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PARTIE 2. LE COMMERÇANT
CHAPITRE 1. LA QUALITÉ DE COMMERÇANT
***
Section 2. Les types de commerçants
Chaque personne physique ou morale dispose d’un patrimoine qui est unique et universel. Par
l’exercice d’une activité commerciale, le commerçant est amené à prendre des risques
financiers, juridiques qui peuvent mettre en péril son patrimoine personnel (ses biens familiaux,
son logement, son argent etc.). Ainsi, le commerçant engage son patrimoine. Cependant, les
risques pris par le commerçant auront un poids différent selon qu’il exerce son activité en tant
que personne physique (§1) ou en tant que personne morale (§2) et ce choix a une influence
directe sur son patrimoine personnel.
Une entreprise est une unité économique, juridiquement autonome, organisée pour produire des
biens ou des services pour le marché. Le commerçant peut décider d’exploiter son entreprise
en tant que personne physique et développer l’activité en son propre nom. C’est le cas du
commerçant épicier ou du pharmacien. Dans cette hypothèse, il va engager le seul patrimoine
dont il dispose : son propre argent ou sa voiture personnelle.
Ainsi, le patrimoine du commerçant personne physique va regrouper des éléments d’actif et de
passif concernant sa vie personnelle mais également des éléments de sa vie professionnelle.
Par voie de conséquence, si le commerçant n’honore pas ses engagements et qu’il ne paye pas
ses dettes, l’actif de son patrimoine répondra de tout le passif. Cet actif qui inclut les éléments
de sa vie personnelle sera engagé à titre de garantie pour les créanciers.
Ainsi, par exemple, s’il ne parvient à payer ses fournisseurs ou à rembourser le crédit
contracté pour démarrer son activité, les créanciers pourront saisir les éléments d’actif de son
patrimoine, lesquels peuvent être des éléments personnels (maison familiale, voiture
personnelle, argent personnel etc…).
Pour limiter le risque lié à l’exploitation de son activité commerciale et protéger son patrimoine
personnel, le commerçant peut opter pour la création d’une personne morale, sous forme de
société. Dans ce cas, ce sera la société elle-même qui aura le statut de commerçante. L’activité
commerciale sera développée sous la dénomination de la société.
Cette société disposera d’un patrimoine qui lui sera propre et distinct de celui de l’entrepreneur
personne physique. Ce dernier pourra être associé ou actionnaire de la société qu’il aura créée
ou même gérant/dirigeant.
Par conséquent, les risques de l’activité commerciale seront supportés par la personne morale,
par la société elle-même, puisque c’est elle qui s’engage et c’est elle qui sera redevable des
dettes contractées auprès des tiers. En cas de faillite, les créanciers pourront saisir les éléments
d’actif du patrimoine de la société pour être désintéressés et payés.
Précision n°1.
Nous avons pu voir dans l’introduction qu’il existe différentes formes de sociétés (sociétés à
responsabilité limitée -SARL/SA- et sociétés à responsabilité illimitée -SNC/SCA-).
Dans certaines sociétés, comme la société en nom collectif (SNC) ou la société en commandite
par actions (SCA), la responsabilité des associés est illimitée. Les associés sont alors
indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales. Cela signifie que si le
patrimoine de la société ne suffit pas à payer les dettes contractées par la société, les
créanciers pourront se faire payer sur les patrimoines personnels des associés.
Néanmoins, cette responsabilité illimitée ne change rien au fait que les deux patrimoines ne
se confondent pas : celui de l’entrepreneur qui a crée la société et le patrimoine de la société
restent séparés et distincts l’un de l’autre.
I. Le registre du commerce
A. Définition
Le registre du commerce est un support de publicité qui a pour but de faire à toute personne qui
y a intérêt l’existence, les caractéristiques et le devenir des entreprises et sociétés commerciales.
Il fournit les renseignements sur le statut des commerçants, leur activité et l’identité de leurs
exploitants (gérants, dirigeants, propriétaire de fonds de commerce, gérant libre etc).
D’après l’article 27 du Code de commerce, le registre du commerce est composé d’un registre
central (2) et de plusieurs registres locaux (1).
1) Le registre local
Le registre local est tenu par le secrétariat-greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel
se situe le siège de la société ou l’établissement principal du commerçant. Lorsqu’il n’y a pas
de tribunal de commerce dans ce ressort géographique, le registre local est tenu par le secrétariat
greffe du tribunal compétent.
