Vous êtes sur la page 1sur 322

DÉMASQUÉS

ANDY NGO

DÉMASQUÉS
DOCUMENT

Traduit de l’anglais (États-Unis)


par Anne-Sophie Nogaret

ring.fr
ÉDITIONS RING
Collection
DOCUMENT

RING
www.ring.fr
_
Tous les droits de traduction,
de reproduction et d’adaptation
réservés pour tout pays.

UNMASKED : Inside Antifa’s Radical


Plan to Destroy Democracy
Copyright © 2021 by Andy Ngo
© 2023 EpubsFR
Published by arrangement with Center Street,
an imprint of Hachette Book Group, Inc., New York,
New York, USA
All right reserved.

© ÉDITIONS RING, 2021


À mon père, Ngi Quoc Binh
Introduction

« À qui sont ces rues ? À nous ! » scandait la foule qui, en ce mois de juin
2019, manifestait en plein centre de Portland. Certains affichaient leurs
sympathies marxistes, chemises rouges et bandanas, agitant le drapeau rouge
et rose du parti des Socialistes démocrates d’Amérique. Ils furent rejoints par
les anarcho-communistes, entièrement vêtus de noir. La crise du Covid n’était
pas encore passée par là, et pourtant la plupart étaient masqués. Nombre
d’entre eux portaient un casque et des armes improvisées. Les manifestants,
quatre-cents personnes environ, bloquaient la circulation : rien que de très
habituel à la Cité des roses{1}. Comme d’habitude, la police restait à distance,
bien placée pour savoir à qui appartenait la rue…
Muni de mon téléphone et d’une caméra GoPro, je me frayai un chemin
vers la tête du cortège. J’étais en reportage ; quelques manifestants m’ont
reconnu, dévisagé, puis se sont mis à faire des messes basses. Luis Enrique
Marquez m’a regardé droit dans les yeux. À Portland, ce militant de 48 ans
est de toutes les manifestations violentes ; il s’est si souvent fait arrêter qu’il
ne se donne même plus la peine de se masquer. Quoiqu’il en fût, j’ignorai les
regards et poursuivis ma route. À ce moment-là, le slogan a changé : « Pas de
haine, pas de peur ! » a commencé à crier la foule. J’avais à peine parcouru
quelques mètres que quelqu’un – ou quelque chose – m’a violemment heurté
l’arrière du crâne ; le choc fut tel que j’en suis presque tombé. N’ayant jamais
été bagarreur, j’ai naïvement pensé que, peut-être, quelqu’un derrière moi
avait trébuché. J’eus à peine le temps de me retourner qu’une armada vêtue
de noir m’encerclait. En arrière-fond, j’entendais toujours la foule scander :
« Pas de haine ! »
Cruelle ironie, je me suis dès cet instant confronté à l’incarnation même
de la haine. Entouré d’une meute informe de fantômes sans visages, j’étais
tétanisé. Soudain, tombant de tout côté, une pluie de coups s’est abattue sur
ma tête. Sous l’assaut, mon genou droit a vrillé. Mes agresseurs masqués, qui
me frappaient à coups de poing, portaient des gants spéciaux, rigidifiés par de
la fibre de verre. Il n’est pas impossible que certains aient aussi utilisé des
poings américains. En signe de reddition, j’ai levé les bras, ce qui eut pour
seul effet d’accroître leur férocité à mon égard. On m’a alors arraché ma
caméra, la seule preuve dont je disposais. Désespérément, j’ai tenté de la
garder. En vain. Le voleur masqué s’est fondu dans la foule, technique
typique des black blocs{2}. Quelqu’un s’est rué vers moi, me décochant deux
coups de pied à l’entrejambe. On m’a frappé à l’arrière du crâne, sans doute
avec un panneau.
L’agression m’a laissé en sang, complètement désorienté. Mon oreille
saignait, j’avais des plaies sur tout le visage. Je sentais mes yeux s’injecter de
sang. Je pensais que le lynchage était terminé… jusqu’à ce qu’une grêle de
« milkshakes » façon antifa, d’œufs et d’objets divers s’abatte sur ma tête. Je
titubais sous la mitraille, tandis que la foule hurlait de rire.
Plusieurs cameramen me suivaient : j’ai cru qu’ils allaient venir à secours,
mais ils se sont contentés de prendre des photos et de filmer. « Putain de
vendu, salope ! » a hurlé un militant local, transsexuel et membre des
Antifascistes sataniques de Portland. À moitié aveuglé, je me suis dirigé vers
le tribunal du comté en passant par lownsdale Square, puis j’ai perdu
l’équilibre. Plus tard, aux urgences de l’hôpital universitaire, on m’a dit que
j’avais une hémorragie cérébrale. Lorsque je suis passé devant le Palais de
justice du comté Multnomah, bâtiment qui regroupe le commissariat central,
le bureau du shérif et les tribunaux, j’étais à l’agonie, anéanti par la foule
déchaînée. À aucun moment la police n’est intervenue. Jim Ryan, reporter
pour l’Oregonian{3} a filmé une partie du lynchage avec son portable.
Pendant que j’étais aux urgences, la vidéo a tourné sur les réseaux
sociaux, affichant des centaines de milliers de vues. Mon nom a commencé à
circuler sur Twitter, alors que le grand public ne me connaissait pas. La
presse progressiste, le New York Times, la BBC et CNN n’ont pas pu taire les
faits. On avait raconté aux Américains que les antifa étaient de gentils
« antifascistes », et voilà que sur cette vidéo, on voyait une meute masquée
lyncher un journaliste, au cœur d’une grande ville américaine et sans que
personne n’intervienne. Ces images confirmaient ce que certains dénonçaient
depuis des années : sous couvert d’« antifascisme », ces militants étaient des
extrémistes qui avaient fait le choix de la violence, et qui n’avaient pas
uniquement les fascistes en ligne de mire.

Bien que mon agression ce jour-là ait suscité un écho national et


international, je n’étais pas le seul à avoir été physiquement pris à partie. Près
du tribunal Pioneer, au moment où il portait secours à un vieil homme que
l’on frappait alors qu’il était à terre, Adam Kelly, 37 ans, a reçu des coups
dans le dos, attaqué par des antifa masqués. Un d’entre eux lui a balancé sa
matraque à la tête. Sur la vidéo, on entend distinctement le choc. Pour
recoudre la blessure de Kelly, vingt-cinq points de suture ont été
nécessaires… Nous ne le savions pas à l’époque, mais nous avions tous deux
été pris en charge par le même service des urgences. Il a de la chance d’être
encore en vie.
Un habitant de Portland âgé de 24 ans, Gage Halupowski, a été jugé et
condamné pour l’agression de Kelly. À ce jour, c’est aux États-Unis un des
rares extrémistes antifa à avoir été condamné à une peine de prison. Fait
révélateur, les militants parlent de lui comme d’un « prisonnier politique ».
Ce jour-là, huit personnes ont été blessées. Trois d’entre elles, dont moi, ont
fini à l’hôpital.
Rose City Antifa, le groupe de Portland, a revendiqué ces agressions.
« Nous n’avons fait que nous défendre » a déclaré l’organisation sur son site.
« Voilà ce qui se passe quand l’extrême droite veut envahir notre ville. »
Venant d’une organisation qui par ailleurs n’hésite jamais à répandre fausses
informations et propagande, le discours était étonnamment honnête. Pour
ceux qui nourriraient encore quelques doutes à ce sujet, la violence constitue
l’essence même de l’idéologie antifa, et non une de ses caractéristiques
annexes. Les antifa en vérité idolâtrent la violence : depuis 2015, ils ont
harcelé, agressé, volé, voire tué un nombre incalculable de gens, y compris
des journalistes. Les media et la justice, sauf exception, ne se sont pas
penchés sur la question.
Quelle qu’en ait été la raison, la violence qui s’était exprimée le 19 juin
2019 à Portland a néanmoins changé la donne et mis le pays en émoi : on a
commencé à parler de la violence des antifa, et de ces hommes politiques qui
prenaient leur défense et qui, systématiquement, étaient de gauche. Pourtant,
les antifa avaient fait bien des victimes avant de s’en prendre à moi.

En novembre 2018, deux marins réservistes en goguette à Philadelphie


s’étaient fait agresser par des militants, qui les avaient pris pour des « Proud
boys{4} ». Alejandro Godinez et Luis Torres, tous deux latinos, ont déclaré
aux enquêteurs avoir été agressés gratuitement, dépouillés et insultés de façon
clairement raciste. Par la suite, on a arrêté Tom Keenan, Thomas Massey, et
Joseph Alcoff, identifiés grâce à la vidéo d’une manifestation qui avait eu
lieu plus tôt dans la journée. Alcoff, fils d’une enseignante féministe, travaille
à Washington pour un lobby progressiste et démocrate. Au niveau fédéral,
ces agressions étaient passées sous les radars, mais peu après mon agression,
le président Donald Trump s’est exprimé : « On suit de très près ce qui se
passe à Portland » a-t-il écrit sur Twitter. « Espérons que le maire fasse
correctement son travail… »
Ce jour-là, certains quartiers de la ville évoquaient un pays en déshérence,
qui laissait en plein jour des voyous armés et masqués patrouiller dans les
rues. Les pouvoirs publics, en ordonnant à la police d’éviter l’affrontement,
ont empêché que l’ordre soit rétabli et la sécurité des citoyens assurée. À la
Cité des roses, c’était la norme.
La banalisation de la violence antifa se retrouve dans le compte-rendu des
événements du 29 juin par une journaliste locale : malgré la violence de la
manifestation, Katie Sheperd du Washington Post évoque une journée
« plutôt ordinaire ». Propos pertinent, en effet, mais pas pour les raisons
auxquelles elle pensait. À Portland, en 2019, la violence politique des antifa
s’était tellement banalisée que plus personne ne s’offusquait du quasi-
assassinat de trois citoyens. Mais, comme les actes de violence ou les
traumatismes crâniens, tout événement porte à conséquence : tant qu’on
trouve des excuses aux antifa et qu’on dénie leur existence, ils n’en sont que
plus séduisants, recrutant à tour de bras, laissant libre cours à leurs penchants
violents.

En mai 2020, après des mois de confinement, des émeutes raciales ont
éclaté. La mort de George Floyd, survenue à Minneapolis pendant son
interpellation, a mis le feu aux poudres. Dans des dizaines de villes, casseurs
et pillards ont incendié des bâtiments, braqué des magasins, agressé les forces
de l’ordre au nom de Black Lives Matter. Les antifa leur ont prêté main-forte.
On a recensé plus de vingt morts.

Alors qu’ils avaient directement assisté aux événements, les media et les
responsables politiques de gauche ont refusé d’admettre le rôle qu’avaient
joué les antifa. Lors d’un débat au Congrès, le président de la Commission
des affaires judiciaires, Jerrold Nadler, membre des Démocrates de New
York, a parlé d’une mouvance « imaginaire ». La population avait vu des
militants masqués déclencher des émeutes et y prendre une part active, et
pourtant, on s’obstinait à lui raconter que l’existence d’un mouvement antifa
organisé n’était « nullement prouvée ». « Qui a provoqué les violences
pendant les manifestations ? Pas les antifa » affirmait le Washington Post
dans un fact-checking{5} complètement lunaire.

En 2018, j’étais un des rares reporters à écrire sur la mouvance antifa et à


alerter sur ce qui se passait à Portland. Je n’étais journaliste que depuis
quelques années et, sur le terrain, mes formateurs m’avaient conseillé de
laisser tomber. « Les antifa, c’est de l’histoire ancienne, ça n’a aucun intérêt.
Tourne la page ! » m’avait exhorté un rédacteur en chef connu. Ignorant leurs
conseils, j’avais continué à écrire et à m’exprimer sur le sujet. Grâce au
courage des rédacteurs en chef du Wall Street Journal et des producteurs de
Fox News, mes travaux ont néanmoins pu trouver une audience nationale.
Ce qui avait échappé à mes formateurs, c’était la sophistication de la
stratégie antifa, qui pour déstabiliser la société recourt aussi bien à la
propagande qu’à la violence ou au clientélisme. On a tort de réduire les antifa
à un ramassis de voyous. Leur violence dissimule la destruction planifiée des
États-nations, de l’Amérique notamment. Leur violence vise la révolution,
étape nécessaire selon eux à la réalisation de leur utopie.

En 2020, le pays a pu avoir un aperçu de leur agenda, lorsqu’au nom de


l’« antiracisme », un groupuscule d’extrémistes s’est livré à des agressions et
à des destructions de masse, dont il assurait par ailleurs la mise en scène et la
promotion.

Le 4 août 2020, je témoignai devant le Congrès américain de la menace


que faisait peser la mouvance antifa sur la sécurité et la liberté des
Américains. Ted Cruz, sénateur républicain du Texas et président de la sous-
commission sénatoriale à la Constitution, m’y avait convié, et c’est en toute
sincérité que je m’étais rendu à son invitation. Je vivais à Portland,
j’enquêtais sur les antifa depuis des années, j’étais un témoin direct de la
violence qu’ils mettaient quotidiennement en œuvre ; de ce fait, j’étais bien
placé pour savoir que les autorités locales et fédérales ne prenaient pas la
menace au sérieux. Une réalité qui non seulement avait provoqué des morts
que l’on aurait pu éviter, mais qui laissait aussi le champ libre aux
extrémistes, lesquels déclenchaient maintenant des émeutes aux quatre coins
du pays. J’étais conscient de l’urgence qu’il y avait à témoigner devant le
Congrès. Je savais que cela me vaudrait de nouvelles menaces de mort, mais
je ne pouvais pas laisser passer cette occasion inespérée de m’adresser aux
Démocrates : pour être neutralisée, la menace antifa doit être combattue par
tous les bords politiques.
La sous-commission était co-présidée par Mazie Hirono, sénatrice
d’Hawaï, et par le sénateur Cruz. Mazie Hirono est une des femmes
politiques les plus en vue parmi celles qui sont issues de la communauté
asiatique américaine. J’avais rédigé mon intervention dans l’espoir qu’elle et
ses collègues démocrates comprennent, ne serait-ce qu’en partie, que les
antifa n’étaient pas les « anti-fascistes » qu’ils prétendaient être. Pour prouver
qu’ils étaient violents et déterminés à déstabiliser les États-Unis par le
recours à une forme de terrorisme intérieur, je m’étais appuyé sur les minutes
des procès, les communiqués de presse du gouvernement, les textes de loi et
mes propres enquêtes.
Les Démocrates ont fait la sourde oreille. Pas un seul n’a posé de
question, ni même prêté attention à ma présence. La sénatrice Hirono se
contentait de répéter en boucle les titres du Guardian et de la presse de
gauche, qui affirmaient contre toute réalité que les antifa « n’avaient jamais
tué personne ». Avant la fin de l’audition, qui a duré trois heures, elle est
sortie de la salle comme une furie. Au sénateur Cruz qui lui demandait si elle
condamnait la mouvance antifa, Hirono avait répondu : « J’espère, monsieur
le Président, qu’on en a bientôt fini, que je n’ai plus à écouter vos questions
qui ne veulent rien dire ! » À ce moment-là, plus un seul démocrate
n’assistait à l’audition. Ceux qui étaient présents étaient partis, ceux qui
étaient en ligne s’étaient déconnectés. Quelques semaines plus tard, Michael
Reinœhl se rendait à Portland, prévoyant d’y commettre un meurtre.

Démasqués est le résultat de mes années d’enquête sur la mouvance


antifa, enquête que j’ai menée avant même de comprendre de quoi il
retournait vraiment. Pour ce faire, j’ai sillonné les rues de Portland, de
Seattle, de New York, de Londres et de bien d’autres villes. Je n’étais pas
censé devenir un personnage de mon propre travail, et enfreindre ainsi une
des règles de base que respecte tout journaliste digne de ce nom. Pourtant,
avec ou contre mon gré, les antifa avaient décidé que j’allais faire partie de
LEUR histoire : après mon lynchage de 2019, je suis devenu leur ennemi
numéro 1. J’ai reçu des menaces de mort. Ils m’ont traqué. Ils sont allés
plusieurs fois chez mes parents. Ils ont menacé de me tirer dessus, de
m’immoler. Sur les réseaux sociaux, ils ont exposé en temps réel le moindre
de mes mouvements. Ils ont menacé mes amis. Si les menaces de mort ont
bien été signalées à la police, leurs auteurs n’ont jamais eu de comptes à
rendre.
En 2020, après des mois de violences urbaines et de saccages, la
mouvance antifa a pris de l’ampleur. Maintenant, les gens connaissaient ce
nom. Comme il l’avait promis un an auparavant, le président Trump et son
gouvernement l’ont inscrite au registre des organisations terroristes
nationales. Comme on pouvait s’y attendre, cette décision a déclenché une
nouvelle vague de reportages, de tribunes, et d’essais qui prenaient la défense
des antifa et relativisaient leur action.

En réalité, ceux qui écrivent sur ce mouvement en comprennent rarement


la nature et les objectifs. Que ce soit dans la presse de gauche ou dans celle
de droite, jugements erronés et fausses informations foisonnent. C’est le
règne de la désinformation. À droite, on dépeint les antifa en voyous urbains,
violents mais fragiles, jeunes gens atteints de troubles de l’identité de genre,
« hommes soja{6} ». À gauche, on en fait de vaillants héros, qui combattent les
suprématistes blancs et les fascistes, et ne prennent les armes que pour se
défendre. Les antifa et la menace qu’ils représentent pour la démocratie
libérale et la république d’Amérique ne sont jamais véritablement pris en
compte.
Alors, qui sont vraiment les antifa, et que veulent-ils ? Les antifa
(abréviation d’antifascistes, mot que l’on prononce en accentuant la première
syllabe) sont un phénomène récent en Amérique. C’est en Europe que,
pendant des décennies, leur idéologie et leur stratégie de la violence se sont
affinées. Pour dire les choses simplement, le mouvement antifa relève de
l’idéologie d’extrême gauche : grosso modo, ses membres sont soit des
anarcho-communistes, soit des anarchistes adeptes de la collectivisation.
Certains sont socialistes, adhérents des Socialistes démocrates d’Amérique ou
d’autres partis de ce genre. Par-delà leur étiquette politique, ils se définissent
essentiellement par leur opposition au libre-marché ainsi que par leur volonté
de détruire les États-Unis, ses institutions, sa culture et son histoire.
Contrairement à ce que pensent les gens de droite, ce ne sont pas des
libéraux, même s’ils ont en effet radicalisé les Démocrates.
Ceux qui appartiennent à cette mouvance ont comme dénominateur
commun le combat contre le « fascisme », même si le plus souvent, ledit
« fascisme » reste indéfini. Un flou délibérément entretenu qui leur permet de
justifier toute forme de violence et d’extrémisme… au nom précisément de la
lutte contre le « fascisme ». Certes, tous les sympathisants antifa ne sont pas
violents. La plupart d’ailleurs ne le sont pas et préfèrent œuvrer au
dénigrement de la démocratie libérale et de l’État-nation en recourant à un
discours faussement philanthrope qui alimente en réa lité une propagande de
chaque instant. Depuis l’élection de Trump, l’expression de la mouvance aux
USA, au Canada, et dans une moindre mesure dans les pays occidentaux,
s’est unifiée en se calant sur une même ligne : celle, très contemporaine, d’un
extrémisme de gauche qui privilégie l’action violente. Grâce à l’ascendant de
BLM{7}, des intersectionnels{8} et des théories en vogue à l’université, les antifa
américains exercent aujourd’hui une influence croissante sur la gauche en
général.
Aujourd’hui, les antifa américains ne sont plus ces marginaux
groupusculaires, dont le pouvoir de nuisance ne s’exerce que dans quelques
villes. Grâce aux compagnons de route qu’ils ont chez les enseignants, les
journalistes, les juristes et les responsables politiques, leur entreprise a fort
bien réussi. Il est vital de connaître et d’identifier cette mouvance : aux États-
Unis, la violence urbaine politisée dont procèdent les antifa est le signe avant-
coureur de ce qui attend la société, le canari au fond de la mine{9} qui annonce
les temps troublés à venir, peut-être même une guerre civile. Voilà ce qui
nous attend si nous continuons à cautionner et à banaliser ce qu’ils pensent et
ce qu’ils font.

Les media américains nous mettent sans cesse en garde contre l’extrême
droite et la suprématie blanche, menace ultime s’il en est. Aucun honnête
homme ne niera le fait qu’il existe une violence de ce type aux États-Unis,
comme en témoignent les rapports de police. Mais le nombre et l’influence de
ceux qui la mettent en œuvre sont grossièrement exagérés par des media
idéologisés. On enquête bien moins sur les antifa que sur l’extrême droite.
Pourtant, je soutiens que leur idéologie et leur méthode, de plus en plus
violente, représentent tout autant une menace, si ce n’est davantage, pour la
démocratie libérale américaine des prochaines années. Je le démontrerai dans
ce livre.
Par l’analyse de documents inédits, Démasqués dévoile quelques-uns des
acteurs-clés qui sont à la manœuvre au sein de la mouvance. Il révèle leur
stratégie de recrutement et de formation, la façon dont ils radicalisent leurs
sympathisants et l’opinion publique. La violence urbaine n’est qu’une partie
de leur projet. Leur projet, c’est la révolution. Quand nous faisons mine de ne
pas voir les antifa, quand nous les dédouanons, ce sont nos libertés que nous
mettons en danger.
Une rixe entre antifa et militants de droite, en pleine
rue, au centre-ville de Portland, le 30 juin 2018.
Photo : Chelly Bouferrache
Antifacistes de Colorado Springs (chutes du
Colorado)
Une statue en bronze de Georges Washington
déboulonnée par les émeutiers de BLM en juin
2020. Photo : Andy Ngo
CHAPITRE 1

INSURRECTION

En mai 2020, alors que la population américaine était encore soumise à


l’impératif pandémique du « Restez chez vous ! », BLM entrait en scène,
venant prêter main-forte aux antifa.
Le 25 mai 2020 à Minneapolis, la mort de Georges Floyd pendant son
interpellation a mis le feu aux poudres dans un climat déjà tendu : peu de
temps avant lui, deux autres hommes noirs s’étaient fait tuer. À ce moment-
là, les antifa avaient d’ailleurs joué un rôle essentiel, propageant sur les
réseaux sociaux récits fictifs et mensonges éhontés pour soutenir BLM.

Le 6 mai 2020, la police d’Indianapolis avait abattu Dreasjon « Sean »


Reed, 21 ans. Ce jour-là, Reed s’était lui-même filmé pendant une course-
poursuite avec la police métropolitaine, qui avait voulu l’arrêter pour
conduite dangereuse : il s’était alors enfui, pied au plancher. Sur la vidéo, on
voit Reed armé d’un pistolet noir et or facilement reconnaissable. Au bout
d’un moment, il sort de sa voiture et continue à pied ; le pistolet est toujours
bien visible, coincé dans sa ceinture. Après un échange de tirs, Reed est
abattu par un agent de police, noir lui aussi.
Sa mort et la vidéo de ses derniers instants ont alimenté une campagne
visant clairement à attiser la haine et la colère. Sur le site Change.org, on a
lancé une pétition, « exigeant justice » pour Reed. « Hier, l’usage excessif de
la force a mis fin à la vie d’un homme désarmé, Sean Reed » pouvait-on lire.
« Les signataires de cette pétition sont unanimes : ces agents de police
doivent être poursuivis pour meurtre, car ce qu’ils ont fait correspond à la
définition de ce terme. » La pétition avait recueilli plus de 100 000
signatures. Sur Twitter, des posts affirmant que Reed ne portait pas d’arme et
qu’il « avait été assassiné de sang-froid » ont fait le buzz. Des influenceurs
suivis par des millions de gens, comme le jeune David Hogg{10}, ont donné de
l’écho à cette mystification. Et comme à son habitude, la presse a jeté de
l’huile sur le feu, en omettant certains éléments essentiels, ou en publiant de
vieilles photos de Reed plutôt que celles, récentes, où on le voyait mettre en
scène ses délits. Plus significatif encore, les actualités ont passé sous silence
une de ses dernières vidéos : on l’y voyait conduire d’une main, et de l’autre
faire feu avec une arme semblable à celle dont il s’était servi pour tirer sur la
police.
Mais peu importaient les faits. La version officielle ressassait un air
connu : une police raciste et assoiffée de sang avait brutalement assassiné un
Noir qui n’avait rien fait. Des jours durant, des militants se sont rassemblés à
Indianapolis pour manifester contre les forces de l’ordre. Nous étions en
pleine pandémie ; maires et gouverneurs avaient menacé d’amendes, voire de
peines de prison, les contestataires qui n’auraient pas respecté l’interdiction
de se rassembler en public. Pourtant, personne n’a rien dit lorsque des foules
entières ont manifesté pour BLM.
Grâce au parti-pris idéologique des media, le narratif de la mort de Reed
est né, jouant sur la question raciale, toujours très sensible aux États-Unis. À
l’extrême gauche, les sympathisants antifa ont vu dans la mort de Reed
l’occasion rêvée d’attiser la haine de la police sur les réseaux sociaux.

À peu près au même moment, toujours sur les réseaux sociaux, des
activistes ont fait circuler une vidéo : on y voyait Ahmed Arbery, un jeune
homme noir de 25 ans, abattu par deux vigiles blancs, un homme et son fils.
C’était dans le comté de Glynn, en Virginie. Gregory et Trevis McMichael
soupçonnaient Arbery d’être un cambrioleur revenu dans le quartier. Ils
l’avaient donc interpelé tandis qu’il déambulait dans les rues, puis avaient
attendu l’arrivée de la police. C’était à ce moment-là qu’avait eu lieu
l’altercation ; sur la vidéo, on voit Arbery se ruer sur Travis pour le frapper.
Ce dernier, armé d’un fusil, tire sur son agresseur, qui décède sur le coup. Ce
fait divers avait eu lieu le 23 février 2020, plusieurs mois avant la mort de
Floyd. Pourtant, ce n’est qu’au mois de mai que la vidéo a été diffusée,
assortie d’un récit mensonger selon lequel Arbery était un simple jogger,
assassiné à cause de sa couleur de peau. On a soufflé sur les braises et les
tensions liées à la question raciale et aux violences policières se sont
exacerbées.
Si la mort d’Arbery n’impliquait pas directement la police, il se trouve
que Gregory, le père, était un policier à la retraite. Les procureurs locaux
n’avaient pas porté plainte contre les deux hommes. Pourtant, après la
diffusion de la vidéo, le bureau des enquêtes de Géorgie les a tous deux mis
en examen, pour crime et agression aggravée. L’affaire avait également
provoqué quelques manifestations. Là encore, les antifa ont profité de
l’occasion pour diffuser de fausses informations, histoire de radicaliser
l’opinion et de la rallier à leur cause. On a cru reconnaître Gregory
McMichael sur les photos d’un défilé du Ku Klux Klan. Le défilé,
insignifiant, avait eu lieu en 2016. Sur Facebook et Twitter, la photo a
massivement tourné, incitant Georgia Followers, un site d’information très
suivi, à la retwitter à ses 1,5 millions d’abonnés. Un article bidon
accompagnait la photo. Plus tard, le site l’a purement et simplement
supprimé, au lieu de faire ce qu’imposait la déontologie : publier un
rectificatif et indiquer que les faits rapportés étaient faux.

Prévenue contre les forces de l’ordre, l’opinion américaine était mûre


pour la rébellion massive et l’affrontement. Rivés aux réseaux sociaux pour
cause de confinement, il ne manquait plus aux Américains qu’un prétexte
pour sortir de chez eux. Le 25 mai 2020, la mort de Georges Floyd Jr le leur a
fourni.
Floyd, Noir de 46 ans et délinquant notoire, est mort à Minneapolis après
avoir été arrêté pour usage de fausse monnaie. La vidéo de son arrestation est
terrible : elle montre l’agent Derek Chauvin le plaquer au sol et lui bloquer la
nuque du genou, tandis que Floyd répète distinctement qu’il n’arrive plus à
respirer. Trois policiers assistent à la scène. Floyd sombre dans le coma et
meurt. Selon l’expert médecin du Hennepin County, sa mort est due « aux
effets combinés de… la contention policière, de son état de santé et des
substances toxiques potentiellement présentes dans son organisme. »
L’autopsie du comté n’a décelé aucun signe d’asphyxie traumatique ou de
strangulation. Plus tard, ses analyses sanguines révèleront un taux mortel de
Fentanyl.
La réaction de l’opinion a été prompte et d’une ampleur sans précédent.
La gauche et la droite se sont indignés à qui mieux mieux, n’ayant pas de
mots assez durs pour condamner le comportement de Chauvin. En 24 heures,
les quatre agents ont été renvoyés de la police de Minneapolis. Chauvin a été
mis en examen pour meurtre au troisième degré (plus tard réévalué à la
hausse comme meurtre au deuxième degré) et homicide au deuxième degré.
Quant à Alexandre Kueng, Thomas Lane, et Tou Thao, ils ont été arrêtés et
inculpés de complicité de meurtre au second degré. Le FBI et le ministère de
la Justice ont annoncé l’ouverture d’une enquête sur la mort de Floyd.
La justice s’était en l’occurrence montrée exceptionnellement rapide.
Malgré cela, certains ont vu dans la mort de Floyd l’occasion inespérée de
faire progresser leur agenda politique en provoquant un soulèvement contre
l’État et les institutions. Grâce à la médiatisation de l’affaire et à l’hystérie de
provocateurs racialistes sévissant sur les réseaux sociaux, des manifestations
géantes ont eu lieu. Elles ont dégénéré en émeutes, parmi les pires jamais
vues à Minneapolis. Du 26 au 29 mai, la ville a été prise de convulsions, en
proie à une insurrection qui a dévasté certains quartiers.

