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G. A.

Koselenko

Les cavaliers parthes. Aspects de la structure sociale de la


Parthie.
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 6, 1980. pp. 177-199.

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Koselenko G. A. Les cavaliers parthes. Aspects de la structure sociale de la Parthie. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 6,
1980. pp. 177-199.

doi : 10.3406/dha.1980.1407

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1980_num_6_1_1407
LES CAVALIERSPARTHES

Aspects de la structure sociale de la Parthie

En 1968, entre autres documents nouveaux découverts à Staraja Nisa,


I. D'jakonov et V. Livcic ont publié un ostracon fort intéressant (Nov. 280-
bis, 72 av. n. ère) : « Ce khum contient 18 maris de vin de Sasan, cavalier. Versé
pour l'année 176, livré par Rashnu, porteur de vin, qui habite le village de
Kamuk» (l)*.Les auteurs firent remarquer que le terme « sb'r » (cavalier) avait
été enregistré pour la première fois dans les documents parthes bien que les
« cavaliers » fussent connus à une époque plus tardive, sous les Sassanides en
tant que groupe particulier de la noblesse.
Les cavaliers formaient alors une catégorie sociale et le terme même ne
signifiait pas seulement «cavalier» mais aussi «chevalier» (2).
En outre, pour des raisons linguistiques, les auteurs de la publication
avancent l'hypothèse qu'un ordre (état) de cavaliers devait exister déjà sous
les Achéménides, car la forme perse de « sb'r » remonte à « asabâra » (en
vieux-perse ; le terme spécifiquement parthe serait « spbr» ou « spb'r»). L'em
prunt du terme au perse se retrouve dans le bactrien « ao&opo » (« aa|3ar »)
et dans le terme composé «ааЗароЗибо» (« аа&гз iô ») — chef de la cavalerie
(3).
Pour compléter ces considérations, on pourrait également citer les info
rmations attestant l'existence d'un même ordre de cavaliers en Sogdiane et en
Arménie au début du féodalisme (4) ; cependant, ce document joue un rôle
particulier pour l'histoire de la Parthie ; aussi devons-nous le reconsidérer dans
une optique plus large. Son importance s'explique par le fait qu'il fournit une
preuve écrite de l'existence d'un même ordre de cavaliers comme une entité
à part et permet par là-même d'étudier, à partir d'une base nouvelle, les
témoignages des auteurs antiques relatifs à la composition et à la nature de
l'armée parthe ainsi qu'aux rapports sociaux dans des régions autochtones du
Royaume des Parthes. On trouve dans les écrits antiques des indications qui
permettaient de supposer que même auparavant le terme de cavalier qui y
était employé avait un contenu militaire et technique aussi bien qu'une signi
fication sociale; mais cette hypothèse n'a reçu de fondement concret qu'après
la découverte de l'ostracon ci-dessus mentionné.
Face à ce problème, on se réfère habituellement à Justin (Épitomè
de Trogue Pompée) et à Plutarque (Crassus). Il existe certes d'autres indi
cations chez des auteurs antiques ; mais il ne s'agit là que de mentions fortuites
*Voir notes p. 196.
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et sporadiques, alors qu'en l'occurrence, nous sommes en présence d'info


rmations courtes mais suffisamment complètes et qui traitent spécifiquement
du problème en question (surtout celles de Justin). Il convient de les citer.
Justin aborde la nature des rapports sociaux en Parthie dans sa description
de l'armée parthe : «A l'opposé des autres peuples dont l'armée est libre, celle
des Parthes se compose, en majeure partie, d'esclaves (sed maiorem partem
servitiorum habent) et, comme nul n'a le droit de les affranchir, ils naissent
tous esclaves (ac per hoc omnibus servis nascentibus) et leur nombre croît de
jour en jour. Autant que les hommes libres et initiés, ils sont formés, avec
grand soin, à monter à cheval et à tirer à l'arc. En temps de guerre, plus un
Parthe est riche, plus il livre au roi de guerriers montés. Si bien que lors-
qu'Antoine était en guerre avec les Parthes, il avait à affronter une armée de
50 000 cavaliers dont 400 seulement étaient des hommes libres (soli CCCC
liberi fuere)» (Just. XLI, 2, 5-6).
La deuxième indication se trouve un peu plus loin, dans la partie ethno
graphique du chapitre qui traite des mœurs des Parthes : « Ils passent toute
leur vie à cheval : montés, ils font la guerre, festoient, vaquent à leurs affaires
privées et remplissent leurs magistratures. A dos de cheval, ils se déplacent,
s'arrêtent, marchandent et s'entretiennent. Enfin, on distingue les esclaves
des hommes libres par le fait que ces derniers {liberi) ne se déplacent pas
autrement qu'à cheval alors que les esclaves (servi) le font à pied » (Just.
XLI, 3, 4).
Dans sa biographie de Crassus, Plutarque, parlant du général Suréna,
rapporte ceci : « Suréna n'était pas un homme du commun ;mais en richesse,
en noblesse et en gloire, û était le premier après le Roi ; par la valeur, la pru
dence et l'expérience à la guerre, le premier des Parthes ; et par la beauté de
son corps et de son visage, il égalait ou surpassait les mieux faits. Quand il
marchait en campagne, son train seul était composé de mille chameaux qui
portaient son bagage, de deux cents chariots pour ses concubines, de mille
cavaliers tout couverts de fer, et d'autres plus nombreux, armés davantage
à la légère (tTtnets ôt кахасрраихсп xl^loi, TtÀeiovxEe ôè xûv koúqov
TuxpéneuTCov) ; car de ses vassaux ou de ses esclaves, Я pouvait faire jusqu'à
dix mille cavaliers ( e ÍX e ôè xoùe auunavxag inneCç оцои neAaxag xe
иал ôoCv.ous uupicûv âuoôéovxae)» (Plut. Crass. 21, 14-23).
Ces témoignages ont maintes fois fait l'objet d'une analyse historique.
Sans nous arrêter sur toutes les considérations émises à ce sujet, citons
néanmoins les points de vue les plus typiques. Ainsi, sans se référer prat
iquement au second témoignage de Justin ni à celui de Plutarque mais prêtant
attention à la première indication de Justin, M. Masson (5) considère que la
majorité écrasante des guerriers parthes n'étaient point des esclaves mais une
certaine catégorie de la population dépendante. Et puisque la société romaine
ne présentait pas d'analogie totale avec une couche sociale identique, c'est
le terme «servitum» (esclavage, serviture, dépendance, subordination) qui fut
employé pour la désigner. De l'avis de M. Masson, l'essence de cette forme de
dépendance réside dans le fait que les Parnes (comme toutes les tribus dahes),
étant essentiellement nomades et éleveurs semi-sédentarisés, se trouvaient, au
moment de leur apparition sur la scène historique sous les Arsacides, au stade
des relations patriarcales et esclavagistes, tout en connaissant encore les rud
iments de celles qui étaient propres à l'époque de désintégration du régime
communautaire. Dans ce contexte, la majorité de la population était dépen
dante de la noblesse et sa situation se traduisait par les termes « pelatai » =
«clients» (6). C'était une dépendance à vie due à la conquête d'autres
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tribus par les Parnes, ces premiers réduits au statut de « clients collectifs» . Par
la suite, cette situation a évolué laissant place à une nouvelle forme de dépen
dance propre au régime esclavagiste. Ce processus fut accéléré par l'enrôl
ement de vrais esclaves dans l'armée parthe.
Malgré plusieurs conclusions qui nous paraissent très judicieuses (impor
tancede la conquête par les Parnes des régions peuplées par des sédentaires
pour la formation des structures sociales de la Parthie), l'analyse de M.
Masson ne semble pas être satisfaisante. Elle est contestable, tout d'abord, du
fait que la seconde indication de Justin, en contradiction avec la première,
n'a pas été prise en considération et que, d'autre part, la présence dans la
même source de deux assertions qui s'excluent mutuellement n'a pas retenu
l'attention de l'auteur. En outre, sans le justifier le moins du monde, l'auteur
considère le seul et même texte de Justin comme témoignage de deux
époques différentes. Or, cela ne donne pas le droit de prétendre que la rela
tion de Justin couvre également la période où l'armée était encadrée par les
hommes dépendants et celle où elle fut renforcée par les esclaves.
La situation en Parthie sur le plan social apparaît autrement (mais tou
jours due à l'analyse des sources mentionnés ci-dessus dans l'ouvrage de
N. Pigulevskaja) (7). Cet auteur se réfère aux deux témoignages de Justin.
En analysant le premier, M. Pigulevskaja déduit que l'armée des Parthes était
composée essentiellement de population dépendante. Les rapports de
dépendance sont hors de doute puisque : 1) nul n'a le droit d'affranchir ces
hommes ; 2) ils naissent tous esclaves. L'auteur prétend découvrir une
« nuance subtile » entre les termes « servi » et « servitores » et compare ces
derniers aux notions d'esclaves et de clients. Aussi croit-elle possible de tra
duire « servitores » comme « dépendants». A son avis, l'armée parthe avait un
nombre minime de « liberi » . Confrontant et opposant l'un à l'autre les deux
témoignages de Justin, N. Pigulevskaja explique la contradiction entre eux
de la façon suivante : dans le premier cas, il s'agirait des « clients », non libres
et dépendants (désignés comme « servitores ») ; dans le second, il serait ques
tion des esclaves proprements dits. Pour appuyer son assertion, l'auteur
recourt également aux indications de Plutarque.
Ce point de vue ne semble pas incontestable car N. Pigulevskaja omet de
constater que, dans le premier témoignage de Justin seulement, la même
catégorie est appelée tantôt « servi » tantôt « servitores ». En outre, elle ne
voit pas de contradiction dans sa propre déduction selon laquelle la seconde
indication de Justin ne fait mention que d'esclaves et d'hommes libres et la
catégorie de « dépendants » fait complètement défaut.
Enfin récemment encore, ce genre de problème a attiré l'attention
d'A. Belenickij (8). S'opposant à la thèse de la prédominance des rapports
esclavagistes en Asie centrale à l'époque antique, il se réfère aux informations
contenues dans les ouvrages de Justin et de Plutarque. Selon lui, la mention de
la présence des esclaves dans l'armée parthe doit être comprise comme une
preuve de l'existence d'une garde encadrée par des esclaves (gouliames)
bien connue dans l'histoire de l'Asie centrale et du Proche-Orient. Or,
cette explication paraît douteuse. D'abord, il faudrait avoir des justif
ications méthodologiques que l'auteur ne possède pas pour transplanter
une institution typiquement féodale dans un autre contexte historique et
sociologique.
Ensuite, les esclaves-gouliames constituaient, en règle générale, une
partie relativement petite de l'armée, différenciée des troupes locales, alors
qu'en Parthie, le gros des troupes était composé des dépendants (ou esclaves).
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La différence quantitative est si grande qu'elle implique une catégorie qual


