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LES FONCTIONS DE LA SOCIÉTÉ

 
Introduction :
Dans cette leçon, nous allons déterminer les fonctions majeures de la société à l’égard de
l’individu. En quoi le cadre social nous rend-t-il service ?
Au sens large, la société humaine est le milieu organisé dans lequel l’homme est intégré.
Selon les philosophes qui ont réfléchi au fondement de la société, sa première fonction aurait
été d’assurer un cadre sécuritaire via les lois. Celles-ci contrôlent la liberté de chaque
individu, pour éviter qu’il en abuse au détriment des autres. Mais cette fonction répressive
n’est sans doute pas la seule vertu de la société.
C'est pourquoi après avoir exposé le rôle répressif de la société dans une première partie, nous
verrons dans un second temps qu’elle a aussi un rôle éducatif. Enfin, nous apprendrons que la
société est le moteur de la culture humaine.
 
 

La société a une fonction répressive

Sans le cadre social, l’homme est un danger pour l’homme


■ L’homme à l’état de nature
La réflexion sur la construction des sociétés montre à quel point elles sont nécessaires à la
survie de l’espèce humaine.
 
En effet, le cadre social se définit d’abord par l’ensemble des règles et des normes que
l’individu intériorise afin de vivre en collectivité et de profiter des protections et des richesses
que la vie en société apporte.
 
 
 
■ Le rôle de la société selon Hobbes
Le penseur politique Hobbes affirme dans son œuvre Le Léviathan écrite en 1651, que la
fondation de la société a été d’une nécessité vitale. Pour appuyer son hypothèse, il nous
demande d’imaginer une vie sans cadre social, sans normes, sans valeurs communes ni lois
qui permettent de contrôler et de sanctionner les hommes. Que se passerait-il si des individus
vivaient ensemble sans lois ?
Hobbes imagine un moment fictif de l’histoire où la société n’existait pas encore. Il le nomme
état de nature. Hobbes suppose qu'à l’état de nature, l'homme se comporte avec hostilité à
l’égard de ses semblables, car sa liberté n'est pas contrôlée. En l'absence de cadre, la loi qui se
met spontanément en place est celle du plus fort, par laquelle chacun cherche à obtenir tout ce
qu’il désire. Sans cadre social, les hommes vivent dans une situation de guerre généralisée et
permanente.
Le contrat social
C’est pour sortir de cette situation invivable que les hommes vont s’associer, et fonder la
première société. Cette association pour le profit mutuel se nomme le contrat social. C’est
une convention par laquelle chaque individu accepte de vivre ensemble sous l’autorité d’un
État qui doit mettre en place un cadre de vie commun, appelé société civile. Chacun consent à
perdre un peu de sa liberté primitive, pour recevoir une protection de sa personne et de ses
biens par l’autorité qui gouverne.
 
Le fondement de la société et de l’État ne sont donc pas des phénomènes naturels, mais des
artifices destinés à assurer la survie de l’espèce humaine.
 
 
Mais la société a-t-elle d’autres buts qu’assurer notre sécurité et nos biens ?

La société a une fonction éducative

Le progrès humain est possible mais douloureux


La société permet également de socialiser l’homme, et de développer ses facultés. En effet,
lorsque nous étions jeunes enfants, nous avons été éduqués. Nous avons appris ce que l'on
appelle les « bonnes manières », c’est-à-dire se comporter convenablement. Cela revient
finalement à apprendre les conventions sociales.
Mais la fonction de l’instruction n’est pas réductible à l’apprentissage des mœurs et des
conventions. L'instruction a vocation à éveiller chez nous nos potentiels, nos talents et notre
curiosité.
 
■ Rousseau et la perfectibilité de l’homme
Pour Rousseau, philosophe des Lumières, la société rend la perfectibilité de l'homme possible.
L’individu est perfectible car par l’apprentissage, il peut progresser constamment dans tous
les domaines. Il peut devenir plus intelligent, plus compétent dans un art, et surtout il peut se
moraliser et gagner en humanité. Cette progression est illimitée.
Aujourd'hui cependant, la bêtise et l'intolérance de certains hommes peuvent nous faire douter
de leur évolution vers un surplus d'humanité. Mais Rousseau faisait déjà cette critique à son
époque. Selon lui, la société peut aussi corrompre les hommes avec des valeurs comme
l’argent ou la propriété. Dans tous les cas, l’homme a la faculté de progresser.
La société peut donc être un terreau fertile sur lequel l’homme améliore ses qualités
intellectuelles et morales, par l’effort de l’apprentissage. En effet, nous savons que progresser
ne va pas sans efforts.
 
■ Kant et l’instinct de paresse
Dans son ouvrage Qu’est-ce que les Lumières ?, écrit en 1784, Kant analyse l'effort de
l’homme pour s’éduquer, sortir de son ignorance et devenir un être intellectuellement et
moralement digne. Il explique que la paresse est notre élément naturel, l’air que nous
respirons le plus facilement. Nous ne sommes naturellement pas enclin à faire fonctionner nos
méninges si nous n'y sommes pas un peu forcés.
Le rôle de l’éducateur est d’exercer cette force, souvent pénible. Cette pénibilité est normale
puisqu’elle contrarie notre penchant spontané à la paresse. En suivant le raisonnement de
Kant, il y a fort à parier que sans école ni éducateur, l'humanité ne se perfectionnerait pas.
Elle sombrerait dans l'obscurité complète, jusqu’à régresser au niveau zéro d’intelligence et
de morale.