L’article 30 du Code de commerce dispose que toute inscription au registre du commerce d’un
nom de commerçant ou d’une dénomination commerciale doit être demandée par voie
électronique à travers la fenêtre dédiée dans la plateforme électronique de création et
d’accompagnement d’entreprises au secrétariat-greffe du tribunal du lieu de situation de
l’établissement principal du commerçant ou du siège de la société créée.
Ce registre est placé sous la surveillance du président du tribunal ou d’un juge désigné par le
président du tribunal chaque année à cet effet.
Toute personne peut se faire délivrer une copie ou un extrait certifié conforme des inscriptions
qui sont portées au registre du commerce ou un certificat de radiation d’une société du registre
du commerce.
2) Le registre central
Le registre central est tenu par le ministère chargé de l’industrie et du commerce à l’Office
Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC). Le registre central est public
et ouvert à la consultation.
Il est subdivisé en deux sous registres : l’un pour les personnes physiques, l’autre pour les
personnes morales. De même, chaque registre est divisé en autant de volumes qu’il y a de
tribunaux.
Pour ce faire, chaque secrétaire-greffier des tribunaux compétents transmet au registre central
un exemplaire des déclarations qu’il a enregistrés au cours du mois précédent, aux fins
d’immatriculation, de modification ou de radiation.
Délivrer les certificats et copies relatifs aux inscriptions qui y sont portées (noms des
commerçants, les denominations commerciales et les enseignes);
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Cours de droit commercial – Filière SEG – Semestre 4 – Ensembles 3 et 4
Professeur Kenza Chakir – Année universitaire 2019/2020
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Le registre central du commerce peut être consulté par le public à travers la plateforme
électronique de création et d’accompagnement d’entreprises par voie électronique (article 32
du Code de commerce).
Ce registre électronique est créé à travers le plateforme électronique créée par la loi n°88-17.
Encore une fois, il est à noter que les inscriptions au registre électronique du commerce sont
effectuées à travers la plateforme électronique de création et d’accompagnement d’entreprises
par voie électronique.
Dès le début de son activité, tout commerçant, personne physique et morale, marocaine ou
étrangère, qui exerce une activité commerciale sur le territoire du Royaume doit se faire
immatriculer au registre du commerce (article 37 du Code de commerce).
Le commerçant dispose d’un délai de trois mois pour se faire immatriculation au registre du
commerce. Ce délai commence à courir :
-Pour les personnes physiques, à partir de l’ouverture de son établissement
commercial ou de l’acquisition d’un fonds de commerce ;
-Pour les personnes morales, à partir de leur constitution, c’est-à-dire à partir de la
signature du contrat de société.
- Déclaration d’immatriculation
Cette déclaration doit être remplie par le commerçant lui-même (personne physique) ou par le
gérant/dirigeant de la société (personne morale). C’est ce que précise l’article 38 du Code de
commerce qui dispose que l’immatriculation du commerçant au registre électronique du
commerce ne peut être requise que sur la demande du commerçant ou à la demande de son
mandataire muni d’une procuration écrite qui doit être obligatoirement jointe à la demande.
Ainsi, le Modèle 1 comporte tous les éléments permettant d’identifier la personne physique :
-nom, prénom, date de naissance, nationalité ;
-l’activité exercée, le siège de son entreprise, l’origine du fonds de commerce et l’enseigne s’il
en possède ;
-la date du certificat négatif pour l’inscription du nom commercial.
Tout changement ou modification se rapportant aux faits devant faire l’objet d’une inscription
sur le registre du commerce doit faire l’objet d’une demande d’inscription modificative. La
déclaration modificative (le « Modèle 4 ») doit être remplie avec la mention des modifications
devant être enregistrées et elle doit être accompagnée des pièces justificatives.
Exemple. Une société décide de changer sa dénomination sociale deux ans après le
début de son activité. Pour que cette modification soit opposable aux tiers, le gérant ou le
dirigeant de la société doit déposer une déclaration modificative (appelée le « modèle 4 »)
auprès du registre du commerce avec tous les renseignements nécessaires et les pièces
justificatives relatives au changement de dénomination sociale (notamment le procès-verbal de
l’assemblée générale extraordinaire de la société ayant décidé le changement de dénomination).
Les obligations comptables des commerçants sont imposées par les articles 19 et suivants du
Code de commerce. Elles sont régies par la loi n°9-88 du 25 décembre 1992 modifiée par la loi
44-03 du 14 février 2006.