L’enchaînement des événements néanmoins, de la vitre cassée au pillage


de masse en passant par les destructions matérielles, n’était pas aussi
spontané et inorganisé qu’il paraissait. En réalité, les émeutes de Minneapolis
offrent un bon aperçu de la méthode antifa, et de la façon dont les activistes
d’extrême gauche manipulent les foules pour remporter la mise.
À Minneapolis, le premier bâtiment incendié fut le magasin Auto-zone de
la rue East Lake, commerce qui jouxte le Troisième Commissariat. La veille,
le bâtiment avait été pris d’assaut. Sur une vidéo qui a fait le tour du Net, on
voyait un homme vêtu de noir fracasser les vitrines à grands coups de masse.
Il portait un masque à gaz et un parapluie noir, ruse empruntée aux
manifestants de Hong Kong et destinée à empêcher toute prise d’image. Sur
les portes d’Auto-Zone, il avait écrit à la bombe : « zone des conneries
gratuites pour tous ».
Selon le rapport d’un enquêteur de Minneapolis publié par la suite, le
pillage et l’incendie qui s’étaient ensuivis avaient enclenché, comme par un
effet mécanique, le pillage et l’incendie de tout le quartier, avant que ceux-ci
ne s’étendent à l’ensemble de la ville. Dans son rapport, le sergent Erika
Christensen écrit : « La manifestation était relativement pacifique, jusqu’à ce
qu’intervienne celui que le rédacteur appelle “l’homme au parapluie”. C’est
lui qui par son comportement a créé un climat d’hostilité et de tensions. »
Sur les vidéos prises ce soir-là, on voit le magasin de pièces détachées en
proie aux flammes. Peu après, dans le même quartier, une boutique de la
chaîne Target est également envahi et pillé. Les images montrent les casseurs
se ruer à l’intérieur puis s’en aller, poussant des caddies emplis de matériel
électronique, de chaussures, de vêtements. Certains utilisent des marteaux
pour fracturer les caisses enregistreuses et les coffres-forts. Pour freiner la
fuite des intrus, une femme en chaise roulante tente de bloquer une sortie ;
elle se fait frapper par la foule et asperger de neige carbonique. La police
n’est pas intervenue.

La violence qui s’était exercée dans cette partie de la ville a ensuite gagné
le reste de Minneapolis. Toute la nuit, des dizaines de magasins ont été
vandalisés, pillés et détruits. On a incendié un chantier de futurs logements
sociaux, devenu la proie de flammes qui montaient jusqu’au ciel. La chaleur
dégagée par le feu a pratiquement fait fondre les voitures. Au matin, une
trentaine de commerces avaient été vandalisés et réduits en miettes. Les
violences cependant étaient loin d’être terminées. Mues par un inexorable
mécanisme, elles ont perduré même après que le maire Jacob Frey, un
démocrate mesuré, a déclaré l’état d’urgence. On en était au troisième jour
d’émeute. Un petit groupe de vandales masqués et tout de noir vêtus s’en est
pris à O’Reilly’s, un autre magasin de pièces détachées. Ils ont cassé la
devanture et pillé la boutique, avant de la saccager entièrement.

Tandis qu’on pillait les commerces partout en ville, les émeutiers


assiégeaient le Troisième Commissariat de Minneapolis. La foule était
impressionnante et le maire a donné l’ordre aux policiers qui tentaient de
défendre les lieux d’évacuer le bâtiment. Sitôt que ceux-ci ont pu monter à
bord d’un véhicule et s’enfuir, la foule a envahi le commissariat et y a mis le
feu. Pour cela, certains avaient utilisé le matériel trouvé sur place. Des heures
durant, la ville a flambé : les citoyens ont pu voir de près à quoi
ressemblaient l’anarchie et le chaos. L’État n’a pas voulu ou pas pu les
protéger ; il a abandonné les commerçants, et plus encore, les habitants, à leur
triste sort, les obligeant à ne compter que sur eux-mêmes. Plus personne
n’était là pour les défendre.

Après ces quatre journées d’émeutes à Minneapolis, la violence a


contaminé des dizaines de villes aux États-Unis ; c’est à cette occasion que
j’ai remarqué les mystérieux vandales masqués qui cassaient les vitrines, de
pied en cap vêtus de noir. Noyées dans le spectacle des émeutes de masse,
des vitres brisées peuvent sembler anecdotiques. Mais, comme le note le
rapport de la police de Minneapolis, le geste amorce en réalité une réaction en
chaîne, qui se conclut systématiquement par le pillage et l’incendie criminel.

Prenons la théorie de James Wilson et Georges Kelling, dite de la « vitre


cassée », et transposons-la. Les antifa savent quel effet exercent sur l’esprit
de la foule les devantures démolies et l’invasion d’un magasin. Chaque
comportement a un effet : comme le sang attire les requins, la vitrine cassée
est le signal implicite qui autorise le manifestant à passer au pillage. Voilà
pourquoi les antifa prônent ce genre de technique, qu’ils diffusent largement,
aussi bien sur le Net que dans la vraie vie. Dans la prose extrémiste
anarchiste produite par le comité « CrimethInc », on trouve un guide pratique
largement plébiscité : Pourquoi nous cassons les vitres : l’effectivité du
vandalisme politique. Le livret, un fichier pdf gratuit, disponible en ligne et
imprimable, promeut la thèse selon laquelle la destruction des vitrines serait
une remise en cause du capitalisme, de la suprématie blanche et de la police,
qui à ce titre se devait d’être résolument pratiquée :

Démolir une vitrine revient à contester toutes les frontières qui


fracturent notre société : noirs et blancs, riches et pauvres, inclus et exclus.
La plupart d’entre nous sommes devenus insensibles à cette ségrégation,
partant du principe que les inégalités font partie de la vie. Casser des
vitres, c’est briser le silence et questionner l’absurdité selon laquelle cette
construction sociale qu’est le droit à la propriété serait plus importante que
les besoins réels des gens.

Voilà qui nous rappelle quelque chose : en 2020 en effet, la plupart des
éditorialistes de gauche ont commencé à contester la notion même de droit à
la propriété. « Détruire des biens, qui sont par nature remplaçables, ne relève
pas de la violence » avait ainsi affirmé Nikole Hannah Jones en juin 2020
lors d’une interview à CBS News. Hannah Jones, journaliste au New York
Times, a remporté le prix Pulitzer grâce à un article truffé d’erreurs dans
lequel elle prétendait que l’existence même de l’Amérique était fondée sur
l’esclavage, article qu’elle avait rédigé dans le cadre du Projet 1619{11}. Avant
elle, Alicia Garza, co-fondatrice de BLM, avait défendu la même idée. « Nous
n’avons pas le temps de faire la morale aux manifestants en leur disant de
respecter la propriété. On peut reconstruire. Ceux qui ont été touchés ré-
ouvriront. Les magasins ré-ouvriront. Les assurances sont là pour ça. Ce que
ne couvrent pas les assurances en revanche, c’est notre sécurité et la vraie
justice » avait confié Garza au New Yorker Magazine en juin 2020.

Les antifa détournent systématiquement le mot « violence » de son sens


pour qu’il entre en cohérence avec leur vision du monde. Piller et mettre le
feu, ce n’est pas de la violence, expliquent-ils. Ainsi, la pression physique
qu’ils exercent sur ceux qui les critiquent n’est pas de la violence, mais de la
légitime défense. Le guide pratique de CrimthInc sur les vitrines cassées
creuse ce sillon, expliquant qu’il n’est que justice de s’en prendre aux
commerces qui paient des impôts : cela permet en effet de nuire à la police,
financée sur fonds publics. L’intellectualisation de leur discours masque mal
la brutalité de leur conception du monde. Ils se moquent du sort de leurs
victimes, ils se moquent que celles-ci ne puissent plus travailler et gagner leur
vie. Tant que cela sert leur projet politique…
Allant encore plus loin dans la perversité, l’auteur anonyme du guide
soutient que la destruction des vitres crée de l’emploi pour des gens qui,
sinon, n’auraient pas su quoi faire de leur temps : il suffisait de leur faire
remplacer les vitrines en miettes. « Celui qui veut sincèrement que soit mis
un terme aux destructions matérielles devrait rapidement instaurer la fin de la
propriété. Alors, enfin, seule la recherche de sensations fortes pousserait à
casser des vitres » affirme le manuel.

Quelques jours après le début des émeutes du Minnesota, qui avaient


suscité quelques répliques dans d’autres villes, la presse a cherché à
discréditer le procureur général William Barr et le président Trump. Ceux-ci
en effet avaient affirmé pouvoir prouver que les antifa avaient joué un rôle
décisif dans le déclenchement des émeutes. « Trump accuse les antifa, les
images des manifestations ne confirment pas vraiment » a commenté
l’Associated Press. « Au niveau fédéral, les arrestations n’indiquent en aucun
cas que les antifa aient organisé les manifestations » répondait en écho un
reportage du New York Times.
Des dizaines de reportages reproduisaient ce discours, que l’on entendait
aussi chez les éditorialistes qui hantent les plateaux télé. Journalistes et
experts semblaient ignorer que la mouvance antifa, par principe et à dessein,
est une mouvance fantôme, une nébuleuse. C’est un mouvement qui n’a pas
de chefs et qui, pour être opérationnel, s’appuie sur de petits groupes
autonomes et des individus. Pour que ceux-ci passent à l’action, il lui suffit
de diffuser un certain discours. Par ailleurs, l’idéologie antifa implique une
parfaite maîtrise de la « sécurité digitale ». Pour passer complètement sous
les radars des autorités, les antifa utilisent des messageries et des applications
cryptées, des moteurs de recherche spécifiques. Dès lors, il n’y a rien
d’étonnant à ce que, parmi les preuves récoltées en début d’enquête, très peu
d’éléments accusent les émeutiers : les antifa sont en effet entraînés à
dissimuler leur affiliation politique.

Comme le démontre la théorie de la vitre cassée, il suffit d’un petit


groupe, parfois même d’une seule personne, pour provoquer une réaction en
chaîne. Il est cohérent que, dans leur immense majorité, les manifestants ne
soient pas en phase avec l’idéologie antifa, ce qui ne constitue pas en soi une
condition nécessaire pour participer aux émeutes. Fracasser les vitrines est en
réalité un appel adressé à tous les pillards, à tous les casseurs à l’affût, une
façon de leur signifier « Allez-y, foutez le bordel ! » Là réside précisément le
génie de la stratégie antifa : pour déclencher une émeute, ils n’ont qu'à gratter
l’allumette.

INSURRECTIONS

Beaucoup de gens ont été choqués par les scènes de violence qui ont eu
lieu dans le Minnesota. Pourtant, une partie de la population américaine a
ouvertement soutenu les émeutes. Le Minnesota Freedom Fund (MFF), une
organisation d’extrême gauche, a récolté plus de 35 millions de dollars de
dons, grâce à l’aide de personnalités comme Drake, Chrissy Teigen ou Steve
Carrell. (Plus tard, le MFF a avoué n’avoir consacré que 200 000 dollars au
paiement des remises en liberté sous caution.) Dans tout le pays, des groupes
antifa ont exprimé leur soutien aux émeutiers du Minnesota. « Cette nuit,
solidarité de NYC avec tous les vrais gens de Minneapolis ! » a twitté New
York City Antifa le 27 mai 2020. Antifa Seven Hills, un groupe de
Richmond, a posté sur Twitter des liens vers les cagnottes destinées à
soutenir les manifestants de Minneapolis. La branche portlandaise du Youth
Liberation Front, un nouveau groupe antifa, sur Twitter encore : « De
Portland à Minneapolis, pour la libération de la jeunesse ! On vous verra sur
place ! » Sur leur tweet, les émojis « drapeau noir » et « flammes ».
Encouragés par le succès retentissant des émeutes du Minnesota, dopés
par le soutien dont elles avaient bénéficié au sein de l’élite médiatique, les
antifa ont alors organisé des émeutes « de solidarité ». Le 28 mai 2020, les
Colorado Springs Anti-Fascists ont annoncé sur Twitter qu’ils organisaient
trois jours « d’actions solidaires » au Capitole de l’état. « Vous n’avez
aucune excuse pour ne pas y aller. Si vous matez les émeutes sur les réseaux
sociaux, vous êtes redevable aux radicaux de Minneapolis. Soyez solidaires
avec eux. #ACAB{12} » ont-ils écrit sur Twitter. De la même façon, les antifa de
Portland avaient placardé dans toute la ville des affiches qui annonçaient que
le 19 mai aurait lieu une manifestation « I can’t breathe »{13}, elle aussi
organisée « en solidarité avec Minneaoplis ». Sur Twitter, le Youth
Liberation Front avait promu l’événement, puis fait monter la mayonnaise
avec une pub parue sur le blog antifa It’s going down. Le terme de solidarité
peut sembler anodin ; en réalité, il constitue dans les milieux d’extrême
gauche un stimulus qui déclenche toujours le même genre de passage à l’acte.
En l’occurrence, « solidarité » est synonyme de violence.
Parler des violences urbaines de Minneapolis comme d’un spectacle à
« mater » permet de mieux comprendre la conception du monde des antifa :
voilà comment ils considèrent le fait de détruire, de piller, tout ce carnage qui
détruit des vies et tue des gens. À Minneapolis, un prêteur sur gages dont le
commerce avait subi de gros dégâts pendant les émeutes a abattu un pillard
présumé. Deux mois plus tard, parmi les décombres d’un commerce incendié
pendant les émeutes, on a retrouvé un corps carbonisé.

À Oakland, Dave Patrick Underwood, 53 ans, agent du Service fédéral de


sécurité s’est fait tuer pendant qu’il gardait un bâtiment fédéral. Au même
moment, des tireurs en voiture blessaient grièvement un autre agent. Plus
tard, la police a arrêté Steven Carrillo, un hispanique, présumé auteur de la
fusillade. On l’a accusé de faire partie du mouvement Boogaloo, groupuscule
anti-gouvernement que les media classent fallacieusement à l’extrême droite.
En réalité, les sympathisants du Boogaloo sont beaucoup plus proches des
antifa, menant comme eux des actions violentes pour déstabiliser l’État.
À Saint-Louis, des pilleurs ont tué David Dorn, 77 ans, un capitaine de
police à la retraite. À Davenport, dans l’Iowa, on a tiré sur Italia Marie Kelly,
22 ans, tuée d’une balle dans le dos au moment où elle quittait la
manifestation. Sa sœur cadette a publié sur Facebook une vidéo qui prend aux
tripes. Elle accuse les manifestants de violence. « C’est un manifestant qui a
tué ma sœur, un manifestant ! » crie-t-elle. « Vous avez tellement la haine de
la police que vous vous en prenez au premier qui passe ! » En deux semaines
d’émeutes, on a compté au moins dix-neuf morts. La plupart des victimes
étaient noires.
On peut difficilement ignorer les dégâts qu’ont causés ces nuits d’émeutes
à Minneapolis et dans les villes qui les ont subies. Sur les vidéos, les images
ne sont pas sans rap peler le Yémen ou la Syrie. À Minneapolis, des
immeubles entiers n’existaient plus qu’à l’état de gravats ou de structures
consumées. Ces scènes de chaos provoquaient une grande jouissance chez les
antifa. Ils le reconnaissaient volontiers, ils voulaient continuer à mettre le feu.
« Nous sommes au bord d’une révolution globale qui débarrassera enfin
le monde de la police, en même temps que du racisme systémique et du
capitalisme qu’elle soutient » twitta la branche new yorkaise du
Revolutionary Abolitionist Movement (ram) le 2 juin 2020. Le groupe se
définit comme une organisation anarcho-révolutionnaire « en lutte pour un
monde anticapitaliste, sans État et sans prison ». Le 4 septembre 2020, sous
une banderole « Mort à l’Amérique », il prend la tête d’un cortège qui défile
dans le bas Manhattan. Les manifestants fracassent les fenêtres, les vitrines
de nombreux bâtiments et commerces. Comme les antifa, ils portent une
tenue black bloc et se dissimulent derrière des parapluies ouverts. En un
temps record, ils ont causé pour 100 000 dollars de dégâts matériels. Une des
huit personnes arrêtées pendant l’émeute venait de Portland.
Bien que le groupe soit peu connu et que son intitulé ne fasse pas
référence aux antifa, ram appartient bel et bien à cette mouvance. Son
programme politique s’articule en dix points qui figurent dans le texte le plus
explicite qu’ait jamais publié ladite mouvance. Point numéro un : « Nous
nous libérerons coûte que coûte. » « Coûte que coûte » est une expression que
l’on entend souvent au sein des groupes d’extrême gauche. C’est un élément
de langage qui vise à inscrire chez les sympathisants l’idée que la violence
constitue une étape nécessaire.
Point numéro deux : « Nous détruirons l’État, la police, l’armée, les
entreprises et tous ceux qui dirigent la plantation américaine. » Pour
radicaliser ceux qui sont sensibles à leur discours, les antifa et l’extrême
gauche font délibérément appel au registre sémantique de l’esclavage. Ils
pensent que les Américains, les « non-Blancs » en particulier, sont toujours
« réduits en esclavage » par le travail, le capitalisme et un système judiciaire
criminel. Les points trois à neuf du programme préconisent l’abolition du
libre marché, de la propriété privée, de l’état de droit et des frontières. La
partie la plus terrifiante reste néanmoins la conclusion du texte : « Le réseau
défendra les communautés révolutionnaires. La libération commence là où
meurt l’Amérique. »

Avant ce mois de mai 2020, je n’avais jamais pensé que les antifa
puissent atteindre cet objectif, pas même partiellement. En interview, on me
demandait souvent s’ils pouvaient l’emporter. Je répondais toujours par la
négative, dès lors que pour un antifa, l’emporter signifie la disparition de
l’Amérique, le but ultime à ses yeux. Les usa possèdent une des armées les
plus puissantes au monde, un état de droit stable et une société civile bien
ancrée. Si le Yémen devait représenter la version achevée de ce qu’est un état
failli, les États-Unis se trouveraient à l’autre extrémité du spectre. Et
pourtant, lorsque les émeutes ont éclaté fin mai, j’ai commencé à penser qu’il
me fallait sans doute revoir ma position. Pour la première fois de ma vie, je
voyais les plus grandes métropoles américaines lutter et échouer, incapables
de protéger les droits fondamentaux du citoyen : le droit à la vie et le droit à
la propriété. Des jours durant, les victimes des émeutes ont appelé sans
relâche le 911, sans jamais être secourues. La suite des événements à Seattle,
Portland et dans d’autres villes a montré la balkanisation de certains
territoires, devenus des no-go zones interdites à la police et aux personnes
non autorisées par les antifa.

Les émeutes de Minneapolis notamment ont créé un précédent ; elles ont


changé les normes qui ont cours sur le territoire américain. Désormais, quand
on tire sur un Noir et que la police est à proximité, plus personne ne se
préoccupe du contexte ni des faits. La seule réponse possible maintenant,
c’est la violence de masse.
Le 12 juin 2020, Rayshard Brooks, 27 ans, un habitant noir d’Atlanta bien
connu des services de police, s’écroule ivre mort sur le drive d’un restaurant
Wendy’s. Garrett Rolfe et Devin Brosnan, deux agents de la police d’Atlanta
qui se trouvent là, réveillent Brooks. Pendant près de 40 minutes, ils discutent
avec lui de façon tout à fait cordiale. Lorsque l’alcoolémie de Brooks s’avère
positive, les policiers veulent le menotter. Brooks se rebelle et s’empare du
taser de Rolfe qu’il retourne contre l’agent. Celui-ci tire. Brooks meurt à
l’hôpital. Le lendemain, Rolfe est renvoyé, tandis que Brosnan est mis en
congé d’office. Bien que Brooks ait agressé les policiers, volé leur arme,
tenté de fuir et tasé l’un d’entre eux, le procureur du district met Rolfe en
examen pour meurtre et pour cinq autres chefs d’accusation relevant de
l’agression aggravée. Quant à Brosnan, il est inculpé pour agression
aggravée. Nous sommes en Géorgie : cela signifie qu’en cas de
condamnation, Rolfe risque la peine de mort.
Malgré un passé criminel conséquent (violence conjugale, vol, et
maltraitance infantile notamment), comme par l’effet d’un mécanisme
invisible, Brooks est immédiatement devenu le nouveau martyr de BLM et des
antifa.
Le lendemain de la fusillade, les émeutiers de BLM se rassemblent devant
Wendy’s, là où Brooks a été tué. Ils incendient le restaurant et les voitures
garées à proximité. Des semaines durant, ils annexent le quartier qu’ils ont
encerclé de barricades de fortune. Certains patrouillent dans la zone qui leur a
été attribuée, le fusil à la main. Au nom de la justice raciale, la maire Keisha
Lance Bottoms et la municipalité ont laissé s’installer une zone de non droit.
Et tragiquement, comme cela s’est produit lors des émeutes qui ont suivi la
mort de Georges Floyd, une personne innocente trouve la mort. Cette fois-ci,
il s’agit d’une enfant. Le 4 juillet 2020, Secoriea Turner, huit ans, est tuée par
balle, passagère d’une voiture qui tentait de faire demi-tour près du restaurant
Wendy’ s, à l’endroit où se trouvaient les militants de BLM. On soupçonne
Julian Conley, un homme noir, d’être l’auteur du meurtre.

À la mi-août 2020, la violence de masse BLM-antifa se déchaîne une fois


de plus dans le Midwest. À Kenosha, ville du Wisconsin qui vivait autrefois
de la construction automobile, des policiers ont tiré sur Jacob Blake. Celui-ci
les avait agressés dans un quartier résidentiel. Il avait passé outre le coup de
taser reçu et s’était faufilé à l’intérieur de sa voiture pour y prendre un
couteau. Tout ceci a été filmé. Blake, qui est noir, fait l’objet d’un mandat
d’arrêt émis par la cour centrale du Wisconsin pour crime sexuel et violences
conjugales. Les faits se sont déroulés en mai 2020 : la plainte fait état de viol
digital sur une femme, en présence de l’enfant de celle-ci. D’après
l’enregistrement des appels à la police, le 23 août, les policiers se sont rendus
au domicile de cette même femme : elle avait composé le 911, disant que
Blake était à nouveau chez elle. Le cv criminel de Blake fait également état
d’agressions contre les forces de l’ordre, de rébellion, de port d’arme sous
l’emprise de substances prohibées, d’usage d’arme lourde. Bien qu’il ait
survécu au tir de la police, la réaction dans les rues de Kenosha vire une fois
de plus au carnage et au pillage de masse. Peu après, la candidate démocrate à
la vice-présidence, Kamala Harris, lui rend visite : elle est, déclare-t-elle,
« fière de lui ».
Lorsque les émeutes éclatent à l’endroit où Blake s’est fait tirer dessus, les
manifestants jettent pierres et briques en direction de la police. Un agent est
assommé par la pierre qu’on lui a lancée à la tête. La municipalité déclare
l’état d’urgence, mais n’entreprend rien pour réprimer les violences.
Masqués, les émeutiers BLM et antifa incendient le tribunal de comté de
Kenosha et les camions-poubelles municipaux garés aux environs. Les
flammes et les tourbillons de fumée montent jusqu’au ciel. Les casseurs
mettent ensuite le feu à un dépôt automobile. Les flammes se propagent
quasiment jusqu’à l’église de Bradford, église unitarienne universaliste qui
sur ses affiches clame son soutien à BLM…
Le pillage des commerces a duré toute la nuit. De nombreux bâtiments, y
compris un musée, ont été touchés. Un journaliste indépendant, Drew
Hernandez, a filmé une scène qui en dit long : des émeutiers armés arpentent
les rues et arrêtent un véhicule militaire blindé. Celui-ci, destiné au transport
des troupes, vient du bureau du shérif. En fond sonore, on entend de
nombreux coups de feu. Sur une autre vidéo, on voit les émeutiers récupérer
des parpaings pour fracasser les devantures des magasins.
Le lendemain, le gouverneur démocrate du Wisconsin, Tony Evers,
dépêche la garde nationale. Un couvre-feu à l’échelle du comté est
immédiatement déclaré, mais cela n’y suffit pas. Au crépuscule, les antifa
viennent se joindre aux émeutiers. Les adeptes du black block, munis de
parapluies et de boucliers, se regroupent près du tribunal, d’où ils bombardent
la police de projectiles et de tirs de mortier. Les casseurs sillonnent la ville,
pillant et saccageant un magasin de meubles, une casse automobile, divers
commerces. Comme à Minneapolis, une fois qu’ils en ont fini de piller, ils
mettent le feu. Parmi les bâtiments ainsi réduits en cendres, l’Office de
l’administration pénitentiaire du Wisconsin et la Loge de la fraternité
danoise.

Elijah Schaffer, un journaliste indépendant conservateur qui couvre les


manifestations aux États-Unis, a dit sur sa chaîne Youtube avoir
immédiatement reconnu dans les émeutes de Kenosha la patte des antifa.
« Les black blocks étaient là en nombre » expose-t-il. Ils agitaient le drapeau
antifa et utilisaient la tactique des boucliers qu’il avait déjà pu observer dans
d’autres villes. « Ce sont surtout les black blocks qui ont provoqué l’incendie
de l’Office de l’administration pénitentiaire du Wisconsin, aujourd’hui en
ruines. Ils ont arraché la barrière en bois qui se trouvait à l’arrière du
bâtiment et ont mis le feu près de l’entrée. » Hernandez, un des premiers
journalistes présents sur le lieu des émeutes, dit avoir lui aussi reconnu la
marque de fabrique des antifa : « Ils ont utilisé les mêmes tactiques qu’à
Portland. » Les antifa qui avaient pris part aux émeutes avaient en effet traîné
des poubelles volées au milieu de la rue pour les incendier. Il a par ailleurs
remarqué que les casseurs, en leur distribuant du matériel incendiaire,
incitaient les jeunes Noirs à la violence.

La troisième nuit d’émeutes fut meurtrière. Un jeune de 17 ans aurait tiré


sur trois personnes et tué deux d’entre elles. Hernandez a filmé notamment
Kyle Rittenhouse, poursuivi et agressé par plusieurs hommes. Rittenhouse
était armé d’un fusil semi-automatique. Ses poursuivants l’avaient pris en
chasse à la sortie d’une concession automobile. Il semble qu’il ait d’abord tiré
sur le premier d’entre eux, le tuant sur le coup. La meute armée avait alors
traqué l’adolescent de par les rues. Sur les images, on le voit trébucher,
tomber, se faire charger par des émeutiers et les mitrailler. Un homme
masqué qui le frappe à coups de skate-board est touché à la poitrine. Il
s’effondre, mort sur le coup. C’est la deuxième victime. Un autre, pistolet à la
main, se rue alors sur l’adolescent. Rittenhouse le touche au bras, lui
arrachant un morceau de chair. La police intervient quelques instants plus
tard, alors que la fusillade vient de se terminer. L’adolescent soupçonné
d’être l’auteur de la fusillade a été arrêté le lendemain, inculpé d’homicide
volontaire au premier degré.

Sous nos yeux, BLM et antifa ont incendié des villes, les unes après les
autres. Des gens sont morts pour rien. Du jour au lendemain, des vies se sont
brisées. Ceux qui pensaient que l’agenda de ce mouvement ne pouvait pas
aboutir, du moins pas de façon significative (point de vue que j’ai un temps
partagé) ont sous-estimé la vitesse à laquelle les antifa avancent leurs pions.
Grâce à la dynamique qu’ils avaient initiée, les extrémistes ont pu essaimer
dans d’autres villes.
Parmi eux, Matthew Banta, un militant antifa confirmé proche du groupe
Fox Valley Antifa, dans le nord-est du Wisconsin. Sous divers pseudonymes,
comme « Commandant rouge », Banta a posté des photos sur lesquelles on le
voit masqué, à l’occasion d’événements organisés dans le Wisconsin. Il
arbore l’emblème antifa, le logo à deux drapeaux. Début août 2020, à
Waupaca, il défile avec eux lors d’une de leurs manifestations. Au cours de
celle-ci, il pointe son arme, un fusil semi-automatique chargé, sur un policier.
Puis il se bat avec lui et le blesse. Sur les photos prises lors de son arrestation,
on le voit porter les emblèmes antifa. Inculpé pour activités criminelles, il est
rapidement relâché contre une caution de 10 000 dollars en liquide. À la fin
du mois d’août, Banta manifeste à Green Bay, lors d’un rassemblement BLM-
antifa. La police rapporte qu’il est arrivé dans le centre-ville muni d’un lance-
flammes, de grenades fumigènes de type militaire, de mortiers, et de tracts.
La manifestation avait été interdite. Banta est accompagné d’un groupe armé
de battes de baseball. On l’inculpe pour entrave à l’action policière et pour
n’avoir pas respecté les conditions de sa libération sous caution. Moins de
24 heures après, il est à nouveau dehors.

