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EFFICACITE PROJET :

LA MAITRISE DU COUT D’USAGE


BARRAULT Didier,
Consultant, ,Forecost Tél : 01.60.05.42.79, Didier.Barrault@Forecost.com

Mots clés : coût, possession, usage, modifications, maîtrise


RESUME
Dans l’ensemble de critères projet du modèle CQFD (Coût, Qualité, Fonctionnalité, Délai), nous portons ici notre
attention d’une part sur l’évolution du traditionnel coût d’acquisition vers le coût d’usage, et d’autre part sur l’im-
portance grandissante de la disponibilité dans le projet. Pour maîtriser le coût d’usage, qui est ratio du coût global
de possession sur un index d’usage, il faut appréhender le projet global de façon exhaustive, sur une périmètre qui
embrasse le cycle de vie complet du produit, et notamment l’exploitation. Il faut gérer les sous-projets que consti-
tuent les modifications, qu’elles interviennent en développement, en production ou en exploitation, qu’elles soient
planifiées ou non, et les versions. La prise en compte de l’ensemble de ces aspects du projet permettra d’une part de
satisfaire une demande croissante du marché, et d’autre part, de s’assurer que le client mettra en place les budgets
appropriés au besoin. Cette nouvelle approche constitue certainement un défi auquel devront faire face les projets
dans les années à venir.

1. LE CYCLE DE VIE DANS LE PROJET


Alors que traditionnellement l’objectif de coût du projet se limite à l’acquisition, celle-ci a tendance à être rempla-
cée par le cycle de vie complet du produit, depuis l’étude de faisabilité jusqu’à son retrait de service. Ceci est dû à
une demande client, qui raisonne de plus en plus en terme de coût d’usage du produit ou service qu’il acquiert. L’in-
térêt de cette nouvelle approche est qu’elle va permettre au fournisseur de s’assurer que son client pourra mettre en
place les budgets adéquats tout au long du cycle de vie. En effet, lorsque l’on veut un produit dont on sait qu’il va gé-
nérer des coûts d’exploitation, il est souhaitable que le client soit informé de leur montant et de leur échéancement,
de façon à ce qu’il puisse en préparer les budgets sereinement. Le coût de cycle de vie, dont l’équivalent anglo-saxon
est le LCC (Life Cycle Cost) appelé également Coût Global de Possession, ou TCO (Total Cost of Ownership) dans le
domaine NTIC, est généralement représenté par un indicateur de coût tel que le PRK (Prix de Revient Kilométrique)
dans l’automobile, les charges mensuelles d’un logement, ou le coût du passager kilomètre dans le transport aérien.
Un autre indicateur pourra être le ratio coût sur disponibilité, et dans tous les cas, ils ne pourront être calculés qu’à
partir du Coût de Cycle de Vie ou Coût Global de Possession. Le critère de disponibilité devra alors être pris en compte
de façon systématique dans l’aspect qualité du projet, d’autant qu’il peut représenter un facteur déterminant de la
conception (redondance). Ces deux nouveaux critères constituent certainement des défis auxquels devront faire face
les projets dans les années à venir.

Le graphique ci-dessous représente l’évolution des quatre critères CQFD du projet, et l’évolution de deux d’entre
eux, la qualité, qui intègre la disponibilité, et le coût, qui passe de l’acquisition au cycle de vie, représenté par l’in-
dice de coût d’usage.

2. LE PROJET GLOBAL
L’exigence continuelle de disposer de produits toujours plus performants, favorisée notamment par l’amélioration
croissante des NTIC, conduit à la segmentation d’un projet en nombreux sous-projets répartis sur le cycle de vie du
produit. Les exemples sont nombreux dans l’automobile avec ses médiatiques sorties de nouvelles versions, issues
soit d’un restylage soit d’une modification importante du modèle, dans le logiciel où l’on égrène les nombreuses
versions du notre tableur préféré, où dans la défense où les systèmes d’armes se voient régulièrement dotés de fonc-
tionnalités supplémentaires ou améliorées.

