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Mécanique Des Fluides Appliquée PDF
Mécanique Des Fluides Appliquée PDF
Écoulements incompressibles
dans les circuits, canaux et rivières,
autour des structures
et dans l’environnement
DANS LA MÊME COLLECTION
P.-L. VIOLLET, Mécanique des fluides à masse volumique variable, Presses des Ponts et
Chaussées, 1997.
Avant-propos X
Notations XII
Chapitre 4. Efforts induits par les écoulements sur les structures 166
Bibliographie 354
Index 361
V
Préface
VII
have established this foundation of phénomènes généraux de la mécanique des
fundamental principles, they tie each fluides. Après avoir établi les fondements des
succeeding chapter back into the principes généraux, les auteurs replacent les
introduction with appropriate and chapitres qui suivent dans ce contexte. Le discours
supportive historical contexts. Although the ne craint pas de recourir aux descriptions
text does not shy away from rigorous analytiques rigoureuses des phénomènes, et sa
analytical descriptions of fluid phenomena, grande originalité, réside encore une fois, en ce
it is unique in providing this delightful qu’il situe d’une façon très agréable chaque sujet
historical context for each topic. The authors dans son contexte historique. Les auteurs se sont
have also made a special effort to tie the également efforcés de produire un ensemble
chapters together into a unified whole, with cohérent, en établissant tous les liens nécessaires
ample references forward and back ; this is entre les chapitres, avec de nombreuses références
indeed rare, and much appreciated, in a text croisées – chose trop peu fréquente dans un livre
of multiple authorship. écrit par plusieurs auteurs.
The topics treated and chapter structures Les sujets abordés et la structure du livre
reflect the authors’professional elle-même, reflètent les préoccupations
preoccupation with real-world problems. Yet professionnelles des auteurs, en relation avec les
the presentations focus on fundamentals, applications pratiques. Mais la présentation du
aimed squarely at the needs of advanced sujet se concentre sur les aspects fondamentaux,
students, researchers, and professionals. directement orientés vers les besoins des étudiants
Each chapter includes a section on problems avancés, des chercheurs et des professionnels.
and applications, providing further Chaque chapitre comprend des problèmes et des
illustration and amplification of applications, ce qui contribue à mieux illustrer
fundamental concepts through application encore les concepts fondamentaux en montrant
to real-world situations and problems. comment ils s’appliquent aux situations réelles.
The organization of this text is not Le plan du livre rompt avec la tradition, ce qui
traditional, and bears witness to the témoigne du souci des auteurs de traiter de
authors’professional preoccupation with problèmes réels. Ainsi, l’absence de description
real-world problems. For example, the lack universelle de la turbulence, et sa traduction en
of universal descriptions of turbulence and concepts mathématiques et physiques, sont les
its effective mathematical and physical pierres d’achoppement majeures, permanentes,
conceptualization is a continuing, dans la plupart des domaines des sciences de l’eau
fundamental stumbling block in most areas et de l’ingénierie des fluides. Les auteurs ont donc
of hydroscience and fluids engineering. The choisi de s’attaquer au problème de la turbulence
authors therefore tackle the turbulence dès le premier chapitre proprement technique du
problem in the very first technical chapter of livre, ce qui procure un cadre de référence pour les
the book, providing a frame of reference for descriptions empiriques ou semi-analytiques de la
the necessary empirical and quasi-analytical turbulence qui sont utilisées dans les chapitres
descriptions of turbulence in subsequent suivants. Ce chapitre, qui fournit une description
chapters. This chapter could be a textbook in détaillée et claire du problème, avec les tentatives
itself, providing a very comprehensive and pour le résoudre, pourrait être un livre à lui seul.
detailed description of the problem and La matière du chapitre suivant, qui concerne les
attempts to resolve it. écoulements permanents dans les conduites,
The material of the next chapter on steady s’appuie sur les concepts fondamentaux et sur la
flow in conduits follows naturally from, and description de la turbulence introduits
builds on, the previous material on auparavant, et en découle naturellement.
IX
Avant-propos
Pierre-Louis Viollet
XI
Principales notations
XIII
V Vecteur vitesse.
x, y, z Repère cartésien (z désigne la coordonnée verticale ascendante).
xi (i = 1 à 3 pour x, y, z). x 3 désigne la coordonnée verticale ascendante.
x Vecteur de coordonnées (x, y, z).
Y Fraction massique d’une substance dissoute ou présente dans le mélange.
Zf Cote du fond pour un écoulement à surface libre.
χ Périmètre mouillé.
δ ij Symbole de Kronecker (= 1 si i = j ; = 0 sinon).
ε Terme de dissipation dans le bilan d’énergie turbulente.
γ Paramètre de Coriolis = 2 ω sin(λ).
η Cote de la surface libre d’un liquide.
κ Constante de Von Karman.
λ Latitude.
λ0 Échelle de Kolmogorov (échelle des plus petits tourbillons turbulents).
Λ Longueur d’onde.
λc Coefficient de perte de charge linéaire.
ν Viscosité cinématique.
νt Viscosité turbulente.
µ Viscosité dynamique.
ρ Masse volumique.
Tenseur des contraintes.
σ ij Composantes du tenseur des contraintes : σ ij = τ ij – pδ ij .
Tenseur des contraintes visqueuses.
τ ij Composantes du tenseur des contraintes visqueuses.
τp Contrainte de frottement à la paroi.
τw Contrainte de frottement causée par le vent
à la surface libre d’un plan d’eau.
ζ Rugosité d’une paroi.
ξc Coefficient de perte de charge singulière.
ω Pulsation (= 2π / période).
ln Logarithme népérien.
log 10 Logarithme décimal.
∂2 ∂2 ∂2
∆ Laplacien = -------2- + -------2 + ------2- .
∂x ∂y ∂z
XV
Rayon hydraulique et diamètre hydraulique
surface libre
χ χ
On appelle :
– rayon hydraulique le rapport R H = A / χ.
– diamètre hydraulique D H = 4 R H = 4 A / χ.
Pour une conduite de section circulaire, le diamètre hydraulique est égal au diamètre.
31°
Saïs Lac Timsah
Bubastis
Canal de Nechao (600 av. J.-C.)
(canal des Deux Mers)
Ouadi Lacs Amers
Assèchement d'un bras du Nil
Tumilat
pour construire Memphis, Memphis
digue et levées de protection
(3100 av. J.-C.) Sinaï
Lac Qaroun
Barrage de
Lac Moeris (1850 av. J.-C.) Sadd el Kafara Golfe de Suez
Dépression (2500 av. J.-C.)
