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I N F O A R T I C L E R É S U M É
Historique de l’article : La polykystose rénale autosomique dominante (PKAD) est la première cause génétique d’insuffisance
Reçu le 5 décembre 2014 rénale chronique terminale (IRCT) dans le monde. Sa prévalence est estimée selon les études et les
Accepté le 8 avril 2015 populations étudiées à un taux variant entre 1/1000 et 1/4000 naissances. Elle est responsable d’environ
Disponible sur Internet le xxx
6 à 8 % des cas incidents d’IRCT dans les pays développés. Elle est caractérisée par le développement
d’innombrables kystes rénaux, associés à des manifestations extrarénales qui sont détaillées dans cette
Mots clés : revue. Les diagnostics clinique, radiologique et génétique de cette maladie sont également discutés dans
Antagoniste du récepteur de la vasopressine
cet article. La PKAD est la conséquence d’une mutation du gène PKD1 dans 85 % des cas et de PKD2 dans
Polycystine
Polykystose rénale autosomique dominante
15 % des cas, gènes codant respectivement pour la polycystine-1 (PC-1) et la polycystine-2 (PC-2). Au
Somatostatine niveau du cil primaire des cellules épithéliales rénales, PC-1 et PC-2 interagissent et forment un
complexe qui régule de nombreuses voies de signalisation intracellulaire activées par l’inclinaison du cil
induite par le flux luminal. Les flux de calcium intracellulaire et la voie de l’AMPc jouent un rôle central
dans cette signalisation. C’est l’altération de ces voies de transduction qui conduit à la kystogenèse. La
formation et la croissance des kystes sont secondaire à une dysfonction de la polarité cellulaire planaire,
une prolifération anormale des cellules épithéliales, une sécrétion active et abondante du liquide
kystique, et à une interaction aberrante entre les cellules épithéliales et les membranes basales
modifiées. L’expansion progressive des kystes comprime et modifie le tissu normal, causant la perte de la
fonctionnalité rénale. Jusqu’à présent, le traitement était symptomatique, cherchant à prévenir et traiter
les complications de la maladie. Récemment, de nouveaux traitements plus spécifiques ciblent la
croissance des kystes et pourraient ralentir la progression de la maladie. Les thérapeutiques diminuant la
production d’AMPc telles que les antagonistes des récepteurs à la vasopressine ou les analogues de la
somatostatine ont confirmé un effet bénéfique au cours d’essais cliniques chez l’homme. D’autres
traitements ont montré un intérêt expérimental et seront disponibles dans un avenir proche.
L’identification de marqueurs précoces révélant les patients à haut risque de progression (marqueurs
cliniques, radiologiques et génétiques), ainsi que l’utilisation future de polythérapie synergique ciblant
la croissance des kystes, permettront d’améliorer la prise en charge thérapeutique de la PKAD.
ß 2015 Publié par Elsevier Masson SAS pour I’Association Société de néphrologie.
A B S T R A C T
Keywords: Autosomal dominant polycystic kidney disease (ADPKD) is the leading genetic cause of end-stage renal
Autosomal dominant polycystic kidney disease (ESRD) worldwide. Its prevalence is evaluated according to studies and population between
disease
1/1000 and 1/4000 live births and it accounts for 6 to 8% of incident ESRD patients in developed
Polycystin
countries. ADPKD is characterized by numerous cysts in both kidneys and various extrarenal
Somatostatin
Vasopressin receptor antagonists manifestations that are detailed in this review. Clinico-radiological and genetic diagnosis are also
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : prieu@chu-reims.fr (P. Rieu).
http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
1769-7255/ß 2015 Publié par Elsevier Masson SAS pour I’Association Société de néphrologie.
Pour citer cet article : Noël N, Rieu P. Pathophysiologie, épidémiologie, présentation clinique, diagnostic et options thérapeutiques dans
la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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discussed. Mutations in the PKD1 and PKD2 codifying for polycystin-1 (PC-1) and polycystin-2 (PC-2) are
responsible for the 85 and 15% of ADPKD cases, respectively. In primary cilia of normal kidney epithelial
cells, PC-1 and PC-2 interact forming a complex involved in flow- and cilia-dependant signalling
pathways where intracellular calcium and cAMP play a central role. Alteration of these multiple signal
transduction pathways leads to cystogenesis accompanied by dysregulated planar cell polarity,
excessive cell proliferation and fluid secretion, and pathogenic interactions of epithelial cells with an
abnormal extracellular matrix. The mass effect of expanding cyst is responsible for the decline in
glomerular filtration rate that occurs late in the course of the disease. For many decades, the treatment
for ADPKD aims to lessen the condition’s symptoms, limit kidney damage, and prevent complications.
Recently, the development of promising specific treatment raises the hope to slow the growth of cysts
and delay the disease. Treatment strategies targeting cAMP signalling such as vasopressin receptor
antagonists or somatostatin analogs have been tested successfully in clinical trials with relative safety.
Newer treatments supported by preclinical trials will become available in the next future. Recognizing
early markers of renal progression (clinical, imaging, and genetic markers) to identify high-risk patients
and multidrug approaches with synergistic effects may provide new opportunities for the treatment of
ADPKD.
ß 2015 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Association Société de néphrologie.
