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Editions Dalloz

Pourquoi des banques? / Why do we Need Banks?


Author(s): Thérèse Chevallier-Farat
Source: Revue d'économie politique, Vol. 102, No. 5 (septembre-octobre 1992), pp. 633-685
Published by: Editions Dalloz
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/24699438
Accessed: 04-11-2019 13:38 UTC

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Thérèse Chevallier-Farat
CESEFI S
Université de Paris /

Pourquoi des banques ?

Why do we Need Banks ?

Assurance de liquidité - Asymétrie d'information - Moyens de


paiements - Compensation - Prêteur en dernier ressort
Asymétrie Information - Liquid Insurance - Means of payments -
Compensation - Interbanking

Rev. écon. pol. 102 (5) sept.-oct. 1992

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634 Thérèse Chevallier-Farat

Sommaire

Introduction 635

1. Les imperfections des marchés financiers et l'émer


gence d'intermédiaires financiers 640
1.1. Les imperfections des marchés dans un monde sans

1.2. L'asymétrie d'information 646


1.2.1. Les principes d'analyse 647
1.2.2. Un intermédiaire pour limiter les consé
trie d'information 648
1) L'asymétrie d'information sur les projets 650
2) L'émergence d'un intermédiaire 651
3) La particularité induite des contrats au passif de la
banque 652
1.2.3. Remarques 654

2. L'assurance de liquidité dans une économie moné


taire 6 55

2.1. La banque comme assurance de liquidité 657


2.1.1. La demande de liquidité 657
2.1.2. L'illiquidité des actifs bancaires 658
2.1.3. La panique bancaire 658
2.1.4. La portée du modèle de Diamond Dybvig 659
2.2. La fourniture de services de liquidité n'est pas spécifique à la
banque 661
2.2.1. La liquidité des actifs 662
2.2.2. Les divers procédés de fourniture de
1) L'organisation des transactions 663
2) La fonction de contrepartiste 664

2.3. La spécificité de l'intermédiation bancaire tient aux


d'une économie monétaire 665
2.3.1. La gestion des moyens de paiements 666
2.3.2. L'articulation des services de paiements à la transformation
d'actifs 669
1) La fonction d'information 669
2) La fourniture de fonds 671
2.3.3. La banque appartient à un « système » bancaire 674
1) La compensation des paiements 674
2) La co-assurance interbancaire 676
3) La ré-assurance dans un système hiérarchisé 677

Conclusion 678

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Pourquoi des banques ? 635

Résumé. — A l'aide de la nouvelle théorie de I'in


d'être des banques et leur spécificité par rapport à
approches de la banque en termes d'asymétrie
économiques de I'intermédiation bancaire.

Mais l'assurance de liquidité procurée par la banqu


d'autres institutions financières. La spécificité de I'in
économie monétaire : en articulant la fonction d'in
banque produit d'une manière structurellement joi
des financements. Cette assurance suppose l'organi

Summary. — Thanks to the new intermediation t


d'être and their specificity among other financial in
provides the micro-foundations of the banking inter

But the liquidity insurance supplied by the banks is a


degree. The banking intermediation specificity must
economy. By co-ordinating their informational func
structuraly joint production of the payments insura
this insurance, banks need the co-insurance and re

« Money is informatio
J. Reed, Citic

Introduction

• Pourquoi des banques ? Sous cette question unique, se cachent


deux interrogations que l'on peut distinguer. La première revient à
rechercher les raisons d'être des intermédiaires financiers, tandis que
par la seconde, on s'interroge sur la spécificité de l'un d'entre eux, à
savoir, la banque.

■ Pourquoi des intermédiaires financiers? La réponse à cette


première question est déjà ancienne. Même si on assiste à des progrès
récents, elle fait appel aux imperfections des marchés pour expliquer
l'émergence d'intermédiaires sur les marchés.
■ Depuis Gurley et Shaw, la finance directe est opposée à la finance
intermédiée. Suivant le premier mode d'allocation des capitaux, les
emprunteurs placent des titres primaires auprès des prêteurs ultimes,
dans des opérations bilatérales sur les marchés financiers.

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636 Thérèse Chevallier-Farat

Mais les préférences de portefeuille des « échangistes » sont, en


règle générale, si différentes, qu'il y a place pour un intermédiaire.
Celui-ci achète des titres primaires, puis les transforme en dette
indirecte sur lui-même, placée auprès des prêteurs ultimes.
Ainsi l'intermédiation naît des imperfections sur les marchés de
titres primaires, ici, les préférences sur les caractéristiques d'actifs
sont largement incompatibles. En faisant écran, l'intermédiaire trans
forme ces caractéristiques.
• Plus généralement, dans l'analyse économique contemporaine,
l'existence des firmes est étroitement associée à l'imperfection des
marchés.

En reprenant le paradoxe énoncé par Robertson, on est conduit à la


distinction faite par Coase entre deux modes alternatifs d'allocation
des ressources, le marché et la firme, dont la démarcation réside dans
le « coût d'utilisation du système des prix ».
A partir de ces premiers apports, l'approche transactionnelle de la
firme s'est considérablement développée, notamment à la suite des
travaux de 0. Williamson. La firme internalise les coûts de transaction.

Pour leur part, Alchian et Demsetz ont insisté sur l'incertitude qui
entache aussi bien le contenu des contrats que la valeur des droits de
propriété. Dans ce contexte, la firme est conçue comme un nœud de
contrats. Les théories de l'agence et des signaux aident alors à
comprendre les particularités de ces contrats.
■ Dans le domaine qui nous occupe, l'incertitude sur la valeur des
actifs financiers expliquerait l'existence de firmes (financières) au
milieu des marchés (financiers). Si, de plus, cette incertitude est
associée à l'asymétrie d'information, alors certaines particularités des
contrats écrits par les banques trouvent une explication.
Cependant, si ces éléments expliquent pourquoi des intermédiaires
financiers apparaissent, nous verrons qu'ils ne permettent pas
toujours de repérer véritablement la spécificité de la banque par
rapport aux autres intermédiaires financiers.

■ Mais la banque est-elle un intermédiaire spécifique ? La deuxième


question ne comporte pas de réponse triviale et mérite d'être posée, à
une époque où les frontières entre les différentes institutions finan
cières sont rendues très floues.

■ En effet, depuis le début des années 80, l'on a assisté à la


prolifération de nouvelles institutions, ou de nouvelles activités dans
des institutions qui n'étaient pas, il a peu, assimilables à des banques.
Réciproquement, les banques sont amenées à diversifier le menu des
services qu'elles proposent.
Tous ces mouvements conduisent à une profonde redistribution
des activités financières et bancaires parmi les intermédiaires finan
ciers, et C. de Boissieu a pu dire que l'intermédiation bancaire avait
tendance à se banaliser.

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Pourquoi des banques ? 637

Dès lors, la spécificité bancaire ne tiendrait-elle qu'au particula


risme de la réglementation à laquelle les banques sont soumises ?

■ De fait, certains auteurs considèrent que la spécificité de la banque


n'est qu'apparente : elle ne procéderait que de la réglementation
bancaire qui induit des comportements particuliers. En l'absence de
cette réglementation, le caractère spécifique de l'activité bancaire
disparaîtrait.
■ C'est essentiellement à Black [1975] et à Fama [1980], que l'on
doit ces développements sur la neutralité bancaire. Dans un contexte
concurrentiel, l'hypothèse d'efficience des marchés financiers
permettrait d'étendre aux banques la neutralité financière, telle qu'elle
résulte du théorème de Modigliani-Miller (Fama).
Dans ce cadre d'hypothèses, les banques ont une fonction princi
pale qui est de gérer les paiements. Cette fonction se réduit à la
passation d'écritures et à la tenue des comptes. Mais comme une
transaction implique généralement d'autres transferts d'actifs, les
banques sont amenées à exercer une fonction secondaire de gestion
de portefeuille (1 ).
Dans la banque ainsi conçue, les dépôts ont une valeur qui fluctue
avec la valeur du portefeuille de l'institution. On peut même envisager
des dépôts adossés à des portefeuilles personnels gérés par la
banque (2), les paiements étant assurés à partir de ces comptes
(Fama [1980]).
Malgré leur position stratégique d'intermédiaires, les banques sont
neutres. Grâce à la discipline de marchés efficients, la neutralité est
préservée par une évaluation correcte des actifs, et par la facturation
au coût marginal des services liés à l'activité financière (Black
[1975]).
En second lieu, dans la gestion de leurs risques de liquidité, les
banques sont indifférentes à l'origine des fonds qu'elles prêtent. Elles
n'ont pas besoin de rechercher l'ajustement des maturités entre
créances et engagements, puisque la parité de la structure des taux
d'intérêts est assurée par le marché. Il n'y a pas non plus de raison
d'envisager un rationnement de crédit.
■ En définitive, la liquidité n'est pas un facteur influant la décision, et
il n'y a pas de lien entre taux créditeurs et débiteurs. Ainsi la banque
ne peut modifier les opportunités de portefeuille disponibles pour les
investisseurs. Elle n'a qu'un rôle de courtier et ne se distingue pas
d'autres sortes d'intermédiaires financiers.

■ La banque n'est qu'un voile. Mais ne serait-ce pas parce que


l'économie, dans laquelle ces auteurs la font fonctionner, demeure

(1 ) Voir chez FAMA comment ces fonctions sont articulées dans une économie en
fait a-monétaire.
(2) Comme chez certains brokers américains par exemple.

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a-monétaire ? La monnaie n'y est qu'un actif financier parmi tous


ceux proposés aux choix de portefeuille.
Si l'on renonce aux présupposés de la théorie des choix de
portefeuille, notamment si la valeur des actifs financiers n'est plus
envisagée comme une variable aléatoire, dont on connaîtrait la loi de
probabilité, on renonce aussi à ses commodités théoriques. C'est sans
doute à ce prix que l'on parvient à distinguer la banque des autres
intermédiaires financiers (Gaffard Pollin [1988]).
■ C'est l'incertitude et l'asymétrie d'information qui prévalent dans
toute économie d'échange. Dans ce cadre, la coordination des
décisions individuelles prend une tournure bien particulière (Gaffard
Pollin [1988]). On s'explique ainsi la logique et les raisons d'être
d'une économie monétaire, où coexistent la monnaie externe, la
monnaie interne et des titres : ceux-ci ne pouvant servir de moyens de
paiement, du fait de l'incertitude qui pèse sur leur valeur.
C'est dans ce contexte que l'on peut faire apparaître la nécessité
d'une intermédiation bancaire spécifique. Celle-ci est liée au mode
particulier de fonctionnement d'une économie monétaire. L'intermé
diation bancaire constitue alors l'articulation entre les différentes
sphères, réelle, monétaire et financière.
■ Ainsi, de nombreux travaux récents (3) sur l'instabilité des écono
mies monétaires et le renouveau de la credit view ont-ils permis de
mieux comprendre les raisons d'être des banques comme institutions
spécifiques ; et, partant, d'éclairer les enjeux des réglementations
bancaires, et du rôle du prêteur en dernier ressort : au-delà de la santé
des banques, en tant qu'entreprises, les principaux enjeux sont
macro-économiques.

■ Pour répondre aux deux questions que l'on se pose, on commen


cera dans une première partie par faire émerger des intermédiaires
financiers à partir d'imperfections sur les marchés financiers (1 ). Tant
que l'on restera dans un monde certain (1.1.), les raisons d'être des
intermédiaires financiers seront en définitive liées aux coûts de
transaction sur les marchés financiers et à l'aversion différenciée des
agents vis-à-vis du risque.
En revanche, dans un monde incertain avec asymétrie d'informa
tion, on peut faire apparaître un intermédiaire qui a certains aspects
d'une banque (1.2.). Les analyses menées dans cette partie se
limitent aux approches qui endogénéisent la banque à partir de la
relation de crédit. C'est parce que la banque est mieux située que les
autres agents, dans l'asymétrie sur les projets d'investissements,
qu'elle parvient à attirer des prêteurs. Encore ne le peut-elle qu'à
condition de leur signer des contrats non contingents.
■ Certes, ces contrats de dépôts sont des actifs financiers particuliers,
mais leur caractère monétaire n'est pas réellement analysé. Les

(3) Pour un survey, voir M. GERTLER [1988].

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Pourquoi des banques ? 639

engagements de la banque n'ont donc pas de spécificité. Pour rendre


compte de la spécificité de la banque, une analyse plus précise du
passif bancaire est donc indispensable.
La deuxième partie permettra de voir que la spécificité de l'inter
médiation bancaire, à savoir l'assurance de liquidité, ne peut vérita
blement être appréhendée que dans une économie monétaire (2).
Mais pour voir cela, il faut considérablement étendre le jeu des
asymétries d'information.
En premier lieu, et tout en restant au niveau micro-économique, on
peut déjà ajouter aux seules asymétries d'information vues jusqu'à
présent, à savoir, celles subies par les créanciers, des asymétries
d'information que subissent les débiteurs. En particulier, la banque
ignore les intentions de ses déposants. Dès lors, l'assurance de
liquidité des actifs qu'elle procure est soumise au risque de panique
(2.1 .)■

Mais la banque n'est pas seule à fournir des services de liquidité des
actifs (2.2.). L'organisation des marchés de titres ou d'autres types
d'intermédiaires y parviennent, sans doute à des degrés moindres.
Dès lors, la spécificité bancaire ne serait-elle qu'une question de
degré ?
Pour répondre à la question, il faut sortir de la sphère financière et
envisager l'économie dans son ensemble (2.3.). En effet, l'asymétrie
d'information contamine toutes les relations d'échanges. Et pour que
celles-ci puissent se développer, il faut un moyen de paiement
incontesté. Avec le développement de la monnaie scripturale, les
banques sont parvenues à transformer leurs dettes en moyens de
paiement. En offrant des services de paiements, la banque fournit de
l'assurance dans les échanges (2.3.1.).
Si l'on ajoute cette assurance, à l'assurance de liquidité vue
précédemment, on comprend que les services de paiements et les
services de transformation des actifs constituent une production
structurellement jointe. Cette production jointe est réalisée en articu
lant les deux fonctions élémentaires que sont la fonction d'informa
tion et la fourniture de fonds (2.3.2.).
Enfin, à elle seule, la banque ne pourrait pas remplir sa fonction
d'assurance de liquidité avec régularité. Elle a besoin d'une co
assurance et d'une ré-assurance pour disséminer, plus largement
encore, les risques qu'elle prend (2.3.3.). C'est parce qu'elle appar
tient à un système bancaire qu'elle peut remplir sa fonction spécifi
que. Autrement dit, dès lors que l'on sort de la sphère financière, la
banque a une spécificité, mais qui n'est vraiment compréhensible que
si l'on envisage l'intermédiation bancaire dans son ensemble.

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640 Thérèse Chevallier-Farat

1. Les imperfections des marchés


financiers et l'émergence
d'intermédiaires financiers

■ Pour comprendre l'existence de firmes financières au milieu des


marchés, on a souvent eu recours à l'imperfection des marchés. Un
intermédiaire financier peut dès lors internaliser certains coûts et
s'assurer un profit.
Ce faisant on n'introduit qu'une certaine distance par rapport au
modèle théorique de la finance pure, supposé pertinent et toujours
sous-jacent (1.1.)
• Mais plus radicalement, un courant de pensée plus récent envisage
une véritable défaillance des marchés. On se trouve devant l'impos
sibilité, même théorique, de construire certains marchés. Cette défail
lance tient au caractère fondamentalement asymétrique de l'informa
tion sur la valeur des actifs.
Disposer de toute l'information nécessaire à l'évaluation des actifs
est impossible, même à coût très élevé. Surgissent alors toutes sortes
d'externalités qui ne peuvent être « gérées » par la théorie standard
des marchés. Il faut donc envisager d'aménager des contrats particu
liers de dettes que seuls des intermédiaires peuvent écrire.
Issue de l'économie industrielle, cette approche en termes d'asy
métrie d'information s'avère d'une grande richesse d'applications en
finance et particulièrement pour la banque (1.2.).