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La figure précédente représente un exemple de cycle de vie d’un projet, avec d’abord le projet principal constitué
d’une part des modifications d’aléas de développement, et d’autre part des versions connues au début du projet
(exemple: le break dans l’automobile, le 6 megapixels en photo, ou la version allongée en aéronautique), et ensuite
les projets auxiliaires constitués comme le projet principal des modifications d’aléas de développement d’une part,
et des versions non connues au début du projet, mais qui apparaissent comme nécessaires à mesure de son évolu-
tion.

(1) La phase de développement initial du produit de base comprenant les modifications d’aléas de développement,
c’est à dire celles qui apparaissent de façon normale dans tout développement, qu’elles soient dues à de la non-
qualité, des actions d’Analyse de la Valeur, des résultats de tests non conformes impliquant une reconception, ou
l’obsolescence de composants.

(2) La phase de développement de la version A, qui comporte par exemple des fonctionnalités supplémentaires ou
de meilleures performances par rapport à la version initiale. Cette tâche inclut également ses propres modifications
d’aléas de développement, et pourra conduire soit à un arrêt de la production précédente (matériel grand public),
soit à une production en parallèle des deux versions (automobile, aéronautique, etc.), soit à une production unique
avec remise à niveau des équipements précédemment fabriqués. Dans ce cas la planification devra couvrir non seu-
lement le produit correspondant, mais également les modifications des produits existants, qu’ils soient des prototy-
pes, des équipements de série en cours de fabrication ou déployés chez les clients. Elle devra également couvrir les
moyens de soutien complémentaires et leurs modifications éventuelles (bancs de test, rechanges, documentation).

(3) La phase de production au cours de laquelle apparaissent des demandes de modifications qui peuvent être dues
à des demandes client (à ne pas planifier), des obsolescences de composants, des défaillances de fournisseurs, etc.
Ces demandes donnent lieu directement à une mise en oeuvre si elles sont urgentes, ou peuvent être accumulées et
appliquées en un lot constituant une version.

(4) La phase de développement d’une version du produit qui est constituée des modifications accumulées et regrou-
pées dans un lot. La difficulté réside dans l’estimation et la planification d’un projet dont le contenu est inconnu.
Elles pourront être basées sur des hypothèses ou des scénarios, supportés par des analyses de risque et d’incertitude.
L’enjeu est d’importance puisqu’il s’agit du budget que devra préparer le client, ou de charges qui devront être
amorties sur le prix de série du produit. L’analyse du passé peut constituer une aide précieuse dans la mesure où l’on
peut émettre l’hypothèse que le volume de modifications sera dans des proportions identiques à celles observées
sur les projets passés. L’objectif est toujours de préparer les budgets et de faire en sorte que les ressources soient
disponibles pour réaliser ces modifications. On pourra, pour estimer leurs coûts, raisonner en terme de pourcentage
de modification par rapport à la configuration de référence.

(5) La phase exploitation où des demandes de modifications apparaissent alors que la production est arrêtée, ces
modifications peuvent être combinées à une nouvelle version (v.B) prévue initialement mais dont le contenu n’était
pas clairement défini (c’est typiquement le cas des équipements qui vont bénéficier d’améliorations technologiques
rapides, et pour lesquels on prévoit une mise à niveau, sans savoir exactement quelle sera son amplitude et à quelle
date elle aura lieu. On réalise alors une analyse de tendance pour tenter d’appréhender ces informations). Il est
ensuite nécessaire de relancer une production, soit partielle (un sous-ensemble à échanger), soit complète, ce qui
signifie un remplacement du produit (à éviter).

