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Au cœur de la conception du Balanced Scorecard : Une illustration du triptyque

Business Model – Carte Stratégique – Balanced Scorecard : le cas d’une banque
mutualiste, Seconde Par...

Article · February 2017

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3 authors:

Nathalie Bénet Aude Deville

Toulouse School of Management (tsm), Toulouse 1 Capitole University University of Nice Sophia Antipolis
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Gerald Naro
Université de Montpellier
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 EXPERTISES
PERFORMANCE

PAR PAR PAR

Nathalie Bénet Aude Deville Gérald Naro
Maître de Professeur Professeur
conférences1 des Universités2 des Universités3

Le Business Model tion du modèle de performance

de l’entreprise.

Au cœur de la conception
Dès lors, l’idée d’un rappro-
Finance & gestion JANVIER 2017

chement avec le modèle d’af-

faires ou Business Model (BM)

du Balanced Scorecard
offre de nombreuses perspec-
tives. Si les notions de contrôle
de gestion ou de pilotage stra-
Première partie : Accorder stratégie et contrôle de gestion, réussir tégiques ont un sens, c’est bien
dans leur capacité à éclairer la
le déploiement stratégique à l’aide du Business Model et du Ba- réflexion stratégique et aider les
lanced Scorecard. Dans cet article nous proposons de palier l’une des dirigeants à construire ou re-
limites souvent évoquée du Balanced Scoredard, celle de son faible an- construire leur BM, voire
crage en management stratégique alors que cet outil de contrôle a été concevoir des BM innovants,
conçu notamment pour réussir le déploiement stratégique. Nous suggé- comme dans leur aptitude à
rons ainsi un fondement au Balanced Scorecard, préalable à la conception traduire ce BM en actions, à
48 de la Carte Stratégique : le Business Model. évaluer ses résultats.
En d’autres termes, un BSC
construit sur la base du BM de

D éveloppé au début être dans la volonté de ses

des années 1990 par Robert
Kaplan et David Norton, le
Balanced Scorecard (BSC) s’est
rapidement imposé comme
l’une des innovations managé-
riales emblématiques des trente
dernières années.
Dans la même veine que plu-
sieurs de ses congénères (le
modèle des « 7 S » de McKinsey,
le Navigator de Skandia ou le
« Performance Prism »), il se dis-
tingue par différents aspects et
notamment le caractère multi-
dimensionnel et intégré de son
modèle de performance.
Il s’agit dès lors de proposer
un tableau de bord stratégique
articulant financier et non fi-
nanciers, court et long terme,
actifs matériels et immatériels
dans une vision équilibrée.
Mais, l’un des apports les plus
distinctifs du BSC réside peut-
concepteurs de le positionner
comme une composante du
management stratégique et de
ne pas le réduire à un simple
outil de contrôle de gestion et
de mesure des performances.
Au fur et à mesure de la paru-
tion des ouvrages de Kaplan et
Norton, le BSC va ainsi évoluer
d’une présentation sous la
forme d’un tableau de bord
structuré en quatre axes, vers
un modèle conceptuel intégré
dont la finalité devient l’aligne-
ment stratégique.
L’une des composantes essen-
tielles est alors la carte straté-
gique (Strategy Map) qui va très
rapidement s’imposer comme
l’une des variables fondamen-
tales sur laquelle doit reposer
l’architecture du BSC. Elle en
constitue l’ossature et, plus
fondamentalement, la traduc-
l’entreprise pourrait permettre
tout autant de penser, aligner
et piloter la stratégie. Une
condition pour cela consisterait
donc intégrer l’analyse du BM
au cœur de la conception du
BSC et, tout particulièrement,
de sa carte stratégique.
Si les ouvrages de Kaplan et
Norton sont riches d’exemples
de BSC appliqués à des secteurs
d’activités et des types d’orga-
nisation très variés, ils ne nous
renseignent guère sur la mé-
thodologie de conception du
BSC et, malheureusement peu,
sur la façon dont la réflexion
stratégique a été intégrée dans
la conception de sa carte stra-
tégique. Le BM pourrait bien
constituer en définitive le chaî-
non manquant dans les étapes
de conception du BSC.
Après avoir présenté succinc-
tement les éléments constitutifs
du BSC, puis du BM, en nous
appuyant sur l’exemple concret