29°
du Fayoun
Canal Joseph
Nil
Mer
Rouge
27°
Thèbes
25°
Figure 1.1. Localisation des principaux grands travaux hydrauliques dans l’Égypte ancienne.
Mais les crues sont aussi sources de destructions. La première grande crue, dont on ait
la trace, est sans doute le Déluge mésopotamien2, qui pourrait être une crue de
l’Euphrate ayant détruit la cité sumérienne de Shuruppak vers 2900 av. J.-C. En Égypte,
2. Il existe plusieurs récits sumériens et babyloniens du Déluge (voir Samuel Noah Kramer et Georges
Roux). Le récit babylonien, inclus dans l’Épopée de Gilgamesh, fut, peut-être, inspirateur du récit
biblique.
nappe
Figure 1.2. Le qanat : un ouvrage hydraulique pour obtenir de l’eau dans les pays secs.
Les cours d’eau étaient sources d’eau, mais de qualité médiocre pour la consomma-
tion. En l’absence de sources, le creusement de puits a été utilisé depuis le Néoli-
thique. Il existe une forme originale de puits, appelée qanat8, inventée sans doute en
Arménie9 vers le VIIe siècle av. J.-C., puis pratiquée dans l’empire perse, et dont l’uti-
lisation a été propagée par les Arabes jusqu’au Maroc et en Espagne : il s’agit d’une
galerie creusée presque horizontalement, mais avec une petite pente pour l’écoule-
ment de d’eau, au flanc d’un relief, jusqu’à rencontrer la nappe aquifère. Des puits
intermédiaires, espacés de 50 à 300 m, permettent la ventilation. La longueur de la
galerie est le plus souvent d’environ 10 km, avec un débit de l’ordre de 20 l/s.
6. Günther Garbrecht, « The question of lake Moeris », Congrès AIRH, Cagliari, sept. 1979.
7. D’après des études de terrain de 1988, reportées par Schnitter, 1996.
8. Le lecteur pourra se reporter à l’étude très complète de Henri Goblot, 1979.
9. Dans les environs du lac de Van. Cette région faisait partie du royaume d’Urartu, qui était une
grande puissance rivale de l’empire assyrien.
C’est Héron d’Alexandrie (au Ier siècle après J.-C.) qui le premier a explicité la notion
de débit d’un canal, en exprimant le débit volumique comme le produit de la vitesse
(V) par la section (notée A dans ce livre) :
Q = VA (1.1)
Par ailleurs, les Grecs avaient identifié le phénomène des marées, et compris, à partir
du IIe siècle après J.-C., les influences du soleil et de la lune.
À Rome, trois différents types d’usages étaient distingués : les fontaines publiques, les
établissements de bains et, enfin, l’alimentation en eau des particuliers. Les deux der-
niers groupes de clients bénéficiaient d’une concession, liée au paiement d’une rede-
vance, ou don de l’empereur, selon les époques : ils étaient distribués à partir de
réservoirs à niveau constant dont le surplus se déversait vers l’alimentation des fon-
taines publiques. Ces dernières bénéficiaient donc d’une priorité d’alimentation. De
plus, la plupart des fontaines publiques de Rome, selon Frontin, étaient alimentées
par deux bouches, alimentées par des aqueducs différents, afin de garantir la sécurité
de l’approvisionnement. De nombreux piquages sauvages permettaient aux riverains
des aqueducs de s’approvisionner clandestinement, et aux fontainiers d’entretenir un
marché parallèle. Frontin consacra une grande partie de sa mission à réduire ces pré-
lèvements clandestins. On estime à presque un mètre cube d’eau par habitant et par
jour le volume d’eau ainsi apporté dans la ville de Rome (soit 100 fois plus qu’à Paris
au XIXe siècle).
Tableau 1.1. Les neuf aqueducs de Rome à l’époque de Frontin (vers 100 ap. J.-C.)*.
Deux autres aqueducs, l’Alexandrina et la Trajana, devaient encore être construits par la suite.
Appia 312 av. J.-C. 16,5 73 000 Source dans la vallée de l’Anio. Excellente.
Anio Vetus 272 av. J.-C. 64 176 000 Rivière Anio. Un peu trouble.
Marcia 144 av. J.-C. 91 188 000 Captage de sources. Excellente (consommation).
Anio Novus 52 ap. J.-C. 87 189 500 Rivière Anio. Trouble (bassin de décantation).
Les aqueducs romains étaient réalisés en maçonnerie. Souterrains sur une partie de
leur parcours, ils terminaient généralement leur trajet sur des arcades. Ils étaient cou-
verts, pour éviter la pollution de l’eau, avec des évents de ventilation ou d’inspection
2m 2,7 m 1,7 m
1,4 m 1m
h
V = 0,95 m/s V = 0,69 m/s V = 1,34 m/s V = 1,35 m/s V = 1,25 m/s
h = 0,72 m h = 0,23 m h = 1,9 m h = 1,9 m h = 1,7 m
(limite de débordement)
Figure 1.3. Caractéristiques hydrauliques de quelques aqueducs de Rome, à leur arrivée dans la ville
(les calculs hydrauliques figurent dans le problème n° 2, en fin du chapitre 7). L’Anio
Novus coule au-dessus de la Claudia. À l’arrivée à Rome, Marcia, Tepula et Julia sont
également sur les mêmes arches.
Les Romains savaient, bien sûr, qu’une pente vers l’aval est nécessaire à l’écoulement :
la pente moyenne des aqueducs romains varie habituellement entre 0,3 10– 3 et
4 10– 3 (exceptionnellement plus, ou moins, mais sur certains tronçons seulement).
Mais Frontin mesurait la quantité d’eau délivrée en considérant uniquement les sec-
tions de passage des ouvrages et des conduits, méconnaissant l’importance de la
vitesse pour le calcul du débit. Il existait pourtant une compréhension intuitive de la
grandeur que nous appellerons plus loin la charge ; écoutons Frontin : « Rappelons-
nous que tout aqueduc, chaque fois que l’eau vient d’un point assez élevé et arrive
dans un réservoir après un petit parcours, n’a pas seulement un débit correspondant
à son calibre, mais un débit supérieur ; chaque fois, au contraire, que, venant d’un
point assez bas – c’est-à-dire sous faible pression – il a un parcours assez long,
l’inertie du conduit le fait descendre au-dessous même de son débit théorique ; aussi
11. Sans doute dans la suite du développement scientifique à Alexandrie ; le siphon de Pergame, capi-
tale d’un royaume hellénistique en Anatolie, est sans doute l’une des premières grandes réalisations,
au IIIe siècle av. J.-C.
