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RETOUR SUR UNE CINQUANTAINE D'ANNÉES D'ÉCONOMIE DU

DÉVELOPPEMENT DANS LA REVUE TIERS MONDE

Philippe Hugon

Armand Colin | « Revue Tiers Monde »

2007/3 n° 191 | pages 717 à 741


ISSN 1293-8882
ISBN 9782200923945
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2007-3-page-717.htm
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RETOUR SUR UNE CINQUANTAINE D’ANNÉES
D’ÉCONOMIE DU DÉVELOPPEMENT
DANS LA REVUE TIERS MONDE

Philippe HUGON *

L’IEDES fête ses 50 ans, et la Revue Tiers Monde s’en appro-


che également. Qu’en est-il aujourd’hui de l’ambition ini-
tiale d’une revue à vocation interdisciplinaire ? En se limi-
tant à l’économie du développement, cet article différencie
quatre grandes périodes caractérisant l’évolution de la
revue : celle des fondements, avec un projet développemen-
taliste lié à la décolonisation ; celle des affrontements, avec
le tiers-mondisme et les luttes de libération ; celle de la pen-
sée hétérodoxe, en contrepoint à l’ajustement libéral dans
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un contexte de marchandisation ; et celle des échelles et des
acteurs locaux, de la décentralisation et des modèles de
développement alternatifs dans la prise en compte de la
pauvreté et du rôle des institutions.

Mots clés : Ajustement, capitalisme périphérique, écono-


mie du développement, échange inégal, institutionnalisme,
mondialisation, Tiers Monde.

Depuis près de 50 ans, l’Institut d’étude du développement économique et


social (IEDES) et la Revue Tiers Monde, créés respectivement en 1957 et en 1960
par Henri LAUGIER puis dirigés par François PERROUX, ont largement contribué aux
débats en économie du développement. Henri LAUGIER (1960) écrivait dans la
préface du premier numéro de la revue 1 :
« Tiers Monde aura un caractère interdisciplinaire, indispensable à l’étude du vaste
domaine qu’il fera effort pour explorer. Il étudiera les idées, les images et, au même titre
que les faits, les représentations que les hommes s’en font. Sur les territoires de ses
études, l’imagination, le rêve même, et l’action sont inséparables, car le développement

* Professeur émérite d’Économie, Université Paris X-Nanterre.


1 - Alors dénommée Tiers Monde (TM) avant de devenir la Revue Tiers Monde (RTM) en 1967.

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Philippe HUGON

est avant tout la victoire de l’homme sur tous les déterminismes et sur toutes les
fatalités. Tiers Monde tentera donc de rassembler les efforts des hommes de science et
de recherche, des enseignants, des administrateurs, et des hommes d’action. »

« Tiers Monde sera une publication ouverte à toutes les doctrines, à toutes les écoles,
à toutes les conceptions, aux idées les plus diverses, les plus non conformistes, les plus
hétérodoxes [...] C’est à cette tâche de libération de l’homme par l’homme, que la Revue
Tiers Monde souhaite modestement, mais fièrement, en tout cas courageusement et
sans défaillance, travailler ».

Qu’en est-il aujourd’hui, presque cinquante ans plus tard, de cette ambition
initiale ? Le monde a fortement changé, le Tiers Monde a éclaté et a été ques-
tionné comme objet d’étude, même si la revue a volontairement conservé le
terme au singulier. Les divergences sont croissantes entre les pays émergents et
les pays pris dans des trappes à pauvreté et, en même temps, de nombreuses
questions spécifiques pour étudier le Sud reviennent par un effet boomerang
pour analyser le Nord (informel, exclusion, pauvreté, etc.). Le concept de déve-
loppement, refusé par plusieurs disciplines, a fait l’objet de critiques venant
d’horizons divers, et certains voudraient le remplacer par ceux de mondialisation
et de développement durable, d’alter-développement, voire de décroissance.
L’ambition d’interdisciplinarité est restée, mais la tension a été de plus en plus
forte, étant donné la spécialisation disciplinaire du champ de l’économie stan-
dard se voulant bouclée sur elle-même sans liens avec d’autres disciplines. La
« libération de l’homme par l’homme » apparaît de moins en moins comme une
utopie fondant l’action dans un monde en partie désenchanté et souvent privé de
sens.
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La Revue Tiers Monde a été évidemment marquée par les grandes ruptures à
la fois contextuelles et intellectuelles. Mai 1968, qui a créé une crise importante à
l’IEDES et à la Revue Tiers Monde, avait été caractérisé par une radicalisation de la
pensée. Durant les décennies 1980 et 1990, la revue a relayé des questionne-
ments sur le problème de la dette, l’ajustement et l’hégémonie de la pensée
orthodoxe. À cette époque, les institutions de Bretton Woods ont exercé alors un
rôle de leadership à l’échelle mondiale ; c’est le « Consensus de Washington »
dont parle Oliver WILLIAMSON. Et la pensée libérale a occupé une place préémi-
nente en économie du développement ; elle a privilégié davantage l’individua-
lisme méthodologique et les tests empiriques. Elle s’est plus intéressée au com-
ment qu’au pourquoi, et à l’analyse des comportements des agents et du
fonctionnement des sociétés qu’à l’explication de leurs mutations structurelles.
L’économie du développement standard est devenue, pour de nombreux écono-
mistes, une simple application du corpus orthodoxe universel aux économies en
développement. La pensée dominante se veut aujourd’hui apolitique en niant
d’une part les conflits, la violence, l’aliénation, l’exploitation et les rapports de
force, et en s’intéressant d’autre part aux institutions et aux conventions, aux
compromis entre parties prenantes, aux modes de légitimation, au rôle de la
société civile et aux modes de gouvernance du local au global. L’éthique tend à se
substituer au politique. Les arbitrages entre efficacité économique, soutenabilité
écologique et équité sociale sont devenus les maîtres mots pour penser le déve-
loppement. Mais, en même temps, l’analyse économique notamment institution-
naliste a intégré dans son champ des thèmes traités par d’autres disciplines

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Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

sociologiques, politiques, anthropologiques. Le terrain d’une pensée hétérodoxe


a été ainsi concurrencé.
En se plaçant largement à contre-courant de ces discours, et en adoptant un
point de vue souvent critique et inter- ou pluridisciplinaire, la Revue Tiers Monde
se situe-t-elle en marge des avancées théoriques des disciplines ou est-elle au
coeur de nombreux questionnements fondamentaux ? Nous voudrions rappeler
certains points forts du cheminement de la revue depuis près de cinquante
années qui ont vu paraître 190 numéros et près de 2 000 articles. Nous nous
limitons toutefois aux écrits concernant l’économie du développement, et cette
focalisation renvoie évidemment à l’arbitraire du découpage disciplinaire pour
une revue se voulant interdisciplinaire. Il est toujours délicat de traduire sans
trahir, de ne pas subjectiviser la présentation. On n’entend souvent que ce que
l’on attend, et l’on ne voit que ce que l’on croit... Après avoir différencié quatre
grandes périodes, nous conclurons sur un bilan de ce qu’il reste aujourd’hui de
l’ambition initiale.

I – LES QUATRE PÉRIODES DE L’ÉCONOMIE


DU DÉVELOPPEMENT
Les principaux thèmes abordés par une revue tiennent à de nombreux fac-
teurs : les personnalités qui les animent (il faudrait notamment rappeler le rôle
des rédactrices en chef telles Gladys TRICOT, Isabelle DEBLÉ et Blandine GRAVELIN),
les effets de mode, les conjonctures mondiales, les moments de grandes césures
des trajectoires historiques, ou encore les évolutions de la pensée et des repré-
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sentations. Le délicat problème posé par la périodisation tient à ce que ces
facteurs lourds ne coïncident pas dans le temps, la démarche revêt donc un
certain caractère arbitraire. Au risque de simplifier de façon abusive, l’évolution
de l’économie du développement peut être présentée en quatre grandes pério-
des 2, qui ont chacune une traduction spécifique dans la Revue Tiers Monde
(tableau 1) :
- La période de la construction et des fondements (1960-1968) est caractérisée
par un projet développementaliste en lien avec la décolonisation.
- La période de la radicalisation et des affrontements (1968, 1975-1980) est
marquée par le tiers-mondisme et les luttes de libération.
- La période de la libéralisation et de l’ajustement (1980-1995) s’inscrit dans un
contexte de marchandisation.
- La période de la refondation et du post-ajustement (1995-2007), ou du désen-
chantement, correspond à la phase relativiste de prise en compte de la pauvreté
et des institutions dans un contexte de déconstruction/refondation.