Les quatre axes du Balanced Scorecard
Pour être performant sur le plan financier,
comment devons-nous apparaître à nos actionnaires ?
Pour satisfaire nos clients
et nos actionnaires dans quels
processus devons-nous exceller ?
PROCESSUS
INTERNES
de la mise en œuvre d’un BSC
au sein d’une banque mutua-
liste, nous proposons d’intégrer
le BM au cœur de la conception
du BSC.
Le BSC et sa carte
stratégique
Rappelons brièvement les élé-
ments clés du BSC. Autour du
pivot représenté par la vision et
la stratégie de l’entreprise, gra-
vitent quatre axes de perfor-
mances : actionnaire, client,
processus internes, apprentis-
sage – innovation (ou appren-
tissage et croissance) (cf. figure
« Les quatre axes du Balanced
Scorecard »).
La flèche qui est représentée
sur la figure traduit un modèle
sous-jacent de causalité qui
relie les quatre axes : le déve-
loppement des capacités d’ap-
prentissage et d’innovation doit
permettre d’exceller de manière
durable dans la chaîne de va-
leur de l’entreprise (processus
internes), ce qui doit conduire
à créer de la valeur pour les
clients et, in fine, influencer
positivement la rentabilité des
capitaux investis et créer de la
valeur pour les actionnaires.
AXE
ACTIONNAIRE
VISION
STRATÉGIE
APPRENTISSAGE
Pour réaliser notre vision
INNOVATION comment allons nous
(ou CROISSANCE) maintenir notre aptitude
au changement ?
Il s’agit là, bien entendu, d’un
modèle générique, adapté au
cas général de la grande entre-
prise privée, sachant que Ka-
plan et Norton vont s’employer,
dans plusieurs opus, à reconfi-
gurer ce modèle allant jusqu’à
changer l’ordre de la chaîne de
causalité dans le cas d’organi-
sations non marchandes, d’ad-
ministrations ou d’hôpitaux,
par exemple.
Cette chaîne de causalité, tra-
duisant concrètement l’enchaî-
nement des facteurs clés de
succès qui doivent conduire à
la création de valeur pour les
clients et les actionnaires, va
donner lieu à la construction
d’une carte stratégique.
C’est là, sans doute, l’un des
apports les plus marquants du
BSC. Pour Kaplan et Norton, il
s’agit d’un modèle d’hypothèses
sur des relations de causes à
effets qui concourent à la créa-
tion de valeur et doivent ainsi
favoriser l’alignement straté-
gique. Ce dernier est alors défini
comme « la traduction de la stra-
tégie en actions ».
La figure « Un exemple simpli-
fié de carte stratégique », donne
un exemple simplifié de carte
Pour réaliser notre vision
comment devons-nous
apparaître à nos clients ?
CLIENT
stratégique. Les encadrés mobi-
lisent des verbes d’action et
constituent autant de facteurs
clés de succès, ou de drivers de
performance, qui concourent à
la création de valeur. Ces objec-
tifs se déclineront en cibles et
en indicateurs de performance,
permettant ainsi le pilotage
stratégique.
On pourrait ainsi considérer
que la carte stratégique repré-
sente un modèle de perfor-
mance sous-jacent, propre à
chaque entreprise. La carte
stratégique devrait donc, logi-
quement, représenter une tra-
duction de la stratégie et du BM
de l’entreprise. C’est là, semble-
t-il qu’un rapprochement entre
le BM et le BSC offre les pers-
pectives les plus intéressantes.
La carte stratégique,
représentation
du BM
Comment parvenir à la réali-
sation d’un BSC permettant le
pilotage stratégique ? Sans
doute en s’assurant que la
carte stratégique donne une
représentation fidèle de la vi-
sion et de la stratégie déclinées
en facteurs clés de succès.
EXPERTISES
PERFORMANCE
La question qui va dès lors se
poser lors de la conception du
BSC et de sa carte stratégique
est bien celle du passage de la
formulation à l’alignement
stratégiques ou, dit autrement,
à la « traduction de la stratégie en
actions ».
Comment concevoir un BSC
qui incarne suffisamment la
vision et la stratégie au point
d’en assurer la maîtrise grâce
au pilotage ? Nous partons de
l’hypothèse qu’il convient
d’établir une étape préalable à
la construction de la carte stra-
Finance & gestion JANVIER 2017
tégique consistant à définir le
BM de l’entreprise afin de
concevoir une carte stratégique
qui en constitue le plus fidèle
reflet.
Selon le Stratégor 4, le BM
définit la manière dont les ac-
teurs d’une industrie créent de
la valeur et la répartissent
entre eux-mêmes et les clients.
Il est composé de trois élé-
ments :
• Une proposition de valeur
pertinente et attractive pour 49