itativement autre. Enfin A. Belenickij ne parle, pour une raison obscure,
que de l'armée de Suréna (tout en se référant à Justin bien que ce dernier ne
mentionne pas du tout Suréna) sans recourir aux indications de Justin, ce qui
ne permet pas d'estimer cette analyse exhaustive.
Parmi les auteurs occidentaux, ces dernières années, M.A.R. Colledge
a abordé ce problème (9). Parlant de la composition de l'armée parthe et des
structures sociales de la société de la Parthie, ce dernier néglige cependant
l'analyse des sources, ce qui nous empêche d'attacher foi à ses conclusions.
En outre, sa thèse initiale du système féodal en Parthie oriente son interpré
tationdes témoignages des sources.
Il découle de tous ces exemples qu'une analyse quelque peu probante
des indications de Justin et de Plutarque sur la structure sociale de la Parthie
fait encore défaut. On n'a pas non plus tenté d'analyser les sources de façon
objective en déterminant leurs points communs et la raison des contra
dictions.
Avant d'aborder la critique des sources, il conviendrait de faire quelques
remarques préliminaires nécessaires pour comprendre les informations qu'elles
contiennent et pour projeter les conclusions exactes qui résultent de l'analyse
sur la toile de fond historique générale.
Premièrement, il faut noter que l'État parthe des Arsacides apparut à la
suite de la conquête de la Parthiène (Parthie) par les nomades qui faisaient
partie de la confédération des Dahes (Parnes) dirigés par Arsace. Justin
rapporte clairement que la formation du Royaume des Parthes s'opéra en
deux temps : 1) d'abord, la Parthie se détacha de l'État des Séleucides (Just.
XLI, 4, 3-4) et, à la suite de l'assassinat de son roi Andragoras, passa sous la
suzeraineté ď Arsace (Justin, XLI, 4, 6). Justin souligne qu'Arsace était
d'origine inconnue mais d'une valeur à toute épreuve. Il vivait de razzias et de
pillages (10). Partisan de cette hypothèse de la formation du Royaume des
Parthes, Strabon nous fournit quelques précisions au sujet de l'événement :
« Ensuite Arsace le Scythe, de concert avec des Dahes, appelés également
Aparniens, nomades peuplant les rives de l'Oxus, attaqua la Parthie et la
conquit » (Strab. XI, II, 2). Comme on le sait, il existe une autre version litté
raire de la constitution de l'État des Parthes, qui la présente comme résultant
de l'insurrection de la population autochtone contre le satrape séleucide
(Arrien, Sinkell, Zosime) ; or, il est prouvé depuis longtemps qu'aucune
version ne reflète la réalité (11). La découverte de la relation parthe sur
l'intronisation du roi Gotarzès {ostracon № 1760) (12) confirme entièrement
le point de vue de J. Wolski sur l'historicité de la version de Justin-Strabon
et a permis d'expliquer la raison de l'apparition de celle décrite par Arrien et
les auteurs qui le suivirent dans cette voie. Cette relation réaffirmait la version
parthe officielle plus récente. L'une des raisons de son existence fut le désir
de prouver que les Arsacides n'étaient pas des intrus habitant la steppe mais
des Iraniens aborigènes, chefs et héros de la lutte de libération contre les
Séleucides (13).
D est à souligner dans cet ordre d'idées que la thèse de la parenté des
Parthes et des Scythes était un lieu commun dans la littérature antique (le
plus souvent, lors de l'interprétation au sens large du terme). Pline l'Ancien
écrivait : « Au-delà du fleuve (l'Iascartès), vivent les Scythes. Les Perses les
appellent Saces... Ceux-ci vivant à l'instar des Parthes... » (Nat. Hist. VI, 50).
Pour Lucain, les victoires des Parthes sur les Romains sont celles des armes
scythes (Pharsal II, 552-553 ; VIII, 300-302, 432). Parlant de la tentative
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d'évasion de Vonon, fils du roi des Parthes, Tacite rapporte, pour sa part, que
ce dernier rejoignit le roi des Scythes, son parent selon le sang (Ann. II, 68).
Dans les textes postérieurs, l'origine scythe des Parthes est un fait pratique
ment établi (Cf. Tertull. De anima, 30 ; Suid. s.v. napôou ; Eust. adDion.Per.
1039). Chez Strabon, le fruit de la parenté des Parthes avec les Scythes est
formulé de façon très nette : « Actuellement, ils possèdent un pays si vaste et
une si grande multitude de tribus que, par leur importance, ils rivalisent
en quelque sorte avec les Romains. Cela est dû à leur mode de vie et à leurs
mœurs qui, tout en étant barbares et scythes, n'en sont encore que plus favo
rables à l'emprise et aux victoires militaires » (XI, 9, 2).
En seconde considération nous tenons à insister sur le fait que, dans les
textes, la structure sociale de la société est toujours projetée sur son organi
sation militaire. Cette interdépendance, typique de nombreuses sociétés
primitives, nous oblige à aborder, ne serait-ce que brièvement, le système mili
taire des Parthes, surtout le rôle des cataphractaires. Ce problème a déjà fait
l'objet de plusieurs études (14),ce qui nous permet de nous en tenir aux faits
d'importance primordiale (15).
Il est de notoriété publique que l'armée parthe était composée princ
ipalement de la cavalerie. Les fantassins n'y jouaient qu'un rôle secondaire.
La cavalerie se divisait en deux parties : les cataphractaires et les cavaliers
armés à la légère. On désigne généralement par le terme de cataphractaires
des unités aux armes lourdes qui chargeaient l'ennemi (les fantassins, avant
tout) en formation de combat spécifique — rang serré — et qui avaient une
mission tactique concrète à accomplir (percée ou, moins souvent, débor
dement). Les cataphractaires se distinguaient par leur armement et leurs
techniques de combat.
Les armes des cataphractaires présentaient les composantes suivantes :
armure défensive lourde, longue pique (allant jusqu'à 4,0-4,5 m) tenue des
deux mains comme arme offensive principale, souvent, également cuirasses
protégeant le cheval. Ces composantes déterminaient le rôle des cataphract
aires dans le combat. Ces derniers chargeaient toujours en rang serré, ce qui
permettait d'utiliser au mieux la supériorité des armes et de réduire aux min
imum leurs défauts, mobilité limitée et, par conséquent, faible possibilité de
manœuvre. Les cataphractaires s'enfonçaient dans la formation ennemie, et,
l'ayant percée, la coupaient en deux décidant par là-même du sort du combat.
La cavalerie lourde de cataphractaires n'était efficace qu'associée aux cavaliers
armés à la légère, les archers montés. Par l'importance de ses effectifs, la cava
lerie légère était l'armée prépondérante. Un bel exemple de la coopération
de ces deux armées est fourni par la bataille de Carres.
C'est un fait particulièrement important que la cavalerie des Parthes
est extrêmement proche, tant par son armement que par sa formation de
combat, de celles des nomades habitant la steppe (des Sarmates par exemple)
ce qui s'explique aussi bien par l'origine de la dynastie des Arsacides que par
les liens constants entre la Parthie et le monde des peuples nomades.
L'analyse des témoignages des auteurs antiques relatifs aux structures
sociales des Parthes et à l'armée parthe nous révèle ceci : les ouvrages contemp
orains négligent trop, à notre avis, la contradiction manifeste entre le
premier et le second passages de Justin. Il est dit dans le premier (Just. XLI,
2, 5-6) qu'au sein de l'armée, les esclaves sont cavaliers et à en juger par
leur initiation au tir à l'arc, armés à la légère. Dans le second témoignage
(Just. XLI, 3, 4), l'esclave se distingue extérieurement de l'homme libre par
le fait que celui-là va à pied tandis que celui-ci ne se déplace « autrement qu'à
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cheval » . Il semblerait que cette contradiction manifeste n'est pas due à une
mauvaise rédaction du texte abrégé (comme on a souvent tendance à le
croire) (16) mais à la contamination, dans le texte original de Trogue Pomp
ée, de deux traditions différentes remontant à deux sources diverses. Si
auparavant, on admettait éventuellement que tous les sujets concernant
l'hellénisme et l'Orient traités par Trogue Pompée n'avaient qu'une soûle source
(17), aujourd'hui il est incontestable que ce dernier a eu recours à trois auteurs
au moins et que son rôle n'était pas celui d'un simple compilateur mais
d'auteur d'une synthèse complexe (18). L'opposition évidente des deux
témoignages confirme la référence à diverses sources. La « faute » de Justin
consiste en ce que ces deux indications, séparées auparavant par de nombreux
autres passages (ce qui rendait leur contradiction moins évidente), se soient
retrouvées côte à côte.
Peu importe de savoir si l'un ou l'autre témoignage remonte à Tima-
gène, à Posidonios ou à Apollodore ; c'est le fait même de l'existence de deux
sources qui explique notre intérêt (nous désignerons ci-après le passage Just.
XLI, 2, 5-6 comme Justin A, et Just. XLI, 3, 4, comme Justin B.)
Ainsi donc il existe trois versions de la composition sociale de la société
parthe (Justin A, Justin В et Plutarque), dont l'importance est inégale. Justin
В présente un tableau bref et très général de la société parthe ; Justin A
fournit un peu plus de détails, associant les structures sociales à l'organisation
militaire ; enfin, Plutarque, tout en décrivant des catégories sociales complé
mentaires, se borne à rapporter les relations existant entre ceux qui accompag
naientdans ses campagnes un représentant de la noblesse parthe, à savoir
Suréna. Nous devons, en outre, nous opposer à l'opinion très répandue (19)
selon laquelle Plutarque aurait décrit l'armée que commandait Suréna et cité
des chiffres qui caractérisent cette dernière. Or, en réalité, il en fut tout autr
ement : l'armée parthe commandée par Suréna et Silacès comprenait, entre
autres, le détachement mené par Suréna. Si l'on s'en tient au chiffre de
10 000 hommes qui constituaient l'armée parthe, la bataille prendrait des
proportions fantastiques puisqu'il est inconcevable que ces dix mille hommes
aient pu encercler de trois côtés les troupes romaines fortes de 42 000
hommes au moins (20).
Il faudra ensuite abandonner une autre assertion aussi répandue et aussi
erronée selon laquelle et les pelatai et les esclaves de Suréna auraient pris part
à la bataille. Plutarque soulignait que le train seul de Suréna «était composé
de mille chameaux qui portaient son bagage, de deux cents chariots pour ses
concubines». Il est naturel qu'une partie importante de ces 10 000 hommes
(à savoir les pelatai et les esclaves) devait accompagner le train. Ainsi, le
témoignage de Plutarque peut-il être interprété comme suit : Suréna arrive
sur le champ de bataille amenant 10 000 hommes dont une partie seulement
étaient guerriers (1 000 cataphractaires et un nombre indéterminé d'archers
montés). Cependant, l'unité de Suréna n'était pas la seule à constituer l'armée
parthe (les autres détachements sous les ordres de Silacès représentaient
apparemment les troupes royales proprement dites à Carres). La tradition qui
voulait que Suréna y eût joué le rôle prépondérant, devait tenir au fait que
c'est ce dernier qui exerçait le commandement suprême. On pourrait égal
ement émettre l'hypothèse que Suréna se vit accorder ce poste car le gros des
cataphractaires, principale force de frappe des troupes, étaient venus avec lui.
Examinons maintenant chacune des trois versions de la composition
sociale des Parthes. Naturellement, il faut aborder en premier le témoignage
Justin В qui est très bref : la société parthe se compose de deux couches :
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 1 83

