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Analyse de l’uranium

et des éléments transuraniens

par Jean-François WAGNER


Docteur de l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI), spécialité Chimie analytique
Chef du Laboratoire de spectroscopie laser analytique au Centre d’études de Saclay (CEA)
et Alain VIAN
Ingénieur de l’Institut national supérieur de chimie industrielle de Rouen (INSCIR),
Responsable développements analytiques au service Laboratoire
de l’usine COGEMA de la Hague

1. Considérations générales ...................................................................... P 3 720 - 2


1.1 Diversité des questions ............................................................................... — 2
1.2 Éléments et isotopes ................................................................................... — 2
1.3 Contraintes des technologies en milieu radioactif ................................... — 3
2. Chimie de l’uranium et des éléments transuraniens ..................... — 3
2.1 États d’oxydation ......................................................................................... — 3
2.2 Séparations chimiques................................................................................ — 3
3. Méthodes d’analyse................................................................................. — 4
3.1 Titrages oxydoréducteurs et coulométrie.................................................. — 5
3.2 Spectrométrie de masse ............................................................................. — 6
3.3 Spectrométrie d’absorption........................................................................ — 8
3.4 Spectrofluorimétrie ..................................................................................... — 10
3.5 Spectrométrie des rayons X ....................................................................... — 11
3.6 Analyses multiélémentaires ....................................................................... — 14
3.7 Méthodes nucléaires et spectrométrie des rayonnements...................... — 15
3.8 Autres méthodes ......................................................................................... — 16
4. Conclusion ................................................................................................. — 16
4.1 Considérations d’ordre analytique............................................................. — 16
4.2 Considérations relatives à la radioactivité................................................. — 17
4.3 Considérations d’ordre technico-économique.......................................... — 17
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. P 3 720

L ’objet de cet article est de présenter un panorama de la chimie analytique


des éléments de numéros atomiques 92 à 96, compris dans la série des
actinides : l’uranium, le neptunium, le plutonium, l’américium et le curium.
Dans le domaine nucléaire, domaine certes spécialisé mais qui a bientôt
soixante-dix ans d’expérience industrielle, l’uranium est présent à tous les sta-
des du cycle du combustible : prospection, extraction et traitement des minerais,
enrichissement, fabrication des combustibles, irradiation en réacteurs, traite-
ment des combustibles irradiés. Le plutonium est, par ses applications, l’élé-
ment le plus intéressant formé par irradiation ; il est recyclé dans les
combustibles des réacteurs. C’est pourquoi le texte consacre la plus large part à
ces deux éléments.
Le neptunium, bien qu’ayant des applications plus limitées, intervient dans la
neutronique des réacteurs et dans la chimie du retraitement. L’américium est

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produit en quantités de moins en moins négligeables, à mesure qu’augmentent


les taux de combustion et les quantités de plutonium formées, stockées ou recy-
clées.
Le curium a moins d’intérêt industriel ; sa filiation, comme celle de l’améri-
cium, est néanmoins à prendre en compte dans le stockage des déchets de haute
activité. L’analyse du curium n’est que brièvement évoquée ci-après.
De même, les éléments de numéros atomiques supérieurs à 96, dont la chimie
analytique est le fait de laboratoires de recherche spécialisés, ne sont pas traités
dans cet article. Une caractéristique de l’analyse des éléments à numéros atomi-
ques les plus élevés est la courte durée de vie, souvent inférieure à la minute,
des isotopes et le petit nombre d’atomes que l’on sait en produire [1].
Cet article est une mise à jour de l’article de M. François RÉGNAUD.

inférieure à 3, 7 × 10 9 Bq/t (0,1 Ci/t). Cela revient à déterminer de


1. Considérations générales façon non destructive quelques dizaines de milligrammes de pluto-
nium (de qualité isotopique voisine de celle du combustible d’un
réacteur à eau) dispersés de façon aléatoire au milieu de matériaux
L’analyse de l’uranium et des éléments transuraniens (symbolisés divers dans un volume de 200 L.
dans la suite du texte par l’abréviation EUTU) présente des parti-
cularités relatives soit à l’étendue des domaines à explorer, soit aux ■ Surveillance de l’environnement : hors les mesures de
propriétés de ces éléments, la radioactivité surtout. contrôle atmosphérique, des recherches sont menées visant à étu-
dier le transfert des EUTU dans les milieux naturels : eaux, sols,
plantes, animaux... Le picogramme (10–12 g) est ici l’échelle de
détection de l’analyse. Mention doit être faite enfin des analyses à
1.1 Diversité des questions effectuer dans le cadre des contrôles médicaux.

La diversité des problèmes posés aux laboratoires d’analyse tient 1.2 Éléments et isotopes
d’abord au fait que chaque étape du cycle du combustible a son
cadre industriel propre, son procédé, ses règles d’exploitation, ses
spécifications et ses contraintes. Du point de vue analytique, un
même élément à déterminer se trouve dans des conditions très 1.2.1 Analyse isotopique
différentes d’environnement, de teneur et d’état physico-chimique.
Ensuite, aux besoins des procédés s’ajoutent ceux de la sûreté, avec
S’agissant des EUTU, l’analyse élémentaire est le plus souvent
un poids proportionnel aux risques.
une donnée insuffisante si n’y est associée la notion de qualité
Quelques exemples illustrent les problèmes supplémentaires qui isotopique.
se posent par rapport à une industrie conventionnelle.
Dans un atelier d’enrichissement d’uranium, la composition isoto-
■ Faible concentration de l’uranium dans les minerais : la pique est le paramètre principal. Un plutonium riche en isotope 239
teneur moyenne en uranium pour qu’un minerai soit considéré a des propriétés neutroniques différentes de celles d’un plutonium
comme exploitable se situe autour de 0,1 % (en masse), valeur qui riche en isotopes plus lourds. Le plutonium 238 provoque, en raison
dépend, entre autres, de la situation du marché. Les programmes de de sa période de 87,8 ans, des phénomènes intenses de radiolyse α
recherche entrepris dans le cadre de perspectives à long terme font pouvant perturber certaines méthodes d’analyse. Et s’il est vrai que
intervenir des analyses fines de l’uranium et de ses descendants à la composition isotopique est un facteur d’importance quasiment
nulle pour le suivi du traitement des minerais d’uranium, il ne faut
des niveaux de 10–6 à 10–9 g.
pas oublier qu’elle a permis la découverte du phénomène d’Oklo [2]
■ Surveillance des flux principaux de l’uranium et du (le gisement d’uranium d’Oklo est le reste du combustible d’un réac-
plutonium : la motivation des bilans dépasse le concept de valeur teur naturel ; l’uranium 235 y présente des teneurs isotopiques
marchande, car une notion de sécurité y est associée ; sécurité du anormalement basses, jusqu’à 0,4 %). Un autre enseignement à
procédé, par exemple non-accumulation de matières fissiles dans tirer du minerai d’Oklo est qu’analyse à faible teneur n’exclut pas
une usine de retraitement ; sécurité aux plans national et internatio- besoin de précision : le point de départ de la découverte tient à un
nal, dans le cadre des programmes de garanties (non-détournement résultat d’analyse de 0,717 % en 235U contre 0,721 % admis pour
de matières nucléaires). Un objectif visé dans le retraitement est la l’uranium naturel.
connaissance des bilans à 0,1 % près. Or, la concentration donnée
par l’analyse n’est qu’un des deux facteurs servant au calcul, l’autre
étant la masse ou le volume du stock de matières. Ce sujet constitue 1.2.2 Décroissance radioactive
l’un des objectifs du Laboratoire de métrologie des matières
nucléaires (LAMMAN).
Conséquence de la décroissance radioactive d’un isotope à
■ Activité des déchets radioactifs solides : pour les stockages période relativement courte, la composition isotopique de l’élément
en surface, c’est-à-dire les déchets de faible activité, la réglementa- auquel appartient l’isotope varie dans le temps, la quantité globale
tion prévoit que les fûts de déchets doivent présenter une activité de l’élément décroît et un isotope d’un nouvel élément apparaît par

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filiation : la pureté et la concentration de l’élément varient avec son


âge. 2. Chimie de l’uranium
Le phénomène peut être négligé pour l’uranium, dont les isotopes et des éléments
les plus rencontrés ont une période longue :
233
transuraniens
U : 1,6 × 10 5 a,
234
U : 2,2 × 10 5 a, Le lecteur pourra également consulter l’article sur la chimie des
235 actinides, dans le traité Génie nucléaire [91].
U : 7 × 10 8 a,
236
L’état des connaissances de la chimie des EUTU est exposé par
U : 2,4 × 10 7 a, ailleurs dans des ouvrages spécialisés, par exemple [4, 5, 6]. Nous
238 nous limitons dans ce qui suit à dégager l’essentiel de deux princi-
U : 4,4 × 10 9 a, paux sujets : les états d’oxydation et les moyens de séparation
ainsi que pour le neptunium : chimique dans les solutions aqueuses.

237
Np 2,1 × 10 6 a.
Au contraire, les réactions de décroissance : 2.1 États d’oxydation
238 234
[ Pu ( α 87, 8 a ) U ],
À chaque état de valence que peut présenter un élément, corres-
239 235
[ Pu ( α 2, 4 × 10 4 a ) U ], pondent des propriétés physico-chimiques différentes. Le tableau 1
240 236 donne la liste de ces états.
[ Pu ( α 6, 5 × 10 3 a ) U ],
et surtout [241Pu (β 14,3 a) 241Am (α 432 a) 237Np],
Tableau 1 – États d’oxydation des EUTU en solution
entraînent une évolution non négligeable du plutonium ; plus de
5 % du plutonium d’un réacteur à eau disparaissent en 14 ans. Cette Éléments États d’oxydation (1)
évolution, qui est dans les cas extrêmes bien supérieure à la marge
d’erreur des analyses, peut être calculée, si l’on connaît l’âge de U 3 4* 5 6*
l’élément, au moyen de la relation : Np 3 4* 5* 6* 7
N = N 0 exp ( – λt ) Pu 3* 4* 5 6* 7
Am 3* 4 5 6
avec N et N0 nombre de noyaux de l’isotope aux temps t et 0,
λ constante de désintégration. Cm 3* 4
Le même raisonnement s’applique à l’américium : (1) n : états les plus stables dans les conditions normales.
n* : états les plus utilisés en analyse.
[243Am (α 7 370 a) 239Np (β 2,3 j) 239Pu],
et au curium :
U(III) et Np(III) sont des réducteurs instables à l’air et n’ont que
[243Cm (α 28 a) 239Pu], [244Cm (α 18,1 a) 240Pu]. peu d’application en analyse.
U(V) et Pu(V) ne sont stables qu’en solutions acides de pH ≥ 2. À
plus faible pH, ils se dismutent rapidement en donnant les états (IV)
et (VI).
1.3 Contraintes des technologies Am(IV) et Cm(IV) ne peuvent être préparés que dans des solutions
en milieu radioactif concentrées de fluorures, de phosphates, ou en présence de
complexants spécifiques (type hétéropolyanions par exemple).
Am(V) et Am(VI) sont des oxydants puissants et leurs réactions
Le contrôle analytique de l’uranium avant irradiation échappe à la d’oxydoréduction sont compliquées par l’autoréduction sous rayon-
plupart de ces contraintes. Dans les autres cas, des moyens de nement α.
protection sont utilisés contre les rayonnements α (boîtes à gants) et La répartition des états de valence du plutonium n’est a priori pas
α, β et γ (cellules blindées) et l’émission neutronique ; ils font l’objet stable en solution [7], à cause des effets cumulés de la dismutation
de publications spécialisées [3]. de Pu(IV) et Pu(V), de l’autoréduction qui dépend de la composition
Il s’agit davantage ici de souligner une orientation du choix des isotopique et de systèmes oxydoréducteurs agissant sur Pu(III)
méthodes d’analyse. Selon cette orientation, la méthode idéale : (exemple : oxydation par les nitrates et nitrites) ou sur Pu(VI). En
— est sensible, quoique précise ; les quantités d’éléments pratique, l’état de valence doit être fixé au moyen d’un réactif
radioactifs mises en jeu sont faibles, ce qui diminue les risques oxydant et/ou réducteur ou par une réaction électrochimique.
d’irradiation, permet de simplifier les équipements de protection et Np(VII) et Pu(VII) n’existent qu’en solution alcaline.
réduit les quantités rejetées dans les effluents et déchets d’analyse ;
— produit peu d’effluents et/ou des effluents de composition
chimique simple, exempts d’anions corrosifs et de composés chimi-
ques étrangers au procédé ; l’objectif est voisin : faciliter le traite-
2.2 Séparations chimiques
ment et le conditionnement de ces effluents, réduire les quantités de
déchets radioactifs et la diversité des natures chimiques. 2.2.1 Généralités
La tendance est donc de privilégier les techniques d’analyse non
destructive quand elles existent et quand leur domaine d’applica- La nécessité d’inclure une séparation chimique dans un mode
tion (sensibilité, adaptation à la nucléarisation) répond aux besoins. opératoire se déduit de l’existence et des propriétés d’éléments

