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2010 - Départementalisation Adaptée 1958-1960
2010 - Départementalisation Adaptée 1958-1960
Elisabeth Léo. Départementalisation adaptée 1958-1960 : « une espèce d'autonomie ».. In: Outre-mers, tome 97, n°368-369,
2e semestre 2010. Cinquante ans d'indépendances africaines. pp. 75-96;
doi : https://doi.org/10.3406/outre.2010.4490
https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2010_num_97_368_4490
Léo ELISABETH
Le contexte international
pour six tâches. Entre mars 1951 et février 1958, l'écart moyen entre le
SMIG métropolitain et celui des départements d'Amérique était passé
de 15,7% à 15,1%. En mai 1958, il était déjà remonté à 20,8%. En
février 1959, il atteint 24,3% 9.
La Martinique réclame les billets de la Banque de France. La
Guyane veut une monnaie particulière qui ne soit pas alignée sur le
franc métropolitain. À La Réunion, il n'est pas question de supprimer
le franc CFA. Paris opte pour un organisme spécial et deux monnaies.
Le n décembre 1958, le service des DOM envoie le projet de création
de l'Institut d'Émission des Départements d'Outre Mer (IEDOM)
pour avis au ministre des Finances et des Affaires économiques. Le 31,
la Caisse centrale de la France d'Outre Mer, rebaptisée Caisse centrale
de Coopération économique, et son conseil de surveillance, sont placés
sous la présidence du gouverneur de la Banque de France. La Réunion
garde le franc CFA, tandis que le nouveau franc est introduit en janvier
i960 dans les DOM d'Amérique avec des billets émis par l'IEDOM
pour les Antilles et la Guyane, et non plus pour chaque département.
Les divergences entre les élus locaux et les divisions au sein du
gouvernement accentuent le rôle du pouvoir central. Pour trancher
avant l'expiration des pouvoirs accordés par l'article 82, le 24 décembre
1958, le ministre de l'Intérieur a préféré informer plutôt que consulter
les personnalités locales. Le 5 janvier, l'IEDOM est créé par la
du Conseil. Il est présidé par le gouverneur de la Banque de
France avec la participation des représentants des DOM, ce qui semble
alors un bon compromis.
Le temps presse, la question primordiale de l'adaptation du statut
devait être réglée vers mars 1959 ; les voyages du général de Gaulle sont
prévus depuis mai IO. Pour remédier au retard, s'en tenir à la procédure
des décrets fait craindre l'institution d'une procédure législative
de celle de la métropole, ce qui pourrait faciliter l'opposition des
assemblées locales aux propositions parlementaires, par exemple à
certaines réformes sociales ; surtout, les assemblées locales pourraient
exiger les mêmes droits que les métropolitaines.
C'est au Premier ministre qu'il revint de préparer les décrets
".Le ministre délégué propose de consulter les assemblées locales
sur les projets de lois, décrets etc., lorsqu'il le jugerait nécessaire, et de
leur accorder le droit de proposer des modifications aux textes existants.
Certains conseillers de Debré veulent réduire aux seuls parlementaires la
participation des élus. Or ils participent déjà de plein droit, etTrémeaud
rappelle l'esprit du message du Général, les promesses de Malraux et les
explications données aux parlementaires. Le compromis qu'il propose
accentue le rôle du pouvoir central : la consultation n'interviendrait
La crise financière
Depuis les années cinquante, les finances des collectivités locales
sont mal en point. Le débat sur la fiscalité s'exacerbe. Après l'extension
des lois d'assistance en 1955, le décret du 28 septembre 1956
le 14 février 1957) a exigé des efforts d'assainissement. En outre,
l'article 47 de la loi des finances du 13 décembre 1957 stipulait le
de l'équilibre économique et financier des DOM. Elle se
par l'impossibilité d'assurer les dépenses d'aide sociale, et entraîne
une fronde des conseils généraux qui n'est apaisée que par la promesse
de subventions proportionnées aux efforts d'assainissement *s.
L'explosion démographique annihile les efforts de développement. À
la Martinique, de 1959 à 1961, la population devrait passer de 264 000 à
280 000 habitants. Dans les DOM, où le taux de natalité s'était
aux environs de 40%o, l'augmentation est surtout due à la
de la mortalité infantile et des jeunes enfants de 1 à 4 ans l6. De
1,5% en 1946, l'accroissement naturel atteint 2,5% en 1950 et se
ensuite autour de 3%. Les moins de 20 ans sont deux fois plus
nombreux que leurs aînés de 20 à 39 ans. En 1954, ils comptaient déjà
pour 49% à la Martinique, 51% à la Guadeloupe, et 54% à La Réunion.