hommes libres (lïberi) et esclaves (servi). On les distingue extérieurement par


le fait que les esclaves vont à pied et les hommes libres, à cheval. Cette affi
rmation de la source de Trogue Pompée peut seule autoriser la lecture de
« cavalier » en terme social ; mais cette hypothèse se trouve surtout confirmée
par les témoignages se rapportant à deux autres époques de l'histoire de
l'Iran : celle des Achéménides, qui précéda les Parthes, et celle des Sassanides,
qui les suivit. Ainsi, selon la Cyropédie de Xénophon (IV, 3, 23), en vertu
d'un précepte de Cyrus, «les Perses ont observé si exactement cette loi, qu'on
ne verra jamais parmi eux un homme de qualité aller à pied ». Nous avons
déjà cité ci-dessus des indications concernant l'acception sociale du terme
« cavalier » en Iran sassanide ; ici nous tenons à recourir à un témoignage
auquel on ne s'est pratiquement jamais référé. Il s'agit des idées exposées
dans le Zamasp-namak (21). H. Bailey a souligné la nature apocalyptique de
cette œuvre qui prédit les malheurs qui adviendront à l'Iran après la fin de
la domination de la « religion pure ». Parmi les conséquences les plus
affreuses, un revirement complet dans les rapports sociaux : aspar padak ut
padák asfktr baveî (§ 35) (22). On retrouve cette idée dans d'autres passages
du Zamasp-namak où le terme « asfiar » (cavalier) est explicité : dans un
endroit (§ 15), on entend par là des azatan (hommes libres) et des vazurkan
(noblesse), ailleurs (§ 36), des azatan seulement. Ainsi, en Iran sassanide,
existait-il une opposition directe entre les cavaliers-hommes libres et les non-
libres- qui vont à pied. En outre, cette source rend plausible l'hypothèse de
la complexité de la couche sociale composée des hommes libres-cavaliers.
La confrontation des données de Justin В avec celles mentionnées ci-
dessus (dont quelques-unes sont postérieures aux autres) permet de repré
senter, du point de vue du schéma de la société parthe reflété dans cette
source, la ligne de démarcation entre la liberté et la non-liberté comme suit :

Cavaliers — Hommes libres


Ligne de démarcation entre
la liberté et la non-liberté
Non-cavaliers — Non-libres

Considérons maintenant le témoignage de Justin A. Selon ce dernier,


l'armée parthe (soulignons l'armée et non pas la société dans son ensemble)
est composée de cavaliers dont une minorité seulement sont des hommes
libres (liberi), la majorité étant composée de non-libres. Pour désigner cette
non-liberté, deux termes sont employés dans le même contexte : « servi » et
« servitores » , ce qui nous amène à douter de l'existence de cette « nuance
subtile » à laquelle pensait N. Pigulevskaja. Parallèlement, le texte mentionne
les traits suivants caractérisant la situation de ces non-libres : 1) interdiction
d'affranchissement ; 2) nature héréditaire du statut d'esclave ; 3) les enfants
d'esclaves bénéficient de la même formation que celle des enfants du propriét
aire ; 4) ceux-ci sont initiés à monter à cheval et à tirer à l'arc, d'où il dé
coule qu'ils sont employés dans l'armée comme archers montés armés à la
légère ; 5) relations individuelles entre le Parthe libre et ses esclaves qu'il livre
aux troupes royales.
Cette description, limitée au cadre des troupes, méconnaît complè
tement, ce qui est naturel, toute information sur les catégories des travailleurs
et des producteurs directs, et se rapporte aux statuts plus élevés. Grosso
modo, le schéma de la composition et des structures de la société parthe, tel
qu'il apparaît suivant ce dernier témoignage, peut prendre la forme suivante :
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Libres
Ligne de démarcation entre
la liberté et la non-liberté
Cavaliers légers

Producteurs directs

Enfin, le témoignage de Plutarque fournit une troisième version des


structures sociales de la société parthe. Parlant de la puissance de Suréna,
celui-ci décrit ainsi la composition des troupes amenées à Carres par cet
aristocrate parthe puissant et dépendantes de lui : 1) cavaliers-cataphractaires ;
2) cavaliers légers ; 3) pelatai ; 4) esclaves (23). L'importance de ce témoignage
s'explique par ce qu'il permet de repérer ces « servi » dont parle Justin (B).
Il s'avère que ce terme englobe deux sous-catégories : pelatai et douloi. En
outre, il confirme que ces dernières étaient sous la dépendance personnelle
des représentants de la noblesse. Enfin, cette indication de Plutarque renforce
la thèse de l'identité des «hommes libres» de Justin A et des cataphractaires
de Plutarque.
Cependant, par rapport aux témoignages analysés précédemment, ce
dernier présente un défaut : les indications relatives à la délimination nette
entre l'état d'homme libre et celui de non-libre y sont inexistants. On peut
seulement supposer que cette ligne démarque d'une part des pelatai et des
esclaves (non armés), d'autre part des cavaliers (cataphractaires et armés à
la légère). Alors le schéma des structures sociales d'après Plutarque apparaît
comme suit :

Suréna

Cavaliers cataphractaires
Ligne de démarcation supposée
entre la liberté et la non- Cavaliers légers
liberté
Pelatai

Esclaves

La confrontation des trois témoignages nous donne le tableau suivant:

Justin A Justin В Plutarque

Ligne de démarc Suréna


ation entre la
liberté et la Libres Cavaliers libres Cataphractaires
non-liberté
(nette chez Cavaliers légers
Justin A et B, Cavaliers
supposée, chez légers
'

Plutarque)
? Esclaves Pelatai

Esclaves
— .
,
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 185

Ce tableau présente mieux que n'importe quelle explication verbale les


rapports des structures sociales dans les descriptions des différents auteurs.
Il montre clairement comment ces diverses sources se complètent et s'expli
quent, en ce qui concerne la nature des différentes couches et de leur place
à la fois dans les structures sociales et militaires de l'État des Parthes. Ainsi,
le témoignage de Plutarque explique-t-il celui de Justin В : il s'avère qu'une
catégorie générale englobe deux sous-catégories. L'indication Justin A peut
également être éclairée grâce à Plutarque (compte tenu des parallèles achémé-
nides et sassanides). Néanmoins ce schéma ne permet pas de délimiter nett
ement la liberté et la non-liberté.
Confrontant ces témoignages, nous pouvons présenter un schéma plus
général des structures sociales de l'État des Parthes :

Ligne de démarcation
entre la liberté Noblesse supérieure
et la non-liberté Ligne de démarcation
d'après Justin A Cataphractaires entre la liberté et
la non-liberté d'après
Cavaliers légers Plutarque et Justin В

Pelatai

Esclaves

Ainsi donc la seule contradiction inexpliquée reste celle qui concerne la


ligne de démarcation entre la liberté et la non-liberté chez Plutarque et
Justin В d'une part, et chez Justin A, d'autre part.
Avant d'aborder ce problème, essayons de caractériser plus en détail
certaines couches sociales en commençant par l'élément de la structure sociale
qui ne figure pas sur le présent tableau bien qu'il y joue un rôle de première
importance : la dynastie royale des Arsacides. Comme on l'a déjà signalé, ces
derniers succédaient au pouvoir appartenant à la confédération des Parnes.
L'origine du pouvoir royal a marqué sa nature même. Tout d'abord celui-ci
était considéré comme le domaine de toute la famille des Arsacides (24). Des
textes en fournissent des témoignages directs. Le plus catégorique est celui
d'Ammien Marcellin. Après avoir parlé des activités d'Arsace Ier et de la
façon dont il était adoré, l'auteur ajoute ceci : « Si bien que, de nos jours
encore, s'il s'agit de choisir un roi, un Arsacide obtient de droit la préférence,
et que, même dans les discordes civiles qui sont très fréquentes chez ce
peuple, on se ferait un scrupule, on regarderait comme un sacrilège de porter
la main sur un homme de cette race, fût-il simple particulier» (Amm. Marceli.
XXIII, 6, 6). Les témoignages d'un historien aussi informé que Tacite sont
également précieux. Ainsi, parlant des dissensions intestines en Parthie sous
Artaban II, Tacite relate l'épisode du moment où les nobles parthes rebelles
durent demander à Rome de leur envoyer un Arsacide qui y était tenu en
otage puisque la Parthie n'en avait plus un seul digne d'être proclamé roi,
« la plupart ayant été tués par Artaban ou n'étant pas encore sortis de l'en
fance » (Tacit. Ann. VI, 6, 31). Les endroits qui permettent d'interpréter ainsi
la situation politique en Parthie — seuls les Arsacides ont le droit d'accéder
à la suzeraineté — sont fréquents chez Tacite (Tacit. Ann. И, 1,2,3; VI, 43 ;
XII, 10 ; XIII, 9). Strabon (qui se réfère à Posidonios) semble confirmer cette
thèse (Strab. XI, 9,3).
186 G.A. KOSELENKO