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étrangers. Pour les EUTU, les cas d’interférence les plus fréquem- l’absence de complexants, mais cette propriété trop générale a
ment rencontrés sont ceux où l’élément étranger a, par rapport à peu d’applications. Un des cas où elle est utilisée est la séparation
celui à déterminer : Am/Cm : les éléments sont fixés en milieu acide dilué et élués
— un système oxydoréducteur de potentiel voisin (cas des titra- successivement par un agent complexant, l’acide α hydroxyisobuty-
ges et des méthodes électrochimiques) ; exemples : Fe(III)/Fe(II) et rique (α HIBA) par exemple [12].
Pu(IV)/Pu(III), Np(VI)/Np(V) et Pu(VI)/Pu(IV) ; La préférence est le plus souvent donnée aux échangeurs
— un isotope de même masse (cas de l’analyse isotopique) ; d’anions ; l’uranium, le neptunium et le plutonium forment en effet
exemples : 238U et 238Pu, 241Pu et 241Am ; une variété de complexes anioniques, avec des différences
— une propriété physique difficile à discriminer ; exemples en marquées de comportement selon l’élément et l’état de valence.
spectrométrie α : les énergies des rayonnements α de 238Pu et
241Am, 5,50 et 5,49 MeV.
En milieu chlorhydrique, un grand nombre de séparations sont
décrites, par exemple U(VI)/Th(IV) ou U(VI) et Pu(VI)/Am(III) et
Enfin, dans le cas où l’élément à déterminer est présent à l’état de Cm(III) [13]... mais les chlorures, surtout à l’état concentré, sont à
traces, la matrice peut interférer de plusieurs manières : chevauche- éviter dans la technologie nucléaire à cause de la corrosion (les
ment des signaux, participation à la réaction ou au contraire inhibi- matériaux essentiels sont en effet des aciers inoxydables, prévus
tion de la réaction, augmentation du bruit de fond... pour résister à l’acide nitrique).
En milieu sulfurique de faible concentration, U(VI) est fixé.

2.2.2 Méthodes En milieu nitrique 7 à 8 M, les valences (IV) des actinides sont
fixées et cette propriété est largement exploitée pour le plutonium.
L’ordre de grandeur du coefficient de distribution [11] de Pu(IV) est
L’extraction par solvants et l’échange d’ions sont les techniques de 103 ; U(VI), Np(V), Np(VI) et les états d’oxydation (III) n’ont que de
les plus utilisées, en raison de leur efficacité et de la relative simpli- faibles coefficients de distribution. La méthode permet aussi de
cité de leur mise en œuvre, mais un des éléments du choix est séparer les produits de fission, ce qui lui donne tout son intérêt dans
l’« habitude » du laboratoire, conditionnée par le domaine de le cas des solutions de combustibles irradiés.
compétence de l’équipe et justifiée par l’environnement industriel
[8]. Une autre application de l’échange d’ions est la séparation des
composés selon leurs états d’oxydation. Cependant, les conditions
La plupart des méthodes de séparation des EUTU s’appliquent à opératoires doivent être établies avec soin pour éviter la modifi-
une forme ionique bien déterminée de l’élément. En conséquence : cation des équilibres de répartition dans l’échantillon ; les risques
— l’état d’oxydation doit être fixé, si nécessaire, par un cycle principaux sont dus à la dismutation et à la réduction lente de Pu(VI)
d’oxydoréduction ; cette remarque vaut surtout pour le neptunium et Np(VI) au contact des résines.
et le plutonium ; Nota : Se reporter aux articles spécialisés des Techniques de l’Ingénieur [92] et [93].
— pour le plutonium, l’échantillon ne doit pas avoir subi d’hydro-
lyse (dans la pratique courante, le risque existe à pH ≥ 0,3 mais en
réalité, la valeur-risque du pH dépend de la concentration en pluto- 2.2.2.3 Autres méthodes
nium) pouvant conduire à la production, difficilement réversible, de
formes polymérisées [9]. La chromatographie d’extraction combine les avantages de
l’échange d’ions et de l’extraction par solvants dont elle conserve le
principe. L’agent extractant est fixé sur un support inerte, une
2.2.2.1 Extraction par solvants poudre de Téflon ou de composé minéral disposée comme phase
stationnaire dans une colonne. Cette méthode s’est peu déve-
L’extraction par le tributylphosphate (TBP) est le procédé de choix
loppée, peut-être parce que la mise en œuvre de l’extraction
de la chimie industrielle de l’uranium par voie aqueuse et, en chimie
liquide/liquide est plus rapide, sans doute aussi parce que les coef-
analytique, le TBP a aussi ses applications.
ficients de distribution sont souvent à l’avantage des échangeurs
Outre le TBP, un grand nombre d’autres agents extractants (soit d’ions et que les phases aqueuses sont polluées par le solvant.
de composés moléculaires, soit de chélates) sont proposés [10].
Certaines des procédures décrites dans la littérature doivent être La chromatographie sur papier est en usage dans quelques labo-
considérées sinon comme obsolètes, du moins comme des cas ratoires.
académiques. En effet, l’usage de solvants hautement inflammables La précipitation manque souvent de sélectivité. Elle est néan-
ou de composés organiques ou toxiques dont il est difficile ensuite moins appliquée comme méthode simple et rapide à certains
de se débarrasser est peu compatible avec le souci de sûreté des contrôles industriels. La vieille méthode de coprécipitation des fluo-
installations. Cette remarque est d’autant plus à prendre en compte rures des états (III) des actinides en traces avec un lanthanide
que le niveau de radioactivité des produits est plus élevé. comme entraîneur [14] mérite d’être gardée en mémoire pour des
L’extraction par solvants est d’un usage courant dans trois cas particuliers d’analyse de traces de Pu, Am, Cm.
domaines principaux :
— contrôle courant et même bilans dans l’industrie préparative
de l’uranium : acétate d’éthyle associé au dibenzoylméthane (DBM),
oxyde de tri-n-octylphosphine (TOPO), etc. ;
— spécifications en EUTU dans les composés purs d’uranium, 3. Méthodes d’analyse
par exemple, traces de Np et Pu dans un rapport pondéral Np/U ou
Pu/U de 10–8 : thénoyltrifluoroacétone (TTA) ;
— spécifications, et éventuellement suivi de procédé, relatifs à
des traces d’éléments étrangers difficiles à doser directement dans Nous avons choisi d’établir une classification par techniques
U et Pu : par exemple les lanthanides, Mo, Nb, Ta, Ti, V, W, Zr... pour analytiques en dégageant l’essentiel des principes et en résumant la
lesquels une grande variété d’agents extractants est proposée. pratique. Pour une étude et des modes opératoires plus détaillés,
nous renvoyons à des articles du présent traité, à la littérature
2.2.2.2 Échange d’ions [11] spécialisée ou aux éditions de la Commission d’établissement des
méthodes d’analyse du CEA (CETAMA) qui organise, en outre, des
Les échangeurs de cations fixent les EUTU, en pratique dans les circuits interlaboratoires et la préparation de matériaux de réfé-
solutions acides de concentration inférieure ou égale à 1 M et en rence.

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3.1 Titrages oxydoréducteurs Une seconde variante [21, 22], également adaptée à l’échantillon
en milieu nitrique, repose sur une variation de la valeur du potentiel
et coulométrie normal du système U(VI)/U(IV) en fonction de la nature du milieu :
U(VI) est réduit en milieu phosphorique concentré par un excès de
Le principe général de ces deux techniques est le même (cf. arti- fer(II), le titrage est effectué en milieu sulfurique/phosphorique.
cles [94] [95]. La mesure proprement dite est relative au passage L’interférence de la plupart des éléments, aux teneurs où on les
d’un état d’oxydation inférieur à un état supérieur (oxydation) ou trouve dans la pratique, est éliminée ; celle du technétium est
l’inverse (réduction). Les réactions s’effectuent au moyen soit de encore mal déterminée.
réactifs étalonnés chimiquement (titrages), soit d’une quantité de Le principe assez pointu requiert un strict respect des conditions
courant déterminée par coulométrie à potentiel contrôlé. opératoires et les effluents produits sont chimiquement complexes.
Les principaux systèmes oxydoréducteurs sont présentés dans le
tableau 2 ; une vue plus complète est donnée dans [15].
3.1.1.2 Plutonium

Les deux systèmes utilisés sont Pu(IV)/Pu(III) et Pu(VI)/Pu(IV).


Tableau 2 – Principaux systèmes redox utilisés
dans les titrages et en coulométrie ■ Pu(IV)/Pu(III) : les deux méthodes de titrage de l’uranium, celle
dite de base et celle qui utilise la réduction par Ti(III) sont applicables
Potentiels normaux apparents avec approximativement les mêmes interférences. Il est en effet dif-
(volt par rapport à l’électrode normale ficile de trouver un agent réducteur se plaçant entre les systèmes
Systèmes
à hydrogène) Pu(IV)/Pu(III) et U(VI)/U(IV).
redox
HClO4 1M H2SO4 1M HCl 1M HNO3 1M La seule autre méthode proposée [23] utilise la réduction par
Cu(I). Elle est sélective vis-à-vis de l’uranium ; le neptunium inter-
U(VI)/U(IV) 0,41 0,31 fère de façon non quantitative. Les effluents produits présentent une
forte teneur en chlorures.
Np(VI)/Np(V) 1,14 1,08 1,14 1,14
Np(VI)/Np(IV) 0,94 1,04 0,94 ■ Pu(VI)/Pu(IV) est un système lent donc le potentiel normal est
relativement élevé. En pratique, le plutonium est oxydé à l’état (VI)
Np(V)/Np(IV) 0,74 0,99 0,74 par l’acide perchlorique [24] ou par l’oxyde argentique [25], Pu(VI)
Pu(VI)/Pu(IV) 1,04 1,05 1,05 est réduit par un excès d’une solution titrée de fer(II) et l’excès
réoxydé par le sulfate cérique ou le dichromate de potassium.
Pu(IV)/Pu(III) 0,98 0,75 0,97 0,91
U et Fe n’interfèrent pas, de même Am a des teneurs inférieures à
Am(VI)/Am(V) 1,60 2 % [26]. Np interfère de façon non quantitative ; Mn, Cr, Ce, V inter-
Am(VI)/Am(III) 1,69 fèrent quantitativement.
Une autre méthode est proposée [27] qui garde un principe voisin
mais où le plutonium est oxydé à l’état (VI) par un excès de cérium
(IV), cet excès étant ensuite détruit par une succession de réactions
Dans les conditions d’utilisation les plus courantes, les titrages oxydoréductrices. La méthode est appliquée à des solutions de
sont appliqués à des prises d’essai contenant de 20 à 200 mg combustibles irradiés riches en plutonium pour des rapports U/Pu
d’élément, la coulométrie à des prises d’essai de 10 mg ou moins. inférieurs à 30. La méthode a été adaptée pour des prises d’échan-
tillon de plutonium de quelques milligrammes [28]. Son principe est
pointu et son application requiert là aussi le strict respect des condi-
3.1.1 Titrages tions opératoires. Le neptunium interfère quantitativement.