2 - La périodisation effectuée est liée aux grandes transformations, telles que la décolonisation, Mai
1968, la dette permanente des années 1980, la chute du mur de Berlin en 1989, mais également aux
histoires spécifiques des pays du Tiers Monde, avec notamment la différenciation entre les pays
émergents et les pays pris dans les trappes à pauvreté. Si certains débats liés aux conflits idéologiques
sont permanents, ils émergent sur le devant de la scène en fonction des arrières-plans sociohisto-
riques. On peut avec KUHN différencier les progrès, les crises et l’élaboration de nouveaux corpus
dominants ou paradigmes. Cette périodisation est évidemment simplificatrice et de nombreux travaux
chevauchent les périodes. Nous avons été obligés de sélectionner certains textes, avec un biais
inévitable de subjectivité, et cette relecture ne se veut en aucun cas exhaustive.

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Tableau 1 - Les quatre grandes périodes de l’économie du développement
et la Revue Tiers Monde

Questions en Questions
Périodes en Paradigme
Contexte Paradigme alternatif dans la économie du posées dans la
économie du dominant en
historique Revue Tiers Monde développe- Revue Tiers
développe- ment économie
ment Monde

Dualisme Structures
Construction Décolonisation
Synthèse classico- Structuralisme Désarticulation Domination
et fondements Le Tiers Monde face
keynésienne Humanisme Cercles vicieux Polarisation
(1960-1968) aux deux blocs
Effets de seuil Accumulation

Luttes de libération Spécialisation


Radicalisation Paradigme Capitalisme
Nouvel ordre Dépendantisme Impérialisme appauvrissante
et affrontements néoclassique et périphérique
économique Marxisme Relations Nord/
(1968, 1975-1980) néo-ricardien Échange inégal
international Sud

REVUE TIERS MONDE - N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007


Libéralisation
Marchés efficients
Normalisation Paradigme néo-
Libéralisation et Ajustement hétérodoxe Droits de Ajustement
Divergences des classique
ajustement Économie politique propriété Modèles récessif Inégalités
pays semi- « Consensus de
(1980-1995) Néo-structuralisme d’équilibre Corruption Dette
industrialisés et des Washington »
général calculable
PMA

Néo Pauvreté
Objectifs du institutionnalisme Gouvernance
Violences
millénaire ou Déconstruction/refondation sur Trappes à
Refondation et Corruptions
Unilatéralisme institutionnalisme la base des pratiques des acteurs pauvreté
post-ajustement Acteurs locaux
américain Montée rationnel. et des configurations Asymétries
(1995-2007) Développement
en puissance des Microéconomie institutionnelles Informations
durable
pays émergents en information Modes de
imparfaite coordination
Philippe HUGON

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Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

1 – Le temps des fondements et de la décolonisation


(1960-1968)

Les années d’après-guerre ont conduit à la construction de l’économie du


développement, à partir de certaines contributions fondatrices en prolongeant,
voire en critiquant, la synthèse classico-keynésienne. Le keynésianisme de la
synthèse attribuait à l’État un rôle interventionniste en vue de pallier les défaillan-
ces ou l’inexistence des marchés. La pensée « structuraliste » mettra l’accent sur
les questions telles que : l’excédent structurel de l’offre de travail et le chômage
structurel ou déguisé, la divergence entre les prix du marché et les coûts sociaux,
le rôle des institutions dans les comportements, l’importance des séquences
entraînantes et des déséquilibres dans le processus de croissance, les trappes à
pauvreté ou cercles vicieux, les effets d’asymétrie dans la spécialisation internatio-
nale et la spécialisation appauvrissante, le rôle des structures. La démarche induc-
tive conduit à penser que l’universalité de la théorie ne vient pas d’une dérivation
axiomatique mais d’une généralisation et comparaison de faits stylisés (Nicholas
KALDOR). L’important n’est pas seulement l’adéquation des prédictions aux expé-
riences mais aussi le réalisme des hypothèses. La discipline d’économie du déve-
loppement cherchait ainsi à forger les concepts spécifiques au Tiers Monde et à
préconiser des politiques permettant un processus durable de développement
avec un rôle central de l’État. Le contexte était celui de la guerre froide et de la
place des non-alignés face aux deux blocs, capitaliste et communiste. Il s’agissait
d’élaborer un corpus scientifique spécifique pour les économies appelées alors
sous-développées ou en retard de développement. Cette approche visait à dépas-
ser les découpages disciplinaires par une conception globale. Elle abordait la
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question des valeurs et celle de la finalité de la production des biens et services.
« Le développement de tout l’homme et de tous les hommes » définissait le
développement comme « la combinaison des changements mentaux et sociaux
d’une population qui la rendent apte à faire croître durablement le produit
global » ou comme la « croissance avec progrès où la création économique pro-
page ses résultats au bénéfice de tous avec les moindres retards et les moindres
coûts humains et où les relations entre les hommes admettent une signification
intelligible aux plus défavorisés » (PERROUX, 1966).

Comparée à l’école anglo-saxonne, la pensée économique développée dans la


Revue Tiers Monde est davantage critique (trouver un sens au développement),
holiste (avoir une vision globale intégrée), tout en étant analytico-institutionnelle.
Elle se réfère peu à l’utilitarisme et privilégie la pluralité des valeurs et des règles
en ne dissociant pas économie et culture. Elle s’élabore, en opposition avec
l’orthodoxie d’alors, en considérant que les sociétés dualistes sont désarticulées
et extraverties. L’économie est partie intégrante des systèmes socioculturels ; les
institutions jouent un rôle essentiel ; les pouvoirs et les conflits sont au cœur de
l’économie ; le développement économique est un processus historique déséqui-
libré. Dès lors, le formalisme universel doit céder la place à des analyses plus
proches des économies sous-développées, de leurs contextes, de leurs normes,
de leurs valeurs, de leurs configurations institutionnelles et de leurs structures.

De nombreux pionniers de l’économie du développement ont collaboré à la


Revue Tiers Monde (HIRSCHMAN, 1966 ; MYRDAL, 1969 ; NICOLAI, 1962 ; PERROUX,

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Philippe HUGON

1960, 1966 ; PREBISH, 1964 ; SWEEZY, 1966 ; TINBERGEN, 1962). La tradition y est
humaniste et institutionnaliste. Elle privilégie le rôle des structures et des dyna-
miques d’encadrement dans le processus de développement ; elle considère que
les institutions ont un rôle régulateur face au caractère instable de l’économie de
marché. Dès lors que l’on intègre les acteurs, le développement est donc un
processus conflictuel et instable qui se traduit par des déficits et par des excé-
dents. Les effets d’entraînement, les boucles d’interaction se trouvent au cœur de
la dynamique à long terme.
François PERROUX est alors la figure emblématique de l’IEDES et de la Revue
Tiers Monde. À l’encontre d’une vision linéaire et équilibrée du développement,
où celui-ci serait mû par le marché auto-organisateur, il envisage l’économie en
terme de tensions, de distorsions, de déséquilibre. Il privilégie les pôles de
croissance, les effets de liaison, mais sans qu’il y ait déterminisme : « Il n’y a pas de
réponses aux relations causales complexes qui se nouent entre technologie,
idéologie, institutions et sociétés » (HIRSCHMAN, 1966). F. PERROUX distingue crois-
sance économique (accroissement des dimensions) et développement écono-
mique (extension de la complexité). Il différencie les périodes de développement
économique impliquant une modification des comportements et des structures
et les périodes de croissance caractérisées par une accélération ou un ralentisse-
ment du taux d’accroissement du produit global. Il analyse le sous-
développement comme un processus. L’ambition de conceptualisation de F. PER-
ROUX (1966) va au-delà de l’institutionnalisme. Il s’agit, dans une approche
topologique, de « formaliser des sous-ensembles en relations asymétriques et
irréversibles durant une période donnée ». Les principaux concepts utilisés sont
ceux d’asymétrie, de domination, d’équilibration, d’irréversibilité, de luttes/
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concours, de régulation, de polarisation et de coût de l’homme.
Les axes privilégiés alors par la revue étaient les grands enjeux internationaux :
« Coexistence pacifique » (RTM, 1968), les liens entre désarmement et développe-
ment (TM, 1966), la stabilisation des matières premières (ARDANT, 1962), la
dimension spatiale du développement et les pôles de croissance (BOUDEVILLE,
1961), la planification (TINBERGEN, 1962), les dimensions culturelles, institution-
nelles et les politiques du développement (cf. n° sur les blocages du développe-
ment : RTM, 1967, n° 30 ; HUGON 1967), l’économie ostentatoire (POIRIER, 1968),
le rôle de l’aide (COUTY, 1963 ; LEDUC, 1963). Le champ géographique incluait le
Japon (BROCHIER, 1962), l’URSS (BETTELHEIM, 1960 ; CAIRE, 1960), l’Espagne (RTM,
1967, n° 32). À l’époque, la Revue Tiers Monde et l’IEDES ont également joué un
rôle pionnier dans des travaux appliqués en faisant appel, comme le souhaitait
Henri LAUGIER, aux experts, administrateurs et hommes d’action. La macroécono-
métrie appliquée à l’Afrique et l’évaluation des effets de l’aide constituaient des
points forts de l’IEDES avec les travaux de Boris MALDANT (1968). Les chercheurs
de l’IEDES participaient alors à la mise en place d’instruments de politique
économique au sein des administrations (comptabilité nationale, services statis-
tiques). De nombreux aspects sectoriels du développement s’appuyaient sur les
centres de recherche de l’IEDES. Les principaux thèmes abordés concernaient
l’éducation et le développement (TM, 1960 ; 1964 ; DEBEAUVAIS, 1960 ; LÊ THÀNH
KHÔI, 1964), la santé et la nutrition, l’alimentation et l’agriculture (BADOUIN,
1962 ; DUMONT 1960 ; ÉTIENNE 1962 ; HARROY 1964), l’économie géographique et
l’espace.