Cette particularité de l'institution du pouvoir royal en Parthie évoque la


Scythie (25) et l'État des Huns où, au dire des auteurs chinois, « bien que
Hsiong-nu fût le théâtre de discordes, les hommes de la même famille étaient
intronisés» (26).
En Parthie, on est témoin d'une lutte constante de deux principes de
succession au trône. Les rois parthes s'efforçaient de perpétuer le principe
de succession de père en fils (27), ce qui provoquait la résistance de la part
des nobles. Dans leur lutte contre le pouvoir central, ces derniers ne pouvaient
s'appuyer que sur le principe selon lequel le pouvoir appartenait à la race en
proposant, face aux rois qui suscitaient leur mécontentement, des candidats
de la même famille que les Arsacides, apparemment assez nombreuse. L'indi
cation de Strabon concernant l'éligibilité du roi semble refléter ce principe
familial.
Le pouvoir monarchique en Parthie s'obtenait tant par le droit du
conquérant que par la thèse de son origine divine : d'abord sous forme de
l'adoration du fondateur de la dynastie, plus tard, comme la déification des
rois au pouvoir (28).
On est en droit de supposer qu'il existait en Parthie un système ana
logue à celui des satrapies si typique des États des nomades. Sans nous référer
à toutes les sources — bien nombreuses — qui confirment cette hypothèse,
indiquons le témoignage de Tacite, un des plus probants. Relatant la réunion
du conseil convoqué par le roi Vologèse afin de débattre de la question armé
nienne, Tacite reproduit le discours du roi des Parthes où il est dit que dans
la famille des Arsacides, le premier trône appartient au « Grand Roi», le
second, au roi de Médie, et le troisième, à l'Arménie (Tacit. Ann. XV, 2).
Le principe de répartition du pouvoir en satrapies est intimement lié à celui
d'hérédité du pouvoir royal. Cette relation s'expliquait par l'idée admise
selon laquelle chaque membre du clan au pouvoir avait le droit d'administrer
un groupe de nomades ayant un territoire de campement ainsi que des régions
agricoles conquises (29).
Les rapports entre le roi et le reste de la population parthe étaient,
en principe, ceux que les Grecs et les Romains considéraient comme l'escla
vage(Tacit. Ann. XII, 11). Sur ce plan, l'État des Parthes était, aux yeux des
observateurs occidentaux, parfaitement analogue au royaume des Achémé-
nides que les auteurs grecs de l'époque définissait comme l'État où toute
la population était esclave du «Grand Roi». Certes, la situation réelle était
différente mais extérieurement (les exemples les plus probants sont rapportés
par Athénée) (30), tout portait à croire, comme l'ont fait les Grecs et les
Romains, qu'il en était ainsi. Dans la pratique le pouvoir des rois parthes était
limité par la puissance effective de la noblesse ; il l'était, en outre, en théorie
par certaines traditions que mentionnent à maintes reprises les sources. Ainsi,
le récit de Tacite sur l'intronisation de Tiridate, imposé par les Romains à la
Parthie (Tacit. Ann. VI, 42-43), donne l'impression que les représentants de
la noblesse supérieure des Parthes ne s'estimaient pas tenus à l'obéissance
sous prétexte d'être absents à la cérémonie du sacre. Certaines familles nobles
des Parthes jouissaient de prérogatives : par exemple, c'est un représentant
du clan de Suréna qui devait couronner le roi d'un diadème (Plut. Crass. 21 ;
Tacit. Ann. VI, 42). Il est possible que le sacre qui n'était pas accompagné
de ce rite devait être considéré comme nul et non avenu.
Ceci dit, nous pouvons aborder l'examen des couches sociales de la
Parthie qui figurent sur notre tableau. Il convient d'en examiner celles dont le
statut n'admet pas de doutes quant à la confrontation des sources.
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 187

Pelotai. L'emploi de ce terme par Plutarque ne semble pas être fortuit.


Cet auteur distingue cette catégorie des esclaves prop rement dits (ôoOAol) mais
en même temps, comme l'atteste le témoignage Justin B, les fait figurer dans
la classe plus générale des « servi » . Ainsi, pourrait-on considérer a priori des
pelotai comme une catégorie sociale particulière qui, tout en étant proche des
esclaves, ne leur est pas identique. Dans les ouvrages étrangers (3 1) (et parfois
soviétiques), les pelotai parthes sont souvent assimilés aux colons et désignés
comme serfs, ce qui paraît douteux. Dans les sources antiques, le terme en
question caractérise une autre forme de dépendance. Il est employé par Aris-
tote (Ath. resp. II, 2) pour décrire la situation de la majorité de la population
de l'Attique avant les réformes de Solon ;le philosophe grec assimile les pela-
tai aux SOi-disantshectemoresCnaL éKaÀouvxo neÀaxai kcù ékttíuopol),
le passage mentionné précisant le fait de l'asservissement des pauvres évoqué
dans la phrase précédente ( xaî. éôouAeuov oi névxeg ). C'est dans cette
acception analogue, que les pelotai sont définis par les lexicographes. Ainsi,
Pollux (Poll. HI, 82) décrit-il la situation des pelotai de la façon suivante :
TteAáxai нал ônxes èAeuôépov éaxCv óvóuaxa ôià nevíav en' ápyu-
о'щ 6ouA.euóvxa>v(les hommes libres qui, poussés par la misère, se rendaient
esclaves pour de l'argent, étaient dits pelotai et thètes). Nous retrouvons pres
que la même définition chez Hésychios (Hesych. s.v.):neAáxaf ol ôlu ávay-
Kaíav xpocpfiv utoôîp oouAeuovxeg (pelatai : ceux qui, ayant besoin de se
nourrir, se font esclaves pour une paie). Les pelatai sont également ment
ionnés par Platon (Eutyphr. 4c) à propos des propriétés foncières d'Athènes
à Naxos. La définition exacte de la position sociale des pelatai d'Athènes
ou de Naxos doit être étudiée ultérieurement (32); en ce qui nous concerne,
il importe de noter ceci : 1) une certaine contradiction dans la définition de
leur situation («libres mais qui se font esclaves») ; 2) dépendance personnelle.
Pour autant que nous le sachions, ce terme apparaît une fois dans les
documents épigraphiques. Il s'agit d'une inscription de Phanagorie datée de
151 av. n. ère (33). « Le roi Tiberius Julius Remetalcus, ami de César et ami
des Romains, homme pieux, ayant rassemblé et multiplié à Phyannées les
terres consacrées par Létodoras et des pelatai dont le nombre, comme il est
écrit sur le monument voisin, a diminué depuis, les remit intégralement aux
soins d'Alexandre, fils de Mirine, veillant aux objets sacrés, en l'an 448, le
20e jour du mois Apellaios » . Ici, les pelatai se trouvent associés à un temple
et, probablement, aux terres consgcrées au temple. Cette inscription a fait
l'objet de nombreuses études. S.A. Žebelev qui la confrontait aux témoignages
des pelatai athéniens mentionnés ci-dessus, penchait pour définir le statut
des pelatai comme une forme de servage, tout en précisant que ce fait ne
constitue pas une preuve de l'existence au Bosphore des rapports de servage
féodaux (34). V.D.Blavatskij considérait les pelatai comme les cultivateurs
attachés à la terre. Il est l'auteur de l'hypothèse selon laquelle cette forme
de dépendance avait progressivement évincé au Bosphore l'esclavage en tant
que tel (35). V.F. Gajdurevič définissait les pelatai comme les cultivateurs
asservis parmi la population autochtone. A son avis, ces campagnards qui
cultivaient le sol devaient donner une grande partie de leur récolte aux
propriétaires terriens (36).
Comme l'ont suggéré certains auteurs, afin de préciser le statut des
pelatai, il est utile d'analyser également les indications sur les prospelatai
( проотсеЛахас ) (37). Ce terme fut employé par Théopompe (cité par Athén
ée). Aux dires de cet auteur, la tribu thrace des Ardiaei possédait 300000
prospelatai qu'elle employait « de la même façon que les Spartiates, leurs
188 G.A. KOSELENKO

hilotes » (Athén. VI, 27 le ; X 443). T.D. Zlatokovskaja, qui s'est penchée sur
les rapports sociaux chez les Thraces, souligne le fait que ce témoignage est
révélateur de l'apparition en Thrace de la forme de dépendance courante
dans plusieurs régions de la Grèce au cours de la conquête (38). Ainsi les
prospelatai thraces figureraient parmi des types analogues, hilotes de Sparte,
pénestes de Thessalie, mnoïtes et oikées de Crète, mariandyniens d'Héraclée
du Pont et ainsi de suite. Les auteurs antiques définissaient la position sociale
de ces catégories de la population comme intermédiaire « entre l'esclavage et
la liberté ». Ces derniers temps, leur étude a particulièrement attiré l'attention
des chercheurs (39). Si différents que soient les statuts de ces catégories, ils
présentent certains traits communs : dépendance résultant de la conquête,
restes d'une certaine capacité juridique, autonomie économique à tel ou tel
degré.
Il est possible que les contractants des parchemins d'Avroman connus
appartiennent également à cette catégorie des pelatai parthes (40). Les
documents en question sont relatifs à des transactions de vente de vignobles
(ou aux détails de ces dernières). Selon toute vraisemblance, ils étaient
conclus à l'intérieur de la communauté (41). Ce qui importe particulièrement
pour notre sujet, c'est que l'étude de ces documents révèle la nature coercitive
de la culture de la terre par les membres de la communauté considérée comme
une charge civile. En témoignent les indications précisant que le propriétaire
d'un terrain laissé à l'abandon était passible d'une amende. Dans un cas, le
montant de cette amende est 15 fois supérieur au prix du terrain, dans l'autre,
presque 8 fois supérieur. Nul doute que ce système d'enregistrement et de
contrôle asservissait de fait le paysan communautaire à la commune et à
son terrain (42).
C'est probablement ce genre de paysans communautaires que lesostraca
de Novaja Nisa (43) citent comme contribuables.
Il y a donc des raisons de croire que le terme « pelatai » employé par
Plutarque, servait à désigner la masse des cultivateurs ordinaires de la Parthie.
Cette population était loin d'être esclave. Il est vraisemblable que les pelatai
gardaient leurs terrains, jouissaient de certains droits et étaient organisés en
communautés. Or, en même temps, puisqu'ils payaient le gros des redevances,
il existait une démarcation très nette qui séparait ce statut des couches
sociales supérieures, ce qui a permis à Justin B, dans son schéma très général
des structures sociales de la Parthie, de les associer aux esclaves (servi). Leur
dépendance avait pour fondement leur attachement à la glèbe et leur obliga
tionde payer des redevances sur chaque terrain enregistré. On peut affirmer
que cette forme de dépendance résulte certainement de la conquête parne.
On dit souvent que la formule la plus typique de dépendance dans un
contexte de conquêtes nomades est le tribut (44). La non-intégration des
tributaires aux structures socio-économiques du groupe dominant est citée
comme une des causes principales et un des indices de cette forme de dépen
dance. On peut convenir que, lorsque la société des vainqueurs et celle des
vaincus coexistent en gardant presque intactes leurs propres structures, les
rapports sont caractéristiques pour toute une série des sociétés analogues.
Or, il en était tout autrement de la conquête de la Parthie par les
Parnes. Celle-ci n'a pas seulement établi la dépendance des cultivateurs
sédentaires de la Parthiène, de l'Hyrcanie, de la Médie et d'autres régions
mais les Parnes (en premier lieu, l'aristocratie parne) se subsituèrent aux
couches dominantes gréco-macédoniennes. La conquête parne eut pour
résultat une intégration assez profonde des sociétés nomade et sédentaire
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 1 89