Pour les dix prochaines années, il faut prévoir 37 000 emplois nouveaux
à La Réunion et 27 000 dans chacun des départements antillais. De
fait, les migrations diminuent l'accroissement réel et la scolarisation
raréfie ceux qui recherchent du travail avant 20 ans. Néanmoins, une
jeunesse désœuvrée de plus en plus nombreuse inquiète.
Dès 1957, le taux de scolarisation primaire des enfants de plus de six
ans atteint 95% en Martinique, 90% à la Guadeloupe, 86% à La
Réunion. Les CEG, les CES et, au moins à la Martinique, les
sont en plein essor. En 1959 *?, la Martinique compte plus de
65 000 élèves dans le primaire et les maternelles, soit le quart de la
population, 76 000, soit 30% en incluant les lycées. La Guadeloupe se
23. Remplacé lors des sénatoriales par Guéril URG-UNR partisan du statut spécial.
24. Lettre de Trémeaud à Foccart, 29 avril 1959, à propos d'une lettre de Catayée du 6
avril 1959.
25. AG5 FPR 916. 4 mars 1959. CAC 940 180. n° 59. 25 mai 1959. Interview du
journaliste Shenker, de Time-Life. Césaire dit regretter d'avoir fait voter oui au
et opte pour la révision du statut. AG 5 FPR 610. Note du 30 octobre 1959.
S'adressant à des étudiants du Congo belge, Césaire, qui revient de Guinée, affirme lutter
pour « l'autonomie interne ». « II faudra aller beaucoup plus loin après », mais le peuple
martiniquais est « amorphe », « émasculé par l'assimilation ». Lettre de Trémeaud à
Foccart à propos d'une lettre de Catayée du 6 avril 1959.
26. CAC 940 180. N° 59.
27. CAC 940 180. N° 98.
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32. AG5 FPR 1005. Non daté. Note d'information du 6 octobre 1959. 20 octobre
1959s Xélot envoie une copie. AG5 FPR 1010. 12 octobre 1959. Voir aussi CAC 940 180,
n°98.
33. Sans se soucier de la balance commerciale, les promoteurs de monnaies
croient pouvoir échapper aux dévaluations de la monnaie métropolitaine.
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42. CAC 940 180. N°99. Le 15 avril, Lecourt veut régler le problème des avances,
négociées directement par Césaire avec le ministre des Finances, avant le voyage du
général.
43. CAC 940 180. N° 136. 15 mars i960.
44. CAC 940 180. N° 136.
45. Gilbert, le professeur et poète.
46. CAC 940180. N° 136. Trémeaud, 18 et 2imars i960.
47. Le 15 mars, l'UNR Petit, qui écrit à Foccart, cite un tract qu'il a publié pour
refuser sa participation : « Le parti communiste Martiniquais a osé inviter l'Union pour la
Nouvelle République à discuter d'un « statut d'autonomie » (...) avec Assemblée
Conseil de gouvernement, Président du Conseil et sept à onze ministres dits
« secrétaires » (...) Pour (...) définir les adaptations locales nécessaires (...) d'accord !
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La loi programme
53. Note du directeur du cabinet du général à Foccart. Ier mars. Le 13 février, Foccart
avait accusé réception à Dubois-Chabert du plan de développement économique, AG 5
FPR ion.
54. AG 5 FPR ion.
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55. Le 12 avril, le PSG fait un pas en arrière : accueil favorable pour le président :
manifestation devant Lecourt pour le statut spécial ; présentation du mémorandum à
Lecourt, non au général. AG5 FPR 940.
56. AG5 FPR 940. Outre l'action politique de Mgr Gay, face cachée de la
adaptée, les évêques des Antilles françaises qui, à cause du rattachement à la
Propagande, dépendent du protonotaire apostolique installé à Port-au-Prince, réclament
le droit de participer aux assemblées des évêques de France et le bénéfice de la loi du 24
décembre 1942, qui permet aux associations catholiques de recevoir des libéralités avec
l'autorisation de l'administration.
57. Note des Renseignements généraux, mai i960. CAC 940 180. N°9.
58. Note des R.G. du 29 Mai i960. CAC 940 180., n° 209.
59. CAC 940180 n° 209. Paris, 12 août i960. Télégramme du 23 juillet. Dans le livre
de Smeralda Juliette, Philibert Duféal, le Congrès n'est pas évoqué, pp. 169-170, quelques
allusions à l'autonomie. Duféal refusait l'indépendance pour préserver les acquis sociaux.
60. Note adressée à Debré par la Défense nationale, 6 mai i96o,AG5 FPR N° 940.
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64. AG5FPR36.
65. AG5 FPR 610. Césaire à des étudiants congolais. Octobre 1959.
66. CAC 940 180. N° 224. En mars 1961, cette option est bien exprimée par l'UPG : il
ne s'agit pas de « demander l'aumône à l'administration » mais « lui tenir tête, et obtenir
ce qui était dû ».