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Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

2 – Le temps de l’affrontement et de la radicalisation


(1968, 1975-1980)

Mai 1968 a été un moment de crise à l’IEDES et à la Revue Tiers Monde,


entraînant le départ de F. PERROUX et la création de Mondes en développement.
Cela a aussi été le moment d’une radicalisation de la pensée se traduisant par un
rôle important de la pensée marxiste et dépendantiste face au structuralisme et à
l’humanisme chrétien « Perrouxien ». Les guerres liées à la décolonisation (Algé-
rie, Vietnam), la révolution maoïste en Chine et les mouvements de libéra-
tion contre l’impérialisme vont jouer un rôle important dans la radicalisation de la
pensée. La pensée structuraliste dominante dans la Revue Tiers Monde s’était
forgée contre (ou à côté de) la pensée économique keynéso-classique. La pensée
néo-marxiste, dépendantiste ou radicale se constitue en réaction contre le cou-
rant réformiste « structuraliste » et contre les schémas évolutionnistes qu’elle
assimile généralement à la pensée libérale. Elle critique prioritairement les bour-
geoisies « compradores ». Elle dénonce également le discours dominant des
bourgeoisies périphériques sur le volontarisme étatique, l’analyse privilégiant la
politique, le culturel, les mentalités ou le cadre national et oubliant les classes
sociales et la détermination par l’économie. Le cadre dominant d’analyse devient
le capitalisme mondial et les liens entre centre et périphérie. Un clivage apparaît
entre les analyses africanistes davantage structuralistes et les analyses latino-
américaines davantage dépendantistes, alors que l’Asie (exception faite de la
Chine) est moins concernée par ces débats. La pensée développementaliste se
focalise alors, sous le nom de Tiers-mondisme, autour des questions de l’impéria-
lisme, de l’échange inégal, des exploitations des classes par les bourgeoisies ou
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les féodalités, et des luttes sociales, avec une focalisation sur l’Amérique latine
(courant dépendantiste). La pensée radicale est influencée par la pensée mar-
xiste ; pour l’essentiel forgée en Europe centrale ou de l’Est, elle est devenue,
largement à la suite de migrations liées au nazisme, nord-américaine (FRANCK,
1984 ; SWEEZY, 1966), ou latino-américaine (PREBISCH, 1966). Les grandes ques-
tions théoriques traitées sont celles de la transformation de la valeur en prix, de
l’exploitation de la périphérie, de l’articulation des modes de production. Il y a
relecture des théoriciens de l’impérialisme (HILFERDING, KAUTSKY, LÉNINE, Rosa
LUXEMBOURG) et affrontement entre les courants liés au parti communiste, au
maoïsme et au trotskysme.

La Revue Tiers Monde a largement participé à cette critique radicale (AMIN,


1972a ; CARDOSO ; 1976 ; FURTADO, 1972 ; EMMANUEL, 1976 ; SALAMA, 1976 ; SINGER,
1976). La critique du dualisme est faite sur un plan théorique en référence à
l’accumulation dans les pays capitalistes sous-développés. Le courant dépendan-
tiste privilégie l’intégration au capitalisme comme facteur déterminant du sous-
développement ; il rejette généralement le projet de modernisation pour celui de
déconnexion vis-à-vis du marché international et de substitution des importa-
tions. Le sous-développement n’est plus défini comme un retard ou un écart de
développement mais comme un produit du développement capitaliste. Il n’est
plus interprété comme une histoire qui se répète (sous-développement retard)
ou qui est comparée (sous-développement écart) mais comme une histoire qui
s’impose avec violence. Sous-développement et développement ne sont que les
deux faces d’une même réalité : l’accumulation du capital à l’échelle mondiale,

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Philippe HUGON

l’impérialisme, l’économie mondiale capitaliste (AMIN, 1972b ; DOWIDAR, 1965).


Les travaux néo-ricardiens sur l’échange inégal en termes de prix de production
servent à montrer un transfert de valeur de la périphérie vers le centre par une
péréquation des taux de profit (EMMANUEL, 1976). Au-delà de la cinématique
formelle des modèles de croissance post-keynésiens ou néo-classiques, les ana-
lyses du développement relient le processus d’accumulation, la répartition du
surplus et les classes sociales. L’accumulation des périphéries ou des pays capita-
listes sous-développés est resituée dans le contexte du capitalisme mondial
conduisant à un développement inégal. Elle est analysée en termes de sectionne-
ment du système productif, de séquences industrielles à partir des liaisons agro-
industrielles, d’effets d’entraînement.

L’analyse du développement repéré dans des territoires locaux, régionaux ou


nationaux a alors tendance à se déplacer vers des analyses globalisantes en termes
d’insertion des formations sociales périphériques dans la dynamique du capita-
lisme mondial. Certains numéros portent sur le capitalisme périphérique (RTM,
1972), l’économie mondiale (IKONICOFF, 1980). Les travaux français redécouvrent
les travaux de l’impérialisme de la fin du 19e siècle en privilégiant les firmes multi-
ou transnationales (MICHALET, 1976), les secteurs ou sections productives (OMI-
NAMI, 1979 ; PALLOIX, 1980), ou encore les différentes phases de valorisation du
capital. La question des transferts de technologie est privilégiée (GERMIDIS, 1976 ;
DE BANDT, 1976). On observe également une focalisation de la revue vers l’Améri-
que latine. Trois principaux axes sont développés, dans le cadre des catégories
marxistes ou dépendantistes : l’axe externe ou mondialiste privilégie l’accumula-
tion mondiale et l’insertion de la périphérie dans l’économie mondiale, la ques-
tion de l’échange inégal, le capitalisme périphérique ; l’axe interne ou anthropo-
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logique privilégie une analyse en termes de spécificité et d’articulation des modes
de production ; et l’axe praxéologique privilégie quant à lui une analyse en termes
de sectionnement de l’appareil productif, d’« industries industrialisantes » et de
planification de l’accumulation (DESTANNE DE BERNIS, 1974).

À côté de la pensée tiers-mondiste qui domine la scène, l’économie du déve-


loppement reste en partie segmentée autour des clivages anciens. La Revue Tiers
Monde continue de publier des articles d’économie appliquée sur des thèmes
privilégiés : éducation, espace, nutrition et alimentation sont liés au centre de
recherche de l’IEDES. Plusieurs numéros se situent dans l’axe des représenta-
tions préconisées par H. LAUGIER (CAIRE, 1974 ; HAUBERT, 1978). Selon AUSTRUY
(1974), le développement est un scandale dont les coûts à court terme sont
supérieurs aux avantages et dont les comptes sont trompeurs, d’où la nécessité
de pouvoir faire des « paris sur structures neuves ». Les travaux de terrain, notam-
ment ceux consacrés à l’Afrique, se situent dans la tradition Perrouxienne tout en
intégrant l’anthropologie et les apports du dualisme (HUGON, 1968). On note
également le maintien d’une pensée historique sur le Tiers Monde (BAIROCH,
1969) et d’une recherche prospective (MASSE, 1971). La question urbaine et
spatiale demeure un point fort de la revue avec les travaux des géographes
SANTOS (1971), KAYSER (1977) et ROCHEFORT (1988). Il en est de même pour les
travaux sur l’éducation (BUGNICOURT, 1971).