au sein de la population parne, ce qui provoqua, à son tour, des transfor


mations notables dans les deux structures sociales. Aussi la forme d'exploi
tationétablie en Parthie à la suite de ces événements ne peut être identifiée
avec un régime de tributs.
Esclaves. Plutarque traduit cette notion par le terme Ô0ÛA.0 i . Comme
on le sait, en grec ancien, le terme ÔoOAoç signifiait « esclave » au sens le
plus large et embrassait toutes les catégories de ce groupe (45). Il est probable
que Plutarque employait ce terme dans sa signification courante. On notera
que le livre sacré, YAvesta, connaît déjà plusieurs catégories d'esclaves. Ce
texte rend plausible l'hypothèse que depuis la fin du IIe-début du W millé
naire av. n. ère au moins, le Sud de l'Asie centrale et l'Est de l'Iran voient se
former des relations de classe qui amenèrent l'apparition des esclaves. VAvesta
en cite plusieurs catégories : vira, vaïssa et pariaïtar (46). Vira veut dire, dans
son acception courante, «homme», «guerrier» mais peut également être
compris comme « esclave » . Apparemment, les vaïssa et les pariaïtar faisaient
partie des familles patriarcales à titre de membres inférieurs. Pour l'époque
postérieure, nous disposons des témoignages contenus dans le recueil de lois
des Sassanides. Comme l'a démontré A. Perixanian, ce document ne reflète
pas seulement les rapports qui avaient cours à l'époque sassanide mais aussi
durant la période parthe. Il en est ainsi, notamment, de plusieurs témoignages
sur les esclaves (47). Ces derniers y sont désignés par deux termes: bandak et
anchakhrik. Le premier est le plus général et peut signifier «esclave», « subor
donné » , « sujet » . Le second (qui est un « parthinisme » en moyen perse)
remonterait étymologiquement aux prisonniers de guerre faits esclaves
{anchakhrik - étranger). Comme l'atteste la lettre de Pline le Jeune à Trajan
(Ер. Х, 16), en Parthie, on avait des esclaves qui travaillaient dans les mines.
La lettre citée mentionne un certain Callidrome, esclave offert par Décébale,
roi des Daces, à Pacorus II, roi des Parthes, ce qui donne à croire que c'était
un homme de métier habile. Ce document prouve qu'il existait en Parthie des
esclaves royaux. Les textes de Dura-Europos citent à maintes reprises des
esclaves appartenant à des particuliers et faisant l'objet de marchés (48). Le
document № 25 (180 av. n. ère) est particulièrement digne d'intérêt ; on
l'interprète généralement comme un témoignage de l'attachement des esclaves
à la glèbe car, d'après le document, sont vendus ensemble la moitié d'un
vignoble et l'esclave Axab (49). Certains documents de Staraja Nisa laissent
croire que les esclaves étaient employés à la cour du roi des Parthes. Un texte
fournit des renseignements sur la répartition des vivres, et sa terminologie
atteste formellement que cette distribution était analogue à celle qu'on effec
tuait à Persépolis parmi les kurtac. La majorité de ceux-ci étaient esclaves
originaires des pays conquis par les Perses (50). Un des documents de Dura-
Europos témoigne de l'existence d'une forme d'esclavage proche de l'escla
vagepour dettes (parchemin № 20). Selon ce texte, un certain Phraate
emprunta à un nommé Barlaï 400 drachmes moyennant caution de tous ses
biens. Le débiteur fut exempté d'intérêts mais devait par contre faire office
d'esclave chez Phraate ( ÔouXixdiç Xpeîa-Q ). Et bien que de jure Barlaï
gardât son statut d'homme libre, de fait, il devenait dépendant du créditeur
et perdait son droit et la possibilité de disposer de sa personne. I. Sifman,
auteur d'une analyse du document, soulignait que, dans ce cas concret, on
admet difficilement l'expiration éventuelle de cette dépendance (annulée
formellement à la restitution de la dette) (51). De toute façon, ce document
prouve que, dans le contexte de la Parthie, l'apparition d'une forme de
déepndance proche de l'esclavage était possible.
190 G.A. KOSELENKO

Les témoignages cités laissent à penser qu'il existait en Parthie plusieurs


catégories d'esclaves qui se distinguaient tant par la forme sous laquelle sont
apparus ces rapports que par leur place dans le système de la production
sociale. Aussi l'emploi du terme par Plutarque est- il justifié car il embrasse
toutes ces catégories. Il est vraisemblable qu'outre plusieurs catégories
d'esclaves proprement dits il y avait des formes de dépendance, spécifiques,
à mi-chemin entre l'esclavage et la condition des pelatai, ou analogues. Il est
possible que les rapports mentionnés dans le parchemin 25 de Dura-Europos
soient un exemple d'une telle forme de transition.
Examinons maintenant les catégories situées aux niveaux supérieurs de
l'échelle sociale. Comme nous l'avons vu, c'est la noblesse qui était placée
juste en dessous de la famille royale.
Noblesse. Les sources sont assez éloquentes quant à l'existence et à
l'importance des nobles dans la société parthe. Plusieurs auteurs antiques
séparent nettement la noblesse du peuple. On peut croire qu'il s'agit là d'une
division au sein des catégories supérieures, ignorant les pelatai et les esclaves.
Ammien Marcellin précise, parlant de la déification d'Arsace Ier, que c'était
à la fois le fait de la noblesse et du commun (summatum et vulgi) (Amm.
Marceli. XXIII, 6, 4).
Tacite mentionne également les Parthes nobles, les opposant souvent au
peuple (Ann. II, 2 ; VI, 31 ; XI, 10 ; XII, 10 ; XV, 2). Mais les témoignages les
plus révélateurs sont ceux de Justin qui rapporte que la position de la no
blesse était institutionnalisée et constituait un ordre (ordo) particulier de la
société parthe qui jouissait de privilèges certains (Just. XLI, 2, 1). Citons,
parmi les plus importants, le droit exclusif des nobles à occuper des postes
supérieurs dans l'appareil administratif et militaire de l'État. Selon Justin, ce
sont des ressortissants de cet ordre qui, « en temps de guerre, sont généraux,
et en temps de paix, gouverneurs (rectores) » (Just. XLI, 2, 1). D'autres
sources confirment cette indication. Quoi qu'il en soit, relatant les luttes en
Parthie, sous Artaban II, Tacite emploie indifféremment deux termes :
« nobles» et « dignitaires» {Ann. II, 2 ; VI, 31, 37, 42). Parlant de Suréna,
Plutarque souligne, de son côté, qu'en noblesse, il était le premier après le roi
(Plut. Crass. 21). On a donc toutes les raisons de croire que, dans la société
parthe, la contradiction coutumière des sociétés primitives entre l'aristocratie
de sang et la noblesse qui devait ses titres aux services rendus, faisait défaut.
Souvent, les sources mentionnent des nobles individuellement plutôt
que la noblesse en général.
Ainsi Plutarque donne un superbe portrait de Suréna. Dans la biogra
phied'Antoine, il cite un autre Parthe, Monèse, « homme eminent et puis
sant » (Plut. Anton. 37). Ce dernier fuit la Parthie pour se rendre à Rome
et, fort des garanties royales, revient dans son pays d'origine. Sous le roi
Artaban II, Silacès, « également distingué par sa naissance et par ses r
iches es» (Tac. Ann. VI, 31) joue un rôle actif dans la lutte politique. Il faut
noter, dans le même ordre d'idées, que, dans les portraits littéraires des
nobles, ces deux notions — noblesse et richesse — vont toujours de pair.
La noblesse parthe n'était pas une couche sociale homogène mais sa
structure admettait un ordre hiérarchique propre. Le sommet de l'échelle
était occupé par les représentants de sept familles dont les ancêtres avaient
participé, selon la tradition, au renversement des rois macédoniens. Nul doute
que cette affirmation — réplique dans ce cas concret de la tradition achémé-
nide — est fausse (52). Il est significatif qu'une légende analogue relative à
sept fondateurs de l'Etat avait existé au Royaume du Pont (App. Mithr. 9).
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 191

Les représentants de la couche supérieure de la noblesse jouissaient de


certains privilèges héréditaires.
J. Wolski, auteur d'une monographie sur l'aristocratie parthe (53),
mettait en relief ses traits caractéristiques : l'aristocratie parthe était génét
iquement liée à celle de la confédération des tribus parnes. C'étaient des
représentants des plus riches familles de la tribu qui composaient la suite
immédiate du chef de tribu. Leurs biens comprenaient des troupeaux de
bétail, surtout de chevaux, ainsi que le butin acquis lors des incursions contre
les sédentaires. Militaire de nature, l'aristocratie fut considérablement favo
risée par la conquête des territoires sédentaires. C'est pour cette raison que
l'aristocratie parthe appuyait les premiers rois parthes, les aidant à élever au
rang de pouvoir royal absolu un chef de tribu dont les prérogatives étaient
limitées. Grâce aux conquêtes, l'aristocratie se trouva en possession des terres
ayant appartenu aux Grecs et aux Macédoniens.
Le caractère militaire de la noblesse parthe est devenu un lieu commun
de tous les ouvrages concernant laParthie. Or, sa définition exacte est encore
sujette à caution.
Notons qu'Ammien Marcellin caractérise ainsi la place de la noblesse
dans l'armée parthe comme suit : « Les Parthes comptent surtout sur la valeur
de leur cavalerie où tous leurs nobles font leur service » (nobïlitas omnis)
(Amm. Marceli. XXIII, 6, 83). Cette affirmation est ambiguë : on peut en
déduire que les détachements de cavalerie étaient composés de nobles ou
que ces derniers faisaient partie de la cavalerie parthe. A n'en pas douter,
cette première hypothèse est moins probante si l'on considère que la cavalerie
était la troupe principale de l'armée parthe dont les effectifs atteignaient
des dizaines de milliers de guerriers (50 ou 40 mille ayant participé, par
exemple, aux hostilités contre Antoine). La seconde hypothèse semble plus
probable, et, comme le noyau de l'armée parthe était formé de cataphrac-
taires, on peut penser que la notion sociale de «nobilitas» (ou «optimates»,
comme les nomme souvent Tacite) se superpose en principe au concept
militaire de cataphractaire. Cette conclusion se trouve confirmée par le
témoignage de Tacite sur les Sarmates (dont les rapports avec les Parthes
ne font pas de doute) chez qui les cuirasses habituelles des cataphractaires,
permettaient de distinguer « des rois et des nobles» (Tacit. Hist. I, 79) (54).
La thèse du rapprochement des notions « cataphractaire » et « noble » a été
affirmée depuis longtemps dans les ouvrages qui traitent de la question (55),
et l'on voit mal les raisons de la rejeter (56).
Les Parthes nobles ne participaient pas seulement eux-mêmes aux cam
pagnes militaires mais ils étaient tenus de fournir à l'armée royale des déta
chements armés. Sur ce point, les sources sont unanimes en ce qui concerne
la situation générale (Just. XLI, 2, 5) autant que celle de nobles en parti
culier comme Suréna (Plut. Crass. 21), Ornospadès (Tacit. Ann. VI, 37),
Carrène (Tacit. Ann. XII, 13), etc.
Il découle de tous les témoignages cités que, strictement parlant, la
noblesse n'était pas une couche sociale homogène. Les sources mentionnent
aussi bien des nobles ordinaires que des ressortissants de la catégorie supé
rieure, dont Suréna présente un exemple des plus caractéristiques. Les auteurs
antiques et orientaux rapportent souvent que le royaume des Parthes n'était
en effet qu'une confédération d'États particuliers. Quoi qu'il en soit, Pline
l'Ancien compta au sein de la Parthie dix-huit royaumes (Nat. Hist. VI, 112)
(57). Nous avons déjà constaté l'existence des satrapies qui a provoqué le
morcellement de la Parthie. Mais il semblerait que, dans leurs domaines, les
192 G. A. KOSELENKO