La polykystose rénale autosomique dominante (PKAD) est la kystes dépend d’une dysfonction des mécanismes de contrôle du
première cause génétique d’insuffisance rénale chronique termi- diamètre tubulaire, d’une prolifération anormale des cellules
nale (IRCT) dans le monde. Elle est caractérisée par le développe- épithéliales, d’une sécrétion active et abondante du liquide
ment d’innombrables kystes rénaux, associés à des manifestations kystique, et d’interactions aberrantes entre les cellules épithéliales
extrarénales. La PKAD est la conséquence d’une mutation du gène et les membranes basales modifiées.
PKD1 dans 85 % des cas et de PKD2 dans 15 % des cas. La polycystine-1, la polycystine-2 et la fibrocystine (dont le
gène est muté au cours de la polykystose autosomique récessive)
1. Bases moléculaires de la PKAD régulent les flux calciques intracellulaires provoqués par l’incli-
naison du cil induite par le flux luminal [4]. Le complexe ciliaire de
La mutation du gène PKD1 (région chromosomique 16p13.3) est polycystine pourrait agir comme un mécano-senseur et la
la cause la plus fréquente de PKAD (85 % des cas). Les cas restants polyscystine-2 serait responsable de l’entrée de calcium. La
sont dus à une mutation du gène PKD2 (région chromosomique portion cytosolique de la polycystine-1 interagit physiquement
4q22). Dans environ 7 % des cas, aucune mutation dans les gènes et régule la fonction de la polycystine-2, et peut aussi activer
PKD1 et PKD2 n’est identifiée. PKD1 code pour la polycystine-1, une plusieurs autres voies intracellulaires (protéines G, voies de la
glycoprotéine membranaire de grosse taille (460 kDa), avec signalisation Wnt et JAK/STAT) (Fig. 1). La polycystine-1 de la
11 domaines transmembranaires, une région extramembranaire membrane plasmique peut interagir avec la polycystine-2 du
étendue comprenant de nombreux domaines impliqués dans réticulum endoplasmique. La polycystine-2 peut s’homodimériser,
l’interaction protéine–protéine (domaine riche en leucine) ou mais elle peut également s’hétérodimériser avec d’autres membres
protéine–glucide (domaine lectine de type C), et une courte queue de la superfamille transient receptor potential (TRP) tels que TRPC1,
C-terminale [1]. PKD2 code pour la polycystine-2, une glycopro- TRPC4 et TRPV4. La polycystine-2 interagit aussi avec le récepteur
téine de plus petite taille (968 acides aminés) avec 6 domaines d’IP3 (inositol 1,4,5-triphosphate) et le récepteur de la ryanodine
transmembranaires, des queues N- et C-terminales orientées vers qui sont les principaux canaux calciques du réticulum endoplas-
le cytoplasme, et un degré élevé d’homologie de séquence avec les mique. La diminution des flux calciques intracellulaires, induite
canaux VAC (voltage-dépendants) et transient receptor potential par le défaut de fonction des polycystines, activerait certaines
(TRP) [2]. La polycystine-2 est un canal calcique [3]. Les isoformes de l’adénylate cyclase (AC6) et inhiberait les phospho-
polycystines sont localisées dans les cils primaires. Elles se diestérases stimulées par le calcium (PDE 1 et 3). Ceci conduirait à
trouvent aussi à d’autres endroits de la cellule : une accumulation intracellulaire d’AMPc (Adenosine-30 -50 -mono-
phosphate cyclique ; médiateur intracellulaire produit par les
la polycystine-1 dans les adhésions focales, les desmosomes et adénylate cyclases et dégradé par les phosphodiestérases) [6]. La
les jonctions adhérentes et serrées ; surexpression du récepteur V2 à la vasopressine participerait aussi
la polycystine-2 dans le réticulum endoplasmique. à l’accumulation d’AMPc [7]. De plus, le défaut de capacité de
concentration urinaire observé au cours de la PKAD est à l’origine
On dispose désormais de données expérimentales suggérant d’une augmentation de production de vasopressine par la
qu’un défaut dans la mécano-sensation ciliaire, dû à des mutations neurohypophyse [7]. La vasopressine qui agit sur les
de PKD1 ou PKD2, aboutit à la perturbation des flux de calcium récepteurs V2 est le principal régulateur hormonal de l’adénylate
intracellulaire et au développement de kystes [4]. cyclase dans les tubes distaux et collecteurs. Des taux élevés
Au cours de la PKAD, les kystes sont issus de tous les segments d’AMPc sont retrouvés dans les cellules rénales, mais aussi dans les
du néphron et des canaux collecteurs. Cependant, cette question autres tissus affectés tels que les cholangiocytes, le muscle lisse
reste encore débattue, certains auteurs considérant que la majorité vasculaire et les plexus choroı̈des. L’accumulation d’AMPc dans le
des kystes proviennent des tubes collecteurs. Ils se forment in rein est corrélée à la sévérité de la maladie. L’AMPc active la PKA, et
utero dans 1 à 5 % des néphrons et croissent tout le long de la vie. Ils cette dernière stimule la voie de signalisation canonique des
apparaissent sous forme d’une évagination sacculaire du néphron, protéines Wnt/b-caténine. Cette voie est essentielle à l’initiation
puis se détachent lorsqu’ils atteignent environ 2 mm de diamètre de la tubulogenèse épithéliale. Mais pour que la tubulogenèse se
et continuent de grossir sous forme de sacs fermés [5]. L’expansion poursuive, il faut que succède à cette première étape la voie de la
progressive des kystes comprime et modifie le tissu normal, polarité cellulaire planaire (PCP) qui fait appel à la signalisation
causant la perte de la fonctionnalité rénale. La croissance des Wnt non canonique (indépendante de la b-caténine) [8]. Lors de la
Pour citer cet article : Noël N, Rieu P. Pathophysiologie, épidémiologie, présentation clinique, diagnostic et options thérapeutiques dans
la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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Fig. 1. Schéma d’une cellule épithéliale et des voies de signalisation impliquées dans la kystogenèse. Au niveau du cil primaire des cellules épithéliales rénales, la polycystine-1
(PC-1) et la polycystine-2 (PC-2) interagissent et forment un complexe qui régule de nombreuses voies de signalisation intracellulaire activées par l’inclinaison du cil induite. La
diminution des flux calciques intracellulaires, induite par le défaut de fonction des polycystines, activerait l’adénylate cyclase (AC) et inhiberait les phosphodiestérases (PDE)
stimulées. Ceci conduirait à une accumulation intracellulaire d’AMPc. La surexpression du récepteur V2 à la vasopressine participerait également à l’accumulation d’AMPc. Au
contraire, la somatostatine inhibe l’activation des adenylates cyclases. L’AMPc active la PKA, et cette dernière stimule les voies de signalisation MAPK, mTOR et Wnt, et
l’expression de l’aquaporine-2 (AQP2) et l’activation du canal Clore CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator).