Les caractéristiques communes aux titrages sont les suivantes : 3.1.1.3 Neptunium
— les résultats sont rapportés au titre d’une solution oxydante, le
sulfate cérique ou le dichromate de potassium. Ce titre peut être Le principe du titrage repose sur le système Np(VI)/Np(IV) : oxyda-
déterminé à partir de matériaux de référence : dichromate, anhy- tion en Np(VI) par l’oxyde argentique, réduction en Np(IV) par un
dride arsénieux, oxalate de sodium [16]. L’uranium et le plutonium excès de Fe(II) et titrage de l’excès. Il est comparable à celui mis en
métalliques existent aussi en tant que matériaux de référence [17, œuvre pour le plutonium (système Pu(VI)/Pu(IV)), mais le dosage
18] ; leur usage limite les risques d’erreur systématique ; s’effectue en milieu sulfurique 2M [29].
— le point équivalent est déterminé par colorimétrie visuelle, par
spectrophotométrie d’un indicateur d’oxydoréduction ou par une 3.1.1.4 Américium
méthode électrochimique : potentiométrie ou ampérométrie.
Le titrage de l’américium est un cas plus complexe en raison, à la
3.1.1.1 Uranium fois, de la valeur élevée du potentiel du couple Am(VI)/Am(III) et de
l’autoréduction due au rayonnement α, phénomène surtout marqué
Le système utilisé est U(VI)/U(IV). avec l’isotope 241 (la même difficulté se présente en coulométrie).
La méthode de base consiste à réduire U(VI) en U(IV) en milieu Une méthode originale est décrite [30] qui consiste à oxyder
sulfurique par des métaux : Pb, Cd, Zn [19]. De nombreux systèmes l’américium à l’état (VI) par un mélange d’oxyde argentique et de
interfèrent : ceux du plutonium, du fer, du molybdène, celui des persulfate. Am(VI) est réduit par Fe(II), le titrage est suivi par spec-
nitrates/nitrites, alors que les échantillons provenant de procédés en trophotométrie de Am(III) (§ 3.3.1).
voie aqueuse sont le plus souvent en milieu nitrique. Une méthode indirecte qui utilise le déplacement du complexe
Dans une première variante [20], la réduction de U(VI) est effec- EDTA/Hg2+ vers le complexe Am3+/EDTA est proposée [30] et [31].
tuée en milieu nitrique/sulfurique par un excès de titane (III), en Les ions Hg2+ libérés sont réduits par coulométrie à courant imposé
présence d’acide sulfamique qui détruit les nitrites. La méthode en milieu tampon hexaméthylène-tétramine ou acétique. Le titrage
permet de travailler directement sur l’échantillon en milieu nitrique, est suivi par ampérométrie à l’aide de deux électrodes d’argent
donc d’éviter un changement du milieu fastidieux, mais l’interfé- amalgamées. Cette méthode s’adresse aux solutions pures d’améri-
rence des autres systèmes redox subsiste. cium. Le neptunium interfère.

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3.1.2 Coulométrie à potentiel contrôlé Différents types de spectromètres existent ; l’un des paramètres
qui les différencient est le mode d’ionisation qui est soit :
La coulométrie présente des aspects séduisants : — à bombardement électronique, adapté à l’analyse des gaz et
des composés vaporisables ;
— elle permet d’imposer une valeur bien définie d’un potentiel,
donc de cerner au mieux la sélectivité de la réaction sans avoir — à thermo-ionisation, à étincelles ou à émission secondaire,
recours à un réactif chimique oxydoréducteur ; adaptés à l’analyse des solides ;
— à source plasma, adapté à l’analyse de solution voire de soli-
— la mesure est rapportée à une grandeur physique, le faraday,
des, avec des modes de vaporisation électrothermique ou par abla-
ce qui évite l’emploi de solutions titrées et leur étalonnage ; néan-
tion laser.
moins, l’espoir de disposer d’une méthode absolue est limité par les
caractéristiques des cellules et par les performances de l’électroni- La spectrométrie à émission secondaire, la plupart du temps
que d’intégration du courant ; dénommée SIMS (Secondary Ion Mass Spectrometry), permet
— l’analyse peut être effectuée sur des prises d’essai (de l’ordre l’analyse localisée (le diamètre du cône d’ablation est de l’ordre de
du milligramme et en dessous) inférieures à celles mises en œuvre 10 µm) des solides in situ. La méthode commence à être utilisée
dans les titrages. pour des études de répartition relatives à la géochronologie et au
stockage des déchets.
Le tableau 3 rassemble l’essentiel des travaux publiés sur
l’analyse des EUTU. La spectrométrie de masse à étincelles fournit l’analyse panora-
mique d’un échantillon ; elle est mentionnée plus loin au para-
graphe 3.6.3.
Le spectromètre de masse à gaz appliqué à l’hexafluorure
Tableau 3 – Méthodes coulométriques appliquées d’uranium UF6 et le spectromètre à thermo-ionisation utilisé pour
aux EUTU les EUTU sont les deux appareils qui permettent la mesure quantita-
tive précise de la composition isotopique.
Systèmes redox Références bibliographiques La spectrométrie de masse à source plasma (ICP/MS) permet
U(VI)/U(IV) [32, 33] l’analyse multiélémentaire et isotopique d’un échantillon. Elle est
décrite plus précisément au paragraphe 3.6.4.
Pu(IV)/Pu(III) [34]
Pu(VI)/Pu(IV) [35] 3.2.1 Analyse isotopique
Np(VI)/Np(V) [29]
Am(IV)/Am(III) [39] 3.2.1.1 Spectromètre à UF6
Am(VI)/Am(III) [35, 36] UF6 est un composé gazeux dans des conditions données de pres-
sion et de température. D’une part, les principales installations
industrielles d’enrichissement reposent jusqu’à présent sur la diffu-
sion gazeuse, d’autre part, la technologie des spectromètres à gaz a
3.1.3 Applications et performances été développée de bonne heure et ces appareils ont été les premiers
à fournir des performances élevées en précision et en sensibilité. Le
Connus de longue date, la coulométrie et les titrages se classent spectromètre à gaz est donc bien adapté au contrôle des ateliers
parmi les méthodes d’analyse les plus précises. d’enrichissement, d’autant plus que l’état gazeux de l’échantillon se
prête à l’installation en ligne. La même technique est souvent
La coulométrie est souvent considérée comme une méthode utilisée par l’industrie de l’uranium avant irradiation : l’uranium
d’étalonnage ou de recoupement appliquée à des échantillons de sous forme d’oxyde est transformé préalablement en UF6 au moyen
composition chimique simple. Dans les meilleurs cas, la précision du trifluorure de cobalt.
relative est de quelques 10–4, précision que les titrages permettent
aussi d’atteindre si les conditions opératoires sont bien adaptées. Avec les appareils les plus modernes, dans le cas de mesures
relatives par rapport à une référence isotopique, la précision des
À ces niveaux de précision, les titrages sont appliquée à des mesures d’enrichissement est de 5 × 10 –5 relatif pour :
analyses de bilan et à la certification de matériaux de référence.
R échantillon
À un niveau plus routinier, les titrages sont des techniques très α = --------------------------- < 1, 3
répandues dans les laboratoires, chaque fois que l’on peut disposer R étalon
de 20 mg ou plus de l’élément à doser : avec α enrichissement d’un échantillon en un isotope
— leur mise en œuvre et l’équipement sont simples ; pour une donné par rapport à un uranium de référence,
précision relative de 5 × 10 –3 à 10–2, le matériel courant de labora-
R rapports isotopiques.
toire suffit ;
— les méthodes sont rapides et se prêtent à l’analyse de série L’étalonnage des matériaux de référence isotopique est certifiée
ainsi qu’à l’automatisation ; avec une exactitude à mieux que 10–3 relatif.
— les modes opératoires sont à la portée d’un personnel moins
qualifié que pour la coulométrie. 3.2.1.2 Spectromètre à thermo-ionisation
La thermo-ionisation accompagne la vaporisation d’un solide
déposé sur la surface d’un filament chauffé de 1 500 à 3 000 K. Le
solide à ioniser est obtenu par dépôt et séchage, puis décomposi-
3.2 Spectrométrie de masse tion thermique d’une solution nitrique de l’élément.
C’est la seule méthode d’analyse isotopique applicable à
Le principe général de la spectrométrie de masse est décrit dans l’ensemble des EUTU. Sa grande sensibilité (les quantités d’élément
les articles [96] [97] de ce traité et la séparation des ions d’après leur déposées sur filament varient de 10–6 à 10–11 g) en fait une méthode
masse et leur charge introduit d’emblée la notion d’analyse isoto- de choix pour la détermination des isotopes radioactifs aux stades
pique dont l’importance a été soulignée au paragraphe 1.2. De cette du combustible irradié et du retraitement.
fonction d’analyse isotopique découle l’application à l’analyse Les spectromètres ont bénéficié d’importants progrès technologi-
élémentaire des méthodes dites de dilution isotopique. ques ces deux dernières décennies et des reproductibilités de

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l’ordre de 10–4 sur les rapports isotopiques sont atteintes avec les traceur, les éléments A et B sont mélangés dans un rapport connu,
appareils modernes. Une des causes d’erreur systématique est mais leur composition isotopique diffère de celle qu’ils ont dans
l’effet de fractionnement isotopique, dû à une vaporisation plus l’échantillon.
rapide des isotopes les plus légers. Cet effet peut être contrôlé à la Le principe repose sur le même raisonnement qu’au paragraphe
fois par une stricte normalisation des modes opératoires, par
l’emploi de matériaux de référence, par l’utilisation d’étalons 3.2.2.1 et l’on aboutit à une équation qui donne I A ⁄ I B′ à partir de la
internes constitués de deux isotopes séparés mélangés dans un mesure de la composition isotopique de A et de B dans l’échantillon,
rapport connu avec précision [40]. Une autre solution consiste à le traceur et le mélange. Un exemple relatif au rapport 238U/239Pu
effectuer la mesure jusqu’à épuisement du dépôt (méthode dite à est donné dans [42]. A et B étant rapportés aux mêmes aliquotes, les
évaporation totale) [41]. termes V, volume ou masse, disparaissent de l’équation ; il n’est
La source ne se prête pas à une adaptation en ligne, comme c’est donc pas nécessaire d’effectuer une mesure précise des quantités
le cas du spectromètre à gaz, mais peut être automatisée au moyen de solutions d’échantillon et de traceur mises en œuvre pour le
d’un système à barillet. Caractéristique commune aux deux types de mélange. Il suffit de prévoir approximativement les proportions
spectromètres, un calculateur programme les séquences analyti- convenant le mieux à l’analyse.
ques et effectue les traitements mathématiques nécessaires à
l’obtention des résultats. 3.2.2.3 Traceurs
L’équation de dilution isotopique est présentée sous sa forme la
3.2.2 Analyse par dilution isotopique plus générale. Dans la pratique, on s’efforce d’utiliser comme
traceur un isotope qui n’existe pas dans l’échantillon et en tout cas
fortement enrichi, de façon à affecter les analyses isotopiques de la
Bien que, dans son principe, la dilution isotopique puisse s’appli- meilleure précision possible. Le tableau 4 donne la liste des princi-
quer aussi bien aux solides, aux solutions et aux gaz, son appli- paux traceurs utilisés expérimentalement.
cation pratique aux EUTU concerne les solutions ; les analyses
isotopiques sont donc effectuées au moyen d’un spectromètre à
thermo-ionisation.
Tableau 4 – Traceurs utilisés en dilution isotopique
3.2.2.1 Dilution isotopique à simple traceur
Isotope Isotope traceur
Si l’on ajoute à une quantité connue d’un échantillon en solution,
prédominant
dont on veut déterminer la concentration élémentaire, une quantité d’utilisation d’utilisation
dans l’échantillon courante moins fréquente
connue du même élément, mais de composition isotopique diffé-
rente, et si l’on appelle 235U et 238U 233U > 99 %
P les teneurs isotopiques pondérales, 237Np 239Np (1)
C les concentrations élémentaires volumiques (en 239Pu 242Pu 244Pu
mg/mL) ou massiques (en mg/g), > 90 %
241Am 243Am > 98 %
V les volumes (en mL) ou masses (en g), de
solution, 243Am 241Am ≈ 100 %
que l’on affecte des indices E pour l’échantillon, T pour le traceur et
M pour le mélange des deux, (1) Période 2,3 j ; produit à partir de 243Am.

on peut écrire que la masse d’un isotope dans le mélange est égale
à la somme des masses de ce même isotope dans les deux
aliquotes : Que ce soit pour la simple ou pour la double dilution isotopique,
la préparation des solutions de traceurs requiert une connaissance
PM ( CE VE + CT VT ) = PT CT VT + PE CE VE exacte de la concentration. Les isotopes séparés étant des produits
relativement rares, l’étalonnage des solutions de traceurs se fait le
PM plus souvent par dilution isotopique inverse, à l’aide d’une solution
1 – ------- - synthétique de référence constituée des éléments à teneur isoto-
CT VT PT PT
d’où le terme recherché : C E = -------------- -------- ------------------- pique courante ou naturelle. Dans d’autres cas, des solutions
VE PM PE
1 – ------- - d’uranium 233 ont été étalonnées par titrage [43] et un rapport
PM 239Pu/242Pu a été certifié par coulométrie [44].