Le Moyen Âge
Puis ce fut pour l’Occident le long entracte du Moyen Âge, où l’on oublia que la Terre
est ronde12, entracte rompu seulement par les travaux de quelques mécaniciens
proches de l’université de Paris (Buridan, Albert de Saxe…). Au IXe siècle, Archimède
est traduit en arabe. À cette époque, les frères Banû Mûsa, à Bagdad, traduisent de
nombreux auteurs grecs, et publient Le Livre des mécanismes ingénieux (Kitab al hiyal),
ouvrage décrivant des dispositifs hydrauliques et exploitant en particulier l’hydrosta-
tique d’Archimède. Les écrits de Héron d’Alexandrie, en revanche, tombent dans
l’oubli. En 1265, l’invasion mongole détruit le système d’irrigation de la Mésopotamie,
dont la population devait diminuer par la suite de 25 millions en 1200 à 1,5 millions en
191313. En Chine, le Grand Canal, colossal système de plus de 2 000 km de long destiné
à permettre les échanges entre la Chine du Nord et celle du Sud voit un premier abou-
tissement au VIIe siècle, sous les Sui. Il sera modifié et étendu sous les Song et les Yuan,
entre le XIe et le XIIIe siècle. En France, on commence au XIIe siècle la construction des
levées de la Loire pour protéger les terres avoisinantes contre les crues.
Léonard de Vinci a été, de fait, par ses dessins, l’inventeur du concept des lignes de
courant, concept qu’il est donc opportun de définir ici :
Une ligne de courant est une ligne partout tangente au vecteur vitesse.
12. Cette rotondité avait été établie par les Grecs depuis Aristote ; Eratosthène, directeur de la Biblio-
thèque d’Alexandrie, avait déterminé vers 200 av. J.-C. le rayon de la Terre avec une précision sur-
prenante, à quelques pour cent près (en mesurant l’inclinaison du soleil à Alexandrie au moment
où il culminait au zénith à Assouan, le jour du solstice d’été).
13. D’après Garbrecht, 1987.
14. Op. cit., d’après Rouse et Ince.
Tourbillons derrière un obstacle Structure pour protéger les berges, au confluent de deux
cylindrique. rivières, et dans un coude.
Figure 1.4. L’observation des écoulements par Léonard de Vinci (dessins d’après des croquis du
Codex Leicester).
Il a compris aussi que la vitesse de l’eau est différente de la vitesse des ondes qui se
déplacent à la surface libre :
« La vitesse de propagation des ondulations (de surface) dépasse toujours de beaucoup celle de
l’eau14… »
Léonard de Vinci a surtout été le premier, après Héron, à formuler le principe de con-
servation de la masse, ou principe de continuité :
« Une rivière à chaque endroit de son cours et au même moment donne passage à une même
quantité d’eau, quelle que soit sa largeur, la profondeur, la pente, la rugosité, ou son caractère
plus ou moins tortueux » ; ce qui n’est exact qu’en écoulement permanent, bien sûr. Ou encore :
« Une rivière de profondeur constante aura un écoulement plus rapide dans un passage étroit
que dans un passage plus large, dans la mesure de ce que la plus grande largeur excède la plus
petite14. »
V = ah (1.2)
On appellera dans la suite profondeur normale, notée hn, la profondeur d’un tel
écoulement uniforme, en équilibre entre gravité et frottement.
Guglielmini fut aussi l’un des premiers à tenter d’analyser les mécanismes de trans-
port des sédiments en rivière.
15. De la natura dei fiumi, 1697 ; op. cit., d’après Rouse et Ince.
Théorème de Leibnitz
Il s’agit d’établir le bilan d’une grandeur physique f quelconque, contenue dans un
certain volume noté Ω, que nous appellerons volume de contrôle. Soient Σ la surface
extérieure de ce volume, Vi la vitesse de déplacement des points de Σ, et n le vecteur
normal unitaire extérieur à la surface Σ. Le théorème de Leibnitz stipule que la varia-
tion dans le temps du bilan de la grandeur physique f dans le volume de contrôle est
la somme de deux termes : l’intégrale sur le volume de contrôle de la vitesse de varia-
tion de la grandeur f, et le flux de la grandeur f transportée à travers la frontière du
volume de contrôle à la vitesse Vi :
d ∂f
f ⋅ dΩ = - ⋅ d Ω + ∫ f( V i ⋅ n ) d Σ
d t Ω∫ ∫ --- (1.3)
Ω
∂t Σ
16. Principia, livre II, 9, « du mouvement circulaire d’un fluide », 1687, trad. de la marquise du Chaste-
let, 1759.
17. Si la vitesse V est assez grande pour que l’écoulement soit turbulent, ce principe n’est qu’approxi-
mativement vérifié, car l’effort F peut dépendre du niveau de turbulence de l’écoulement incident.
Ainsi, les liens entre variations de pression et variations de vitesse dans un écoule-
ment sont maintenant clairement établis : mais il s’agit encore de fluides dits parfaits,
c’est-à-dire non visqueux, car la formulation de l’effet des frottements internes, de la
viscosité, devra attendre encore de nombreuses années. C’est ce qui explique que la
démonstration de Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783) que, dans un fluide parfait,
la résistance à l’avancement est nulle, ait été ressentie à l’époque comme un paradoxe :
« Ainsi je ne vois pas, je l’admets, comment on peut expliquer de façon satisfaisante par la
théorie la résistance dans les fluides. Au contraire, il me semble que la théorie, en toute rigueur,
indique que dans de nombreux cas la résistance doit être nulle ; c’est un paradoxe singulier, dont
je laisse l’explication aux géomètres futurs18. »
Une autre contribution fondamentale est due à Euler qui, toujours sans expliciter
l’effet de la viscosité, écrivit les équations différentielles qui décrivent le mouvement
d’un fluide, ainsi que l’équation de continuité qui exprime la conservation de la
masse. Ce système est toujours connu aujourd’hui comme les équations d’Euler :
pression p 1
pression p 2
h
Mesure de la différence
des pressions p 1 – p 2
Vitesse V trous
par un manomètre :
Vitesse V h=V2/2g
Figure 1.5. Principe du tube de Pitot : la pression au point d’arrêt A, pA, est reliée à la vitesse V et à la
pression ambiante à la même altitude, p0, par l’expression suivante, qui résulte du
théorème de Bernoulli :
1
p A + -- ρV 2 = p 0 .