1.1. Les imperfections des marchés


dans un monde sans incertitude

■ Répondant au paradoxe de Robertson, Coase montre que la fir


naît des imperfections des marchés, dont elle permet de réduire
coûts de transaction.
« Par coûts de transaction, on entend les coûts de fonctionnement
du système d'échange, et plus précisément dans le cadre d'une
économie de marché, ce qu'il en coûte de recourir au marché pour
procéder à l'allocation des ressources et transférer des droits de
propriété» (4).
Ces coûts de transaction comprennent le coût de recherche du
candidat et du compromis, les coûts de standardisation et de certifi
cation des échanges, ainsi que du contrôle de leur exécution, etc.

(4) MÉNARD [1990]

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Pourquoi des banques ? 641

Suivant les différents auteurs, ces coûts incitent les agents soit à
internaliser de nombreux échanges dans des organisations (5) soit à
conclure des contrats particuliers (6).
« Les causes des coûts de transaction pourraient être technologiques.
La production peut être sujette à :
— des inséparabilités techniques. Les sources de ces inséparabili
tés sont nombreuses : la production jointe, les produits multicompo
sants, le travail en équipe etc. Elles conduisent toutes à une difficile
identification du produit marginal, et à une imparfaite affectation des
coûts (Alchian Demsetz [1972]) ;
— l'utilisation d'inputs spécifiques. Le risque de dépendre d'un
petit nombre de co-contractants, faiblement substituables les uns aux
autres, incite le producteur à se construire une protection (7).
■ D'autre part les coûts de transaction pourraient procéder également
des comportements des agents, compte tenu de l'information néces
saire pour mener à bien leurs échanges. On distinguerait alors :
— une rationalité limitée relative : les agents rencontrent des
limites dans la collecte et le traitement de l'information nécessaire à
leurs échanges ;
— et une rationalité limitée absolue qui résulte de l'incertitude sur
les états futurs de la nature. Il s'ensuit que les agents sont amenés à
conclure des contrats incomplets, ce qui laisse place à toutes sortes
de comportements opportunistes avant et durant l'exécution des
contrats.

■ Après ce rappel d'éléments pouvant conduire à l'internaiisation des


échanges dans une firme, ou à des dispositifs pour faire face à
l'incomplétude des contrats, voyons quelle application peut en être
faite aux échanges de produits financiers.

■ Renoncer à l'hypothèse de marchés financiers parfaits permet de


faire émerger des intermédiaires financiers qui cassent le face à face
entre emprunteurs et prêteurs ultimes.
Pour plus de clarté, on ne retiendra dans cette section qu'une
conception assez étroite des coûts de transaction ; elle ne fera qu'une
place limitée à l'incertitude et aux comportements qu'elle suscite (8).
Au-delà des causes d'internalisation issues de la technologie, nous
ne retiendrons parmi les raisons comportementales, que la rationalité

(5) O.WILLIAMSON [1975] et [1981] par exemple.


(6) Théorie des droits de propriété (ALCHIAN DEMSETZ [1972]), ou théorie de
l'agence (JENSEN MECKLING [1976]).
(7) Voir E. BROUSSEAU [1989].
(8) Cette distinction est bien sûr critiquable puisque l'incertitude implique une
modification de tous les coûts de transaction. Elle est d'ailleurs vivement critiquée par
GOODHART quand il aborde les raisons d'être de la monnaie, voir note p. 29 [1989],
mais elle permet ici de séparer deux courants dans la littérature sur les fondements de
l'intermédiation bancaire.

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642 Thérèse Chevallier-Farat

limitée relative. En effet selon cette hypothèse, l'information néces


saire à l'échange existe, mais elle est coûteuse. Et c'est parce que les
agents se heurtent à ce coût, qu'ils recourent à un intermédiaire. Cette
hypothèse est très fréquemment utilisée pour justifier l'existence
d'intermédiaires financiers qui fondent leur activité sur l'aptitude à
traiter l'information.

■ S'agissant de la rationalité limitée absolue, nous n'en retiendrons ici


qu'une forme faible : rester dans un univers probabilisable nous
permettra d'introduire des comportements vis-à-vis du risque.
En revanche nous laisserons pour la section suivante l'hypothèse
d'incertitude. Cette « imperfection » du marché est beaucoup plus
radicale que les autres, et elle conduit à toutes sortes de comporte
ments qui seront analysés ultérieurement en termes d'asymétrie
d'information.

■ Voyons comment les coûts de transactions, au sens étroit, qui


apparaissent dans l'échange de produits financiers pourraient
conduire à l'émergence d'intermédiaires financiers.

■ En premier lieu, l'apparition d'un intermédiaire financier peut


résulter des effets d'échelle que recèlent la gestion de portefeuille et
les services des paiements.
Tout d'abord les opérateurs sont incités à recourir à des intermé
diaires lorsque les actifs négociés sur les marchés sont d'une grande
dimension unitaire. En divisant ces actifs en plus petites unités,
« l'intermédiaire grossiste » réduit les effets de seuil (9).
Ce faisant, il améliore la diversification des portefeuilles de sa
clientèle. Celle-ci peut alors échapper à la sous-optimalité induite par
ces effets de seuil et de dimension. Il permet également l'accès au
marché à de nombreux emprunteurs qui proposent des actifs d'une
trop petite dimension. De tels emprunteurs sont évincés par les coûts
de transaction qu'ils ne peuvent étaler sur des emprunts de grande
dimension.

Par ailleurs, de récents progrès dans la technologie de l'information


ont permis le développement de nouveaux produits (10) et procédés
de gestion (11), souvent inaccessibles à des opérateurs de petite
dimension. L'acquisition et l'utilisation de cette nouvelle technologie
de l'information a augmenté le poids des coûts fixes dans le coût total
de l'intermédiation.

(9) Voir KLEIN [1973] et SANTOMERO [1984], Les intermédiaires financiers


remplissent ainsi une fonction qualifiée de « size intermdiation » par LEWIS et DAVIS
[1987].
(10) Produits sur indices par exemple.
(11 ) L'automatisation de la gestion de portefeuille et le développement d'une part
du « bloc trading » qui n'est pas sans poser des problèmes dans les relations avec la
clientèle des petits porteurs, et d'autre part du program-trading dans lequel certains
observateurs voient les causes, discutables en fait, de l'instabilité des marchés. On y
reviendra plus tard.

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Pourquoi des banques ? 643

Ainsi en opérant sur de gros paquets d'actifs sur les marchés


financiers, les intermédiaires étalent sur de gros montants les frais de
gestion et d'information (Benston et Smith [1976]).
■ Enfin, les agents peuvent recourir aux services d'un intermédiaire
pour les paiements qu'ils ont à effectuer. En effet, les paiements en
espèce présentent des inconvénients, assimilables à des coûts de
transaction. Ils tiennent au risque de perte physique (vol, destruction)
et aux problèmes de contrôle qu'ils soulèvent (12).
A cet égard, les comptes chèques et les paiements électroniques
procurent de nombreux avantages à la clientèle. En proposant ce
service, la banque fournit la sécurité des paiements et la tenue des
comptes, et peut exploiter des effets d'échelle (13).

■ La production jointe de services financiers a été également


fréquemment évoquée pour expliquer l'émergence d'intermédiaires
financiers.

■ On peut en trouver de nombreuses manifestations dans la banque


et l'on fait fréquemment référence aux conséquences de ces produc
tions jointes, notamment aux subventions croisées dans la tarification
des services bancaires.

Mais ces manifestations ne sont pas la preuve que la production


jointe est théoriquement inhérente à l'activité bancaire. Elle peut être
induite par la réglementation, ou par la structure existante des
marchés. Et d'autres configurations de l'industrie financière
pourraient parfaitement mener à d'autres regroupements d'activités,
liées ou pas, dans une firme donnée (14).
Il faut trouver les raisons d'être de ces productions jointes et non
pas se reposer sur leur existence, peut être temporaire ou contingente,
pour expliquer l'existence des intermédiaires financiers (15).
■ La production jointe de services financiers trouve déjà quelques
raisons d'être dans les particularités de l'économie d'information.
L'information coûteuse, que l'intermédiaire récolte pour fournir un
certain type de service, peut être utilisée, sans perdre de sa valeur,
dans la production d'un autre type de service.
A titre d'exemple, un gestionnaire de portefeuille qui assure la tenue
des comptes de sa clientèle peut lui proposer des services de
paiements ou de gestion de trésorerie.
A ces raisons technologiques, qui tiennent à la capacité qu'a
l'intermédiaire de traiter l'information, s'ajoutent les économies de

(12) A l'opposé, ils sont souvent utilisés dans les transactions illégales... pour
échapper au contrôle précisément.
(13) Voir le commentaire de A. VANY au survey de SANTOMERO [1984],
GOODHART [1986] et aussi FAMA [1980].
(14) Voir L. BRYAN [1989], La banque éclatée.
(15) En témoignent, par exemple, les nombreux cas de déspécialisation
respécialisation dans les banques internationales durant les années 80.

Rev. écon. pol. 102 (5) sept.-oct. 1992

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644 Thérèse Chevallier-Farat

coûts de transaction que la clientèle réalise lorsqu'elle peut trouver


auprès d'un seul intermédiaire toute une variété de services financiers.
Ainsi, les facteurs d'offre et de demande se combinent pour
expliquer le développement, chez les intermédiaires financiers, de ce
que les anglo-saxons appellent le « one stop shop ».
* Les éléments retenus jusqu'ici ont fait une large place à la techno
logie pour expliquer l'existence d'intermédiaires financiers et le carac
tère multi-produits de leur production (16).

■ Cependant, on peut également expliquer l'existence d'institutions


financières en recourant à d'autres hypothèses, comme celles relatives
au comportement vis-à-vis du risque, (sans recourir, pour l'instant, à
l'hypothèse d'incertitude).
■ Pour Pyle [1971] par exemple, les agents non financiers et l'inter
médiaire financier n'ont pas la même aversion pour le risque. Et c'est
à cette différence que l'intermédiaire doit son existence. Puisqu'il est
moins affecté que les agents par la variabilité de ses profits, il peut
prendre en charge une partie des risques dont les prêteurs et
emprunteurs ultimes veulent se déssaisir.
En effet l'intermédiaire financier est conçu comme une collection
d'actifs avec rendements exogènes et aléatoires, les engagements
n'étant que des actifs négatifs. La question qui se pose est la
suivante : sous quelles conditions y a-t-il place pour un agent
d'intermédiation qui vend des engagements risqués pour acheter des
actifs risqués ?
Il suffit qu'il y ait une différence positive entre taux débiteurs et
créditeurs, les rendements aléatoires des actifs étant indépendants ou
pas.
■ Dans ce cadre, le différentiel de taux est exogène, ce qui limite la
portée de la réponse. Cette limite est d'ailleurs commune aux
nombreux modèles qui raisonnent l'activité bancaire en termes de
choix de portefeuille, qui reste une démarche d'équilibre partiel (17).
Mais ce modèle d'aversion différenciée pour le risque permet de
justifier l'existence d'un intermédiaire, même dans un marché
concurrentiel. En effet, l'arbitrage rémunérateur pour l'intermédiaire
tient au fait que les déposants acceptent un taux plus bas que ce que
l'intermédiaire peut obtenir et vice versa pour les emprunteurs.
Si l'on écarte toutes les considérations de coûts de production, de
liquidité, d'ajustement et d'insolvabilité, cet écart ne peut provenir

(16) Cependant appliquer trop directement à la banque des analyses adaptées à la


technologie industrielle conduit aux résultats souvent décevants des travaux empiri
ques sur les effets d'échelle et d'envergure dans la banque, en dépit de récents progrès
méthodologiques dans ce domaine. Pour une revue de la littérature sur le sujet, voir par
exemple J. KOLARI, A. ZARDKOOHI [1989],
(17) Voir aussi HART et JAFFEE [1974]; BALSTENPERGER [1980] p. 28,
SEALEY [1980] cité par SANTOMERO [1984] et la critique de SCANNAVINO
[1989].

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Pourquoi des banques ? 645

que de la différence d'aversion pour le risque entre l'intermédiaire et


les autres opérateurs. Et c'est bien cette différence qui est elle-même
exogène dans le modèle.
Sans cette différence, l'arbitrage supprimerait immédiatement
l'écart entre les taux.

■ Enfin certains actifs financiers sont spécifiques, ce qui les rend peu
négociables sur des marchés. Un tel facteur explicatif est très
fréquemment retenu.
On a déjà vu que les marchés primaires étaient fermés à de
nombreux demandeurs de fonds, du fait de leur taille. Les intermé
diaires financiers, qui s'interposent entre ces opérateurs et les
marchés de capitaux, écrivent des contrats particuliers qui ne peuvent
être revendus sur des marchés secondaires. Pour de nombreux
auteurs, ceci confère à ces intermédiaires le caractère de banques.
En effet, la spécificité des banques parmi les intermédiaires finan
ciers, est souvent reliée à l'absence de marchés secondaires pour les
créances ou les engagements qu'elles gèrent.
A cet égard et du côté des crédits, parmi de très nombreux auteurs,
on peut citer Diamond et Dybvig [1986] : «... les actifs de l'intermé
diaire (bancaire) sont « spéciaux » dans le sens où ils ne sont pas
négociés sur des marchés et par conséquent ils sont illiquides » (18).
Tandis que du côté des engagements, cette absence de marché est
beaucoup plus rarement relevée. On la trouve cependant chez Gorton
et Mullineaux [1987], A la différence des «bank notes » qui étaient
émis par les banques durant le XIXe siècle et qui faisaient l'objet d'un
marché secondaire, les dépôts bancaires, qui s'y sont d'une certaine
manière substitués par la suite, n'ont pas de tels marchés.
Les inconvénients qui en résultent sont en partie levés par
I'« organisation » particulière qu'est la chambre de compensation, qui
« internalise » dans une institution unique le marché secondaire
manquant.

■ Durant les récentes mutations financières, les banques ont accru la


proportion d'actifs négociables dans leur bilan. Et par la titrisation,
elles rendent négociables des actifs qui étaient naguère considérés
comme non négociables. Est-ce à dire qu'une des raisons d'être des
banques a tendance à disparaître. Ceci expliquerait-il leur
banalisation (19) ?
■ Pour répondre à cette question, il faut expliquer (et non pas

(18) Voir GOODHART [1989], FAMA [1985], GERTLER [1987] et aussi


BERNANKE et GERTLER [1987], BHATTACHARYA et GALE en font un argument
essentiel de la réglementation bancaire.
(19) C. de BOISSIEU [1987],

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646 Thérèse Chevallier-Farat

seulement constater) l'incomplétude des marchés, puis en inférer


l'existence des banques et leur spécificité (20).
Une raison majeure de l'incomplétude des marchés tient à l'asymé
trie d'information et à ses conséquences sur les comportements des
prêteurs et emprunteurs. Mais en acceptant une telle hypothèse, on
modifie considérablement l'angle d'attaque du problème.