Les termes V sont mesurés à la préparation du mélange, le terme


CT est choisi à la préparation de la solution de traceur, les termes P
sont obtenus par analyse isotopique. 3.2.3 Applications et performances
Caractéristique intéressante des méthodes de dilution isoto-
pique : du fait que les mesures ne concernent que des compositions La spectrométrie de masse isotopique est caractérisée par sa
isotopiques, les séparations chimiques d’éléments (quand elles sont sensibilité et sa précision. Des reproductibilités de 10–4 à 10–5 sur les
nécessaires) n’ont pas besoin d’être quantitatives ; il suffit de rapports isotopiques sont atteintes avec les appareils modernes ;
recueillir la fraction la plus riche et/ou la plus pure de l’élément à les méthodes de dilution isotopique appliquées à l’analyse élémen-
analyser. taire peuvent atteindre des précisions relatives (incluant la certifica-
tion des matériaux de référence et l’étalonnage des traceurs) de
3.2.2.2 Dilution isotopique à double traceur l’ordre de 10–3.
Dans de nombreux cas, concernant surtout la connaissance de La technique de thermo-ionisation est appliquée à deux grands
l’évolution des combustibles sous irradiation, le rapport de deux domaines : celui des sciences de la Terre et celui des combustibles
irradiés. Dans le premier cas, les espèces à mesurer sont à l’état de
isotopes I A ⁄ I B′ appartenant respectivement aux deux éléments A traces ; dans le deuxième, l’analyse est effectuée sur des échan-
et B est la donnée la plus intéressante. La mesure de ce rapport est tillons de faible volume ne nécessitant que des protections biologi-
effectuée par double dilution isotopique ; dans la solution de ques réduites et produisant des effluents simples.

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■ En amont de la prospection du minerai d’uranium, des recher- avec c concentration du composé,


ches sont entreprises sur la géochimie isotopique et la géochrono- D absorbance,
logie. La géochronologie utilise des systèmes radioactifs naturels de
période longue et, dans tous les cas, l’information temporelle est I0 intensité du faisceau lumineux transmise par le
donnée par la quantification de l’accumulation d’un descendant solvant ou le blanc,
radiogénique stable. Les couples les plus communément utilisés I intensité transmise par la solution,
sont 87Rb/87Sr, 147Sm/143Nd, U, Th/Pb, les quantités analysées après ε coefficient spécifique d’absorbance molaire,
séparation chimique sont 10–9 à 10–6 g. Dans la recherche de gise- < épaisseur de solution traversée.
ments cachés, des informations sont transmises par les eaux natu-
Le terme ε est spécifique du composé ; sa valeur dépend de la
relles : anomalies en 206Pb (fils de 238U), déséquilibre radioactif longueur d’onde, variation qui est couramment figurée sous la
234U/238U [45].
forme d’un spectre d’absorption. La valeur de ε est également
influencée par la nature et la concentration du solvant ainsi que par
■ En milieu hautement radioactif, la spectrométrie de masse est
la température.
appliquée à l’étude de l’évolution des combustibles sous irradiation
et à l’établissement des bilans dans les usines de retraitement. Les spectres présentent, suivant les cas, des bandes d’absorption
soit larges pouvant couvrir plusieurs centaines de nanomètres, soit
La connaissance de la composition des combustibles irradiés est
étroites. Cette caractéristique conditionne le choix du spectro-
reliée aux études de neutronique. L’analyse consiste à mesurer des
photomètre : l’intervalle de longueur d’onde sur lequel se fait la
rapports d’isotopes lourds ou de fission, en vue de connaître les
mesure doit être faible par rapport à la largeur du pic d’absorption.
taux de combustion, les rendements de fission, les phénomènes de
capture... et de vérifier les codes de calcul. Les valeurs les plus élevées de ε (exprimées sous la forme du
coefficient d’absorption molaire, elles peuvent atteindre plusieurs
La question des bilans et des contrôles a déjà été abordée au
104 mol–1.cm–1.L) appartiennent aux composés organiques, alors
paragraphe 1.1. Il est intéressant de citer trois types d’actions
que les composés minéraux présentent en général des spectres peu
encore en cours de développement.
distinctifs et peu intenses. Exception notable, certains éléments de
● Technique dite du grain de résine [46] : elle consiste à fixer sur la série des lanthanides et des actinides ont des spectres exploita-
quelques grains d’échangeur d’anions des quantités de quelques bles en analyse.
dizaines de nanogrammes d’uranium et de plutonium. Ces grains
peuvent être ensuite expédiés à un laboratoire de contrôle, évitant
ainsi les difficultés posées par le transport de solutions radioactives. 3.3.1 Absorption des EUTU en solution
Le grain de résine est directement déposé sur le filament pour ana-
lyse.
La figure 1 présente les spectres des états de valence les plus
● Étalonnage de la capacité des cuves de bilan des usines : il peut
usuels de l’uranium, du neptunium, du plutonium et de l’amé-
être réalisé par dilution isotopique au moyen d’un traceur, 176Lu par ricium ; le spectre de Cm(III) est reproduit d’après la référence [6].
exemple. Ces spectres ne sont pas exactement comparables puisqu’ils n’ont
● Établissement d’un bilan gravimétrique : il consiste en fait à pas toujours été tracés dans les mêmes conditions opératoires,
établir le bilan de sortie du réacteur et non le bilan des masses de mais ils reflètent et comparent à quelques pour-cent près l’absorp-
combustible dissoutes. Ce bilan repose sur l’équation : tion des différentes formes physicochimiques.
Si le spectre de U(VI) est assez pauvre, peu intense et peu spéci-
M U0 = M U + M Pu + M F + M Tu
fique, ceux de Np, Pu et Am présentent des pics intéressants, appli-
cables soit à la détermination des états de valence, soit à l’analyse
où M est la masse respectivement de :
élémentaire.
U0 uranium avant irradiation,
U uranium restant après irradiation, 3.3.1.1 États de valence
Pu plutonium formé dans le combustible, À partir du spectre global d’un élément en solution et si l’on
F U et Pu disparus par fission, connaît les spectres individuels de chaque état d’oxydation, il est
Tu éléments transuraniens, autres que Pu, formés possible de déterminer la répartition de ces états en s’appuyant sur
la loi d’additivité des absorbances.
et dont la résolution revient à déterminer des rapports 148Nd/238U
Chaque cas est un cas d’espèce, et il ne peut y avoir de mode
pour le terme MF /MU, 239Pu/238U pour le terme MPu /MU, etc. opératoire général assorti de ses performances. La précision des
A ce type de vérification sont également associées les corréla- mesures de répartition est conditionnée par plusieurs facteurs :
tions isotopiques, par exemple entre l’appauvrissement en 235U, — l’exactitude des spectres de référence qui doivent être connus
dans le même milieu que celui de l’échantillon ;
l’enrichissement en 236U, les rapports 239Pu/238U, 240Pu/239Pu, etc.,
— l’absorption due à des espèces étrangères qui peut par ailleurs
la diversité des paramètres donnant une garantie supplémentaire
influer sur le choix des pics de mesure ;
de la précision et de l’absence d’anomalies.
— l’intensité de ces pics qui limite souvent la détection à des
concentrations supérieures ou égales à 10–2 M.
3.3 Spectrométrie d’absorption 3.3.1.2 Analyse élémentaire

Nota : Le lecteur pourra également se reporter à l’article Spectrométrie d’absorption Les principaux critères d’application à analyse élémentaire sont
dans l’ultraviolet et le visible de ce traité. l’intensité du pic, sa situation dans le domaine des longueurs
Dans les méthodes spectrométriques, la concentration d’un d’onde, la facilité d’obtention de l’état d’oxydation choisi.
composé est déterminée en mesurant la fraction de lumière Le spectre de U(VI), au mieux, n’est utilisable que pour des solu-
absorbée lors de la traversée d’une épaisseur connue de solution. tions pures et concentrées. Des méthodes existent, fondées sur
La relation s’exprime sous la forme : l’absorption de U(IV). Le pic principal de Pu(IV) à 476 nm n’a pas fait
l’objet d’un développement de méthode, celui de Pu(III) à 565 nm a
I0
D = lg ----- = ε < c été exploité en spectrophotométrie différentielle dans le cas de solu-
I tions pures [47], les pics de Am(V) à 720 nm et de Am(VI) à 996 nm

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Np (IV)
Np (V)
Np (VI)
ε (mol–1 . cm–1 . L)

ε (mol–1 . cm–1 . L)
U (IV)
60 U (VI) ε = 405 mol–1 . cm–1 . L
60

40
40

20 20

0 0
400 600 800 1 000 1 200 400 600 800 1 000 1 200
λ (nm) λ (nm)

a spectres de l’uranium en milieu HNO3 1M b spectres du neptunium en milieu HNO3 1M

D
ε = 420 mol–1 . cm–1 . L
Am (III)
Am (V)
0,6 Am (VI)
ε = 545 mol–1 . cm–1 . L
ε (mol–1 . cm–1 . L)

60 Pu (III)
Pu (IV) 0,4
Pu (VI)
40

0,2
20

0 0
400 600 800 1 000 1 200 400 600 800 1 000
λ (nm) λ (nm)
c spectres du plutonium en milieu HNO3 1 M d spectres de l’américium environ 1,8 x 10–3 M en milieu HClO4 1M
ε (mol–1 . cm–1 . L)

60

40

20

0
200 300 400 500 600
λ (nm)
e spectre du curium (III) en solution aqueuse

Figure 1 – Spectres d’absorption de l’uranium et des éléments transuraniens

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sont surtout utilisés dans des études de laboratoire en raison de Les développements les plus récents permettent d’améliorer
l’instabilité de ces états. Les méthodes les plus répandues à l’heure l’automatisation et le traitement des spectres complexes. Les fibres
actuelle reposent sur les données du tableau 5. Les pics choisis sont optiques sont un des éléments constitutifs de l’appareillage qui
les plus intenses du spectre ; Np(V) est l’état le plus stable, il conduisent à son automatisation [52] ; elles transmettent l’informa-
coexiste avec Np(IV) ou/et Np(VI) qui peuvent être amenés à la tion à distance, donc permettent d’isoler la solution radioactive de
valence (V) par un cycle de valence ou par un tampon oxydo- l’essentiel de l’appareillage. Leur emploi constitue une caractéris-
réducteur ; Pu(VI) est obtenu par oxydation au moyen de AgO ou de tique intéressante des méthodes optiques. Le spectrophotomètre
Ce(IV) ; Am(III) est l’état stable. lui-même est doté de technologies qui améliorent sa souplesse
d’utilisation ; le spectromètre champ plan produit une information
spectrométrique à deux dimensions ; la détection à matrice de
photodiodes donne en instantané l’ensemble du spectre et offre
Tableau 5 – Caractéristiques des pics principaux ainsi la faculté d’accumulation d’information. L’informatique qui
du neptunium, du plutonium et de l’américium gère et exploite ces informations donne la répartition des espèces
présentes en solution à condition toutefois que celles-ci aient été au
Largeur Références préalable répertoriées et analysées dans la gamme de concentration
Élément/ λpic visée (étalonnage).
à mi- ε Milieu biblio-
état
hauteur graphiques La spectrophotométrie en ligne utilise des capteurs optiques
(optodes) qui permettent de recueillir l’information spectrale au
(nm) (nm) (mol–1. sein-même des solutions radioactives. L’association de fibres opti-
cm–1.L) ques et d’optodes de spectrophotométrie permet à partir d’un seul
appareillage de suivre plusieurs points de mesure. Le suivi en ligne
Np(V) 980-981 6,5 405 HNO3 1M [29, 49] des concentrations de U(IV), U(VI), Pu(III) et Pu(IV) est réalisé sur
310 HNO3 4M
8 points de mesure [53].
Pu(VI) 830-831 2,8 545 HNO3 1M [48]
455 HNO3 4M
Am(III) 503 420 HClO4 1M [30]
3.3.4 Absorption induite par laser. Effet de lentille
320 HNO3 4M thermique et spectrométrie optoacoustique