Banta n’était pas le seul à parcourir le Wisconsin dans le sillage de


l’affaire Jacob Blake. Sur les 175 personnes arrêtées à Kenosha pendant cette
semaine aussi agitée que meurtrière, 102 étaient domiciliées dans d’autres
villes. Parmi ces gens, des extrémistes de la côte nord du Pacifique. Riot
Kitchen, un groupe de Seattle chargé du ravitaillement pendant les émeutes,
s’était déplacé à Kenosha en minivan, en camion et en bus. Les polices locale
et fédérale les avaient arrêtés. Dans les véhicules, les policiers avaient trouvé
toute la panoplie du parfait émeutier : des mortiers interdits à la vente, des
substances réglementées, des jerricans d’essence.
Riot Kitchen fait partie de ces unités antifa de soutien logistique apparues
en juin 2020, que j’avais remarquées lors de mon séjour à Seattle. J’avais
déjà eu affaire à elles. Au cœur de la plus grande ville de la côte nord
Pacifique, les réseaux antifa avaient en effet créé leur propre gouvernement,
séparatiste et révolutionnaire. À proximité du centre-ville, les activistes
d’extrême gauche avaient occupé une zone qui s’étendait sur six pâtés de
maisons, où, avaient-ils déclaré, l’Amérique n’existait plus : la zone
autonome de Capitole Hill. CHAZ, selon l’acronyme qu’ils utilisaient
désormais avait elle-même délimité ses propres frontières, gardées par une
milice.
Un bénévole de la guilde nationale des avocats filme
la police lors des émeutes antifa de Portland en
2018. Photo : Andy Ngo
À Seattle, dans la foule, on m’a repéré. Photo : Andy
Ngo
CHAPITRE 2

LA NATION
LA PLUS JEUNE DU MONDE

Le 8 juin 2020, au Commissariat Est, le personnel administratif et les


agents de la police de Seattle déménageaient tout ce qu’ils pouvaient,
chargeant fiévreusement leurs voitures et un camion qu’ils avaient loué à cet
effet. À Seattle, le Commissariat Est se trouve au cœur du quartier de Capitol
Hill, zone dense mêlant commerces et habitations, très prisée des artistes, des
militants d’extrême gauche et de la communauté LGBT de la ville.
Des jours durant, des scènes d’une grande violence ont marqué le
quartier. Comme ils l’avaient fait avec le Troisième Commissariat de
Minneapolis, les casseurs ont voulu prendre d’assaut le Commissariat Est.
Chaque nuit, des centaines de militants antifa et BLM s’attroupaient et
lançaient des pierres, des parpaings, des engins incendiaires en direction des
policiers, les blessant plus souvent qu’à leur tour. Quant aux agents, ils
avaient interdiction d’utiliser les gaz lacrymogènes pour disperser la foule :
quelques jours plus tôt, la chef de la police, Carmen Best, avait cédé face à la
mairie qui avait fait pression pour que les forces de l’ordre de Seattle ne
puisse plus disposer des outils nécessaires au contrôle des foules. Ceux-ci
avaient pourtant fait la preuve de leur efficacité. Mais depuis la mort de
Georges Floyd, la maire démocrate, Jenny Durkan, ancien procureur de l’état
de Washington nommée par Barack Obama, avait fait moult concessions à
l’extrême gauche.
Dix jours auparavant, le 30 mai 2020, des patrouilles avaient essuyé des
tirs de projectiles incendiaires lancés par des casseurs en tenue black bloc.
Dans le désordre qui s’était ensuivi, certains avaient volé les armes qui se
trouvaient dans les véhicules de police, dont un AR-15s. Il n’y avait plus un
seul policier sur les lieux. Sur une vidéo assez angoissante, on voit un vigile
qui travaille pour l’antenne locale de Fox News foncer pistolet au poing pour
désarmer le voleur de fusil. Ce vétéran des Marines, dont le nom reste
inconnu, a dû s’y prendre à deux fois pour récupérer les armes dont les deux
antifa s’étaient emparées.

Malgré l’hyper violence des émeutes de Seattle, la police avait


interdiction d’utiliser le meilleur outil dont elle disposait contre les
débordements : le gaz CS. Également connu sous le nom de gaz
lacrymogène, le gaz CS est utilisé par les forces de l’ordre du monde entier.
Y être exposé irrite intensément les yeux, le nez, la gorge et la peau. Dans
mon parcours professionnel, lorsque je couvrais les émeutes et les
manifestations, j’avais moi-même subi quelques tirs de gaz lacrymogène, en
diverses occurrences et à des degrés divers. On a l’impression de passer au
travers d’un nuage de poivre. Chaque inspiration est une torture.
Heureusement, la gêne extrême et la brûlure ressenties sont passagères, les
effets s’estompant au bout de 20 minutes. La gaz CS est un outil très apprécié
des forces de l’ordre, extrêmement efficace pour disperser la foule et qui,
contrairement aux matraques, n’entraîne pas a priori de blessure physique.
Malgré cela, la police de Seattle a eu interdiction d’y recourir. Bien que le
juge de l’état soit revenu par la suite sur ce décret, la municipalité en avait de
fait prohibé l’usage, décision que la police a payée au prix fort : fractures,
blessures oculaires, brûlures causées par les pierres et les explosifs
improvisés lancés par les casseurs.

Désormais incapable de repousser l’assaut nocturne des black blocs à


Capitole Hill, soumise aux pressions du maire qui lui demandait de se replier,
la police de Seattle a condamné portes et fenêtres, puis elle a abandonné le
Commissariat Est à son triste sort. Quelques heures plus tard, BLM et antifa se
comportaient en seigneurs de guerre, maîtres de la plus grande partie du
quartier. Ils ont baptisé leur nouveau territoire, qui s’étendait sur six pâtés de
maison, du nom de Zone Autonome de Capitol Hill : CHAZ. Par la suite,
quelques-uns l’ont rebaptisé CHOP, acronyme de Capital Hill Occupied
Protest.
Sur ce territoire, aucune règle, aucune loi, sauf une : les flics n’ont pas le
droit d’y mettre les pieds. Contre toute logique et contre toute raison, la ville
a accordé à CHAZ le droit de suivre son cours. Pendant plus de trois semaines,
on a ainsi pu voir ce que donnaient l’anarchie, le désordre, la criminalité et la
violence pratiqués à grande échelle. Depuis la première occupation de
Manhattan en 2011, des phénomènes de ce type s’étaient déjà produits aux
États-Unis. CHAZ néanmoins, en prenant le contrôle d’un territoire
particulièrement étendu et peuplé, s’en distingue notablement. À l’issue des
24 jours qu’a duré ce petit jeu, le bilan était sans appel : agressions et
braquages en nombre, une tentative de viol, six fusillades, deux homicides.
Le 8 juin 2020, après que la police de Seattle a quitté le commissariat, les
manifestants masqués se sont emparés d’équipements municipaux,
barricades, barrières, etc, pour monter des barrages improvisés : le mur
d’enceinte officiel de CHAZ. Ainsi, des gens qui font de l’abolition des
frontières le cœur même de leur idéologie n’ont donc rien eu de plus pressé
que de créer les leurs, destinées à empêcher toute présence étrangère. Pour
tenir les barricades, on a dépêché des bénévoles armés, qui fonctionnaient
comme une milice privée et portaient leur propre uniforme.
« À CHAZ, on a besoin de plus de gens armés » avait twitté Seattle
Antifacists, message partagé des centaines de fois. Souvent, les nouveaux
arrivants arboraient l’emblème du Club de tir PUGET Sound John Brown, une
milice d’extrême gauche baptisée du nom d’un révolutionnaire abolitionniste
ayant vécu au temps de l’esclavage. Le Club de tir PUGET Sound John Brown
est une branche régionale de la Redneck Revoit. En 2018, le media
conservateur Project Veritas a infiltré la section de Caroline du Nord, dans le
cadre d’une enquête consacrée à ce mouvement. Un journaliste sous
couverture a ainsi pu assister à des séances de formation au conflit
révolutionnaire armé. Les vigiles bénévoles et armés qui assurent le service
d’ordre des manifestations BLM et antifa sont issus de leurs rangs. En 2019,
un adhérent du club de tir John Brown avait posé une bombe au Service de
l’immigration et des douanes de Tacoma, avant d’être abattu par la police.

Malgré les liens avérés du PUGET Sound John Brown à l’extrémisme et à


l’action violente, les membres armés dépêchés à CHAZ pour « protéger » les
habitants ont été accueillis à bras ouverts. La première nuit où la police s’est
retirée de Capitol Hill, des militants masqués ont harcelé et agressé des
journalistes. Brandi Kruse, journaliste à Q13, une station locale, s’est fait
accoster et frapper à coup de parapluie. Parmi ceux qui l’ont encerclée,
Nicholas James Armstrong, une activiste antifa transsexuelle également
connue sous le nom de « Nikki Jameson ». J’ai immédiatement reconnu
Armstrong, qui depuis des mois me menaçait en ligne. À Portland, m’ayant
un jour géographiquement localisé pendant que je faisais mes courses, elle
avait aussitôt appelé les gens à se rendre sur place. Sous divers pseudonymes,
« @WABlackFlag, » par exemple, Armstrong tient sur Twitter des propos
extrémistes et soutient les antifa. En janvier 2020, elle écrivait : « Vivement
que quelqu’un en ait marre de la merde que fout ce mec [Andy Ngo] et qu’on
lui fasse sa fête. Ça finira bien un jour par arriver. Mais l’attente, ça nous
tue. » En 2019, dans le comté de King où se situe Seattle, Armstrong avait été
interdite de port d’armes, y compris les armes de poing. Malgré cela, elle
faisait partie des vigiles armés de CHAZ. Je l’ai vue patrouiller dans la zone,
revolver à la hanche.

Depuis Portland, j’ai décidé de me rendre dans la zone qu’avait annexée


les antifa. Un certain nombre de sujets permettent l’enquête à distance, mais
pour d’autres, il faut être sur le terrain. J’avais peur. À vrai dire, j’étais
terrifié. Je gardai de mon agression de juin 2019 quelques séquelles
psychologiques assez invalidantes, dont l’angoisse de me trouver au milieu
des gens. Je n’avais jusqu’alors jamais souffert d’enochlophobie, la peur de la
foule, mais après mon agression, tout avait changé. Pour me protéger, j’avais
cessé de couvrir les émeutes et les rassemblements antifa.
En ayant peur, je leur donnais ce qu’ils voulaient. Je n’en étais pas fier,
mais ils s’étaient montrés on ne peut plus explicites : ce n’était que partie
remise, et la prochaine fois, ils achèveraient le boulot. Un de mes amis a
insisté pour que j’y aille, CHAZ s’étendait sur six pâtés de maison. Comparé
aux quartiers de Portland où s’étaient déroulées les émeutes, petits et
densément peuplés, c’était un bon bout de terrain. J’ai réfléchi et je me suis
dit que je ne pouvais pas me condamner moi-même à cet état de terreur
perpétuelle. J’ai pris des vêtements de black bloc, j’ai fait ma valise, et je suis
parti pour Seattle.
Au moment d’entrer dans la zone, les vigiles du check-point m’ont
dévisagé. À chaque pas, mon cœur sautait dans ma poitrine. Je savais
parfaitement que si j’étais percé à jour et qu’on me réclamait des comptes,
personne ne viendrait à mon secours. Pas même les forces de l’ordre : un de
mes contacts m’avait prévenu que la police de Seattle avait ordre de ne pas
intervenir à CHAZ. Je lui avais alors posé la question de savoir ce qui se
passerait en cas de problème sur place. Pour que la police puisse porter
secours à quelqu’un, m’avait-il répondu, la personne devait préalablement
avoir quitté la zone par ses propres moyens, ou en avoir été exfiltrée. Les
vigiles m’ont fixé, puis se sont aussitôt désintéressés de mon cas. On était en
plein été, j’étais entièrement masqué et vêtu en black bloc : ils ont sans doute
pensé que j’étais un des leurs. Je me suis enfoncé dans la zone autonome
fortifiée. Collée sur une glissière, une affiche disait : « Vous venez de quitter
les USA. »

Pendant la semaine que j’ai passée à CHAZ, j’ai pu observer les diverses
manœuvres qui des semaines durant allaient alimenter le chaos. Bien que je
n’aie pas été dans le secret des cœurs de mes « camarades » chefs et
organisateurs de la zone, qui eux avaient été cooptés selon les règles, ils me
faisaient suffisamment confiance pour parfois baisser la garde lorsque nous
discutions. Par bien des aspects, vivre avec eux pouvait se comparer au fait
de vivre avec des djihadistes. Entre eux, ils faisaient preuve de bienveillance
et de camaraderie, d’entraide, d’empathie. En revanche, tous ceux qui
faisaient obstacle à leur agenda politique devaient être anéantis.
Les dysfonctionnements ne manquaient pas dans la zone autonome, il n’y
avait pas l’eau courante, par exemple. Pourtant, les organisateurs semblaient
se dévouer essentiellement à la « sécurité » du lieu, y consacrant toute leur
énergie et des heures d’entraînement. Cela se remarquait à l’équipe de
surveillance qu’ils avaient mise en place, qui avait pour mission d’assurer la
garde armée des checkpoints, mais aussi de calmer les esprits échauffés et
d’assurer les secours en cas d’urgence. En résumé, les vigiles de CHAZ avaient
le même mode de fonctionnement que la police, l’expérience professionnelle
en moins. Et ils n’avaient de comptes à rendre à personne.
La direction de ladite milice, du moins pendant quelques temps, était
assurée par une petite femme du nom de Créature. Les vigiles bénévoles
usent tous de pseudos lorsqu’ils parlent les uns des autres. Elle portait un
casque blanc pour être facilement repérable au milieu de la foule. Créature et
son équipe communiquaient par talkie-walkie et oreillette. À l’intérieur de la
zone, on attribuait à chaque vigile une zone spécifique. Quelques-uns
paradaient avec des fusils, des revolvers, des battes de base-ball, des
couteaux. J’ai croisé Créature au moment où elle s’occupait d’une résidente
en pleine crise.
Au beau milieu d’un carrefour, devant un des checkpoints à l’entrée de la
zone, une femme assise hurlait, inconsolable. Les vigiles voulaient qu’elle se
déplace pour que leur véhicule puisse circuler. À vrai dire, ce genre d’épisode
psychotique était assez courant à CHAZ, où avaient afflué SDF et vagabonds
attirés par les distributions alimentaires. On racontait que quelques jours
auparavant, une ambulance était venue pour une overdose. Avant que
Créature n’ait pu s’occuper de la femme qui hurlait, elle a reçu un appel
urgent sur son talkie-walkie. Je n’ai pas entendu ce qu’elle disait ; elle a
subitement quitté les lieux pour se rendre ailleurs dans la zone. J’ai tenté de la
suivre, mais elle s’est fondue dans la foule. La nuit, les bagarres entre
résidents étaient monnaie courante. Les vigiles tentaient de jouer les
médiateurs, en vain le plus souvent.

La base opérationnelle des vigiles se trouvait sur la terrasse en plein air du


restaurant Rancho Bravo Tacos, sur laquelle ils avaient installé un barnum.
Les propriétaires avaient apparemment accepté l’installation du campement.
Le prix à payer pour leur tranquillité, sans doute… Sur les pancartes qui
émaillaient la base, on pouvait lire : « Pas de photos. Pas de vidéos. » Juste à
côté, une pancarte répertoriait les comptes Venmo{14} destinés à financer « le
ravitaillement et l’aide médicale ». Une autre donnait les contacts de la
National Lawyers Guild, association d’avocats qui offre gratuitement ses
services aux antifa et aux militants d’extrême gauche.

Malgré l’absence revendiquée de règles à CHAZ, un code de conduite


complexe s’y était rapidement mis en place, qui variait d’un endroit à l’autre,
parfois d’un moment à l’autre. Ainsi, ceux qui se trouvaient dans le parc,
majoritairement blancs, devaient-ils veiller à ne pas « recoloniser » l’endroit,
comme le leur rappelaient les pancartes disséminées ça et là. Après quelques
discussions consacrées au fait qu’il y avait trop de Blancs dans le parc, on y
avait créé une zone réservée aux « peuples noirs et indigènes ». Le parc avait
aussi pour fonction de satisfaire les velléités potagères des résidents. Mais,
bien que fraîchement plantés, légumes et herbes aromatiques y avaient dépéri
en moins de 48 heures.

À l’extérieur, les reportages de la presse généraliste insistaient lourdement


sur l’« ambiance de kermesse » qui régnait dans la zone annexée, reprenant
ainsi l’expression de la maire Durkan. Le 11 juin 2020 en effet, celle-ci avait
twitté : « La zone autonome de Capitol Hill #CHAZ n’est pas un territoire
perdu et hors-la-loi, voué à l’insurrection anarchiste. C’est l’expression
pacifique de notre deuil collectif et de leur désir de créer un monde
meilleur. » Durkan, à l’instar du gouverneur Jay Inslee, s’était donné
beaucoup de mal pour mettre en exergue la nature « pacifique » de
l’occupation. Dans un entretien accordé à Chris Cuomo de CNN, elle avait
prononcé cette phrase devenue tristement célèbre : CHAZ allait être un autre
« été de l’amour ».
Évidemment, tant que les journalistes franchissaient de jour les frontières
de la zone autonome, ils pouvaient être dupes. Pendant la journée, on y voyait
des gens organiser des barbecues. Des badauds qui venaient avec leurs
enfants pour les initier au Street art. D’autres qui promenaient leur chien. Ben
and Jerry’s avaient installé un camion qui distribuait des glaces gratuites. Le
site d’information de gauche Daily Beast avait publié un reportage de Kelly
Weill, titré : « Les commerçants du coin adorent la zone “qui fait trembler
l’Amérique” à Seattle. Vraiment. » Sûr de son fait, Daily Beast prétendait
« déboulonner » le Président Trump (qui avait dit que CHAZ était tenue par
des « terroristes de l’intérieur ») en donnant la parole à quelques
commerçants triés sur le volet. Il y avait ceux qui n’avaient aucun avis
particulier sur l’annexion du quartier, et il y avait ceux qui la soutenaient. Il
arrivait parfois, en effet, que les habitants du quartier soient du côté des
« résidents ». Le Little Big Burger de CHAZ, de la chaîne du même nom, avait
ainsi changé le code de ses toilettes en 1312, référence implicite au slogan
antifa ACAB, chaque nombre correspondant à une lettre de l’alphabet. Mais
nombre d’entre eux, je dirais la majorité, se taisait par peur, réduite au silence
par la stratégie d’intimidation antifa. La nuit, une fois partis les journalistes et
les visiteurs, c’était un tout autre visage du lieu qui apparaissait.
Dans la mesure où personne ne s’était mis d’accord pour savoir qui devait
diriger CHAZ (ce qui était fait exprès), ceux qui sont naturellement parvenus
au sommet l’ont fait en jouant sur la peur et l’intimidation. Par exemple, il est
arrivé que Raz Simone, un rappeur de Seattle dont le vrai nom est Solomon
Simone, patrouille de nuit dans la zone, entouré de sa garde rapprochée
armée. Certains media l’avaient surnommé le « seigneur de guerre » de CHAZ.
Suite à des plaintes faisant notamment état d’actes de barbarie sur des
enfants, Simone, qui est originaire de Géorgie, possède un casier judiciaire. Il
s’est fait une réputation en patrouillant, armé d’un fusil semi-automatique et
d’un revolver. Sur une vidéo, on le voit s’emparer du fusil qu’un homme
vient de sortir du coffre de sa voiture. Une autre vidéo le montre en train
d’agresser un cameraman.
Simone adorait que les media s’intéressent à son cas, tout en récusant le
portrait violent qu’ils faisaient de lui. Le 10 juin 2020, il twittait : « Je ne suis
pas un seigneur de guerre, ni un terroriste. Arrêtez de diffuser ce récit bidon.
Le monde n’a jamais supporté que l’homme noir soit fort. Nous avons été
pacifiques, rien d’autre. Si je meurs, que ce ne soit pas pour rien. » Tout le
monde n’approuvait pas le fait que Simone joue les vigiles, mais personne
n’était vraiment disposé à s’opposer à lui et à sa bande. Entrer en conflit avec
un Noir sur un territoire consacré aux « vies noires » pouvait en effet s’avérer
compliqué…
Malgré la vocation initiale de CHAZ à devenir territoire « antiraciste », une
ségrégation sur critères raciaux s’est finalement mise en place. La plupart des
résidents et des visiteurs noirs n’adhérait pas à l’idéologie anarcho-
communiste des antifa. Certains désapprouvaient fermement le vandalisme et
les destructions commises sur la zone. La plupart du temps, les Blancs,
extrémistes, anarchistes, socialistes et communistes restaient entre eux, dans
les endroits qu’ils occupaient.

Comme cela avait été le cas lorsque Simone avait pris le pouvoir, ceux
qui étaient perçus comme des rivaux ou une menace payaient le prix fort. En
juin, le journaliste conservateur Kalen d’Almeida, de Los Angeles, a filmé
une réunion nocturne de Simone et de sa milice. Un des hommes de main du
rappeur, qui l’avait repéré pendant qu’il filmait avec son portable, est allé lui
réclamer des comptes, exigeant qu’il éteigne son téléphone. Quand
d’Almeida a refusé, la bande a voulu le traîner jusqu’à la tente de la sécurité,
installée devant le restaurant de tacos. Parmi ses assaillants, d’Almeida a
reconnu Dejuan Young. Plus tard, à CHAZ, Young sera victime d’une
fusillade. Il n’a jamais été inculpé, ni arrêté. « Il me répétait : “Tu vas me
donner ton téléphone ou je te démonte la gueule et je te le prends.” » raconte
d’Almeida.
D’Almeida s’en est tiré en se réfugiant sur le chantier situé à l’entrée de la
zone, où il s’est caché en attendant que la police réponde à son appel. « J’ai
quitté la zone autonome en courant ; ils étaient tous à vouloir me traîner à la
tente de la sécurité pour m’interroger » poursuit-il. J’ai vu d’Almeida juste
après son agression. Son blouson était dans un sale état, lui-même était sous
le choc. Il a eu de la chance de pouvoir quitter CHAZ en n’ayant que quelques
contusions et des bleus.
D’autres journalistes se sont fait agresser à CHAZ. Dan Springer, reporter à
Fox News, s’est fait piéger pendant qu’il était au volant, cerné de casseurs qui
ont pris sa voiture d’assaut. Une autre fois, à CHAZ encore, on l’a suivi et
expulsé.
Si le quartier était devenu un laboratoire à ciel ouvert de l’anarchie et du
chaos, c’était aussi une entreprise de propagande qui tournait bien. Les
résidents contrôlaient de très près ce que les journalistes étaient autorisés à
filmer. Ainsi, il y eut cette fois où un Noir avait déambulé, le drapeau
américain à la main. La foule, dans laquelle se trouvaient des antifa masqués,
l’avait immédiatement entouré et suivi, hurlant des insultes racistes. « Traître
à ta race ! Traître à ta race ! » criait sans relâche un homme au mégaphone.
« Fox News va récupérer les images ! » avait riposté quelqu’un lorsque des
casseurs avaient voulu s’emparer du drapeau. À CHAZ, cette phrase était une
rengaine que l’on ressortait au moindre conflit. La réalité ne revêtait aucune
importance aux yeux des défenseurs de la zone autonome qui préféraient que
les media évoquent une utopie inventée de toutes pièces.
Ceux qui avaient le malheur d’habiter le quartier n’avaient pas eu leur
mot à dire lorsqu’étaient arrivés leurs nouveaux seigneurs et maîtres. Ils
s’épanchaient fort discrètement auprès de la presse locale. Quelques-uns
avaient provisoirement déménagé. La nuit, on signalait des coups de feu et
des « hurlements de terreur ». Un jour, alors que j’étais sur place, un habitant
est sorti à deux reprises de son immeuble pour demander aux manifestants de
quitter l’allée sur laquelle donnait la porte de son appartement. Ils ont fait
mine de ne pas entendre. La rue, très dégradée, était couverte de graffitis et
de slogans radicaux. Dans cette même rue, se trouvait la porte de service du
Commissariat Est. Depuis que les antifa avaient exprimé leur volonté d’y
faire intrusion pour y mettre le feu, des bénévoles effectuaient des tours de
garde pendant la nuit. Selon la chef de la police, il existait une « menace
sérieuse » que le bâtiment soit incendié. Plus tard, on a appris que
l’information émanait du FBI.

Quoiqu’il en soit, les commerçants ne pouvaient pas s’offrir le luxe de


partir sur un coup de tête. Tous les commerces, tous les bâtiments à
l’intérieur de CHAZ avaient été vandalisés et couverts de graffitis. La plupart
des slogans déclinaient « ACAB », « Black lives matter » ou « Georges
Floyd », certains appelaient à tuer la police. Cependant, les graffitis étaient le
moindre de leurs soucis. Faizel Khan, propriétaire du Café Argento, s’est
confié au New York Times : « Ils nous ont tous barricadés là-dedans. » Il n’a
osé parler à la presse que des semaines après le démantèlement de CHAZ :
« Ils étaient là, assis sur des chaises de jardin, avec leurs flingues. » Son
témoignage à la presse correspond à ce que j’ai moi-même pu voir.
Même si de jour des milliers de gens passaient par CHAZ, l’activité
marchande y avait subi une baisse impressionnante. Le barrage des rues avait
dissuadé la clientèle, les gens ne pouvant se déplacer que par intermittence et
à pied. Grâce aux stands alimentaires « gratuits » installés sur place, les
résidents n’avaient en outre aucune raison de dépenser en nourriture et en
boissons. À toute heure du jour et de la nuit, des sympathisants venaient faire
des dons ; la quantité de pizzas offertes et livrées était telle que les résidents
commençaient à les refuser.

Le 14 juin 2020, avant l’aube, on a interrompu un concert de hip-hop qui


se déroulait en plein centre de CHAZ : un messager est venu nous annoncer
qu’un camarade résident venait d’être « pris en otage ». En quelques
secondes, tout le monde s’est mis à courir à sa suite. Après avoir longé
quelques blocs en courant, nous sommes arrivés au garage Car Tender. En
quelques minutes, la foule s’est ruée sur le portail, qui a rapidement cédé. Les
résidents ont menacé de mettre à sac le garage. La rumeur selon laquelle il y
avait un otage s’est révélée infondée : si les gardiens du garage détenaient
Richard Hanks, 21 ans, c’était parce qu’ils le soupçonnaient d’effraction et de
tentative d’incendie.
Jason Rantz, animateur et journaliste conservateur de Seattle, a interviewé
les propriétaires du garage. « Mason, le fil du garagiste, m’a dit avoir appelé
le 911 plus de dix fois. La police a refusé d’envoyer des agents pour arrêter
Hanks. Elle avait l’ordre de ne pas aller à CHOP » raconte Rantz qui poursuit :
« D’après lui, plus de 100 personnes se tenaient devant le garage ; parmi ces
gens, beaucoup étaient armés. Ils leur hurlaient de laisser partir Hanks, leur
disant que sinon, ils allaient mettre le feu. Ils ont démoli le grillage qui
entourait le garage et pris l’endroit d’assaut : Mason et son père ont fini par
leur remettre Hanks. »
Par miracle, on avait évité le carnage. En formant une chaîne humaine, les
bénévoles de CHAZ venus en nombre avaient réussi à désamorcer une
situation pour le moins explosive. Ce fut la seule fois où je les ai vus mettre
un terme à un conflit. La plupart du temps, les émeutiers cédaient à leurs
pulsions primaires, devenant incontrôlables. Ainsi, ce prêcheur de rue qu’ils
avaient ligoté au sol pendant toute une journée avant de l’« expulser » manu
militari.
Bien qu’il n’y ait pas eu de violences cette nuit-là, le garage figure depuis
sur la liste de Cop Blaster, un site qui entend recenser les violences policières
et les « mouchards ». Son propriétaire est régulièrement harcelé et menacé.
Un jour, une entreprise de sécurité privée qui lui avait offert ses services a
découvert une cache d’armes dans des buissons tout proches. Parmi les
armes, un fusil semi-automatique et des chargeurs.

