il pas ainsi vers une simple décon¬


millions de francs sur cinq ans, pour moitié financés centration des services consulaires, telle qu'elle est
par l'Etat, 38 % la Région et 1 1 ,5 % la COREM. A pratiquée, à Boulogne
Pas-de-Calais où la formule
et Calais,
de la commission
par la Chambre
d'arron¬
du
côté d'actions de développement des filières de pro¬
duction, de l'accès à l'information et à la formation, dissement n'a pas été retenue ?
ce contrat prévoit pour 29 °/o des moyens mis en
œuvre le financement d'une politique régionale de Ainsi,
nat nous
la politique
semble-t-elle
de développement
à la recherchelocal
d'un
de second
l'artisa¬
développement local organisée autour de trois thè¬
mes : l'aide à l'implantation (zones artisanales et bâti¬ souffle. Les contradictions internes du secteur des
ments artisanaux), aide à la transmission d'entreprises métiers, (hétérogénéité du secteur où les logiques des
et aide au regroupement d'artisans. organisations professionnelles et l'individualisme des
hommes l'emportent sur le sentiment commun
Ainsi, les nécessités et les opportunités politiques de d'appartenance à un même territoire, indispensable
ces dernières années ont provoqué une évolution des à l'émergence de pratiques de développement local,
structures consulaires vers un système organisé selon faible sensibilisation des élus des métiers à ce type
trois niveaux géographiques d'intervention. A l'éche¬ de problème, etc.) expliquent certainement pour une
lon régional la COREM constitue une instance de bonne part les blocages actuels. Mais il ne faut pas
coordination, de représentation et de réflexion; au négligeraupour
rieurs secteur
autant des
le rôlemétiers,
des facteurs
dontd'inertie
notamment
exté¬
niveau départemental les Chambres de Métiers repré¬
26
l'absence, au niveau de la politique de développe¬ (3) D. PARIS, Artisanat, organisation spatiale et développe
ment régional, de projets mobilisateurs à l'échelle teur
régional.
des métiers
L'exemple
dansdul'arrondissement
Cambrésis. Etude
de géographique
Cambrai, Nord.du
autrefois.
locale, tels qu'ont pu l'être les contrat de pays de Doctorat, Université d'Angers, 1985, 669 p. Chap
pp. 50-81 .
Ainsi, le secteur des métiers, par ses caractéristiques (4) Le nombre maximum de salariés requis pour l'inscripti
mêmes en matière d'implantation et d'insertion dans Répertoire passe alors de 5 à 10.
le milieu géographique local, apparaît comme l'un des (5) E.F SCHUMACHER, Small is beautiful, Seuil, collection P
secteurs économiques le plus directement concerné Paris, 1978, 318 p.
par la problématique du développement local : élé¬
ment fondamental de son tissu économique, il cons¬ (6) S. VITTU, Essaimage et artisanat dans le Nord - Pas-de-C
titue un facteur d'animation essentiel pour le milieu COREM-MST-ENVAR (Lille I), Lille, 1986, 65 p.
géographique qui l'accueille. Plus encore, il peut cons¬ (7) Le décret du 1 0 juin 1 983 relatif au Répertoire des Métier
tituer, en tant qu'échelon infra-industriel, une voie de cise que sont désormais immatriculées des personnes et no
passage balisée vers la création de PME qui étoffe¬ des entreprises.
ront le tissu économique régional tels que le montrent- (8) J. ILLIAS, L'emploi salarié dans l'artisanat du Nord - P
certains exemples de passage du stade artisanal au Calais, COREM-LEPUR (Lille I), 1985, 64 p.
stade industriel (18) : Ainsi, en définitive, c'est le déve¬
loppement même des entreprises qui assure la perti¬ (9) D. PARIS, Artisanat, organisation spatiale et développe
nence du lien théorique entre les deux niveaux régional, op. cit., p. 409.
géographiques, local et régional, d'approche du fait
artisanal. (10) D. PARIS, op. cit., pp. 92-121.
(11) D. PARIS, op. cit., pp. 470-476.
(12) F. GRESLE, Indépendants et petits patrons. Pérennité et
formations d'une classe sociale. Thèse d'Etat. Atelier de repr
tion des thèses de Lille III, 1980, 2 tomes, 1090 p.
(13) D. PARIS, Un exemple d'industrie en milieu rural dans le
NOTES de la France : l'industrie de la broderie dans le région de
Outréaux (Cambrésis). Problèmes et évolution. Les Cahiers
(1) Le secteur des métiers, tel qu'il a été défini en 1962, ne con¬ tais, n° 22, 1983, pp. 158-172.
cerne pas l'ensemble du fait artisanal. Ainsi, alors qu'un transpor¬
teur routier qui n'emploierait même aucun salarié ne relève pas du (14) P. BACHELARD, L'artisanat dans l'espace français, Ma
secteur des métiers, un déménageur avec dix employés peut être 1982, pp. 77-79.
immatriculé au Répertoire des Métiers. Pour cette immatriculation,
à la nécessité de pratiquer une activité qui relève de la Nomencla¬ (15) J. VAUDOIS, L'aménagement rural dans la région du
ture d'Activités du Répertoire (N.A.R.), s'ajoute celle d'un nombre - Pas-de-Calais : les plans d'aménagement rural. Hommes e
maximum de salariés, 10 dans le cas général depuis 1976, mais res du Nord, 1980, n° 1, pp. 34-45.
qui, sous certaines conditions, peut être porté à 15.
Voir D. PARIS, A propos de l'artisanat : quelques réflexions métho¬ (16) C. BARDY, C.J. BYLL, J. DEBAILLEUL, A. MALA
dologiques sur les critères de délimitation du secteur des métiers, E. VANHUYSSE, Artisanat et aménagement rural, MST-E
B.A.G.F., 1985, n° 3, pp. 189-193. (Lille I), 1983, 88 p + annexes. .
(2) Ces chiffres regroupent les entreprises réellement actives, (17) C. BARDY et al., op. cit., p. 4.
801 190 en 1983, et des entreprises « mortes », 45426 en 1983,
qui n'ont plus pour existence qu'une inscription fossile au Réper¬ (18) D. PARIS, Artisanat, organisation spatiale et développe
toire qu'elles viennent gonfler artificiellement. régional, op. cit., pp. 391-401.

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