Complémentaires de la spectrophotométrie d’absorption, des


méthodes nouvelles de spectroscopie laser apparaissent, où
l’absorbance est déterminée non par la mesure des photons
3.3.2 Absorption de composés et complexes transmis, mais par celle d’effets secondaires [54].
Dans l’effet de lentille thermique, l’absorption du rayonnement
Si l’absorption propre des solutions d’EUTU correspond à des laser provoque une augmentation de température qui modifie
valeurs relativement faibles de ε, de nombreux composés ou l’indice de réfraction ; la solution se comporte comme une lentille
complexes, minéraux ou organiques, présentent des ε pouvant divergente. La modification de divergence est proportionnelle à la
atteindre 103 à 104 qui conduisent à des méthodes pouvant être concentration de l’espèce absorbante ; elle est déterminée par
qualifiées de méthodes d’analyse de traces. mesure au centre d’une photodiode de la variation de l’intensité
L’analyse colorimétrique a été largement étudiée pour l’uranium lumineuse d’un faisceau sonde [55].
et quelques dizaines de réactifs étaient déjà connus avant 1950 [50]. La spectrométrie optoacoustique est aussi une mesure indirecte
Le dibenzoylméthane par exemple reste encore en usage dans le d’une absorption induite par laser ; on mesure une variation de
traitement des minerais, c’est-à-dire pour des teneurs en uranium pression (l’échauffement rapide et localisé provoque une dilatation)
inférieures à 0,1 % (en masse). Mais à moins d’être adaptées à un proportionnelle à la concentration, au moyen d’une cellule piézo-
flux d’échantillons de même nature, ces méthodes sont peu spécifi- électrique [56].
ques et nécessitent en tout cas un contrôle strict du milieu, du pH et
autres paramètres. Un autre inconvénient est l’emploi de réactifs Des résultats sont publiés pour U(VI), Pu(III), Pu(IV), Pu(V), Pu(VI),
peu désirables dans des traitements d’effluents : thiocyanate, Am(III) aux niveaux de 10–6 à 10–7 M selon la valeur des ε [57, 59].
produits organiques, etc., dont la destruction est mal maîtrisée.

3.4 Spectrofluorimétrie
3.3.3 Applications et performances
La fluorescence est l’émission d’un rayonnement lumineux d’une
Bien que limitée en sensibilité, l’absorption propre des solutions molécule excitée par un rayonnement électromagnétique incident
est la seule méthode directe d’investigation pour étudier la réparti- dont la longueur d’onde se situe dans le spectre d’absorption. Le
tion des états de valence des EUTU (voir cependant § 3.3.4). spectre d’émission de fluorescence se situe dans un domaine de
Parmi les méthodes d’analyse élémentaire développées en spec- longueurs d’onde supérieures à celui du spectre d’absorption. Dans
trophotométrie, celle du plutonium à l’état (VI) est à l’heure actuelle le cas d’un échantillon en solution, l’intensité de fluorescence I est
la plus répandue. Elle est à la fois précise, sensible et peut être appli- de la forme :
quée sans séparation dans de nombreuses matrices. Deux exem-
ples empruntés au retraitement sont à citer [51] : I = Φ I 0 2, 3 ε < c
— l’analyse du plutonium au stade de la dissolution du combusti- avec Φ terme lié au rendement quantique et à
ble irradié, donc en présence de tous les éléments formés dans le l’appareillage,
réacteur, à des concentrations de l’ordre du gramme par litre. La
précision se situe au niveau de quelques 10–3, ce qui en fait une ana- I0 intensité du rayonnement d’excitation,
lyse de recoupement pour les bilans ; ε<c termes déjà considérés en spectrophotométrie
— le contrôle des traces de plutonium après extraction, à une d’absorption (§ 3.3), ε étant le coefficient
concentration voisine de 0,5 mg/L, en présence des produits de fis- d’absorption à la longueur d’onde de la lumière
sion et des éléments transplutoniens. excitatrice.

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Si le phénomène de fluorescence concerne peu d’éléments miné- Dans ce cas, on parle de spectrofluorimétrie laser à résolution
raux, il a néanmoins été mis en évidence dès le XIXe siècle pour l’ion temporelle (SLRT ou, en anglais TRLIF : Time Resolved Laser-
uranyle et appliqué dès la première moitié du XXe siècle à la déter- Induced Fluorescence).
mination de traces d’uranium. La haute sensibilité (cf. § 3.4.3) pour l’uranium permet, en
travaillant sur des échantillons dilués, de s’affranchir de la plupart
des effets d’inhibition.
3.4.1 Fluorimétrie sur pastilles
3.4.3 Applications et performances
L’intensité de fluorescence est fortement exaltée si l’échantillon
est préparé par fusion dans le fluorure de sodium ; en pratique, la La fluorimétrie est la plus sensible parmi les méthodes d’utilisa-
solution à doser est séchée et calcinée dans une nacelle de platine tion courante d’analyse de l’uranium. C’est une technique d’analyse
et le résidu fondu à 900 °C dans un mélange NaF/Na2CO3. La mesure de traces appliquée à :
se fait au moyen d’un fluorimètre de conception simple, utilisant — la géologie, la minéralogie, l’hydrogéochimie ;
une lampe UV comme lumière excitatrice. — l’industrie du cycle de l’uranium : contrôle des pertes, des
Les quantités mesurées peuvent être aussi faibles que le nano- effluents et des rejets, spécification des produits, caractérisation des
gramme, les précisions sont de l’ordre de 10 % dans les cas favora- espèces en solution, détermination de constantes thermodynami-
bles, mais la méthode est sensible à deux paramètres qui entraînent ques ;
une dispersion des résultats : — l’analyse en milieu biologique, la surveillance médicale du per-
— le risque de contamination, qui est commun à toute technique sonnel par exemple.
aussi sensible ; La méthode sur pastilles fournit des résultats depuis plusieurs
— la préparation du mélange fondu, où toute variation des condi- dizaines d’années ; avec les solutions pures, la limite de détection
tions opératoires entraîne une variation de l’intensité mesurée. se situe au niveau du nanogramme en valeur absolue mais, dans le
L’inhibition de la fluorescence, qui résulte d’une interaction entre cas d’échantillons réels, de nombreux effets parasites entraînent
les molécules du milieu et la molécule fluorescente, est provoquée une dégradation des résultats.
par un grand nombre d’éléments minéraux et d’anions. Les spectrofluorimètres à excitation laser et résolution temporelle
En pratique, il est nécessaire d’utiliser des standards, de pratiquer permettent de travailler directement sur la solution à analyser ; le
la méthode des ajouts dosés et de conduire plusieurs essais simul- système d’acquisition des spectres, quand il existe, assure la spéci-
tanément pour chaque analyse. Dans les cas extrêmes, l’inhibition ficité de l’analyse. Les limites de détection pour l’uranium varient de
est si importante que le résultat n’a plus de sens et qu’une sépara- 50 ng/L pour les modèles de terrain à 0,1 ng/L pour les modèles les
tion de l’uranium est nécessaire. plus sophistiqués. La précision relative est de l’ordre de 10 %.
Pour les espèces qui présentent une fluorescence en solution Avec des modes opératoires simplifiés, il est possible de déter-
(uranium, américium, curium), cette technique est progressivement miner des traces d’uranium dans :
remplacée par la spectrofluorimétrie sur solution (cf. § 3.4.2) qui — les eaux naturelles, au niveau de quelques nanogrammes par
offre une plus grande souplesse d’utilisation et des performances litre ;
plus intéressantes avec l’utilisation de sources laser d’excitation. — les urines, à des concentrations inférieures à 1 µg/L, après
minéralisation ;
— les solvants retraités, au niveau de 10 ng/L, après réextraction
3.4.2 Spectrofluorimétrie des solutions en milieu phosphorique ;
— l’oxyde de plutonium, dans un rapport pondéral
U ⁄ Pu = 0, 2 × 10 –6 , sans séparation [62] ;
La mesure faite directement sur solution est a priori plus sédui- — des métaux purs, dans un rapport pondéral de 10–9, par dilu-
sante, mais les performances de la spectrofluorimétrie classique tion directe.
sont limitées : en opérant avec un spectrofluorimètre à source Dans des milieux appropriés, l’américium et le curium peuvent
d’excitation continue, en milieu phosphorique où la fluorescence est être détectés en solution jusqu’à des niveaux de concentration
exaltée d’un facteur 200, le dosage d’une solution pure d’uranium respectivement de 250 mg/L et 0,1 ng/L. La fluorescence du neptu-
est possible au niveau de quelques dizaines de microgrammes par nium et du plutonium en solution n’a pas été mise en évidence, le
litre. Dans les échantillons réels, des phénomènes parasites, parmi plutonium inhibe au contraire la fluorescence de l’uranium. Incor-
lesquels la fluorescence de traces de matières organiques, pertur- porés dans des pastilles préparées par fusion de fluorure, de tungs-
bent le spectre d’émission ; le phénomène d’inhibition subsiste. tate ou de molybdate, le neptunium et le plutonium émettent une
La nouvelle génération d’appareillage utilise comme source fluorescence qui permet de déterminer jusqu’à 5 ng de chaque
d’excitation un laser solide Nd-YAG dont la longueur d’onde d’émis- élément [63] [64].
sion, 355 nm, se situe dans la zone d’absorption de l’uranium [59, La spectrofluorimétrie s’applique aussi pour caractériser les
60, 61]. Une telle source a deux avantages principaux : espèces chimiques, en solution (spéciation) en utilisant l’extinction
— l’intensité d’excitation par laser est élevée, donc aussi l’inten- de la fluorescence ou la variation des temps de vie, liées aux phéno-
sité de fluorescence ; mènes de complexation [65].
— l’excitation pulsée permet une résolution temporelle de la fluo-
rescence, distinguant ainsi la fluorescence propre de l’uranium
(dont le temps de vie est de l’ordre de 150 µs en milieu phosphori-
que) de celle des matières organiques, les acides humiques en par-
3.5 Spectrométrie des rayons X
ticulier, dont le temps de vie des états excités est de l’ordre de
quelques nanosecondes. Nota : Le lecteur pourra également consulter l’article [98] de ce traité.
Selon les cas, l’appareil est de conception relativement simple, en Sous l’influence d’un rayonnement X incident d’énergie supé-
vue d’une utilisation possible sur le terrain, ou bien constitue un rieure ou égale à l’énergie de liaison d’un électron situé sur une
outil perfectionné d’analyse et de recherche. Il est alors doté d’une couche interne de l’atome, il y a absorption d’énergie, l’électron est
électronique de commande et de mesure plus élaborée ; un mono- éjecté et la réorganisation du cortège électronique qui s’ensuit
chromateur et un détecteur multicanal à barrettes de diodes permet- s’accompagne de l’émission d’un rayonnement X, dit de fluores-
tent l’acquisition des spectres et le décalage temporel est réglable. cence.