L’IEDES et la Revue Tiers Monde vont jouer un rôle pionnier dans la prise en
compte de l’environnement (BUGNICOURT, 1977). L’éco-développement et les

724 REVUE TIERS MONDE - N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007


Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

questions d’environnement (SACHS, 1971) visent à réaliser une harmonisation


entre les objectifs économiques, sociaux et écologiques ; ils privilégient la sécu-
rité alimentaire et énergétique. Le nouveau style de développement, qui s’oppose
au mal-développement, suppose un modèle endogène, une autonomie de déci-
sion, la satisfaction des besoins et la prudence écologique. Le développement
soutenable répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité pour
les générations futures de satisfaire les leurs. Il renvoie à un principe de précau-
tion longue et de contrat ou d’équité intergénérationnelle. L’IEDES et la Revue
Tiers Monde introduiront également en France le débat sur l’informel : avec
l’étude réalisée en 1976 sur le secteur informel et la petite production mar-
chande, dirigée par Philippe HUGON avec Alain MORICE, qui donnera lieu à un
ouvrage de la collection Tiers Monde (DEBLÉ et HUGON, 1981) et un numéro de la
revue (HUGON, 1980). Ce thème sera repris et développé notamment par
B. LAUTIER.

Les ingénieurs-économistes des sociétés d’études, des grandes écoles et des


administrations développent une approche modélisée et approfondissent les
catégories keynéso-classiques à partir des travaux de comptabilité nationale, de
planification, d’allocation des ressources et de choix des projets (telle la méthode
des effets) (CHERVEL, 1974). Les modèles de planification utilisés alors sont dans la
tradition de KEYNES-LÉONTIEF ; le système de quantités est invariant aux modifica-
tions de prix. Dans les modèles de programmation linéaire d’allocation des
ressources, les prix duaux ne sont pas nécessairement des prix d’équilibre.

3 – Le temps de l’ajustement et de la libéralisation


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(1980-1985 ; 1995)
a – Les ruptures historiques

Les années 1980 vont se traduire par une nouvelle rupture contextuelle et
intellectuelle dont la Revue Tiers Monde sera en partie le reflet. L’échec ou
l’utopie du Nouvel ordre économique international apparaît au milieu des années
1970. Après le premier choc pétrolier, la flambée des prix des matières premières
et les excédents de pétrodollars, les pays du Sud se lancent dans un processus
d’endettement qui conduira lors du renversement de tendance, après le second
choc pétrolier de 1980, à un endettement permanent. Les différenciations crois-
santes au sein du Tiers Monde ou de la périphérie conduisent à un éclatement de
l’objet lié à l’hétérogénéité des terrains, des institutions, des cultures et des
pratiques des acteurs et à l’étude des Tiers Nations singulières ou des Tiers
Mondes pluriels. Plusieurs débats se focalisent sur la réussite des nouveaux pays
industriels, sur le rôle joué par les stratégies d’ouverture et sur les transforma-
tions des hiérarchies internationales. Les questions de la mondialisation et du
développement durable, largement abordées précédemment dans la Revue Tiers
Monde, occupent le devant de la scène dans les débats des sciences sociales.

Dans un contexte d’endettement permanent et de crise en Afrique et en


Amérique latine, on note une remise en question des schémas globaux et des
analyses en termes réels, avec l’épuisement des modèles de régulation étatique,
la rupture des trends de croissance, la financiarisation de nombreuses questions

N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007 - REVUE TIERS MONDE 725


Philippe HUGON

économiques. La montée des instabilités, l’autonomisation de la sphère finan-


cière ou la gestion de la dette conduisent à privilégier les équilibres macro-
financiers et les ajustements de court terme aux dépens des projets de dévelop-
pement de longue période. La pensée libérale et les institutions de Bretton
Woods exercent un leadership doctrinal. Il y a, à la fin de la décennie 1980,
effondrement des systèmes socialistes en Europe de l’Est et fin de la guerre froide
dans le Tiers Monde.

Enfin, la fin des « Trente Glorieuses » réduit le clivage Nord/Sud et conduit,


pour les sociétés industrielles, à reposer les questionnements du développement
en termes de pauvreté, d’exclusion, de marginalité, d’insertion dans une écono-
mie mondiale asymétrique. L’économie du développement tend à éclater en
plusieurs champs conduisant à un approfondissement analytique et réduisant la
spécificité de celle-ci par rapport à l’économie en général.

b – L’hégémonie de la pensée orthodoxe et la recherche d’une


pensée hétérodoxe

La pensée dominante en économie du développement est influencée par ces


ruptures. Dans la pensée main stream, on observe un déclin de l’approche
globale du développement (courants marxiste, structuraliste et dépendantiste) et
de l’anthropologie économique du développement. Les travaux historiques
cèdent la place à des travaux analytiques plus formalisés, reposant sur une métho-
dologie précise et ou une délimitation du champ de validité de l’économie à
partir de découpage de la réalité en éléments simples. L’économie du développe-
ment s’est également largement déglobalisée et a été approfondie autour des
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principaux champs disciplinaires.

Il demeure certes une pensée keynésienne originale, mais l’effondrement de


son hégémonie correspond alors au diagnostic dominant de l’épuisement des
modèles du Welfare state et de l’État-providence, même si les prélèvements
obligatoires ont continué de croître dans les pays du Nord. La dévalorisation du
marxisme est liée aux échecs des socialismes qui aboutiront à la chute du mur de
Berlin. L’incohérence entre la macroéconomie keynésienne (expliquant les dés-
équilibres par la rigidité des prix) et la microéconomie (supposant la flexibilité
des prix permettant l’allocation des ressources) conduit à un rejet de la
macroéconomie keynésienne et à une réécriture en termes de comportements
individuels, de marchés particuliers et d’anticipation rationnelle.

Dès lors que le marché acquiert un statut d’universalité, que l’ordre spontané
est supposé l’emporter sur l’ordre décrété, et que la rationalité substantielle
devient l’axiomatique, l’économie s’autonomise et l’économie du développe-
ment perd sa spécificité. Le marché est censé jouer un rôle auto-régulateur et
stabilisateur. La nouvelle économie du développement néo-classique et néo-
institutionnaliste se situe dans le cadre des méthodes hypothético-déductives, de
l’individualisme méthodologique, de la réfutabilité poperienne. La pertinence
d’une théorie n’est pas fondée sur le réalisme des hypothèses mais sur sa capacité
prédictive. Les techniques économétriques deviennent centrales pour fonder un
discours qui demeure réfutable. Elles posent toutefois le double problème
d’endogénéité et de passage de la corrélation à la causalité. Les progrès de

726 REVUE TIERS MONDE - N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007


Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

traitement de l’information ont permis d’asseoir une démarche visant à se rap-


procher des sciences dures, à partir de banques de données individuelles. Ces
travaux ont pris en compte de manière croissante les institutions et leurs liens
avec le processus de développement, notamment par le biais des coûts de
transaction et de l’innovation. La tradition des écoles d’ingénieur avait mis en
place au lendemain de la guerre des modèles postkeynésiens et dualistes. Elle a
cédé la place à des modèles d’équilibre général calculable qui introduisent les
prix relatifs et s’opposent aux modèles keynésiens de demande ou aux modèles
structuralistes d’enchaînements régressifs. Ces modèles reposent sur des fonde-
ments microéconomiques : les interactions des comportements individuels des
agents qui maximisent sous contrainte leurs fonctions-objectifs.

