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Une méthode d'élevage du pinson des arbres.

Ghislain AERTS

  Il faut préciser que ce texte a été écrit il y a une dizaine d’années…

              Plus de 20 ans que je me suis lancé dans l’élevage du pinson, et je peux
dire que cet oiseau m’en a fait comprendre des choses sur les oiseaux. Il m’en
apprend encore chaque année. Je pourrais presque dire que chaque femelle,
chaque mâle a son mode de fonctionnement propre et que la vérité d’une saison ne
sera pas toujours la vérité de la saison suivante.

 Je ne vais pas relater ici toutes mes expériences bonnes ou parfois franchement
désespérantes, je dirais simplement que je suis assez fier à l’idée que 20 ans
durant, j’ai réussi à obtenir des jeunes pinsons dans mon élevage.

L’élevage du pinson peut apporter des joies immenses à celui qui accepte de
consacrer un box d’élevage pour un couple d’oiseaux, car pour réussir dans cet
élevage, il est presque obligatoire et surtout beaucoup plus simple de placer les
oiseaux dans un espace de minimum 1,5mX1m X 2m. Dans de rares cas et avec des
femelles exceptionnelles, j’ai réussi dans des cages de 0,7mX0,8mX1m , mais je ne
le conseillerais pas à des novices de l’élevage de cette espèce. Car plus l'espace est
restreint plus cela demande une attention soutenue car à tout moment le mâle
peut devenir agressif, vis à vis de sa compagne.  

 Dans la nature, la femelle peut se soustraire aisément, mais dans un espace clos...
Le mâle n'a pas l'occasion de se dépenser suffisamment et si le local comporte
plusieurs couples, la situation peut encore se compliquer par le fait que les parades
amoureuses d'un couple peuvent influer sur l'entente cordiale du box voisin. Le
mâle pinson est un oiseau qui défend son territoire contre l'intrusion des autres
mâles de son espèce. Même si la femelle est au nid avec des œufs ou des jeunes,
l'émission continuelle du chant de son compagnon ou d'un pinson trop proche peut
toujours influer sur la relance d'un nouveau cycle. La femelle ainsi conditionnée
peut très bien recommencer une construction de nid alors qu'elle n'a pas encore
mené à terme le cycle précédent. Il est donc évident que plus de couples l'éleveur
détiendra, plus il devra être attentif. Personnellement, depuis quelques années je
ne travaille plus qu’avec 3 ou 4 mâles au maximum et ils ne sont que
périodiquement placés dans le local d'élevage. Quand ils ont fécondé, je les laisse
chanter dans des cages situées à plus de 20 m du local. La femelle pinson est
aisément capable d'élever seule sa progéniture car dans mes boxes, la proximité de
la nourriture ne lui impose pas de déplacements éreintants.

 Fin février, début  mars, le mâle est introduit dans le box et il y reste seul tant
que l’émission de son chant n’est pas complète et bien affirmée. L’introduction de
la femelle dans le box se fera de préférence, durant une journée ou je pourrais
observer le comportement du mâle. S’il se montre trop virulent, je le place
aussitôt dans une cage qui sera suspendue au milieu du box, et dans une cage dont
seule la face avant sera grillagée. Il ne  pourra donc pas suivre toutes les évolutions
de la femelle dans le box. Il est impératif que le mâle ne puisse pas
continuellement voir la femelle car étant bloqué dans un espace très restreint, il
pourrait prendre un mauvais « feu », c’est à dire une mauvaise montée de son
excitation et cela pourrait même amener le mâle à ne plus se nourrir normalement
et l’amener à se laisser mourir.  La femelle, quand elle sera suffisamment excitée
par la présence et le chant du mâle, aura tendance à se pavaner devant la
devanture de la cage et à adopter une pose de copulation. Cette position est
spécifique à l’espèce, la femelle se promène les ailes pendantes et relève la queue
à 90 degrés et quand on la surprend dans cette position, le mâle peut-être libéré
pour la copulation. Celle-ci, en général se fera rapidement car le mâle est toujours
demandeur et la femelle semble être mûre. On pourrait penser que le mâle
pourrait rester dans le box après la copulation, mais très souvent il est préférable
de le replacer dans sa cage, car la femelle se trouvant toujours à proximité du
mâle vu l’exiguïté du box, va renouveler quasi en permanence la position de
demande de copulation et après 10,15 copulations le mâle va commencer à
s’énerver et pourrait devenir agressif et en arriver à massacrer la femelle.  