tubulogenèse, la stimulation mécanique des cils par le flux activated channels (SACs) qui sont des canaux cationiques activés
tubulaire induit un basculement de la voie Wnt canonique vers par la tension de la membrane plasmique, en partie responsables du
la voie Wnt non canonique nécessaire à la signalisation PCP qui est tonus myogénique artériel (contraction des muscles de la paroi
indispensable à la division cellulaire orientée selon un axe artérielle en réponse à une augmentation de pression). Une anomalie
perpendiculaire à l’axe de polarité apico-basale des cellules des polycystines, en induisant un défaut du tonus myogénique,
épithéliales. Or, une suractivation de la PKA maintient la voie de pourrait participer à la fragilité de la paroi vasculaire [15].
signalisation Wnt canonique et bloque le passage à la voie Wnt non
canonique nécessaire à la mise en place de la polarité planaire, 2. Épidémiologie
participant ainsi au phénomène de la kystogenèse [9].
La prolifération cellulaire anormale observée au niveau des La polykystose rénale autosomique dominante (PKAD) est la
cellules épithéliales kystiques participe à la croissance des kystes. plus fréquente des maladies génétiques conduisant à l’insuffisance
Elle est favorisée par l’activation de la PKA qui active la voie B-Raf/ rénale terminale. La prévalence de la maladie est difficile à estimer
MEK/ERK [10]. La PKA active aussi la voie mammalian target of car elle reste longtemps asymptomatique chez les sujets atteints.
rapamycine (mTOR) qui est impliquée dans la prolifération et la La prévalence est estimée, selon les études et les populations
croissance cellulaire [11]. La sécrétion du liquide kystique concourt étudiées, à un taux variant entre 1/400 et 1/1000 naissances [16–
aussi probablement à l’augmentation du volume des kystes. Cette 20]. En France, d’après le rapport REIN 2011, la PKAD est
sécrétion est importante (estimée à 100 mL/j pour un kyste de responsable de 6,2 % des cas incidents d’insuffisance rénale
10 mL) [12]. Les mécanismes de transport impliqués incluent le terminale (soit 598 patients ; 9,3 cas par an et par million
CFTR, le transporteur NaK2Cl sensible au bumétanide ainsi que la d’habitants). Elle est responsable de 6,6 % des cas prévalents
NaKATPase [13]. Enfin, les membranes basales sont anormales avec dialysés (soit 2579 patients ; 40 par million d’habitants) et 12,7 %
une augmentation du dépôt de laminine, de fibronectine et de des cas prévalents transplantés (soit 3961 patients ; 61 par million
collagène de type 1. Parallèlement, l’expression par les cellules d’habitants). Mais tous les sujets atteints d’une PKAD n’arrivent pas
kystiques des récepteurs à ces protéines extracellulaires (intégrines en IRCT. En effet, environ 75 % des patients présentant une
b1 b4 (4) av a1 et a2) est augmentée [6]. La modification des mutation du gène PKD1 atteignent l’insuffisance rénale terminale à
interactions entre cellules épithéliales et protéines de la matrice 70 ans et seulement 20 % au même âge lorsque la mutation touche
extracellulaire participe à la kystogenèse en modifiant la capacité de le gène PKD2 [21].
prolifération et de migration des cellules épithéliales kystiques [14].
Les polycystines-1 et -2 sont également exprimées dans 3. Expression clinique
d’autres tissus que le rein et, en cas d’anomalie génétique,
pourraient participer aux manifestations extrarénales de la PKAD. 3.1. La maladie rénale
Elles sont exprimées par exemple au niveau des cellules
endothéliales et des cellules musculaires lisses des artères. Les La première manifestation systémique de la PKAD est l’hyper-
complexes polycystines régulent l’activité des canaux stretch tension artérielle (HTA). Son apparition précède l’insuffisance
Pour citer cet article : Noël N, Rieu P. Pathophysiologie, épidémiologie, présentation clinique, diagnostic et options thérapeutiques dans
la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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rénale dans plus de 70 % des cas. Elle survient à un âge médian de Les infections de kystes rénaux ou hépatiques sont des
46 ans pour PKD1 et 51 ans pour PKD2 [21]. Elle est retrouvée chez complications parfois sévères de la PKAD. Leur fréquence est
13 % des enfants [22]. L’HTA est corrélée au volume de la masse estimée à 0,01 épisode/an/patient chez les patients polykystiques
kystique rénale [23–25]. Elle semble résulter d’une activation hospitalisés, soit 11 % des causes d’hospitalisation dans cette
excessive du système rénine-angiotensine par compression des population [34]. Les germes le plus souvent incriminés sont
vaisseaux intrarénaux par les kystes [26]. La croissance du volume d’origine digestive (Escherichia coli dans environ 75 % des cas), mais
des kystes et du volume rénal s’accompagne d’une diminution du la documentation microbiologique n’est pas toujours disponible.