La façon dont les media ont couvert CHAZ souffre d’un point aveugle
évident : ils ont toujours occulté le fait qu’on y diffusait une idéologie
extrémiste et qu’on y prônait la violence. Plutôt que de se pencher sur les
appels pourtant très explicites à tuer les flics et à renverser le gouvernement,
les reportages consacrés à la zone se contentaient de reprendre les mots
d’ordre en vogue, entre « justice raciale » et « pas d’argent pour la police ».
Des centaines de graffitis bordaient l’endroit, des cadavres de porcs dessinés
avec des casquettes de police. « Interdit au boulot. Interdit aux flics. Stop à ce
monde de merde » pouvait-on lire. Ou encore : « Vote et reste à l’étable. Les
politiciens sont tous minables. »
Les antifa marquaient également leur territoire autour de CHAZ. Sur
plusieurs bâtiments, on avait peint le drapeau rouge et noir des anarcho-
communistes. Des autocollants du groupe « Action Antifaciste » étaient
collés un peu partout. À CHAZ, j’ai croisé Luis Marquez, un membre actif de
Rose City Antifa, et ses amis. Pour ceux qui n’auraient pas vu les graffitis qui
s’étalaient partout, on avait prévu des affiches, des panneaux. « Le virus,
c’est le covid 19. La pandémie, c’est le capitalisme » lisait-on aux abords de
la zone. Une grande affiche manuscrite accusait le système d’entraîner
racisme et pauvreté, avant de conclure : « Mort au capitalisme ! »

Les militants des partis traditionnels s’étaient eux aussi déplacés à CHAZ,
pour séduire de nouvelles recrues et faire d’une pierre deux coups. Les
Socialistes démocrates d’Amérique y figuraient en bonne place et tenaient un
stand. Le parti avait acquis une certaine respectabilité aux yeux de l’opinion,
grâce à la popularité croissante du sénateur Bernie Sanders et de la députée
au Congrès Alexandria Ocasio-Cortez. Pourtant, à la lecture de leur
manifeste, on voit que ces derniers se situent sans ambiguïté possible dans la
droite ligne de la tradition socialiste : ils aspirent, comme leur programme
l’annonce clairement, à l’« abolition du capitalisme ». Quant aux Socialistes
Révolutionnaires de Seattle, également présents à CHAZ, ils partagent le même
agenda que les Socialistes démocrates, tout en formulant plus explicitement
encore leurs ambitions révolutionnaires.
Fait révélateur, le parti démocrate n’était pas représenté. Dans le sillage
de l’élection de Trump, les Démocrates avaient certes décalé le curseur sur
leur gauche, mais aux yeux de révolutionnaires qui rêvent d’abolir la police,
le capitalisme et les États-Unis, ils restaient des tièdes. Lorsque les antifa
scandent : « Pas Trump, pas de mur ! Pas d’Amérique du tout ! », ils y croient
vraiment.

Parallèlement aux partis politiques, on trouvait des stands proposant toute


une littérature d’agit-prop{15}, manuels et guides pratiques publiés par des
groupes anarchistes et des éditeurs de fanzines. On les distribuait tous
azimuts, y compris aux enfants et aux adolescents.
Une de ces brochures, intitulée Bloquer, occuper, contre-attaquer
expliquait comment utiliser les boucliers humains face à la police. Elle
apprenait aussi à fabriquer des « bombes » rudimentaires à l’aide d’ampoules
et de peinture. « La foule, surtout si elle est constituée de gens ordinaires, est
notre première ligne de défense quand la police charge » exposait la
brochure. « Si la police nous bloque, on préfère que la foule fasse tampon
entre elle et nous, plutôt que de la laisser hors d’atteinte » Les mois suivants,
lors des émeutes qui se sont poursuivies à Portland et ailleurs, les militants
antifa ont appliqué ces consignes.

Les « bombes » faites d’ampoules et de peinture étaient couramment


lancées sur la police. À l’origine, elles servaient à obscurcir la vision des
policiers. Mais si ces derniers ne sont pas correctement protégés, ils peuvent
aussi être blessés par les éclats de verre.
Une des brochures distribuées à CHAZ s’intitulait : Contre la police et le
monde carcéral. Elle présentait de courts textes qui expliquaient pourquoi la
police, le capitalisme et l’État devaient être détruits par tous les moyens
possibles, y compris par la violence. Un sous-chapitre désignait les media
comme des ennemis dont la seule raison d’être était d’« endormir » les
révolutionnaires. « Notre mépris envers les media est indissociable de notre
haine pour le monde » lisait-on. À CHAZ, les agressions de journalistes
accusés de ne pas être du bon côté de l’échiquier politique étaient fréquentes.
De façon générale, il en allait de même lors des événements qu’organisait
l’extrême gauche. On justifiait les agressions au nom de la « sécurité » : les
militants affirmaient qu’en les photographiant ou en les filmant sans
masques, on les mettait en danger.
Une brochure se distinguait par son illustration de couverture, la simple
image d’une cagoule surmontée du titre suivant : Complices, pas alliés. Les
auteurs y dressaient la liste des problèmes posés par leurs « alliés » du monde
universitaire ou associatif, qui renâclaient dès qu’il fallait enfreindre la loi et
faire preuve de violence.

Alors que CHAZ entamait sa deuxième semaine d’existence, le maire et le


conseil de la ville faisaient la sourde oreille aux doléances des habitants de
Capitol Hill et de ceux qui y travaillaient. On faisait mine de ne pas saisir les
fines allusions de Carmen Best, qui avait quitté ses fonctions de chef de la
police et s’exprimait publiquement. Du fait que la police de Seattle se
trouvait désormais coupée d’une grande partie de la ville, son temps de
réactivité avait été multiplié par trois : le délai pour arriver sur les lieux
signalés était désormais de 18 minutes, où là il n’en fallait autrefois que 5.
« Lorsqu’on reçoit un appel d’urgence, cela veut dire qu’une agression est en
cours, parfois un viol, parfois un cambriolage, peu importe : un appel
prioritaire signifie qu’un acte grave est en train d’être commis. Et nous, nous
ne sommes pas en mesure d’y aller » avait confié Best aux journalistes.
La municipalité n’a pas seulement refusé de rétablir l’ordre à CHAZ, elle
s’est aussi mise en quatre pour complaire à ses nouveaux « résidents ». Le
16 juin 2020, elle installait des glissières en béton, merveilleux support pour
de nouveaux graffitis. Elle y avait aménagé des toilettes temporaires, elle y
envoyait régulièrement des équipes de nettoyage et des agents de propreté,
CHAZ, soi-disant « zone autonome », se comportait en parasite de l’État-
providence, sur le dos des contribuables de Seattle.
Quelques jours après la création de la zone autonome, un pyromane a
voulu incendier le Commissariat Est. Le 12 juin 2020, une caméra placée à
proximité du bâtiment a filmé un homme en train de mettre le feu à un tas
d’ordures qu’il avait préalablement aspergé d’essence. Des gens qui se
trouvaient non loin de là se sont précipités pour éteindre les flammes. Sur la
vidéo, on les entend parler à quelqu’un, lui demandant d’enlever un jerrican.
Après une enquête du Service des alcools, du tabac, des armes à feu et des
substances explosives, les autorités fédérales ont inculpé et arrêté Isaiah
Willoughby, 35 ans. En 2018, Willoughby avait été candidat au Conseil de la
ville de Seattle.

Les premiers signes de violence avaient valeur de présage. Le 20 juin


2020, sur des vidéos live, on entend des salves de coups de feu qui viennent
de CHAZ. On y voit aussi la panique, les gens qui se mettent à courir en tous
sens, hurlant à la fusillade. Sur les lieux, les « secouristes » locaux avaient
pris en charge Horace Lorenzo Anderson, un jeune homme noir de 19 ans,
pour l’emmener au centre hospitalier Harborview. Il y est mort peu après. Le
frère aîné d’Anderson (dont le nom n’est pas connu) a confié aux reporters
que les « secouristes » l’avaient empêché de voir son frère agonisant, qu’ils
avaient installé dans une tente à côté du restaurant mexicain. « Tant qu’ils ont
pu, ils m’ont caché que mon petit frère était là. Je le croyais à l’hôpital » a-t-il
raconté aux cameramen. « Jusqu’à ce matin 9 heures, je ne savais pas qu’ils
avaient gardé mon petit frère. La table était couverte de sang. » La police de
Seattle a publié un communiqué : à cause de l’hostilité de la foule, le
personnel médical n’avait pas pu intervenir. « Les agents ont tenté
d’identifier la victime d’une fusillade, mais ils se sont trouvés face à une
foule violente qui les a empêchés de se rendre en toute sécurité auprès des
victimes » a écrit la police.
Selon Horace Lorenzo Anderson Sr., le père de la victime, la police ne
s’était pas montrée très réactive, laissant la famille dans l’ignorance. Quant
aux élus de la ville, à aucun moment ils ne s’étaient manifestés. Dans une
interview accordée à Sean Hannity de Fox News, il exprime ses doléances.
« Mon fils avait besoin d’aide, et je n’ai pas l’impression qu’on l’ait aidé »
dit-il parlant des secouristes bénévoles de CHAZ. Horace Lorenzo Anderson
Sr. a par la suite reçu un appel du Président Trump, qui lui a présenté ses
condoléances.

La violence armée ne s’est pas apaisée cette nuit-là. Le lendemain, on a


tiré sur une troisième personne, et un jeune homme noir de 17 ans a dû être
emmené à l’hôpital. On ignore son nom, mais on sait qu’il a survécu.
Respectant la loi en vigueur à CHAZ, selon laquelle « on ne parle pas aux
porcs », l’adolescent avait refusé d’aider la police dans son enquête. Deux
jours plus tard, le 23 juin, un autre homme noir était victime d’une fusillade.
Il a survécu, mais a lui aussi refusé de parler. Trois fusillades, un mort :
malgré ce triste bilan, la ville a continué à ne rien faire, tolérant toujours la
zone de non-droit qu’était CHAZ. Quant à la maire Durkan, elle en avait
profité pour proposer d’amputer de 20 millions de dollars le budget alloué à
la police.
À CHAZ, on ne trouvait aucune réflexion originale, aucun projet
constructif. Les occupants, tous d’extrême gauche, se divisaient cependant en
diverses factions idéologiques : anarchistes, communistes, anarcho-
syndicalistes, marxistes de la Black nation, etc. Un manifeste publié sur le
blog Medium exigeait l’abolition du système judiciaire. « La police de Seattle
et le tribunal afférent sont irréformables » disait le communiqué, « Nous ne
demandons pas une réforme, nous exigeons l’abolition. » Jaiden Grayson,
jeune femme noire qui jouissait d’une certaine notoriété sur la zone
autonome, avait averti le cinéaste Ami Horowitz : « Donnez aux gens ce
qu’ils exigent, ou préparez-vous à un combat sans foi ni loi… Ce n’est même
pas un avertissement : je vous informe simplement de ce qui va se passer. »
Elle n’a pas développé davantage, mais par la suite, la violence meurtrière est
allée croissant.

Tandis que la ville cédait aux sirènes extrémistes de CHAZ, une quatrième
fusillade a éclaté. Le 29 juin 2020, avant l’aube, deux adolescents ont
commis l’erreur tragique de se rendre dans la zone au volant d’une jeep
blanche. Les témoins ayant refusé de coopérer avec les forces de l’ordre, on
ignore ce qui s’est passé exactement. Cependant, sur les vidéos de
surveillance, on entend une salve d’une dizaine de coups de feu. Après un
silence de quelques minutes, nouvelle salve de dix-huit coups, puis la Jeep va
s’écraser contre une barricade. On sait que de là, un adolescent noir de seize
ans a été emmené à l’hôpital, où on a constaté son décès. Quant au passager,
âgé de quatorze ans, il a survécu, bien que grièvement blessé.
Les photos et vidéos prises par la suite exposent des détails
épouvantables. La voiture était criblée de balles, sans doute tirées par les
services de « sécurité » de CHAZ. Une balle avait été tirée à bout portant à
travers le pare-brise, côté conducteur. C’est elle qui, très vraisemblablement,
a tué le jeune homme au volant. À l’intérieur du véhicule, les sièges étaient
imbibés de sang. Lorsque la police est arrivée sur les lieux, elle a noté que
des indices avaient disparu, ou avaient été déplacés. Bien entendu, personne
n’a voulu parler. Sur une vidéo prise quelques instants après la fusillade, on
voit un groupe de « résidents » ramasser les balles et donner des ordres en ce
sens. « Si vous en voyez une, ramassez-la et mettez-la dans votre poche.
Ramenez-les chez vous » ordonnait un homme.
Grâce aux réseaux sociaux et aux comptes de sympathisants antifa, dont
certains s’étaient possiblement trouvés dans la zone autonome pendant la
fusillade, on a commencé à y voir un peu plus clair. Avant que l’identité des
victimes ne soit connue, des antifa affirmaient sur les réseaux sociaux que le
service de sécurité de CHAZ avait « neutralisé » une menace suprématiste
blanche. « Deux mecs dans un 4x4 volé ont mis le feu à #chop cette nuit »
twittait @MaliceBD. « Ils sont arrivés et ont tiré 15 fois, et peut-être un quart
d’heure après, ils ont traversé la zone Cal Anderson avant d’ouvrir à nouveau
le feu. C’était le 4x4 qu’ils conduisaient. Tir super précis. » Pour information,
aucune vidéo, aucun élément n’indique que des coups de feu aient été tirés
depuis la voiture. Et @MaliceBD de poursuivre : « Je ne devrais pas exalter la
mort et la violence, mais pour dire les choses, si tu t’en prends à un innocent
et que tu lui tires dessus, tu mérites de t’en prendre plein la gueule. » Ceci en
commentaire des tweets qui tournaient, dont les auteurs remerciaient les
vigiles de CHAZ d’avoir « protégé » les résidents. « Félicitations ! Je suis fier
de vous, les anarchistes ! Grâce à vous, nous, les marxistes-léninistes, on se
sent comme des vieux tout fiers de leurs fils et de leurs petits-fils. Vous faites
du bon boulot, continuez ! » a par exemple twitté @JaredComrade.
Il s’est avéré par la suite que les victimes de la fusillade étaient deux
hommes noirs désarmés. Marty Jackson, un secouriste, a expliqué à l’antenne
de la radio publique d’État que les services de sécurité de la zone avaient tiré
sur la voiture, et qu’une des deux victimes, touchée à la tête, avait été tuée sur
le coup. Malgré le désir qu’affichaient les antifa de protéger les Noirs des
racistes blancs, le bilan était sans appel : 100 % des victimes de CHAZ étaient
noires. Pour information, un seul suspect a été arrêté. La police de Seattle a
délivré un mandat d’arrêt contre Marcel Levon Long, accusé du meurtre
d’Horace Lorenzo Anderson Jr.

Quatre fusillades et deux morts plus tard, la maire Durkan, confrontée à la


colère grandissante des habitants qui venaient de lancer une procédure
d’action collective contre la ville, a fini par céder : elle a donné l’ordre de
démanteler CHAZ. Au matin du 1er juillet 2020, près d’une centaine d’agents
de police, rejoints par d’autres services des forces de l’ordre, se sont dirigés
vers la zone à pied et à vélo, afin d’en expulser les occupants. Les émeutiers
ont voulu gêner l’action de la police en balançant divers objets en travers des
rues, ou en reversant les WC provisoires. En vain : en moins d’une demi-
heure, les forces de l’ordre mirent fin à trois semaines d’occupation illégale.
Il avait donc suffi de les laisser faire leur travail, enfin…
Mais si CHAZ était mort, son fantôme, lui, rôdait encore. Dans les
semaines qui ont suivi le démantèlement, les black blocs sont revenus chaque
semaine à Capitol Hill pour vandaliser, faire intrusion dans des magasins et
agresser la police. Le 23 juillet 2020, ils étaient nombreux à défiler dans le
quartier, armés de battes de base-ball et de tuyaux. Après avoir démoli
quelques devantures, ils ont déclenché des départs de feu. Les journalistes qui
avaient filmé le carnage ont été menacés. La police a reçu l’ordre de ne pas
s’en mêler, et personne n’a été arrêté. Malgré tous les faits de violence qui
s’étaient déroulés pendant et après CHAZ, le Conseil municipal de Seattle se
montrait toujours aussi indulgent envers les antifa. La mairie n’a jamais
condamné les violences subies par la police de la ville, ni la destruction de
ses locaux.
« La tension qui s’exprimait dans ces manifestations et ces émeutes, c’est
quelque chose que je n’avais jamais ressenti auparavant. J’étais sous le
choc » raconte Mike Solan, président de de la SPOG, le syndicat de la police
de Seattle. Cela fait 21 ans qu’il fait partie des forces de l’ordre, mais il dit
que depuis les émeutes, son métier est tombé bien bas. Selon lui, le constat
vaut pour l’ensemble des forces de l’ordre.

La police de Seattle s’est toujours targuée d’être à la pointe du


progressisme. Aux États-Unis, c’est un des services les mieux formés à
l’usage non létal de la force. Depuis l’an 2000, sur une population de plus de
700 000 personnes, on compte en moyenne annuelle un peu moins de 4
fusillades mortelles impliquant la police de Seattle. Et maintenant, voilà
qu’on la mettait dans le même sac que les autres…

« Pendant les émeutes, près d’une centaine de policiers ont été blessés.
Aucun élu de Seattle ne m’a contacté pour prendre de leurs nouvelles »
poursuit Solan. Les agents blessés lors des émeutes souffraient surtout de
plaies et de brûlures, mais on recensait aussi des fractures, des lésions
neurologiques et des pertes d’audition. « Les engins explosifs improvisés,
l’arme de prédilection des antifa, ont joué un rôle majeur dans les pertes
d’audition qui ont affecté les agents » explique Solan. « Ce genre de
traumatisme met du temps à disparaître. Dans certains cas, il peut rester
chronique. Mais c’est surtout sur le plan psychique que les policiers ont le
plus souffert… » Il remarque que certains présentaient des symptômes de
stress post-traumatique.
Deux jours après la manifestation du 23 juillet 2020, les antifa se sont de
nouveau rassemblés à Capitol Hill. Il s’agissait cette fois-là d’exprimer leur
solidarité envers leurs frères militants de Portland, qui avaient plusieurs
semaines d’émeutes au compteur. À coup de battes de base-ball et de
marteau, ils ont cassé voitures et mobilier urbain. En plein jour, ils ont défilé
à travers la ville et lancé des bombes artisanales sur des baraquements de
chantier, déclenchant de violents incendies. Ils ont fracassé la devanture d’un
Starbucks qu’ils ont pillé et saccagé. La police a fini par déclarer qu’il
s’agissait bien d’une situation d’émeute. Lorsqu’elle est intervenue, les antifa
lui ont lancé des feux d’artifice explosifs.
Par ailleurs, ils avaient toujours le Commissariat Est en ligne de mire. Ils
ont lancé une bombe sur le bâtiment : une explosion a retenti, la structure a
été touchée. En fin de compte, 59 agents de police ont été blessés. Ils
n’avaient pas le droit de recourir au gaz lacrymogène pour disperser les
casseurs. Sur les photos de la police de Seattle, on voit des plaies, des
brûlures, des ecchymoses. Un policier a même été brûlé par un tir de mortier
à travers son short.
Comme d’habitude, les violences ne se sont pas arrêtées là et se sont
étalées sur plusieurs semaines. Le 16 août 2020, les antifa en black bloc ont
défilé jusqu’au siège du Syndicat de police. Pour pouvoir entrer, ils ont utilisé
des explosifs. Les agents qui sont intervenus se sont fait bombarder à coups
de pierres, de bouteilles et de bombes artisanales. On a arrêté 18 personnes.
De nombreux policiers ont été blessés, un d’entre eux a fini à l’hôpital.
Malgré cela, les antifa ont juré de poursuivre le carnage, que pour leur part ils
qualifiaient d’« insurrection ».
Le 24 août 2020, ils se sont de nouveau agglutinés autour du
Commissariat Est. Certains ont escaladé la grille qui entourait le bâtiment et
ont condamné une issue de secours, sans doute avec du ciment à séchage
rapide. Ils ont ensuite incendié une aile du commissariat, alors que des agents
se trouvaient à l’intérieur. Cette téméraire tentative d’assassinat visant des
policiers au sein même de leurs locaux (que les antifa avaient en outre
incendiés après en avoir barricadé l’issue de secours) a alerté le Service des
Alcools, du Tabac et des Armes à feu et des Explosifs. J’ai posé la question à
Mike Solan : pourquoi la police donnait-elle le sentiment de laisser chaque
semaine, si ce n’était chaque jour, les casseurs revenir au même endroit alors
qu’elle savait pertinemment qu’ils allaient le mettre à feu et à sang ? Voilà sa
réponse, brute de décoffrage : « Aujourd’hui, nos chefs veulent éviter le
conflit avec certains des groupes qui vadrouillent en ville. Si nous avons
recours à la force pour empêcher le prochain saccage, la police de Seattle
n’aura pas le soutien des élus. De ce fait, nos supérieurs ne nous défendront
pas publiquement. »
Le 23 septembre 2000, lors d’une émeute à Capitol Hill, un militant
masqué a frappé un policier à la tête avec une batte en métal. Le casque s’est
fendu sous le choc et l’agent n’a échappé que de justesse à l’agression. Par la
suite, on a arrêté un jeune de 19 ans, aussitôt mis en examen pour plusieurs
chefs d’inculpation criminels. Il était apparenté à un ancien député démocrate
de la législature d’état. Quant à son complice présumé, c’était un agent
immobilier de l’agglomération de Seattle. D’après l’acte d’inculpation établi
par le comté de King, l’analyse de son téléphone prouvait que tous deux
avaient communiqué par le biais d’une messagerie cryptée. Leurs échanges
laissent penser qu’ils fomentaient un attentat contre la police de Seattle.

Bien que l’épisode CHAZ (ou CHOP) ait duré relativement peu de temps, il
me hante encore aujourd’hui. Cette « zone autonome » a permis d’entrevoir
ce qu’il advient des territoires laissés aux mains des antifa : ils se
transforment en zone de chaos, de violence et de mort. « Quand on y
réfléchit, l’élément le plus dingue de l’histoire, c’est quand même le fait que
CHAZ ait pu exister » commente Rantz, animateur radio et journaliste. « La
mairie de Seattle a littéralement abandonné à leur sort six blocs de la ville, un
parc, l’ensemble des commerçants et des habitants qui s’y trouvaient, et
même un commissariat. Ceux qui étaient dans la zone se sont retrouvés
complètement seuls. » De fait, c’est ce qui m’était arrivé, et cela n’avait pas
échappé aux antifa.
J’étais censé rester à CHAZ un certain temps, mais au bout d’une semaine
sur place, j’ai été dénoncé. Et par qui donc ? Par nulle autre que Nicholas
Armstrong, la militante antifa transsexuelle qui m’avait auparavant traqué et
menacé sur les réseaux sociaux. Malgré ma tenue intégrale de black bloc, elle
avait fini par me reconnaître, après avoir passé quelques jours à m’observer.
J’étais en train de filmer une bagarre, lorsqu’Armstrong m’a désigné au
groupe qui s’était rassemblé. Elle s’est mise à hurler : « C’est Andy Ngo !
C’est un facho ! » Mon sang s’est glacé. Je me trouvai devant le
Commissariat Est, que tout le monde avait déserté ; je savais qu’aucune
institution ne serait en mesure de m’aider. Je suis aussitôt sorti de la zone, me
ruant sur le VTC que je venais de commander.
À ce jour, je pense n’avoir pas encore pris la pleine mesure de la
motivation et la finesse des antifa dans la mise en œuvre de leur agenda
politique : détruire leurs opposants et détruire l’État. Ils sont obsessionnels et
pulsionnels ; ils sont prêts à tout pour atteindre leur but, à envoyer leurs
sbires aux trousses de ceux qui les critiquent, à mentir, à se comporter en
brutes sans foi ni loi.
Par-delà l’épisode CHAZ, la terreur que les Antifa ont imposée aux
habitants de Seattle a provoqué des effets à long terme. En août 2020, la
cheffe de police du SPD a annoncé sa démission. Carmen Best, qui était au
service de la ville depuis 1992, fut la première femme noire à diriger la police
de Seattle. Mais, comme elle l’a elle-même déclaré lors d’une de ses
dernières conférences de presse : « J’en ai marre. J’y arriverai pas. » La
veille, le conseil de la ville avait voté des coupes dans le budget de la police,
dont la suppression d’une centaine de postes.
En quittant Seattle, je souffrais pour tous ces honnêtes gens que l’on avait
terrorisés et réduits au silence. Leurs élus les avaient trahis. Quant à la presse,
malgré les violences organisées qui s’étaient déroulées au vu et au su de tous,
elle persistait à nier l’existence des antifa. « Jusqu’où peuvent aller les
politiques dans l’acceptation de la violence et du chaos ? » : voilà la question
que je me posai une fois dans le train qui m’emmenait loin de la ville.
Malheureusement, la suite a prouvé qu’ils pouvaient aller très loin…
À Louisville, Kentucky, une manifestante porte un
fusil d’assaut. Photo : Ford Fischer/News2Share.
Drapeau antifa pendant un match Portland Timbers
(football), en 2019
Le 29 mai 2020, première nuit d’émeute Black Lives
Matter à Portland et pillage de l’Apple store. Photo :
Andy Ngo
Frites de piscine garnies de clous. Destinées à crever
les pneus. Photo : Portland Police Bureau
Femmes utilisées comme bouclier humain lors des
émeutes d’août 2020. Photo : Andy Ngo
Tweet du Pacific Northwest Youth Liberation Front
CHAPITRE 3

PORTLAND

Le Palais de justice est un grand édifice situé au centre de Portland, qui


s’élève sur plusieurs niveaux et s’étend sur tout un pâté de maisons. Il abrite
le bureau du shérif, le commissariat central de la ville, des salles d’audience
et la prison du comté, où quelques centaines de détenus purgent leur peine.
Aux yeux des BLM-antifa de Portland, le lieu incarne cet état de droit
américain qu’ils méprisent par-dessus tout.

Le vendredi 29 mai 2020, à l’aube, la foule traverse le centre-ville pour se


rendre au Palais de justice. Les torches que brandissent les antifa tout de noir
vêtus illuminent leurs visages en colère. Ils crient « ACAB » : « Tous les flics
sont des enfoirés. » Échauffés par les discours radicaux des séparatistes noirs
qu’ils ont écoutés des heures durant à Peninsula Park, dans le nord de la ville,
ils sont mûrs pour l’action violente. Pendant le défilé, les manifestants
encerclent une voiture ; un d’entre eux tire et blesse le passager à bord. La
police n’ayant pas pu ou pas voulu les arrêter, ils poursuivent leur chemin
sans encombre. Au point d’arrivée, leurs camarades ont déjà installé des
tentes.
Vers 23 heures, la foule encercle l’immeuble et se transforme en meute
furieuse, fracassant les vitres du rez-de-chaussée pour se ruer à l’intérieur.
S’ils tiennent à leur peau, les salariés présents n’ont d’autre choix que de
s’enfuir. À coups de battes de base-ball, des dizaines de casseurs détruisent
mobilier et ordinateurs. « Brûlez-moi cette merde ! » hurlent-ils en mettant le
feu. Lorsque l’attaque a lieu, des centaines de détenus se trouvent dans le
bâtiment. Dix minutes plus tard, la police intervient et la plupart des casseurs
s’enfuient. En réalité, ils ne sont pas partis, ils courent vers le quartier
d’affaires du centre-ville. Ce jour-là, nous avons eu la preuve de la relation
symbiotique qu’entretiennent BLM et antifa, relation précédemment observée
dans d’autres villes où avaient eu lieu des émeutes.
Les antifa, qui en majorité sont blancs, commencent à casser les vitrines :
conformément à leur stratégie, il s’agit en fait de provoquer une réaction en
chaîne. L’Apple Store, fleuron de Portland, et Louis Vuitton sont les premiers
magasins envahis. Défilant en meute aux cris de « Expropriez-les ! », les
casseurs se livrent une fois sur place à un pillage en règle. Chez Louis
Vuitton, les caméras de surveillance ont filmé des black blocs en train de
faire le guet pendant que des jeunes gens allaient et venaient, les bras chargés
de portefeuilles et de sacs griffés. Devant le magasin, les antifa ont
interrompu la circulation, allumant des feux au beau milieu de la rue. Ils
aspergent d’essence tout ce qui est inflammable : palettes, poubelles,
journaux, etc. Lorsque la police tente d’intervenir pour mettre fin aux
désordres, les émeutiers s’en prennent à ses véhicules, sur lesquels ils
balancent des scooters électriques. La vitrine de l’Apple store, boutique
iconique s’il en est, est en miettes, bombée du slogan antifa « ACAB » et de
son équivalent chiffré « 1312 ». Les émeutes n’en finissent pas : les antifa
s’attaquent ensuite aux banques, aux magasins de vêtements, aux dispensaires
qui délivrent de la marijuana. Ils brisent les vitres à coups de battes, de
chaînes de vélo, de planches de skate, de tout ce qui leur tombe sous la main.
Une fois à l’intérieur, ils mettent le feu.
Plus loin dans le centre, ils lancent une voiture-bélier contre un bâtiment.
Le pillage se poursuit jusqu’aux petites heures du jour. Le maire de Portland,
Ted Wheeler, déclare l’état d’urgence. Décision inutile : la police et les
pompiers sont cernés et complètement dépassés. Un agent est blessé par un
projectile incendiaire. Un enquêteur de Portland dépêché sur les lieux reçoit
une pierre à la tête. À l’issue du carnage, 16 personnes seulement sont
arrêtées. Le procureur du district met l’une d’elles en examen, pour incendie
volontaire notamment. Apparemment, Amelia Joan Shamrowicz,
transsexuelle de 25 ans, a été prise en flagrant délit, dénoncée à la police par
ses colocataires. Voilà ce que dit le procès-verbal :
Lorsque (ses colocataires) ont demandé à Shamrowicz comment elle s’y était prise pour
déclencher un incendie, celle-ci a répondu que ce n’était pas une chose dont on pouvait discuter sur
Messenger. Elle a ajouté qu’elle serait bientôt de retour. Plus tard, elle et ses colocataires se sont
entretenues en face à face : selon ces dernières, Shamrowicz a dit utiliser des cocktails Molotov pour
mettre le feu. Elle a également affirmé appartenir à la mouvance antifa. Selon ses colocataires,
Shamrowicz avait hâte de mériter son étiquette de terroriste, et exprimait le souhait très vif que des
policiers soient blessés ou tués pendant les émeutes. Elle avait également affirmé qu’elle devait
repartir en mission, et incendier d’autres bâtiments.
Shramowicz a été inculpée pour incendie criminel, activités criminelles, participation aux
émeutes et association en vue de commettre un crime de classe A. À aucun moment la presse,
qu’elle soit locale ou nationale, n’a fait état de ses liens à la mouvance antifa.