■ En effet les éléments rassemblés jusqu'ici ont permis de montrer


qu'un intermédiaire financier est économiquement viable : il sait
utiliser les imperfections du marché et les particularités de l'économie
d'information pour réaliser du profit. En cela on n'est pas vraiment
sorti du schéma polaire de Fama [1980] : la référence reste bien la
théorie pure de la finance.
En outre, l'intermédiaire qui émerge ainsi n'est pas nécessairement
une banque. L'analyse s'applique aussi bien à des courtiers sur les
marchés financiers, qu'à d'autres institutions financières dotées de
fonctions d'intermédiation plus poussées.
En revanche, si l'on fait l'hypothèse d'une véritable asymétrie
d'information, la banque devient indispensable, et elle a une fonction
spécifique.

1.2. L'asymétrie d'information


■ Dans un contexte d'information imparfaite, il est devenu courant
de faire apparaître des déséquilibres sur des marchés par ailleurs
concurrentiels.

L'approche en asymétrie d'information se distingue toutefois de ces


apports, en ce que certains agents dans le marché disposent de plus
d'information que d'autres : c'est cette asymétrie même qui est à
l'origine de comportements conduisant à la non flexibilité des quan
tités aux prix, au déséquilibre du marché, parfois même à la disparition
du marché.
■ Cette asymétrie d'information renvoie d'ailleurs à l'asymétrie des
rôles des agents dans l'activité économique.
En effet, dans les analyses en termes de marchés, l'apparente
symétrie entre offreurs et demandeurs des modèles standards n'est
plus de mise, si les offreurs (de biens assez peu standardisés par
exemple) ou les demandeurs (demandeurs de dettes ou les deman
deurs d'emploi par exemple) détiennent une information particulière
qu'ils peuvent exploiter.
D'autre part, dans les analyses macro-économiques, comme chez
Keynes par exemple, ce sont les entrepreneurs qui ont l'initiative et

(20) Que certains marchés secondaires soient apparus récemment trouvera peut
être un début de réponse également.

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Pourquoi des banques ? 647

lancent les paris sur le futur ; il s'en suit que I'« état de la prévision »
a un rôle central dans la détermination du niveau de production...

■ S'agissant plus particulièrement de l'activité financière, l'asymétrie


d'information semble inhérente à l'échange d'actifs financiers.
En effet, on peut concevoir tout actif financier comme une
promesse de revenu ultérieur; le contenu de la promesse et les
modalités qu'elle peut prendre sont extrêmement variés.
Mais un caractère commun à tous ces actifs financiers semble bien
résider dans l'incertitude inhérente à la nature même de ces actifs :
leur valeur dépend éminemment des états ultérieurs de la « nature »,
de la manière dont ceux-ci sont envisagés, des agissements plus ou
moins opportunistes des débiteurs, comme des dettes ultérieures
incertaines que les débiteurs parviendront à contracter (Aglietta
[1988]).
■ Rendue célèbre par Akerloff [1970] dans son analyse du marché de
la voiture d'occasion, l'approche en asymétrie d'information a trouvé
de nombreux domaines d'application. Quels en sont les principes
d'analyse pour notre domaine ?

1.2.1. Les principes d'analyse

■ Il y a asymétrie d'information sur un marché quand certains


opérateurs détiennent une information particulière qui n'est pas
totalement transmise aux prix des actifs sur les marchés.
L'incertitude qui pèse sur le prêteur augmente le risque de défaut
auquel il doit faire face. Elle peut se situer :
— avant le contrat : l'emprunteur dispose d'une information privée
avant le contrat de dette. Cette forme d'asymétrie conduit à la
sélection adverse ou à l'incitation adverse (21 ) ;
— après le contrat : le prêteur court le risque d'une exécution
partielle du contrat ou de sa non exécution du fait de l'emprunteur.
Cette asymétrie conduit au hasard moral (22).
Ces asymétries peuvent porter sur divers éléments du contrat (prix,
quantités, qualités, nature du produit, délais d'exécution, etc.). Elles
entraînent des déséquilibres variés sur les marchés, suivant les
spécifications des modèles (non-flexibilité des quantités aux prix,
rationnement de l'offre).
Ces asymétries d'information mènent les opérateurs à de nombreu
ses réactions soit pour les exploiter (comportement opportuniste),
soit pour en limiter les inconvénients (recherche d'information,
surveillance, incitations diverses à l'exécution des contrats). On peut
ainsi expliquer la variété des dispositions portées dans les contrats.

(21) Par exemple STIGLITZ-WEISS, BOYD PRESCOTT.


(22) Par exemple GALE HELLWIG, TOWNSEND, DIAMOND.

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648 Thérèse Chevallier-Farat

■ C'est au repérage de ces conflits d'intérêt, et à la modélisation des


comportements pour en limiter les inconvénients, que la théorie de
l'agence et la théorie des signaux ont largement contribué.
La théorie de l'agence vise à expliciter des formes de contrat dans
le contexte d'asymétrie d'information. En déléguant une partie des
décisions à un mandataire (agent), le mandant (principal) réduit les
coûts qu'il devrait engager en l'absence de cette délégation.
Cependant, cette relation d'agence n'est elle-même pas dénuée de
coûts. Ils tiennent à la nécessaire surveillance du mandataire, aux
incitations à lui fournir pour qu'il fasse diligence, et à un coût
résiduel (23).
S'agissant de la théorie des signaux, celle-ci recherche les moyens
utilisés par certains agents pour se signaler au marché ; par exemple
pour se distinguer des « lemons »... efforts que les « lemons » plagient.
Et envoyer ces signaux est également coûteux.

■ Ce nouvel ensemble d'analyses s'avère très fructueux particulière


ment dans la théorie financière de la firme (24).
Il a également permis de mieux comprendre le fonctionnement des
marchés financiers et les externalités qu'ils recèlent (25), ainsi que
certaines innovations financières (26).
L'inefficience des marchés (27) et le rationnement du crédit y
trouvent également des explications tenant aux particularités de
l'économie d'information (28). Plus généralement, la compréhension
de l'instabilité des équilibres financiers y a beaucoup gagné tant au
niveau micro qu'au niveau macro-économique (29).
■ Laissons ici les nombreuses applications à la finance, pour ne
reprendre que l'analyse de la raison d'être des banques. Comment la
banque parvient-elle à limiter les inconvénients de ces asymétries
d'information entre emprunteurs et prêteurs ultimes ?

1.2.2. Un intermédiaire pour limiter les conséquences


de l'asymétrie d'information

■ Même en l'absence d'aversion pour le risque, et des coûts de


transaction au sens étroit comme vus précédemment, on peut encore
faire apparaître la banque comme une organisation dominant les face
à face dans les marchés financiers, dominant jusqu'aux intermédiaires
financiers non bancaires. En ce sens la banque est « spéciale »

(23) Voir JENSEN et MECKLING.


(24) Voir JACQUILLAT et LEVASSEUR pour un Survey.
(25) GREENWALD et STIGLITZ [1986], par exemple.
(26) S. ROSS [1973, 1989],
(27) S. GROSSMAN et J. STIGLITZ [1980],
(28) JAFFEE-RUSSEL [1976], ou STIGLITZ-WEISS [1981],
(29) BERNANKE GERTLER [1986],

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Pourquoi des banques ? 649

«différente» «unique» (Fama [1985]), elle remplit une fonction


particulière.
■ D'une manière très générale, on peut considérer tout intermédiaire
sur un marché comme un producteur d'informations. Cette concep
tion quelque peu désincarnée (Brender [1980]) est au centre de
toutes sortes de travaux sur l'endogénéisation de la firme bancaire.
Plus généralement elle permet d'expliquer l'existence d'une grande
variété d'organisations qui « cassent » le face à face entre emprunteurs
et prêteurs ultimes.
A titre d'exemple, l'analyse de Ramakrishna et Thakor [1984]
illustre bien dans le domaine qui nous occupe, la puissance de cette
hypothèse pour faire apparaître des firmes au milieu des marchés
financiers, même si ces firmes n'ont aucun rôle direct dans l'achemi
nement des fonds.
Centrée sur la seule production d'information, l'analyse de Rama
krishna et Thakor montre que, même en l'absence d'économie
d'échelle et d'envergure dans la production d'information, des
producteurs individuels d'information ont intérêt à se rassembler pour
constituer un groupe de courtiers en information.
En effet quand un groupe est formé, les comportements déviants de
chacun des associés sont réduits. Il s'en suit que les incitations à
fournir pour réduire l'opportunisme sont moins coûteuses.
Cette analyse s'applique à toutes sortes de firmes spécialisées en
information financière, notamment aux agences de rating ou aux
banques d'affaires.

■ Si l'on complète cette approche de la firme financière comme


pourvoyeuse d'information par l'analyse de la fourniture de fonds, on
parvient à repérer quelques raisons d'existence des banques.
■ De nombreux modèles intègrent l'asymétrie d'information pour
expliquer les raisons d'être des banques et les modalités de leur
activité.

Ces modèles diffèrent tout d'abord par les hypothèses qu'ils font
sur le type d'asymétrie :
• ex ante, pour Leland et Pyle [1977] par exemple ;
• ex post, mais avant le défaut pour Diamond [1984], ex post
avant et après le défaut (S. Willamson [1986] ou Stiglitz [1985] ;
• ex ante et ex post (Diamond Dybvig [1986]).
Ces modèles diffèrent également sur la nature des contrats
d'agence supposés (structure de coûts de surveillance, types d'inci
tations), comme sur les instruments de la signalisation.
■ Dans certains cas, ce premier bloc d'hypothèses est complété par
toutes les hypothèses d'imperfection des marchés envisagées précé
demment (1.1.)- Cependant la complication qui en résulte est préju
diciable, nous semble-t-il, à l'appréciation du pouvoir explicatif du
premier bloc d'hypothèses. Nous nous limiterons donc ici aux modè

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650 Thérèse Chevallier-Farat

les qui ne retiennent que les hypothèses de marchés concurrentiels


avec asymétrie d'information.

■ L'autre caractère commun des modèles retenus dans cette partie


tient au fait que, très généralement, c'est le contrat de prêt qui est
sujet à l'asymétrie d'information. L'intermédiation est donc endogé
néisée à partir de l'actif bancaire.
■ Le contrat de prêt s'avère supérieur aux autres formes d'apports de
fonds, par son contenu tant explicite qu'implicite (voir Stiglitz
[1985]).
Les dépôts, sinon la structure du passif qui, à ce stade, est rarement
analysée, et la rémunération des déposants ne sont que les consé
quences des hypothèses spécifiques sur les coûts d'agence de
l'intermédiaire lui-même.

Les auteurs montrent donc que, du fait de l'asymétrie d'information,


il y a place pour un intermédiaire financier. Celui-ci va pouvoir
financer des projets qui ne l'auraient pas été par des prêteurs
individuels (30). La surveillance de cet intermédiaire par les prêteurs
déposants et les autres créanciers induit des particularités du passif
des banques.

1) L'asymétrie d'information sur les projets d'investissements à


financer

■ Leland et Pyle ont traité cette question en détail dans leur article de
1977: l'asymétrie d'information sur la qualité des projets interdit
l'application du théorème de Modigliani-Miller au financement de
l'entreprise.
Dans un marché concurrentiel de face à face, les emprunteurs de
projets de bonne qualité transmettent difficilement l'information sur la
qualité (valeur) de leurs projets. Les coûts d'information sont
élevés (31) et, en définitive, le problème des « lemons » d'Akerloff
surgit.
Ne pouvant se distinguer des projets plus risqués, les bons projets
sont soumis à une surprime de risque. Leurs promoteurs, qui connais
sent la vraie valeur de leurs projets, sont donc conduits à disparaître
du marché, ou à tenter de se signaler au marché.
Les signaux peuvent être variés. Mais les plus convaincants consis
tent en une prise de participation du promoteur dans son projet : le
hasard moral est ainsi réduit, et l'incitation à le mener à bien s'en
trouve renforcée. Cette participation est coûteuse. Ce qui montre bien
qu'en présence d'asymétrie d'information, la neutralité de la structure
financière sur la valeur de l'entreprise ne tient pas.

(30) Voir GERTLER [1988] pour les conséquences sur l'imparfaite allocation des
capitaux qui n'est pas vue ici.
(31) Voir aussi TOWNSEND [1979] et la particularité du contrat de prêt avec
garantie insuffisante.

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Pourquoi des banques ? 651

2) L'émergence d'un intermédiaire


■ Dans un marché concurrentiel, sans coût de faillite et où tous les
agents sont neutres vis-à-vis du risque, la présence d'un intermédiaire
ne peut se comprendre qu'à partir des particularités de l'économie
d'information, dans un contexte d'asymétrie d'information.
» Par rapport aux prêteurs ultimes, et même par rapport à toutes
sortes d'autres intermédiaires financiers (32), la banque dispose d'un
avantage dans la collecte d'information et dans la surveillance des
emprunteurs. Ceci explique le « caractère unique du prêt bancaire »
(Fama [1985]), qui présente les avantages d'une dette interne par
opposition à une dette externe sur le marché (33).

■ Mais alors, et tout d'abord, en quoi un intermédiaire constitue-t-il


une réponse aux problèmes d'information rencontrés par les emprun
teurs potentiels ?
■ Comme nous l'avons vu précédemment, les modèles diffèrent
suivant les types d'asymétrie supposés, les modalités de la relation
d'agence, et les contraintes de richesse qui pèsent sur les emprun
teurs. Sans entrer dans les détails de tel ou tel modèle auxquels nous
renvoyons, tant ils sont riches et amusants par leur variété même, on
peut tenter de synthétiser ces apports.
Dès que les entreprises tentent de transférer directement l'informa
tion aux investisseurs avant le financement, deux problèmes surgis
sent (Leland et Pyle [1977]).
Le premier est lié au fait que l'information est un bien public, et
donc son appropriation est impossible. Le second tient à l'incertitude
qui pèse sur la crédibilité de l'information dévoilée par l'intéressé. On
retrouve le problème des « lemons ».
■ Ces difficultés justifient l'émergence d'une organisation qui inter
nalise coûts et rendements de cette information («embodied» in a
private good). L'intermédiaire va pouvoir capter le revenu à travers
une valeur accrue de son portefeuille.
En effet, les vendeurs de bons risques seront incités à se faire
connaître de l'organisation, plutôt que de rester soumis au marché
infesté par des risques de mauvaise qualité (lemons). Ce qui contri
bue à détériorer encore le marché, et... ainsi de suite.
Quant aux vendeurs de mauvais risques, soit ils restent sur le
marché, soit ils sont contraints de devenir des épargnants comme
dans Boyd Prescott [1986],
■ Les conditions de cette internalisation sont analysées par Diamond
[1984], puis par S.Williamson [1986], même si, à la différence de
Leland et Pyle, ils envisagent l'asymétrie ex post.

(32) FAMA [1985] change radicalement son point de vue, sur ce point au moins,
par rapport à 1980.
(33) FAMA fait ici le parallèle avec l> inside » et \'« outside » equity de JENSEN et
MECKLING pour résoudre les problèmes d'incitation.

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652 Thérèse Chevallier-Farat

■ Chacun des prêteurs ultimes subirait des coûts très élevés pour
surveiller l'emprunteur, ce qui conduirait à la duplication des coûts
(S. Williamson [1986]). De plus, certains prêteurs seraient tentés de
ne pas engager ces frais en considérant leur faible part dans le
bénéfice attendu : des comportements de passager clandestin sont à
redouter.