flux rénal et d’une augmentation des résistances vasculaires Le manque de spécificité des signes cliniques retarde souvent le
intrarénales qui précèdent le déclin de la fonction rénale. La diagnostic. Le gold standard pour le diagnostic d’une infection de
mesure du flux rénal par imagerie par résonance magnétique (IRM) kyste est la ponction percutanée avec mise en évidence de
pourrait être utilisée comme un marqueur prédictif et précoce de polynucléaires neutrophiles et de micro-organismes. Elle n’est
progression vers l’insuffisance rénale [27,28]. Il existe également cependant pas toujours réalisable, soit parce que le kyste infecté
une corrélation entre le volume rénal ou le volume de la masse n’est pas identifié, soit parce qu’il n’est pas accessible à une
kystique mesuré par IRM ou scanner, et la diminution du débit de ponction percutanée. Dans les autres cas, il est indispensable de
filtration glomérulaire (DFGe) [24,29]. La croissance du volume combiner les éléments cliniques et paracliniques pour poser le
rénal est de 4 à 10 % par an. Elle est constante pour un individu diagnostic. Les douleurs abdominales sont quasiment constantes,
donné, mais très variable d’un individu à un autre. La vitesse de retrouvées dans 89 % des cas, de même que la fièvre et le syndrome
croissance des kystes est identique entre PKD1 et PKD2, mais leur inflammatoire biologique [34]. Les techniques d’imagerie habi-
vitesse d’apparition, et donc leur nombre, est différent entre ces tuelles sont peu performantes et permettent surtout d’éliminer les
2 entités génétiques [30]. La vitesse de croissance du volume rénal diagnostics différentiels (hémorragie intrakystique évoquée pour
est corrélée à la vitesse de progression de l’insuffisance rénale. La une densité spontanée supérieure à 25 UH sur le scanner, infection
vitesse de décroissance du DFG est d’environ 3 2 mL/min par an extrarénale. . .). La tomographie par émission de positon (PET-scan)
[21]. Le volume rénal initial permet de prédire le rythme de croissance après injection intraveineuse de 18-fluorodeoxyglucose est un
rénale ultérieur et un volume rénal initial élevé (supérieur à 1500 mL) outil diagnostique performant dans ce contexte, mais dont la
est associé à un déclin du DFG plus important (4,33 8 mL/min par an) sensibilité et la spécificité restent à préciser dans des études de
[31]. La progression rapide de l’insuffisance rénale est associée [32] : plus grande envergure. Elle permet le diagnostic positif de
l’infection de kyste par la mise en évidence d’une augmentation
aux mutations tronquées de PKD1 ; localisée du métabolisme cellulaire et, grâce à la combinaison avec
au sexe masculin ; un scanner, elle permet la localisation précise du kyste infecté afin
à l’apparition d’une HTA précoce ; de discuter une ponction (Fig. 2). Les limites de cet examen sont
à la présence d’hématurie macroscopique avant l’âge de 30 ans ; liées à son coût, sa faible disponibilité, ainsi qu’à l’absence de
chez les femmes hypertendues, à l’existence de plus de diagnostic différentiel sur la nature de l’inflammation (néoplasie,
3 grossesses. hémorragie intrakystique) [34–37].
La prévalence des lithiases est élevée (11–34 %), elle est 5 à
L’insuffisance rénale stade 3 apparaı̂t vers un âge médian de 10 fois supérieure à celle de la population générale. Ceci est lié,
50 ans pour PKD1 et 66 ans pour PKD2 [21]. L’IRCT survient vers un d’une part, à la compression des voies urinaires par les kystes,
âge médian de 53 ans pour PKD1, et 69 ans pour PKD2 [33]. Les d’autre part, à des facteurs métaboliques (hypocitraturie et pH
patients présentant des mutations de PKD2 sont donc moins urinaire bas en raison d’un défaut d’acidification distale et d’un
nombreux à atteindre le stade IRCT au cours de leur vie. transport anormal de l’ammonium). Les calculs d’acide urique sont
Les autres complications des kystes rénaux sont les infections beaucoup plus fréquents que dans la population générale (plus de
intrakystiques, les hémorragies intrakystiques et les douleurs 50 %), essentiellement en raison de la baisse du pH urinaire
chroniques abdominales ou lombaires. [38,39]. Elles sont asymptomatiques dans la moitié des cas.
Fig. 2. Intérêt du PET-scan dans le diagnostic des infections de kystes : hyperfixations multiples au niveau des kystes hépatiques.
Pour citer cet article : Noël N, Rieu P. Pathophysiologie, épidémiologie, présentation clinique, diagnostic et options thérapeutiques dans
la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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3.2. Les atteintes extrarénales La moitié des patients a une fonction rénale normale et un quart
n’est pas encore hypertendu. La présentation clinique est classique.