2
La différence des pressions dans le tube intérieur et dans le tube extérieur, à la même
altitude, (p1 – p2), est égale à (pA – p0). La mesure de cette différence de pression (par un
manomètre, par exemple), permet donc de trouver la vitesse V.
V = C H --- I = C H ( R H I )
A
(1.8)
χ
A
où R H = --- est appelé rayon hydraulique, et CH le coefficient de Chézy.
χ
Les travaux expérimentaux, comme ceux de Pitot et Chézy, étaient réalisés sur des
vrais canaux ou machines. L’ingénieur anglais John Smeaton (1724-1792) fut le
premier à utiliser des modèles à échelle réduite pour concevoir des appareils divers,
roues de moulins à eau ou à vent, machines hydrauliques. En l’absence du support
théorique pour soutenir la similitude entre modèles réduits et réalité à pleine échelle,
Smeaton fut parfaitement conscient des possibilités, mais aussi des limites, de l’utili-
sation des modèles réduits :
« Ce que j’ai à communiquer sur ce sujet fut déduit initialement d’expériences réalisées sur
modèles (réduits), ce que je considère comme la meilleure méthode pour déduire les grandes
20. « An experimental inquiry concerning the natural powers of water and wind to turn mills, and
other machines depending on a circular motion », Philosophical transactions of the royal society of
London, vol. 51, 1759 ; op. cit. d’après Rouse et Ince.
21. « Mémoire sur l’écoulement des fluides par les orifices des vases », C.R., Académie des sciences,
1766.
22. Principes d’hydraulique, vérifiés par un grand nombre d’expériences faites par ordre du gouvernement,
2e édition, Paris, 1786.
Cette relation constitue un gros progrès par rapport à la formule de Chézy. En effet,
le coefficient de Chézy CH dépend de la nature de la paroi, mais aussi de la hauteur
d’eau, alors que le coefficient Ks ne dépend que de la nature de la rugosité du lit et des
parois. Ks n’est pas un paramètre adimensionnel. Depuis les travaux de l’Allemand
Julius Weisback (1806-1871), sur lesquels nous reviendrons dans la section 4.1, l’uti-
lité de raisonner avec des nombres sans dimension, ou nombres adimensionnels,
avait été démontrée. Manning proposa donc dans un deuxième temps une tentative
de reformulation de l’équation (1.14) ne faisant apparaître que des nombres adimen-
sionnels. C’est cependant l’équation ci-dessus qui est restée utilisée en pratique
jusqu’à aujourd’hui. Le coefficient Ks est resté plus connu sous le nom de coefficient
de Strickler.
h C = gh (1.15)
Ce résultat est essentiel à l’étude des phénomènes transitoires dans les canaux et
rivières. Nous l’établirons au chapitre 6. Lagrange sut reconnaître l’analogie entre la
vitesse de ces perturbations et, en aérodynamique, la vitesse du son.
Franz Joseph von Gerstner (1756-1832) étendit ces travaux à la propagation des
ondes en grande profondeur. Il identifia la condition qui décrit une surface libre, à
savoir que la pression y est égale à la pression atmosphérique. Il démontra que la célé-
rité (vitesse de phase) des ondes de faible amplitude en grande profondeur est fonc-
tion seulement de la longueur d’onde Λ :
gΛ
C = ------- (1.16)
2π
L’observation des ondes en grande profondeur fut poursuivie un peu plus tard par les
frères Weber (1795-1878 et 1804-1891) à Leipzig. S’intéressant aux possibilités de
navigation à vapeur sur les voies d’eau intérieures, l’Écossais John Scott Russel (1808-
1882) réalisa des expériences en remorquant des bateaux de différentes formes sur
des canaux ; il établit ainsi le lien entre la résistance à l’avancement d’un navire et les
gΛ 2 πh
h
C = ------- tanh ---------- (1.17)
2π Λ
h2
h1
23. Études théoriques et pratiques sur le mouvement des eaux courantes, Paris, 1848.
24. En écoulement incompressible, dans un conduit horizontal de section constante, la vitesse U est la
même en toute section, donc δH = δp.
Parvenus à ce point, il est bon de faire une pause dans le fil historique, et de démon-
trer, à notre tour, les équations fondamentales de la dynamique des fluides. Sur la
description de la turbulence, nous reprendrons dans la section 3 le fil de l’histoire,
avec les contributions essentielles de Boussinesq et Reynolds.
25. Mémoire sur les lois du mouvement des fluides, mémoire présenté en 1822 à l’Académie des sciences.
Ω(t + δt )
d ∂f
dt ∫ f dΩ =
∂t
- d Ω + ∫ f (V i n ) d Σ
∫ --- (1.3)
Ω Ω Σ
Ω(t )
Bilan de masse
Si, dans l’équation (1.3), la grandeur f est la masse volumique (notée ρ), l’intégrale au
premier membre du bilan représente la variation de la masse dans le volume Ω. Si ce
volume est le volume occupé par une certaine masse donnée de fluide, alors la vitesse
Vi des points de la surface Σ est simplement la vitesse V du fluide, et le bilan doit être
nul puisque la masse se conserve. Il vient donc :
∂ρ
- dΩ + ∫ ρ(Vn) dΣ
∫ ----- = 0 (1.20)
Ω
∂t Σ
ν (m2/s) ν (m2/s)
1,8 E–06 5,0 E–05
Figure 1.6. Viscosité cinématique de l’eau et de l’air, en fonction de la température, à une pression de 1 atm.
1 ∂u i ∂u j
------
26. Le tenseur des vitesses de déformation a pour composantes : S ij = -- - + ------- .
2 ∂x j ∂x i
∫ σ ij n j dΣ = ∫ ( – pn i + τ ij n j ) dΣ
Σ Σ
Les intégrales sur la surface du volume de contrôle peuvent être transformées en des
intégrales sur le volume Ω :
F contact = ∫ – grad ( p ) dΩ + ∫ div ( τ ) dΩ
Ω Ω
div(τ) est ici un vecteur dont la composante selon la direction de coordonnée xi est :
∂τ
-------ij- .
∂x j
Si nous transformons aussi dans l’équation (1.24) l’intégrale de surface en intégrale de
volume, et si nous faisons tendre ensuite le volume de contrôle Ω vers zéro, comme
nous l’avons fait précédemment pour le bilan de masse, nous obtenons l’équation de
Navier-Stokes, qui est l’écriture locale du bilan de quantité de mouvement.