représentants des familles les plus illustres jouissaient de la même autonomie


que Suréna(58).
Il nous reste à examiner un seul groupe social qui figure sur notre
tableau général ; dans les sources, il n'est pas décrit en termes sociaux mais
seulement militaires. Il s'agit des cavaliers légers. Le problème se complique
du fait que Justin A les place parmi les non-libres alors que Justin В et
(apparemment) Plutarque en parlent comme d'hommes libres. Donc, par
certains côtés, la situation des cavaliers légers dans le schéma général est d'une
importance primordiale car ce n'est qu'après avoir établi leur statut réel que
nous pouvons tracer la ligne de démarcation entre la liberté et la non-liberté
dans la société parthe et comprendre les raisons pour lesquelles les sources se
contredisent quand elles mentionnent le statut de ce groupe.
A notre avis, on finira par résoudre ce problème en analysant les
rapports en place au sein de la confédération des tribus parnes au moment
de la conquête. Il est incontestable que cette alliance atteignit un niveau
d'évolution élevé dont témoigne, entre autres, le fait même des conquêtes.
Les rapports en vigueur dans cette confédération devaient être très proches
de ceux qu'on observait chez les Scythes.
La société scythe était assez bien stratifiée. Malgré tous les différends
relatifs aux détails des structures sociales, tous les chercheurs semblent en
convenir. Notons, par exemple, l'existence de la thèse selon laquelle toutes
les principales divisions de la société scythe correspondraient à la structure
indo-européenne traditionnelle à trois éléments : aristocratie guerrière,
prêtres, membres ordinaires de la tribu (59). Le point de vue d'A. Xazanov
est plus prudent (60) ; ce dernier estime que « la société scythe était beaucoup
plus hétérogène que ne le croient les partisans de son étude dans le cadre du
modèle indo-européen à trois éléments » . Il admet en même temps que « le
modèle traditionnel chez les Scythes devait subsister dans le domaine de
l'idéologie. Et même à l'époque d'Hérodote, les rapports sociaux s'en inspi
raient » (ibidem, p. 202). Pour le sujet de notre étude, les nuances de la
discussion sur le degré de conformité du modèle traditionnel avec les rapports
réels importent bien peu. Ce qui l'est davantage, c'est la reconnaissance, par
les partisans des deux points de vue, de la différence profonde du caractère
social qui existe entre l'aristocratie militaire et le commun au sein des tribus
scythes (et saces). Le clivage était si grand que cela autorise à parler en termes
de « castes » ou de « groupes ordre-caste » . Il n'y a pas de raison de douter
qu'une structure analogue existât dans la confédération parne. Cette commun
autéétait également l'objet d'une différenciation sociale. La grande majorité
du commun de la population, qui faisait partie du troisième « groupe ordre-
caste », occupait une position inférieure au sein des structures générales de
l'alliance tribale et dépendait de l'aristocratie militaire. L'état de dépendance
du groupe vis-à-vis du sommet de la tribu — l'aristocratie militaire — trouva
son expression dans les sources qui l'assimilait aux « esclaves» (on le voit chez
Justin A). Mais en même temps, les conquêtes contribuaient à accentuer
l'importance de ce groupe. Comme on l'a signalé à juste titre, dans un
contexte ordinaire, les troupes des tribus nomades étaient réduites à l'aristo
cratiemilitaire, et ce n'est qu'aux moments critiques qu'on faisait participer
aux hostilités les représentants des milieux sociaux inférieurs, en principe
étrangers à la fonction guerrière (61). La conquête parne fut ce moment
critique mais étendu à une période historique assez longue. Conquête, lutte
contre la menace extérieure, nécessité de conserver la domination sur les
peuples conquis firent que ce « groupe ordre-caste » acquit un caractère
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 19 3

militaire bien qu'à la différence des nobles cataphractaires, celui-ci fournissait


à l'armée parthe des cavaliers légers. On peut croire que, pendant un laps
de temps assez long, les tribus parnes vivaient isolément sur les territoires
conquis, en conservant leur économie habituelle et leurs coutumes. C'est le
témoignage des sources écrites qui rapportent, en maints endroits, que, face
aux ennemis extérieurs ou intérieurs, certains rois parthes s'étaient adressés
aux tribus « scythes» ;par ailleurs, il est clair, d'après le contexte, que celles-ci
ne vivaient pas en dehors de l'État mais en son sein (principalement, dans le
nord-est de la Parthie) (62). Cette hypothèse se trouve confirmée par des
découvertes archéologiques (63). Donc, après la conquête, génératrice d'une
nouvelle situation sociale, une nouvelle ligne de démarcation passe au premier
plan : celle entre conquérants et conquis. La limite véritable entre la liberté et
la non-liberté sépare dorénavant des conquis, les membres de la tribu des
conquérants là où précisément la placent Justin В et Plutarque.
Par conséquent, il est vraisemblable que les contradictions que pré
sentent les sources en ce qui concerne la place de ce « groupe ordre-caste » au
sein de la structure générale de la société parthe, ne sont pas dues aux erreurs
mais traduisent la double nature de celle-ci. D'une part, en raison de son
appartenance aux structures de la tribu des conquérants, ce «groupe» s'inté
grait de droit à la couche sociale dominante. Ainsi apparaît la société parthe
dans l'optique d'une division en conquérants et conquis (chez Plutarque et
Justin B). D'autre part, la société parne devenue la « strate » supérieure par
rapport à la masse des Parthes conquis possédait à son tour des structures
internes complexes, et, dans le cadre de cette « strate», ce «groupe» dépen
dantde l'aristocratie militaire occupe une position subordonnée. Comme
nous l'avons déjà signalé, cette dépendance revêtait un caractère personnel
(cela signifie, apparemment, que cette dernière n'était due ni aux relations de
domination entre les clans ni à la conquête de certaines tribus par d'autres,
mais à la différenciation au sein de la tribu). En même temps, certains détails
cités dans les sources (formation des enfants des prétendus esclaves, soin
apporté dans leur initiation à monter à cheval et à tirer à l'arc) démontrent
que cet état de dépendance n'était pas utilisé pour l'exploitation dans le
domaine de la production mais pour constituer des troupes dépendantes
assurant la position dominante de la noblesse.
En résumé, bien que la structure politique de la société parthe soit
demeurée lâche, nous pouvons dire que ses structures sociales étaient, en
revanche, bien solides et stratifiées. Ces dernières se formèrent par suite de
l'interaction, au cours de la conquête, de deux structures différentes: celle de
la société parthe locale des cultivateurs sédentaires et celle des nomades
parnes conquérants. Bien que les différences ethniques et culturelles entre ces
deux sociétés assez proches se soient relativement nivelées, la structure sociale
résultant de la conquête exista pendant une période historique relativement
longue. Outre les groupes sociaux mentionnés (ainsi que leurs subdivisions
et formes de transition), il en est un autre qui semble avoir joué un rôle
important dans la société parthe, celui des prêtres. Dans notre étude, ce
groupe n'a pas été l'objet d'un examen direct mais nous l'avons implicitement
pris en considération. Le caractère des prêtres parthes constitue un problème
extrêmement complexe et peu étudié ; aussi sommes-nous obligés de nous
abstenir, pour l'instant, de son analyse tant soi peu détaillée au sein de la
société parthe ; nous nous bornons à signaler tout simplement son existence
et, apparemment, le rôle important qu'il y jouait.
La famille régnante des Arsacides, seule capable d'occuper le trône
194 G. A. KOSELENKO

parthe, était placée au sommet de la pyramide sociale. Des représentants de


cette famille étaient installés également sur les trônes des États dépendants
et vassaux. L'importance des trônes était très hiérarchisée. Le pouvoir royal,
en principe absolu, fut limité par une série d'institutions traditionnelles dont
certaines dataient encore de l'époque de la confédération parne. L'attache
ment traditionnel du pouvoir à un clan tendait à activer la désintégration
politique.
Un autre grand groupe de catégories sociales réunissait les descendants
des conquérants parnes désignés sous le terme général de cavaliers. Celui-ci
se subdivisait en deux catégories : la noblesse — l'aristocratie militaire — qui
descendait des familles parnes nobles formait la catégorie supérieure. Cette
dernière possédait dans l'État le monopole du pouvoir politique et militaire
consacré par la législation ou plutôt par une coutume traditionnelle (64).
C'est la noblesse qui constituait le noyau des troupes parthes, la cavalerie
lourde des cataphractaires. Le pouvoir et la puissance de la noblesse (outre
son rôle militaire) s'appuyait également sur ses vastes possessions de terres
bien que la nature de l'agriculture soit encore très peu étudiée. A l'intérieur
de cette couche sociale, on distinguait la noblesse supérieure, notamment, les
« sept familles » (les Suréna, les Carrène, etc.), qui possédaient de vastes terri
toires où leur pouvoir devait être bien peu différent des prérogatives royales.
Enfin, la puissance de la noblesse (dans son ensemble) était sensibl
ement due à son pouvoir traditionnel sur ses compatriotes, descendants des
familles du tout-venant des nomades parnes. Ce pouvoir devait être si grand
que parfois les auteurs antiques désignaient la situation de ce groupe en terme
d'esclavage bien qu'il en fût autrement. C'est probablement pour cette raison
que, dans la nomenclature politique parthe, la noblesse seule a été définie
comme libre (liberi, azatan) (65).
La dualité de la position de la couche inférieure des cavaliers reflète
la spécificité de la société parthe : celle dont les structures furent profon
dément marquées du fait de la conquête. Les cavaliers, qui faisaient partie
des conquérants, se détachaient nettement de la population autochtone
conquise ; mais ils étaient en même temps dépendants de la noblesse. Repré
sentant la couche dominante, ils jouaient un rôle notable dans les forces
armées de l'État où les ressortissants de cette catégorie constituaient la
majorité des archers montés. Ils jouissaient de certains privilèges qui les dél
imitaient nettement des masses de la population conquise. Il est possible que,
par leur économie habituelle et leurs coutumes, us se distinguaient également
de l'ensemble des cultivateurs, gardant l'élevage nomade ou semi-nomade
traditionnels et peuplant la périphérie des oasis des cultivateurs. En même
temps, par suite de la conquête, leur dépendance vis-à-vis de la noblesse
(probablement de caractère personnel) ne fut pas seulement conservée, mais
au contraire accrue.
La limite principale dans la société parthe se situait entre les cavaliers
et les masses de la population dont le noyau était formé des éléments que
Plutarque désigne comme pelatai. Juridiquement, cette dépendance était
justifiée par la règle propre à tout le monde antique qui voulait que les biens
et la vie du vaincu appartiennent entièrement au vainqueur.
De toute évidence, cette population était organisée en communautés,
jouissait de certains droits et possédait ses exploitations. Sa dépendance
vis-à-vis de la couche supérieure trouvait son expression dans le fait que ce
groupe social n'était pas exempté d'impôts qui, conformément au cadastre
de l'État, frappaient leurs terres ; l'obligation de cultiver le terrain alloué et
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 1 95