L’essentiel des travaux sur le développement était traditionnellement élaboré


en termes réels. La priorité accordée aux déséquilibres financiers, au poids de la
dette ou à la montée des inflations a conduit à privilégier la sphère monétaire et
financière et à débattre autour de la libération financière. Les principaux débats
portent sur les effets d’éviction, sur la répression financière, sur l’endettement
optimal, sur les taux de change d’équilibre, sur le cycle de vie de la dette, sur
l’impact des flux financiers, sur la croissance ou sur l’économie d’endettement.

c – La dominance de travaux hétérodoxes dans la Revue Tiers


Monde

La Revue Tiers Monde est moins présente dans ces débats privilégiant la
microéconomie du développement, les modèles d’équilibre général, les travaux
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économétriques, les travaux néo-institutionnalistes. Elle développera des posi-
tions hétérodoxes sur l’ajustement en Amérique latine et en Afrique (IKONICOFF,
1980 ; SALAMA 1987 ; LAUTIER et SALAMA, 1989) tout en en présentant des travaux
plus orthodoxes (MORRISSON et OCDE, 1991). Des réflexions seront poursuivies
sur l’économie du développement (GRELLET, 1987). Les numéros sur la dette du
Tiers Monde (MASINI, 1984), sur le rôle de la demande (FONTAINE, 1993), sur
l’ouverture hétérodoxe en liaison avec la CNUCED (AKYÜZ et FONTAINE, 1994)
renverront à des travaux néo-structuralistes. Les questions de l’État (JACQUEMOT,
1983), de l’aide (HESSEL, 1973) et de la coopération (SID AHMED, 1983) seront
traitées. La revue développera des numéros sur le financement décentralisé et la
microfinance (GENTIL et HUGON, 1996). Les nouvelles analyses structuralistes
(FONTAINE, 1993) ou régulationnistes sur la Corée du Sud (LANZAROTTI, 1986)
prennent en compte, dans la tradition de l’économie du développement, les
asymétries internationales, les blocages structurels, les liens entre répartition et
accumulation ou la nature des biens et services échangés (biens salariaux et biens
de luxe). Mais elles raisonnent en économie ouverte (contrainte de compétitivité,
rôle de l’attractivité des capitaux et des techniques), elles lient la stabilisation
financière à court terme et le long terme. Les liens entre inégalités de revenus et
croissance sont relativisés en fonction des contextes internes et internationaux et
du rôle des politiques économiques et sociales. Sur le plan normatif, les stratégies
de développement supposent des combinaisons de politiques macroécono-
miques orthodoxes et de politiques industrielles volontaristes. Le comparatisme
analytique et empirique est central pour contextualiser les théories et les
thérapies.

N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007 - REVUE TIERS MONDE 727


Philippe HUGON

À côté du débat sur l’ajustement et le libéralisme, la revue traitera de nom-


breuses autres questions, notamment celles de la drogue, de la corruption et du
développement (SALAMA et SCHIRAY, 1992 ; CARTIER-BRESSON, 1992), du développe-
ment durable (BENACHENOU, 1992 ; PASSET, 1992 ; STREETEN 1992 ; BEAUD, 1994),
de la remise en question du développement (LATOUCHE, 1984), de l’industrie (SID
AHMED et VALETTE, 1988 ; HUMBERT, 1986).

4 – Le temps du post-ajustement et d’un essai


de refondation (1995-2007)

a – Transformations des relations Nord/Sud et nouvelles


configurations du Tiers Monde

La nouvelle phase de la mondialisation a fortement modifié la donne. Elle se


traduit par des interdépendances croissantes des marchés liés à l’ouverture exté-
rieure, par une dominance du capital financier, par un poids lui aussi croissant
des grands oligopoles transnationaux, par des révolutions des technologies et
notamment celles de l’information et de la communication, de la miniaturisation
et du stockage de l’énergie et de l’information, et par une mondialisation de la
criminalité et des zones de non droit. Cette phase pose la question de la régula-
tion transnationale face au débordement des États lié à leurs faibles moyens et
aux acteurs transfrontaliers (firmes multinationales, réseaux islamistes, etc.). Les
questions environnementales ont pris une acuité croissante et celles des interdé-
pendances aux échelles régionale et planétaire sont devenues centrales (climat,
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épidémiologie, sécurité, migrations, biodiversité, etc.).

La mondialisation et la régionalisation en cours se traduisent par l’émergence


de nouvelles puissances économiques, diplomatiques et militaires. Elles peuvent
conduire à une nouvelle reconfiguration multipolaire. Les relations cardinales et
verticales Nord/Sud tendent à se combiner avec des relations horizontales Sud/
Sud : d’un côté, les puissances émergentes ont tiré profit de la mondialisation,
avec souvent accentuation des disparités sociales internes ; de l’autre, les pays
pauvres sont pris dans des trappes à pauvreté et ont tendance à être marginali-
sés ; et, en même temps, de nouvelles configurations Sud/Sud émergent. L’ana-
lyse du Tiers Monde en est transformée.

On observe une inversion des relations financières Nord/Sud. Les pays émer-
gents, disposant d’armements et (ou) de ressources financières d’hydrocarbures,
pèsent de plus en plus sur l’échiquier international. En 2006, leur excédent de
balance courante a représenté près de 5 % de leur PIB, soit un total de 590 mil-
liards de dollars US. L’inversion des flux financiers traditionnels Nord/Sud donne
aux pays émergents des capacités de financement, notamment dans les pays en
développement. En 2006, les réserves de change de l’Asie sont estimées à près de
3 000 milliards de dollars US. Ces excédents renvoient en Amérique latine à des
investissements relativement faibles ; ils s’expliquent en Asie par des taux d’épar-
gne très élevés. Ces pays émergents veulent se faire une place en tant que
puissances financières dans une architecture internationale organisée par les
puissances occidentales au lendemain de la seconde guerre mondiale.

728 REVUE TIERS MONDE - N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007


Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

Certes l’espace international demeure structuré politiquement par des rap-


ports de puissance entre les États hégémoniques disposant des forces militaires
et technologiques. Il est structuré économiquement par les firmes oligopolis-
tiques et par les actionnaires institutionnels. Certes les États-Unis demeurent
l’hyperpuissance mondiale. Mais la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud
pèsent aujourd’hui dans le débat international à côté du G8. Le BRIC (Brésil,
Russie, Inde, Chine), la création de l’IBAS en 2003 à Brasilia (partenariat trilatéral
Inde-Brésil-Afrique du Sud) ou les différents sommets (Chine-Afrique en novem-
bre 2006, Afrique-Amérique latine en 2006, pays arabes et sud-américains en
mai 2006) illustrent cette émergence de nouvelles relations et diplomaties Sud/
Sud. Celles-ci s’appuient sur le hard power avec des ressources militaires, finan-
cières et pétrolières. Elles utilisent également le soft power avec une rhétorique
tiers-mondiste d’intérêts communs entre des pays sous-développés ayant subi les
effets de la colonisation ou de l’impérialisme. La pluralité des zones d’influence
donne aux États du Sud des marges de manœuvre vis-à-vis des puissances hégé-
moniques et des organisations internationales qui imposent des conditionnalités.
Les deux géants asiatiques, la Chine et l’Inde, permettent aux pays partenaires
du Sud de bénéficier d’apports en capitaux et en technologies, de diversifier les
zones d’influence et d’accroître les marges de manœuvre dans les négociations
internationales, même si les relations économiques se situent souvent, en fait,
dans un registre post-colonial. En Amérique latine, la diplomatie Sud/Sud de LULA
confirme le rôle pivot de Brasilia dans une Amérique latine entraînée à gauche par
le nouvel axe Venezuela-Cuba, mais aussi par l’Argentine et l’Uruguay. Hugo
CHÁVEZ utilise de son côté la diplomatie pétrolière avec un mélange de rhétorique
bolivarienne et de réalisme pragmatique. L’Afrique du Sud est devenue une
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puissance régionale en Afrique et a en partie remplacé les anciennes puissances
coloniales dans le jeu diplomatique. La « nation arc-en-ciel » développe son aire
d’influence par le biais de sa puissance militaire, de l’Union africaine et de la
diplomatie de négociation de Thabo MBEKI visant à « trouver des solutions afri-
caines aux problèmes africains ». Les puissances pétrolières arabes et (ou) musul-
manes (Arabie saoudite, Indonésie, Iran, Lybie, Pakistan, Syrie) sont moins orga-
nisées sur le plan régional mais elles pèsent fortement dans la diplomatie Sud/
Sud, par le biais de l’OPEP, par l’appui à certains États amis ou par le financement
de réseaux religieux.
Les nouvelles relations Sud/Sud s’appuient sur une pluralité d’acteurs. La
nouvelle configuration internationale mobilise des acteurs publics et privés dis-
posant à la fois de pouvoirs structurels et relationnels. À une logique de territoria-
lité s’ajoute une logique réticulaire, que ces réseaux soient religieux, mafieux, liés
aux diasporas ou aux mouvements alter-mondialistes.