Je conseille aux novices de ne pas prélever les œufs, mais de faire une visite
visuelle journalière du contenu du nid. La femelle pinson s’habituera ainsi à être
dérangée, pour la récompenser, après chaque pénétration dans le box, je lui laisse
une friandise bien visible sur la table de nourrissage. (pinkies, buffalos, mouches
de cuisine, ver de farine en phase blanchâtre). Elle finira par comprendre, que
l’éleveur n’est pas un danger pour ses œufs, ses jeunes et le baguage aura ainsi
plus de chances de se passer sans problème de rejet ou d’abandon. La femelle
pinson est une maniaque de la propreté et je bague donc les jeunes à la tombée de
la nuit et j’essaie toujours de remettre les jeunes de telle façon que les pattes
baguées se trouvent côté centre du nid. Le lendemain matin, j’inspecte le plus tôt
possible le nid. Je bague indifféremment à droite ou à gauche, et parfois aux 2
pattes. Ainsi cette année, j’ai bagué des jeunes de ma bonne femelle brune de
2002 aux 2 pattes. Une bague recouverte de caoutchouc et l’autre bague colorée
rouge (2006). La femelle avait enlevé toutes les bagues recouvertes de
caoutchouc… Elle semblait donc plus sensible à l’épaisseur du corps étranger, qu’à
la couleur vive de la bague. En seconde nichée, j’ai répété la manœuvre et de
nouveau elle a rejeté les bagues recouvertes de caoutchouc et n’a pas touché aux
autres… Donc établir des règles est impossible en élevage d’oiseaux, il faut faire et
refaire des expériences et apprendre à connaître ses femelles. Je dis souvent que
les malheurs de nos élevages arrivent par notre faute et non par celles de nos
oiseaux. Souvent nous tenons trop de couples de même espèce et nous
bouleversons leurs règles de vies…  

Avec le pinson, on a la chance d’avoir des femelles qui peuvent élever de


nombreuses années, donc je n’ai pas peur de gâcher une saison pour apprendre
comment fonctionne une nouvelle femelle. Je conseillerai donc à celui qui veut se
lancer dans cet élevage avec des oiseaux qui ne sont pas de son propre élevage de
consacrer la première saison à la domestication de la femelle sans absolument
vouloir obtenir des résultats immédiats. Donc si la femelle passe à la construction
d’un nid, et ensuite à une première ponte, je conseillerai de s’approcher plusieurs
fois par jour du nid en essayant de ne pas effrayer la femelle. Toujours rester à
distance suffisante pour qu’elle ne quitte pas le nid, si au début elle quitte
précipitamment le nid, sortir du box aussitôt en déposant quelques insectes à
l’endroit ou la femelle reçoit la nourriture journellement. Au moment de la ponte,
inspection visuelle du nid sans y toucher, …peu importe si la femelle commence à
couver avant le dernier œuf.  L’important n’est pas le nombre de jeunes, mais que
la femelle termine un cycle complet. Pendant la couvaison même topo, visite du
box sans toucher le nid et insectes pour amadouer la femelle. Le soir du dixième
jour de couvaison, pâtée aux œufs améliorée de graines germées et d’insectes
décongelés. Si vous avez la chance d’avoir un nid de fourmi dans votre jardin, soit
vous récoltez soigneusement les œufs frais, soit vous placez terre, insectes et
larves sur un plateau  sur le sol du box. Cela est surtout intéressant les 2 premiers
jours de vie. Dans un coin du box on peut également placer le bocal à drosophiles
(pelure de bananes et/ou trognon de pommes). On peut aussi placer des
framboises, ou des fraises écrasées sous un fin grillage pour attirer les
mouchettes.  

Que faire du mâle ? Comme je l’ai écrit précédemment, depuis quelques temps je
ne laisse plus les mâles dans le local d’élevage, mais c’est vrai qu’il faut pour cela
bien connaître les attitudes des femelles. Mais mon problème est le nombre de
couples. Si vous ne possédez qu’un seul couple, vous pouvez toujours essayer de
laisser le mâle. Mais attention aux mâles de première année, ils sont trop
fougueux. Je vous conseillerai plutôt d’essayer d’acheter un mâle plus âgé. 3,4,5
ans n’est pas grave car il peut aisément vivre 8 ou 9 ans. Il y a donc toujours moyen
d’obtenir chez un éleveur un des mâles dont il doit se séparer par risques de
consanguinité trop importante. Ils sont généralement plus calmes et on peut les
laisser sans trop de risques avec la femelle. On veillera toutefois à placer un
bouquet de thuya, genêts dans un coin du box pour servir de cachette si… Si le
mâle est présent au moment de la ponte, généralement la femelle prend plus
aisément le nid car c’est pour elle un endroit refuge et où elle n’hésitera pas à
montrer « les crocs ».  Supposons que la ponte est complète, on aurait tendance à
vouloir retirer totalement le mâle puisqu’il n’a plus à copuler. C’est encore là un
moment important, car la jeune femelle pourrait abandonner la couvaison.  Il est
donc intéressant de la laisser prendre bien le nid. Je veux dire par cette expression
qu’elle doit passer quelques jours de couvaison pour qu’elle soit bien établie dans
son cycle. Donc après 6 ou 7 jours, on peut se risquer à bouger le mâle, vers 17 ou
18 heures. Ensuite il faut surveiller attentivement ce que la femelle va faire. En
général, la capture du mâle dans le box fait qu’elle a quitté le nid. Elle va donc
aller manger les friandises que l’on aura déposé pour elle, puis elle regagnera le
nid. Ensuite, elle  va commencer à remarquer que le mâle n’est plus présent dans
le local, il est important d’avoir suffisamment de liberté en soirée pour la
surveiller avant la tombée de la nuit. Car soit elle va quitter le nid pour une
période étonnamment plus longue qu’à l’accoutumée, vaquant partout dans le box
à la recherche de nourriture, soit elle va se remettre à couver. Le fait qu’elle soit
libérée du regard de son mâle qui la bloquait au nid peut donc être un moment
déclencheur d’arrêt de couvaison. Mais si la femelle passe une nuit supplémentaire
sur ses œufs sans mâle dans le box, c’est tout bon.  