les sanctions sévères pour manquement à cet impératif laissent entendre que
la situation de cette catégorie était proche de celle des laoi dans l'État des
Ptolémées. Cette dernière catégorie peuplait un territoire placé sous la suzerai
neté directe du roi et dépendait de l'État en la personne de celui-ci, et, lors
qu'elle vivait sur un territoire appartenant à la noblesse supérieure, de cette
dernière.
Bien que les auteurs antiques aient désigné par le terme d'esclavage la
situation de ce groupe de population, cette dépendance ne l'était pas en
réalité. La définition la plus adéquate serait «travailleurs dépendants de type
esclavagiste » (66). Le fait de la conquête fut une des raisons principales de
l'apparition de cet état de « dépendance » .
Les esclaves se plaçaient à un niveau inférieur ; d'ailleurs, il faut souli
gner la multiplicité de types et de formes d'esclavage ainsi que l'existence pro
bable des stades transitoires entre les esclaves et les pelatai.
Parmi les particularités principales de la société parthe il convient de
mentionner : 1) l'influence notable de la conquête sur la formation des struc
tures sociales ; 2) la multiplicité des couches sociales, l'absence de limites
nettes entre elles au bas de l'échelle sociale et l'ambiguïté de certaines de leurs
positions ; 3) la concordance imprécise des limites entre la classe et l'ordre ;
4) le rôle extrêmement important du statut d'un ordre pour qu'un homme
ait une place définie dans la société. Toutes ces considérations obligent à
qualifier la société parthe d'assez archaïque.
Il est évident que le tableau des rapports sociaux ici présenté se carac
térise, d'abord par un certain schématisme (puisqu'il n'a pas touché, par
exemple, les rapports existant dans les cités grecques ou sur les territoires
appartenant aux temples), ensuite par une certaine généralisation — absence
de détails et caractéristiques des formes de transition, etc. Cependant, nous
estimons que ce schéma général a le droit d'exister : d'une part, il est fondé
sur les sources ; d'autre part, il montre en quelque sorte un « modèle idéal »
de la société parthe, telle qu'on peut la reconstituer d'après leur analyse.
Certes, la réalité des rappoits sociaux fut bien plus complexe et les éléments
mis en présence plus nombreux que ne le révèle notre travail ; cependant, ces
éléments complémentaires devaient être utilisés dans le cadre de ce même
modèle (à notre avis, du moins) ; par conséquent, il paraissait tout à fait
nécessaire de définir ses structures et son fonctionnement. Pareilles structures
sociales n'ont probablement existé que dans les régions Est de la Parthie.
L'Occident (Babylonie, Mésopotamie, Susiane) où le processus de formation
des classes commença plus tôt et se déroula autrement, engendra ses propres
structures (dont la présence des cités grecques accentuait la complexité).
La conquête de ces régions par les Parthes devait amener la collision et l'inte
raction de ces différentes structures sociales. Mais l'étude de ce processus
dépasse le cadre de notre investigation.

G.A. KOSELENKO

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196 G.A. KOSELENKO

NOTES

(1) I. D'JAKONOV, V. LIVCIC, Nouveaux documents découverts à Staraja Nisa,


Annales d'Asie occidentale. II. Déchiffrement et interprétation des écritures de
l'Orient antique, Moscou 1966, p. 141-142.
(2) I. D'JAKONOV et V. LIVČIC se réfèrent aux ouvrages suivants : T..NOLDEKE,
Geschichte der Perser und Araber zur Zeit der Sasaniden, Leiden 1879, p. 441 ;A.
CHRISTENSEN, L'Iran sous les Sassanides, Copenhague 1944, p. 112, 368 sq. ;
G. WIDENGREN, Recherches sur le féodalisme iranien, Orientalia Suecana, V,
1956, p. 170-176 ; E. HERZFELD, Archaelogische Mitteilungen aus Iran, VII,
Berlin 1934, S. 21. Ils citent en outre la remarque d'A.G. PÉRIXANIAN au sujet
de la mention de la « liste des cavaliers » dans le recueil de lois des Sassanides
récemment publié ; v. A.G. PÉRIXANIAN, Recueil de lois des Sassanides. Le livre
des mille verdicts. Erevan 1973, A 16, II, 1 3, 15-16 ; A 17, 1 ; A 19, 2-5 (liste des
cavaliers) ;77, 6, 8 (cavalier).
(3) Inscription sur une gemme Kushane. Cf. W.B. HENNING, A Bactrian Seal Inscrip
tion, BSOAS, vol. XXV, p. 2, 1962, p. 335.
(4) En Sogdiane au début du féodalisme, la population privilégiée comprenait deux
groupes : dikhkan et azatan (c'est-à-dire, «libres»). La cavalerie sogdienne était
composée de dikhkan et d'azatan qui, à en juger par les témoignages des auteurs
arabes, seraient identiques aux « cavaliers» (Cf. O.I. SMIRNO VA,Azatan comme
catégorie sociale de la population sogdienne. Le Proche et Moyen Orient (histoire,
culture, étude des sources). (Recueil d'articles à l'occasion du 70e anniversaire
du Pr M. PETRUSEVSKIJ, Moscou 1966, p. 148-149 ; idem, Essais sur l'histoire
de la Sogdiane, Moscou 1970, p. 69-86). En Arménie, au début du Moyen Age, la
situation était semblable; toutefois la démarcation entre la grande noblesse
propriétaire et guerrière et la masse des représentants ordinaires des couches
privilégiées (azatan) y était plus nette. Les azatan étaient vassaux du roi et des
nakharares (représentants de la noblesse supérieure). On peut supposer qu'une
partie seulement d'entre eux possédait des terres alors que la majorité était payée
par leurs suzerains tant en espèces qu'en nature. Les « cavaliers » formés par des
azatan et des chinakan (population juridique libre mais frappée d'imposition)
faisaient partie de la couche privilégiée. Cf. NOVOSEL'CEV, V.T. PASUTO,
L.V. CEREPNIN. Modes d'évolution du féodalisme (Transcaucasie, Asie centrale,
Russie, pays baltes), Moscou 1972, p. 61-80.
(5) M. MASSON, Peuples et régions du Turkménistan du Sud intégrés à l'État des
Parthes, Annales de l'UTAKE, t. V, Asxabad, 1955, p. 36-37.
(6) II est à noter qu'au sujet de ce passage, M. Masson omet de se référer au témoi
gnage de Plutarque qui parle des pélatai.
(7) N. PIGULEVSKAJA, Les cités iraniennes au début du Moyen-Age, Moscou-
Leningrad 1956, p. 94-96.
(8) A. BELENICKIJ, La formation esclavagiste dans l'histoire de l'Asie centrale,
KSIA, 122, 1970, p. 71-75.
(9) M.A.R. COLLEDGE, The Parthians, London 1967, p. 86.
(10) Cf. à ce sujet l'article de P. Briant, Brigandage, dissidence et conquête en Asie
achéménide et hellénistique, Dialogues d'histoire ancienne, 2, 1976, p. 163-258,
qui démontre que dans les écrits grecs et romains traitant de l'Orient hellénisé,
le terme « brigand » avait, dans la plupart des cas, une signification sociale. Étaient
nommés brigands, en règle générale, les ennemis de l'ordre établi par les conquér
ants.
(11) J. WOLSKI, L'historicité d'Arsacès I, Historia, Bd 8, Hft. 2, 1959 ; J. WOLSKI,
Arsace et la généalogie des premiers Arsacides, Historia, Bd. II, Hft 2, 1962.
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 197

(12) I. D'JAKONOV, V. LIVSIC, Documents de Nisa du Ier s. av. n. ère. Résultats


d'étudejpréalables, Moscou 1960, p. 20-21.
(1 3) G. KOSELENKO, La généalogie des premiers Arsacides (réexamen de Vostracon
de Nisa № 1760), Histoire et culture des peuples de l'Asie centrale (Antiquité et
Moyen Age), Moscou 1976, p. 31 sq.
(14) M. ROSTOVCEV, Peinture décorative antique en Russie du Sud, St-Pétersbourg
1914, p. 332 sq ; V. BLAVATSKIJ,Essais sur la science militaire dans les États
antiques au nord de la mer Noire, Moscou 1954, p. 141 sq ; S. TOLSTOV, La
Khorasmie ancienne, Moscou 1948, p. 211 sq ; B. LAUFFER, Chinese Clay
Figures, P.I. (Prolegomena on the History of Defensive Armor). Field Museum
of Naturel History, Publ. 177, Anthropological Series, vol. XIII № 2, Chicago
1914, 220 sq; M. ROSTOTZEFF, Graffity. The Excavations at Dura Europos.
Preliminary Report of Fourth Season of Work, New-Haven 1933, p. 207 sq ; W.
TARN, Hellenistic Military and Naval Developments, Cambridge 1930, p. 73 sq.
(15) Cf. surtout A.M. XAZANOV, Les cataphractaires et leur rôle dans l'histoire de l'art
militaire, VDI, 1968, № 1, p. 181 sq.
(16) Cf., par exemple, V. MASSON, L 'agriculture et le régime agraire du Turkménistan
à l'époque du développement des relations esclavagistes. Essais d'histoire de
l'agriculture et des rapports agraires au Turkménistan, Âsxabad 1971, p. 42.
(17) W. TARN, The Greeks in Bactria and India, Cambridge 1951, p. 45-50 ; F.
ALTHEIM, Weltgeschichte Asiens in Griechische Zeitalter, B.I. Halle 1947, p.
2-24.
(18) T. LIEBMANN-FRANKFORT, L'histoire des Parthes dans le livre XLI de Trogue
Pompée ; essai d'identification de ses sources, Latomus, t. XXVIII, fasc. 4, 1969.
Pour les ouvrages antérieurs, cf. L. SANTI AMANTINI, Fonti e valore storico di
Pompeo Trogo (Justin XXXV e XXXVI), Genová 1972 ; E. SALAMONE, Fonti
e valore storico di Pompeo Trogo (Justin XXXVIII, 8, 2 - XL), Genová 1973.
(19) Cf., par exemple, N.C. DEBEVOISE, A Political History ofParthia, Chicago 1938,
p. 83 ; M.A.R. COLLEDGE, TheParthians..., p. 61-62.
(20) N.C. DEBEVOISE, A Political History..., p. 83.
(21) H.W. BAILEY, To the Zamasp-namak I, BSOS, vol. VII, P.I., 1930.
(22) Traduction de H. BAILEY : « A horseman will become a man on foot and the
man on foot a horseman».
(23) Nous omettons évidemment d'y inclure les concubines de Suréna transportées par
deux cents chariots.
(24) Cf. M.M. D'JAKONOV, Essais d'histoire de l'Iran ancien, Moscou 1961, p. 194-
195 ; R.N. FRYE, Héritage d'Iran, Moscou 1972, p. 260-261.
(25) A.M. XAZANOV, Histoire sociale des Scythes, Moscou 1975, p. 191 sq.
(26) V.S. TASKIN, L'histoire de Hiong-nu (d'après les sources chinoises), rec. I, Mos
cou 1968, p. 46 ; A.M. XAZANOV, Histoire sociale... 2, p. 193.
(27) G.A. KOSELENKO, Généalogie, p. 31.
(28) G.A. KOSELENKO, Le pouvoir royal et sa justification en Parthie ancienne,
Histoire de l'État et de la civilisation iraniens. A l'occasion du 2500e anniversaire
de l'Iran, Moscou 1971, p. 212 s? ; D.S. RAEVSKLT, Au sujet de la justification
du pouvoir royal en Parthie, Moscou 1977, p. 81 sq.
(29) A.M. XAZANOV, Histoire sociale... p. 196-197 ; R.N. FRYE, Héritage... p. 261.
(30) Cf., entre autres, ATHEN. Deipn. IV, 152 a, b ; 152 f - 153 b (renvoi à Posi-
donios).
(31) Cf., entre autres, M. ROSTOVTZEFF, Ch. B. WELLES, A parchment contract of
Loan from Dura-Euro po s on the Euphrates, YCS, vol. II, 1931, p. 52.
(32) Pour l'état actuel des études, cf. K.K. ZEL'DIN, La lutte des groupes politiques
en Attique au VIex av. n. ère, Moscou 1964, p. 158 sq.
198 G.A. KOSELENKO