Voilà ce qui s’est passé à Portland pendant la première nuit d’émeutes. Et


le lendemain, le surlendemain, et le lendemain du surlendemain, les émeutes
se sont poursuivies. Pendant des semaines, comme s’ils accomplissaient un
rituel, les émeutiers fondaient chaque nuit en masse sur le Palais de justice.
Ils cernaient le bâtiment, provoquaient les agents qui montaient la garde, les
agressaient à coups de projectiles divers et de tirs de mortier. Souvent, ils
pointaient vers la police des lasers suffisamment puissants pour brûler les
yeux et abîmer définitivement la vue. Cet été-là, il y en avait tant que les
casseurs ont décidé de mettre sur pied une équipe dédiée. Les manifestations
se sont mises à ressembler à un grand show laser : les « mages de la
lumière », comme ils les appelaient, se tenaient à l’arrière et à distance des
manifestants, aveuglant les policiers tandis que leurs camarades, plus proches
de ceux-ci, les bombardaient de divers projectiles.

Après la première nuit d’émeutes, le maire Wheeler a déclaré un couvre-


feu de trois jours. Une fois de plus, cela n’a pas changé grand-chose. Mis à
part dresser des contraventions pour non-respect de couvre-feu, la police était
impuissante. Quant aux contraventions, le procureur du district les annulait
quasi systématiquement.
La mairie de Portland mettait un point d’honneur à diaboliser ses propres
forces de police, qu’elle accusait d’être racistes et violentes. À la pointe de
cette tendance, Jo Ann Hardesty et Chlœ Eudaly, toutes deux membres du
conseil municipal. À la mort de Georges Floyd, elles avaient insisté pour que
l’équipe chargée de la lutte contre la violence armée soit dissoute, affirmant
qu’elle ne ciblait que les Noirs. Le maire avait soutenu leur demande et le
service avait été dissous. Dans les mois qui avaient suivi, le taux de fusillades
et d’homicides de la ville avait atteint un niveau record. On n’avait pas vu ce
genre de statistiques depuis des décennies : en regard des chiffres de l’année
précédente, les seules fusillades de juillet et août avaient fait bondir le taux de
criminalité à Portland de presque 200 %.

Entretemps, les manifestations quotidiennes avaient gagné en efficacité et


en sophistication. Les experts invités sur les plateaux télé considéraient qu’il
s’agissait là de phénomènes spontanés et improvisés. Ils se trompaient
complètement : pour moi qui suivais les antifa sur les réseaux sociaux, leurs
posts révélaient au contraire l’existence d’un plan délibéré, stratégique et
organisé, destiné à multiplier les émeutes et à les faire durer dans le temps.
En communiquant sur Reddit, Instagram, Snapchat et Twitter, ils obtenaient
le soutien massif, non seulement de leurs sympathisants, mais aussi de la
gauche au sens large.
En septembre 2020, des chercheurs de l’Université de Rutgers ont publié
une étude consacrée à l’usage des réseaux sociaux chez les antifa (les
« anarcho-socialistes », selon la terminologie utilisée par les enquêteurs). Si
les réseaux sociaux leur servent à déclencher des soulèvements ponctuels,
ceux-ci visent en réalité à distiller une violence plus ou moins constante sur le
long terme. L’enquête montre par ailleurs l’existence d’une mobilisation et
d’une radicalisation systématique en ligne, qui passent par le recours aux
mèmes{16}, aux « posts rageux », et à certains codes sémantiques. Les propos
anti-police ont ainsi augmenté de 1000 % sur Twitter et de 300 % sur Reddit.
Cette étude révèle également que, pour coordonner les actions sur le
terrain, et déclencher des émeutes, le Front de Libération de la Jeunesse de
Portland recourt au « cyber-essaimage ». La méthode consiste à interpeler ses
sympathisants en temps réel via le Net, leur demandant de se rendre en masse
à tel endroit ou à tel événement. Traditionnellement, les antifa recourent à
cette tactique pour mobiliser une meute qu’ils peuvent illico envoyer aux
trousses de leurs ennemis idéologiques. Mais en 2020, ils s’en sont surtout
servis pour mobiliser les casseurs : chaque jour, le Front de Libération de la
Jeunesse publiait sur Twitter et Telegram le lieu des manifestations, les plans,
et les stratégies à suivre.
Le 18 juin 2020, lorsqu’ils ont appelé au rassemblement sous la statue de
Georges Washington, dans le nord-est de Portland, leurs followers ont
répondu présents. Ce soir-là, ils étaient des dizaines à incendier la statue
centenaire et à s’arc-bouter sur des cordes pour la faire tomber. Sur le socle,
ils ont écrit : « Fragilité blanche » et « BLM ». Sur la statue qui gisait au sol,
ils ont marqué « 1619 » à la bombe, allusion au projet 1619 du New York
Times Magazine. La ville, au lieu de réparer les dégâts, a préféré faire enlever
la statue. Au cours du mois de novembre 2020, les manifestants d’extrême
gauche ont renversé ou détruit sept statues, dont celles de Thomas Jefferson,
de Théodore Roosevelt, et d’Abraham Lincoln. Ils ont par ailleurs incendié
un musée du centre-ville. Pour ces actes de vandalisme, personne n’a été
interpelé.
ENTRAIDE
Pour atteindre leur objectif, les antifa ont recours à l’action violente. Mais
pour se maintenir sur le long terme, la violence exige, en plus de ceux qui
l’exercent, une certaine élaboration, une planification, et des moyens
financiers. Soudain, on a vu surgir une armada d’équipes dévolues à ces
missions. Ces groupes « d’entraide » pourvoyaient à tout, ravitaillement
alimentaire, argent des cautions, équipement complet du parfait petit casseur,
armes.
Les Sorcières faisaient partie des équipes qui ravitaillait les casseurs en
eau, nourriture et autres biens de consommation courante. RIOT Ribs, une de
ces cuisines nouvellement apparues, préparait des repas chauds. Pour diverses
raisons, les distributions alimentaires constituent une base essentielle des
émeutes. En premier lieu, elles attirent manifestants et SDF, qui viennent
gonfler les effectifs. Elles représentent par ailleurs un excellent vecteur de
propagande, permettant de mettre en exergue, belles histoires et photos à
l’appui, la dimension « pacifique » des manifestations d’extrême gauche.
EWOKS{17} offrait ses services de « secouriste » aux camarades blessés durant
les émeutes, tout comme « OHSU4BLM », groupe soi-disant constitué
d’étudiants en médecine de l’Université de l’Oregon. Par la suite, ce dernier a
été dissous, l’appellation OSHU appartenant à la faculté de médecine de
l’Oregon, PDX Shield fournissait des boucliers artisanaux, plus fréquemment
utilisés comme armes, PDX Hydratation service distribuait cannes et
parapluies, respectivement utilisés pour frapper la police et pour ne pas être
pris en photo. Quant au groupe PDX Community Jail Support, il s’occupait des
émeutiers qui sortaient de prison. Dans le camp qu’elle avait installé près du
commissariat, l’équipe offrait aux prisonniers fraîchement libérés de quoi
manger, l’accès au téléphone, un service de conseil juridique, avant de les
raccompagner chez eux. En d’autres termes, PDX Community Jail Support
avait complètement rationalisé le protocole arrestation-libération.

Entre mai et août 2020, il y eut, en plus des susmentionnés, bien d’autres
groupes « d’entraide » qui se sont installés à Portland. Par le biais de
plateformes de paiement comme Venmo et Cash app, ils ont collecté des
centaines de milliers de dollars : les dons anonymes affluaient de tout le pays,
parfois même de l’étranger. Dans tous les États-Unis, des milliers de gens
soutenaient les antifa et l’extrême gauche, alimentant les cagnottes. Les
hommes politiques et les stars vantaient leurs mérites, la presse locale les
présentait sous leur meilleur jour. Cet été-là, Riot Ribs a clairement remporté
la palme du groupe d’entraide le plus performant : après avoir récolté plus de
330 000 dollars, l’équipe s’est évaporée par une belle nuit de juillet, la
cagnotte dans ses bagages…
Pour autant, quelles qu’aient pu être les sommes collectées, elles faisaient
pâle figure à côté de ce qu’avait récolté le Portland General Defense Comittee
grâce à GoFundMe. À l’instar du Minnesota Freedom Fund, redoutablement
efficace dès lors qu’il s’agissait de faire libérer les casseurs (y compris ceux
qui étaient inculpés pour meurtre), le comité de Portland avait en effet levé
plus de 1,37 million de dollars. Un afflux considérable qui lui avait permis de
payer les cautions des émeutiers arrêtés, d’acquitter les frais d’avocats, de
financer leur hébergement et leurs téléphones, et avec le reste, de faire des
dons à qui bon lui semblait. Lorsque les poursuites étaient levées ou
abandonnées, et elles l’étaient dans l’écrasante majorité des cas, le fonds
récupérait l’argent de la caution pour le réinvestir dans quelque autre cause
diabolique.
Sur son site, le Portland General Defense Commitee a publié son bilan
financier. Je ne peux que présumer de l’exactitude des informations qui y
figurent. Selon celles-ci, 20 000 dollars ont été versés à un fonds de réserve
situé à Eugene, dans l’Oregon, qui était destiné à régler les cautions. Ces
dernières, dont le montant allait de quelques centaines de dollars à 50 000
dollars, ont ainsi pu être acquittées, et plus d’une centaine de prisonniers a été
libérée. Le comité passe certes par GoFundme, mais il finance en réalité des
causes que proscrit la plateforme : les conditions générales d’utilisation du
site interdisent en effet les cagnottes destinées à aider les auteurs de délits
violents. Pourtant, c’est exactement ce que fait le Portland General Defense
Commitee en acquittant les cautions des antifa arrêtés.

Qu’est-ce exactement que le Portland General Defense Commitee ? C’est


une déclinaison locale du comité de défense de l’industrial Workers of the
World, un syndicat anarcho-socialiste. Comme c’est l’habitude dans les
groupes d’entraide, ses membres se dissimulent derrière des pseudonymes et
des surnoms. Toujours est-il que la section de Portland est enregistrée dans
l’Oregon sous le statut d’association à but non lucratif. Sur le dépôt des
statuts effectué auprès des services administratifs de l’état figure le nom de
Katherine « Corbyn » Belyea. Selon la plainte déposée suite à mon agression
de juin 2019, Belyea ferait partie de ceux qui m’ont frappé pendant la
manifestation. Avant que la foule ne s’en prenne physiquement à moi, Belyea
m’avait jeté du liquide à la figure. Un photographe avait immortalisé
l’instant. Sur la photo, on voit Belyea sourire de toutes ses dents.

À l’été 2020, l’infrastructure organisationnelle des antifa est en place.


Toutes les conditions sont réunies pour qu’ils puissent désormais fonctionner
en pilotage automatique : ils ont un plan, de la main d’œuvre, du matériel et
des moyens financiers.

En juin, la ville fait installer une barrière de protection autour du Palais de


justice et du tribunal fédéral adjacent. En riposte, les émeutiers arrivent munis
d’outils pour la découper. Toutes les nuits, les policiers qui gardent le
bâtiment reçoivent des centaines de projectiles. Lorsque les émeutiers se
trouvent à court d’eau, de nourriture ou de munitions, des véhicules passent
les ravitailler.
Ce même mois, la police interpelle une automobiliste soupçonnée d’avoir
distribué de la nourriture aux émeutiers. Elle réagit en prenant la fuite et
détériore de nombreux véhicules au passage. Seules les bandes cloutées
installées par la police parviennent à stopper sa course en crevant les pneus
de sa voiture. Aucune plainte n’a été déposée contre elle.

À Portland, en étant sur le terrain, j’ai pu voir à quel point la stratégie de


communication entre groupes antifa était bien conçue. Pendant les
manifestations, ils communiquaient par talkie-walkie, comme à CHAZ ;
parfois, ils utilisaient une sorte de langage des signes. Chaque sous-groupe
occupait la fonction pour laquelle il avait été formé. Des gens en voiture
apportaient des bouteilles d’eau, dont certaines étaient congelées pour servir
de projectiles contre la police. Des « éclaireurs » surveillaient le périmètre
qu’ils parcouraient à pied, à vélo ou en moto, scrutant les nouveaux arrivants.
Ils signalaient, filaient et contrôlaient ceux qui leur semblaient suspects. À
plusieurs reprises, des gens qui passaient par là, soudain accusés d’être « de
droite », se sont fait prendre en chasse et agresser par la foule.

Au fil des jours, les armes se faisaient plus élaborées, plus dangereuses.
Aux pierres, aux parpaings, aux bouteilles sont venus s’ajouter les feux
d’artifices explosifs. Les tirs de mortier permettaient de déconcentrer et de
perturber les policiers, pendant que d’autres les bombardaient de projectiles.
Des agents qui se trouvaient à proximité des tireurs ont parfois été brûlés, ou
atteints de lésions auditives.
Ce qui m’avait stupéfié, c’était l’aspect complètement inoffensif de ces
armes, qu’elles soient ou non artisanales. À les voir directement ou en photo,
on ne pouvait penser à mal. Là réside précisément la subtilité de la
communication antifa : qui irait penser qu’une bouteille d’eau puisse être une
arme dangereuse, potentiellement mortelle ? Pourtant, les black blocs les
congèlent pour les rendre dures comme la pierre. En recevoir une sur la tête
peut entraîner d’importantes lésions cérébrales, voire la mort. Il y avait, en
plus des bouteilles en plastique, celles qui étaient en verre, ou des boîtes de
conserve. Parmi les armes en vogue chez les antifa, on trouvait aussi les
lance-pierres : les casseurs, à quelques dizaines de mètres de distance, s’en
servaient pour lancer des roulements à bille, en marbre ou en métal. Sur les
photos pourtant, ils ressemblent à des jouets : impression fausse… Et quid
des parapluies, utilisés comme boucliers à caméra ? On a la preuve qu’une
fois au moins, les casseurs ont attaché des lames à la pointe de leur
parapluie : double usage, protection et arme d’attaque.

LA GUERRE DES TRIBUNAUX


D’expérience, on sait que le moyen le plus efficace pour user les forces de
l’ordre consiste à les traîner devant les tribunaux. Les motifs sont hasardeux,
mais comme d’innombrables donateurs financent le procès, c’est sans
importance. La guerre des tribunaux consiste à détourner le système
judiciaire pour atteindre les objectifs que l’on s’est fixés. Des juristes
d’extrême gauche, des collectifs d’experts se sont ainsi constitués en réseaux
qui passent leur temps à porter plainte contre la police. Par ce moyen, ils
entendent la priver de financements, la paralyser et l’humilier.
Début juin 2020, un groupe d’extrême gauche inspiré de BLM, Don’t
Shoot Portland, a intenté un recours collectif pour que la ville de Portland
renonce à faire usage de gaz lacrymogène. Ce collectif était dirigé par
Teressa Raiford, candidate à la mairie. Raiford, qui prône unilatéralement
l’abolition de la police, fait partie des rares personnalités politiques que
soutiennent les antifa, du moins certains d’entre eux.
Parmi les juristes qui s’occupaient de l’affaire, Juan Chavez, avocat au
sein de l’Oregon Justice Resource Center, un collectif qui défend les antifa et
les militants d’extrême gauche. Chavez est par ailleurs un membre éminent
de la National Lawyers Guild, instance historiquement liée au Parti
communiste dont on trouve des filiales sur tout le territoire américain. Sur
son site, en 2017, cette organisation avait officiellement déclaré son soutien
aux antifa, prenant le parti de l’action violente : « Nombreux sont ceux qui
abhorrent la stratégie de la violence, et pourtant : l’histoire a prouvé que
l’action directe a permis de faire obstacle aux mouvements fascistes avant
qu’ils ne gagnent en puissance et en influence. » En réalité, la NLG est le bras
armé, légal et juridique, des antifa.
D’après sa déclaration fiscale de 2016, la NLG avait réussi cette année-là à
réunir plus de 711 000 dollars. Le directeur exécutif de l’association, Pooja
Gehi, se qualifie lui-même d’anarchiste. Pendant les manifestations et les
émeutes, la guilde envoie ses « observateurs », reconnaissables à leur
casquette verte. Bien avant le Covid, ils portaient souvent un masque pour
dissimuler leur visage. En apparence, ces bénévoles sont neutres, et n’ont
pour mission que de veiller au respect de la loi. En réalité, ils sont là pour
filmer : ils veulent des images qui, mises hors contexte, pourront leur être
utiles dans le cadre d’un procès intenté à la police ou à leurs ennemis. Ils ne
filment jamais les antifa. En octobre 2020, dans la seule ville de Portland,
immédiatement après les manifestations, 21 plaintes ont été déposées contre
la police.

Chaque nuit, les rues de la ville étaient mises à feu et à sang. Au milieu du
chaos, la police de Portland a vécu un traumatisme supplémentaire, celui de
voir partir sa cheffe. La première semaine de juin 2020 en effet, Jami Resch
annonçait sa démission. Cela faisait à peine six mois qu’elle occupait ce
poste, précédemment occupé par Danielle Outlaw, recrutée en 2017 par le
maire Wheeler. Outlaw étant noire, Wheeler et la gauche progressiste avaient
sans doute escompté qu’elle mette en exergue son identité de « genre et de
race ». Au lieu de quoi, Outlaw avait tout simplement fait son travail : diriger
la police d’une des plus grandes villes d’Amérique, faire respecter la loi et
maintenir l’ordre. Cela lui avait valu la colère et la haine des antifa, qui ne
manquaient pas une occasion de la traiter de « traître à sa race ». Quant à la
presse locale de gauche, elle la diabolisait volontiers, cheffe d’une police
selon elle exagérément hostile aux manifestants. En novembre 2018,
Wilamette Week, lui avait ainsi consacré un dossier. En couverture figurait
une caricature du plus mauvais goût : le visage d’Outlaw, les traits accusés à
l’extrême. L’association de la police de Portland avait publié une tribune et
qualifié le dessin de raciste. Fin décembre 2019, Outlaw démissionnait de son
poste pour prendre la tête de la police de Philadelphie. D’après mes sources,
elle avait bien essayé de rétablir l’ordre à Portland au moment des grandes
rixes de 2017 et 2018, qui avaient opposé antifa et groupes de droite. Le
conseil municipal cependant ne l’avait pas suivie.

Les élus, qui craignent un retour de bâton politico-médiatique, sont


tétanisés à l’idée de demander des comptes aux gauchistes et aux antifa. Les
media locaux et nationaux restent de fait d’ardents défenseurs de ces derniers,
indifférents aux actions violentes qu’ils mènent contre la police, indifférents
aux dégâts matériels qu’ils provoquent.
La remplaçante d’Outlaw, Resch, a démissionné au mois de mai 2020,
deux semaines après le début des émeutes en hommage à Georges Floyd.
Resch est blanche. Chez les agents, la rumeur avait couru que le maire
Wheeler voulait une Noire à la tête de la police. Charles « Chuck » Lovell, un
lieutenant noir, a pris sa suite, troisième en six mois à diriger l’institution.
L’arrivée de Lovell a fortement déplu à la brigade BLM-antifa de la ville, qui
le considère lui aussi comme un « traître à sa race ». En septembre 2020, la
police de Portland publiait un rapport critique sur l’interdiction unilatérale
des gaz lacrymogènes. À la suite de quoi, Wheeler avait publiquement
désavoué Lovell.

LES FÉDÉRAUX ENTRENT EN SCÈNE.


Au fil des semaines, les émeutes qui avaient lieu aux abords du Palais de
justice ont dégénéré. Les casseurs n’avaient eu aucun mal à abattre et
éventrer le fragile dispositif de protection installé par la ville, que celle-ci
avait d’ailleurs fini par faire enlever. Les parcs mitoyens de Lownsdale
Square et de Chapman Square, situés en face du Palais de justice et du
tribunal d’état Mark O. Hatfield, sont devenus la base opérationnelle des
antifa. Une myriade de groupes, apparus comme des champignons après la
pluie, y a installé un camp d’approvisionnement, mettant à disposition des
casseurs tout ce dont ils avaient besoin.

En mai et juin, près de 280 personnes ont été arrêtées. Elles ont presque
toutes été aussitôt relâchées, sans demande de caution ou d’aménagements
particuliers. Cette indulgence valait aussi pour ceux qui s’étaient rebellés au
moment de leur arrestation, ou qui avaient enfreint la loi sur le port d’arme.
Les règles sanitaires du comté pendant l’épidémie de Covid-19 stipulaient
que seuls les suspects les plus dangereux devaient être maintenus en
détention. Pourtant, même dans ce cas de figure, le fonds de cautions était
intervenu pour les faire immédiatement libérer. Et les casseurs s’en
retournaient tout simplement casser, parfois au cours de la même journée. Ils
n’ont jamais eu à rendre compte de leurs actes.

En moins de quinze jours, on a compté près d’une centaine d’incendies


dans le centre de Portland et dans ses environs. Malgré ce climat de violence,
malgré les actes de vandalisme, un juge fédéral a temporairement interdit à la
police le recours au gaz lacrymogène. Comme d’habitude, les élus ont réagi
en niant les violences ; ils ont continué à tresser des couronnes aux
manifestants. Après une première nuit de pillage de masse, d’incendies et de
destructions, le maire Wheeler avait twitté : « On a parlé de désordres – oui,
de désordres violents même, et du fait qu’au cours de l’histoire, on en avait
déjà connus. S’ils ont eu lieu, c’était pour de bonnes raisons ; ils ont entraîné
des changements profitables au pays. »

Bien que la plupart des émeutes se soient jusqu’alors concentrées sur le


Palais de justice et son poste de police, les casseurs ont commencé à
s’intéresser au tribunal fédéral avoisinant. Violemment, comme à leur
habitude. Nous étions fin juin. Ils avaient dans un premier temps entièrement
recouvert la façade du bâtiment de slogans antifa et de mots d’ordre anti-
police. À l’occasion, ils avaient aussi fracassé quelques vitres, de sorte qu’on
avait dû condamner les portes d’entrée et les fenêtres avec des planches.
Malgré tout, leur violence restait encore essentiellement dirigée contre le
Palais de justice, qui était la propriété du comté.
C’est au mois de juillet 2020 que l’intérêt de la foule s’est exclusivement
concentrée sur le tribunal fédéral. Les antifa ont d’abord lancé des feux
d’artifice sur le bâtiment pour y mettre le feu, puis ils ont pulvérisé les
fenêtres en façade pour faire intrusion. Les agents de la Sécurité fédérale,
autorité de police qui relève du ministère de la Sécurité intérieure, les avaient
repoussés. Le lendemain, ils arrachaient les planches de bois qui protégeaient
l’entrée pour lancer une bombe incendiaire à l’intérieur du hall. Les agents
fédéraux ont dû éteindre les flammes. Pour les empêcher d’intervenir, un
jeune de 19 ans lié au Youth Liberation Front a voulu barricader les policiers
à l’intérieur du tribunal. La porte d’entrée avait volé en éclats. Il fut le seul à
être arrêté cette nuit-là.
Le 4 juillet 2020, la violence était à son paroxysme. Ce jour-là, près de
mille personnes ont encerclé le tribunal, jetant des pierres et des explosifs. À
coups de marteau, de peinture et de paintballs, les casseurs avaient neutralisé
les caméras de surveillance situées près du bâtiment. Dans la foule, certains
étaient armés de fusils, d’armes de poing. Le tireur Michael Reinœhl a fait
partie des gens arrêtés pendant l’émeute. L’arme à feu trouvée en sa
possession n’était pas autorisée ; pendant son arrestation, il s’est rebellé avec
une telle violence qu’il a fallu trois officiers pour le maîtriser. Puis le
procureur du comté Multnomah a abandonné les poursuites… Le mois
suivant, Reinœhl continuait sur sa lancée : en plein centre-ville de Portland, il
tuait un partisan de Trump.

À la suite de ces événements, on a mobilisé une flopée d’agents fédéraux,


chargés s’assurer la sécurité du tribunal d’État. Ils venaient de plusieurs
services différents, Service Fédéral de Sécurité, Bureau fédéral des Marshals,
Patrouilles aux frontières, Service de l’immigration et des douanes. Les
ordres du maire Wheeler avaient été formels : la police locale avait
interdiction de protéger un bâtiment qui appartenait à l’État. Le 5 juillet 2020,
des centaines de casseurs sont revenus s’en prendre aux fédéraux. Ils ont
tenté d’incendier le tribunal et agressé les équipes d’ouvriers qui, sur place,
travaillaient jour et nuit pour remplacer les planches arrachées.
Cette nuit-là, on a arrêté Christopher Fellini, 31 ans, pour agression sur
agent fédéral. Dans ses affaires, la police a trouvé un couteau, une bombe au
poivre et un laser de forte intensité. En 2017, Fellini avait déjà été arrêté et
inculpé à Portland, lors d’une émeute antifa. Andrew Steven Faulkner, 24
ans, a été arrêté la même nuit, lui aussi inculpé d’agression sur agent fédéral.
Lors de son arrestation, il avait en sa possession un étui à machette et de quoi
fabriquer une bombe artisanale.
Au cours des quatre semaines qui ont suivi, la stratégie de provocation
des antifa a merveilleusement servi leur entreprise de propagande. S’ils
avaient intensifié leur effort de destruction des biens de l’État, c’était en fait
pour filmer les réactions de la police. Une nuit, des dizaines de manifestants
se sont ainsi auto-proclamés journalistes. Leur nombre est sans doute monté à
plus d’une centaine de soi-disant reporters, pour la plupart favorables aux
casseurs et aux manifestants. Qu’ils l’aient fait d’eux-mêmes ou sur
commande, ils dirigeaient leurs caméras exclusivement sur les forces de
l’ordre, dont ils filmaient le moindre mouvement. Ceux qui ne respectaient
pas cette règle se faisaient expulser manu militari, frapper ou voler. Le
reporter Tristan Taylor, qui est de gauche, s’est ainsi fait jeter au sol et
dépouiller de tout son matériel.
Lorsque les policiers avaient recours à la force, lorsqu’ils répandaient du
gaz lacrymogène, du gaz poivre ou des fumigènes, lorsqu’ils arrêtaient
quelqu’un, ils étaient scrutés à la loupe. Des extraits vidéos soigneusement
sortis de leur contexte ont été postés et partagés sur les réseaux sociaux,
suscitant une colère massive dans l’opinion : le monde entier a condamné les
forces de l’ordre et le gouvernement Trump. Les Démocrates et les media
pour leur part traitaient la police de « Gestapo de Trump », de « Sections
d’assaut », de gangsters.