b – La remise en cause du « consensus de Washington »


Ces nouvelles configurations internationales sont accompagnées par une
remise en cause du corpus standard et de ses implications en termes de politique
économique, notamment pour les pays pris dans des trappes à pauvreté. Avec les
capacités de financement de l’aide des pays émergents, le rôle des fondations
privées ou l’importance des transferts d’argent effectués par les migrants, les
institutions de Bretton Woods ont perdu de leur influence. De nombreuses failles

N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007 - REVUE TIERS MONDE 729


Philippe HUGON

sont apparues dans le « consensus de Washington » et une pensée du post-


ajustement ou du post-consensus de Washington émerge. Les investissements
sociaux apparaissent comme une condition du développement, une répartition
équitable favorise la croissance et un État facilitateur du développement permet
des marchés efficients. Les questions se déplacent vers l’institutionnel et le
politique (qualité institutionnelle, good governance, démocratie, conditionnali-
tés politiques, corruption). De nombreux phénomènes remettent en cause les
hypothèses de convergence, de régulation des marchés, d’homogénéisation de
l’espace mondial ou d’inefficience des régulations des autorités gouvernemen-
tales. Le milieu de la décennie 1990 se caractérise par des phénomènes tels que :
l’ampleur et la soudaineté de la crise des pays émergents, notamment est-
asiatiques, les risques systémiques liés à la globalisation financière et à la volatilité
des capitaux, les mesures d’allégement de la dette multilatérale et d’annulation
de la dette des 41 pays les plus pauvres lors du sommet du G8 de Cologne, ou la
montée de la pauvreté et de la précarité dans la grande majorité des pays pris
dans des trappes à pauvreté n’ayant pu bénéficier de la mondialisation. Dans
l’agenda des bailleurs de fonds, les questions d’environnement et de lutte contre
la pauvreté sont devenues prioritaires. L’accent est mis prioritairement sur les
réformes institutionnelles (« bonne gouvernance », État de droit, concertation
des parties prenantes, rôle de la société civile, etc.).

Dans un tel contexte, avec cette nouvelle phase de la mondialisation, sur


quelle base l’économie du développement se reconstruit-elle ? Peut-on parler
d’une refondation correspondant à la phase post-ajustement, ou bien y a-t-il
dilution de l’économie du développement ? La Revue Tiers Monde a pris en
compte les nouveaux processus de mondialisation, de régionalisation (HUGON
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1998 ; 2002a) et de migrations, ainsi que les liens entre l’efficience économique,
l’équité sociale et la soutenabilité écologique, avec les marchés des droits (KAR-
SENTY et WEBER, 2004). Elle a analysé le libéralisme et mis le « Consensus de
Washington en question » (GRELLET, 1999). Elle a traité des principales puissances
par des dossiers : Chine (AUBERT et al., 1996), Afrique du Sud (COPANS et MEUNIER,
1999 ; COUSSY, 1999), Moyen-Orient (DESTREMAU, 2000 ; SID AHMED, 2000), Inde
(LANDY, 2001), Brésil (VASCONCELLOS, 2001 ; MARQUES-PEREIRA, 2007). L’Afrique est
devenue moins présente comparée à l’Asie, à l’Amérique latine ou au monde
arabe.

Dans un monde en voie de globalisation et d’exclusion, d’interdépendances


et de replis identitaires, les mafias politiques, les trafics de drogue et les diffé-
rentes formes de criminalité accompagnent la pauvreté et la marginalité du plus
grand nombre. La mondialisation criminelle actualise les questions centrales de la
corruption, de la guerre ou de la criminalité avec leur recherche de richesses et
leurs jeux de pouvoirs, y compris pour les activités les plus illicites ou criminelles :
les numéros sur les drogues (SALAMA, 1999), les violences (CARTIER-BRESSON et
SALAMA, 2003) ou la corruption (CARTIER-BRESSON, 2000) complètent ceux parus
en 1992.

La revue a été influencée par un courant privilégiant les enjeux pluriculturels,


le jeu des représentations et de l’imaginaire, le rôle du local et du particulier, de
l’informel et du non-institutionnel ; ce courant préconise la lutte contre la pau-
vreté et la satisfaction des besoins essentiels, la protection de l’environnement et

730 REVUE TIERS MONDE - N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007


Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

des écosystèmes. On note, chez les ONG et les mouvements militants, un glisse-
ment depuis les synthèses théoriques ou doctrinales vers les pratiques concrètes
du développement, un refus du mimétisme conceptuel, et un retour aux acteurs
par opposition aux systèmes et au culturalisme par opposition à l’économisme.
Dans le mouvement féministe, intégrer les femmes au développement permet
d’élaborer un développement alternatif ; l’accent mis sur la relativité culturelle
peut aboutir au refus du développement ou à un alter-développement. De nou-
veaux thèmes ont été traités à côté de sujets plus économiques : la religion et les
croyances (GOUSSAULT, 1990), la santé mentale (BIADI-IMHOF, 2006), le rôle des
femmes (DESTREMAU et LAUTIER, 2002 ; SAMUEL et ATTANÉ, 2005) ou encore l’éco-
nomie solidaire (FRAISSE, GUÉRIN et LAVILLE, 2007). La revue a été en phase avec les
nouvelles interrogations mettant l’accent sur les ONG (LE NAËLOU et FREYSS,
2004), la décentralisation et le développement local (DUBRESSON et FAURÉ, 2005),
la pauvreté et la prévoyance sociale (DESTREMAU, LAUTIER, 2000), les logiques
participatives. Elle a traité des marges et des acteurs du bas, davantage que des
coeurs et des sytèmes.

En revanche, ont été moins traitées, voire abandonnées, certaines grandes


questions renvoyant à la géopolitique et à l’économie politique internationale :
l’État, l’architecture internationale, le fonctionnement du capitalisme financier,
l’industralisation ou les nouvelles configurations Nord/Sud, exception faite du
numéro sur la coopération internationale (GUICHAOUA, 1997). La revue a été
également peu présente sur les questions d’éthique du développement et sur les
débats entre liberté et responsabilité, alors que ceux-ci étaient centraux chez
F. PERROUX, notamment avec son concept de couverture des « coûts de
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l’homme ». Pour A. SEN (1999) comme pour John RAWLS, la liberté précède la
responsabilité et les choix ne se posent qu’une fois satisfaits les biens premiers
qui ne ressortent pas de l’utilitarisme mais d’un contrat social d’ordre éthique. La
revue a peu traité du débat institutionnaliste qui domine largement le champ de
l’économie du développement (néo-institutionnalisme ou institutionnalisme
rationnel, institutionnalisme historique et régulationniste, conventions, etc.).
Deux numéros en préparation, dirigés par Christian PALLOIX sur les institutions et
le développement et par Eric BERR sur le financement du développement,
devraient combler en partie ces manques.

II – QUEL BILAN TIRER DE CES CINQUANTE ANNÉES


D’ÉCONOMIE DU DÉVELOPPEMENT DANS LA REVUE ?

1 – L’évolution du contexte de la revue

La Revue Tiers Monde n’a plus le monopole qu’elle avait lors de sa création.
Elle est dans le monde francophone concurrencée par des revues telles Autre-
ment, Revue d’économie du développement ou Mondes en développement. Les
revues en économie du développement jugées d’excellence (trois ou quatre
étoiles aux classements des instances d’évaluation économique) sont aujourd’hui
anglo-saxonnes.

N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007 - REVUE TIERS MONDE 731


Philippe HUGON

La Revue Tiers Monde s’est toujours placée dans le cadre de la mondialisation


et des relations Nord/Sud. Mais les phases de la mondialisation et les relations
Nord/Sud se sont transformées. Depuis la création de la Revue Tiers Monde en
1960, la population mondiale a plus que doublé en passant de 3 milliards d’habi-
tants à 6,5 milliards. La quasi-totalité de ce doublement provient du Sud. Celui-ci
regroupe aujourd’hui 80 % de la population et 20 % de la richesse mondiale. Mais
on note une réduction de la pauvreté dans les pays émergents, notamment l’Inde
et la Chine qui représentent 2,3 milliards d’habitants, alors que la population
en-deçà du seuil de pauvreté a doublé en Afrique en passant de 115 millions à
235 millions. Les non-alignés représentant le Tiers Monde continuent d’être
présents dans l’architecture internationale, mais de nouvelles configurations sont
apparues, avec notamment le G20 qui regroupe les pays émergents et dont de
nombreux intérêts diffèrent de ceux des pays les moins avancés. Ce constat
empirique rappelle à la fois la survivance du clivage Nord/Sud et l’éclatement des
Sud. La revue reste questionnée par le Tiers Monde, au singulier ou au pluriel.