les clients : l’offre doit créer
une valeur ajoutée pour une
cible de clients donnée en dis-
tinguant l’entreprise qui la
porte.
• Une architecture de valeur
qui explique et décrit comment
l’entreprise réalise concrète-
ment sa proposition de valeur.
L’architecture de valeur arti-
cule ainsi la chaîne de valeur et
le réseau de valeur que l’entre-
prise tisse avec ses partenaires
(fournisseurs, sous-traitants,
coopétiteurs, etc.).
• Une équation économique
de valeur (ou de profit) prou-
vant la capacité du BM à créer
de la valeur pour l’entreprise
qui le développe. Elle découle de
deux composantes : les reve-
nus, et les coûts et capitaux
engagés.
Parmi les nombreuses repré-
sentations du BM, nous avons
retenu le modèle RCOV (Res-
sources Compétences Valeur
Organisation), proposé par
Demil et Lecocq5 qui présente
 EXPERTISES
PERFORMANCE
l’intérêt d’articuler ces trois
composantes en intégrant les
ressources et compétences (cf.
figure « le modèle RCOV »).
Il semble dès lors possible
d’établir un parallèle entre les
composantes du modèle RCOV
et les quatre axes du BSC :
• l’équation économique, arti-
culant les revenus et les coûts
pour déterminer les marges et,
in fine, la rentabilité de l’entre-
prise, pourrait être représentée
par l’axe financier ;
• la proposition de valeur,
comme l’ont mentionné à plu-
Finance & gestion JANVIER 2017
sieurs reprises Kaplan et Nor-
ton (2006)6, serait représentée
par l’axe client ;
• l’organisation interne et
externe, ou l’architecture de
valeur s’incarnerait dans l’axe
processus, à une différence
près, qu’il ne se réduirait pas
aux seuls processus internes (la
Un exemple simplifié de carte stratégique
50
Axe Actionnaire
Axe Client
Axe Processus internes
Axe Apprentissage
chaîne de valeur), mais inté-
grerait également les processus
externes liés aux relations de
l’entreprise avec ses partenaires
(le réseau de valeur) ;
• enfin, l’axe apprentissage –
innovation traduirait les res-
sources et compétences de
l’entreprise lui permettant
d’innover et de maintenir son
aptitude au changement. On
pourrait dès lors y voir une re-
présentation des capacités dy-
namiques, c’est-à-dire de la
capacité de l’entreprise à chan-
ger continuellement sa base de
ressources et compétences.
En renforçant ainsi l’assise
théorique du BSC, le BM lui
apporterait une plus grande
consistance méthodologique.
La figure « L’articulation entre le
BSC et le BM », fournit une re-
présentation permettant d’inté-
grer les logiques du BM et celles
Augmenter le C.A.
Maîtriser la qualité
des produits
Motiver
les salariés
Développer une GRH favorable
du BSC. Il s’agirait en définitive,
de construire la carte straté-
gique du BSC à partir du BM de
l’entreprise.
Conclusion
En introduisant ainsi le chaî-
non manquant que constitue
le BM, le lien entre la stratégie
et les objectifs et mesures de la
carte serait assuré et, au-delà,
l’alignement stratégique per-
mis par la traduction de la stra-
tégie en actions serait assuré.
Il a souvent été reproché au
modèle de Kaplan et Norton
son manque d’assises concep-
tuelles. Cela est sans doute ex-
cessif. En effet, dans plusieurs
publications (Kaplan et Norton
1996 ; Kaplan 2009)7, les ini-
tiateurs du BSC apportent des
éléments sur les fondements
conceptuels de leur modèle.
Sont notamment abordées
Accroître la rentabilité
Maîtriser les coûts
Fidéliser
les clients
Satisfaire les
clients
Garantir la ponctualité
et la conformité
des livraisons
Diminuer la durée
des cycles
Développer les Développer les
compétences Systèmes
d’Information
des questions théoriques essen-
tielles telles que celles du rôle
du BSC dans l’émergence des
stratégies, son utilisation en
tant que levier de contrôle inte-
ractif au (Simons, 1995)8 et
surtout les potentialités du BSC
dans sa capacité à favoriser
l’apprentissage organisationnel
(Kaplan et Norton, 1996).
Kaplan et Norton apportent
également un éclaircissement
non anodin sur leur conception
de la stratégie. Celle-ci est
d’avantage conçue comme un
modèle d’hypothèses que
comme un plan (Kaplan et
Norton, 1996).
Par ailleurs, à de nombreuses
reprises dans leurs publica-
tions, Kaplan et Norton font
référence aux notions de res-
sources et de compétences.
La présentation de l’axe ap-
prentissage – innovation, qui
Augmenter la
Productivité
Maintenir
l’effort
de R&D
 EXPERTISES