(6) Vont également constituer des sous-projets les versions dérivées des versions de base, qui de par leurs fortes
communalités avec celles-ci, en font plus des sous-projets que de vrais nouveaux projets. Les exemples sont le ca-
briolet ou le break dans l’automobile, la version pro d’un logiciel, la version allongée ou à plus grand rayon d’action
d’un avion de ligne, ou la version Air d’un Rafale. Ils contiennent comme pour le projet de base les modifications
d’aléas de développement, les versions prévues et les non prévues. Une bonne anticipation est très importante dans
la mesure où elle permet de limiter l’impact des retours en arrière (qu’on appelle aussi rappels) sur les produits en
service, coûteux aussi bien en termes financiers que d’image. Les impacts de modifications peuvent varier considé-
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rablement selon leur amplitude et la date de leur mise en oeuvre. Cela peut aller de la simple modification d’une
nomenclature, à la mise au rebut de matériels, en passant par une annulation de commandes, une reconception,
une fabrication de nouveaux outillages et bancs de test, tout ceci pouvant conduire à des dépassements de délais
et budgets, et à leurs pénalités associées. L’intégration de ces projets et sous-projets en mode multi-projet permet
néanmoins de limiter les risques.

3. ESTIMATION DES CHARGES


La première condition d’une planification efficace est l’exhaustivité. Il faut d’abord s’assurer qu’il n’y a pas d’oubli
ni de redondance. Pour permettre les analyses, comparaisons et analogies, il est important de respecter une struc-
ture constante, le plus simple étant de suivre un standard tel que le MIL-HDBK 881. Le périmètre devra couvrir non
seulement l’acquisition mais également l’exploitation, ce poste pouvant représenter plus de la moitié du coût global
d’un programme. Nous voyons dans l’exemple ci dessous un devis qui couvre d’une part l’acquisition avec ses activi-
tés d’ingénierie, de fabrication des prototypes, de test, de production, ceci pour la version de base et la version A,
et d’autre part l’exploitation, constituée notamment de l’utilisation, de la consommation, de la maintenance, des
soutiens secondaires et indirects, et des modifications. On distingue les modifications matérielles, qui auront une
incidence éventuelle sur les prototypes, les équipements en cours de production et ceux en exploitation, des modifi-
cation logicielles qui n’impactent que les coûts non récurrents (sauf si une de ces modifications nécessite par exem-
ple un nouveau processeur ou plus de mémoire). On peut également distinguer les modifications qui interviennent en
production de celles qui interviennent en exploitation, ou distinguer celles qui sont des corrections de fonctionnalités
de celles qui en sont des améliorations. Afin de s’assurer d’une estimation efficace, celle qui permettra d’éviter
les dérives et leurs exercices de rattrapage associés, on veillera à appliquer les meilleurs outils et méthodes, avec
d’abord pour l’estimation des charges l’application de la méthode n°3 parmi celles présentées ci-dessous:

1. L’estimation du gourou, employant la méthode appelée « jugement d’expert ». Avantages: très rapide, éventuel-
lement précise. Inconvénients: Repose sur de l’inpalpable, est donc injustifiable, est étroitement liée au gourou, et
disparaît donc avec lui.

2. L’estimation « chapeau de magicien » (d’une qualité telle qu’elle ne vaut guère plus qu’un nombre sorti au hasard).
Avantage: On dispose de chiffres. Inconvénients: Très dangereux.

3. Modélisation des coûts. Principe: Jeu d’équations reliant des paramètres descripteurs (Facteurs de Coûts) aux
coûts ou aux délais. Avantages: Repose sur des données valides, ce qui rend l’estimation traçable et justifiable et
rapide. Elle est donc efficace en analyse fonctionnelle et sur toutes les phases du cycle de vie, précise selon la qua-
lité des données de référence et du modèle. Inconvénients: nécessite un effort initial de collecte et de construction.
L’estimation « budgétaire » des coûts de modifications peut se faire à partir d’une configuration de base et d’une
métrique quantitative pour le matériel (nombre de plans, de procédures, de composants) ou le logiciel (lignes de
code, points de fonction, cas d’utilisation), et qualitative (complexité, degré de nouveauté, expérience de l’équipe).
On estime ensuite un pourcentage de modification (Ajout de X% de composants, modification de Y% des plans, etc.)
correspondant à ce qui permet d’aboutir au produit final. Ces pourcentages de modifications pourront être basés sur
le retour d’expérience.