Erin Smith est une transsexuelle conservatrice, également écrivain, qui a


couvert incognito les grandes émeutes antifa de la côte ouest. Selon elle, les
antifa mettent en œuvre « un niveau de violence soigneusement calculé » à
des fins de propagande, provoquant les forces de l’ordre pour les pousser à la
faute. « Les antifa cherchent à piéger les forces de l’ordre en les enfermant
dans des situations impossibles, dont elles ne peuvent pas sortir sans nuire à
leur image » m’a écrit Smith dans un mail. « Soit les policiers ne réagissent
pas aux provocations des antifa, et ils passent pour des faibles, soit ils y
répondent, mais d’une façon qui aux yeux de l’observateur lambda peut
sembler disproportionnée. Dans un cas comme dans l’autre, la légitimité de
l’État et des forces de sécurité est mise à mal. »
Comme on pouvait s’y attendre, les idiots utiles des media ont attisé la
haine envers les forces de l’ordre. « Trump a envoyé les flics à Portland, ils
enlèvent les gens en pleine rue » a titré Vice News. « “Ils se comportent en
prédateurs” : à Portland, des agents fédéraux enferment des manifestants dans
des camions banalisés » affirmait par ailleurs le Washington Post.
Toutes ces histoires, qui reprenaient les motifs habituels des antifa,
obéissaient à une même logique : il s’agissait de faire croire que Trump avait
chargé les services secrets de faire disparaître ses opposants de gauche. Rien
de plus faux. Utiliser des camionnettes banalisées pour procéder à des
arrestations ciblées n’est ni illégal, ni inhabituel. C’est un usage partagé par
les forces de l’ordre du monde entier. Lorsque les officiers faisaient appel au
protocole habituel d’arrestation, ils étaient dépassés, encerclés par la foule
des casseurs qui s’agrippaient à leurs camarades. L’accusation selon laquelle
on avait relevé la présence d’« agents secrets » ou d’« agents fédéraux non
identifiés » était mensongère. Tout agent porte un uniforme officiel, et un
insigne à l’épaule qui indique le nom de son service et affiche lisiblement le
mot « POLICE ». Que les responsables politiques et les journalistes n’aient pas
reconnu, ou fait mine de ne pas reconnaître, les uniformes en question ne
constitue en aucun cas une excuse. Personne n’a été « enlevé ». Le protocole
avait été suivi selon les règles, on avait lu leurs droits Miranda{18} à tous ceux
qui s’étaient fait interpeler. La plupart avait été relâchée au bout de quelques
heures.
Les émeutes à ce stade étaient préoccupantes. Pourtant, le Conseil de la
ville et les élus locaux semblent avoir mis un point d’honneur à saboter tous
les efforts de l’État pour protéger ses biens, se comportant ainsi en alliés
actifs de l’insurrection antifa.
Lorsqu’à la mi-juillet, Chad Wolf, secrétaire par intérim du ministère de
la Sécurité intérieure, a fait le déplacement de Washington DC à Portland
pour enquêter sur l’étendue des dégâts, les représentants locaux ont fait
savoir qu’ils ne le recevraient pas. « Nous sommes informés de la présence
de [la direction de la sécurité intérieure]. Nous préférerions qu’elle fut
absente » avait twitté le maire Wheeler. « Nous n’avons pas été invités à les
rencontrer, et si nous l’avions été, nous aurions décliné. » Ron Wyden,
sénateur démocrate de l’Oregon, qualifia les agents fédéraux d’« armée
d’occupation ». Kate Brown, gouverneur de l’Oregon, fit écho aux titres
mensongers de la presse et œuvra à leur diffusion. « Nous sommes une
démocratie, pas une dictature. Nous ne pouvons pas d’une police secrète qui
enlève les gens dans des camionnettes banalisées » a twitté le gouverneur
Brown. Vers la mi-juillet, le Conseil de la ville de Portland a officiellement
interdit à la police de Portland de coopérer avec les autorités fédérales.

Grâce à l’écho donné par les antifa, la presse et les responsables


politiques locaux aux mouvements anti-police et anti-Trump, Portland est
devenu le point de mire du monde entier. Cerise sur le gâteau, des casseurs
venus de la région et des quatre coins du pays se sont alors abattus sur la
ville. Devant le tribunal fédéral, les rassemblements, qui réunissaient
habituellement quelques centaines de personnes, en comptaient désormais
plus de 5 000. Les antifa tenaient là une occasion inespérée de concrétiser ce
qu’ils avaient planifié : les manifestants qui déferlaient en masse sur la ville
allaient servir de boucliers humains. La stratégie a fonctionné au-delà de leurs
espérances.
Lorsque j’étais infiltré sur le terrain, ce que j’avais sous les yeux
ressemblait à une zone de guerre, qu’arpentaient de long en large des
combattants armés. Du côté des antifa, on voyait des brigades munies
d’explosifs et de mortiers, de lasers, de pierres et de lance-pierres. Avec eux,
des secouristes, des unités de ravitaillement, des gens qui aspiraient les gaz
lacrymogènes, des boucliers humains. Nombre d’entre eux portaient
l’uniforme black bloc et des masques à gaz. Les « manifestants de la paix »
étaient sans doute les plus nombreux : ils se tenaient en tête de cortège, les
bras entremêlés, protégeant le reste des manifestants.
Les photographies du « mur des mamans », des papas, et des vétérans
relevaient de la pure propagande anti fédérale. Les « manifestants de la paix »
servaient en réalité de boucliers humains destinés à dissuader les forces de
l’ordre de passer à l’action, ou à retarder leur intervention. C’était
incroyablement efficace. Lorsqu’après des heures de provocation et de
saccage, les officiers finissaient par riposter (ce qui arrivait inévitablement),
les reporters à l’affût n’avaient plus qu’à photographier les « mamans » en
train de se faire asperger de gaz lacrymogène. Ce sont ces photos-là qui ont
fait le tour du monde. Les soi-disant « mamans » étaient pour la plupart de
jeunes antifa qui s’étaient contentées de revêtir un T-shirt jaune, la couleur
emblématique du « mur des mamans ». À leurs cheveux, ou à leurs lunettes,
j’ai reconnu quelques participantes régulières aux émeutes des nuits
précédentes. À plusieurs reprises, les « moms » y avaient été filmées : on les
voyait prendre part aux violences, charrier des parpaings destinés à être
lancés sur la police et aider à détruire la clôture de sécurité.

À la mi-juillet, le gouvernement fédéral avait fait installer une clôture de


sécurité renforcée autour du tribunal, les barrières qui avaient été montées
auparavant ayant été rapidement mises en pièces. Celle-ci était en tôle
d’acier, doublée de parpaings sur une face. Pendant un certain temps, elle a
tenu bon. Mais à la 59e nuit d’émeute, des centaines de manifestants se sont
attroupés, munis d’outils pour la détruire. À l’aide de scies circulaires, ils ont
découpé des ouvertures, trop étroites néanmoins pour qu’ils puissent s’y
faufiler. Alors, ils ont fait passer des cordes par quelques endroits bien placés,
et, aux cris de « Ho hisse », ils ont uni leurs forces pour faire tomber la grille.
Leur persévérance a payé : grâce aux efforts conjugués de centaines
d’émeutiers, la section sud a fini par céder. Les agents présents à l’intérieur
du tribunal se sont hâtés de répandre du gaz lacrymogène pour empêcher la
foule d’investir le bâtiment.
Parmi ceux qui ont été interpelés pendant les émeutes, un certain Blake
David Hampe, 43 ans, condamné pour possession d’images
pédopornographiques. Le 25 juillet 2020, une vidéo l’aurait montré à
proximité du tribunal fédéral en train de poignarder Andrew Duncomb, un
activiste noir conservateur. Originaire du New Hampshire, Hampe avait été
condamné pour possession d’images mettant en scène des abus sexuels sur
enfants. Je l’ai croisé lors de diverses manifestations, vêtu comme un petit
garçon d’habits multicolores. Pourtant, il est à mille lieues de l’innocence
juvénile, plutôt du genre à chercher constamment les embrouilles ; dès qu’il
pense qu’une personne est de droite, il la menace. En juin 2019, il faisait
partie de ceux qui m’ont défié, juste avant que je sois passé à tabac. Hampe a
été inculpé pour agression criminelle au deuxième degré. Sa caution avait été
fixée à 250 000 dollars. Il est sorti quelques jours plus tard : un fonds de
gauche l’avait acquittée pour lui. Concernant l’agression, il a plaidé non
coupable.
Parmi les personnes arrêtées, un Texan de 23 ans. On l’avait filmé en
train de bloquer physiquement l’entrée du tribunal, bras levé et marteau à la
main, prêt à frapper quiconque approchait. Des agents avaient voulu le
retenir. Un représentant du Bureau fédéral des Marshals avait reçu trois coups
de marteau. Il y avait aussi ce jeune homme de 18 ans, filmé pendant qu’il
lançait sur la façade du tribunal un engin explosif qui avait provoqué un
gigantesque effet de souffle. L’explosion s’était entendue à des kilomètres. Sa
grand-mère, fan de Trump, l’avait reconnu sur une vidéo et dénoncé. Il a été
mis en examen par le gouvernement fédéral.

Au fur et à mesure des émeutes, qui duraient déjà depuis plusieurs


semaines, une nouvelle tactique s’est répandue : pour éviter d’être arrêtés par
la police, ou pour pouvoir s’approcher d’elle sans attirer l’attention, les antifa
se déguisaient en journalistes. Pour ce faire, ils se contentaient d’imprimer
des badges, et de marquer « presse » sur leurs vêtements. À de nombreuses
reprises, on les a vus participer aux violences, jeter des pierres et des pétards
en direction des policiers, les aveugler à la lampe torche. Parfois, ils les
provoquaient délibérément pour se faire arrêter, ce qui permettait à leurs
camarades de les filmer. Ceux-ci twittaient alors que la police « ciblait » les
journalistes… C’était une stratégie payante.
En juillet, l’Union Américaine pour les Libertés Civiles de l’Oregon s’est
constituée partie civile contre la police de Portland et les agents fédéraux, aux
côtés de journalistes et d’observateurs de gauche. Un juge fédéral a publié
une injonction d’urgence, laquelle dispensait toute personne qui se déclarait
journaliste d’obéir aux ordres de dispersion. Une décision qui a produit l’effet
auquel on pouvait s’attendre : tout antifa désireux d’échapper à
l’interpellation n’avait plus qu’à se proclamer reporter.

Fin juillet 2020, Ken Cuccinelli, représentant et secrétaire du ministère de


la Sécurité intérieure, a témoigné devant le Congrès lors d’une audition au
Sénat. Il a rapporté qu’à plus de 277 reprises, dans la seule ville de Portland,
140 agents fédéraux avaient été blessés. Ils souffraient de commotions, de
brûlures, de blessures diverses dues aux projectiles qu’on leur lançait. Les
lésions oculaires constituaient les blessures les plus fréquentes, à cause des
lasers à forte intensité qu’utilisaient les émeutiers. Lors des affrontements
avec les forces de l’ordre, ces derniers étaient eux aussi blessés. Un des
incidents les plus marquants qui ait été filmé montre un jeune homme touché
à la tête après un tir de LBD. Juste avant, il avait lancé une boîte de conserve
sur la police. Souffrant d’une fracture du crâne, Donavan La Bella a dû subir
une opération chirurgicale d’urgence.

Au bout d’un mois de sanglantes batailles nocturnes et d’attaques antifa


contre les biens de l’État, le gouverneur Brown a annoncé qu’elle approuvait
finalement la décision du retrait des agents fédéraux. Selon un accord
restreint négocié avec la police de l’Oregon, celle-ci devait prendre le relais,
chargée des trois blocs du centre-ville qui formaient l’épicentre des émeutes.
« Après en avoir discuté avec VP Pence et d’autres, le gouvernement fédéral a
accepté que les officiers fédéraux se retirent de Portland. Ils se sont
comportés en force d’occupation, et ont amené la violence avec eux » a twitté
le gouverneur Brown.
Les media ont consacré ce geste comme une victoire : les manifestants et
les « antifacistes » avaient résisté au gouvernement fédéral et ils avaient
gagné le bras de fer. « Après le départ des fédéraux, les manifestations se font
plus calmes à Portland » annonça le Washington Post. « À Portland, les
violences s’atténuent depuis que les feds ne s’occupent plus des
manifestations » titrait de son côté Forbes.

Les journalistes parachutés à Portland depuis Washington DC, ou New


York n’avaient visiblement pas bien compris ce qu’était la ville, ni ce
qu’étaient les antifa. À leurs yeux, Trump et la police étaient
systématiquement les seuls responsables des violences. Trump et la police,
jamais ceux qui en réalité les avaient initiées et organisées. Non seulement les
émeutes se sont poursuivies après le retrait des agents fédéraux, mais elles
sont aussi devenues plus violentes. Parallèlement, elles ont gagné d’autres
quartiers.

« SORTEZ DE CHEZ VOUS,


DESCENDEZ DANS LA RUE ! »
Le 8 août 2020, tandis qu’ils défilaient en direction du syndicat de police,
des centaines de manifestants antifa-BLM ont bloqué l’accès d’un quartier
résidentiel. C’était au nord de Portland. Ils pointaient leurs lampes vers
l’intérieur des maisons et des appartements, criant aux familles qui étaient
chez elles : « Sortez de chez vous, descendez dans la rue ! » Lorsqu’un
habitant du quartier s’est montré à sa fenêtre, l’air peu amène, ils ont braqué
leurs torches vers son appartement. « On va brûler ton immeuble ! » lui a crié
un manifestant. « On sait où tu habites ! » a hurlé un autre.
La foule est bientôt arrivée au siège du syndicat de police. En utilisant les
bennes à ordures qu’ils avaient volées et les barrières des commerces
alentour, les manifestants ont d’abord monté une barricade sur North
Lombard, une rue plutôt passante. Ils y ont mis le feu. Comme ils l’avaient
fait en centre-ville, ils ont détruit les caméras de surveillance placées autour
des locaux du syndicat. Avant minuit, ils avaient forcé l’entrée du bâtiment,
dont ils ont incendié le hall. Ils poursuivaient toujours le même objectif :
brûler ce qui appartenait à la police et au gouvernement fédéral. Lorsqu’ils
sont intervenus, les agents de Portland et de l’Oregon se sont heurtés à un feu
croisé de bouteilles en verre et de ballons remplis de peinture. Les violences
de cette nuit-là couronnaient une semaine ininterrompue d’émeutes BLM-
antifa, lesquelles étaient en train de se répandre dans les quartiers résidentiels
de l’est de Portland, loin du centre-ville.

La nuit précédente, au sud-est de la ville, des centaines de casseurs


avaient encerclé le Penumbra Kelly Building, jetant parpaings et cocktails
Molotov sur la police. Les frites de piscine garnies de clous disséminées par
les casseurs avaient crevé les pneus des patrouilles dépêchées sur place. La
nuit du 6 août, les émeutiers avaient voulu faire intrusion au Commissariat
Est. Deux femmes âgées du quartier étaient intervenues pour les empêcher
d’incendier l’immeuble. Une d’elles, qui s’était servi d’un extincteur, a été
huée, juste avant que les foule ne les asperge toutes deux de peinture. Une
des femmes en a reçu au visage et dans les yeux.

Entre fin juillet et début août, les deux journées apaisées qui avaient
succédé au retrait de la police fédérale avaient donc été d’un calme trompeur.
En réalité, les antifa avaient mis ces 48 heures à profit pour redéfinir leur
stratégie et préparer le coup d’après. N’ayant plus d’agents fédéraux à
combattre, ils avaient décidé de délocaliser les émeutes : dès le mois d’août,
les violences les plus intenses que l’on ait connues se sont déroulées dans les
quartiers résidentiels de la ville.
Chaque jour, les BLM-antifa se retrouvaient dans des parcs aux alentours
de Portland ; ils y distribuaient tenues et matériel d’émeute, nourriture et
tracts. En vue des émeutes du soir, ils s’entraînaient aussi aux tactiques de
formation en bouclier. Ils alternaient les lieux à incendier et vandaliser,
tournant principalement entre les postes de police de Portland nord, est, et
sud-est. À plusieurs reprises, les casseurs ont également visé l’appartement
du maire Wheeler, situé dans un quartier huppé du nord-ouest de la ville. Au
début de l’automne, ils s’en sont régulièrement pris aux bureaux locaux du
Service d’immigration et des douanes.

Des mois durant, les habitants de Portland ont vécu au quotidien la


version cauchemardesque d’Un jour sans fin. Chaque soir, on avait droit au
même épisode : les émeutiers se rassemblaient dans un parc, défilaient
jusqu’à l’endroit ciblé, se faisaient arrêter, avant d’être aussitôt relâchés ou
libérés sous caution. Écoutez et répétez.

De mai à août 2020, des centaines d’antifa ont été placés en détention par
les autorités. Quasi systématiquement, le procureur du comté de Multnomah
abandonnait les poursuites, y compris lorsque les faits commis étaient graves.
Assarrah Butler par exemple, qui ravitaillait les émeutiers. En juin, elle s’était
enfuie en voiture, entrant en collision avec d’autres véhicules. À l’origine,
elle était inculpée pour participation à des émeutes, non-assistance à personne
blessée, acte mal veillant, délit de fuite, conduite dangereuse et mise en
danger d’autrui. Toutes ces plaintes ont été classées sans suite. De la même
manière, la jeune incendiaire qui avait revendiqué auprès de ses colocataires
son appartenance à la mouvance antifa n’a jamais été poursuivie. L’abandon
ou la révocation des mises en examen pour crime avaient perdu tout caractère
exceptionnel : désormais, c’était la norme.
Aux États-Unis, c’est le procureur du district élu par le comté qui décide
de donner suite aux plaintes déposées localement. En la matière, il dispose
d’un pouvoir discrétionnaire. À Portland, où règne l’uniformité politique, le
bureau du procureur du district Multnomah a intérêt à bien réfléchir avant
d’engager des poursuites : mieux vaut pour lui ne pas froisser la population
woke{19} de la ville, toujours prompte à pousser de hauts cris. À Portland, la
justice n’est pas aveugle : à peine les émeutiers antifa et BLM passent-ils par
la case prison qu’ils sont presque aussitôt relâchés.

Entre 2013 et 2020, le comté Multnomah a élu et réélu Rod Undehill au


poste de procureur. Underhill est un libéral, comme en témoigne le laxisme
de son administration sur les questions de sécurité pendant les sept années
qu’a duré son mandat. Quoiqu’il en soit, en ce premier août 2020, il
démissionne. La voie est libre pour Mike Schmidt, qui voudrait reprendre les
rênes ; quant à la ville, elle est en transes après les mois d’émeutes qu’elle
vient de vivre. Schmidt, 39 ans, se présente et emporte triomphalement
l’élection. En tant que candidat « progressiste », il a promis une réforme de la
justice et du système judiciaire. Deux semaines avant de prendre ses
fonctions, il annonce la couleur. « Lorsqu’on regarde l’histoire de ce pays,
c’est par des manifestations comme celles-ci que sont arrivés les
changements historiques dont nous sommes le plus fiers. Et parfois, il a fallu
détruire pour en arriver là. Pour intéresser le gouvernement, les
manifestations pacifiques ne suffisent pas. J’en suis tout à fait conscient »
confie-t-il au Willamette Week.
Onze jours après sa prise de fonction, Schmidt définit officiellement ce
que sera la politique du comté en matière d’émeutes et de manifestations.
Selon le nouveau programme, le procureur de district renonce à poursuivre
les délits suivants : entrave au travail de police, troubles de l’ordre public,
effraction, délit de fuite, harcèlement. Quant aux délits liés aux émeutes, ils
sont eux aussi automatiquement effacés, à moins qu’ils ne soient doublés
d’un autre délit ne figurant pas sur la liste susmentionnée. En clair, le comté
de Multnomah dépénalise pratiquement tous les crimes relatifs aux émeutes,
à l’exception des agressions, des tentatives d’incendies et des destructions
matérielles. Même s’il est arrêté, celui qui empêche la police de procéder à
des arrestations et qui ignore ses injonctions, n’aura pas à répondre de ses
actes devant la loi. Pire, le programme de Schmidt stipule que les
inculpations pour rébellion et agression d’un agent de sécurité publique
« doivent faire l’objet d’un examen extrêmement attentif, et être vérifiés par
le représentant du procureur du district. » Euphémisme qui signifie que
l’agression de la police est désormais autorisée, même si c’est sous
conditions. Quant aux casseurs accusés de délits mineurs, ou de crimes
« n’ayant entraîné que des dommages financiers », ils n’écoperont selon la
nouvelle politique définie par le comté que de peines avec sursis.

Ce communiqué a galvanisé les casseurs. Les antifa faisaient déjà


pratiquement ce qu’ils voulaient, mais maintenant, ils le faisaient avec la
caution d’une politique officiellement définie. Le 1er septembre 2020, BLM et
antifa se sont rassemblés une deuxième fois devant le domicile du maire
Wheeler. Des mois durant, Wheeler n’avait cessé de faire des courbettes aux
antifa. Visiblement, cela ne leur suffisait pas, puisqu’ils ont exigé sa
démission. Cette nuit-là, ils ont tiré à coups de mortier sur son immeuble, où
vivaient des dizaines de familles. Vers 23 heures, ils se sont introduits par
effraction au rez-de-chaussée d’une grande résidence. Ils ont incendié
l’intérieur de l’immeuble, qui était habité, puis ils ont volé des meubles pour
allumer des feux dans la rue. L’émeute a été reconnue comme telle et
officiellement déclarée ; la police a procédé à dix-neuf arrestations. Quelques
heures plus tard, tous ceux qui avaient été arrêtés étaient relâchés ou libérés
sous caution. Pour tout commentaire le maire Wheeler annonça qu’il
déménageait.

BOMBES INCENDIAIRES
Le 5 septembre, comme ils l’avaient déjà fait moult fois, les émeutiers ont
défilé jusqu’au Commissariat Est pour le prendre d’assaut. Là, pour la
première fois, ils ont lancé des bombes incendiaires. Les mois précédents, la
police de Portland avait certes saisi des cocktails Molotov, mais il n’en avait
jamais été fait usage pendant les émeutes. Cette nuit-là en revanche, un
émeutier masqué en a lancé un en direction de la police. Il a manqué sa cible
de peu, et la bouteille a atterri au pied d’un groupe de manifestants. Deux
d’entre eux ont pris feu. Un homme s’est mis à s’agiter comme un beau
diable et à se rouler au sol, les pieds disparaissant dans les flammes. Les
policiers ont éteint le feu et lui ont proposé leur aide.
Pendant les quatre heures qui ont suivi, les casseurs ont continué à
incendier les rues et à tirer au mortier sur la police. Un de ces engins a touché
un sergent, blessé à la main et brûlé à travers ses gants. Les policiers se
faisaient bombarder à coups de pierres. Pour disperser la foule, ils ont
répandu du gaz lacrymogène. La rue, où habitaient de nombreuses familles,
était envahie par la fumée du gaz et des incendies. Cette nuit-là, plus de
cinquante personnes ont été arrêtées, dont Kristina Narayan, directrice des
affaires législatives du cabinet de Tina Kotek, elle-même porte-parole des
Démocrates de l’Oregon. On a également arrêté Joseph Robert Sipe, 23 ans,
inculpé pour tentative de meurtre au premier degré, tentative d’agression au
premier degré, incendie volontaire et détention de matériel dangereux. Selon
les minutes du tribunal, il a reconnu avoir allumé la mèche d’un cocktail
Molotov et avoir lancé celui-ci en direction de la police. Par la suite, le
procureur du district a abandonné trois des quatre chefs d’accusation les plus
graves. Une semaine plus tard, le maire Wheeler annonçait l’interdiction
totale du recours au gaz lacrymogène pendant les émeutes.

Celles-ci se sont poursuivies jusqu’en octobre. Jusqu’alors, la ville n’avait


jamais publié d’estimation du montant des dégâts. Début juin, Chris Davis,
représentant en chef de la police de Portland, a établi que les dégâts et les
pertes commerciales consécutives aux émeutes s’élevaient à 23 millions de
dollars. Une déclaration faite cinq semaines après le début des manifestations,
qui elles-mêmes allaient encore durer quatre mois…

Entre mai et octobre 2020, le procureur du district a recensé près de 1 000


affaires liées aux émeutes et aux manifestations. Nombre d’entre elles
impliquaient des multirécidivistes. Tracy Lynn Molina, par exemple, 47 ans,
s’était fait arrêter à sept reprises par la police de Portland. À chaque fois, les
poursuites à son encontre avaient été abandonnées. Plus de 90 % des 978
arrestations et citations à comparaître ne sont jamais passées devant un juge.
Quelle était la raison généralement avancée ? « L’intérêt de la justice »,
expression suffisamment vague pour que chacun puisse l’interpréter à sa
guise… Malgré les accusations de racisme systémique et de misogynie
adressées à la police de Portland, la majorité des personnes arrêtées était
blanches (à 77 %) et de sexe masculin (à 67 %).

Un mois avant les élections municipales de novembre, un sondage local a


montré que le maire en exercice, Ted Wheeler, était à la traîne, largement
devancé par la candidate d’extrême gauche, Sarah Iannarone. En 2019,
Iannarone s’était vantée sur Twitter : « Je suis une antifa. » Phrase reprise par
William van Spronsen, terroriste qui fit exploser sa voiture près du centre de
détention de Tacoma et par Michael Reinœhl, le tireur de Portland. De fait,
Iannarone se plaçait du côté des antifa. En août 2020, interviewée par KGW,
elle avait refusé de condamner les émeutes qui se déroulaient à Portland, sa
ville. « Je pense qu’il n’y a pas grand-chose à dire des manifestations
pacifiques : elles ne font pas avancer le débat » avait dit Iannarone. En fin de
compte, elle a perdu l’élection de novembre, devancée de six points par
Wheeler. Son échec néanmoins n’était dû qu’à Teressa Raiford, une
candidate qui la dépassait sur sa gauche et avait obtenu un score de 13 %…

Quelques mois avant les émeutes, j’ai proposé au maire Wheeler de le


rencontrer pour un entretien en off. Ma démarche était sincère : je pensais
qu’il se trompait sur les antifa, homme de bonne volonté que l’ignorance et le
manque d’informations avaient induit en erreur. Je prenais le maire pour un
homme qui, certes, avait nui à la ville, mais qui n’avait péché ce faisant que
par naïveté. Wheeler a bien reçu ma demande de rendez-vous, mais celle-ci
est restée lettre morte.

Le soir du 4 octobre 2020, les casseurs BLM-antifa défilaient en direction


du tribunal du comté Multnomah, un bâtiment flambant neuf. Le chantier, qui
avait coûté 324 millions d’euros, était terminé ; le lieu devait ouvrir ses portes
le lendemain. Sur place, ils ont commencé à vandaliser le bâtiment. Comme
la police les a repoussés, ils ont modifié leur itinéraire, se dirigeant vers la
mairie. Cette nuit-là, six personnes ont été arrêtées. Jeffrey Richard Singer,
33 ans, en faisait partie. Lorsqu’il a été arrêté, il portait la tenue black bloc.
Inculpé pour agression envers la police, actes criminels ayant entravé l’action
d’un gardien de la paix et délit de fuite, il a très vite été libéré sur parole, sans
avoir de caution à acquitter. Comme tous les autres.
Bien que cette nuit ne se soit distinguée en rien des 120 manifestations
violentes qui l’avaient précédée à Portland, le nom de Singer est sorti du lot.
Depuis des années, c’était un membre actif de la scène antifa de la ville. En
2017, lors d’une réunion publique à la mairie, Singer, masqué, s’était emparé
du micro. Sur le moment, il avait adressé sa tirade au maire Wheeler. En
réalité, celle-ci aurait tout aussi bien interpeller l’ensemble des Démocrates et
des Américains. « Ici, monsieur le maire, c’est un petit Beyrouth. Ici, à la
Cité des roses, la ville a des épines. Elles sont avec moi » avait dit Singer,
pointant de son index levé l’équipe municipale. Massé derrière lui, un groupe
de black blocs avait déployé une banderole anarchiste. « Vous semez des
putains de graines, on va droit à l’insurrection. Ce n’est pas une menace, c’est
un constat. La situation que vous créez est explosive. » La prophétie, de fait,
s’est réalisée.

À l’automne 2020, le froid et la pluie ont fait chuter la participation aux


émeutes, phénomène qui à lui seul a précipité les comportements déviants de
ceux qui s’étaient malgré tout déplacés. Moins nombreux, il leur était plus
facile de s’en prendre aux commerces et aux biens, et de faire le coup de
poing avant de décamper. Le 11 octobre, dans le centre-ville de Portland, les
casseurs ont tiré sur la devanture du Herœs American Café. La même nuit,
deux statues avaient été déboulonnées, et un musée voisin vandalisé. Le
propriétaire du Herœs American Café, John Jackson, est noir. Trois jours
avant les tirs, les antifa avaient ajouté son établissement à la liste des
commerces considérés comme « anti BLM », publiant sur Twitter les photos
des employés censés avoir tenu des propos « blessants » sur les émeutiers.

Après l’élection présidentielle, alors même que le candidat démocrate Joe


Biden avait battu Donald Trump, la violence antifa est montée d’un cran. Le
4 novembre 2020, ces centaines d’antifa se sont massés au centre de Portland.
Masqués et revêtus de leur uniforme noir, ils tenaient une grande banderole
qui disait : « NOUS NE VOULONS PAS DE BIDEN. NOUS VOULONS LA VENGEANCE. »
Après avoir défilé, marteaux et masses à la main, ils se sont livrés à la
destruction méthodique de dizaines de commerces et de biens situés sur la rue
West Burnside. Parmi les bâtiments visés, l’église Saint Andre Bessette.
En riposte à l’émeute, Kate Brown, gouverneur de l’Oregon, a mandaté la
garde nationale : une grande première, sachant que les émeutes duraient
depuis six mois… 13 personnes ont été arrêtées, mais la plupart des plaintes
ont été classées sans suite. Quant aux dégâts causés à l’église, ils étaient si
importants que celle-ci a dû suspendre l’aide aux sans-abri, très nombreux à
Portland. Les émeutes ont continué.
Le lendemain, les antifa ont fait une descente au domicile personnel du
conseiller municipal Dan Ryan, vandalisant sa maison. Ils n’avaient pas
supporté que son vote ait permis d’enterrer la proposition de réduire le budget
destiné à la police. Parallèlement, un activiste incendiait la façade de la
mairie. Les Démocrates avaient cru calmer les antifa en s’abstenant de
condamner leurs méfaits, voire en s’abstenant de reconnaître leur existence.
C’était jouer avec le feu. Le 8 novembre 2020, des dizaines de black blocs
ont défilé jusqu’au quartier général du Parti démocrate du comté, détruisant le
bâtiment, dont ils ont fracassé les baies vitrées. À la bombe, ils ont écrit :
« FUCK BIDEN » et « Pas de président ». Ils avaient également dessiné un
symbole anarchiste, signant ainsi leur œuvre.
Manuels et guides antifa distribués dans la zone
autonome de Capitol Hill, à Seattle. Photo : Andy
Ngo
Graffiti antifa dans le centre de Portland. Photo :
Andy Ngo
Après une émeute, un graffiti dans le centre de
Portland. Photo : Andy Ngo
CHAPITRE 4

ROSE CITY ANTIFA

À Portland, on estime qu’entre 2017 et 2019, les antifa ont été impliqués
dans au moins deux manifestations qui ont dégénéré. À l’époque, c’était un
nombre conséquent. Ce genre d’événements étaient généralement organisés
par City Rose Antifa, groupe activiste de premier plan, ainsi baptisé en
référence au surnom donné à la ville.
Les antifa ont passé la vitesse supérieure début 2017 organisant des
manifestations géantes au moment où Donald Trump est entré en fonction.
En quelques mois, ils ont réussi à mettre sur pied un fonctionnement
complexe qui entremêlait différents registres stratégiques : propagande,
communication, sécurité, reconnaissance de terrain, techniques de combat
collectif. Faisant mentir le credo selon lequel « il n’y a pas d’organisation »
antifa, j’ai pu constater qu’à l’évidence leurs opérations supposaient une
élaboration en amont, une coordination, des ressources financières et un
recrutement énergique. D’une émeute à l’autre, ils étaient plus nombreux,
plus performants dans leur stratégie de destruction généralisée.