PERFORMANCE

Le modèle RCOV
Ressources et compétences
(RC)

Proposition de valeur Organisation interne et externe

(V) (O)

Volume et Structure de revenus Volume et structure des coûts

(flux des encaissements) (flux des décaissements)

Marge et flux de trésorerie

Finance & gestion JANVIER 2017

d’ailleurs est loin de se réduire
aux seuls aspects de gestion des
ressources humaines auxquels
on a trop tendance à le limiter,
ouvre des perspectives intéres-
santes sur les concepts de capital
intellectuel et surtout sur celui
de capacités dynamiques. Une
lacune imputable au BSC est le
silence qui entoure les points de
méthodologie de sa conception.
Or, précisément, l’explicita-
tion du BM sous-jacent à la
carte stratégique elle-même
sous-jacente au BSC peut favo-
riser l’ouverture de ce que les
écrits de Kaplan et Norton ont
tendance à considérer comme
une boîte noire.
Par ailleurs, se pose la ques-
tion de la temporalité et de la
place du BM et du BSC dans les
processus stratégiques de l’en-
treprise. Si l’on peut considérer
que le BM est consubstantiel à
une stratégie, qu’en est-il du
BSC et de sa carte stratégique ?
Ne peuvent-ils pas jouer un
rôle dans la réflexion straté-
gique voire intervenir directe-
ment dans la conception du
BM et de la stratégie. Cette
question conduit à évoquer
celle du rôle plus général des
systèmes de contrôle de gestion
dans les processus stratégiques,
et celle d’une approche proces-
suelle de la relation stratégie-
contrôle.
Le but du BSC et des résultats
obtenus à partir de ses mesures
serait alors de tester les hypo-
thèses sous-jacentes de la carte
stratégique en tant que repré-
sentation du BM, celui-ci consti-
tuant un modèle directeur.
Un premier apprentissage en
simple boucle consisterait à
comparer les résultats du BSC
aux objectifs de la carte straté-
gique. Un apprentissage en
double boucle pourrait alors
consister à remonter jusqu’au
modèle et aux valeurs direc-
trices, c’est-à-dire aux hypo- 1. Nathalie Bénet est Maître de
thèses sous-jacentes de la stra- conférences, Université Toulouse 1
tégie, et questionner ainsi le Capitole, IAE Toulouse, CRM UMR
5303 CNRS.
programme-maître que consti- 51
tue le BM, quitte à en changer 2. Aude Deville est Professeur des
si les évènements nécessitent Universités, Université de Nice-IAE,
un changement de stratégie. Laboratoire GRM, INSEEC Business
School, INSEEC Research Center.
Cela conduirait in fine à re-
concevoir une nouvelle carte 3. Gérald Naro est Professeur des
stratégique et un nouveau BSC, Universités, Montpellier Management,
pertinent au regard de la ré- Université de Montpellier, Directeur de
flexion stratégique menée. l Montpellier Research in Management
(MRM).

4. Strategor, 2016, 7e édition, Dunod.

L’articulation entre le BSC et le BM 5. Demil B. et Lecocq X, 2008, (Re)

penser le développement des
organisations, Revue Française de
Équation économique de valeur
: Gestion, 113-122.
Marge et rentabilité
6. Kaplan R.S., Norton D.P., 2006,
Volume et structure de revenu Volume et structure des coûts et des capitaux
Alignment, Harvard Business School
Encaissements Décaissements
Press, Boston.
AXE FINANCIER
7. Kaplan, R. S. and Norton, D. P.
Architecture de valeur : (1996). The Balanced Scorecard:
Proposition de valeur chaîne et réseau de valeur translating strategy into action,
Boston, Harvard Business School
Press ; voir également, Kaplan, R. S.
AXE CLIENT AXE PROCESSUS
(2009). Conceptual foundations of
the Balanced Scorecard. In: Chapman,
C. S., Hopwood, A. G. and Shields, M. D.
Ressources et compétences (eds.) Handbook of management
accounting research. Oxford: Elsevier.
AXE APPRENTISSAGE - INNOVATION
8. Simon, R. (1995). Levers of control.
Boston: Harvard Business School.

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