Vous êtes sur la page 1sur 8

0.

1 Variation seconde

0.2 Introduction
Jusqu’à présent, dans l’étude des extréma des fonctionnelles, nous n’avons considéré
qu’une condition particulière pour qu’une fonctionnelle ait une extrémale pour une tra-
jectoire γ donnée, c’est-à-dire la condition selon laquelle la variation de la fonctionnelle
s’annule pour la trajectoire γ.
Comment savoir s’il s’agit d’un maximum ou d’un minimum ? Y a-t-il également
d’autres conditions nécessaires à part léquation d’Euler-Lagrange ?
Dans ce chapitre, nous allons dériver des conditions suffisantes pour qu’une fonction-
nelle ait un extremum. Pour trouver ces conditions suffisantes, il faut d’abord introduire
un nouveau concept, à savoir la seconde variation d’une fonctionnelle. Nous étudions
ensuite les propriétés de la deuxième variation, et en même temps, nous dérivons de
nouvelles conditions nécessaires pour un extremum.

Fonctionnelle quadratique
Définition 1
Une fonctionnelle B(x, y) dépendant de deux éléments x et y appartenant à un certain
espace linéaire normé R, est dite bilinéaire si elle est une fonctionnelle linéaire de y
pour tout x fixé et est une fonctionnelle linéaire de x pour tout y fixé. D’où

B(x + y, z) = B(x, z) + B(y, z),


B(α x, y) = α B(x, y),

et

B(x, y + z) = B(x, y) + B(x, z),


B(x, α y) = α B(x, y),

pour tous x, y, z ∈ R, et pour tout nombre réel α.

Si on pose x = y dans la fonctionnelle bilinéaire, on obtient une expression appelée :


fonctionnelle quadratique, et on a la définition suivante sur le signe.

1
Définition 2

– Une fonctionnelle quadratique A(x) = B(x, x) telle que A(x) ≥ 0 pour tout x 6= 0
est dite non négative.
– Une fonctionnelle quadratique est dite définie positive si A(x) > 0 pour tout x 6= 0.

Remarque 1
Une fonctionnelle bilinéaire définie dans un espace de dimension finie est dite forme
bilinéaire.

0.3 Variation seconde


Définition 3
Soit J(x(t)) une fonctionnelle définie sur un certain espace linéaire normé. On dit que
la fonctionnelle J(x(t)) possède une variation seconde si son accroissement

∆J = J(x(t) + h(t)) − J(x(t)),

peut s’écrire sous la forme

1
∆J = L1 (h(t)) + L2 (h(t)) +  k h(t) k2 , (1)
2

où L1 (h(t)) est une fonctionnelle linéaire, L2 (h(t)) est une fonctionnelle quadratique, et
 → 0 quand k h(t) k→ 0.
On appellerai la fonctionnelle quadratique L2 (h(t)) la variation seconde de la fonction-
nelle J et se note par δ 2 J.

0.3.1 Détermination de la variation seconde du problème de calcul


variationnel avec extrimités fixes
Considérons de nouveau le problème de calcul variationnel suivant :
 R tf 0
 min J(x(t)) = 0 f (x(t), x (t), t) dt,

avec

x(0) = x0 , x(tf ) = xf ,

où f est une fonction trois fois continument différentiable par rapport à tous ses argu-
ments.

2
Soit x∗ (t) une extrḿale de la fonctionnelle J et soit x(t) = x∗ (t) + h(t) une autre
solution admissible, avec

h(0) = 0, h(tf ) = 0.

Considérons l’accroissement de la fonctionnelle J(x(t)) qui s’écrit :

∆J(x∗ (t), h(t)) = J(x∗ (t) + h(t), x0∗ (t) + h0 (t), t) − J(x∗ (t), x0∗ (t), t)
Z tf Z tf
= f (x∗ (t) + h(t), x0∗ (t) + h0 (t), t) dt − f (x∗ (t), x0∗ (t), t) dt
t0 t0
Z tf h i
= f (x∗ (t) + h(t), x0∗ (t) + h0 (t), t) − f (x∗ (t), x0∗ (t), t) dt
t0

Considérons le développement de Taylor suivant :

∆J = ∆J(x∗ (t), h(t))


∂f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) ∂f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) 0
Z tf h
= h(t) + h (t)
0 ∂x(t) ∂x0 (t)
1 ∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) ∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) 02

2
+ h(t) + h (t)
2 ∂x2 (t) ∂ 2 x0 (t)
∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t))
 i
0
+2 h(t) h (t) + · · · dt.
∂x(t) x0 (t)
1
= δJ + δ 2 J + · · · (2)
2

où
Z h ∂f ((x∗ (t), x0∗ (t), t))
tf
∂f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) 0 i