(33) IOSPE, II, 353 ; KBN, 976.


(34) S.A. ŽEBELEY, Le Nord de la mer Noire, Moscou 195 3, p. 1 25 sq.
(35) V.D. BLAVATSKIJV.D., L'esclavage et ses sources dans les États antiques du
Nord de la mer Noire, SA, XX, 1954, p. 41.
(36) V.F. GAJDUKEVIČ, Le royaume du Bosphore, Moscou-Leningrad 1949, p. 363.
(37) M. ROSTOVTZEFF, Ch. B. WELLES, op. cit., p. 58.
(38) T.D. ZLATKOVSKAJA, L'apparition de l'État chez les Thraces, Moscou 1971,
p. 139.
(39) Cf., entre autres, D. LOTZE, Me xaEù éXeuôépov xaL 5ov\b>v,Studienzur
Rechtsstellung unfreier Landbevôlkerungen in Griechenland bis zum IV. Jahrun-
dert vor chr., Berlin 1959 ; L.N. KAZAMANOVA, Essais sur l'histoire socio-
économique de la Crète. Ve-IVe s. av. n. ère., Moscou 1964 ; LA. ŠIŠOVA,Du
statut des pénestes, VDI, 1975, № 3, p. 39 sq.
(40) E.H. MINNS, Parchments of the Parthian Period from Avroman in Kurdistan,
JHS, XXXV, 1915, p. 22-65 ; A.G. PERIXANIAN, A propos de l'esclavage et de
la propriété terrienne en Iran à la période parthe, VDI, 1952, № 4, p. 20 sq ;
L.A. EL'NICKIJ, Les inscriptions grecques et latines peu étudiées ou perdues de
la Transcaucasie, VDI, 1964, N° 2, p. 135-138 ; V.M. MASSON, L'agriculture et
le régime agraire... p. 73-75.
(41) Cf. M.M. D'JAKONOV, op. cit., p. 202 ; L.A. EL'NICKIJ, (op. cit., p. 136)
s'oppose à la définition de ces cultivateurs comme membres de la communauté
alléguant le fait que nous sommes là face à un milieu d'ethnies différentes. Cette
observation ne nous paraît pas incontestable car la constitution par le pouvoir
des « communautés secondaires» pour des raisons d'imposition est typique pour
la période hellénistique (ces communautés conservaient la caution solidaire).
(42) M.M. D'JAKONOV, op. cit., p. 203.
(43) I.M. D'JAKONOV, M.M. D'JAKONOV, V.A. LIVSIC, Documents de Nisa
ancienne, MUTAKE, r.2, Ašxabad 1951, p. 63 ; A.G. PERIXANIAN, op. cit.,
p. 24 ; V. MASSON, L'Agriculture... p. 75-76.
(44) Cf. entre autres, A.M. XAZANOV, op. cit., p. 158 sq.
(45) JA. A. LENCMAN, Termes du grec ancien désignant les esclaves, VDI, 1951,
NO 2, p. 57 sq.
(46) Histoire des Tadjiks, t. I, p. 140 sq ; B.G. GAFUROV, Les Tadjiks, Moscou 1972,
p. 55 ; V.M. MASSON, L 'Agriculture... p. 14-19.
(47) A. PERIXANIAN, op. cit., p. 14-19.
(48) The Excavations at Dura-Europos. Final Report V, Part. I. The Parchment and
Papyri (Ed. by C.B. WELLES, R.C. FINK and J.F. GILLIAM), New Haven 1959,
(N°si7B, 18,25,28, 31).
(49) Toutefois, I. SlFMANjs'o^pose à cette interprétation. Cf. L.P. MARINO VIC,
E.S. GOLUBCOVA, I.Š. SIFMAN, A.I. PAVLOVSKAJA, L 'esclavage dans les
provinces orientales de l'Empire romain aux Ier-IIIe s., Moscou 1977, p. III.
(50) V.M. MASSON, L'agriculture... p. 66-68.
(5 1 ) L.P. MARINOVIČ' op. cit., p. 1 1 8.
(52) M.M. D'JAKONOV, op. cit., p. 195.
(53) J. WOLSKI, L'aristocratie parthe et les commencements du féodalisme en Iran,
Iranica Antiqua, vol. VII, Leiden 1957, p. 133.
(54) Sur le coût important des cuirasses, consulter B.Ph. LOSINSKY, The original
homeland of Parthians, Gravenage, 1959, p. 24.
(55) M. ROSTOVTZEFF, The Sarmatae and Parthians, САН, IX, p. 102 ; W. TARN,
Hellenistic Military... p. 89 ;M. MASSON, op. cit., p. 15.
(56) A.M. XAZANOV, (Les cataphractaires... p. 184) se référant au témoignage de
Plutarque relatif aux troupes de Suréna considère que les cataphractaires n'étaient
DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 199

pas encadrés exclusivement par des nobles. Cette thèse toutefois ne paraît pas
indiscutable puisque l'auteur ne tient pas compte du fait que le pouvoir de Suréna
s'étendait sur d'immenses territoires et que, dans ses rapports avec les nobles
«ordinaires», sa place était, de fait, analogue à celle du Grand Roi.
(57) Pour le morcellement politique, cf. R.N. FRYE, op. cit. p. 255 sq.
(58) Pour les possessions de Suréna, v. W. TARN, The Greeks... p. 95, 204, 224, 345 ;
E. HERZFELD, Sakastanaz A rchaeologische Mitteilungen aus Iran, IV, 1932, S.
63 sq ; J. MARKWART, Erânhhr nach der Géographie de Ps. Moses Xorenac'i,
Berlin 1901, S. 34, 46 ; sur les possessions d'autres familles illustres, cf. R.N. FRYE,
op. cit., p. 262.
(59) E.V. GRANTOVSKIJ, Les castes indo-iraniennes chez les Scythes, Moscou 1960 ;
D.S. RAEVSKIJ, Essais d'idéologie des tribus scythes et saces, Moscou 1977.
Signalons entre parenthèses que le terme de Raevskij, «groupe ordre-caste» nous
semble plus heureux que celui de « caste» employé par Grantovskij.
(60) A.M. XAZANOV, Histoire sociale... p. 201.
(61) D.S. RAEVSKIJ, Essais... p. 153.
(62) Pour des exemples, cf. G.A. KOSELENKO, La lutte politique intérieure en
Parthie (seconde moitié du IIe s. av. n. ère - début du Ier s. de n. ère), VDI, 1963,
№ 3, p. 56 sq.
(63) A.M. MANDEL'STAM, Nouvelles informations sur les monuments des nomades
du Turkménistan sud dans l'Antiquité, Annales de l'A.S. de la Turkménie, section
des sciences sociales, 1963, № 2, p. 32 sq ; A.A. MARUSČENKO, Tertres funér
aires de l'époque sarmate en Turkménistan du Sud. Annales de l'IIAE de l'A.S.
de la Turkménie, V, Askabad, 1959 ; M.E. MASSON, Nouvelles données archéo
logiques sur l'histoire de la société esclavagiste sur le territoire du Turkménistan
du Sud, VDI, 1953, № 1. En Bactriane, à la période qui suit la conquête des
nomades et même après la formation de l'État des Kushans, lesjiomades conti
nuaient de peupler la périphérie des oasis. Cf. A.M. MANDEL'STAM, Les no
mades sur la route aux Indes, 136, 1966 ; ou, du même auteur, Monuments
nomades de l'époque kouchane en Bactriane du Nord, Leningrad 1975.
(64) M. D'JAKONOV (op. cit., p. 195) et R.N. FRYE (op. cit., p. 260-261) suppos
ent que les nobles disposaient d'un conseil spécial.
(65) Un des documents découverts lors des fouilles de Dura-Europos (The Excavations
at Dura-Europos... p. 115, № 20) mentionne Manèse, fils de Phraate, batesa,
homme libre ( xûv êAeudépcov ), percepteur d'impôts, stratège de Mésopo
tamieet de Parapotamie, archonte des Arabes. Il est hors de doute que c'est là
un des fonctionnaires du rang le plus élevé. Le fait qu'il est désigné comme libre
confirme cette thèse. Cf. M.I. ROSTOVCEV, Ch.B. WELLES, op. cit., p. 52 ;
R.N. FRYE, Some early iranian titles, Oriens, vol. 15, 1962, p. 352-354. Nous
avons cité ci-dessus des documents sassanides et sogdiens qui appuient également
notre hypothèse. Notons, en outre, que plusieurs sociétés de classe primitives
connaissent l'identité des notions de «noble» et «libre». Cf. H. VAN EFFEN-
TERRE, Y a-t-il une noblesse crétoise ? Recherches sur les structures sociales
dans l'Antiquité classique, Paris 1970, p. 21.
(66) I.M. D'JAKONOV, Les esclaves, les hilotes et les serfs dans la Haute Antiquité,
VDI, 1973, №4, p. 3sq.

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