La solution réside dans la délégation de la surveillance à un groupe


de « prêteurs » faisant fonction d'intermédiaire (34).

■ Cette fonction d'intermédiaire en information (« mandataire de


nombreux mandants ») conduit à la fonction d'intermédiaire de fonds.
Par émission d'actifs financiers adaptés à cette relation d'information
particulière, l'intermédiaire peut s'approprier l'information comme
bien privé.
■ Il devra alors engager des frais de surveillance et établir des contrats
de prêts tels que l'information recueillie puisse servir pour réaménager
le contrat en cas de défaut, et forcer, ou du moins fortement inciter
l'emprunteur à l'exécution.
Toutes sortes de dispositifs sont imaginables : garanties, hypothè
ques, prêt à court terme renouvelable ou lignes de crédit à court terme
(Moore [1987], Morgan [1987]), balances compensatoires (Black
[1975]), prise de participation de l'intermédiaire dans le capital de
l'emprunteur (35).

3) La particularité induite des contrats au passif de la banque

■ Dans son principe, cet intermédiaire est un « surveillant » délégué


par les « prêteurs ». Mais en se déchargeant des frais d'instruction des
dossiers et de surveillance, ces prêteurs se retrouvent devant un
nouveau problème d'asymétrie d'information. En effet, les informa
tions récoltées par l'intermédiaire ne sont pas visibles par les prêteurs,
pas plus que les paiements faits par l'emprunteur, ce qui soulève un
problème d'agence.
« Comment l'intermédiaire peut-il signaler la solidité de son porte
feuille, et comment les «prêteurs» peuvent-ils l'inciter à limiter les
comportements opportunistes vis-à-vis d'eux ?
Une première solution, discutée par Campbell-Kracaw (1980)
consiste pour le management de la banque à se « signaler » par une
prise de participation dans le capital de la banque. Il peut également

(34) Voir DIAMOND [1984], S. WILLIAMSON [1986], BOYD PRESCOTT [1986]


avec asymétrie ex ante. Peu importe, à ce niveau de généralité, si le fonctionnement
diffère quelque peu, suivant que l'on conçoit l'intermédiaire comme un groupe d'agents
ou comme un agent unique.
(35) En prenant des participations dans les entreprises qu'elle finance, la banque
accroît ses capacités de surveillance et d'incitation. Mais elle peut être considérable
ment fragilisée par l'effondrement des prix ou des cours sur les marchés secondaires
des actifs financiers ou immobiliers pris en « garantie » : voir le cas des banques
japonaises depuis 1990. Dans un même ordre d'idée, voir aussi les difficultés des
sociétés de leasing spécialisées dans le financement des avions par exemple.

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Pourquoi des banques ? 653

recourir à la notation par une agence de rating. L'indépendance de


l'agence doit être complète pour que le signal soit crédible. L'agence
est incitée à cette indépendance par l'impact de sa réputation sur la
valeur de son fonds de commerce (36).
Cependant ces solutions au problème d'agence ne peuvent éviter à
la banque d'avoir à se construire un portefeuille correctement diver
sifié.

■ La diversification du portefeuille de l'intermédiaire joue un rôle


central. Il est à noter, d'ailleurs, qu'elle intervient dans des modèles
avec neutralité vis-à-vis du risque de tous les opérateurs, c'est-à-dire
qu'elle ne résulte pas d'une logique de choix de portefeuille classique.
En effet, et tout d'abord, la diversification permet à l'intermédiaire
de réduire le coût moyen de surveillance. Les effets d'échelle dans le
coût d'information sont ici fréquemment évoqués (37).
Cette diversification réduit également l'importance de l'incitation
que les prêteurs doivent fournir à l'intermédiaire pour qu'il se
comporte correctement. En effet, cette incitation diminue avec l'aug
mentation du nombre de projets indépendants. Comme la banque
peut couvrir le risque résultant de variables observables par des
opérations sur le marché financier, elle ne prend réellement en charge
que le risque spécifique de chaque projet. En diversifiant son porte
feuille sur des projets indépendants, la banque réduit son risque de
portefeuille.
Enfin, la diversification du portefeuille signale aux déposants (ou à
l'agence de rating) l'aptitude de la banque à respecter ces engage
ments vis-à-vis d'eux.

■ Cette diversification a donc des implications importantes. Tout


d'abord, en limitant pour les « prêteurs » le coût de surveillance de la
banque, elle permet à l'intermédiaire d'écrire des contrats d'engage
ments particuliers : ces engagements sont des contrats de dépôts. Ils
sont non contingents, leur valeur et leur rémunération sont fixes.
En second lieu la diversification contraint l'intermédiaire à avoir une
taille minimale (Diamond [1984], Williamson [1986]). C'est en
accroissant le nombre de projets indépendants que l'intermédiaire
parvient à assurer un revenu constant et suffisant aux déposants, tout
en se préservant un revenu net. Sa fonction de mutualisation des
risques de défaut fait jouer la loi des grands nombres (38).
Enfin la diversification du portefeuille sur des actifs à faible risque
spécifique permet à l'intermédiaire d'avoir un fort levier d'endette
ment (Leland et Pyle [1977]).

(36) Voir modèles multipériodes de réputation dans RAMAKRISHNA-THAKOR.


(37) Par exemple DIAMOND [1984] ou FAMA [1985] et S. WILLIAMSON [1986
et 1987],
(38) Voir la discussion par DIAMOND [1984] de la « fallacy of large numbers » de
SAMUELSON.

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654 Thérèse Chevallier-Farat

1.2.3. Remarques

■ En ce point de l'exposé, plusieurs remarques doivent être faites.


Tout d'abord en gérant l'asymétrie d'information, l'intermédiaire
génère lui-même une asymétrie dans les types de contrats : le face à
face est cassé et, dans l'opération, le menu des actifs financiers s'est
étendu. La banque propose des contrats à valeur fixe, distincts à l'actif
et au passif.
En second lieu, en endogénéisant l'intermédiaire, on a internalisé la
diversification de son portefeuille. Contrairement à toutes les appro
ches antérieures en termes d'aversion pour le risque (39), la diversi
fication intervient ici dans un univers avec neutralité pour le risque, et
constitue la réponse à un problème de délégation coûteuse (40).
Enfin, la mutualisation des risques de défaut repose sur la loi des
grands nombres et conduit ainsi les auteurs à expliquer la taille de
l'intermédiaire. Cependant l'explication de la taille par la mutualisa
tion des risques doit être soigneusement distinguée, au moins au
niveau théorique, de celle qui repose sur les effets d'échelle. Le grand
nombre de projets pris en charge est la condition permissive de
l'intermédiation, mais rien n'est encore précisé sur les conditions
physiques de cette production d'assurance. Autrement dit, même si
elle se faisait à rendements d'échelle constants, il y aurait une raison
fondamentale à une dimension minimale de l'intermédiaire.

La loi des grands nombres est ici un principe fondateur; et les


économies d'échelle n'y figurent que comme une des modalités
d'exercice.

■ Il faut également préciser les limites de l'endogénéisation des


banques par l'actif.
■ Ces approches font une place centrale au seul risque de défaut. A
aucun moment on n'envisage le risque de remboursement anticipé,
par exemple, bien qu'il concerne également l'actif.
Par ailleurs, le risque de retrait n'est pas envisagé, pas plus que le
risque de liquidité et le risque de taux ainsi que les liens qu'ils
entretiennent entre eux.

■ Ceci s'explique sans doute par le caractère statique de la plupart des


modèles passés en revue ici. Ces modèles ne parviennent pas à
« gérer » la notion de liquidité.
Pour y parvenir, il faut construire des modèles multi-périodes qui
permettent d'intégrer des contrats variés, quant à leurs échéances

(39) Voir PYLE [1971] ou SANTOMERO [1984] : la banque comme moyen de


détenir un portefeuille diversifié aussi bien pour les actionnaires que pour les déposants
qui ont une aversion pour le risque et qui ne disposent que de petites sommes à placer,
ce qui rend délicate la diversification par le marché (cf. 1.1.).
(40) On peut intégrer l'aversion pour le risque au modèle de base, voir par exemple
DIAMOND [1984],

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Pourquoi des banques ? 655

certaines et aléatoires. Quelques auteurs ont exploré cette voie très


prometteuse pour mieux rendre compte de la gestion financière de la
banque et de la variété des relations avec la clientèle (41).
■ En définitive, l'hypothèse d'asymétrie d'information, telle qu'elle a
été utilisée jusqu'ici, a permis de comprendre l'incomplétude des
marchés d'actifs, ainsi que la particularité de l'actif bancaire : il
présente une supériorité sur les autres types d'actifs.
Cependant, on n'a que peu d'éléments pour fonder une éventuelle
raison d'être de la banque du côté du passif. Comme on l'a vu, la
forme des contrats au passif est induite par les caractéristiques de
ceux que la banque présente à l'actif.
■ On est alors amené à s'interroger sur la spécificité des engage
ments de la banque. Comment rendre compte du caractère monétaire
des dépôts ? Ce caractère monétaire n'est-il pas décisif dans l'articu
lation des sphères réelle, monétaire et financière ?
En définitive, la spécificité des banques ne procède-t-elle pas
directement, et fort logiquement, des spécificités d'une économie
monétaire ?

2. L'assurance de liquidité
dans une économie monétaire

■ Toutes les analyses menées jusqu'ici ont privilégié les asymétries


d'information subies par les créanciers (A et B). Elles ne font qu'un
place limitée aux asymétries d'information subies par les débiteurs (
et D).

Banque
Actif Passif
A B
clientèle clientèle
crédit dépôts

Le sens de la flèche désigne l'agent


qui subit l'asymétrie d'information

(41 ) Qu'elles utilisent ou non l'hypothèse d'asymétrie d'information, de nombreuses


approches tentent d'expliquer les relations de long terme qui s'établissent entre les
banques et les entreprises; à titre d'exemple voir HELLWIG [1977, 1990], MAYER
[1988], RIVAUD-DANSET [1991], CRAWFORD [1987],

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656 Thérèse Chevallier-Farat

« Rarement analysée en tant que telle, l'asymétrie de type D est


pourtant importante pour l'emprunteur : il ne connaît pas les inten
tions de la banque et ne peut prévoir avec certitude si elle renouvellera
son crédit et à quelles conditions. Celle-ci a d'ailleurs intérêt à ne
dévoiler que partiellement ses intentions, afin d'éviter des comporte
ments opportunistes de son débiteur.
Devant ce risque de rationnement et de taux, le client va tenter
d'amener la banque à s'engager pour le futur. La banque y consent
d'autant plus facilement que le client présente peu de risque, et
qu'elle se sent concurrencée par d'autres banques que le client
pourrait solliciter.
Ainsi cette asymétrie d'information permet de comprendre certaines
modalités particulières des contrats d'engagements de la banque : les
autorisations de découvert, les lignes de crédits qui sont autant
d'options d'achat que le client peut éventuellement lever.
Mais elle contraint également à étendre l'analyse aux relations de
long terme qui peuvent s'établir entre la banque et sa clientèle. Pour
endogénéiser de telles relations, il faut associer aux approches en
terme d'asymétrie d'information, des outils d'analyse permettant de
comprendre la constitution de structures de marchés
particulières (42). En effet ces relations à long terme permettent à la
banque de se construire un certain pouvoir de monopole, et les
instruments d'analyse qui permettent d'en rendre compte nous éloi
gneraient trop du projet plus restreint que l'on s'est assigné ici.
« L'asymétrie de type C a davantage retenu l'attention, car elle peut
mettre la banque en difficulté. En effet, le déposant n'a pas à informe
la banque de ses intentions. Ainsi en écrivant des contrats de dépôts
liquides, à valeur fixe, la banque se soumet-elle au risque de retrait.

■ C'est en abordant la question sous cet angle que Diamond et


Dybvig vont montrer la véritable transformation des risques opérés
par la banque. En fournissant aux déposants une assurance de
liquidité que le marché est dans l'incapacité de fournir, la banqu
remplit une fonction spécifique (2.1.).
Cependant, on pourra objecter que de nombreuses autres institu
tions peuvent modifier la liquidité des actifs (2.2.).
Il faudra alors sortir de la sphère financière, où tous les raisonne
ments précédents sont restés cantonnés, pour faire apparaître l
spécificité de la banque dans une économie monétaire. Pour y
parvenir, il faudra intégrer les enseignements tirés de l'analyse micr
économique menée jusque-là, dans une conception macro
économique. On verra alors que la fonction spécifique de la banqu

(42) Les auteurs font référence aux travaux d'OKUN [1981] sur les marchés de
clientèle (voir RIVAUD-DANSET [1991] par exemple), aux théories des contrats
implicites (FRIED HOWITT [1980] par exemple), combinées aux théories de jeux
dynamiques (SHARPE [1990], par exemple).

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Pourquoi des banques ? 657

rie peut être exercée que grâce à l'insertion de cette dernière dans un
système organisé et hiérarchisé (2.3.).

2.1. La banque comme assurance de liquidité


■ En focalisant leur modèle sur I'« économie des dépôts », Diamond
et Dybvig [1983] mettent la préférence pour la liquidité au centre de
leur analyse. Comme chez Keynes, cette préférence pour la liquidité
peut conduire à l'instabilité. Mais à la différence de Keynes, elle ne
s'exprime pas directement sur les marchés financiers. Elle nécessite le
recours à une institution particulière qui est la banque.
C'est cette préférence pour la liquidité dans un univers incertain
entaché d'asymétrie d'informations qui fonde l'existence de la
banque. Elle existe parce que l'assurance de liquidité qu'elle procure
aux déposants est meilleure que celle que des marchés pourraient
fournir.

Mais elle ne peut fournir cette assurance de liquidité sans subir le


risque de panique ; c'est même parce qu'elle rend ce service d'assu
rance, qu'elle est sujette à la panique (Diamond, Dybvig [1983]).
Après avoir vu comment les auteurs fondent la demande de
liquidité, on s'attachera à montrer comment ils justifient cette fonc
tion d'assurance de liquidité. Mais la nature du service rendu par la
banque l'expose au risque de panique. Une fois ces éléments analy
sés, on appréciera la portée du modèle.

2.1.1. La demande de liquidité

■ Grâce à la liquidité de leurs avoirs en banque, les déposants


peuvent modifier leurs plans de dépenses, à la suite de changements
dans leurs préférences ou dans leurs anticipations. Dans ce modèle
qui envisage 3 périodes (43), ceci se traduit par la modification
aléatoire de la proportion de déposants qui consomment en T1 ou en
T2.

Comme on le voit, l'asymétrie d'information est introduite du côté


des déposants. En effet, ils sont seuls à savoir quand ils se dégageront
de leurs placements à la banque (en T1 ? ou en T2 ?) ; de plus ils ne
le savent pas nécessairement au moment de leurs placements en TO.
Puis les auteurs poursuivent en analysant quelques caractéristiques
du contrat de dépôt ; ils y intègrent notamment un mode particulier
du service des retraits (contrainte séquentielle).

(43) En TO, les contrats de crédit (voir plus loin) sont signés et les dépôts
constitués.