δJ(x (t)) = h(t) + h (t) dt, (3)
0 ∂x(t) ∂x0 (t)
1 tf ∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) 2 ∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) 02
Z 
2 ∗
δ J(x (t)) = h + h (t)
2 0 ∂x2 (t) ∂ 2 x0 (t)
∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t))

+2 h(t) h0 (t) dt (4)
∂x(t) x0 (t)

Théorème 1
Si x∗ (t) est un minimum pour la fonctionnelle J, alors :

1) δJ(x∗ (t)) = 0, (5)


2) δ 2 J(x∗ (t)) ≥ 0. (6)

3
Preuve

Par définition, on a :
∆J(h) = δJ(h) + δ 2 J(h) +  k h k2 , (7)

où  → 0 quand k h k→ 0. D’après le théorème du calcul variationnel du chapitre 1,


δJ(h) = 0 pour x = x∗ (t) et pour tout h admissible, d’où l’expression (7) devient :

∆J(h) = δ 2 J(h) +  k h k2 . (8)

Ainsi, pour k h k suffisamment petit, le signe de ∆J sera le même que le signe de δ 2 J(h).
Supposons maintenant que δ 2 J(h) < 0 pour un certain h0 admissible. Alors, pour α 6= 0,
on a :
δ 2 J(α h0 ) = α2 δ 2 J(h0 ) < 0. (9)

Par conséquent, (8) peut être rendu négative pour un nombre arbitrairement petit k h k.
Mais ceci est impossible car, par hypothèse J(h) possède un minimum pour x = x∗ (t),
i.e.,
∆J(h) = J(x∗ (t) + h(t)) − J(x∗ (t)) ≥ 0, (10)

pour tout h suffisamment petit. Cette contradiction démontre le théorème.

Remarque 2
La condition δ 2 J(h) ≥ 0 est nécessaire mais non suffisante pour que la fonctionnelle J
ait un minimum pour une fonction donnée.
Pour obtenir une condition suffisante, nous introduisons le concept suivant :
Nous disons qu’une fonction quadratique D(h) définie sur un espace linéaire normé
R est strictement positive, s’il existe une constante k > 0 tel que :

D(h) ≥ k k h k2 , (11)

pour tout h.

Théorème 2
Une condition suffisante pour une fonctionnelle J(x(t)) d’avoir un minimum pour x =
x∗ (t), étant donné que la première variation δJ(h) s’annule pour x = x∗ (t), est que la
deuxième variation δ 2 J(h) soit strictement positive pour x = x∗ (t).

4
0.3.2 Condition nécessaire de Legendre
On sait que si x∗ (t) est une extrémale, alors δJ(x∗ (t)) = 0, et l’accroissement de la
fonctionnelle J, en négligeant les termes d’ordre supérieur à 2, devient :

∆J(x∗ (t)) = δ 2 J(x∗ (t))


1 tf ∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) 2 ∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) 02
Z 
= h (t) + h (t)
2 0 ∂x2 (t) ∂ 2 x0 (t)
∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t))

0
+2 h(t) h (t) dt. (12)
∂x(t) x0 (t)

En faisant une intégration par partie pour :


tf
∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t))
Z
2 h(t) h0 (t) dt,
0 ∂x(t) x0 (t)

on aura :

∂ 2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) ∂ f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) 2
Z tf Z tf 2
0
2 0 (t)
h(t) h (t) dt = 0 (t)
(h (t))0
0 ∂x(t) x 0 ∂x(t) x
2 f ((x∗ (t), x0∗ (t), t)) tf Z tf
∂ f ((x∗ (t), x0∗ (t), t))
 2 
2 ∂ d
= h (t) − h2 (t) dt

∂x(t) x0 (t) 0 0 dt ∂x(t) x 0 (t)

ainsi, l’expression (12) devient :

tf h ∂ 2 f d ∂ 2 f  2 ∂ 2 f 02 i
Z
2 ∗ 1
δ J(x (t)) = − h + 02 h (t) dt. (13)
2 0 ∂x2 (t) dt ∂x ∂x0 ∂x

Pour plus de commodité, reécrivons la deuxième variation comme suit :


Z tf
2
P h02 + Q h2 dt,

δ J(h(t)) = (14)
t0

avec :
1 ∂2 f ∂2f d ∂2f
 
1
P = P (t) = , Q = Q(t) = − .
2 ∂x02 2 ∂x∂x0 dt ∂x∂x0
Cette expression est l’expression de la variation seconde qui sera désormais utilisée.
On peut utiliser maintenant la fonctionnelle quadratique (14) pour établir une condi-
tion nécessaire pour que la deuxième variation soit non négative. L’argument est comme
suit : Considérons la fonctionnelle quadratique (14) pour les fonctions h(t) satisfont à
la condition h(0) = 0. Avec cette condition, la fonction h(t) sera petite dans l’intervalle
[0, tf ] si sa dérivée h0 (t) est petite dans [0, tf ].