La comptabilité permet à l’administration fiscale de pouvoir exercer un contrôle sur les
déclarations d’impôts fournis par le commerçant et en cas d’irrégularités de procéder à des
vérifications fiscales ; en outre, elle permet au commerçant de contrôler et de maîtriser le
fonctionnement de son entreprise, son évolution financière et le rapport avec ses partenaires
commerciaux/clients ; et enfin, elle permet aux créanciers de pouvoir être informés de la
solvabilité de l’entreprise. Ainsi, la comptabilité suppose de tenir plusieurs livres comptables
(I) et lorsqu’elle est régulière, la comptabilité a une valeur probante (II).
I. Le contenu de l’obligation
Les commerçants doivent procéder à l’enregistrement des mouvements qui affectent l’actif et
passif de l’entreprise (article 1 er de la loi n°9-88). La comptabilité du commerçant a pour objet
les livres comptables (1) et les comptes annuels (2).
-Le grand livre : ce livre reprend les écritures du livre-journal avec une ventilation entre les
différents comptes tenus par le commerçant (comptes de stocks, de fournisseurs,
d’immobilisations etc).
-Le livre d’inventaire : ce livre constitue un relevé de tous les éléments d’actif et de passif du
patrimoine de l’entreprise et mentionne la quantité et la valeur de chacun d’eux à la date de
l’inventaire. Ce document permet de contrôler l’existence et la valeur de ces éléments au moins
une fois par exercice (12 mois).
Pour compléter les livres comptables, le commerçant doit également tenir états de synthèse
annuels sur la base du contenu des livres comptables. Ces états de synthèse comportent :
Le livre journal et livre d’inventaire sont cotés c’est-à-dire que les numéros des pages vont de
la première à la dernière feuille et ils sont paraphés (un signe y est apposé) par le greffier du
tribunal de commerce du siège où se situe l’entreprise.
Chaque livre reçoit un numéro répertorié par le greffier sur un registre spécial.
Le commerçant doit enregistrer les opérations de manière chronologique et continue sur les
livres, sans altération ni blanc. En cas d’erreur, il doit corriger par des écritures nouvelles, il ne
peut raturer ou gratter l’erreur.
Les documents comptables et les pièces justificatives (factures, bons de commande etc) doivent
être conservés pendant dix ans. Les originaux des correspondances reçues et les copies des
correspondances envoyées doivent également être conservés pendant dix ans.
L’absence de comptabilité, une comptabilité fictive ou incomplète sont des faits sanctionnés
par la loi. Il s’agit comme par exemple faire disparaître des documents comptables de
l’entreprise ou de manipuler la comptabilité de sorte à augmenter frauduleusement le passif.
Lorsque les documents comptables ne respectent pas les normes prescrites par la loi 9-88,
l’article 23 de cette dernière laisse la faculté à l’administration fiscales de les rejeter. Elle
procédera alors à une évaluation arbitraire et forfaitaire de l’impôt qui devra être payé par le
commerçant.
Tout dirigeant d’une entreprise individuelle ou à forme sociale qui aurait tenu une comptabilité
fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la société ou qui
n’aurait pas tenu de comptabilité alors que la loi en fait l’obligation est coupable de
banqueroute. Cette dernière est une infraction pénale punie par une peine d’emprisonnement
allant d’un an à cinq ans et / ou d’une amende de 10.000 à 100.000 dirhams.
En cas de litige, la comptabilité régulièrement tenue fait preuve entre commerçants à raison des
faits et actes de commerce qu’elle retrace. Elle constitue une preuve également en faveur du
commerçant qui tient cette comptabilité (article 232 du Code de commerce).
A l’égard des non commerçants, la comptabilité ne fait pas preuve contre eux. Un tiers non
commerçant peut faire valoir contre le commerçant le contenu de sa comptabilité même si celle-
ci est irrégulièrement tenue. A l’inverse, le commerçant ne peut invoquer les documents
comptables contre un non-commerçant.
Il est appliqué aux actes de commerce les règles prévues par le droit commercial (Paragraphe
1). Parfois, ces actes sont passés entre commerçants et particuliers non-commerçants et, dans
ce cas, le régime juridique applicable est spécifique (Paragraphe 2).
Les actes de commerce bénéficient de règles spécifiques dans la mesure où certaines règles du
droit commun des actes civils apparaissent inadaptées aux besoins du commerce. Ces règles
concernent aussi bien l’exécution des actes de commerce (II) que le contentieux commercial (I
et III).