4. PRISE EN COMPTE DES VERSIONS/MODIFICATIONS/EXPLOITATION


Le planning, comme le devis, doit d’abord inclure les modifications qui sont représentées sur des plannings de diffé-
rents niveaux. Une tâche sur le planning directeur, décomposée en plusieurs tâches sur les plannings détaillés. Cette
décomposition se fait à mesure de l’avancement du projet et que les informations sont plus précises. La difficulté
réside, pour la version correspondant aux modifications non prévues (v.1) à positionner la tâche sur le planning. Là
encore le retour d’expérience peut être utile (ex: la 1ère version apparaît 6 mois après la version de base). Il doit
inclure ensuite les postes qu’on appelle ici du « cycle de vie », appelés du « Maintien en Conditions Opérationnelles
» dans la défense, où d’exploitation dans d’autres domaines, tels que les rechanges initiaux (considéré en acquisition
ou en exploitation selon le cas), l’opération, la maintenance, etc.
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5. LES VERSIONS/MODIFICATIONS
Après une planification budgétaire de la version A représentée en quelques tâches sur le planning directeur, à mesure
de l’avancement du projet et de la disponibilité des informations, nous pouvons passer à la planification détaillée,
suivant une décomposition standard applicable à toute modification. Elle démarre avec l’estimation des charges qui
peut être basée sur le principe suivant: Détermination de ce qui est d’une part ajouté à la version de base (achat ou
développement), et de ce qui est d’autre part modifié. En mécanique, ce qui est ajouté sera par exemple une option
ou une propulsion plus puissante sur un véhicule, et ce qui est modifié sera l’interface.

5.1. Matériel
1. Ajout (ex: nouvel équipement): Estimation suivant une méthode classique telle qu’appliquée pour tout
nouveau produit.
2. Modification
- Mécanique (ex: interface): On estime le nombre de pièces à modifier et à ajouter, on en déduit le
nombre de plans correspondant, auquel on applique un barème (X hrs / plan), conduisant au coût d’étude. Pour la
fabrication, on décrit le produit tel qu’il sera après la modification, en appliquant la méthode permise par le niveau
de détail disponible. Exemple: Version allongée d’un avion de ligne par ajout d’une section de fuselage et modifica-
tion d’éléments d’interface tels que câblages, tuyauteries, remplacement du moteur, du train d’atterrissage, etc.
- Electronique: On part de l’estimation de la version de base et on estime la proportion du schéma
original qui sera modifié (ex: 40%), et on multiplie ce pourcentage par le coût d’étude initial (ex: 3000 hrs * 40%=1200
hrs). Ceci peut être appliqué aussi bien au niveau d’une carte que d’un coffret. Pour la fabrication (série et proto)
on pourra estimer en semi-analytique ou en paramétrique, comme pour toute estimation d’un produit nouveau.

5.2. Logiciel

Comme pour le matériel on détermine ce que sera le produit après la modification, et l’effort de développement
sera fonction de l’écart avec la version de base (avant la modification). Le produit est décrit à l’aide de son Arbre
Produit (diagramme des classes en Orienté Objet) en version de base, puis on estime ce qui doit être réalisé (ajout,
suppression, modification de code) pour aboutir au produit final, en nombre de lignes de code équivalent, auquel
on peut ensuite appliquer un facteur de productivité conduisant à l’effort de développement. Dans tous les cas on
veillera à ne pas oublier les postes tels que la qualification ou la certification, qui par le caractère incompressible de
leurs coûts, peuvent constituer une part importante du coût de la modification.
Cette estimation et planification détaillées permettront de consolider le planning directeur et, le cas échéant, si
cette consolidation fait apparaître des dérives soit de coût, soit de délai, de prendre les actions correctives appro-
priées.