5
Cependant, l’inverse n’est pas vrai, c’est-à-dire que nous pouvons construire une fonction
h(t) qui est elle-même petite mais a une grande dérivée h0 (t) dans [0, tf ]. Cela implique
que le terme P h02 joue le rôle dominant dans la fonction quadratique (14), en ce sens
que P h02 peut être beaucoup plus grand que le second terme Q h2 mais ne peut pas
être beaucoup plus petit que Q h2 (on suppose que P 6= 0). Par conséquent, on peut
s’attendre à ce que le coefficient P (t) détermine si la fonctionnelle (14) prend des valeurs
avec un seul signe ou des valeurs avec les deux signes. Nous précisons maintenant cet
argument qualitatif :

Lemme 1
La condition nécessaire pour la fonctionnelle quadratique
Z tf  
2
δ J(h) = P h02 + Q h2 dt, (15)
0

définie pour toutes les fonctions h(t) telle que h(0) = h(tf ) = 0 d’être non négative est
que :
P (t) ≥ 0, t ∈ [0, tf ]. (16)

Preuve

Supposons que (16) n’est pas vérifiée pour un certain t∗ , i.e., (sans perte de généralité)
on suppose que P (t∗ ) = −2 β (β > 0) en un certain point t∗ ∈ [t0 , tf ]. Puisque P (t) est
continue, alors il existe α > 0 tel que :

P (t) < −β, t ∈ [t∗ − α, t∗ + α] ⊂ [0, tf ] (17)

Construisons maintenant une fonction h(t) ∈ C 1 ([0, tf ]) tel que la fonctionnelle (15)
soit néagtive. En effet, soit :

π (t − t∗ )

sin2 , t∗ − α ≤ t ≤ t∗ + α,

h(t) = α (18)
 0, ailleurs.

π π π π 2π
h0 (t) = 2 sin( (t − t∗ )) cos( (t − t∗ )) = sin( (t − t∗ )). (19)
α α α α α

6
Alors, on a :

tf t∗ +α ∗
π2 2 2π (t − t )
Z   Z
02 2
P h + Qh dt = P sin dt
0 t∗ −α α2 α
t∗ +α
π (t − t∗ ) β π2
Z
+ Q sin4 dt, < −2 + 2 M α, (20)
t∗ −α α α

où M = max0≤t≤tf | Q(t) |.


Pour α suffisamment petit, le terme du coté droit de (20) devient négatif, et ainsi
(15) est négative pour la fonction h(t) correspondant définie par (18). Ceci démontre le
lemme.
En utilisant ce lemme et la condition nécessaire donnée pour un minimum par le
théorème (0.3.1), on obtient immédiatement le résultat suivant, due à Legendre.

Théorème 3
Une condition nécessaire pour que la fonctionnelle
Z tf
J(x(t)) = f (x(t), ẋ(t), t) dt, x(0) = x0 , x(tf ) = xf (21)
0

aie un minimum pour la trajectoire x∗ (t) est que l’inégalité

∂2f
≥ 0, (Condition de Legendre) (22)
∂x02

est satisfaite en tout point de la trajectoire.

Exemple 1
Soit
Z tf p
J(x(t)) = 1 + x02 (t), dt.
0

et puisque

∂2f 1
02
= ,
∂x (t) (1 + x02 (t))3/2

il s’ensuit que

∂ 2 f
> 0.
∂x02 (t) x∗ (t)

7
Ceci signifie que nos extrémales ne sont pas des maxima, mais peuvent être des minima.

Exercice
Considérons la fonctionnelle
Z t2 h i
J(x(t)) = x2 (t) + a x(t) x0 (t) + b x02 (t) dt,
t1

pour x ∈ S = x ∈ C 2 [t1 , t2 ] : x(t1 ) = x1 , x(t2 ) = x2 .




1. Déterminer les extrémales de ce problème, en distinguant les cas où b = 0, b > 0


et b < 0. Quelles extrémales sont des minima candidats pour J sur S ? maxima
candidats pour J sur S ?
2. Comment le paramètre a affecte-t-il la solution ? Pourquoi ?

Vous aimerez peut-être aussi