La socialisation actualise des facultés en puissance chez l’homme


■ Le cas des enfants sauvages
Nous savons à quoi ressemble le niveau zéro d'humanité grâce à un cas très rare d'humains qui
ont grandi indépendamment de tout contact avec la société : les enfants sauvages. Au-delà
des personnages de littérature comme Mowgli ou Tarzan, les enfants sauvages existent bel et
bien. Le plus célèbre d’entre eux, Victor de L’Aveyron, a fait l'objet d’un mémoire rédigé par
le docteur Itard qui l’a recueilli pour tenter de le socialiser. Son histoire a inspiré un film de
François Truffaut.
■ L’histoire de Victor de l’Aveyron
Abandonné à sa naissance, Victor survit dans une forêt du Tarn, à priori avec des loups. En
effet, lorsqu’il est découvert en 1798 dans l’Aveyron, il imite le cri des loups et se déplace à
quatre pattes. Victor est capturé et envoyé à Paris où il est observé comme une bête de foire,
et finalement confié au docteur Itard.
Celui-ci s’intéresse au processus de socialisation, et se demande ce que la société apporte
d’essentiel à l’homme. L’idéal serait de pouvoir observer comment se comporterait un homme
privé d’un cadre social dès son plus jeune âge. Victor est alors le sujet rêvé car il n’a jamais
vécu en société. Le docteur Itard observe que Victor se conduit plutôt comme un animal :
- Il réclame de la nourriture par des cris, car il n’a pas développé le langage ;
- Il est fuyant, apeuré, et n'a aucune conscience des conventions morales qui régissent les
relations humaines.
Le constat du docteur Itard est radical. Sans société, l’homme reste à un stade très primaire
d’évolution. D’une part, son comportement est inadapté à la vie en société. D’autre part, ses
facultés comme le langage, la morale ou la créativité restent inactivées. Au regard de ce qui
manque à Victor, le docteur conclut que la socialisation réveille les facultés de l’homme. Il va
alors tenter de rééduquer l'enfant de deux façons :
1
D’abord par le dressage : la socialisation est l’intériorisation des règles et des conventions
d’usage propres à une époque et à un lieu. Victor va apprendre à se comporter
convenablement, à s’habiller et à manger correctement par exemple. Ce dressage est
mécanique, identique pour tous, et s’adresse davantage aux comportements extérieurs de
l’homme.
2
Ensuite par l’apprentissage : Itard va tenter de développer le sens moral de Victor, ainsi que
ses capacités et ses compétences intellectuelles, notamment par l’apprentissage du langage. Il
va aussi chercher à développer sa curiosité, son imagination et son goût pour les plaisirs
culinaires. Autant de ressources intérieures qui sont singulières et propres à la personnalité de
Victor.
Aujourd'hui, les scientifiques ne sont pas tous d’accord pour dire que Victor était un enfant
sauvage. En effet, lorsqu’il a été découvert, il présentait des coups révélateurs de maltraitance.
Cela suggère qu’il s’approchait des villages, ce qu’un véritable enfant sauvage ne se risque
pas à faire car il a peur des hommes.
Quoiqu’il en soit, Victor de l’Aveyron n’est pas un cas isolé. D'autres exemples d’enfants
sauvages bien authentiques sont connus. L’existence de ces enfants privés de rapport avec la
société permet de comprendre tout ce que cette dernière nous apporte en termes d’éducation.

La société est le moteur de la culture humaine


■ La culture au sens sociologique
La société a donc pour fonction de socialiser et d’éveiller l’esprit de l’homme. Mais elle est
aussi un cadre, qui permet à l'homme de transmettre sa culture ainsi que les pratiques
matérielles et spirituelles qui la caractérisent.
■ La culture au sens humaniste
Par ailleurs, l’homme se cultive en société. Il ouvre son esprit en parcourant d’autres univers
que le sien, en voyageant ou en lisant par exemple. Se cultiver facilite l’ouverture aux autres
hommes et aux autres cultures. C'est la clé d’un monde meilleur.
■ L’émancipation
Enfin, la société doit laisser à tous la possibilité de s’émanciper du cadre social en le
critiquant, le contestant voire en se marginalisant. Seules les sociétés démocratiques dans
lesquelles la liberté d’expression est préservée autorisent cette émancipation.
La musique est souvent le moyen d'exprimer la violence que la société peut exercer contre
l'individu en le limitant à un modèle le plus docile et rentable possible.
Certains groupes de rap sont de bons exemples. Ils critiquent la société en disant que la
socialisation et l'intégration sociale sont souvent remplacées par la violence.
 
Conclusion :
La société a donc trois fonctions majeures. Le processus de socialisation permet à la majorité
des individus de discipliner leurs instincts nuisibles à la vie collective. La société vise ensuite
l’épanouissement intellectuel et moral des individus. Enfin, dans le cas où ces deux fonctions
principales seraient insuffisantes, une société démocratique laisse s'exprimer des voix
contestataires qui se chargent de la critiquer.
 
 

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