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658 Thérèse Chevallier-Farat

2.1.2. L'illiquidité des actifs bancaires

■ Pour bien cantonner l'asymétrie d'information du côté du passif


bancaire, les crédits sont supposés sans risque de défaut, tout en
étant illiquides.
Leur illiquidité résulte des conditions techniques de la production
que ces crédits servent à financer. En effet, la technologie n'est pas
risquée, mais les investissements sont irréversibles, et la technologie
employée rapporte plus en T2 qu'en T1. Ainsi, toute interruption de la
production, faute de financement, est-elle coûteuse, dans un
contexte par ailleurs concurrentiel (44).
En présence d'une préférence pour la liquidité par les « prêteurs»,
cette illiquidité des actifs productifs explique l'existence d'une
demande de dépôts.

■ En effet livré à lui-même, le marché ne peut rendre compatible


l'illiquidité de ces actifs et la demande de liquidité des déposants.
Aucun contrat d'assurance, reposant sur une information observable,
ne peut être écrit, puisque l'incertitude qui pèse sur les projets de
consommation et sur leur éventuelle modification est privée. Ainsi
toute solution de type Arrow-Debreu est exclue.
Il s'ensuit que cette assurance ne peut être fournie que par un
«intermédiaire». Celui-ci propose des instruments de placements,
dont les caractéristiques (notamment détermination et périodicité des
revenus) sont différentes de celles des actifs de financement.
Ainsi la banque améliore-t-elle le partage du risque entre « prê
teurs», puisqu'elle permet aux déposants de retirer leurs fonds de
manière urgente, avant la maturation des crédits.

2.1.3. La panique bancaire

■ Cependant ces contrats de dépôts recèlent un équilibre potentiel


non désiré : le « run ». Cette épée de Damoclès menace en perma
nence le bilan de la banque.
En effet, la valeur faciale des dépôts est toujours supérieure à la
valeur de liquidation du portefeuille bancaire. S'il n'en était pas ainsi,
c'est-à-dire s'il n'y avait pas transformation des risques, la banque ne
ferait que mimer le marché et ne pourrait fournir ce service de
liquidité.
■ Certes les auteurs retiennent des modalités de retraits assez parti
culières (séquentialité). Elles conditionnent, dans une certaine mesu

(44) Dans un article ultérieur, DIAMOND et DYBVIG [1986] intègrent des coûts de
transaction et insistent sur la différence de liquidité entre les actifs d'une entreprise
(actifs physiques) et ceux des banques. Celles-ci peuvent facilement et secrètement
modifier la structure de leurs actifs, p. 62.

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Pourquoi des banques ? 659

re, la construction du modèle de panique : ce qu'un déposant peut


retirer dépend de sa place dans la queue (45). Sans aucun doute, ces
modalités peuvent être améliorées et d'autres dispositifs techniques
peuvent réduire le risque de panique (46).
Cependant nous retiendrons ici que l'éventualité de la panique
révèle, a contrario, les raisons d'être de la banque : dans la panique, la
banque disparaît parce qu'elle ne peut plus assurer la liquidité.

2.1.4. La portée du modèle de Diamond Dybvig


A ce stade, plusieurs remarques peuvent être faites.

■ Tout d'abord, c'est par la transformation des actifs que la banque


fournit l'assurance de liquidité, tant aux débiteurs qu'aux déposants.
Les débiteurs sont en effet assurés de ne pas avoir à interrompre le
processus de production avant sa maturité. Les déposants, quant à
eux, peuvent retirer leurs dépôts à tout instant et pour leur valeur
nominale.

Bien sûr, cette transformation est rendue de manière très grossière


dans ce modèle, puisque les créances bancaires sont dénuées de
risque de défaut. Dans ce cas de figure, la transformation porte
simplement sur les échéances :
— pour les créances bancaires, elles sont lointaines (T2 dans le
modèle) et certaines ;
— pour les engagements bancaires, elles sont rapprochées (cer
tains retirent leurs dépôts en T1) et aléatoires (la proportion de
déposants retirant en T1 est aléatoire).
Mais l'essentiel réside bien dans la transformation des actifs qui
suppose l'articulation des deux côtés du bilan, et en partant, cette
fois-ci, de l'asymétrie d'information issue de la demande de liquidité
des déposants.
Cette endogénéisation par le passif peut fort bien être combinée à
l'endogénéisation par l'actif vue précédemment. Cette généralisation
nous permettra de montrer que l'assurance de liquidité procurée par
les banques concerne aussi bien l'actif que le passif. Mais pour le
montrer, il faudra revenir sur la notion de liquidité et davantage
préciser comment la banque s'insère dans une économie monétaire.

■ En second lieu, la panique fait jouer de nombreuses externalités.


Dans ce modèle, le facteur déclenchant la panique est aléatoire et

(45) Voir WALLACE [1988] ainsi que SCANNAVINO [1989] pour une critique sur
le mode d'apparition de la panique.
(46) Voir la critique de BERNANKE et GERTLER [1985], reprise par GOODHART
[1989] p. 115; voir également LEWIS [1992].

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660 Thérèse Chevallier-Farat

totalement exogène au modèle. Ce peut être une tâche solaire qui


modifie les préférences des consommateurs quant à leurs échéan
ciers.

Contrairement à certaines critiques, nous voyons là un aspect


intéressant du modèle. En effet, les auteurs n'ont pas besoin (47)
d'envisager une détérioration subite du portefeuille de la banque,
détérioration qui conduirait à une panique assez triviale, surtout si les
déposants en sont quelque peu informés (48).
■ Si l'on veut établir un lien plus intéressant entre détérioration du
portefeuille bancaire et risque de panique, il est plus fructueux de
rechercher pourquoi les banques ont tendance à prendre des porte
feuilles trop risqués et quand est-ce qu'ils «deviennent» trop
risqués (49).
On peut également se demander pourquoi toutes les situations
d'incertitude sur les portefeuilles ne conduisent pas au « run »,
autrement dit, pourquoi la perception du risque par les déposants se
retourne brutalement (50).
Ce qui est en cause ici, ce sont les externalités que l'incertitude et
l'asymétrie d'information génèrent. Elles sont utilisées par les auteurs
pour montrer comment, une fois déclenché, le « run » se développe.
Les modifications exogènes des préférences sont relayées par les
modifications induites par la panique elle-même : la queue « signale »
aux déposants le risque de liquidité et incite ceux qui ne l'avaient déjà
fait, à modifier leurs préférences. Ainsi une fois déclenchée, la
panique s'autoréalise.

■ En troisième lieu, dans ce modèle, la banque est isolée. Par le


retrait, les fonds déposés sont « sortis » de la banque (sortis du
modèle) pour payer des dépenses de consommation. Rien n'est
précisé quant au retour éventuel des fonds dans la banque.
Qu'en serait-il du risque de panique si l'on modifiait cette hypothè
se ? Si la banque en question n'est que l'une des multiples agences de
la seule banque existante, il y a simple transfert des dépôts d'une
agence à l'autre. La fragilité est réduite dans ce cas de figure,
puisqu'un nombre important d'agences permet à la banque une
meilleure diversification, géographique notamment, de son porte

(47) En fait ils ne le peuvent pas : les investissements ne sont pas risqués. Leur
valeur ne dépend que de la date à laquelle on la mesure.
(48) Ce n'est pas parce que cette cause de panique bancaire se trouve fréquemment
dans la réalité qu'elle n'est pas triviale.
(49) Voir la tendance au surendettement (la « financial capacity » de I. FISHER) et
MINSKY [1986], l'aveuglement au désastre de GUTTENTAG et HERRING [1986] et
le comportement moutonnier des banques A. JAIN, S. GUPTA [1987],
(50) Voir GORTON [1988] sur la distinction entre le « run » qui désigne les retraits
massifs des dépôts d'une seule banque et la panique quand de nombreuses banques
sont concernées : la crise de liquidité est alors générale. La première peut entraîner la
seconde du fait des externalités d'information, particulièrement violentes dans la phase
de récession.

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Pourquoi des banques ? 661

feuille. Mais le risque de panique n'est pas totalement éradiqué,


puisque le portefeuille de la banque consolidée a toujours une valeur
inférieure à celle des dépôts.
Si maintenant on raisonne sur une multitude de banques, le danger
est nettement plus important (Gorton). En effet si le marché inter
bancaire permet des transferts compensateurs entre banques, il
transmet également la panique.
On sent ici la limite du raisonnement micro-économique : on est
contraint de raisonner sur le « système bancaire » (51 ) ce qui nous
conduira à envisager la fonction d'intermédiation au niveau macro
économique.

■ Enfin, ces remarques en appellent une dernière. Contrairement à


l'hypothèse faite dans beaucoup de modèles, les retraits ne sont pas
effectués pour réaménager des portefeuilles d'actifs financiers, mais
pour effectuer des dépenses.
En cela, le modèle devrait permettre d'articuler un service de
paiements au service de transformation des actifs. En fait il n'y
parvient pas, parce que le caractère monétaire de la dépense est éludé.
Comme les auteurs le soulignent eux-mêmes : il n'y a pas de
monnaie-billets. En fait, ce n'est pas l'existence ou non des billets qui
est la carence fondamentale ici, mais l'absence d'un système de
paiements et d'une monnaie externe par rapport aux dépôts.
• Pour bien mettre ceci en relief et échapper à cette limite du modèle,
il faudra revenir sur les caractéristiques d'une économie monétaire et
concevoir l'assurance de liquidité au niveau global.
Mais au préalable, il faut montrer que la liquidité des actifs peut être
accrue par de nombreux procédés qui ne supposent pas l'intermédia
tion d'une banque.

2.2. La fourniture de services de liquidité n'est


pas spécifique à la banque
■ Il existe de nombreux procédés pour accroître la liquidité des actifs
qui ne sont pas tous propres aux banques. Avant de les passer
rapidement en revue, il n'est peut-être pas inutile de préciser ce que
l'on entend par liquidité des actifs (52).

(51 ) Pour les besoins de l'analyse, deux notions doivent être distinguées dans un
premier temps : le secteur bancaire renvoie à la structure de marché des banques, le
« système bancaire » à l'organisation essentiellement « hors marché » des banques. Seul
le deuxième aspect sera vu ici, même s'il faudra bien, un jour, parvenir à articuler ces
deux approches...
(52) Voir par exemple LEWIS [1988] et GOUX [1989].

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662 Thérèse Chevallier-Farat

2.2.1. La liquidité des actifs


■ La liquidité fait référence à plusieurs caractéristiques des actifs qu'il
convient de distinguer. Certaines sont objectives tandis que d'autres
dépendent de l'appréciation des opérateurs sur les marchés :
— la divisibilité fait référence à la plus petite dimension suivant
laquelle une transaction sur un actif est possible. Elle permet la
diversification des portefeuilles de petite dimension (53) ;
— la négociabilité : il s'agit de la facilité et de la rapidité avec
laquelle on peut réaliser, à une date donnée, la valeur maximale d'un
actif à cette date (sans modification du marché). La profondeur et
l'organisation du marché déterminent largement cette caractéristi
que ;

— la plasticité renvoie à la facilité avec laquelle on peut manœuvrer


les rendements d'un actif. Jusqu'à récemment, cette notion pouvait
être confondue avec la négociabilité car l'échange d'actifs était le seul
moyen de modifier les modalités associées au rendement des fonds
placés. Avec le développement de certaines techniques financières
(swap, zéro-coupon, obsa, etc.), on est amené à distinguer la
plasticité de la négociabilité. En effet un actif financier est un
« paquet » de caractéristiques (54) qui peut être décomposé en blocs
distincts, négociables séparément ;
— la réversibilité renvoie à l'écart entre cours acheteur et vendeur
d'un actif à un moment donné. Cet écart dépend des coûts de
transaction et de l'incertitude sur la valeur future de l'actif ;
— le degré de certitude de la valeur en capital de l'actif : cette
caractéristique se distingue de la négociabilité qui suppose connue la
valeur de l'actif. Elle dépend de la maturité de l'actif, de nombreux
éléments qui viennent modifier les perspectives de profit des inves
tissements... et éminemment de l'opinion que les détenteurs effectifs
ou potentiels se font de la valeur future de ces actifs.
Comme dans le concours de beauté de Keynes, anticiper correcte
ment l'opinion moyenne des opérateurs sur les marchés est ici
essentiel. Si cette opinion est dispersée, le cours reste relativement
stable ; si, en revanche, elle a tendance à se polariser, la variabilité du
cours peut être considérable (55).

■ Disposer de ces caractéristiques à un haut degré confère la liquidité


à un actif. Cependant ces caractéristiques ne sont pas données une
fois pour toutes, ni indépendantes les unes des autres. L'amélioration
de l'une d'entre elles peut aller de pair avec l'amélioration ou la
détérioration d'une ou plusieurs autres. Plus radicalement, la liquidité
d'un actif est potentielle : elle ne peut être vérifiée qu'ex post, par la

(53) Cf. 1.1.


(54) Voir l'application de l'approche de LANCASTER aux actifs financiers par
LEWIS [1988].
(55) Voir ORLÉAN [1988].

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Pourquoi des banques ? 663

mise à l'épreuve. Ainsi l'appréciation ex ante de la liquidité reste


largement subjective et par voie de conséquence sujette aux exter
nalités habituelles.
Ceci lui confère un caractère conventionnel, qui est lui-même
cumulatif. La notion de liquidité est «auto-référentielle»: dès lors
que les anticipations sont croisées, la circularité des raisonnements
prévaut. La destruction de la liquidité est elle-même un processus de
défiance auto-réalisateur (56).

2.2.2. Les divers procédés de fourniture de services


de liquidité
■ La finance directe présente deux faiblesses qui sont souvent
évoquées :
— la différence des caractéristiques recherchées par les emprun
teurs et les prêteurs pour leurs actifs ;
— la volatilité des cours, liée à la marche au hasard des ordres
d'achat et de vente.

Certaines de ces faiblesses peuvent déjà être réduites par l'organi


sation des marchés. La liquidité que cette organisation procure peut
provenir de deux sources :
— l'organisation des transactions ;
— la présence d'un intermédiaire de marché qui centralise l'infor
mation et maintient des stocks d'actifs disponibles pour réduire les
fluctuations de cours. Tous les marchés financiers ne disposent pas, à
strictement parler, d'opérateurs spécifiquement désignés pour remplir
cette fonction qu'est la fonction de contrepartiste.

1 ) L'organisation des transactions


■ Au lieu de se limiter à des marchés de gré à gré, on peut organiser
les marchés. Cette organisation peut être formelle ou pas, résulter
d'accords de place ou d'une institutionnalisation plus poussée.
Elle porte sur toutes sortes d'éléments et conduit généralement à la
réduction des coûts d'information : la standardisation des produits,
les termes des contrats négociés, les échéances connues à l'avance,
les conditions d'appartenance au marché, les obligations d'informa
tion du public, l'existence d'une chambre de compensation qui
centralise les transactions et les appels de marges...

■ L'organisation des marchés permet également la centralisation des


opérations, ce qui facilite les transactions.
• Tout d'abord, en accroissant le volume de transactions, cette
centralisation augmente la négociabilité des actifs. Ainsi une place
trop étroite présente des risques qui lui interdisent de croître (carac

(56) Voir ORLÉAN sur le mimétisme comme attitude rationnelle dans des marchés
avec incertitude et externalités.

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664 Thérèse Chevallier-Farat

tère cumulatif de la liquidité). Il en découle également qu'une trop


grande diversité de contrats en petits nombres conduit à
l'illiquidité (57).
■ En second lieu, elle facilite la création de marchés secondaires. En
effet les prêteurs veulent pouvoir se dégager de contrats passés. Pour
ce faire, ils doivent trouver d'autres créanciers susceptibles de se
substituer à eux (58).
En réduisant les contraintes d'échéances, ces marchés rendent les
engagements plus flexibles sans rien modifier des échéances pour
l'emprunteur. Ce faisant ils élargissent le menu d'actifs disponibles
pour les prêteurs et accroissent la liquidité du marché primaire.
A leur manière, les marchés secondaires transforment donc les
échéances.