Les atteintes extrarénales touchent les patients atteints d’une Dans 20 à 50 % des cas, la rupture est précédée de céphalées
mutation PKD1 et PKD2. prémonitoires inhabituelles correspondant probablement à une
fissuration de l’anévrysme. La rupture conduit au décès dans 30 à
3.2.1. Les kystes hépatiques 50 % des cas, et un risque élevé de séquelles neurologiques (30–
Les kystes hépatiques apparaissent chez 80 % des patients. Ils 40 %) en cas de survie [45–48].
se développent à partir de l’épithélium des voies biliaires La présence de kystes arachnoı̈diens est trouvée chez environ
intrahépatiques (cholangiocytes). Leur fréquence augmente avec 8 % des patients avec PKAD (0,8 % dans la population générale). Ils
l’âge (58 % à 15–24 ans, 85 % à 25–34 ans et 94 % à 35–46 ans) exposent à une augmentation du risque d’hématome sous-dural
[40]. Classiquement, leur apparition est différée d’environ 10– chronique. Cependant, le risque d’hématome est faible, il n’est
20 ans par rapport aux kystes rénaux. Ils sont plus fréquents et donc pas nécessaire de les dépister.
volumineux chez la femme car les œstrogènes jouent un rôle dans
la prolifération des cholangiocytes [41]. Ils sont le plus souvent 3.2.3. Complications cardiaques
asymptomatiques [42]. Ils peuvent toutefois s’associer à une La principale complication cardiaque est l’hypertrophie ven-
augmentation modérée des enzymes hépatiques, en particulier triculaire gauche (HVG) qui est la conséquence de l’HTA et de
des gamma-GT ou des phosphatases alcalines. Les complications l’activation du système rénine-angiotensine [49]. L’HVG est
possibles sont une infection ou une hémorragie intrakystique, précoce, survenant dès l’enfance en cas d’HTA limite (75–
une symptomatologie chronique douloureuse ou fonctionnelle en 95e percentile), avant l’augmentation du volume rénal et l’appari-
rapport avec l’hépatomégalie. Très rarement, une hypertension tion de l’insuffisance rénale [23]. L’HTA participe à la dysfonction
portale peut être associée à la PKAD. Les complications cardiaque et aux comorbidités cardiovasculaires des patients
hépatiques se révèlent essentiellement chez les femmes (dans atteints de PKAD. Les atteintes valvulaires sont fréquentes [50,51] :
90 % des cas). Les infections spontanées de kyste surviennent
surtout chez les patients dialysés ou transplantés, dont les kystes prolapsus mitral (26 %) ;
hépatiques sont plus volumineux. Elles se traduisent par de la insuffisance mitrale (13–31 %) ;
fièvre, des douleurs de la région hépatique, une anomalie des tests insuffisance aortique (8–15 %).
hépatiques, une élévation du CA19-9, une hyperleucocytose, et
très souvent des hémocultures positives à germes d’origine Le prolapsus mitral est retrouvé chez les enfants en l’absence
digestive [43]. L’échographie, le scanner et l’IRM montrent un d’HTA, suggérant que cette anomalie cardiaque est une manifesta-
remaniement du kyste avec une hétérogénéité du contenu et un tion directement liée à la PKAD [22]. Au contraire, l’insuffisance
épaississement de la paroi. Le PET-scan peut aider en cas de mitrale n’est pas retrouvée chez les enfants, et semble liée à l’âge et
difficulté diagnostique [35]. à l’HTA. Elle pourrait être favorisée par le prolapsus mitral.
Certaines hépatomégalies majeures sont invalidantes par la
gêne quotidienne qu’elles induisent (douleurs abdominales, reflux 3.2.4. Kystes pancréatiques
gastrique, satiété précoce, gêne respiratoire, transformation de Les kystes pancréatiques sont retrouvés chez environ 10 % des
l’image corporelle. . .), et le risque de dénutrition qu’elles patients, et sont associés à l’âge, au sexe féminin et aux mutations
entraı̂nent [44]. Elles peuvent être au premier plan du tableau de PKD1. Ils n’ont pas de conséquence pathologique.
clinique et survenir en l’absence d’atteinte rénale symptomatique.
Parfois, les kystes innombrables et volumineux peuvent compri- 3.2.5. Diverticulose
mer la veine cave et/ou les veines sus-hépatiques, entraı̂nant une La diverticulose colique est fréquente chez les patients PKAD
hypertension portale (syndrome de Budd-Chiari), une ascite, voire (40 %), mais elle est aussi très fréquente dans la population
une hématémèse par rupture de varices œsophagiennes. Une générale (environ 40 %). Il est donc difficile d’affirmer qu’il s’agit
compression de la veine cave inférieure avec œdèmes des d’une complication associée à la maladie génétique [46].
membres inférieurs et hypotension peut parfois survenir. Ces
compressions peuvent se compliquer de thromboses veineuses. 3.2.6. Hernies de la paroi abdominale
Avec l’augmentation de la durée de vie, plus de patients Les hernies de la paroi abdominale sont fréquentes (jusqu’à
développent une hépatomégalie symptomatique. 45 %). Il s’agit surtout de hernies inguinales. Elles peuvent se
révéler et se compliquer en dialyse péritonéale (33 % chez les
3.2.2. Les atteintes cérébrales : anévrysmes intracrâniens et kystes patients atteints de PKAD contre 7 % chez les sujets témoins en DP)
arachnoı̈diens [46,52]. Elles exposent au risque de hernies étranglées.