La revue doit faire face aux critiques sur l’économie du développement.


Celles-ci viennent de l’extérieur, des tenants de l’orthodoxie économique qui
assimilent croissance et développement, remettent en cause l’interdisciplinarité
de la revue et soulignent l’universalité des catégories économiques. Mais, au sein
même de la Revue, des critiques issues des sphères de nombreuses sciences
sociales s’adressent à l’économicisme, à la formalisation, voire à l’aliénation mar-
chande de l’économie. Les écologistes (notamment de la deep ecology) mettent
en avant les priorités environnementales et les risques qu’encourt la planète face
au productivisme et à l’évolutionnisme qui sous-tendraient le développement
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économique. Un courant anti-développement (LATOUCHE, 1984) critique le
modèle occidental imposé sous le nom de développement.

Au-delà de ces critiques, il s’agit de savoir ce qui demeure aujourd’hui de la


spécificité de la pensée en économie du développement exprimée dans la Revue
Tiers Monde, et sur quelle base elle se reconstruit en période de « crise du
développement ». L’économie du développement présente dans la Revue Tiers
Monde a connu des évolutions. Elle demeure évidemment marquée par des
débats internes et, selon le voeux de H. LAUGIER, plusieurs écoles de pensée se
confrontent. Dans l’ensemble, les points de vue développés ont été pluriels et les
paroles du Sud ont été importantes.

2 – Les Critiques de l’économie du développement

Peut-on répondre à la question posée initialement, la Revue Tiers Monde se


situe-t-elle en marge des avancées théoriques des disciplines ou est-elle au coeur
de nombreux questionnements fondamentaux ? Cette question renvoie plus
fondamentalement à l’existence ou non d’une refondation de l’économie du
développement et au bilan d’une pensée hétérodoxe. Pour ne citer que quelques
exemples, la Revue Tiers Monde s’est questionnée sur certaines avancées issues
des débats sur le concept de développement (par exemple sur les capabilités de
A. SEN), sur le tournant institutionnaliste intermédiaire entre l’institutionnalisme

732 REVUE TIERS MONDE - N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007


Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

rationnel fondé sur l’individualisme méthodologique et l’institutionnalisme histo-


rique de type holiste, sur l’économie géographique selon Paul KRUGMAN formali-
sant les relations complexes entre centres et périphéries, ou encore sur l’écono-
mie politique internationale prenant en compte les reconfigurations des Tiers
Mondes dans un contexte de mondialisation (HUGON, 2006). Sur le plan analy-
tique, on note une convergence entre les théories du développement et les
nouvelles théories économiques, qu’elles se référent à la nouvelle économie
internationale, à la nouvelle économie géographique ou à la croissance endo-
gène. Le cadre analytique est celui de la concurrence imparfaite, des asymétries
d’information, des rendements d’échelle, des externalités et des effets d’agglo-
mération. Le contexte est celui d’un univers incertain où les acteurs ont des
pouvoirs asymétriques.

Par définition, une pensée hétérodoxe du développement ne peut avoir la


même cohérence que le corpus orthodoxe.

- La pluridisciplinarité suppose d’intégrer les résultats des autres sciences


sociales et non d’appliquer les outils néo-classiques aux autres champs. Ainsi les
institutions ne peuvent être réduites, comme le suppose l’économie néo-
institutionnelle, à relativiser la rationalité substantielle, la coordination mar-
chande. Ce courant les traite de manière endogène avec un fondement microéco-
nomique. Les systèmes et configurations institutionnels ont, au contraire, une
épaisseur historique et sont, comme le reconnaît l’institutionnalisme historique,
un cadre déterminant pour comprendre les trajectoires des sociétés.

- Le pluralisme des paradigmes tient à la diversité des représentations et des


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contextes qui fondent les catégories économiques. Toutes les théories écono-
miques sont positives et normatives. Les faits et les catégories sont construits à
partir de filtres renvoyant à des jugements de valeurs, à des évaluations et
méthodes de mesure liées à des éclairages partiels, à des relations de pouvoir.
Ces systèmes de valorisation sont eux-mêmes fonction des sociétés étudiées.
Selon les sociétés, la valeur accordée au passé et au futur ou les droits de
propriété diffèrent.

3 – Les axes du renouveau de l’économie


du développement
À défaut d’une refondation de l’économie du développement, quatre axes ont
été approfondis dans la Revue Tiers Monde, mais insuffisamment intégrés pour
fonder un nouveau paradigme.

- Sur le plan microéconomique, au mythe de l’individu rationnel calculateur et


mû par ses intérêts, doit faire place la personne ambivalente, « égocentrique et
allocentrique » (PERROUX, 1966), dotée de raison et de passion (HIRSCHMAN, 1966),
précautionneuse ou aventureuse, ayant le sens du devoir ou exprimant sans
réserve sa libido, et située dans des contextes différents. Il faut dès lors dépasser
la microéconomie standard du développement en information imparfaite et
mobilisant : la théorie des contrats (relations principal/agent), les asymétries
d’information qui conduisent à des sélections adverses ou à des aléas moraux, ou

N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007 - REVUE TIERS MONDE 733


Philippe HUGON

encore la rationalité limitée et l’incertitude. Dans les sociétés marchandes, les


motifs irrationnels et pulsionnels pour la détention de l’argent sont une manière de
nier la mort par une épargne ou un investissement infinis. Ces raisons et passions
permettent de construire des idéaux-types freudo-keynésiens : rentier, « sanguin »,
spéculateur ou hedger, les acteurs sont situés. Les normes sociales, propres à
chaque société et intériorisées par les acteurs, modèlent les comportements. Les
institutions sociales, par l’éducation religieuse, morale, civique, et également par
les systèmes d’incitation et de sanction, cherchent à canaliser ces pulsions et à
introduire ou non le sens moral. La socialisation se réalise souvent par la violence
(cas des enfants soldats ou des orphelins des rues). Les acteurs agissent dans un
univers plus ou moins risqué ou incertain. Dès lors, dans plusieurs sociétés sous-
développées, ils privilégient le court terme du marché avec des stratégies très
individualistes et les investissements intergénérationnels de l’appartenance à des
réseaux sociaux. Le poids du quotidien conduit à une très forte préférence pour le
présent et l’immédiateté, dans un contexte où dominent l’instabilité, la faible
espérance de vie, l’insécurité, la précarité. Mais ces logiques se situent également
dans l’horizon du long terme des appartenances communautaires et des stratégies
intergénérationnelles, voire dans l’investissement dans l’au-delà.
- Au niveau macroéconomique, la question centrale demeure celle définie par
les économistes classiques ou par les cambridgiens et les post-kéynesiens : les
liens entre accumulation et répartition au sein de différents régimes politiques de
croissance, comme le souligne le numéro intitulé « Argentine, Brésil : Sorties de
crise ? » (MARQUES-PEREIRA, 2007) et les travaux de B. LAUTIER, J.-M. FONTAINE,
J. MARQUES-PEREIRA ou P. SALAMA. La macroéconomie du développement des
néostructuralistes met l’accent sur la demande effective, sur les facteurs structu-
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rels endogènes, sur les modes d’insertion dans la division internationale du travail
ou encore sur les liens entre répartition et accumulation. Elle relie équilibrages de
court terme et croissance de long terme et reste réservée vis-à-vis de la substitu-
tion d’importation, du rôle des entreprises publiques ou d’une protection face au
marché mondial. La macroéconomie du développement raisonne en concur-
rence imparfaite (nouvelle économie internationale, nouvelle économie géogra-
phique à la KRUGMAN), ou croissance endogène avec la rigueur de la formalisation,
les intuitions de Gunar MYRDAL (1969), de Albert O. HIRSCHMAN (1966) ou de
François PERROUX (1966) sur les processus cumulatifs, les effets d’entraînement,
les externalités positives liées à la combinaison de plusieurs facteurs et les effets
de seuil permettant d’échapper à la trappe du sous-développement. La prise en
compte de la diversité des trajectoires suppose l’analyse des processus évolutifs
et involutifs, des environnements institutionnels, et de lier pouvoirs politiques et
économiques. Une économie politique du développement implique de dépasser
les théories des « public choice » sur les recherches de rente ou celles de la
gouvernance, en mettant l’accent sur le rôle des biens publics mondiaux (HUGON,
2002b) et en analysant les jeux de pouvoir internes aux sociétés et internationaux.
- Au niveau mondial, la compréhension des nouvelles configurations Nord/Sud
et de la place des Tiers mondes dans la mondialisation suppose de refonder une
analyse des relations asymétriques entre centres et périphéries, cœurs et marges,
qui interdisent de raisonner dans le seul cadre d’États-nations. L’échange inégal
renvoie fondamentalement aux partages de la valeur ajoutée vers les activités
immatérielles liées aux images, aux marques, à la publicité. Le capitalisme financier