∂V 1 1
------- + V ⋅ grad ( V ) = – --- grad ( p ) + g + --- div ( τ ) (1.28)
∂t ρ ρ
Remarque. Les équations (1.29) et (1.30) sont écrites dans un repère galiléen. Or, le
repère naturel utilisé pour écrire un problème d’écoulement donné peut être en rota-
tion par rapport au repère galiléen de référence. Ainsi, un repère lié à la Terre, avec le
plan (x, y) horizontal et la direction z choisie comme la direction verticale ascendante,
est un repère en rotation. À une toute autre échelle, l’écoulement sur la roue mobile
d’une pompe, l’écoulement entre les ailettes du rotor d’une turbine, sont en général
décrits dans le repère lié à la roue ou aux ailettes, repère qui est en rotation.
Pour écrire ces équations dans le repère en rotation, il faut tenir compte de l’accélé-
ration d’entraînement, et de l’accélération de Coriolis. Nous verrons, au chapitre 5,
ce qu’il en est dans le cas des écoulements à la surface de la Terre (écoulements géo-
physiques).
ρ (kg/m3) ρ (kg/m3)
1 000 1,60
Eau Air
1,50
995
1,40
1,30
990
1,20
985 1,10
1,00
980
0,90
0,80
975
0,70
T (°C) T (°C)
970 0,60
0 20 40 60 80 – 50 0 50 100 150 200
Figure 1.7. Masse volumique de l’eau et de l’air, en fonction de la température, à une pression de 1 atm.
ρdV 2 ρνV
δp ≈ max ----------, ρV , ρgd, ----------- (1.34)
δt d
Dans un liquide, avec ρ ≅ 103 kg/m3, pour atteindre une variation de pression de
107 Pa, il faut donc une variation de vitesse de l’ordre de 100 m/s – ce qui est
considérable –, ou bien une vitesse variant au cours du temps d’environ 10 m/s en un
millième de seconde (avec d ≅ 1 m) – ce qui est une variation extrêmement rapide.
Dans un gaz, avec ρ ≅ 1 kg/m3, pour atteindre une variation de pression relative de
10 – 2, si la pression de départ est voisine de la pression atmosphérique (p ≅ 105 Pa), il
faut donc une variation de vitesse de l’ordre de 30 m/s ou bien, encore, une vitesse
variant au cours du temps d’environ 10 m/s en un centième de seconde (toujours
avec d ≅ 1 m).
L’équation (1.34) permet donc de vérifier que, dans les cas que l’on étudie, les vitesses
ou les variations de vitesse sont suffisamment faibles pour que les variations de masse
volumique induites soient faibles elles aussi.
c
a b
Avec là encore une échelle de vitesse V, une échelle de longueur d caractéristique des
variations de vitesse et masse volumique, et une échelle de temps δt qui caractérise main-
tenant la vitesse de variation de la masse volumique, les ordres de grandeur respectifs des
éléments qui rentrent dans le calcul des trois termes de cette équation sont :
a b c
1 δρ V δρ V
----- ------ --- ------ ---
δt ρ d ρ d
M1 V M2
Le terme V × rot(V) a disparu car le produit scalaire de ce vecteur, qui est normal à V,
par le vecteur élémentaire dl, qui est parallèle à V, est nul.
Ainsi, la charge ne se conserve pas le long d’une ligne de courant, dès lors que des
variations de vitesse importantes mobilisent l’influence de la viscosité. La charge ne
peut que décroître, bien sûr. Nous verrons au chapitre 3 que la turbulence est aussi
un facteur, qui vient s’ajouter à l’effet de la viscosité, pour la non-conservation de la
charge. H(M1) – H(M2) s’appelle la perte de charge entre les points M1 et M2 de la
ligne de courant. Nous avons, plus haut, traduit en ces termes les travaux de Borda et
Du Buat sur les convergents et divergents brusques. Nous verrons, au chapitre 3, que
la méthode de dimensionnement pratique des circuits hydrauliques repose juste-
ment sur l’estimation des pertes de charges dans les différentes parties des circuits.
Fluide parfait
Un fluide parfait est un fluide dont la viscosité est nulle. Bien évidemment, un tel
fluide n’existe pas. Mais dans certains types d’écoulements, les effets de la viscosité et
de la turbulence sont négligeables devant les effets d’inertie : l’écoulement autour
d’un obstacle, en dehors des couches limites et des sillages, peut souvent être consi-
déré comme un écoulement de fluide parfait. C’est une hypothèse qui peut être com-
mode, mais qui doit être utilisée avec précautions.
Dans un fluide parfait, le second membre de l’équation (1.38) est nul. Cette équation
se ramène donc au résultat suivant, qui est appelé théorème de Bernoulli généralisé :
Écoulement irrotationnel
Un écoulement est dit irrotationnel lorsque le rotationnel de la vitesse est nul partout.
Cette hypothèse est très liée à l’hypothèse de fluide parfait. En effet, il est possible de
démontrer que l’écoulement d’un fluide parfait mis en mouvement sans chocs (sans
discontinuités) est irrotationnel.
Nous avons vu plus haut que, dans un écoulement irrotationnel, la vitesse dérive
d’un potentiel :
V = grad(φ) (1.40)
L’équation de continuité conduit alors immédiatement à une équation très simple
portant sur le potentiel des vitesses :
∆φ = 0 (1.40 bis)
En injectant l’équation (1.401) et l’équation (1.35) – en annulant rot(V) – dans
l’équation d’Euler, on arrive à une écriture du théorème de Bernoulli généralisé spé-
cifique aux écoulements irrotationnels :
∂φ V 2 p
------ + ------ + --- + g z = constante . (1.41)
∂t 2 ρ
Les conditions aux limites ne font pas intervenir la pression : ces trois écoulements sont semblables.
Il n’en est pas ainsi lorsqu’il y a une surface libre. En effet, à la surface libre d’un
liquide, la pression p est égale à la pression atmosphérique : cette condition, convertie
en condition sur la pression dynamique p*, fait intervenir explicitement g, ce qui
constitue un contre-exemple de la propriété énoncée ci-dessus.
η ( x, t )
Fond
À la surface libre d’un liquide, la condition sur la pression fait intervenir la gravité.