Les anévrysmes intracrâniens (AIC) sont présents chez environ
6 % des patients atteints de PKAD, et 16 % en cas d’antécédent 4. Diagnostic
familial d’AIC. La plupart sont de petite taille (< 3,5 mm) et situés
dans la circulation antérieure. La rupture survient à l’âge médian Le diagnostic est habituellement aisé. Il repose sur les
de 41 ans, soit une décennie plus tôt que l’anévrysme sporadique antécédents familiaux, la présence de gros reins polykystiques
dans la population générale. Le risque de rupture ne semble pas et de kystes hépatiques à l’échographie (Fig. 2). Le diagnostic est
plus important que dans la population générale avec un risque plus difficile pour les formes de novo (5–10 %) ou lorsqu’un
global de 0,3 % par an, et dépend essentiellement : diagnostic précoce est nécessaire (donneur de rein potentiel,
éventuel traitement spécifique).
de la taille ;
de la vitesse de croissance ; 4.1. Diagnostic d’imagerie
de la localisation (plus important en cas de localisation
postérieure) ; L’imagerie de référence est l’échographie rénale. Le diagnostic
du contrôle tensionnel ; repose alors sur les critères de Ravine, modifiés récemment par Pei
du tabagisme ; de façon à prendre en compte le diagnostic de PKAD liée aux
des antécédents personnels d’hémorragie méningée. mutations de PKD2 [53,54]. Ces critères reposent sur l’âge du sujet
Pour citer cet article : Noël N, Rieu P. Pathophysiologie, épidémiologie, présentation clinique, diagnostic et options thérapeutiques dans
la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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Fig. 3. Aspect des kystes rénaux dans la PKAD. A. Échographie. B. Scanner. C. IRM.
apparenté et le nombre de kystes détectés par échographie (Fig. 3). un avenir proche, les indications du diagnostic moléculaire
Chez les apparentés d’un sujet atteint, le diagnostic de PKAD est s’étendent. En effet, la connaissance du type de mutation peut
retenu lorsqu’il y a au moins : avoir un intérêt pronostique ; une étude récente portant sur plus de
700 patients a montré une survie rénale plus longue chez les
3 kystes rénaux uni- ou bilatéraux chez les sujets âgés de 15 à patients atteints de mutation de PKD2 par rapport à ceux porteurs
39 ans ; d’une mutation de PKD1 (79 ans versus 55 ans) [55]. De même, le
4 kystes (au moins 2 par rein) entre 40 et 59 ans ; bénéfice de future thérapeutique pourrait nécessiter un diagnostic
8 kystes (au moins 4 par rein) après 59 ans. présymptomatique afin de débuter précocement le traitement.
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la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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Tableau 1 placebo) [67]. Il n’a pas été retrouvé d’impact sur la fonction rénale
Traitements de la PKAD et études cliniques correspondantes.
mais celle-ci était strictement normale dans les 2 groupes. Cette
Molécules Études cliniques étude encourage une utilisation précoce des statines chez ces
Bloqueurs du système Étude HALT A, 548 patients, 8 ans [63] patients, qui doit cependant rester prudente, en particulier chez les
rénine-angiotensine Étude HALT B, 486 patients, 8 ans [64] sujets jeunes, notamment en raison du risque tératogène en cas de
grossesse.
Statines Cadnapaphornchain et al., 2014, 107 patients,
36 mois [65]
5.1.3. Insuffisance rénale chronique terminale
Analogues de la Ruggenti et al., 2005, 12 patients, 6 mois [82]
Les différents traitements de substitution de la fonction rénale
somatostatine Van Keimpena et al., 2009, 32 patients, 6 mois [83]
Hogan et al., 2010, 34 patients, 12 mois [84] peuvent tous être proposés à cette population de patients. Le
Caroli et al., 2013, 75 patients, 3 ans [85] traitement de choix est la transplantation rénale préemptive.
DIPAK, NCT01616927, 300 patients, 3 ans, Malheureusement, malgré le caractère familial de la maladie, les
recrutement en cours possibilités de dépistage et son évolution prévisible, de trop
LIPS, NCT02127437, 180 patients, 3 ans,
recrutement en cours
nombreux patients arrivent encore au stade terminal de l’insuffi-
sance rénale sans avoir été préparés.
Inhibiteurs de mToR Serra et al., 2010, 433 patients, 24 mois [88]
Walz et al., 2010, 100 patients, 18 mois [89]
Perico et al., 2010, 21 patients, 6 mois [91]
5.1.4. Dialyse
Stallone et al., 2012, 55 patients, 18 mois [92] La dialyse péritonéale est contre-indiquée par certaines équipes
Braun et al., 2014, 30 patients, 12 mois [90] dans la PKAD [68]. Les raisons avancées sont :
Tolvaptan Torres et al., 2012, 1445 patients, 3 ans [96]
une augmentation du risque de péritonite liée à la fréquence de la
Hydratation Higashihara et al., 2014, 30 patients, 1 an [100]
diverticulose sigmoı̈dienne ;
Triptolide NCT00801268, 300 patients, étude terminée une efficacité moindre de la dialyse du fait de l’augmentation
NCT02115659, 100 patients, recrutement en cours parfois très importante de la taille des reins ;
Bosutinib NCT01233869, 172 patients, étude en cours une augmentation du risque de hernies.