En droit civil, le régime de la preuve est réglementé. Ainsi, par exemple, la preuve par témoins
n’est pas admise pour les obligations qui ont pour objet une somme d’argent dont la valeur
dépasse 10.000 dirhams. De même, la preuve par écrit doit revêtir des formes particulières
pouvant aller jusqu’à l’exigence d’un acte authentique.
En droit commercial, ce formalisme est écarté puisqu’il peut être handicapant pour le
commerçant qui est appelé à passer de nombreux contrats pour exercer son activité. Par
conséquent, en matière commerciale, la preuve est libre. Tous les moyens sont admis pour
prouver les obligations commerciales : oral, écrit, l’écrit électronique etc.
La solidarité est une garantie qui va sécuriser les échanges commerciaux. En droit commercial,
la solidarité est passive c’est-à-dire qu’elle est présumée entre les commerçants. En effet, la
solidarité n’a pas besoin d’être prévue dans le contrat commercial pour être appliquée (article
335 du Code de commerce).
La solidarité signifie que lorsque plusieurs commerçants ont contribué au même acte de
commerce, l’un d’eux peut être appelé au paiement pour tous les autres. Il devra payer le
montant total de la somme due au créancier et il pourra ensuite, réclamer aux autres débiteurs
la part qu’il a payé à leur place.
Exemple. Messieurs A, B et C sont commerçants, ils vendent des fruits et légumes. Ils
ont chacun un commerce différent situé dans des endroits différents à Casablanca. Pour obtenir
des prix intéressants, ils décident de passer une commande ensemble chez un fournisseur de
tomates. La commande est d’un montant de 1000 dhs. Mais il s’avère que le fournisseur de
tomates n’est pas payé dans les délais.
Le principe de la solidarité permet au fournisseur de choisir parmi les commerçants A,
B et C celui qui est le plus solvable et lui demander le paiement de la totalité du montant (1000
dhs).
Celui qui a payé pourra, après avoir versé la somme au fournisseur de tomates, demander
aux autres commerçants de lui rembourser ce qu’il a payé à leur place.
Les tribunaux de commerce, créés par la loi n°53-95, sont compétents pour connaître :
- Des actions relatives aux contras commerciaux ;
- Des actions entre commerçants à l’occasion de leurs activités commerciales ;
- Des actions relativs aux effets de commerce ;
- Des différents entre associés d’une société commerciale ;
- Des différends à raison du fonds de commerce.
Ainsi, tous les litiges relatifs aux commerçants passés à l’occasion du développement de leur
activité professionnelle sont portés devant les tribunaux de commerce. Le tribunal de commerce
a vocation à traiter des litiges entre commerçants de façon rapide et simple, toujours dans le
souci de répondre aux besoins spécifiques du commerce : le besoin de rapidité et de sécurité.
Cependant, les tribunaux de commerce sont compétents uniquement pour les demandes dont
la valeur excède 20.000 dirhams. Par conséquent, si l’objet du litige est le paiement d’une
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créance dont la valeur est inférieure ou égale à 20.000 dirhams, la demande doit être portée
devant le tribunal civil.
Les actes juridiques qui mettent en jeu un commerçant et un particulier sont appelés « actes
mixtes ». La notion d’acte mixte (I) implique une application distributive des règles civiles et
des règles commerciales (II).
Les actes conclus entre un commerçant et un non-commerçant constituent des actes mixtes.
L’acte mixte présente un caractère civil à l’égard de l’une des parties et un caractère commercial
à l’égard de l’autre. En effet, beaucoup d’actes de commerce, par nature ou par accessoire, sont
conclus entre commerçants et particuliers non-commerçants. Cette situation est
particulièrement courante et rassemble la plupart des échanges quotidien dits de consommation.
Par conséquent, l’acte mixte présente une double nature juridique.
- Le principe de la distributivité
Le régime d’un acte mixte repose sur l’application distributive des règles applicables. Il en
résulte que chaque partie se voit appliquer les règles imposées par la nature, civile ou
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commerciale, que revêt l’acte à son encontre (article 4 du Code de commerce) : les règles du
droit commercial s’appliquent aux commerçants et les règles du droit civil s’applique au
particulier.
En cas de litige entre les parties, l’application du principe de distributivité a des conséquences
sur les règles applicables.
Ainsi, en matière de preuve, le non-commerçant peut invoquer le principe de la liberté de la
preuve et il peut donc prouver l’acte juridique qui a été accompli ou le fait juridique qui a eu
lieu par tous moyens. Tandis que le commerçant est obligé de respecter les règles du droit civil.