Couche limite
Lorsqu’un écoulement rencontre une surface solide, il est globalement défléchi par
cette dernière, si cette surface impose un changement de direction. Par ailleurs,
comme la vitesse sur la surface solide est nulle (dans le référentiel lié à la dite surface),
se développe une zone dans laquelle la vitesse varie entre zéro (à la paroi) et la vitesse
V du flux principal non perturbé par le frottement sur la paroi. Cette zone est appelée
couche limite.
y
V
limite
couche
δ(x )
couche limite
x
(a) (b)
Couche limite : (a) sur une plaque plane ; (b) sur une surface courbe (aile, voile, roue de pompe ou de
turbine…).
C’est Ludwig Prandtl (1875-1953) – dont on reparlera un peu plus loin – qui fut le
premier à analyser rigoureusement ce type d’écoulement. Détaillons ci-dessous les
grandes lignes de la méthode d’analyse des couches limites.
Soient u et v les composantes de la vitesse selon les directions x et y, parallèle et
normale à la paroi, respectivement. L’épaisseur de la couche limite, δ(x), augmente
lentement avec la direction x, il est donc possible de faire les hypothèses suivantes :
v ? u
∂ ∂
?
∂x ∂y
27. « On the effect of the internal friction of fluids on the motion of pendulums », Transactions of the
Cambridge Philosophical Society, vol.9, 1851 ; op. cit., d’après Rouse et Ince.
28. Le lecteur pourra trouver au chapitre 5, à propos de l’approximation des écoulements quasi hori-
zontaux, une discussion plus précise sur cette approximation.
29. C’est bien ce qui permet de supposer que dans le tube de Pitot – figure 1.5 – la pression au droit des
petits trous du tube est égale à la pression du fluide au loin.
1
f ′′′ + -- ff′′ = 0 avec f(0) = f ′(0) = 0 et f ′ → 1 quand η → ∞.
2
νx
δ≅5 ------ (1.45)
V
δ 5
-- ≅ ------------ (1.46)
x Re x
Vx
en posant : Re x = ------- (1.47)
ν
V
η=y
νx
2
0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
u/V
Figure 1.8. Tracé de la solution de Blasius pour la couche limite sur une plaque plane (d’après les
valeurs numériques reportées par White).
30. « Essai sur la théorie des eaux courantes », Mémoires présentées par divers savants à l’Académie des
sciences, vol. 23, 1877 ; op. cit., d’après Rouse et Ince.
Vitesse Fluctuation u ′
moyenne u
31. « An experimental investigation of the circumstances which determine whether the motion of water
shall be direct or sinuous and of the resistance in parallel channels », Phil. Trans. R. Soc., vol. 174,
pp. 935-982, 1883.
Ces équations s’appellent les équations de Reynolds. Elles contiennent des termes
inconnus, les u′ i u′ j , qui sont appelés les tensions de Reynolds, qui viennent s’ajouter
aux tensions visqueuses ; lorsque l’écoulement est pleinement turbulent, les tensions
de Reynolds sont en fait beaucoup plus grandes que les tensions visqueuses.
Comment rapprocher ces équations de Reynolds avec la proposition de Boussinesq
citée un peu plus haut? Boussinesq supposait implicitement qu’il est possible d’appli-
quer l’équation de Navier à la description du champ de vitesse moyen. Dans ces con-
ditions, le terme νe ∆u i de l’équation de Navier représente la somme de deux termes
∂u′ i u′ j
de l’équation de Reynolds : le terme visqueux, ν∆u i , et le terme turbulent – ---------------- .
∂x j
On peut alors décomposer νe en deux parties et poser :
νe = ν + ν t (1.52)
ν t s’appelle viscosité turbulente. Bien sûr, cette grandeur n’a pas de signification physique
profonde, ce n’est qu’un modèle, encore largement utilisé aujourd’hui, mais qui a ses
limites, comme nous le verrons au chapitre 2.
Après Reynolds, c’est à l’université de Göttingen que fut créée une prolifique école de
développement de la pensée et des connaissances, tant théoriques qu’expérimentales :
le fondateur de cette école fut Ludwig Prandtl (1875-1953). Paul Richard Heinrich
Blasius (1883-1970), connu pour ses travaux sur la couche limite que nous avons décrit
plus haut, mais aussi pour ses résultats expérimentaux sur les écoulements turbulents
dans les conduits, et Théodore von Karman (1881-1963), qui a laissé son nom aux
allées de tourbillons en aval d’un obstacle dans un écoulement, ainsi qu’à certaines
données sur la couche limite turbulente, furent membre de cette école.
C’est que la couche limite, que nous avons décrite dans la section 2.5 de ce chapitre, est
laminaire au début de son développement, puis devient turbulente lorsque son épais-
seur δ atteint une certaine valeur. Pour l’écoulement sur une plaque plane, la transition
à la turbulence est observée lorsque le nombre de Reynolds local Re x , défini par l’équa-
tion (1.47), dépasse une valeur de l’ordre de 5 105 (ou 106 si la surface est parfaitement
lisse et le flux incident bien régulier). Cette transition a une conséquence importante,
qui est un brusque changement de régime de l’écoulement autour d’une structure : c’est
ainsi que Gustave Eiffel (1832-1923), étudiant l’effort exercé par un écoulement sur une
e cm
x
Vitesse u 2
Figure 1.9. Rouleaux d’instabilité de Kelvin-Helmholtz dans une couche de mélange plane résultant
de la mise en contact de deux courants parallèles et de vitesses différentes. On observe
expérimentalement que l’épaisseur ecm de la couche de mélange augmente linéairement
avec la distance x. La relation suivante a été établie à partir de visualisations expérimen-
tales (Papamoshou et Roshko, 1988) pour un écoulement à masse volumique constante :
u1 – u2
e cm = 0,17 ----------------------------- x (1.55)
( u1 + u2 ) ⁄ 2
re
3 2
ri ( re – ri ) ω
ω Ta = ------------------------------
2
- (1.56)
ν
ri
Une autre instabilité, souvent rencontrée en pratique, est l’effet Coanda : un écoule-
ment qui passe au travers d’un diaphragme ou qui sort d’un ajustage peut, dans une
certaine plage du rapport des diamètres d1 / d2 , et du nombre de Reynolds, coller en
aval à l’une des parois au lieu de constituer un jet axisymétrique (figure 1.10). Ce
phénomène a été découvert par l’aérodynamicien roumain Henri Coanda (1886-
1972), inventeur de la propulsion à réaction dans les années 1920.
Figure 1.10. Effet Coanda. Schéma de principe et résultat d’un calcul numérique, extrait du dossier de
validation du logiciel ESTET de EDF-DER (Mattei, 1995).