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L’absorption du rayonnement primaire est habituellement dont les énergies d’émission encadrent les discontinuités K des acti-
exprimée sous la forme : nides. L’optimisation de cette technique réside dans le choix de
sources ayant des valeurs d’énergie gamma aussi proches que pos-
I = I 0 exp ( – µx )
sible de la discontinuité de l’élément à analyser. Pour le plutonium,
avec I0 intensité du rayonnement incident, l’association de sources de 75Se et 57Co est proposée [67]. L’utilisa-
I rayonnement transmis, tion de différentes énergies de l’émission de l’isotope 169Yb est le
µ coefficient d’absorption, plus souvent présentée pour la détermination de l’uranium.
x épaisseur du milieu traversé. L’appareillage, relativement compact, est souvent proposé en
version portable, notamment pour les contrôles des matières
µ est pratiquement indépendant de l’état physicochimique, il nucléaires. La méthode s’adresse plus particulièrement à des échan-
dépend essentiellement du numéro atomique Z et de la longueur tillons manipulables en boîtes à gants dans une gamme de concen-
d’onde. Sa variation en fonction de la longueur d’onde présente des trations voisine de celle de la méthode I. La difficulté d’appro-
discontinuités ou sauts d’absorption qui correspondent à des visionnement en sources radioactives limite son développement.
niveaux d’énergie spécifiques de l’élément.
Les raies du spectre de fluorescence sont caractéristiques des ■ Méthode II : le domaine de l’absorptiométrie est limité du côté
recombinaisons qui ont lieu au sein du cortège électronique des faibles concentrations. Pour donner un exemple, dans une solu-
perturbé par l’absorption d’un photon X. Suivant l’énergie du rayon- tion d’attaque du combustible d’un réacteur à eau, où [U] ≈ 200 g/L
nement incident, elles correspondent aux couches K, L, etc., de et [Pu] ≈ 2 g/L, la discontinuité K du plutonium n’apparaît pas.
l’atome. L’intensité des raies est proportionnelle à la concentration. La fluorescence sur raie K a une plus grande dynamique de
Les spectromètres de fluorescence sont équipés soit d’un cristal mesure et est associée à l’absorption. En utilisant la même source
analyseur diffractant le rayonnement suivant la loi de Bragg et suivi de rayons X, l’élément majeur est déterminé sur un canal direct
d’un compteur (dispersion en longueur d’onde), soit en l’absence de destiné à l’absorptiométrie, les éléments minoritaires sur un canal
cristal analyseur, d’un détecteur à semi-conducteur (dispersion en secondaire recevant le spectre de fluorescence K.
énergie). Dans ce dernier cas, le tube à rayons X primaire peut être Avec ces deux canaux, la gamme des concentrations mesurables
remplacé par une source radioactive de rayonnement γ. s’étend de 0,2 à plus de 300 g/L (voir figure 2b).
■ Méthode III : différents laboratoires utilisent comme mode
3.5.1 Spectrométrie X des EUTU d’excitation le rayonnement γ d’une source radioactive, principale-
ment 57Co [68] et 192Ir [69]. Ce type d’appareillage bénéficie d’une
La spectrométrie X est applicable à l’ensemble des EUTU, bien certaine autonomie par rapport aux tubes X et à leur alimentation.
que l’essentiel des développements ait porté sur l’uranium et le
plutonium. Plusieurs techniques sont proposées pour l’analyse Le domaine d’application s’étend à une gamme de concentrations
élémentaire ; elles reposent soit sur le phénomène d’absorption, voisine de celle de la méthode II. Des analyses d’uranium ont aussi
soit sur celui de fluorescence et le tableau 6 en résume la descrip- été effectuées sur des minerais, et des analyses d’uranium et de
tion. plutonium sur des oxydes mixtes solides.
L’exploitation des spectres est relativement complexe et l’activité
de la source, faible par rapport à l’activité équivalente d’un tube X,
Tableau 6 – Techniques de spectrométrie X rend peu probable l’application de la méthode à des échantillons de
appliquées à l’uranium et aux éléments transuraniens haute activité (voir figure 2c).

Technique d’analyse et numéro ■ Méthode IV : la fluorescence sur raies L avec cristal analyseur,
de la méthode bien connue par ailleurs pour des applications autres que nucléai-
Caractéristiques res, a été la première méthode appliquée aux EUTU en solution [70].
Absorptiométrie Fluorescence Elle est applicable sans dilution dans un domaine de 10–3 à 15 g/L ;
les précisions relatives sont de quelques 10–3 dans le meilleur
I I bis II III IV V domaine de mesure (5 à 10 g/L). Dans le cas d’analyse simultanée
Excitation Tube X x x x x de deux éléments présents dans un rapport pondéral quelconque
Source radioactive x x (exemple U/Pu = 100), des formules vérifiées expérimentalement
permettent de calculer l’effet interélément.
Raie K x x x x
L x x Rappelons enfin qu’il s’agit d’une méthode pluriélémentaire,
adaptée à l’analyse d’éléments qui accompagnent les EUTU :
Dispersion Longueur d’onde x
Énergie x x x x x constituants des minerais, Zr, Tc ou autres produits de fission.

■ Méthode V [71] : le cristal analyseur plan est remplacé par un dis-


positif diffractant de révolution, cylindrique par exemple (tube de
■ Méthode I : les EUTU sont un cas favorable d’application de graphite), situé en amont du détecteur dispersif en énergie. Non
l’absorption puisque celle-ci croît avec le numéro atomique Z. Un seulement l’angle solide de collection du faisceau X est plus grand,
appareillage, souvent dénommé K edge densitometer, est déve- mais les portions inutiles du spectre sont éliminées au profit de la
loppé suivant ce principe [66]. La source de rayonnement est un seule zone utile du point de vue analytique.
tube X alimenté à 150 kV et 15 mA ; la mesure est faite au moyen
d’un détecteur au germanium intrinsèque à haute résolution. Les Le domaine optimal de concentration s’étend de 0,1 mg/L à quel-
discontinuités K des actinides se situent dans la zone des 100 keV. ques grammes par litre (voir figure 2d).
La méthode est relativement insensible aux effets de matrice et, à
cause de l’intensité élevée du faisceau, applicable à des échantillons
de haute activité. Dans un domaine de concentration variant de 50 à 3.5.2 Applications et perspectives
plus de 300 g/L, la précision relative est de 0,2 à 0,3 % pour 20 mm
d’épaisseur traversée (voir figure 2a).
Hormis les applications à l’analyse de l’uranium dans différentes
■ Méthode I bis : basée sur le même principe que la méthode I, une matrices, les premiers dosages sur solutions en milieu radioactif ont
variante a été développée avec l’utilisation de sources radioactives été entrepris il y a une vingtaine d’années.

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88.04 keV
(Cd - 109)
Intensité Intensité
22.10 keV
25.00 keV
(Cd - 109)

106 107
W Ka1,2

Pb Ka1,2
W Kb1,3
UKa1
105 106
1 UKa2
UXb1,3
104 2 105 UKb2,4

PuKa1
Solution de
WKa PuKb1,3
combustible
103 104 irradié PuKb2,4
154Eu

UKa2
155Eu 1
156 144
CB

UKa

UKb1,3
102 103 241Am
Eu
144Ce
Spectre WKa
passif GdKa
10 102
BaKa PuKa1 UXb2,4
1 10
0 20 40 60 80 100 120 140 160 keV 0 20 40 60 80 100 120 140 160 keV

a spectre d’absorption K edge d’une solution d’acide nitrique 3M 1 , b spectre de fluorescence raies K d’une solution de combustible irradié
et d’une solution d’uranium à 300 g/L 2 (U . 250 g/L et Pu . 3 g/L). Excitation : tube X

Intensité

1 000
Plutonium 14,3 keV

900

Uranium 13,6 keV


800

700

600 Diffusion Bremsstralhung


Intensité

20.104 500
U-Ka1
16.104 400

12.104 U-Ka2
300

8.104 200
U-K’b1
4.104 100
U-K’b2 diffusé 192Ir
0 0
0 50 100 150 200 250 300 350 keV 12,5 13,5 14,5 15,5 16,5 17,5 keV

c spectre de fluorescence gamma X d’une solution d’uranium à 300 g/L d spectre de fluorescence raies L d’une solution d’uranium
Excitation : source 192Ir et plutonium (10 mg/L)

Figure 2 – Spectres de rayons X

L’intérêt des méthodes de spectrométrie X est qu’elles sont non à son application en tant que méthode de recoupement pour les
destructives, ou quasi non destructives pour celles dont le mode analyses de bilan des solutions de dissolution de combustibles
opératoire implique l’ajout d’un étalon interne. Elles ne nécessitent nucléaires irradiés.
pas de traitement chimique et sont pratiquement insensibles à la Les cinq types de techniques décrites au paragraphe 3.5.1 sont
nature du milieu ; en particulier elles s’appliquent aussi bien en éprouvées chacune dans leur domaine respectif, et sont installées
phase organique qu’en phase aqueuse. Elles se prêtent, selon le but dans des conditions réelles d’utilisation : analyses dans les solu-
recherché, à l’automatisation ou à l’analyse en ligne. tions d’attaque de combustibles irradiés, dans des solutions de
Cet intérêt s’accroît avec les progrès récents des appareillages : recyclage de plutonium, dans des solvants retraités, etc.
tubes X et détecteurs. La mesure sur les raies K permet d’opérer à Quelle que soit la technique choisie, un des volets importants est
travers des parois telles que l’acier inoxydable. Les précisions obte- son adaptation technologique en milieu radioactif pour une installa-
nues avec la méthode I, en utilisant des cuves calibrées, conduisent tion définitive en milieu industriel.