Pourquoi est-il important d’enlever le mâle après la première semaine ? Parce que
inévitablement et sans que je puisse vous dire pourquoi, le mâle pinson va se
remettre à chanter vers les 8,9 nièmes jours du cycle de couvaison et cela
s’accompagne chez lui d’une nouvelle période d’excitation qui peut provoquer la
pagaille dans l’espace restreint qu’est le box d’élevage.

Je profite ici pour raconter une anecdote vécue par moi-même. Il y a quelques
années, une de mes femelles couvait depuis une petite semaine et j’avais donc
décidé d’utiliser le mâle sur une autre de mes femelles qui se trouvait à 5 m du
premier box. La deuxième femelle était bien « mûre » et mon mâle brun porteur
isabelle qui était mon étalon du moment, dès qu’il a été placé dans son nouveau
box s’est mis à chanter à mi-gueule et s’en est suivi 7,8 copulations immédiates.
Toujours accompagnées du chant en sourdine. Ce mâle était plus qu’exemplaire et
il pouvait rester sans aucun problème avec les femelles. J’ai donc vaqué à d’autres
occupations. Une demi-heure avant la tombée de la nuit, en passant une dernière
fois  dans le couloir, j’ai remarqué que la femelle isabelle n’avait pas encore
regagné son nid. Etrange, je restai donc à la surveiller et soudain je compris au
comportement de la demoiselle qu’elle avait très certainement l’intention
d’interrompre sa couvaison. Une chose s’imposait à moi, remettre le mâle dans le
box pour qu’elle reprenne le nid. Mais à la rentrée du mâle dans le box, celui-ci
échauffé par son aventure extraconjugale, lançait des bribes de chant,
directement la femelle se mettait en position pour une copulation. J’empêchai les
choses d’aller plus loin en rentrant directement dans le box. Qu’avais-je fait ?
Après réflexion, je repris le mâle et le plaçai au plus loin du local d’élevage. Mais
ma femelle ne semblait pas vouloir se replacer sur ses œufs et la lumière
commençait à décliner dans le local.  Je relançai un cycle manuel d’éclairage et
attrapai la femelle pour la maintenir sur son nid. Hélas pour moi, il était placé à
bonne hauteur et j’étais donc avec le bras quasi tendu attendant que la pénombre
soit totale. Ma femme était à ma recherche dans le jardin et m’appelait. Je ne
répondais pas, j’attendais patiemment que les 25 minutes soient passées. La
femelle semblait se calmer et remuait moins sous ma main. Quand l’éclairage fut
complètement éteint, je sortis le plus doucement possible du box et partis
recueillir les félicitations conjugales. 

Ma nuit fut courte, car vers 4h30 du matin j’étais déjà debout impatient d’aller
observer comment se passait les choses. La femelle était sur son nid et semblait de
nouveau assidue à son travail. Le soir même, je n’ai pas osé remettre le mâle dans
l’autre box. J’ai utilisé un autre mâle mais finalement le résultat des deux boxes
s’est révélé concluant et les jeunes de la deuxième femelle étaient aussi tous du
premier père. Il lui avait donc suffi d’une seule soirée car la femelle était bien
mûre….  

À propos de « bien mûr », ma femme a pensé que je l’étais également mais pour
l’asile…

Vous voyez ce que l’élevage de pinsons peut faire de vous…À la réflexion, je crois
qu’il n’y a pas que l’élevage de pinsons mais des autres oiseaux aussi. 

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