Pour autant, ne faisant pas moi-même partie de Rose City Antifa et ne


connaissant personne qui en soit membre, j’en étais réduit à des spéculations
pour ce qui était de leur fonctionnement interne : de lui-même, un antifa ne
prendra jamais l’initiative de parler. En juin 2020, pourtant, grâce à une vidéo
publiée sur Project Veritas, site d’enquêtes indépendant créé par James
O’Keefe, nous avons enfin pu accéder aux coulisses de Rose City Antifa.

Un journaliste de Project Veritas avait séjourné à Portland, où, sous le


pseudonyme de « Lion », il avait sympathisé avec quelques activistes. Ceux-
ci avaient accepté qu’il participe à un stage probatoire et rejoigne ainsi leurs
rangs sous conditions. À cet effet, ils lui avaient envoyé le mail de bienvenue
reproduit ci-dessous, daté du 22 septembre 2017. On y trouve le détail de la
procédure d’admission, qui s’étale sur six mois. Au programme :
entraînement et radicalisation intensive. Pour faire officiellement partie de
Rose City Antifa, il faut impérativement avoir suivi l’intégralité de la
formation ET avoir été coopté à l’unanimité par ses membres.
Félicitations et bienvenue à bord ! Après en avoir délibéré avec le groupe, nous sommes ravis de
t’accueillir en tant que futur membre ! Une première séance aura lieu le dimanche 5 novembre à
10 heures, à In other words (14 NE Killingsworth St, Portland, OR 97211). Il est essentiel que tu
assistes à cette première réunion, donc prends note ! On s’occupe des enfants. Indique-nous
simplement à l’avance leur nombre et leur âge.
Les cours te permettront d’acquérir les connaissances de base concernant la stratégie, les
tactiques et l’histoire de l’antifascisme militant. On analysera aussi les différents types de fascisme
et la galaxie des suprémacismes blancs anti-système ; on passera en revue les questions de sécurité ;
entraînement à diverses compétences spécifiques, dont l’action directe et la recherche
d’informations ; prise en compte de la classe, de la race et du genre, en lien avec la lutte antifasciste.
D’ici un mois, il faudra songer à renforcer ta propre sécurité. Pour cela, tu devras sans doute
reparamétrer tes comptes sur les réseaux sociaux et te familiariser avec la « culture de la sécurité ».
Sur place, tu trouveras de nombreux fanzines de qualité sur le sujet, que nous aborderons aussi en
présentiel. Pour débuter, tu peux jeter un œil à cette introduction :
http ://www.crimethinc.com/texts/atoz/security.php
Si tu peux, nous te recommandons d’ici là d’installer Tor sur ton ordinateur (navigateur internet
anonyme) et Signal sur ton téléphone (c’est une messagerie cryptée). Les deux sont faciles à utiliser,
tu ne devrais pas avoir de mal à les installer. Si tu n’y arrives pas, dis-le nous pendant la réunion. Tu
trouveras en pièce-jointe une bibliographie complète, dont des documents qui te permettront de
creuser le sujet. Ne sois pas découragé par la taille de la liste ! Elle est conçue comme un guide au
long cours, dans lequel tu piocheras en fonction de tes besoins. La liste des textes que tu dois lire est
présentée à part, dans un autre fichier. Comme ça, tu ne perdras pas de temps à les chercher.
N’hésite pas à te procurer ces livres avant que la formation commence. Souviens-toi que tu as encore
six mois devant toi, et qu’ils visent surtout à alimenter les débats : tu n’as pas besoin de tout te taper
d’un coup. Si pour une quelconque raison, tu avais besoin de conditions adaptées pour lire ces
textes, dis-le nous. Parmi nos membres, certains n’ont pas l’anglais comme langue d’origine,
d’autres souffrent de handicaps qui les empêchent de lire. N’hésite pas à nous informer si tel est ton
cas. Nous réfléchirons à des méthodes alternatives. Nous cherchons avant tout des gens investis qui
assurent leurs missions. Par-delà ce qu’ils peuvent t’apprendre, ces conseils de lecture constituent
aussi un test. Les séances, à l’exception de la première, auront lieu les premiers et troisièmes
dimanches de chaque mois à 10 heures. Les séances qui auront lieu hors de ce cadre sont la première
(la conférence) et l’entraînement au tir, qui est facultatif.

Voilà le planning :

Orientation – **Dimanche** 11/5


Sécurité – 11/18
Intro à l’antifascisme – 12/2
Conférence (Alexander Reid Ross, Shane Burley) -12/16**19 heures**
Typologies – 1/6/18 Recherches -1/20
Présentation des projets, intro aux ateliers – 2/3
Les enjeux de classe – 2/17
Les enjeux de genre – 3/3
Black bloc – 3/17
Explo et tactiques – 4/7
Initiation aux armes à feu – deuxième dimanche 4/14 (facultatif, à moins que tu sois procureur)
Groupe et facilitation – 4/21
Présentation finale des projets individuels – 5/5
On est ravi de travailler avec toi pendant ce stage, et plus ravi encore de répondre aux questions
que tu te poserais entretemps. N’hésite pas à nous contacter quand tu veux, on te communiquera
nos dernières actualités, les infos importantes et la date des événements s’il y en a. Solidarité,
Rose City Antifa

Depuis 2016, media partisans et apologistes des antifa martèlent que ces
derniers ne constituent pas un mouvement structuré. Ils mentent. Bien qu’il
n’existe pas en effet de structure Antifa avec un A majuscule, ni de chef
identifié, il y a bel et bien des cellules, des groupes locaux dont la
constitution et le recrutement obéissent à des règles strictes. Les cellules en
question n’ont pas de chef officiel, et pourtant, il s’agit bien de structures
organisées.

Hormis le fait qu’elle inclut la pratique du tir et la reconnaissance en


terrain ennemi, la formation au sein de Rose City Antifa est calquée sur le
cursus universitaire. Comme on pouvait s’y attendre, un enseignant du
supérieur figure parmi les « conférenciers invités » : Alexander Reid Ross,
écrivain et maître de conférence en géographie à l’université de Portland. J’ai
contacté Ross pour recueillir ses impressions. Il a publié mes coordonnées sur
les réseaux sociaux, mais n’a pas répondu à ma demande.

Rose City Antifa a vu le jour en 2007. C’est la première organisation


répertoriée aux États-Unis à avoir intégré l’expression « antifa » dans son
intitulé. L’identité des fondateurs est restée secrète, mais Lion, lors de son
passage au sein du groupe, a appris que celui-ci avait été créé par une
habitante de Portland, Caroline Victorin, Gauld de son nom de jeune fille, qui
avait longtemps vécu avec un Suédois. Tous deux ont œuvré à importer aux
États-Unis le modèle antifa européen, le vrai, celui qui avait fait ses preuves.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la greffe a bien pris.
Bien que le couple ait nettoyé ses comptes sur les réseaux sociaux, on
peut voir qu’ils ont fait partie du fan-club de l’équipe Timbers army. Il s’agit
d’une organisation qui, par le biais du football, a banalisé les symboles et
l’idéologie antifa à Portland. Le fan-club en question s’inspire des hooligans,
ces supporters européens qui gravitent autour des équipes de football. La
Timbers army a refusé de confirmer ou d’infirmer l’information selon
laquelle Victorin avait fait partie de ses rangs. Au cours de l’année 2016,
celle-ci a apparemment déménagé en Suède.
En tant que future recrue de Rose City Antifa, une des premières missions
de Lion a consisté à rencontrer le groupe au café Coffeehouse-Five, dans le
nord de Portland. L’objectif ? Lui apprendre à sécuriser son matériel
informatique. À ce titre, on lui a montré comment installer VeraCrypt sur son
ordinateur portable. Il s’agit d’un logiciel utilisé pour crypter les données.
Les autres programmes et applications qu’il a dû installer visaient tous à
déjouer la surveillance et à préserver son anonymat : Tails (un système
d’exploitation), Tor (moteur de recherche anonyme), Thunderbird (une boîte
mail), KeepassX (un gestionnaire de mots de passe) et Exit (pour ôter les
métadonnées des fichiers).

BIBLIOGRAPHIE
La bibliographie de Rose City Antifa, fascicule d’une quinzaine de pages,
se divise en neuf « modules ». Chacun d’entre eux porte sur une dimension
spécifique du combat antifa, et présente une liste de lectures obligatoires ou
facultatives, celles-ci étant destinées à « l’étude approfondie » de certains
sujets. Le premier module est une présentation de Rose City Antifa : son
histoire, son fonctionnement, ses objectifs. L’organisation fait partie du
réseau Torch, constitué de groupes violents, qui sont à la fois disséminés sur
le territoire américain et reliés entre eux. Officiellement, on ignore qui dirige
le réseau. Pourtant, si on fait une recherche à partir des noms de domaine, le
nom de Michael Novick apparaît. Novick a fait partie du groupe terroriste
Weather Underground.
Il y a la section de Portland, à laquelle s’ajoutent les huit suivantes :
Antifa Sacramento, Antifa de la Caroline du Nord-Ouest, Rocky Mountain
Antifa, Les antifacistes d’Atlanta, Le collectif des travailleurs anti-facistes du
Pacifique Nord-Ouest, Antifa sept collines (Richmond, Virginia), l’Action
antiraciste du Texas du centre (Austin, Texas) et l’Action antiraciste de
Caroline du Nord.

« Nous sommes nés du réseau Action antiraciste et nous lui rendons


hommage. Nous nous consacrons au combat contre le fascisme et contre
toute forme d’oppression. Nous croyons à l’action directe » déclare le réseau
Torch sur son site. L’expression « action directe » est un appel implicite à la
violence. Pour pouvoir faire partie du réseau Torch, un groupe doit « être
parrainé par au moins deux sections, et ses représentants doivent l’être par
deux personnes du réseau. »
Le « référentiel commun » aux membres de Rose City Antifa réside dans
ses mots d’ordre : perturber les actions « fascistes », refuser de collaborer
avec la police et la justice, lutter contre l’oppression, répondre de ses actes, et
par-dessus tout, soutenir les membres du réseau et ceux qui sont « hors
réseau, et dont nous pensons qu’ils poursuivent les mêmes objectifs et
obéissent aux mêmes principes que nous. » Toute recrue doit accepter et
respecter ces conditions.
La nébuleuse de cellules fantômes qui constitue la mouvance antifa
autorise la comparaison avec le djihadisme international : des individus, des
cellules, des groupes qu’unissent une même idéologie et qui s’alignent sur un
même agenda politique.

Sur son site, Rose City Antifa réaffirme son choix de l’action directe, ce
au nom de l’antiracisme. Régulièrement, le groupe publie les coordonnées et
les informations personnelles de ses adversaires. Le but ? Que ses
sympathisants puissent les avoir en ligne de mire et les harceler, que ce soit
sur les réseaux sociaux ou dans la vraie vie. C’est ce qui m’est arrivé, peu de
temps avant mon agression physique de 2019 : mon nom et mon adresse
avaient été publiés dans un article.
Le deuxième module de la formation Rose City Antifa porte sur la mise
en œuvre de mesures de sécurité avancées, appelée « OPSEC ». La sécurité fait
partie de l’ADN des antifa et de leurs sympathisants, à qui on apprend à se
méfier de tous ceux qu’ils connaissent, y compris de leurs familles et de leurs
amis. Ils savent qu’ils sont hors la loi. Pour déjouer les forces de l’ordre ou de
possibles enquêteurs, ils prennent soin donc d’effacer leurs traces sur le Net
et font en sorte de ne pas être détectés.
MODULE 2 : LA SÉCURISATION

Quelles sont les principales failles de sécurité sur le Net ?


Quels logiciels dois-je utiliser en premier lieu ?
Quelles sont les mesures technologiques les plus simples à mettre en place pour que mes actions
soient sécurisées ?
Quelles sont les failles sécuritaires les plus courantes et comment y remédier ?
À qui puis-je parler de Rose City Antifa et qu’est-ce que j’ai le droit d’en dire ?
Quel est le meilleur moyen pour transmettre les infos sensibles ?
Que faire en cas d’urgence ?
Qu’est-ce que la « culture de la sécurité » ?
COMPÉTENCES-CLÉS :
Maîtrise tes points faibles technologiques et trouve le meilleur moyen de les traiter.
Maîtrise les règles de base de sécurité sur le Net.
Apprends à te servir de Tor, Signal, Keypass et PGP.
Sois capable de BFTG (Bien fermer ta gueule) : ne pas faire le malin, pas de discussion à haute
voix dans les bars, pas de mise à jour Facebook, pas de discussions sur des sujets sensibles avec
tes amis proches, tes partenaires, etc.
Si tu as affaire aux flics, connais tes droits.
N’oublie pas : tes actions ont un effet sur l’ensemble du groupe, et tes camarades dépendent de toi.
À LIRE :
Guide de l’activiste en matière de sécurisation de l’information, de Sprout Distro
Qu’est-ce que la « culture de la sécurité ? » par CrimethInc
Entraînement complet à la sécurité technologique

Les deux lectures indiquées (Guide de l’activiste en matière de


sécurisation de l’information, de Sprout Distro et de Qu’est-ce que la
« culture de la sécurité ? » par Crimethlnc) sont des manuels connus, qui
apprennent à être anonyme sur le Net. Ils sont gratuits, régulièrement
imprimés et diffusés lors des rencontres antifa et anarchistes. À CHAZ et
pendant les émeutes de 2020 à Portland, on les distribuait aux visiteurs et aux
participants. Les lectures d’approfondissement conseillées par le deuxième
module mentionnent un guide du « doxing ». Celui-ci est produit par le site
d’information It’s going down, dont le compte Twitter est, peu ou prou, suivi
par 100 000 personnes. En août 2020, dans le cadre de la répression des
comptes d’extrême gauche et d’extrême droite, sa page Facebook a été
supprimée.
MODULE 3 : LES BASIQUES ANTIFA

Qu’est-ce que l’antifascisme militant ?


Qu’est-ce que la mouvance antifa ?
COMPÉTENCES-CLÉS
Apprends à argumenter pour montrer l’importance de l’antifascisme militant et le distinguer de
l’antiracisme classique.
Commence à t’intéresser à l’histoire du militantisme antiraciste et antifasciste, à Portland, aux US
et à l’étranger.
Prépare des arguments pour répondre aux critiques habituelles : la « liberté d’expression », nous
serions les « vrais fascistes », etc.
À LIRE :
Lutter contre le fascisme : éléments de débat pour un mouvement militant,de Don Hammerquist, J.
Sakai, ARA Chicago, et Mark Salotte
Rétrospective de l’histoire de Portland, de M. Treolar
Ne pas crier victoire trop tôt : analyse anarchiste de l’ARA, par Combat commun.
Le divorce de la pensée et de l’action : anthologie de textes sur le conflit social, la suprématie
blanche et le mythe de la liberté d’expression à l’Université de Caroline du Nord, par les Piece
Corps de Caroline du Nord.
Lutter contre le fascisme est publié chez AK Press, maison d’édition
anarchiste radicale qui édite et diffuse la plupart des livres et des manuels mis
en avant par les antifa. Parmi les lectures d’approfondissement proposées par
le module, on trouve le livre de Mark Bray, Le Manuel antifasciste. On
trouve parmi les lectures conseillées L’Antifascisme militant, ouvrage à la
mode écrit par M. Testa.
Le module porte exclusivement sur la dimension théorique. La méthode
est comparable à celle des Frères musulmans : ceux-ci, pour radicaliser leurs
sympathisants, préconisent des lectures qui enrobent l’extrémisme religieux
d’un vernis théorique, permettant ainsi d’idéaliser la charia. De la même
façon, les lectures conseillées ici participent à l’endoctrinement des membres
de Rose City Antifa, dès lors qu’elles évoquent l’échec du libéralisme et du
capitalisme, et qu’elles appellent à la réalisation d’une utopie.
Parmi les sites que recommande Rose City Antifa, on trouve le
susmentionné It’s going down, l’association Southern Poverty Law center, et
le site Idavox.
L’association Southern Poverty Law center, d’inspiration libérale, serait
soi-disant habilitée à juger de ce qu’est un « groupe de haine ». En réalité,
elle contribue à la banalisation de l’idéologie antifa. Selon ses critères, les
groupes qui défendent des idées classiquement chrétiennes font par exemple
partie des « groupes de haine »…
Quant au site Idavox, il diffuse les informations personnelles de ceux que
les antifa accusent d’être des racistes blancs et des « fascistes ». Il émane de
l’association américaine One People’s Project, elle-même créée et dirigée par
Daryle Lamont Jenkins. Son mot d’ordre : « La haine doit se payer cher ».
J’ai entendu parler de Jenkins fin 2019, lorsqu’il a organisé une
manifestation pour s’opposer à ma venue à la fondation Heritage de
Washington DC, qui m’avait invité à tenir une conférence. Le groupe de
réflexion Capital Research Center décrit One People’s Project comme le bras
armé associatif des antifa, qui dresse la liste de leurs ennemis et publie leurs
coordonnées. Voici ce qu’ils ont écrit sur Jenkins et son association, dans un
de leurs compte-rendus daté de mars 2020 :
Dans une interview de 2005 (supprimée depuis) accordée à un site anarchiste, Jenkins explique
qu’OPP ne poursuit pas uniquement les suprémacistes blancs et les fascistes, mais qu’il vise
également les conservateurs traditionnels, comme Sean Hannity. À celui qui l’interviewe, Jenkins
décrit son association comme étant « plus offensive que défensive. Certaines de nos méthodes ont
fait polémique, par exemple celles qui consistent à publier les adresses personnelles de néo-nazis et
de personnalités conservatrices traditionnelles, comme Sean Hannity, qui habite au [adresse rédigée
par CRC] ».

Dans la formation, le module 4 « Définitions du suprémacisme blanc et


du fascisme » tient lieu de manifeste consacré à la théorie critique de la race.
L’idéologie antifa, qui a connu diverses évolutions, a en effet dû intégrer ces
nouveaux éléments de langage. Ceci vaut surtout pour les groupes
anglophones.
MODULE 4 : DÉFINITIONS DU SUPRÉMACISME BLANC ET DU FASCISME

Qu’est-ce que le privilège blanc ?


Qu’est-ce que le nationalisme blanc ?
Quelles sont les principales caractéristiques de la suprématie blanche structurelle ?
Qu’en est-il des mouvements suprémacistes blancs anti système ?
En quoi ces phénomènes sont-ils liés les uns aux autres ? Quand se combinent-ils les uns aux
autres ? Quand entrent-ils en conflit ?
En quoi le fascisme diffère-t-il en général d’une politique de droite ?
Quand faut-il utiliser les termes de : Fasciste, Suprémaciste Blanc, Extrême droite, Tenants du
Droit du Sang, Nationaliste Blanc, National Socialiste, Islamophobie, Antisémitisme ?
COMPÉTENCES-CLÉS
Savoir argumenter sur la nécessité de combattre les groupes anti-système du White Power.
Savoir définir ce qu’est « la troisième position »{20} et pouvoir en parler.
Savoir énoncer les caractéristiques principales du fascisme.
Savoir expliquer ce qu’est un espace contesté, qu’il soit idéologique, culturel, politique ou
physique.
Apprendre à différencier les diverses tendances au sein des groupes fascistes et racistes anti-
système.
À LIRE :
Fascisme : une très brève introduction, de Kevin Passmore
La définition du fascisme selon ROSE CITY ANTIFA
Le Visage en sang, de James Ridegeway
100 petits Hitler, d’Elinor Langer
Entraînement à la classification

J’étais surpris : cette partie de la formation prouve que les membres de


Rose City Antifa sont tout à fait conscients des nuances qui distinguent les
idéologies de droite et d’extrême droite. Pour des raisons que j’ignore, ce
sens de la nuance ne transparaît guère dans leurs déclarations, leur
propagande et les cibles qu’ils choisissent. Depuis la victoire de Trump en
2016, les antifa américains mettent sur le même plan les militants de la droite
conservatrice et ceux de l’extrême droite radicale, leur témoignant la même
haine, faisant preuve envers eux de la même violence.

La formation s’est déroulée clandestinement en février 2018 au centre


communautaire féministe In other words. Un militant de Rose City Antifa,
« Bryne », y donnait une conférence consacrée aux groupes néo-nazis
américains. Adam Carpinelli, un des seniors de l’organisation, a demandé aux
futurs membres de se procurer un permis de port d’arme. À vrai dire, il ne
s’agissait pas tant de respecter la loi que d’éviter d’être inculpés en cas
d’arrestation. Carpinelli, originaire de Virginie, est un musicien installé à
Portland. Grâce à une bourse de la fondation McNair, elle-même financée par
le Ministère américain de l’éducation, il s’est spécialisé en « Études noires »
à l’université publique de la ville.
Les formateurs de Rose City Antifa comptent des activistes d’extrême
gauche. Parmi ceux-ci, les étudiants de la faculté de médecine de l’Oregon,
qui sont à la pointe du militantisme ; l’un d’entre eux, aujourd’hui docteur en
médecine, a ainsi créé sa propre section antifa, Mobilisation Populaire.
Vitrine modérée du mouvement, PopMob cible les media et la gauche
traditionnelle.

Le cinquième module, qui s’inscrit dans la filiation communiste de


l’idéologie antifa, imprègne les futurs activistes de théorie marxiste, entre
principe économique et lutte des classes. On y apprend que la suprématie
blanche et le capitalisme, liés par l’histoire américaine de l’esclavage, sont à
jamais indissociables.
MODULE 5 : LUTTE DES CLASSES ET SUPRÉMATIE BLANCHE

Quel est le lien entre classe sociale et suprématie blanche ?


Quelles leçons peut-on tirer de l’histoire des mouvements de libération ?
Comment notre mission s’intègre-t-elle dans le cadre plus général de la lutte pour une société libre
et sans classe ?
COMPÉTENCES-CLÉS :
Savoir argumenter sur l’invention de la blanchité comme moyen de casser les solidarités au sein de
la classe ouvrière.
Apprends les perspectives et stratégies qui permettent d’opposer la suprématie blanche, l’hétéro-
patriarcat et le capitalisme.
Analyse la façon dont les mouvements antiracistes et anticapitalistes se sont organisés par le passé,
identifie les conditions singulières qui ont abouti à leur création, leurs points faibles et leurs
points forts, les façons dont ils ont fait progresser ou dérailler la révolution sociale.
Réfléchis à ce que ces cours peuvent apporter à ton action antifasciste. Nous encourageons
vivement nos membres à s’intéresser à toute la gamme des théories de gauche, mêmes à celles
avec lesquelles ils sont en désaccord. Vive la pensée critique !
Argumente et montre en quoi nos actions constituent une composante essentielle du combat pour
une société libre et sans classes.
À LIRE :
Entre Infoshops et insurrection : l’anarchisme aux US, constitution du mouvement et ordre racial,
de Joël Olson
Avec des alliés comme ça : réflexions sur le réductionnisme lié au privilège, par Common Cause
Ottawa
Poings serrés et poches vides, de Fredric Carlsson-Andersson et Atilla Piskin
Complices, pas alliés, par Action Indigène
Le sixième module évoque les théories critiques de la race qui ont déjà été abordées dans la
formation, notamment le concept très à la mode d’intersectionnalité, issu du monde
universitaire.

MODULE SIX : INTERSECTIONS DE GENRE

Qu’est-ce que l’intersectionnalité des oppressions ?


Pourquoi es-tu féministe et quelle féministe es-tu ?
Pourquoi combats-tu l’oppression patriarcale, et par quels moyens ?
COMPÉTENCES-CLÉS :
Apprends à contrer les attitudes et croyances patriarcales acquises, en vue de susciter une
dynamique de groupe plus saine.
Identifie les façons dont le sexisme, l’homophobie, la transphobie s’associent à d’autres systèmes
d’oppression.
Analyse en quoi l’idéologie fasciste se fonde sur la misogynie, la répartition genrée des rôles et une
homophobie active.
Intéresse-toi aux angles morts de l’histoire du féminisme, qui incluent le racisme, le classisme et la
transphobie.
Analyse en quoi l’intersectionnalité des oppressions crée de la violence et des traumatismes.
À LIRE :
Pourquoi les misogynes font de bons collabos : comment la violence de genre de la gauche permet
la violence de l’État au sein de la mouvance radicale, de Courtney Desiree Morris
Questionnaire « manarchist » du Rose City Antifa
Contre le patriarcat : comment les hommes peuvent-ils mener à bien la révolution féministe ? de
Chris Crass

Les conseils de lecture et le catéchisme des « compétences » présentés


dans le sixième module ne diffèrent en rien de ce que l’on enseigne à
l’université américaine. Qu’il s’agisse des cursus d’études féministes,
d’études noires, d’études de genre, d’études LGBT, l’heuristique est toujours la
même. Elle consiste à systématiquement envisager le monde et les gens à
travers un prisme victimaire. Normalement, la théorie critique de la race et
l’intersectionnalité ne font pas partie des fondamentaux de l’idéologie antifa.
Elles ont contaminé le mouvement tel qu’il est aujourd’hui, exactement
comme elles ont contaminé la majorité des institutions, qu’il s’agisse de
l’université, de l’État, des media, des GAFAM, etc.

Le septième module, innocemment intitulé « Méthodes de recherche »


enseigne aux nouvelles recrues de Rose City Antifa à traquer et harceler leurs
ennemis, en pratiquant la reconnaissance de terrain et la surveillance.
MODULE 7 : MÉTHODES DE RECHERCHE
Où trouver l’information ?
Comment assurer un suivi efficace de mes recherches ?
COMPÉTENCES-CLÉS :
Va sur le Net et cherche l’information.
Familiarise-toi avec les sites-clés qui permettent d’accéder aux informations.
Organise le résultat de tes recherches de sorte que tu puisses facilement t’y retrouver.
Apprends à distinguer les informations importantes de celles qui ne le sont pas, apprends à établir
tes priorités et à chercher ce dont tu as besoin.
Sois créatif dans ta façon de chercher les renseignements.
Pour commencer, crée-toi un faux compte sur les forums WP (White Power).
À LIRE :
Assister à notre atelier d’entraînement à la recherche d’information
La Collecte de renseignements, la diffusion, et la sécurité en ligne, par ARA
Apprends à effacer les métadonnées des photos.
Crée-toi un faux compte sur Stormfront et/ou New Saxon.
Installe des alertes Google.

En septembre 2020, je reçois une alerte de sécurité : apparemment,


quelqu’un se trouve devant chez mes parents. En consultant les vidéos de
surveillance, je vois deux femmes masquées. Une d’elles, les cheveux teints
en rose magenta, s’approche de la porte et tente de l’ouvrir. L’autre se place
en retrait, et reste dans la rue pour faire le guet. Avant d’entrer sur le terrain,
elles ont fait le tour de la bâtisse. La femme aux cheveux roses, celle qui a
essayé d’ouvrir la porte, balaie le palier du regard avant d’aviser un paquet.
Elle l’examine, cherchant le nom du destinataire, puis elle s’écrie :
« Confirmé. Il y a un paquet à son nom ». Ensuite, toutes deux s’éloignent
rapidement. Cet épisode, que j’ai immédiatement signalé à la police,
constitue un bon exemple de la « créativité » antifa en terme de
reconnaissance de terrain. Ils voulaient vérifier que c’était bien là
qu’habitaient mes parents. Deux semaines plus tard, mon adresse et le résultat
de leurs recherches étaient publiés sur les réseaux sociaux : des gens sont
venus en voiture sur le terrain de mes parents, qu’ils ont guettés et harcelés
jusque devant leur porte. Par principe, la police a enregistré leur signalement,
mais elle n’a rien fait de plus.
Balancer aux justiciers antifa les coordonnées de supposés nazi ou
fascistes est un bon moyen de les pousser à l’action. Cela s’est déjà vu. En
2020, Michael Reinœhl a tué un homme dans le centre-ville de Portland, sur
la seule base d’une rumeur selon laquelle des fascistes y avaient été repérés.
Les deux derniers modules de la formation invitent la nouvelle garde de
Rose City Antifa à mettre en application les idées et compétences acquises.
En bref, on l’encourage à passer à l’action violente.
MODULE 8 : STRATÉGIE AVANCÉE ET TACTIQUES

Comment planifier ma stratégie ?