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Fig. 4. Évolution du volume rénal avant (A), 3 mois (B) puis 6 mois (C) après l’embolisation.
entraı̂né à ce type de procédure [81]. L’embolisation d’une branche d’un don de rein. Celle-ci peut se faire par analyse de liaison si
de l’artère rénale est une alternative intéressante à la néphrecto- 3 membres de la famille sont explorables ou, le plus souvent, par
mie. Cornelis et al. ont montré une réduction de volume de 42 % à séquençage des gènes PKD1 et PKD2 [79,83]. Cette stratégie doit
3 mois et 54 % à 6 mois avec une morbidité moindre [82] (Fig. 4). prendre en compte le génotype identifié et l’âge d’arrivée en
L’embolisation doit être associée à une prise en charge optimale de dialyse chez les apparentés. Elle doit également prendre en
la douleur per- et surtout post-interventionnelle. considération l’impact psychologique d’un diagnostic précoce de la
La transplantation à partir de donneur vivant est une option maladie sur le donneur potentiel. L’élargissement récent des
envisageable, mais le caractère génétique de cette maladie en conditions de don à l’extérieur de la famille permet également
limite les possibilités en raison de l’augmentation de la demande d’augmenter le nombre de donneurs vivants potentiels.
au sein d’une même famille. La principale difficulté est d’exclure le L’ensemble de ces éléments nécessite de débuter précocement
diagnostic chez les patients jeunes. La stratégie proposée est le bilan en vue de la transplantation afin de privilégier une
résumée sur la Fig. 5 [83]. L’imagerie de 1re intention reste transplantation préemptive et ne pas prolonger inutilement la
l’échographie rénale, surtout s’il existe plusieurs donneurs prise en charge en dialyse si une néphrectomie et/ou des analyses
potentiels ; en cas de donneur potentiel unique, un scanner ou génétiques sont nécessaires.
une IRM peut être discuté en 1re intention. Après l’âge de 40 ans, Pour ce qui est de la stratégie d’immunosuppression, il a été
une échographie rénale normale permet d’exclure le diagnostic suggéré un impact positif des inhibiteurs de mToR avec diminution de
avec certitude. Entre 30 et 40 ans, l’utilisation de techniques volume du foie et des reins propres [84]. Toutefois, les 2 grands essais
d’imagerie plus précise est souvent nécessaire avec toutefois un cliniques publiés en 2010 n’ont pas démontré d’intérêt de cette classe
risque de faux positif (kyste simple). Avant l’âge de 30 ans, il est thérapeutique dans la progression de la maladie [85,86]. De plus,
impossible d’exclure le diagnostic avec l’imagerie. Les tests leurs effets indésirables en limitent l’utilisation. Il reste donc peu
génétiques sont alors très utiles afin d’envisager la possibilité d’arguments pour privilégier cette classe thérapeutique. Une étude
Fig. 5. Conduite à tenir pour la sélection des donneurs vivants apparentés dans la PKAD.
Pour citer cet article : Noël N, Rieu P. Pathophysiologie, épidémiologie, présentation clinique, diagnostic et options thérapeutiques dans
la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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est en cours afin d’évaluer l’impact du sirolimus comparé au inhibiteurs de mToR pour ralentir l’évolution de la maladie, que ce
tacrolimus sur la progression du volume hépatique après transplan- soit sur la croissance des kystes ou sur le déclin de la fonction
tation (NCT00934791). rénale [85,86]. D’autres études portant sur de petits effectifs et
visant à analyser l’impact de la dose de sirolimus n’ont pas réussi à
5.2. Traitement spécifique de la PKAD montrer un intérêt ni sur le volume rénal, ni sur la fonction rénale
[94–96]. Les raisons potentielles pouvant expliquer l’absence
L’objectif du traitement idéal de la PKAD est d’éviter à la fois les d’effet retrouvé dans les études cliniques comportent :
conséquences directes des kystes, à savoir l’insuffisance rénale, les
douleurs, les infections, mais également les complications liées aux un défaut d’observance avec de nombreux arrêts de traitement
atteintes extrarénales de la maladie. Pour cela, il faudrait pouvoir liés au profil de tolérance très médiocre (stomatite, dyslipidémie,
corriger l’anomalie à l’origine de la maladie, à savoir la mutation de acné, difficultés de cicatrisation. . .) ;
PKD1 ou PKD2, par une thérapie génique. Des travaux débutent une inhibition de la voie mToR insuffisante au niveau du tissu
dans ce domaine, mais restent encore très éloignés des applica- cible, les doses utilisées dans les études animales étant
tions cliniques [87]. Les progrès récents de la recherche ont permis nettement supérieures à celles utilisables chez l’homme avec
de mieux comprendre les conséquences de l’absence de polycys- une tolérance acceptable.
tine et ainsi d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour
essayer de les corriger. La principale difficulté dans la conduite des
études chez l’homme est que l’évolution de la maladie est très Ces traitements ne sont pas totalement abandonnés, des
lente, avec maintien d’une fonction rénale normale pendant de molécules de fusion sont étudiées afin de véhiculer la molécule
nombreuses années. Au vu des données de l’étude CRISP, directement au niveau de son site d’action, notamment en la
démontrant une association forte entre la progression du volume combinant à l’acide folique dont le récepteur est fortement
rénal et celle de l’insuffisance rénale [31], il est admis que le exprimé par les cellules épithéliales kystiques [97].