6. LE COUT D’EXPLOITATION
6.1. Le contexte
La tâche d’estimation du coût d’exploitation commence par la description de son contexte, avec la définition de la
politique de maintenance qui pourra être sélectionnée parmi les options suivantes (exemples parmi les nombreuses
combinaisons possibles):

1. Envoi de l’équipement (ou URL=Unité remplaçable en ligne) au 1er niveau pour détection du module (ou
URA=Unité remplaçable en atelier) et envoi de celui-ci au 2ème niveau pour réparation par échange de composant.
2. Envoi de l’équipement (ou URL=Unité remplaçable en ligne) au 1er niveau pour détection du module (ou
URA=Unité remplaçable en atelier) et mise au rebut de celui-ci.
3. Envoi de l’équipement (ou URL=Unité remplaçable en ligne) au 3è niveau chez le fabricant pour répara-
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tion par échange d’URA. On doit ensuite déterminer le nombre d’équipements en service, et leur taux d’utilisation,
le nombre d’ateliers et de magasins aux différents niveaux de maintenance ainsi que les délais d’obtention (TAT).
La phase suivante consiste en la détermination des caractéristiques logistiques des équipements, principalement le
MTBF (ou TMEP=Temps Moyen Entre Pannes), le MTTR (temps moyen de réparation), le taux de fausses pannes, le
coût des URL, des URA et des composants, le coût des bancs de test, la consommation (en énergie et consommables),
etc.

6.2. Les calculs


Le coût d’exploitation, qu’on peut aussi appeler coût d’utilisation, ou coût d’usage (terme utilisé en Location Longue
Durée) est constitué principalement des postes suivants:

- Le déploiement : Installation, mise en service du produit chez le client.


- L’opération : Main d’oeuvre telle que pilotage d’un véhicule, conduite d’une machine, équipage d’un avion
ou d’un navire, etc. N’est pas applicable à toutes les situations.
- La formation : Elle comprend la formation à l’utilisation et à la maintenance, et sera notamment fonction
du turnover de l’exploitant.
- La consommation : Il s’agira de l’électricité pour un appareil ménager ou un bâtiment, de carburant pour un
véhicule, de combustible pour une centrale électrique, etc. Son montant pourra aller de zéro (voilier) à une valeur
significative telle que dans le transport aérien. Pour les appareils mobiles à accumulateurs, si la consommation est
négligeable en termes de KWh, elle revêt, en terme d’autonomie, une importance fondamentale qui va influer non
seulement sur les ventes, mais également sur la disponibilité.
- Les rechanges : Ils sont de deux types, d’une part les rechanges initiaux qui vont permettre d’alimenter le
stock initial, et d’autre part les rechanges de réapprovisionnement qui vont remplacer les composants mis au rebut,
en incluant les consommables. On inclura les rechanges pour le développement ainsi que pour les équipements de
test et de formation (simulateurs). Le calcul du nombre de rechanges initiaux se fait selon le principe suivant :
• Calcul de la demande, à partir du MTBF (temps moyen entre pannes) et du délai d’approvisionne-
ment ou réparation. La demande est le nombre moyen de pannes par période correspondant au délai d’approvision-
nement ou réparation (ex. 3,3 pannes sur 40 jours).
• Calcul du stock : On calcule un stock telle qu’il conduise à une Probabilité de Non Rupture de Stock
proche de 1 (en général, 95%), en appliquant soit la loi de Poisson, soit la loi normale. Ces lois gèrent la probabilité
que par exemple une panne se produise 4 fois sur une période de 40 jours, sachant qu’elle se produit en moyenne 3,3
fois. Une PNRS élevée conduira à une disponibilité élevée, et le défi sera d’obtenir le meilleur compromis entre une
bonne disponibilité et le coût le plus bas.
- Equipements de test : Ils sont déployés dans les ateliers de réparation et on doit calculer d’une part
leur coût unitaire (développement et fabrication), et d’autre part la quantité nécessaire pour assurer la charge de
réparation.
- Maintenance : On distingue deux types de maintenance, la maintenance préventive, qui consiste à exécuter
de manière planifiée des tâches d’entretien (graissage, etc.) ou de remplacement qui permettront d’éviter la panne,
et la maintenance corrective, qui intervient lors d’une panne. La maintenance peut être différenciée selon des
niveaux qui vont du lieu d’exploitation (local, véhicule) au fabricant, en passant par différents niveaux de l’exploi-
tant (ex. Dans l’automobile, le domicile, le garage du quartier, le concessionnaire). On pourra inclure dans ce poste
la maintenance logicielle.