V
V′
D
Figure 1.11. Figure 1.11. Exemple de solution non symétrique : un petit tuyau parcouru d’un petit
débit est connecté à un tuyau de plus grand diamètre dans lequel circule un fluide à
grande vitesse ; un tourbillon s’installe dans le petit tuyau, sur une grande longueur :
(V′ / V < 5 10 – 3 ; Re = Vd / ν > 106), d’après Robert, 1992 ; Deutsch et al., 1996.
32. Cette soufflerie est encore visible à Paris, 67 rue Boileau, dans le 16e arrondissement.
33. L. J. Fargue, « Sur la corrélation entre la configuration du lit et la profondeur d’eau dans les rivières
à fond mobile », Annales des Ponts et Chaussées, Paris, 1868.
Figure 1.12. Deux types de générateurs de houle utilisés dans des canaux ou bassins à houle.
a : à gauche : batteur de houle (visible au premier plan) dans un canal destiné à l’étude
de l’action des tempêtes sur les structures offshore.
b : à droite : générateur segmenté permettant de générer dans un bassin d’étude une
houle de direction et de forme quelconque.
Photos EDF, Laboratoire national d’hydraulique.
----2- = f --
A a
b
a
L’analyse dimensionnelle ne nous renseigne pas sur la forme de cette fonction f – nous
savons bien sûr que f(a / b) = (a / b) – 1 – pas plus qu’elle ne nous indiquait la valeur de
la constante dans l’exemple du carré.
Comme troisième exemple simple, considérons maintenant la relation qui exprime
le débit massique Q(kg/s) d’une conduite en fonction de la section A(m2), de la
vitesse moyenne U(m/s) et de la masse volumique ρ(kg/m3). Nous avons mainte-
nant quatre paramètres (n = 4), trois unités (kg, m, s, donc p = 3), et ainsi, selon le
Exemple
Prenons encore un exemple pour illustrer comment s’applique la méthode : l’écriture
de la relation qui donne l’épaisseur δ de la couche limite sur une plaque plane en
fonction de la distance x à partir du bord d’attaque, de la vitesse V et de la viscosité ν
(section 2.5) :
δ = f (V, x, ν) (1.59)
En posant ce problème, il faut s’interroger avant toutes choses sur la pertinence de la
liste des paramètres :
(a) Pourquoi ne pas avoir retenu l’accélération de la pesanteur? Car les conditions aux
limites sont purement des conditions cinématiques (vitesse nulle sur la paroi,
vitesse égale à V à l’infini), elles ne font intervenir ni la pression, ni la gravité ;
(b) Pourquoi ne pas avoir retenu la masse volumique? Car si la masse volumique est
rajoutée comme paramètre de l’équation (1.59), cette dernière ne pourrait être
dimensionnellement homogène, en l’absence d’un deuxième paramètre qui
contienne l’unité kg.
Liquides dans les circuits industriels et urbains V = 1 à 20 m/s d = 0,01 à 1 m Re = 104 à qq. 107
Fv
-------------- Fv
On aura alors : - = --------------
- si Re m = Re r
ρV 2 h 2 m ρV 2 h 2 r
Figure 1.15. Étude sur un modèle à fond mobile de l’aménagement de la zone de Belleville-sur-Loire.
Photo EDF, Laboratoire national d’hydraulique.
Des modèles réduits peuvent être utilisés pour résoudre une très large gamme de
problèmes : écoulements en rivière, efforts exercés par la houle sur les structures
côtières ou offshore, étude du vent dans un quartier d’habitation, sollicitations aéro-
dynamiques d’un pont à haubans, dispersion de polluants dans l’air ou dans l’eau,
machines hydrauliques, études de carènes… Les figures 1.13 à 1.16, ainsi que la
figure 6.34, plus loin, en montrent quelques illustrations.
Dans le cas des modèles d’écoulements dans l’environnement représentant une zone
de très grande emprise, l’échelle géométrique est nécessairement très petite. Dans ce
cas, même la condition mentionnée ci-dessus sur le seuil du nombre de Reynolds
peut être impossible à respecter (ce qui se comprend en réalisant, par exemple, que
sur un modèle au 1/1 000, une hauteur d’eau de 1 m se traduit par une profondeur de
1 mm seulement). Il a alors été courant d’utiliser des échelles différentes pour les
hauteurs et pour les dimensions dans le plan horizontal, pour augmenter artificielle-
ment la hauteur d’eau sur le modèle. Ces modèles sont appelés modèles distordus.
Ceci est évidemment à éviter, et on conçoit que la similitude pâtisse de ce genre
d’approximation : la structure tridimensionnelle des circulations n’est plus correcte-
ment représentée. Le problème n° 6, en fin de ce chapitre, présente un exemple de
dimensionnement d’un modèle distordu.
Les modèles réduits qui veulent représenter les transports de sédiments sont égale-
ment l’objet d’une similitude approximative, car les grains utilisés en laboratoire
pour représenter les sédiments réels (sable, bakélite broyée, grains de matière plas-
tique) sont d’un diamètre trop petit pour que la similitude des forces exercées par
l’écoulement sur les grains soit respectée (le nombre de Reynolds construit sur la
taille du grain est trop petit). La bonne utilisation de ces modèles demande une
grande expérience, et ne doit être mise en œuvre que dans les équipes qui disposent
du savoir-faire correspondant.
34. À proximité de la paroi, dans la couche limite, l’influence de la viscosité peut subsister, même lorsque
le nombre de Reynolds construit sur les dimensions globales de la zone étudié est grand. Pour que
l’influence de la viscosité disparaisse complètement dans la couche limite, et donc pour que le frotte-
ment sur la paroi ne dépende plus du nombre de Reynolds, il faut atteindre un régime d’écoulement
appelé régime turbulent rugueux. Nous définirons cette notion dans la section 2.1 du chapitre 3.
1.
MODÈLE DE HOULE AU PREMIER ORDRE (HOULE D’AIRY)
Solution
z z=η
Niveau de la surface
au repos x
h
∂φ ∂η
– continuité de la vitesse verticale : ------ = ------
∂z z=h
∂t
On cherche la solution sous la forme d’une onde qui se propage dans la direc-
tion x avec un vecteur d’onde K et une pulsation ω :
φ(x, z, t) = f(z) cos(Kx – ωt)
Reportons cette expression dans l’équation de continuité, qui s’écrit, pour un
écoulement irrotationnel :
∆φ = 0
L’équation qui en résulte admet comme solution, compte tenu de la condition
à la limite écrite plus haut pour z = 0 :
φ(x, z, t) = A cosh Kz cos(Kx – ωt)
Ceci permet de calculer la vitesse du fluide, ainsi que la cote de l’interface η, en
utilisant l’équation écrite à la surface libre pour la continuité de la pression à la
surface :
Aω
η(x, t) = – -------- cosh(Kh) sin(Kx – ωt)
g
Il est alors possible de calculer la constante A à partir de l’amplitude de l’onde.