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3.6 Analyses multiélémentaires Une application intéressante à citer est l’analyse du minerai
d’Oklo, où apparaissaient simultanément sur la même plaque les
raies des isotopes de l’uranium et celles des isotopes stables, fin de
La spectrométrie d’émission, la spectrométrie de masse à étin- chaînes de décroissance des produits de fission.
celles et la spectrométrie de masse à source plasma (ICP/MS) Dans le contexte actuel, l’évolution des appareillages d’analyse
regroupées dans ce paragraphe ont deux caractéristiques multiélémentaire tend vers les couplages plasma-spectromètre de
communes : ce sont des techniques d’analyse de traces et elles masse (ICP/MS déjà commercialisé) et plasma-fluorescence.
permettent la détermination simultanée de plusieurs éléments. De
ce fait, leur domaine prioritaire d’application concerne non les
EUTU eux-mêmes, mais les éléments qui les accompagnent, 3.6.2 Fluorescence induite par laser dans le plasma
l’objectif de l’analyse étant soit un contrôle de qualité des produits
fabriqués, soit la vérification de spécifications. Les progrès récents Bien que, dans son principe, la technique soit monoélémentaire,
des techniques utilisant le plasma rendent aussi possible l’analyse il semble logique de l’inclure ici, puisqu’elle utilise le plasma haute
des EUTU. fréquence et permet de s’affranchir de l’interférence spectrale
signalée précédemment (§ 3.6.1).
3.6.1 Spectrométrie d’émission Le principe consiste à exciter sélectivement une espèce atomique
ou ionique à une longueur d’onde correspondant à une raie choisie
Les techniques les plus anciennement connues pour le dosage de de l’élément. L’excitation à l’aide d’un laser pulsé provoque une
traces dans l’uranium et le plutonium sont celles de l’étincelage sur transition électronique de l’espèce et engendre un signal de fluores-
électrodes de cuivre ou de graphite (dénomination d’usage cence.
commun : copper spark, graphite spark) appliquées aux solutions La faisabilité a été démontrée avec un appareillage prototype
ou celles de distillation fractionnée avec entraîneur (carrier distilla- pour l’analyse du plutonium au niveau des 10 µg/L dans des échan-
tion) appliquées à des solides pulvérulents. tillons où le rapport pondéral U/Pu était de 30 000 [75]. La méthode
Les techniques d’étincelage sont dans l’absolu les plus sensibles, peut être étendue à d’autres EUTU et éléments présents dans les
mais si l’uranium et le plutonium, qui ont des spectres d’émission combustibles et un appareillage bien adapté doit permettre
très complexes, constituent la matrice du produit à analyser, la d’abaisser d’un ordre de grandeur la limite de détection.
méthode est rapidement limitée dans ses performances. Quelques
laboratoires effectuent une séparation chimique, au moyen du TBP
par exemple, mais cette séparation requiert une bonne expérience 3.6.3 Spectrométrie de masse à étincelles
pour dominer correctement les risques de pertes ou de contamina-
tion.
L’ionisation est obtenue par une étincelle haute tension, haute
La distillation fractionnée, qui joue sur la différence de volatilisa- fréquence, entre deux électrodes formées de l’échantillon à
tion dans l’arc des impuretés et de la matrice, est souvent préférée. analyser.
Elle permet de doser directement de façon courante une trentaine
La méthode est bien adaptée à la recherche des impuretés dans
d’impuretés présentes dans des rapports massiques (élément
les solides. Son domaine d’application est plus vaste et plus homo-
trace/élément majeur) qui, suivant les éléments, varient de 10–7 à
gène que celui de la spectrométrie d’émission, puisqu’il est possible
quelques 10–5. La méthode nécessite de disposer d’échantillons de
de doser pratiquement tous les éléments, ainsi que leurs isotopes,
référence sous la même forme solide [72] et des variantes (sépara-
avec une sensibilité souvent plus élevée. Cependant, son utilisation
tion, autres techniques d’excitation) sont appliquées pour le dosage
en analyse quantitative est compliquée par différents facteurs :
d’impuretés non volatiles.
choix d’un élément de référence, réponse de la plaque, facteurs de
Plus récemment est apparue la technique du plasma induit par correction, etc.
haute fréquence (ICP) dans lequel est injectée la solution à analyser.
La température élevée, de l’ordre de 7 000 K, du plasma favorise la
dissociation des espèces et minimise l’effet interélément. Les
limites de détection sont de l’ordre de 1 à 10 µg/L, mais des interfé-
3.6.4 Spectrométrie de masse à source plasma
rences spectrales subsistent. Par exemple, U et Pu peuvent être (ICP/MS)
dosés dans des solutions pures au niveau de 10 µg/L, mais si U et Pu
sont présents simultanément dans un rapport élevé, l’analyse de La source d’ions est un plasma induit par haute fréquence. Une
l’élément minoritaire, de même que celle d’autres éléments interface permet de collecter les ions formés dans le plasma, à pres-
présents, devient plus difficile ; ainsi pour un rapport pondéral sion atmosphérique et de les transférer dans une zone à pression
U/Pu = 1 000, le plutonium ne peut être dosé en dessous en réduite où un dispositif d’optique ionique les focalise à l’entrée d’un
100 µg/L. analyseur de masses qui peut être :
La technique du plasma haute fréquence est d’une utilisation — un quadripôle ;
courante. Elle présente en milieu radioactif, grâce à sa sensibilité, — un secteur magnétique en tandem avec un secteur électrosta-
l’avantage de travailler sur des solutions diluées, avec une meilleure tique.
cadence et un temps de réponse plus court. Autre avantage : aux
La détection s’effectue soit par comptage d’ions, soit par collec-
restrictions données ci-dessus, l’analyse de U et Pu, ainsi que de Np,
tion de charges. Le premier mode est adapté aux analyses de très
Am, Cm, est possible en même temps que celle d’autres éléments.
faibles teneurs (jusqu’à des fractions de ng/L), le second s’applique
Des installations fonctionnent en milieu radioactif α et en milieu α, β
à des concentrations plus élevées (jusqu’à quelques mg/L).
et γ, c’est-à-dire en chaînes blindées [73]. Un exemple d’application
est l’analyse des produits de fission après extraction et avant L’introduction de l’échantillon est effectuée :
vitrification : la méthode fournit l’analyse d’une trentaine — par nébulisation, comme en spectrométrie d’émission ;
d’éléments, radioactifs ou non, qui sont incorporés dans les verres — par vaporisation électrothermique (ETV) ;
de confinement. — par ablation laser.
L’utilisation de la spectrométrie de masse à étincelles est Le caractère multiélémentaire et le mode de détection par discri-
restreinte à des contrôles particuliers et des recoupements occa- mination de masse confèrent à la spectrométrie de masse à
sionnels. Une adaptation en milieu radioactif a été réalisée pour le couplage plasma la capacité d’analyse de traces et de la mesure
plutonium [74]. isotopique des échantillons.

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Les effets de matrice sont bien moins importants que ceux culier en évitant la production d’effluents liquides et en minimisant
rencontrés en spectrométrie d’émission, ce qui permet de s’affran- le risque de pollution des échantillons. Il reste toutefois à résoudre
chir, dans de nombreuses applications des étapes de séparation. les problèmes d’étalonnage et de représentativité des résultats
La spectrométrie de masse à couplage plasma est particulière- d’analyse pour rendre ce mode d’échantillonnage tout à fait opéra-
ment bien adaptée à l’analyse des éléments les plus lourds du tionnel. Parmi les applications prévisibles, citons par exemple
tableau périodique. l’analyse d’impuretés dans l’oxyde de plutonium (après pastillage)
et la cartographie des pastilles frittées de combustibles nucléaires
Pour des échantillons issus de l’environnement (eaux de pluie, de vierges.
rivières, végétaux...), les limites de détection pour l’analyse de
l’uranium sont de l’ordre de 1 à 10 ng/L avec des appareillages stan- L’analyse multiélémentaire de très petites régions d’un échan-
dards quadripolaires [76]. tillon solide a recours à d’autres techniques de microanalyse telles
que les spectrométries de masse des ions secondaires (SIMS). Le
Des performances équivalentes sont obtenues pour la détermina- bombardement d’un échantillon par des ions lourds énergétiques
tion du plutonium. Toutefois, une séparation est nécessaire pour les produits parmi les espèces éjectées, des ions positifs et négatifs qui
matrices uranium qui présentent une interférence à la masse 239 sont analysés par un spectromètre de masse à secteur magnétique.
due à la formation d’hydrures (UH) dans le plasma. La résolution spatiale des faisceaux d’ions incidents de l’ordre de
L’utilisation d’accessoires tels que four graphite, pompage surdi- quelques micromètres permet l’analyse des EUTU sur de très petits
mensionné, module d’introduction de haute efficacité améliorent échantillons prélevés dans l’environnement. L’analyse isotopique
les performances en sensibilité [77]. de l’uranium sur quelques particules conduit par exemple à déter-
miner son taux d’enrichissement en isotope 235. Cette analyse est
un des moyens pour détecter des activités nucléaires dans des
3.6.5 Applications et perspectives régions à surveiller.

En analyses multiélémentaires, les techniques utilisant le plasma


comme mode d’excitation ou d’ionisation s’imposent dans les labo-
ratoires au détriment des spectrométries plus classiques.
3.7 Méthodes nucléaires
Les spectrométries d’émission ou de masse à couplage plasma
et spectrométrie des rayonnements
sont des techniques complémentaires qui couvrent un très large
domaine d’applications.
Une énumération condensée des techniques liées au caractère
La spectrométrie d’émission présente l’avantage de fonctionner radioactif des EUTU comprend les comptages et spectrométries α, β
dans des installations de très haute activité (chaînes blindées) et et γ, l’absorptiométrie γ en développement pour l’analyse de solu-
permet, par exemple, l’analyse d’actinides tels qu’uranium, améri- tions d’uranium en ligne, les mesures neutroniques, l’activation.
cium, curium à des concentrations de l’ordre de la dizaine de mg/L Quoique effet secondaire de la radioactivité, la calorimétrie (appli-
en présence de produits de fission. La spectrométrie d’émission à cable à des fabrications bien définies et reproductibles) peut être
couplage plasma s’utilise dans les gammes de concentration supé- rattachée à cette liste.
rieures au mg/L. Elle complète le domaine de teneur accessible en
spectrométrie de masse à couplage plasma en évitant les étapes de En raison de la spécialisation et de l’ampleur des sujets, nous
dilution, sources de pollution et d’effluents. nous bornons ici à citer quelques applications importantes.
La spectrométrie de masse à couplage plasma trouve de très
nombreuses applications dans l’analyse des EUTU où, pour
certaines d’entre elles, son adaptation en boîte à gants a été
3.7.1 Émission a
réalisée. La spectrométrie de masse à couplage plasma est une
technique d’analyse de traces appliquée à : L’émission α est une caractéristique de la majorité des isotopes
— l’environnement (eau, sols...) [77] ; des EUTU. La sensibilité de la méthode est inversement proportion-
— l’industrie du cycle du combustible : spécification des produits, nelle à la période de l’émetteur ; elle est la plus élevée pour les
contrôle des pertes, des effluents et des dêchets, suivi des procédés isotopes du curium, la plus faible pour Np, les isotopes supérieurs
[78, 79] ; de Pu et surtout de U. La qualité de la mesure dépend beaucoup de
— l’analyse en milieu biologique, la surveillance du personnel la qualité de la source, habituellement préparée par simple dépôt ou
[80]. par électrodéposition.
Les appareillages équipés d’un filtrage des masses par un secteur L’analyse par comptage ou spectrométrie α a été depuis long-
magnétique présentent des pouvoirs de résolution qui permettent temps la méthode de traces la plus utilisée pour le plutonium
de minimiser les interférences isobariques rencontrées en spectro- (Pu 238, 239 et 240). Elle est encore une des techniques les plus
métrie de masse quadripolaire et d’obtenir des analyses isotopiques sensibles, mais sa sélectivité diminue en fonction de la complexité
qui se rapprochent de celles obtenues par ionisation thermique sans des combustibles ; une séparation est souvent nécessaire.
toutefois atteindre le même niveau de précision. Par exemple, la Des exemples d’application sont :
spectrométrie de masse à couplage plasma à haute résolution (HR- — en usine, le contrôle des pertes et des rejets ; la vérification des
ICP/MS) est appliquée aux analyses de traces dans le nitrate spécifications de l’uranium recyclé (dosages de Np, Pu, 232U pour
d’uranyle. L’association de la spectrométrie de masse à couplage
plasma et de la chromatographie (ionique ou haute performance) des rapports massiques de 10–7 à 10–10 rapportés à l’uranium) ;
accroît la sélectivité des analyses, en particulier pour les échan- — hors de l’industrie, l’étude des transferts dans les milieux natu-
tillons complexes ou les matrices chargées telles que les solutions rels (eaux, sols, plantes) et les échantillons biologiques. Certains
de dissolution des combustibles irradiés [81]. laboratoires utilisent également la scintillation liquide (émission β)
[83].
L’ablation d’un échantillon solide par un faisceau laser est une
technique d’échantillonnage qui évite l’étape de mise en solution.
L’analyse multiélémentaire peut s’effectuer par la mesure directe de
l’émission induite par le plasma ou par spectrométrie de masse (ou
3.7.2 Rayonnement g
d’émission optique) à couplage plasma à partir des particules en
suspension produites par l’ablation laser [82]. Cette technologie La principale caractéristique des méthodes fondées sur la mesure
d’échantillonnage offre des perspectives intéressantes, en parti- du rayonnement γ est d’être non destructive.