volume rénal total mesuré par IRM est un critère intermédiaire
acceptable pour juger de l’impact d’un traitement sur l’évolution 5.2.3. Tolvaptan
de la PKAD. Ceci est cependant remis en cause par les résultats Le tolvaptan est un antagoniste des récepteurs V2 de la
discordants retrouvés dans certaines études cliniques publiées ces vasopressine, dont l’effet bénéfique a été montré dans des modèles
dernières années. animaux [98] et par une étude interventionnelle avec un groupe
témoin historique [99]. L’essai thérapeutique multicentrique,
5.2.1. Analogues de la somatostatine randomisé contrôlé en double insu contre placebo, TEMPO 3:4 a
Les analogues de la somatostatine, dont l’objectif est d’inhiber inclus 1445 patients recrutés dans 29 pays [100]. Un effet positif a
la production d’AMPc, ont été les premiers traitements à être testés été démontré à la fois sur le volume rénal (augmentation du
chez l’homme. Quatre études randomisées contrôlées en double volume rénal de 2,8 % par an dans le groupe traité contre 5,5 % par
insu contre placebo ont analysé leur impact sur l’évolution de la an dans le groupe placebo), sur le déclin de la fonction rénale et sur
maladie. Trois études de faible envergure (incluant moins de la survenue de douleurs rénales. Toutefois, la tolérance est parfois
50 patients avec un suivi de 6 à 12 mois) ont montré une réduction difficile en raison de l’effet aquarétique puissant conduisant à une
de la croissance rénale sous analogue de la somatostatine [88– proportion non négligeable d’arrêts de traitement (15,4 % dans le
90]. Cependant, les paramètres rénaux étaient des critères groupe traité contre 5 % dans le groupe placebo). L’effet
secondaires, le critère primaire étant la diminution du volume aquarétique semble s’atténuer avec la progression de l’insuffisance
hépatique. Plus récemment, l’essai multicentrique ALADIN a inclus rénale. Il a également été rapporté une toxicité hépatique sévère
75 patients atteints de PKAD [91]. Il retrouve un impact sur le ayant conduit à l’arrêt du traitement chez 1,2 % des patients. Enfin,
volume rénal total mesuré par IRM après 1 an de traitement par le coût du traitement est un élément majeur en cours de discussion
octréotide, mais cet effet n’est plus significatif après 3 ans de avec les autorités compétentes pour envisager sa commercialisa-
traitement. Un effet bénéfique sur la fonction rénale est également tion et son remboursement [101,102].
suggéré puisque l’on note un ralentissement du déclin du DFG La simple augmentation des apports hydriques permettant de
après 1 an de traitement, faisant évoquer un décalage entre l’effet freiner la sécrétion d’ADH pourrait avoir le même effet et est
anatomique et l’effet fonctionnel. Dans les 4 études publiées, la habituellement recommandée chez les patients atteints de
tolérance était bonne. Ces études sont insuffisantes pour recom- PKAD. Son intérêt a été démontré dans une étude animale
mander l’utilisation des analogues de la somatostatine en pratique [103]. Higashihara et al. ont étudié l’impact d’une augmentation
clinique en raison du faible nombre de patients inclus et d’un suivi de l’hydratation dans une étude interventionnelle chez 30 patients
trop court par rapport à la vitesse d’évolution de la maladie et à la suivis pendant 1 an [104]. Ils n’ont pas retrouvé d’impact positif ni
pharmacocinétique de la molécule (un taux plasmatique stable sur la croissance des kystes, ni sur le déclin de la fonction rénale
n’est obtenu qu’après 4 mois de traitement). En effet, afin de avec même des résultats en faveur d’une accélération du déclin de
démontrer un effet positif sur le DFG, il serait nécessaire d’inclure la fonction rénale après le début de l’hyperhydratation, toutefois
175 (en cas d’utilisation du DFG mesuré) à 300 patients (en cas les apports sodés étaient supérieurs dans ce groupe [104]. Cette
d’utilisation du DFG estimé) suivis pendant 3 ans. Deux études sont étude présente de nombreuses limites méthodologiques (faible
en cours (DIPAKS et LIPS) incluant respectivement 300 et nombre de patients, suivi court, pas de randomisation) et les
180 patients qui seront suivis pendant 3 ans et dont les résultats apports hydriques atteints (2,6 L/j dans le groupe hyperhydrata-
sont attendus respectivement en 2018 et 2019. tion) sont probablement trop faibles pour bloquer significative-
ment la sécrétion d’ADH [105]. D’autres études sont nécessaires
5.2.2. Inhibiteurs de mToR pour confirmer ou infirmer l’intérêt d’une hyperhydratation.
Les inhibiteurs de mToR ont montré des résultats très
encourageant dans les études animales, mais les résultats des 5.2.4. Autres traitements
essais cliniques sont décevants [92,93]. En effet, les 2 grands essais D’autres traitements sont actuellement à l’étude, notamment le
cliniques publiés en 2010, l’un avec l’évérolimus, l’autre avec le triptolide (molécule utilisée dans les maladies inflammatoires en
sirolimus, incluant respectivement 433 et 100 patients suivis médecine traditionnelle chinoise–NCT00801268 et NCT02115659)
pendant 24 et 18 mois, n’ont pas réussi à montrer un intérêt des et le bosutinib (inhibiteur de tyrosine kinase de 3e génération
Pour citer cet article : Noël N, Rieu P. Pathophysiologie, épidémiologie, présentation clinique, diagnostic et options thérapeutiques dans
la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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Fig. 7. Évolution du volume hépatique après traitement par analogues de la somatostatine. A. Avant traitement (6750 cm3). B. Après 1 an de traitement (6060 cm3).
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la polykystose rénale autosomique dominante. Néphrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.04.001
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