Pour obtenir la célérité de l’onde, il faut établir la relation de dispersion, qui
relie ω et K. Celle-ci est obtenue en reportant l’expression obtenue pour le
potentiel φ dans la condition qui exprime la continuité de la vitesse verticale à
l’interface. Il vient alors :
ω2 = gK tanh(Kh) (1.62)
D’où les célérités :
– la vitesse de groupe représente la vitesse de propagation de l’énergie ; c’est la
vitesse d’ensemble de propagation du paquet d’ondes, ou du train d’ondes ;
∂ω
elle est égale à : C̃ = -------
∂K
– la vitesse de phase est la célérité d’une onde particulière :
ω gΛ 2 πh
-------- tanh -----------
longueur d’onde
C = ---- = --------------------------------------- =
K période 2π Λ
2.
ÉCOULEMENT DE POISEUILLE DANS UN CANAL PLAN
u (y ) e
e
x
Solution
Si nous dérivons par rapport à x cette dernière équation, nous obtenons, toujours
en vertu des mêmes hypothèses :
∂ ∂p*
----- -------- = 0
∂x ∂x
3.
ÉCOULEMENT DE POISEUILLE DANS UN CONDUIT
DE SECTION CIRCULAIRE
0 u (r ) d
Solution
Pour les mêmes raisons que dans le cas précédent, le gradient de pression dp* / dx
est une constante du problème. On peut donc toujours poser (a > 0) :
1 ∂p*
a = – --- ---------
ρ ∂x
En intégrant une première fois la projection selon x de l’équation de Navier-
Stokes, il vient :
du r
ν ------ = – a --
dr 2
La constante d’intégration a été déterminée en écrivant que, par raison de symé-
trie, du / dr = 0 pour r = 0 (au centre du conduit).
La forme de ce profil de vitesse est tracée figure 1.17. Elle coïncide avec la
forme du résultat (1.63).
y/d
y / 2e
Figure 1.17. Écoulement laminaire dans un tube ou dans un canal plan : forme du profil de
vitesse.
4.
COURANTS INDUITS PAR LE VENT
DANS UN BASSIN FERMÉ DE GRANDE LONGUEUR
Solution
du dη τ
ν ------ = g ------ z + ----p
dz dx ρ
dη z 2 τ p z
u = g ------ ------ + ------
-
dx 2 ν ρν
est nul, puisque le bassin est fermé à ses deux extrémités, et que la largeur L du
bassin est constante. Ceci nous donne une relation entre la pente de la surface
libre dη / dx et τp :
dη 3 τp
------ = – ----------
dx ρgh
2
La vitesse est nulle à une altitude z = -- h, et le courant de retour en profondeur
3
h
est maximal pour z = --- .
3
z/h
Figure 1.18. Écoulement laminaire induit par le vent dans un bassin fermé : forme du profil
de vitesse.
5.
ANALYSE DIMENSIONNELLE POUR LA FRÉQUENCE
DE DÉTACHEMENT TOURBILLONNAIRE DERRIÈRE UN OBSTACLE
Solution
La fréquence f peut dépendre a priori des paramètres suivant : V, D, ρ, ν, g. On
note en premier lieu que, tant que le tube est entièrement immergé dans le
liquide, et loin de toute surface libre, la gravité g ne doit pas avoir d’influence
sur la fréquence f. Deuxièmement, dans la liste des paramètres, ρ est le seul
paramètre contenant l’unité kg : il ne peut donc intervenir tout seul. Nous rete-
nons donc :
f = fonction (V, D, ν).
Il y a quatre paramètres et deux unités fondamentales (m et s), donc deux nombres
adimensionnels :
6.
ÉTUDE D’UN MODÈLE RÉDUIT
POUR ÉTUDIER LES COURANTS DE MARÉE DANS LA MANCHE
Solution
(a) Le problème est entièrement caractérisé par les six paramètres suivants : V,
L, h, γ, ν, g. Ces paramètres font intervenir deux unités (m et s). Les six para-
mètres peuvent donc être ramenés à quatre nombres adimensionnels :
Vh
– le nombre de Reynolds : Re = ------- ;
ν
V
– le nombre de Froude : F = ---------- ;
gh
V
– le nombre suivant, appelé nombre de Rossby : Ro = ------- ;
γL
h
– et le rapport B = --- .
L
Admettons qu’il ne soit pas nécessaire de respecter le nombre de Reynolds, à
condition que l’écoulement sur le modèle soit turbulent, comme dans la réa-
lité.
On utilise sur le modèle toute la dimension de la plaque tournante, aussi
Lm = 20 m. L’échelle des longueurs est donc égale à Lm / L, soit 1/50 000. C’est
la conservation du nombre de Froude qui détermine alors l’échelle des
vitesses : Vm / V = (Lm / L)0,5, soit 1/224. Sur le modèle, la hauteur d’eau et la
vitesse valent donc : hm = 2 mm et Vm = 4,47 mm/s, soit Re m = 8,9! L’écoule-
ment serait laminaire sur le modèle, le frottement sur le fond serait très mal
représenté.
(b) Pour augmenter le nombre de Reynolds sur le modèle, on distord le para-
mètre B = h / L. Il est évident que la représentativité du modèle en souffrira, en
particulier pour ce qui est de la représentation des écoulements de structure
tridimensionnelle. Cependant, pour les courants de marée, pratiquement
homogènes selon la verticale, cette approximation a été souvent considérée
comme admissible.
L’échelle des vitesses est égale à la racine carrée de l’échelle des hauteurs (con-
servation du nombre de Froude), il est donc facile de calculer l’échelle des hau-
teurs qui correspond à un nombre de Reynolds sur le modèle de 3 000 environ,
soit : hm / h = 1/1 036, arrondi dans la suite à 1/1000. Nous aurons : hm = 10 cm
et Vm = 3,16 cm/s.
L’échelle des longueurs est toujours 1/50 000 dans le plan horizontal. La dis-
torsion de l’échelle des hauteurs est donc de 50. La conservation du nombre de
Rossby :
Ro = Rom = Vm / (2 Ωm Lm)
conduit à une vitesse de rotation de la plaque tournante de :
Ωm = 0,78 tour par minute.