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- Modifications : On inclura toutes les modifications ayant lieu pendant la phase d’exploitation. Elles seront
de différents types: Amélioration fonctionnelle demandée par le client, défaut de conception, action de réduction de
coût (analyse de la valeur), défaillance d’un fournisseur, obsolescence d’un composant, introduction d’amélioration
technologique, etc.
- Soutien secondaire et indirect : On compte ici les dépenses liées au soutien de l’exploitation, et non di-
rectement à l’exploitation. On trouvera par exemple l’assistance technique fournisseur ou le support aux personnels
(sécurité, santé) ou aux installations.
- Retrait de service : Les exigences environnementales toujours plus restrictives conduisent à une importance
grandissante de ce poste dans le cycle de vie des produits. Il est donc nécessaire de le prendre en compte dès le
lancement du projet.

La disponibilité, critère important de la performance (ou de la qualité), voire fondamental en cas de fonctionnement
24h/24, se calcule selon le principe du ratio (temps de fonctionnement)/(temps de fonctionnement + temps d’ar-
rêt).

Exemple de calcul de disponibilité d’un service d’accès à Internet:


Temps d’utilisation: 4 heures par jour
MTBF (temps moyen entre 2 interruptions de connexion, 1 fois par mois) : 122 heures
Temps d’arrêt (durée moyenne de l’interruption du service) : 3 heures
Disponibilité=122/(122+3)=122/125=97,6%

Pour un équipement devant fonctionner 24h/24, la solution est de mettre en place de la surcapacité ou redondance.
Exemple, le parc nucléaire français est constitué d’un certain nombre de tranches qui sont mises en service pendant
l’arrêt de certaines autres, que ce soit pour rechargement de combustible, ou pour révision.

7. UNE SOLUTION INTEGREE DE MODELISATION


Afin de gérer l’ensemble du programme d’une façon rationnelle qui assurera la cohérence, la continuité et la réacti-
vité, on peut utiliser des outils dédiés tels que la Suite d’Estimation Price, qui intègrent les coûts et délais des projets
sur tout le cycle de vie, pour conduire au Coût Global de Possession (ou T.O.C.), et donc à l’indice de coût d’usage. Le
principe de cette solution est de modéliser les différents coûts et délais de développement matériel, logiciel, produc-
tion, maintenance, etc. dans des outils dédiés, et ensuite de les consolider dans une application MS Excel (TOC Model)
en y ajoutant la modélisation de postes de coûts d’exploitation non présents dans les outils dédiés, et spécifiques au
système à exploiter. L’avantage est une structure de coûts standardisée (établie par le CAIG=Cost Analysis Improve-
ment Group de l’US DOD) permettant les comparaisons (par exemple entre 2 fournisseurs) et la réactivité (on mesure
en temps réel l’impact d’une modification de spécification ou de conception sur le coût global de possession).

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8. L’INDICE DE COUT D’USAGE
A partir du Coût Global de Possession, que l’on a calculé en prenant soin de son exhaustivité et de son absence de
redondance, on peut simplement calculer l’indice de coût d’usage, en temps qu’un des indicateurs fondamentaux du
projet, et le présenter au client, qu’il soit intermédiaire ou final. Cet indicateur représente votre niveau de maîtrise
des coûts, et peut donc le rassurer sur une éventuelle dérive de ceux-ci, en plus de lui apporter une information utile
à sa propre gestion. En effet, à une question sur le coût d’usage, un client verra certainement de façon plus positive
une réponse du type “ce sera X €/heure” que celle du type “je n’en sais rien”, ou “je n’ai pas encore calculé”.