Mais l'inconvénient de ces marchés secondaires tient à la perte


d'une autre caractéristique de la liquidité des actifs : ils rendent la
valeur des promesses plus dépendante des défauts d'information et
laissent jouer des phénomènes de mimétisme. Ces défauts peuvent
même entraver le fonctionnement du marché primaire quand une crise
de... liquidité apparaît (59).

■ Enfin, de nombreuses institutions financières peuvent encore


accroître la liquidité grâce aux services d'information qu'elles vendent
(agence de rating) ou/et par le courtage qu'elles opèrent. En rédui
sant le coût d'information et le coût de recherche des emprunteurs et
des prêteurs, ces institutions accroissent la liquidité des marchés. Le
transfert des risques par le marché s'en trouvera facilité.

2) La fonction de contrepartiste

■ A cette fonction de courtage, qui ne suppose qu'un risque ordi


naire d'entreprise (60), les intermédiaires peuvent ajouter une fonc
tion de teneur de marché.

« En achetant et vendant, pour leurs comptes propres, des titres sur le


marché, ils assurent une certaine stabilité à leurs cours. Ils proposent
à tout instant un cours acheteur et un cours vendeur pour certains
titres. Et aux cours annoncés, ils s'engagent à offrir la contrepartie à
tout opérateur qui se présente, qu'il soit acheteur ou vendeur.

(57) Voir PAGANO [1989] sur le caractère cumulatif de la liaison entre le volume de
transactions et la profondeur du marché.
(58) Ceci n'est envisageable que pour des actifs qui ne sont pas trop spécifiques
(cf. 1.1.).
(59) On peut citer, à titre d'exemple, la fin des émissions de PFRN à la suite des
difficultés importantes sur leur marché secondaire en 1986. L'ambiguïté sur la nature
du titre (fonds propres ou dettes), qui a sans doute expliqué un certain engouement
dans un premier temps, a fini par susciter des craintes, qui se sont traduites par des
difficultés d'évaluation.
(60) Le coût opératoire de recherche et de traitement de l'information est-il couvert
par les commissions facturées ?

Rev. écon. pol. 102 (5) sept.-oct. 1992

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Pourquoi des banques ? 665

En gérant un stock d'actifs, ils régularisent les fluctuations des


cours et améliorent à la fois la négociabilité (coût réduit de recherche
du cocontractant par centralisation des opérations) et la prédictabilité
de la valeur des actifs.

Cependant pour limiter leur propre risque, ils peuvent être amenés
à ouvrir le spread (61 ), réduisant ainsi une autre caractéristique de la
liquidité d'un actif : la réversibilité.
■ Si les contrepartistes accroissent généralement la liquidité sur les
marchés secondaires, ils peuvent aussi contribuer à la réduire sévè
rement en période de crise. Par la dimension des ordres qu'ils passent,
ils peuvent amplifier les mouvements de retournement. En outre, du
fait de leur petit nombre, ces intermédiaires « spécialistes », en pola
risant les anticipations, peuvent devenir un facteur déclenchant de la
crise de liquidité (62).

■ En définitive, tous ces procédés modifient la liquidité des actifs à


des degrés divers. Ceci nous amène d'ailleurs à remettre en cause une
affirmation fréquemment rencontrée, à savoir que les marchés ne font
que transférer les risques. Nous venons de voir qu'en modifiant la
liquidité des actifs, ils transforment les risques dont ces actifs sont les
supports.
Sans doute le font-ils à un degré moindre que les banques. Mais
alors la spécificité des banques ne serait-elle qu'une question de
degré ?

2.3. La spécificité de l'intermédiation bancaire


tient aux particularités d'une économie
monétaire

■ Tous les raisonnements faits jusqu'ici sont restés cantonnés dans la


sphère financière avec, dans le meilleur des cas, des incursions dans
la sphère réelle. Dès lors, il n'est peut-être pas très étonnant que l'on
ne soit parvenu à repérer que quelques traits de la spécificité bancaire
Certes, ils seront utiles, mais l'on sent la nécessité de sortir de ce
champ d'investigation.

(61) VoirGOODHART [1989], chapitre 1.


(62) C'est cette polarisation des anticipations, et non la technologie en elle-même,
qui confère au «program trading » son caractère déstabilisateur. La polarisation des
anticipations résulte, quant à elle, de la similitude dans les méthodes d'anticipations,
dans les logiciels utilisés et enfin dans les informations observables sélectionnées. Aux
mains de quelques gros opérateurs, ce «traitement» particulier de l'information,
associé au déclenchement automatique des ordres à partir de l'information ainsi traitée,
peuvent conduire à une forte instabilité. Pour une analyse plus détaillée des stratégies
utilisant le «program trading », et les liens entre marchés au comptant et contrats à
terme sur indice, voir le Rapport DEGUEN p. 132.

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666 Thérèse Chevallier-Farat

Pour y parvenir, il ne suffit pas de « compléter » en « ajoutant » la


sphère monétaire, car on resterait dans une approche des choix de
portefeuilles, certes un peu plus complète, mais toujours limitée par
l'hypothèse d'équilibre partiel, inhérente à cette approche (Gaffard
Pollin [1988]).

■ Il faut placer au centre du raisonnement le caractère d'emblée


monétaire de l'économie. Il ne s'agit pas de se plier ici au fatalisme du
«Jamais Deux sans Trois», mais de trouver dans le «triangle
incommode » (63) la spécificité des banques.
L'asymétrie d'information, qui s'est révélée très utile pour compren
dre toutes sortes d'organisations et de types de contrats, explique
également la nécessité d'un instrument monétaire incontestable pour
assurer les paiements. Le caractère monétaire d'une économie ne
provient pas d'une contrainte de transaction à la Clower. Il réside
fondamentalement dans l'incertitude des échanges, quelqu'en soit le
type (64).
Dans un univers incertain et « miné » par l'asymétrie d'information,
l'intermédiation bancaire « monétise » les créances : elle transforme
en moyens de paiements, à peu près incontestables, des créances sur
lesquelles pèsent toujours le soupçon, ce qui les rend inaptes au
paiement.
Ce faisant l'intermédiation bancaire assure l'articulation entre les
trois sphères et peut être, plus fondamentalement, permet-elle l'exis
tence même d'une économie d'échanges quelque peu développée.

■ Pour monétiser les créances avec régularité, la banque doit


produire conjointement deux types de service : la transformation des
actifs et la gestion des moyens de paiement.
C'est par l'articulation de ces deux types de services que la banque
fournit l'assurance de la liquidité, et c'est ce qui la rend spécifique
(2.3.2.). Mais on verra qu'elle ne peut le faire que parce qu'elle est
elle-même «assurée» par son insertion dans le système bancaire
(2.3.3.).
Mais au préalable, il convient de préciser ce que signifie la gestion
des moyens de paiement (2.3.1.).

2.3.1. La gestion des moyens de paiements


■ Les analyses précédentes ont souvent laissé de côté la gestion des
moyens de paiements, un peu comme s'il ne s'agissait là que d'un
problème d'intendance, dont la solution n'avait aucune implication
importante.

(63) Par cette image, C. de BOISSIEU rend bien compte de la difficulté à intégrer
dans un modèle unique les liens entre actifs monétaires, financiers et réels.
(64) En ce sens, voir par exemple GAFFARD POLLIN [1988], AGLIETTA [1988],
GOODHART [1989],

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Pourquoi des banques ? 667

Rien d'étonnant à cela, puisque les hypothèses de la plupart des


modèles analysés isolaient la sphère financière de la sphère réelle. En
limitant l'asymétrie d'information à la sphère financière, la contrainte
de paiement est, au mieux, une contrainte de liquidité (cash in
advance).
Si en revanche on considère que tout échange est lui-même sujet
à l'asymétrie d'information, il faut envisager que tout service de
paiements contient une assurance.

■ Il semble que des institutions de types variés puissent apporter


cette assurance, puisque durant les mutations financières, on a vu des
intermédiaires non bancaires, voire, des agents non financiers entrer
dans cette activité. Et selon certains, ce service serait mieux rendu par
ces institutions que par les banques.
■ Suivant Goodhart [1989] par exemple, les OPCVM sont tout à fait
à même de livrer des services de paiements, en adossant des comptes
de dépôts à des portefeuilles de titres négociables, plus ou moins
risqués.
Ces dépôts n'auraient pas de valeur fixe. Mais ils ne seraient pas
non plus susceptibles de run (65), puisque, par construction, ils
auraient toujours la même valeur que les actifs négociables qui leur
servent de contrepartie.
Certes l'auteur envisage quelques aménagements techniques pour
limiter la convertibilité des dépôts. Mais par constitution, ces institu
tions seraient dégagées des risques de liquidité et de solvabilité de
type bancaire.
■ Cette conception présente cependant quelques faiblesses. Tout
d'abord certains points de l'argumentation de Goodhart sont obscurs.
La vente d'actifs en portefeuille par l'OPCVM est supposée se faire
sur des marchés efficients et la valeur de ce portefeuille est elle-même
dépendante de tels marchés (p. 185). Dès lors, on ne comprend pas
bien la nécessité de cette assurance de liquidité par un intermédiaire :
on revient à l'analyse de Fama dans son modèle de neutralité
bancaire.
Si en revanche, les marchés ne sont pas efficients, la valeur des
dépôts de type OPCVM peut être soumise à des fluctuations errati
ques. Leurs titulaires sont dans l'impossibilité de distinguer si cette
instabilité résulte d'une mauvaise gestion, du comportement oppor
tuniste des gestionnaires ou des conditions des marchés (66). Là
encore, c'est l'asymétrie d'information qui va inciter les déposants à
rechercher, au moins pour partie de leurs avoirs, des contrats à valeur
nominale fixe.

(65) Les «mutual funds » qui proposent des services de paiements et qui, pour
attirer la clientèle, s'engagent â maintenir une valeur fixe aux « dépôts » sont exposés
au risque de run : voir l'exemple de UK Provident Institute dans GOODHART [1989],
note p. 186.
(66) Voir GOODHART [1989] et LEWIS [1992],

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668 Thérèse Chevallier-Farat

• De plus en reprenant l'argumentation de Diamond Dybvig, on ne


voit pas comment l'institution qui ne prend pas en charge le risque de
liquidité, peut fournir l'assurance de liquidité associée aux contrats de
dépôts.
En effet certaines de ces institutions gèrent une partie des paie
ments, parce qu'elles attirent la clientèle en proposant des services
liés à la gestion de portefeuille. Ce faisant elles sont susceptibles,
comme les banques, de dégager des économies d'envergure.
Mais elles ne parviennent à assurer les paiements que parce qu'elles
dépendent, d'une manière ou d'une autre, des banques qui «assu
rent » à leur place. Autrement dit, les OPCVM ne peuvent le faire qu'à
la marge d'un système bancaire, parce qu'elles lui transfèrent le risque
de liquidité qu'elles ne prennent pas en charge (67).
N'étant pas formellement des banques, elles ne sont pas soumises
à la même réglementation que les banques. Et donc si ce sont des
raisons de sécurité qui justifient la réglementation appliquée aux
banques, ces institutions doivent y être soumises et deviennent ainsi
des « banques » (68).

■ Enfin des paiements adossés à des comptes à valeur variable sont


toujours suspects, et cette incertitude incite les agents à trouver des
dispositifs plus sûrs.
« En témoigne l'expérience américaine des « bank notes » à la fin du
siècle dernier telle qu'elle est retracée par Gorton et Mullineaux
[1987],
Avant la généralisation des comptes de dépôts dans les banques,
les « déposants » détenaient des « bank notes » qui faisaient l'objet
d'un marché secondaire tenu par des brokers. Pour évaluer ces bank
notes, ceux-ci mesuraient le risque de défaut de la banque en vérifiant
la valeur de son portefeuille.
Les fluctuations des cours sur ces marchés secondaires, ainsi que
leur faible extension géographique, faisaient subir aux détenteurs de
ces bank notes et à leurs créanciers, une trop grande incertitude sur la
conversion des avoirs en espèce.
■ Ainsi les maigres performances des bank notes comme base des
paiements ont conduit à leur abandon progressif. S'y sont substitués
des comptes de chèque, en dépit des inconvénients que recèle
également un tel mode de paiement.
En effet dans un paiement par chèque, le vendeur doit considérer :
— les fonds dont dispose l'émetteur du chèque ;

(67) Voir en ce sens CASTEL ULLMO [1991], p. 53.


(68) Il n'est pas envisagé ici de rentrer plus dans le détail des divers types de
réglementation qui s'appliquent à la banque. Dans le contexte français, la non
rémunération des dépôts bancaires et la « gratuité » des services de paiements ne
relèvent pas de considérations visant la sécurité de l'intermédiation bancaire. Pour une
discussion de cette réglementation, voir par exemple CHIAPPORI [1992].

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Pourquoi des banques ? 669

— l'aptitude de la banque émettrice à échanger ce chèque ;


— l'aptitude de sa propre banque à lui fournir des espèces.
Ainsi, un chèque est une créance à la fois sur le payeur, titulaire du
compte, et sur la ou les banques des échangistes. Au risque de défaut
du titulaire du dépôt, s'ajoute donc le risque bancaire.
Malgré cet inconvénient, le compte de chèque a progressivement
supplanté les bank notes. Mieux placées que les brokers dans
l'asymétrie d'information entre échangistes, les banques peuvent
procurer une meilleure assurance de liquidité. En gérant des comptes
de dépôts, elles sont amenées à les surveiller et à exercer des
contraintes sur les payeurs indélicats (69).
Autrement dit, c'est en contribuant à résoudre, au moins partielle
ment, le problème d'asymétrie d'information indus dans tout paie
ment par chèque ou par virement, que les banques parviennent à faire
accepter certaines de leurs dettes comme moyens de paiement. Ce
faisant, elles «transforment» des actifs financiers en actifs monétai
res, en actifs de paiement. Et c'est cette particularité qui les met au
centre de l'économie d'échange.

2.3.2. L'articulation des services de paiement


à la transformation des actifs

■ On a souvent souligné les avantages, en termes de coûts, dont les


banques disposent dans la production jointe de deux services : la
gestion de moyens de paiement et la transformation d'actifs.
Ici on ne cherche pas à savoir si les économies d'envergure existent
ou non. Plus fondamentalement, il s'agit de montrer que même en
l'absence d'économies d'envergure, les banques offrent ces services
joints.
Rien d'étonnant à cela, puisque ce faisant, elles « produisent » une
seule et même chose sous des formes différentes : elles produisent de
l'assurance de liquidité.
Elles y parviennent en exerçant deux fonctions : une fonction
d'information et une fonction de fourniture de fonds qui suppose la
prise en charge du risque. Voyons ces deux fonctions successive
ment.

1 ) La fonction d'information

■ On a déjà vu dans la première partie (1.2.) que la banque parvient


à mieux capter l'information sur les candidats emprunteurs que des
investisseurs isolés. Elle dispose d'un avantage dans l'asymétrie

(69) Au-delà des moyens de coercition internes à la banque, il faut également que
le système juridique et pénal soit lui-même crédible. Voir les réactions des banques à
la récente jurisprudence sur les chèques sans provision.