734 REVUE TIERS MONDE - N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007


Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

tend à donner un pouvoir dominant aux actionnaires institutionnels et il se traduit


par une exubérance irrationnelle des marchés financiers et par des placements
court-termistes se faisant aux dépens des investissements de long terme. En même
temps, l’émergence des nouvelles puissances modifie les relations Nord/Sud, à
commencer par les transferts financiers, et conduit à de nouvelles diplomaties
Sud/Sud.

- La flèche du temps est celle de l’irréversibilité (l’histoire intervient comme


facteur structurant des devenirs possibles) et des cheminements pluriels (liés aux
incertitudes, aux stratégies d’adaptation des acteurs, aux essais/erreurs, etc.). Le
capitalisme et l’ordre marchand s’étendent, même s’ils ne détruisent pas les
anciens ordres comme la locomotive écraserait la brouette. Les processus de
développement renvoient à une diversité des trajectoires. Les forces du marché
planétaire conduisent au triomphe de l’individualisme et du pouvoir de l’argent,
avec différentes intensités et résistances selon les sociétés, mais aussi exclusion et
montée de la vulnérabilité et de la précarité dans de nombreuses zones y compris
les pays capitalistes développés. Il y a ainsi hybridation des ordres. Selon les
sociétés, les institutions dominantes sont religieuses, militaires, politiques ou
économiques. Il importe ainsi, pour comprendre les évolutions institutionnelles,
de partir de faits stylisés ou modèles de référence et de voir comment ceux-ci ont
été altérés dans l’histoire. L’évolution des sociétés conduit à des changements
d’agencement, de hiérarchie et d’architecture entre institutions.

- Le développement ne peut ainsi renvoyer à un schéma évolutionniste en


termes de phases institutionnelles. L’histoire est bourgeonnement. La dynamique
est stochastique. Les sociétés sont des systèmes ouverts où interviennent des indé-
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terminations, des poly-causalités et des acteurs innovants doués d’intention. Les
transitions institutionnelles sont plurielles et permettent d’opposer les processus
évolutifs aux processus involutifs. Les configurations institutionnelles diffèrent radi-
calement entre les pays émergents, les pays pauvres pris dans des trappes à pau-
vreté et les États faillis, fragiles ou en conflit connaissant des processus involutifs.

- La Revue Tiers Monde a posé des questions centrales qui peuvent contribuer
à une refondation de l’économie du développement, car celle-ci reste à faire. La
mondialisation et les questions environnementales réactualisent aujourd’hui les
intuitions des pionniers du développement telles qu’elles se sont exprimées dans
la revue. Les trajectoires sont multiples. Le développement n’est pas un mimé-
tisme. Il est l’épanouissement des potentialités et des capacités propres aux
diverses sociétés et aux personnes qui les composent. Dans un contexte de rareté
des ressources planétaires non reproductibles pour la majorité des pauvres de la
planète et d’abondance et de gaspillage pour les riches, se posent à la fois des
questions d’allocation, de création et de distribution des ressources. Des effets de
seuil, liés à des trappes à pauvreté, apparaissent de manière significative pour les
pays les moins avancés. Dès lors, les recettes préconisées se font davantage au cas
par cas et le comparatisme devient une méthode privilégiée pour mettre en
regard la pluralité des trajectoires et des contextes sociohistoriques et sociopoli-
tiques des sociétés des Sud.

La très grande différenciation de ce que l’on appelait il y a peu le Tiers Monde,


la périphérie ou le Sud, réduit fortement l’altérité voire l’exotisme d’un monde

N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007 - REVUE TIERS MONDE 735


Philippe HUGON

sous-développé radicalement différent. Symétriquement, la montée de l’exclu-


sion, de la pauvreté, de la marginalité ou de l’informel au « Nord » rapproche des
questionnements de l’économie du développement. Le poids de l’ethnicité, du
culturel, du religieux, des rapports sociaux domestiques est essentiel pour com-
prendre les sociétés industrialisées, développées ou capitalistes. Les principales
questions que l’économie du développement posait ont été transposées par des
effets de boomerang dans les sociétés industrielles (pauvreté, dualisme, secteur
non-marchand, segmentation des marchés, informalité, non-cohérence des sys-
tèmes productifs en économie ouverte, exclusion, etc.) et à l’Est (transition). Le
salaire d’efficience, la segmentation des marchés du travail, l’existence d’équili-
bres multiples, le rôle des externalités dans la dynamique économique, les effets
d’hystérésis, ou le rôle des institutions dans la mise en place du marché sont des
approches à vocation universelle.

4 – La Revue Tiers Monde, un lieu de débats


sur les méthodes et les politiques de développement

Les débats méthodologiques ont été présents dans la Revue Tiers Monde. Ils
opposent l’individualisme méthodologique et l’holisme, la dimension normative
et éthique de l’économie du développement et sa dimension positive et poli-
tique. Les conceptions déterministes des sciences sociales en termes de repro-
duction et de détermination par l’économie affrontent les analyses introduisant
les incertitudes et les pluralités des trajectoires. La prise en compte d’une écono-
mie pluri- ou multidimensionnelle oblige à penser la complexité, à dialoguer avec
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l’incertitude, avec les enchevêtrements riches en indétermination, tout en pre-
nant en compte le prix des nouvelles raretés, celui des ressources non renouve-
lables et non reproductibles comme le concevaient H. LAUGIER ou F. PERROUX.
Faut-il partir des cœurs ou des centres des systèmes pour comprendre la totalité ?
Ou, au contraire, celle-ci ne peut-elle être saisie que par les marges, les périphé-
ries et les pratiques « a-normales » ? L’économie est politique. Le développement
ne peut être mis en œuvre indépendamment des changements dans les rapports
de force internationaux, dans les conflits internes aux économies dominées et
dans les compromis sociaux et politiques.

Il n’y a évidemment pas au sein de la Revue Tiers Monde un consensus à


préconiser en matière de politiques économiques. Mais il y a un accord majoritaire
en faveur d’une nécessaire réforme de l’architecture internationale donnant voix
au chapitre aux pays du Sud, et de politiques actives pour sortir des trappes à
pauvreté et enclencher un processus durable de développement. Face à un libéra-
lisme asymétrique, aménager des écluses est indispensable pour les mises à niveau,
favoriser les apprentissages est nécessaire pour permettre une compétition entre
des coureurs surdopés et des coureurs handicapés. La mondialisation ne peut être
intégrante que si elle est encadrée, régulée, et est accompagnée de mécanismes
redistributifs à l’échelle mondiale. La satisfaction des besoins alimentaires et en eau
potable, sanitaires et éducatifs sont plus que jamais des défis du développement. Ils
impliquent à la fois de nouveaux modes de production, de répartition et de
consommation des richesses, ainsi que des investissements sociaux, dans les pays
industriels et de façon non mimétique dans les pays émergents.

736 REVUE TIERS MONDE - N° 191 - JUILLET-SEPTEMBRE 2 007


Retour sur l’économie du développement dans la Revue Tiers Monde

En conclusion, la tradition issue de Henri LAUGIER et de François PERROUX


rappelle que l’interrogation scientifique sur le développement économique est
liée à une interrogation éthique et philosophique. Celle-ci porte sur les sens que
les agents donnent à ce processus, qu’ils maîtrisent ou subissent et auquel ils
participent ou dont ils sont exclus. Il n’y a pas de sens de l’Histoire mais des
histoires auxquelles les hommes donnent sens.

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