9. CONCLUSION
• Pas de politique de l’autruche !
• Pas de cloisonnement entre acquisition et exploitation
• Vision globale dès le début du projet, incluant les versions et modifications
• Les outils et méthodes sont là
• Large domaine d’application:

Choses vues ou entendues:

• “J’ai acheté un 4x4, mais quand il a fallu l’assurer et en changer les pneus, je l’ai revendu…”
• “La mairie a installé un joli rond-point fleuri à 300K€.
Combien aura-til coûté au bout de 30 ans ? nul ne le saura jamais !”

En conclusion, comme il est toujours souhaitable de savoir où m’on va, il est souhaitable pour un client de savoir
combien il va dépenser, et pour un fournisseur d’informer son client sur ce qu’il aura à dépenser, c’est à dire sur ce
que son acte d’acquisition va engager comme dépenses futures. La politique de l’autruche est alors fortement décon-
seillée, même si, à court terme, des intérêts contradictoires peuvent inciter à sa pratique.

La meilleure façon d’intégrer l’exploitation à l’acquisition sera d’assurer la communication, la cohérence et la


continuité, orientées vers un projet global, et toute forme de cloisonnement ne pourra que nuire à l’atteinte de cet
objectif. Ce projet global, si l’on se rappelle que la plus grande partie du coût global est engagée au début du projet,
devra être appréhendé le plus tôt possible, même si certains de ses aspects ne sont basés que sur des hypothèses. Une
gestion du risque appropriée pourra minimiser les impacts potentiels, et à mesure de l’avancement, on pourra rem-
placer les hypothèses par des données précises et conduire le projet au succès, d’autant que les méthodes et outils
permettant de gérer le coût d’usage, étant appliquées depuis de nombreuses années notamment dans la défense,
sont suffisamment matures pour les utiliser sans réserve.

L’approche du coût d’usage est applicable aussi bien au domaine des affaires que dans notre vie quotidienne, et il
sera plus facile d’en citer les exceptions, telles que l’ameublement, même si de temps en temps il faut bien faire
la poussière, ou, si l’on se place du côté client uniquement, tout ce qui en consommation unique (repas, livre,
concert,etc.)

Les deux exemples ci-dessous de projets gérés en coût d’acquisition uniquement, en prise directe avec notre vie
quotidienne, montrent malgré tout le chemin qu’il reste à parcourir.
- Le premier cas est symptomatique d’une mauvaise prise en compte du fait que les postes pneumatiques ou
assurances (sans parler de la consommation) peuvent représenter , par rapport à l’acquisition, une part plus ou moins
importante selon le type de véhicule, et notamment s’il est acheté d’occasion.
- Dans le deuxième cas, un gestionnaire avisé des deniers publics aurait procédé au chiffrage de l’entretien
de l’espace vert que constitue le rond-point. Il aurait pris en compte les activités telles que l’arrosage (eau et main
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d’oeuvre), le désherbage, le remplacement des périodique des fleurs, et aurait comparé différentes options (fleurs
en plastique, surface pavée, etc.) avant de décider de celle apportant la meilleure valeur à l’automobiliste-contri-
buable : le rapport fluidité-sécurité sur coût.

On le voit sur ces deux exemples, le concept de maîtrise du coût d’usage en gestion de projet est applicable à un
grand nombre de domaines. En l’appliquant avec discernement, c’est à dire en y consacrant un effort proportionnel
à la part que prend la part exploitation dans le coût global, on pourra en retirer un retour sur investissement signifi-
catif, même s’il faudra toujours un peu de patience pour le mesurer !

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