Rev. écon. pol. 102 (5) sept.-oct. 1992

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670 Thérèse Chevallier-Farat

d'information de type A, et dans les coûts d'information qu'elle


entraîne. On n'y reviendra pas ici.
Précisons plutôt l'information qu'elle peut récolter grâce aux
dépôts qu'elle gère.
■ Dès lors qu'elle reçoit des dépôts, la banque doit tenir un système
de comptes qui est à la fois une mine de renseignements et une
mémoire (Brender [1980]).
Les comptes de dépôts livrent une information qui porte tant sur les
flux d'entrées (régularité, provenance des fonds, types de revenus)
que sur les flux de sorties (régularité des retraits, types de dépenses,
virements automatiques, etc.). Cette information permet à la banque
d'évaluer les stocks moyens détenus et de mieux connaître les
caractéristiques de sa clientèle (70).
Elle peut affiner cette connaissance en proposant plusieurs types de
dépôts. En analysant les réactions de ses clients aux caractéristiques
variées de ces dépôts, elle pourra préciser leur préférence pour la
liquidité.
■ La banque peut tout d'abord faire un usage privé de cette informa
tion. En traitant l'information qu'elle retire ainsi de la chronique d'un
grand nombre de dépôts, la banque parvient à mutualiser le risque de
retrait (71).
Elle peut également utiliser cette information privée pour sélection
ner les candidats à l'achat de produits financiers divers (sous forme de
placements et de prêts) et pour contrôler l'exécution des contrats de
crédit.
Enfin en combinant l'information privée tirée de sa clientèle (des
deux côtés du bilan) à l'information publique disponible sur les
marchés, elle se donne les moyens d'étendre la gamme des produits
financiers qu'elle peut proposer.
■ La banque peut également « vendre » cette information. Certes, en
séparant la vente d'information de la fourniture de fonds, les banques
ne remplissent pas une fonction spécifique, mais s'assurent une
rémunération sous forme de commissions.
En conseillant les entreprises sur les conditions des marchés de
dettes ou sur les financements de haut de bilan, en mettant à leur
disposition un savoir faire dans les montages financiers, ou la
constitution de «tours de table», les banques s'assurent une rému
nération indépendante des conditions de prix sur les fonds prêtables.

■ Cette fonction d'information qui peut déjà être valorisée pour


elle-même, donne en outre aux banques un avantage déterminant
dans la fourniture de fonds.

(70) Voir en ce sens AGLIETTA [1991], p. 13 « ... le transfert de monnaie est une
information qui est un produit joint de chaque transaction ».
(71 ) Voir la particularité des banques de gros (LEWIS et DAVIS) et l'application qui
en est faite aux banques internationales (T. CHEVALLIER).

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Pourquoi des banques ? 671

2) La fourniture de fonds

■ Ce que l'emprunteur demande à la banque quand il sollicite un


crédit, c'est la « liquidité » qui lui permet de financer le pari qu'il fait,
en attendant les résultats de son activité, que celle-ci serve
directement (72) indirectement (73) au remboursement de la dette.
Il peut avoir besoin de cette liquidité immédiatement, ou dans le
futur d'une manière certaine ou seulement d'une manière condition
nelle. Mais il se heurte à l'asymétrie d'information du côté de la
banque (asymétrie de type D). Il n'est pas certain que la banque
acceptera de le financer ultérieurement, d'autant plus qu'elle a de
nombreuses raisons de dissimuler ses éventuelles intentions.
Pour préserver ses possibilités d'exploitation et de croissance
future, l'entreprise tente de se construire une assurance de finance
ment auprès de la banque (74).
De nombreux dispositifs sont envisageables pour conférer une
certaine stabilité à la relation banque-clientèle. Ils ne sont pas
détaillés ici. Seules seront reprises les modalités variées que peuvent
prendre les relations de crédit.

■ La banque peut assurer la liquidité à sa clientèle-crédit à des


degrés divers et de multiples manières. Pour mettre un peu d'ordre
dans ces modalités d'assurance, il convient de distinguer les procé
dures d'assurance directe, de celles qui font intervenir des tiers.
■ Dans les procédures d'assurance directe, la banque fournit elle
même la liquidité ou s'engage à la fournir. Elle peut tout d'abord
fournir les fonds immédiatement, soit complètement, comme dans un
crédit classique, soit partiellement comme dans un prêt syndiqué.
Elle peut également s'engager à fournir les fonds ultérieurement,
soit d'une manière ferme (sorte d'opération à terme) à des conditions
fixes ou variables comme dans des crédits revolving, soit d'une
manière optionnelle par des lignes de crédit ou des autorisations de
découvert, par exemple. Dans ce cas de figure, le client dispose d'une
sorte d'option d'achat qu'il lèvera ou non suivant les circonstances.
■ La banque peut également assurer la liquidité d'une manière
indirecte : en « signalant » l'emprunteur au marché, son intervention
facilite l'engagement d'autres prêteurs.
D'une manière classique, la banque modifie une des caractéristi
ques de l'effet commercial (aval, signature, garantie), ce qui lui
permet de circuler plus facilement.
La banque peut également conduire les émissions d'obligations
pour sa clientèle ; en cela, elle s'engage à trouver d'autres prêteurs ou

(72) Crédit d'investissement ou crédit d'exploitation par exemple pour des entre
prises.
(73) Crédit immobilier ou crédit à la consommation pour les ménages, par exemple.
(74) On retrouve ici l'idée de HICKS [1975] : « assured (or apparently assured)
borrowing capacity », citée par GOUX [1989].

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672 Thérèse Chevallier-Farat

se condamne... à rester « collée » avec le papier. Elle peut également


s'engager à renouveler cet engagement dans le temps, par des
instruments à plus court terme (Nif, Mof).
Enfin elle peut s'engager d'une manière conditionnelle à travers des
lignes de substitution, associées aux émissions de papier commercial.

■ Comme on le voit, la banque utilise toute la gamme des procédés


pour doser l'assurance de liquidité. Et quelque soit la manière de
fournir les fonds (totalement, partiellement, à terme, ou d'une manière
conditionnelle... voire pas du tout), elle procure une assurance de
liquidité (totale ou partielle), pour une durée déterminée. Et les
opérations qui traduisent cette assurance peuvent aussi bien figurer
au bilan qu'au hors-bilan.

■ Cette assurance permet tout d'abord l'engagement de dettes :


— vis-à-vis de la banque, dans le cas d'un crédit classique. La
durée du crédit, les garanties demandées ainsi que la prime de risque
sont autant de moyens pour la banque de «graduer» la liquidité
qu'elle fournit ;
— ou/et vis-à-vis de prêteurs moins bien placés que la banque
dans l'asymétrie d'information. Là encore de multiples « graduations »
sont à la disposition de ces prêteurs.

■ En second lieu, cette assurance permet à l'emprunteur de procéder


immédiatement à des dépenses nouvelles ou d'envisager des dépen
ses futures.

Ces dépenses ne sont possibles que parce que les instruments de


l'endettement (ce qui est fourni dans le contrat de dette) sont
eux-mêmes des moyens de paiements non contestés. Par le contrat
de dette, on a « transformé » un actif financier en actif de paiement,
disponible immédiatement ou dans le futur.
Suivant le cas, l'emprunteur peut, immédiatement ou ultérieure
ment, exercer dans la sphère réelle le pouvoir qui lui est ainsi conféré.
Il peut également différer une partie de ces dépenses, ou encore
utiliser ces instruments de paiements pour éteindre de vieilles dettes.
Peu importe, les signes monétaires vont circuler et « passer » plus ou
moins rapidement dans la sphère réelle.

■ Enfin le caractère direct ou indirect de la «fourniture de fonds»


détermine la rapidité et l'ampleur de l'impact de cette nouvelle dette
sur la sphère réelle.
Si les fonds sont fournis par des prêteurs non bancaires, ceux-ci ont
dû se procurer les moyens de paiements dont ils sont constitués : les
fonds existaient ex ante, même si pour écrire le nouveau contrat de
dette, il a fallu « liquider» d'autres actifs financiers.
Globalement il n'y a ici qu'une substitution d'actifs. Mais il n'est
pas certain que cette substitution n'ait aucun impact sur la sphère
réelle.

Rev. écon. pol. 102 (5) sept.-oct. 1992

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Pourquoi des banques ? 673

En revanche, si les fonds sont fournis directement par la banque, ils


peuvent être créés, partiellement ou totalement, à l'occasion du crédit
en question. Et la possibilité qu'ont les banques de créer ces signes
monétaires leur confère un pouvoir exorbitant.

■ Cependant, on le sait, ce pouvoir est limité de deux manières. Tout


d'abord, rien ne garantit que le crédit octroyé fera le dépôt. Autrement
dit au niveau micro-économique, la capacité de création monétaire
est limitée par la part de marché des dépôts dont dispose la banque.
Et l'incertitude qui pèse sur ce « retour » des moyens de paiements
dans la banque, la conduira à une certaine prudence dans l'octroi des
crédits.

En second lieu, ces dépôts peuvent faire l'objet d'une demande de


conversion en monnaie externe. Et l'équilibre de panique vient
sanctionner le manque de liquidité de la banque. En constituant des
réserves, la banque limite ce risque, tout en réduisant ses capacités de
prêts.
Autrement dit, les banques sont limitées dans leur pouvoir moné
taire par l'assurance de liquidité qu'elles fournissent des deux côtés
du bilan et à travers leurs opérations Hors Bilan.

■ En définitive, la banque transforme de l'information en assurance.


Dans un univers incertain et entaché d'asymétries d'information, le
soupçon pèse sur toutes les transactions, qu'elles soient ou non
financières. Dans ce contexte, la fonction spécifique de la banque est
l'assurance de liquidité.
La banque fournit cette assurance par la production structurelle
ment jointe d'assurance des paiements et de garanties de dettes. En
gérant les paiements, elle garantit la bonne fin des transactions en
faisant taire les contestations que des instruments d'échange (non
monétaires) laisseraient subsister (75). Pour garantir les dettes, la
banque peut fournir immédiatement des moyens de paiements, ou
prendre l'engagement, ferme ou contingent, de les fournir ultérieure
ment.

La « prime » qu'elle demande en contrepartie de cette assurance est


finement graduée par de nombreux dispositifs (taux d'intérêt fixes ou
variables, mais aussi nantissements, hypothèques, leasing, balances
compensatoires etc.).
Enfin cette production jointe d'assurance se fait par la transforma
tion des actifs, transformation qui porte sur toutes leurs caractéristi
ques et pas seulement, comme on a trop tendance à le dire, sur leurs
échéances.

■ Mais comme la banque est elle-même soumise à l'asymétrie


d'information, elle ne peut, à elle seule, remplir cette fonction

(75) La distinction entre moyens de paiements (monétaires) et instruments


d'échange est précisée par SHACKLE, voir GOODHART [1989], p. 26.

Rev. écon. pol. 102 (5) sept.-oct. 1992

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674 Thérèse Chevallier-Farat

d'assurance de liquidité avec régularité. Pour y parvenir, elle doit être


protégée à son tour. Et c'est le « système bancaire » dans son
ensemble qui constitue ce filet de sécurité.

2.3.3. La banque appartient à un « système » bancaire


■ L'assurance de liquidité fournie par la banque a bien des fonde
ments micro-économiques. Mais il faut envisager l'intermédiation
bancaire au niveau macro-économique pour véritablement compren
dre les procédures d'assurance dans toute leur étendue. Dans les
systèmes bancaires développés, plusieurs dispositifs coexistent ; ils
supposent tous l'intervention, à des degrés divers, de la Banque
centrale (76).
■ En premier lieu, l'intermédiation bancaire doit assurer les paiements.
Pour faire circuler sa monnaie, une banque doit tout d'abord cons
truire un système de paiements à l'intérieur de son réseau, un système
de paiements à « basse tension » (Aglietta [1991]). Les règles qu'elle
édicté pour elle-même, permettent la compensation interne des
paiements entre clients de la banque.
Mais elle doit également être assurée que les paiements entre ses
clients et ceux des autres banques sont effectués rapidement et sans
accrocs. L'assurance des paiements entre clients des banques (sys
tème de paiements à « haute tension ») suppose l'organisation de la
Compensation entre monnaies bancaires.
■ En second lieu, la banque peut chercher, auprès d'autres banques,
l'assurance de liquidité dont elle a elle-même besoin. En effet comme
les emprunteurs et les prêteurs ultimes à qui elle fournit l'assurance de
liquidité, elle est elle-même face à un univers incertain entaché
d'asymétries d'information. Et comme eux, elle est amenée à s'assurer
auprès d'autres banques. En procédant à un nouveau partage des
risques, le marché interbancaire permet la co-assurance des banques.
■ Enfin, qu'elle soit ou non dans une situation financière délicate, la
banque est soumise au risque de course au guichet. Que les retraits
massifs se traduisent par des virements à d'autres banques ou par une
demande de monnaie centrale lui importe peu : en l'absence de
dispositifs de réassurance, sa perte de liquidité se transforme rapide
ment en crise de solvabilité et la fait disparaître en tant qu'entreprise.
Les ravages qu'une faillite bancaire peut produire sur tout l'équilibre
du système bancaire et financier sont telles que des dispositifs de
ré-assurance ont été mis en place. Ils impliquent tous une certaine
hiérarchisation dans les systèmes bancaires.

1 ) La compensation des paiements


■ Les monnaies bancaires ne peuvent véritablement servir dans les
paiements que si leurs utilisateurs sont certains qu'elles sont en

(76) Pour une synthèse, voir LAGAYETTE [1991].

Rev. écon. pol. 102 (5) sept.-Oct. 1992

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Pourquoi des banques ? 675

permanence convertibles entre elles, à taux de change fixe et égal à


1 (77). Cette certitude repose sur l'organisation de la compensation
qui éteint définitivement les relations de crédit qui subsistent dans
tout paiement par monnaie bancaire.
Pour y parvenir, la « compensation » doit pouvoir réduire l'asymétrie
d'information entre banques. En effet chaque banque ignore si les
autres banques honoreront leurs dettes à la fin de la journée. Réduire
les risques de liquidité et de défaut (78) contenues dans les positions
inter-bancaires suppose, là encore, un intermédiaire ou une organi
sation hors marché à même de surmonter ces asymétries d'informa
tion.

■ En fait, les risques qu'un dysfonctionnement du système de


paiements fait courir à l'ensemble de la communauté des paiements
sont tels que l'on est amené à considérer la sécurité du système de
paiement comme un bien public (79). Ceci confère à la Banque
Centrale un rôle de garant du système des paiements dans son
ensemble.

Pour organiser la centralisation des paiements, « la Banque des


banques » sélectionne les agents à qui elle donne l'autorisation de
recevoir des dépôts monétaires et par le compte qu'elle leur ouvre, elle
surveille leurs positions journalières. Elle organise enfin le dénoue
ment des paiements en assurant la convertibilité des monnaies
bancaires en monnaie centrale. Ce dénouement peut se faire suivant
divers procédés; ils ne présentent pas tous le même degré de
sécurité (80).

■ Les risques de panne collective sont très limités quand le dénoue


ment des paiements se fait en temps réel, à l'aide de paiements bruts
et irrévocables. En effet les paiements de la clientèle sont transférés,
au fur et à mesure, aux comptes de la banque à la Banque centrale, et
d'une manière irrévocable. Le paiement et le transfert de monnaie
centrale sont donc liés. Ainsi, le caractère définitif du paiement est-il
garanti par la Banque centrale à tout instant.
Celle-ci peut subir un risque de crédit, si elle autorise les banques
à garder des positions débitrices en cours de journée. Quand c'est le
cas, elle limite ce risque en plafonnant les positions débitrices (81 ).