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■ Dans la prospection minière de l’uranium, la prospection radio- ■ La gravimétrie : la méthode n’est pas sélective mais, si la pureté
métrique à comptage total, aéroportée ou au sol, est la méthode de du produit est connue, elle est précise et son mode opératoire est
base. Trois éléments U, Th, 40K ou leurs descendents sont émetteurs simple ; elle est appliquée en routine aux oxydes U3O8 et PuO2 pour
γ et l’énergie de leur rayonnement peut être discriminée par spectro- les bilans de produits finis.
métrie. L’émission γ de l’uranium 235 permet une mesure de la com-
position isotopique de l’uranium et un appareil de terrain a été ■ La chromatographie en phase liquide : la méthode est applicable
construit sur ce principe [84]. à la détermination de la concentration d’uranium dans les solutions
de retraitement des combustibles irradiés entre 0,1 et 500 g/L [88].
■ Dans les minerais, le dosage radiométrique de l’uranium total est Elle met en œuvre la technique de partage de paires d’ions sur une
effectué par la méthode Thommeret. Il s’agit d’une méthode par dif- colonne de silice greffée remplie de phase stationnaire de type C1.
férence où les émissions β et γ de l’échantillon sont comparées à cel-
les d’étalons, en considérant que le rayonnement γ est pratiquement ■ Les titrages complexométriques : peu spécifiques eux non plus,
dû aux seuls descendants du radium. Les mesures sont faites au ils sont cités pour mémoire. L’agent complexant, l’EDTA (acide éthy-
moyen d’un compteur type Geiger-Muller. lènediaminetétracétique), est utilisé pour les titrages de U, Pu, Am
dans des solutions pratiquement pures.
■ Dans le retraitement, l’utilisation principale de la spectrométrie γ
est l’analyse des produits de fission radioactifs. Une application aux ■ La polarographie : outre le développement à des fins analytiques,
combustibles est l’analyse de 241Am sur le pic à 59,6 keV. elle est un moyen d’investigation et de recherche et un important
travail a été effectué pour étudier les degrés d’oxydation des EUTU.
■ Dans les déchets solides, les principales raies γ du plutonium Un grand nombre de méthodes d’analyse sont décrites pour l’ura-
(région de 100 à 500 keV) permettent de déterminer (ou au moins nium en milieux acides et complexants. La polarographie du neptu-
d’évaluer) la composition isotopique, puis la masse de l’élément nium est décrite sur le couple (IV)/(III) [89], celle du plutonium sur le
[85]. Cette technique est encore en développement, en vue d’accroî- couple (V)/(III) [90].
tre sa précision et sa sensibilité, de même que le comptage de neu-
trons dont elle est complémentaire. ■ Pour le dosage de plusieurs dizaines d’éléments à l’état de traces
dans les EUTU, un éventail de méthodes colorimétriques est pro-
posé. Leurs résultats soit complètent, soit recoupent ceux de la
3.7.3 Mesures neutroniques spectrométrie d’émission. Il en est de même pour l’absorption ato-
mique dont l’utilisation tend à décroître avec l’apparition des sour-
ces à plasma. Par absorption atomique, l’analyse du plutonium a été
■ Méthode également non destructive, le comptage de neutrons réalisée au niveau du microgramme.
émis par fission spontanée et dus en majorité à 240Pu est une appro-
che à la détermination du plutonium dans des fûts de déchets. La ■ Il faut mentionner enfin des mesures physiques classiques, aveu-
méthode est sensible à la nature de la matrice. La spectrométrie γ gles en ce sens qu’elles n’identifient pas l’élément, simples et non
qui, elle, doit prendre en compte les effets d’absorption, apporte des destructives, mais valables si le flux à analyser est reproductible. Il
renseignements sur la composition isotopique et, par balayage, sur s’agit de la masse volumique – très précise et utilisée par exemple
la localisation spatiale du plutonium. pour vérifier l’homogénéité de solutions dans des cuves de grande
capacité – et d’autres paramètres, tels que la conductivité électrique,
■ Dans le retraitement, des systèmes de mesure neutronique sont dont la connaissance permet de résoudre des équations aboutissant
installés, avec capteurs in situ, pour contrôler la non-accumulation à la concentration d’un élément.
de matières fissiles à différents points du procédé.

3.7.4 Activation 4. Conclusion


L’activation neutronique en réacteur, outre son application à diffé-
rents dosages d’uranium, est sans doute la méthode la plus sensible La chimie analytique des EUTU a fait l’objet d’un développement
d’analyse du neptunium. Par la réaction nucléaire : 237Np (n, γ) qui, grâce à la diversité des procédés physico-chimiques de ces
238Np (de période 2,2 j) et par mesure sur le pic à 984 keV, on peut
éléments, conduit à disposer d’un grand éventail de techniques.
doser quelques nanogrammes. Dans certains cas, ces techniques ont un domaine d’application
Une réalisation intéressante, relative à l’uranium, est celle d’un commun, ce qui est quelquefois un avantage – l’utilisation de deux
appareil de dosage en ligne par la méthode des neutrons retardés méthodes qui reposent sur un principe différent aidant à la
[86]. La solution d’uranium est irradiée par une source de califor- recherche de l’exactitude – et ce qui d’autres fois donne une impres-
nium 252 provoquant la fission de 235U et conduisant à des produits sion de concurrence. C’est pourquoi il convient de compléter le
dont certains décroissent par émission de neutrons. Un prototype paragraphe 3 par quelques commentaires essayant d’orienter des
est en fonctionnement en usine de concentration. La méthode choix et de dégager des perspectives.
s’applique à des solutions, aqueuses ou organiques, dont la concen-
tration varie de 0,2 à plus de 100 g/L ; les précisions varient de 10 à
0,2 %.
Une mesure in situ du rapport 235U/238U dans des minerais est
4.1 Considérations d’ordre analytique
décrite selon un principe voisin [87] : la mesure est faite à partir des
taux de fission relatifs de 235U et 238U dans les spectres de neutrons ■ Précision : les titrages ou la coulométrie et la dilution isotopique
rapides et ralentis. en spectrométrie de masse à thermo-ionisation sont les trois métho-
des d’analyse les plus précises. Elles sont recoupées selon les cas
par la gravimétrie d’un oxyde, la spectrophotométrie de Pu(VI),
3.8 Autres méthodes l’absorption et la fluorescence des rayons X.
Les titrages et la coulométrie sont des méthodes de référence qui
interviennent dans l’étalonnage d’autres techniques. La spectromé-
D’autres méthodes, bien connues dans les laboratoires de toutes trie de masse est à la fois une méthode précise et une méthode
spécialités, s’ajoutent à celles décrites dans les paragraphes précé- d’analyse de traces ; son application à l’analyse élémentaire est
dents. d’autant plus logique qu’elle est indispensable à la détermination

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complète et précise des isotopes. Les résultats obtenus en spectro- généralement une prise d’essai diluée (ou non) dans un milieu
photométrie d’absorption et en spectrométrie X font ressortir compatible avec les normes de stockage ou autorisant un traitement
l’importance des progrès récents des appareillages (amélioration de simplifié, voire un recyclage.
la qualité des spectrophotomètres, des tubes X, des détecteurs,
informatisation qui permet une analyse plus aisée et plus fine du
signal) sur le domaine d’application d’une méthode.
■ Sensibilité et sélectivité : ces deux notions sont souvent liées
4.3 Considérations d’ordre
dans la pratique, en ce sens que les performances de méthodes technico-économique
classiques réputées sensibles sont la plupart du temps limitées dans
des milieux complexes.
La spectroscopie laser, grâce à l’intensité du rayonnement et à la ■ Coût des appareillages : la notion de coût d’un appareil d’analyse
finesse du faisceau, est à la fois sensible et spécifique et permet de doit être abordée avec prudence. S’il était facile de dire qu’une
plus d’exploiter à des fins analytiques d’autres propriétés du milieu méthode de titrage, dans des conditions simples d’application en
(exemple l’effet de lentille thermique ; cf. § 3.3.4). Un intérêt de la laboratoire n’utilise que du petit matériel courant, qu’un spectro-
spécificité est évidemment de s’affranchir des séparations chimi- photomètre valait 100 à 300 kF, un spectromètre de masse, un spec-
ques. tromètre X, de l’ordre de 1 MF, il faut maintenant prendre en compte
d’autres facteurs et comparer des choses comparables. Dans les
Les spectrométries à couplage plasma ont considérablement moyens modernes, les spécialités complémentaires à la chimie
restreint l’éventail des techniques dans les domaines où la mesure analytique : électronique de mesure et de commande, moyens de
doit être à la fois sensible et spécifique. Notamment, les perfor- traitement des résultats, etc., ajoutent au prix des appareillages. Un
mances de la spectrométrie de masse à couplage plasma en font dispositif d’automatisation peut coûter aussi cher pour une
une technique incontournable dans l’industrie nucléaire, pour méthode chimique simple que pour une méthode dite autrefois ins-
l’analyse des éléments en traces dans des matrices diverses trumentale. Enfin, en milieu radioactif, il faut ajouter le coût de
(produits finis, flux de procédé, effluents, environnement...). l’adaptation de la technique et celui des protections requises par la
taille de l’échantillon ; un poste de travail en cellule blindée repré-
sente un investissement de 1 à 2 MF.
4.2 Considérations relatives En première estimation, la prise en compte de ces différents
à la radioactivité facteurs diminue l’écart relatif entre le coût des équipements néces-
saires à la mise en œuvre de chacune des techniques. Cette estima-
tion doit être, bien sûr, reprise cas par cas en fonction du contexte
■ Masse d’éléments radioactifs dans la prise d’essai : cette donnée industriel.
regroupe deux préoccupations : la quantité d’élément consommée ■ Réalisation de l’analyse : un objectif à peu près général, c’est-à-
par l’analyse et qui s’accumule sous forme d’effluents radioactifs, dire non spécifique à l’industrie nucléaire, est d’exécuter les analy-
les moyens de protection dont l’importance est conditionnée par ses répétitives, soit en laboratoire selon un mode automatique, soit
l’activité de l’échantillon. en ligne, en ligne sur circuit dérivé, in situ, etc.
Pour donner des exemples, le titrage de l’uranium dans les L’intérêt est bien connu :
combustibles irradiés se déroule intégralement en enceinte blindée.
Dans le cas de méthodes sensibles comme la spectrométrie de — pour l’automatisme : simplifier le travail des opérateurs, dimi-
masse, seule la dilution de l’échantillon est faite dans l’enceinte (le nuer les risques d’erreur, améliorer la reproductibilité, augmenter la
surplus de l’échantillon pouvant être recyclé au procédé) et la suite cadence de production des résultats donc diminuer les temps de
du mode opératoire est menée avec des protections simplifiées. réponse, rentabiliser les appareillages ;
L’analyse des solutions de produits de fission par spectrométrie — pour les mesures en ligne : les mêmes avantages, plus élimi-
d’émission avec plasma consomme 4 mL/h d’une solution diluée. ner les allers et retours entre usine et laboratoire des échantillons,
éviter les risques d’évolution de ces échantillons, tendre vers le con-
■ Effluents : deux facteurs caractérisent un effluent d’analyse : son trôle en temps réel.
activité, surtout sa teneur en émetteurs α, et sa composition chimi- En milieu radioactif s’ajoutent deux motivations : diminuer les
que. risques d’irradiation du personnel et éliminer (grâce aux mesures en
La méthode idéale de ce point de vue est bien sûr celle qui est non ligne) les bancs de prises d’échantillons dont la réalisation est
destructive, cas des spectrométries X, γ, de l’activation et de coûteuse, ainsi que les transports par circuits pneumatiques.
certaines méthodes optiques. Les analyses par titrage, par spectrométrie de masse à thermo-
À l’opposé, des modes opératoires comme les titrages sans sépa- ionisation, par spectrométrie X ont déjà fait l’objet de réalisations
ration dans des milieux complexes donnent des effluents dont la automatiques en laboratoire, mais leur emploi n’est pas encore
composition chimique pose des problèmes. Ces modes opératoires généralisé. En ligne, outre l’analyse de UF6 déjà mentionnée, on
sont pourtant d’un usage assez général et leur adoption se justifie peut citer les développements entrepris pour la mesure de paramè-
en fonction des capacités de traitement et de rejet de l’environne- tres purement physiques, le dosage de l’uranium par absorptiomé-
ment industriel du laboratoire. trie γ et par activation, les mesures neutroniques.
Situées de façon intermédiaire, la plupart des autres méthodes Parmi les autres méthodes vues au paragraphe 3, les plus intéres-
produisent des effluents acceptables dans un procédé général de santes sont la spectrométrie X (absorption et fluorescence sur les
traitement : la composition chimique de l’échantillon est modifiée raies K, fluorescence sur les raies L), les méthodes optiques (§ 3.3 et
par l’addition d’un cation ou d’un anion non corrosif. 3.4) (fibres optiques et optodes) et les spectrométries à couplage
Le souci de simplifier la gestion des effluents contribue à dimi- plasma (§ 3.6).
nuer le nombre de méthodes purement chimiques au profit de tech- Un effort important d’adaptation reste à faire, qui devrait consti-
niques physiques ou physico-chimiques, ces dernières utilisant tuer un axe prioritaire de la recherche dans les années à venir.

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