■ En revanche dans les systèmes à règlement net, les risques de


système peuvent être importants. En effet les banques accumulent

(77) Voir AGLIETTA [1988] et GORTON MULLINEAUX [1987],


(78) On laisse ici de côté les risques techniques et informatiques associés à tout
système de paiement.
(79) On n'abordera pas ici la discussion de ce point. Se reporter à AGLIETTA
[1991 ] pour une critique du courant du « Free Banking ».
(80) Voir PERDRIX [1992] pour une analyse plus détaillée des divers systèmes
existants.
(81) C'est le cas dans le système américain FEDWIRE par exemple, cf. PERDRIX
[1992],

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676 Thérèse Chevallier-Farat

créances et dettes jusqu'à l'heure de compensation, moment où les


règlements nets sont effectués par transfert de monnaie centrale.
Durant la journée, les banques créancières peuvent utiliser les
fonds qui leur sont dûs, mais, ce faisant, elles s'exposent au risque de
liquidité ou de défaut des banques débitrices.
En fin de journée, les paiements ne sont effectués que sous réserve
que la compensation effective soit faite. Dans le cas contraire, tous les
paiements journaliers avec le participant défaillant sont révoqués, ce
qui peut mettre en difficulté les banques créancières de la banque
défaillante et par contagion, propager le risque de système.
Ainsi, la clause de révocabilité, qui permet en principe à la Banque
Centrale de limiter les risques liés à sa fonction d'agent des règle
ments, se révèle une arme à double tranchant.
Tant que les intervenants étaient peu nombreux et bien connus, les
volumes de transactions et les découverts intra-journaliers limités, la
révocabilité ne présentait pas un tel danger. Mais avec l'augmentation
du volume des paiements, leur internationalisation et le développe
ment des opérations intra-journalières, la mise en œuvre de la
révocabilité est de plus en plus problématique et donc peu crédible.
Les systèmes en règlements nets qui présentent l'avantage d'éco
nomiser de la liquidité, sont en fait appelés à disparaître au profit de
systèmes en règlement brut. Des réformes en ce sens sont en train
d'être mises en place, en France notamment (82).

2) La co-assurance interbancaire

■ Les banques assurent la régularité de la monétisation de leurs


dettes en se co-assurant par l'organisation d'un marché interbancaire.
Il fonctionne comme un marché d'options de gré à gré par lequel les
banques s'assurent la liquidité (83).
En effet l'interbancaire ne remplit pas seulement une fonction de
« vases communicants », même si cette fonction est importante, car
elle permet une spécialisation plus ou moins poussée des institutions
bancaires.

Il permet également de pallier l'absence de marché secondaire pour


les prêts : un stock de titres sur le marché monétaire joue le rôle de
tampon entre les retraits aléatoires de dépôts, ce qui réduit le besoin
de réserves (Fama [1985]).
En outre il laisse ouvert le circuit des dettes et créances entre
banques : en cela, il constitue un deuxième niveau de partage des
risques, et assure partiellement la liquidité des banques. Chaque

(82) Voir LAGAYETTE [1991],


(83) Pour une application à l'intermédiation internationale et une explication du
poids très élevé des opérations interbancaires dans ce cadre, voir T. CHEVALLIER
[1988].

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Pourquoi des banques ? 677

banque, en tant que participant effectif ou potentiel au marché


interbancaire, devient un recours possible pour les autres banques.
Ainsi le marché interbancaire permet-il une mutualisation externalisée
des risques, une mutualisation par le marché.
Enfin, il est également le canal de transmission de la politique
monétaire. Par ses interventions sur le marché (84), la Banque
centrale peut accroître ou resserrer la liquidité des banques. Une
politique de stabilité monétaire, à même de garantir la confiance dans
la monnaie, doit préserver également la sécurité du système bancaire.
Il se peut que dans certaines circonstances financières, ces deux
objectifs rentrent en conflit. Le second est généralement préservé au
dépens du premier (85).

■ Comme on le voit, ces fonctions du marché interbancaire sont


essentielles à la régularité de l'intermédiation bancaire et à la
confiance dans la monnaie. Une défaillance sur ce marché est
susceptible d'entraîner des réactions en chaîne.
En effet sur ce marché comme sur d'autres, l'asymétrie d'informa
tion prévaut ainsi que les externalités qu'elle suscite. On y retrouvera
donc les caractéristiques propres à de tels marchés :
— des dispositifs à même de réduire l'incitation adverse : les dettes
entre banques sont assorties d'échanges de titres qui viennent
garantir l'assurance de liquidité ;
— une flexibilité imparfaite des prix et des comportements de
rationnement de l'offre ;
— un équilibre de panique : la défiance vis-à-vis d'un établisse
ment peut se propager sur le marché interbancaire : source d'assu
rance, ce marché est également la chaîne de transmission du risque de
système.
« La survenance de ce risque systémique est pour les Banques
centrales une sorte de « désert des tartares » dans lequel on se prépare
le mieux possible à l'agression, en espérant et en escomptant bien que
celle-ci n'arrivera pas» (Lagayette [1991]).

3) La ré-assurance dans un système hiérarchisé

■ Pour réduire ce risque de système, de nombreux dispositifs


peuvent être mis en place. Ils relèvent d'institutions hors marché, qui
ne se confondent pas toujours avec la Banque centrale.
■ Certains dispositifs sont préventifs : ils visent à contraindre les
banques à une gestion moins risquée. Les réserves obligatoires, les

(84) Marché interbancaire strictement ou marché monétaire : l'extension varie d'un


système bancaire à l'autre. Généralement le marché monétaire ne peut véritablement
être ouvert que si de nombreux titres à court terme y sont négociables.
(85) Sur les relations entre politique monétaire et faillites bancaires, voir BORDES
[1991],

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678 Thérèse Chevallier-Farat

règles de provisionnement, les ratios prudentiels, par exemple, sont


autant de moyens de limiter les risques pris par la banque. Ils
supposent une institution à même d'édicter ces règles, de surveiller
leur application et de contraindre à leur exécution.
- D'autres s'apparentent à une ré-assurance des banques. Ils organi
sent à l'avance le sauvetage d'un établissement en difficulté afin
d'éviter qu'il ne contamine le reste du système (86).
Par la construction d'une assurance de dépôts par exemple, on
tente de réduire l'incitation à la ruée aux guichets, tout en accumulant
les fonds destinés à permettre à la banque en crise de liquidité de
répondre aux retraits (87).
Cette assurance de liquidité peut également résulter d'une sorte de
« mutuelle » entre banques. Ces accords de place sont généralement
encadrés par les autorités de tutelle (88).
■ Enfin, la Banque Centrale peut également remplir son rôle de
prêteur en dernier ressort et fournir la liquidité ultime. Ce sauvetage ne
devrait concerner que des banques en difficulté mais solvables, de
telle sorte que les « sorties » du système soient toujours possibles.
Cependant la discrimination n'est pas toujours très aisée, et la faillite
d'un gros établissement, même mal géré, est dangereuse pour le
système (89).
- Le PDR lui-même ne peut véritablement remplir sa fonction d'as
sureur ultime de la liquidité, que s'il parvient à maintenir la convention
monétaire. En « assurant » trop facilement la liquidité, il risque de la
détruire. La fuite devant la monnaie externe est le stade ultime de la
défiance vis-à-vis des actifs. La crédibilité du PDR est alors remise en
cause et avec elle la force de la convention monétaire.

■ Le caractère commun à tous ces systèmes d'assurance est qu'ils


sont d'une efficacité limitée. Comme l'approche en termes d'asymétrie
d'information nous l'a appris, en accroissant la protection des
banques, ces systèmes d'assurance peuvent conduire à une vigilance
insuffisante et incitent à des comportements adverses qui ne font
qu'accroître le risque de système (90).

Conclusion
■ A défaut de nous éclairer sur la spécificité des banques, l'approche
en termes de coûts de transaction en univers certain nous a permis de
voir que des intermédiaires financiers de types variés étaient viables.
En effet, en rompant le face à face sur les marchés financiers, ils

(86) Voir J. MARQUARDT [1987],


(87) Le FDIC aux États-Unis par exemple.
(88) Voir BORDES [1991],
(89) Le « too big to fail » américain est appelé à durer !
(90) Sur cette question, voir MARQUARDT [1987] et ARTUS POLLIN [1990]

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Pourquoi des banques ? 679

internalisent les coûts de transaction sur ces marchés, et parviennent


ainsi à capter du profit.
Mais en l'absence d'une analyse plus rigoureuse de la spécificité
bancaire, on ne peut pas préciser la nature de la production bancaire.
C'est pourquoi, il paraît difficile d'appliquer trop directement les
acquis de l'économie industrielle à la firme bancaire. En témoignent,
d'ailleurs, les hésitations sur les fonctions de production bancaire et
les résultats décevants des tests empiriques sur les effets d'échelle et
d'envergure dans la banque.
« En revanche, l'hypothèse d'asymétrie d'information s'est révélée
très riche d'enseignements, aussi bien pour repérer la spécificité de la
banque, que pour comprendre l'intermédiation bancaire dans son
ensemble.

■ Au premier niveau d'analyse, la banque qui émerge d'un marché


des financements en asymétrie d'information, permet une économie
de coûts d'information et un meilleur partage des risques. En effet, elle
est mieux placée que les prêteurs ultimes pour sélectionner et
surveiller les emprunteurs. Ceci lui permet de conclure avec les uns,
des contrats de crédit, et avec les autres, des contrats de dépôts non
contingents.
Par la transformation des risques qu'elle opère, elle rend compatible
l'irréversibilité des investissements et la demande de liquidité des
déposants. Ainsi, l'assurance qu'elle fournit tant aux emprunteurs, qui
peuvent éviter d'avoir éventuellement à liquider leurs actifs, qu'aux
déposants, qui peuvent à tout moment retirer leurs dépôts, ne peut
faire l'objet d'aucun contrat sur un marché, par défaut d'information.
Dès lors, c'est dans cette assurance de liquidité que réside la
spécificité de la fonction bancaire. Cependant, la banque subit l'aléa
d'un retrait massif des dépôts, qui peut conduire à la panique
bancaire. Si des dispositifs dans les contrats de dépôts peuvent
réduire ce risque, il demeure inhérent à l'assurance que la banque
fournit.

■ A ce stade, on voit bien que l'assurance de liquidité est une fonction


essentielle de la banque, mais le raisonnement n'est pas poussé
jusqu'au bout de sa logique.
En effet, ce qui prime dans ces approches micro-économiques de la
banque, c'est la fonction de transformation d'actifs. Mais la banque
n'est pas seule à remplir cette fonction. De nombreuses formes
institutionnelles modifient, à des degrés divers, la liquidité des actifs :
l'organisation des marchés primaires ou secondaires, les agences de
rating, les courtiers et les contrepartistes sont autant de « dispositifs
institutionnels » qui transforment les « caractéristiques » de la liquidité
sur les marchés financiers.

Plus fondamentalement, en se cantonnant au rôle des banques


dans la sphère financière, ces approches éludent un aspect essentiel
des dépôts : leur caractère monétaire. Pour pouvoir intégrer ce nouvel

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680 Thérèse Chevallier-Farat

élément, il faut envisager le rôle des banques, non plus dans la seule
sphère financière, mais dans l'ensemble de l'économie.

■ Le deuxième niveau d'analyse nous a permis de voir que l'assu


rance de liquidité fournie par la banque prenait toute sa signification
dans une économie monétaire.

• En effet, l'incertitude et l'asymétrie d'information infestent tous les


marchés et donnent une tournure particulière à la coordination des
décisions individuelles dans une économie de marché : pas plus les
titres de dettes que les biens ne peuvent acheter des biens ou des
titres.

La régularité des échanges ne peut se satisfaire d'instruments sur


lesquels pèse toujours le soupçon. Le paiement doit faire taire toute
contestation. En conséquence, gérer le système des paiements revient
à assurer que les paiements soient définitifs.
En ce sens, les banques parviennent à résoudre le problème
d'asymétrie d'information qui persiste dans tout paiement par « mon
naie bancaire ». Elles offrent l'assurance que leurs dettes puissent
servir de moyens de paiement, tout en assurant de fournir de tels
moyens de paiement par les crédits qu'elles octroient. Ainsi, les
banques fournissent de l'assurance de liquidité des deux côtés du
bilan, et par des opérations Hors Bilan. Ce faisant, elles produisent
d'une manière structurellement jointe l'assurance des paiements et
l'assurance partielle des financements.
■ Il s'ensuit que l'on ne peut sans doute pas correctement appréhen
der la place des banques dans l'économie, en mesurant, même avec le
plus grand soin, la proportion des fonds qu'elles procurent dans
l'ensemble des financements. C'est en ce sens que les mesures de la
désintermédiation bancaire plus ou moins passagère, à laquelle nous
avons assisté dans les années 80, ne sont que des indicateurs assez
pauvres de la véritable place des banques, non seulement dans le
financement de l'économie, mais plus profondément dans le fonc
tionnement d'une économie monétaire. A titre d'exemple, comment
mesurer le pouvoir d'assurance d'une banque qui fournit sa garantie
à travers une ligne de substitution ?
■ Enfin, les banques ne peuvent prétendre assurer la liquidité, que
parce que les monnaies privées qu'elles émettent, tirent leur pouvoir
de la convention monétaire à laquelle elles participent. Autrement dit,
le pouvoir monétaire de certains engagements bancaires ne peut
provenir que de l'organisation de l'intermédiation bancaire au niveau
macro-économique. Cette organisation fournit, en quelque sorte, une
assurance de l'assurance, une assurance au deuxième degré.
Par leur appartenance à un système bancaire hiérarchisé, les
banques réduisent l'aléa de ruée aux guichets, ainsi que les consé
quences de l'asymétrie d'information qui persiste entre elles. En effet,
par le marché interbancaire, les banques ne parviennent à surmonter
qu'une partie de cette asymétrie d'information. La résistance du filet

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Pourquoi des banques ? 681

de sécurité dans lequel les banques sont insérées, confère à la Banque


Centrale un rôle stratégique, aussi bien dans la compensation des
paiements, que sur le marché interbancaire, et dans la mutualisation
du risque de panique. Enfin, la Banque Centrale ne parvient à assumer
ses responsabilités de prêteur en dernier ressort, que grâce à la
crédibilité qu'elle aura elle-même su se construire.
■ Ces implications organisationnelles de l'intermédiation bancaire
nous montrent également qu'il est un peu vain de jouer au jeu des
ressemblances et des différences entre institutions financières parti
culières, si l'on exclut du champ d'analyse ces articulations entre
banques et marchés financiers d'une part, et entre banques et
autorités monétaires d'autre part. C'est pourquoi, toute comparaison
internationale des performances bancaires nécessite une extrême
prudence. La manière dont les systèmes bancaires nationaux parvien
nent à assurer l'intermédiation, dépend éminemment du contexte
organisationnel dans lequel ils fonctionnent.

■ En définitive, les mutations financières nous ont appris que les


procédés d'assurance de la liquidité sont multiples et qu'ils entretien
nent des relations complexes entre eux. Elles nous ont également
contraint à davantage préciser la spécificité des banques, dans la
fragile cohésion d'une économie monétaire.

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