Comment donner et recevoir des retours critiques, tout en restant constructif et sincère ?
Comment faire son plan en tenant compte des risques ?
Qu’est-ce qui distingue une organisation militante contestataire ?
Comment tirer parti des failles de mes ennemis ?
COMPÉTENCES-CLÉS :
Apprends à planifier une stratégie : réfléchis, envisage des scénarios alternatifs, anticipe les
résultats possibles, identifie les failles et menaces potentielles, choisis bien tes alliés, choisis tes
tactiques en fonction de tes buts et objectifs finaux.
Sois prêt à donner et recevoir des critiques argumentées, qu’elles portent sur des idées, des plans
ou des actions.
Initie-toi à l’auto-défense.
Envisage plusieurs scénarios.
INDISPENSABLE :
Entraînement aux techniques de black bloc
Entraînement aux techniques de reconnaissance avancée
Participation active aux entraînements d’arts martiaux dispensés actuellement (en cours)

MODULE 9 : COMMENT SAVOIR SI UNE RÉUNION SE PASSE BIEN ?

Comment avancer sur la bonne voie et ne pas piétiner ?


Comment intervenir lorsque la dynamique de groupe devient malsaine ou dangereuse ?
Comment s’assurer que les gens les plus calmes puissent se faire entendre, POC [people of color],
femmes, et autres qui ont du mal à trouver leur place pendant les réunions ?
COMPÉTENCES-CLÉS :
Apprends à organiser efficacement les réunions.
Apprends à détecter les dynamiques de groupe malsaines, ou celles qui font perdre du temps.
Mémorise les techniques qui permettent d’y remédier.

Paradoxalement, le cursus clandestin de Rose City Antifa impose la


transparence au sein d’un groupe (et d’un mouvement) par ailleurs conçu
pour passer sous les radars et que l’on a formé au secret, lui apprenant à
toujours nier sa propre existence. Rose City Antifa n’est pas le seul groupe à
avoir ce mode de fonctionnement. Toutes les cellules du réseau Torch sont
organisées sur ce modèle. Et les groupes antifa qui ne font pas partie du
réseau procèdent à l’identique, partageant les mêmes lectures extrémistes et
les mêmes supports de formation.
Malheureusement, Rose City Antifa n’a pas pu nous livrer tous les secrets
de sa cuisine interne. Le journaliste infiltré de Project Veritas y est resté de
fin 2017 à juin 2018, mais au moment de franchir une nouvelle phase du
recrutement, les membres ont voté son expulsion. S’ils n’avaient pas douté de
sa sincérité, ils s’étaient en revanche interrogés sur son degré d’engagement :
il s’était en effet montré réticent à enfreindre la loi.
Nulle part ailleurs en Amérique les antifa n’ont autant recruté qu’à
Portland. De 2016 à 2019, les effets s’en sont fait concrètement sentir,
émeutes et rixes à tout va. Pourtant, en 2020, un cap a été franchi, cap
inimaginable s’agissant d’une ville américaine.
Affiche de l’Action antifasciste, 1932. Photo :
Stadtgeschichtliches Museum Leipzig
Le « Congrès de l’unité », organisé par le Parti
communiste allemand à la Philharmonie de Berlin
en 1932. Photo : Bundesarchiv
Le quartier général du Parti communiste allemand à
Berlin, 1932. Sur le bâtiment, l’inscription :
« Rejoins l’Action antifasciste contre la guerre, la
faim et le fascisme. Votez communiste, votez pour
le KPD. Photo : Bundesarchiv
CHAPITRE 5

AUX ORIGINES DE L’ANTIFA

Fin octobre 2016, le journal The week prophétisait la réaction des


supporters de Trump au moment où celui-ci, nécessairement, allait perdre la
présidentielle. Le magazine, titré « Après les élections », montrait en
couverture les fans de Trump défigurés par la colère, armes et flambeaux à la
main. Le 8 novembre 2016, jour de l’élection, Sally Kohn, chroniqueuse
travaillant à CNN, a twitté : « J’ai le sentiment qu’en cas de victoire de Trump,
les supporters d’Hillary seront déprimés. Si c’est Hillary qui gagne en
revanche, les supporters de Trump seront en colère. Grosse différence ». Le
tweet a été liké et partagé plusieurs milliers de fois.
La couverture du Week et le tweet de Kohn formulaient une hypothèse qui
s’est finalement vérifiée, même si leurs auteurs se sont trompés sur un point.
Lorsque Hillary Clinton a perdu en effet, ceux qui ont envahi les rues de
Portland n’arboraient pas la casquette rouge « Make America great again »,
mais l’uniforme noir des antifa. À coups de batte de base-ball et d’armes
destinées au combat de rue, ils ont saccagé le centre de Portland et incendié
les rues. En une nuit, ils ont provoqué plus d’un million de dollars de dégâts.
Les émeutes ont duré plusieurs jours ; une centaine de personnes a été arrêtée.
À Austin, au Texas, près de 200 personnes se sont rassemblées devant le
State Capitol pour manifester contre le résultat de l’élection. La plupart était
masquée. Certaines s’en sont prises aux rares supporters de Trump venus
contre-manifester. Il y eut six arrestations ; la police a reconnu des membres
des Gardes rouges d’Austin, une organisation antifa.

Quelques mois plus tard, lorsque Trump a pris ses fonctions en janvier
2017, ils ont réitéré. À Washington DC, la police s’est trouvée dépassée par
des bandes de black blocs en maraude qui fracassaient les vitres et la
bombardaient de projectiles. Ils ont mis le feu à la limousine d’un immigré
musulman. Les émeutes ont provoqué plus de 100 000 dollars de dégâts.
Moins de deux semaines après, la violence antifa s’exerçait encore, cette
fois sur la côte ouest. Le 1er février 2017 à Berkeley, université de Californie
et foyer du « Mouvement pour la libre expression », près de 1 500
manifestants se sont rassemblés sur le campus pour faire annuler la
conférence du trublion Milo Yiannopoulos{21}, dont la venue était
programmée de longue date. Les antifa ont allumé des feux sur le campus,
cassé, jeté des bombes incendiaires, bombardé la police à coups de pierres,
agressé le public qui faisait la queue devant le Sproul Hall. Comme à
Portland, les émeutes et les violences qui agitaient Berkeley ont duré tout
l’été 2017.

Dans les grandes villes américaines, la violence urbaine s’exerçait sans


relâche sur les individus, les biens matériels et les forces de l’ordre. Grâce à
l’actualité, les gens ont vite appris qui étaient les antifa. Ce mouvement,
jusqu’alors pratiquement inconnu de la population américaine, est apparu
comme un météore dans le ciel, accréditant chez certains l’idée qu’il
s’agissait là d’un phénomène inédit. C’est une idée fausse : cela fait plus d’un
demi-siècle que ce mouvement et l’idéologie d’extrême gauche existent en
Europe. Des décennies que les antifa ont mises à profit pour peaufiner une
idéologie cohérente et définir deux types de stratégies, l’une violente, et
l’autre pacifique. Sous prétexte de combat contre le fascisme, toutes deux
visent néanmoins le même objectif : détruire la démocratie libérale.

LA RÉPUBLIQUE DE WEIMAR
À l’issue de la Première Guerre mondiale, une grande instabilité politique
a succédé à la défaite de l’Allemagne. Si le traité de Versailles, signé en juin
1919, était conçu comme un accord de paix, les conditions qu’il imposait ont
en réalité favorisé l’accession de Hitler au pouvoir. Ses clauses prévoyaient
notamment que l’Allemagne verse de lourdes pénalités aux Alliés, à titre de
réparations pour le rôle qu’elle avait joué pendant la guerre. Son territoire et
ses effectifs militaires avaient par ailleurs été drastiquement amputés.
La soudaine abdication de l’empereur Guillaume II a aggravé la confusion
dans laquelle était déjà plongé le tout jeune état-nation. De 1919 à 1920, la
République de Weimar a dû faire face à plusieurs soulèvements, de gauche
comme de droite. En janvier 1919, près de 50 000 communistes, les
Spartakistes, avaient pris la tête d’une insurrection armée à Berlin, tentative
sévèrement réprimée qui n’aboutit pas.
Au mois d’août de cette même année, dans la ville de Weimar, on adopta
une nouvelle constitution. Mais l’Allemagne, de par sa tradition et son
histoire, n’était pas prête à la démocratie, et le gouvernement de Weimar est
resté extrêmement impopulaire.
La Grande Dépression a accentué l’hyperinflation, due aux réparations
que le pays n’était pas en mesure d’acquitter : en 1923, la monnaie allemande
ne valait pratiquement plus rien. L’instabilité politique chronique qui
caractérisait le pays depuis sa création est allée croissant. Sur les photos de
l’époque, on voit la population allemande brûler des liasses de billets pour se
chauffer.

Pendant les années 20, les milices politiques se sont multipliées ; partis et
organisations formaient leurs adhérents, dans l’objectif de prendre le pouvoir
et de se débarrasser des mouvements d’opposition. Lors des rassemblements,
ces milices faisaient office de services de sécurité, mais elles servaient aussi à
faire le coup de poing. La valse incessante des règlements de compte minait
la République. De gauche ou de droite, ces groupes paramilitaires étaient
connus pour leur violence, ne rechignant pas à liquider leurs adversaires
politiques. Dans les années 20, le gouvernement a voulu en dissoudre
certains. En pure perte, puisqu’ils se reformaient aussitôt sous un autre nom.

Les partis avaient quasiment tous leurs propres milices, des communistes
aux fascistes (bien sûr !), en passant par le centre. Pour des raisons évidentes,
on se souvient aujourd’hui des Sections d’assaut, les SA : c’était à l’origine un
groupe paramilitaire issu du Parti national-socialiste des travailleurs
allemands, le NSDAP, plus connu sous le nom de parti nazi. Les « Chemises
brunes », ainsi nommées en raison de l’uniforme que portaient ces miliciens,
étaient les hommes de main d’Hitler, ceux qu’il destinait à ses basses œuvres.
Grâce aux historiens et aux survivants de la Deuxième Guerre mondiale, nous
sommes aujourd’hui mieux renseignés sur le mal absolu qu’incarnèrent
d’abord les SA, puis plus tard les Shutzstaffel, les SS. La SS, formée des gardes
du corps des chefs nazis, s’est en effet substituée à la SA, mettant en œuvre la
solution finale planifiée par Hitler.

Si le monde occidental contemporain se souvient parfaitement des


chemises brunes, il n’en va pas de même des milices allemandes d’extrême
gauche de l’entre-deux guerres : cette histoire-là a disparu des mémoires. À
l’instar des nazis, le Parti communiste allemand avait pourtant créé ses
propres instances paramilitaires. Le parti, d’inspiration stalinienne, suivait
fidèlement la ligne définie par l’Union soviétique. En 1924, lors de la
Conférence nationale du Parti communiste allemand, on avait créé une
nouvelle milice, la Ligue rouge des combattants du front (Roter
Frontkämpfer-Bund), dont les membres portaient leur propre uniforme.
Comme emblème et signe de ralliement, ils avaient choisi le poing levé.
Aujourd’hui, les groupes d’extrême gauche, de BLM aux antifa, ont repris à
leur compte ce symbole communiste.

Dans les années 20, la Ligue rouge des combattants du front faisait preuve
d’une extrême violence, affrontant sans relâche les milices de gauche. Dois-je
répéter ? Oui, vous avez bien lu : la milice communiste se souciait davantage
de combattre libéraux et socialistes que d’affronter les milices nazies. Dirigé
par Ernst Thälmann, le Parti communiste allemand et ses diverses
ramifications mettaient en effet sociaux-démocrates, socialistes et nazis dans
le même sac. Selon l’Internationale communiste fondée par Vladimir Lenin,
laquelle avait vocation à diffuser le communisme à l’échelle mondiale, la
social-démocratie menait inéluctablement au fascisme.
Les chercheurs estiment qu’avant sa dissolution, la Ligue rouge avait
connu une forte hausse du nombre de ses adhérents, comptant jusqu’à
130 000 membres. Elle a été dissoute en 1929, après des émeutes qui avaient
fait des morts.

Bien qu’il se fût proclamé le « seul parti antifasciste » d’Allemagne, le


Parti communiste allemand a parfois œuvré avec les nazis pour déstabiliser le
pouvoir social-démocrate. Peu importait le prix à payer, les communistes
voulaient prendre la main. Ainsi, en 1931, ils avaient soutenu les nazis et les
partis de droite lorsque ceux-ci avaient initié un referendum destiné à faire
tomber le gouvernement social-démocrate. Mais le referendum n’avait pas eu
l’effet escompté.

ACTION ANTIFASCISTE
En mai 1932, le Parti communiste allemand a annoncé la création d’une
nouvelle milice, l’Action antifasciste, communément surnommée Antifa.
L’Antifa originel, le modèle de référence qui a inspiré les antifa du monde
entier, était né. L’organisation avait vocation à fédérer les communistes, et à
créer une communauté capable de combattre leurs adversaires politiques.
Bien que le groupe se soit baptisé Action antifasciste, les responsables qui
siégeaient au bureau exécutif faisaient partie de la galaxie marxiste. En bref,
il s’agissait bel et bien d’une organisation communiste, ce que dissimulait à
peine sa nouvelle appellation. Elle organisait des rassemblements et concevait
ses propres outils de propagande. L’emblème des antifa actuels reprend
exactement son logo original, composé de deux drapeaux rouges symbolisant
l’union du communisme et du socialisme.
Comme les milices communistes qui l’avaient précédée, l’Action
antifasciste faisait le coup de poing pendant les rixes. Ses membres
travaillaient également comme vigiles et gardes du corps pour les
responsables du Parti, qui partageaient des appartements dans les quartiers
huppés.

Pendant que les communistes s’occupaient à combattre libéraux et socio-


démocrates, l’influence qu’exerçait le parti nazi allait grandissant. En juillet
1932, avec 230 députés élus, les nazis sont devenus le premier parti du
Parlement. Venaient ensuite les socio-démocrates qui occupaient 133 sièges,
et le Parti communiste allemand, qui en occupait 89. La campagne avait été
marquée par les tensions entre fascistes, socio-démocrates et communistes,
qui prenaient un tour de plus en plus violent.

En janvier 1933, le président Paul von Hindenbourg désigna Hitler


comme chancelier. Deux mois après, le Parlement allemand votait la « loi
d’habilitation », qui, en conférant légalement les pleins pouvoirs à Hitler,
ouvrait la voie à la dictature. Une tentative des communistes pour renverser le
gouvernement échoua. On interdit le Parti communiste et le Parti social-
démocrate politiquement, cela laissait le champ libre aux nazis, qui n’avaient
plus qu’à mettre en œuvre la conquête et le génocide qu’ils avaient planifiés.

ANTIFA STATE BUILDING


Grâce aux spécialistes de la Deuxième guerre mondiale, nous savons que
les communistes allemands ont favorisé l’accession des nazis au pouvoir.
D’une part, leur obsession à combattre les socio-démocrates et les libéraux
(qu’ils qualifiaient de « socio-fascistes ») avait affaibli l’opposition au
national-socialisme. En allant plus loin, on peut dire que sous la République
de Weimar, leur hargne envers les socio-démocrates avait également œuvré à
l’entreprise de délégitimation de la démocratie libérale.

Si l’Action antifasciste et les mouvements d’opposition ont été interdits


une fois Hitler au pouvoir, l’idéologie antifa-communiste n’en a pas disparu
pour autant. Plus tard, émergeant des décombres de la Deuxième Guerre
mondiale, l’idéologie officielle de ce qui allait devenir la République
Démocratique d’Allemagne a intégré et institutionnalisé ce reliquat.
L’Allemagne de l’est, cet état communiste que l’Union soviétique, alliée et
vainqueur de la guerre, a fondé sur les ruines de la République de Weimar, a
existé de 1949 à 1990.
L’intense répression, qui pendant plus de 40 ans a régné dans le pays,
donne un aperçu de ce que pourrait être un État antifa. Grâce à un réseau
d’informateurs qui infiltrait toutes les strates de la vie privée et sociale, le
ministère de la Sécurité d’État, la Stasi, surveillait et espionnait les citoyens
est-allemands. Cette police secrète avait à l’origine été conçue sur le modèle
du KGB soviétique. Parallèlement à ses activités d’espionnage, la Stasi avait
pour mission d’éliminer les dissidents et de soumettre la population par
diverses techniques d’intimidation. À un moindre niveau, les antifa
d’aujourd’hui procèdent de même.
La police secrète constitue un des piliers du communisme. La Chine de
Mao avait conçu le même genre de dispositif pour espionner ses citoyens.
Personne ne pouvait se fier entièrement à ses amis, à ses proches, à son
conjoint : comment savoir s’ils n’étaient pas des taupes au service de l’État ?
En Allemagne de l’est, c’est au nom du combat contre le fascisme que l’État
justifiait les persécutions et la pression psychologique exercée sur ses propres
citoyens, a priori considérés comme politiquement déviants. À cette nuance
près : dans leur bouche, le mot « fascisme » renvoyait à l’Occident et à la
démocratie libérale qui est son mode de gouvernance.

Après la Deuxième Guerre mondiale, Walter Ulbricht, le grand architecte


du Parti communiste allemand sous la République de Weimar, est revenu de
son exil en Union soviétique. Il s’agissait de créer dans la zone allemande
occupée par l’URSS un nouveau parti d’obédience stalinienne. C’est sous sa
direction qu’est né le Parti socialiste allemand de l’unité. Ce parti est resté le
seul et unique parti en Allemagne de l’est, de la création du pays en 1949
jusqu’à la chute du mur de Berlin. Sous la gouvernance d’Ulbricht,
l’Allemagne de l’est a dirigé ses ressortissants d’une main de fer. Le
soulèvement de juin 1953, au cours duquel plus d’un million de citoyens est-
allemands avaient exprimé leur révolte contre le gouvernement communiste,
s’est soldé par l’intervention militaire de l’URSS, et une répression féroce s’est
ensuite abattue sur les manifestants. Le nombre des victimes n’a jamais été
officiellement publié, mais les historiens estiment qu’il y a eu plusieurs
centaines de morts. Dès ses débuts, l’Allemagne de l’est a montré qu’elle ne
tolérerait aucune opposition politique, ce qui, là encore, n’est pas sans
rappeler la façon dont les antifa traitent aujourd’hui ceux qui les critiquent.
Le politologue Helmut Müller-Enbergs évalue à plus de 620 000 le
nombre d’informateurs qui travaillaient pour la police secrète est-allemande.
Ces « collaborateurs non officiels », comme les appelait l’administration,
étaient donc si nombreux qu’ils se comptaient en centaines de milliers… Il ne
faut pas sous-estimer la puissance d’infiltration de l’État est-allemand, qui
pénétrait au cœur de la vie quotidienne des gens. Rien n’échappait à la Stasi :
sur les chantiers, à l’usine, à l’école, à l’université, et ailleurs, les espions
étaient partout, et de toutes les activités. Quant aux ceux qui devaient faire
l’objet d’une surveillance rapprochée, leur domicile était truffé d’appareils
photos et de micros.

Ces quarante années d’oppression communiste, justifiées au nom de


l’« antifascisme », sont largement documentées par les archives. En plus de la
Stasi, le régime disposait d’un autre outil majeur pour contrôler la
population : le mur de Berlin, connu à l’Est sous le nom de « mur de sécurité
antifasciste ».

La répression qu’exerçait l’Allemagne de l’est sur sa propre population


n’était pas sa seule tare. À l’image des idéologues antifa qui appellent
aujourd’hui à l’action directe contre l’État et les institutions, l’État
« antifasciste » a soutenu le terrorisme. Rappelons que la Stasi a soutenu la
Fraction armée rouge sur le plan logistique et financier. Ce groupe terroriste,
créé en 1968, est également connu sous le nom de « bande à Baader ». Au
cours des années 70, la Fraction armée rouge a tué des dizaines de gens en
Allemagne de l’ouest : ses membres ont assassiné, tiré, posé des bombes,
pillé, incendié. Leur objectif était double : saper le gouvernement ouest-
allemand, considéré comme fasciste, et contrer l’« impérialisme » américain.
En 1967, Gudrun Ennslin, future fondatrice de la bande à Baader,
déclarait : « Cet état fasciste veut tous nous tuer… La violence constitue la
seule réponse à la violence ». La rhétorique de la bande à Baader se distingue
à peine du langage que tiennent les antifa contemporains. Il en va de même
de leur stratégie de la violence, même si nos activistes modernes n’ont pas les
moyens d’organiser des attentats de masse (ce qui ne les empêche pas de s’y
essayer…).

Le terme dévoyé d’« antifascisme » est toujours de mise chez les antifa,
qui prônent eux aussi la fin des démocraties libérales et l’abolition du
capitalisme. De la même façon, ils ont repris à leur compte le principe de la
surveillance généralisée, qui constitue un élément essentiel de leur action.
L’exemple de l’Allemagne de l’est, ou celui de CHAZ pour ce qui nous
occupe, met en évidence le fonctionnement concret de l’idéologie antifa, dès
lors que celle-ci s’applique à une population.

L’EUROPE
Bien que leur idéologie se soit diffusée à l’ensemble du monde occidental,
les groupes antifa qui comptent le plus grand nombre d’activistes, qui sont les
plus violents et les mieux organisés se trouvent en Allemagne. L’histoire du
pays, l’holocauste et le nazisme, expliquent en partie ce phénomène :
n’importe quel mouvement « antifasciste » provoquera la sympathie de ceux
qui ne connaissent rien à l’histoire. Il existe par ailleurs en Allemagne
d’authentiques groupes néo-nazis. Ironie du sort, ils sont pour l’essentiel
concentrés dans la partie orientale du pays, laquelle faisait autrefois partie de
l’Allemagne de l’est, « antifasciste » donc. L’apparition en Allemagne d’une
mouvance anti-État remonte aux années 60 et aux manifestations étudiantes,
qui ont permis à des groupuscules d’extrême gauche de s’implanter dans
plusieurs villes, d’y croître et d’y prospérer.
L’Allemagne d’aujourd’hui est une démocratie libérale puissante, stable
et prospère, dont le PIB est le plus élevé d’Europe. Pourtant, le pays a
conservé un paysage politique extrêmement polarisé. Selon les statistiques
des services allemands du renseignement intérieur, la violence d’extrême
gauche a augmenté au cours des dernières années. Entre 2012 et 2017, le
nombre de gauchistes identifiés comme violents a crû de 27 %, passant de
7 100 à 9 000 individus. Durant la même période, le nombre d’incidents
violents impliquant l’extrême gauche a augmenté, faisant un bond de 88 %.
Les services de renseignement surveillent aussi les sympathisants de
l’ultragauche : entre 2017 à 2018, leur nombre est passé de 29 500 à 32 000,
connaissant une hausse de 8 %.

L’ITALIE ET L’ESPAGNE
Dans une moindre mesure, les groupes antifa s’inspirent aussi des
mouvements qui, en Italie, combattaient la dictature fasciste de Benito
Mussolini. Mussolini, à l’origine membre du Parti socialiste italien, avait créé
en 1919 les « Faisceaux italiens de combat », constitués de brigades
paramilitaires, les Chemises noires. Ces brigades, ainsi nommées à cause de
leur uniforme, rappellent bien entendu les Chemises brunes nazies qui par la
suite ont vu le jour en Allemagne.
En 1921, l’anarchiste Argo Secondari fondait à Rome une organisation
militante antifasciste, les Arditi del popolo, composée de communistes, de
socialistes, d’anarchistes et d’anti-monarchistes. Dans les petites villes de
province, ils se battaient contre les Chemises noires. L’histoire de ces
combats constitue un pan de la mythologie antifa, de la tradition dont ils se
réclament lorsqu’ils se battent dans les rues de Portland, de Berkeley et
d’ailleurs.

En 1922, le roi Victor Emmanuel appelle Mussolini, chef du Parti


fasciste, à former un gouvernement. Après avoir sapé les institutions
démocratiques, ce dernier s’auto-proclame Duce, le chef. Nous sommes en
1925. Sous sa direction, pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’Italie
intègre les forces de l’Axe aux côtés de l’Allemagne et du Japon.
Les antifa contemporains puisent également leur mythologie dans
l’histoire des communistes et des anarchistes espagnols, qui combattaient les
nationalistes menés par Franco pendant la guerre civile. Lors d’un discours
tenu en 1936, Dolores Ibarruri Gomes, membre du Parti communiste
espagnol, avait popularisé le slogan « No pasaran ! » : « Ils ne passeront
pas ! » Aujourd’hui encore, les antifa scandent ce mot d’ordre pendant leurs
rassemblements ; ils aiment aussi à l’écrire, comme en témoignent leurs
graffitis.

Bien que Franco, qui était un catholique traditionnaliste, n’ait pas été
fasciste, l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie lui avaient apporté un important
soutien militaire pendant la guerre d’Espagne. En 1939, Franco gagne la
guerre et instaure une dictature qui durera jusqu’à sa mort, en 1975.
LES ANTIFA DANS L’EUROPE D’AUJOURD’HUI
Sous la République de Weimar, l’Action antifa annexait des bâtiments,
des rues, voire des quartiers entiers ; les antifa d’aujourd’hui ne procèdent pas
autrement. Ceci vaut notamment à Berlin, dans les quartiers de Kreuzberg-
Friedrichshain et de Neukölln, où des squatteurs ont illégalement investi des
friches et des immeubles vides. Par lâcheté, les autorités locales ont laissé
pourrir la situation, et les squatteurs sont restés plusieurs dizaines d’années.
Résultat : des contre-sociétés qui défient l’autorité de l’État et l’état de droit
ont vu le jour, et se sont installées dans la durée. À CHAZ, dans le quartier de
Capitol Hill, les antifa ont tenté une reformulation américaine de la chose.

Tous les 1ers mai, les habitants des quartiers investis dans la cause antifa
se livrent à des actes de violence.

En juillet 2016, à Friedrichshain, des milliers de militants masqués s’en


sont pris aux forces de l’ordre pour protester contre le plan de réhabilitation
du quartier. Ils ont bombardé la police de divers projectiles, détruit des
boutiques, endommagé ses voitures. Plus de 120 agents ont été blessés. Pour
contenir l’émeute, ils étaient 1 800 à avoir été mobilisés.
L’année suivante, en juillet 2017, des centaines de black blocs ont infiltré
les manifestations anticapitalistes contre le sommet du G20, à Hambourg. Le
G20 rassemble chaque année chefs d’État et ministres des finances pour
débattre des politiques économiques et financières à mettre en œuvre au
niveau mondial. Au G20 de 2017, les antifa ont jeté des pierres et tiré à coups
de mortier sur la police. Des jours durant, ils ont pillé des commerces et brûlé
des voitures. Les 20 000 policiers déployés n’ont pas suffi à contenir les
violences. Près de 500 d’entre eux ont fini blessés. En Saxe, le commandant
de la police nationale allemande, Sven Mewes, s’est exprimé lors d’un
passage à la télévision : « Je n’ai jamais eu à faire à une telle violence, et cela
fait plus de 30 ans que je suis dans la police ».
En novembre 2019, dans le quartier berlinois de Friedrichshain, 19
policiers ont de nouveau été blessés, agressés par les antifa alors qu’ils
évacuaient un immeuble occupé par des squatters. Les émeutiers s’en sont
également pris à un baraquement de chantier gardé par deux vigiles. La
violence était telle que la police a dû battre en retraite.
Les débordements antifa sont fréquents dans la partie est du pays. En
2019, pendant le réveillon du nouvel an, des policiers ont signalé que des
militants d’extrême gauche leur avaient lancé des pierres et des bouteilles ; ils
avaient également reçu des tirs de mortier. C’était à Leipzig, dans le quartier
de Connewitz. Un des policiers, grièvement touché, a perdu conscience et a
dû être opéré. La police de Leipzig a ouvert une enquête pour tentative de
meurtre.
Inutile d’en rajouter : les violences de l’extrême gauche contre l’État, les
individus, et les biens sont nombreuses et fréquentes en Allemagne, foyer de
l’ancienne Action antifasciste qui abrite aujourd’hui la première communauté
antifa du monde.

Les apologistes de la gauche et de l’extrême gauche récusent


généralement cette constatation, qui établirait selon eux un « parallèle
erroné » entre extrême gauche et extrême droite. Pour légitimer leurs propres
débordements, ils disent que la seconde a statistiquement causé plus de morts
que la première. Quelle que soit l’importance de la remarque en termes de
stratégie antiterroriste et de renseignement, elle est ici hors-sujet.
En 2017, l’ancien chef de la section berlinoise du renseignement intérieur
allemand, Bernd Palenda, faisait preuve de sagacité en affirmant, lors d’une
interview donnée au Berliner Morgenpost, que « l’extrême gauche pouvait
tuer s’il le fallait ». Que celle-ci se soit montrée moins performante en la
matière que l’extrême droite ne constitue pas une excuse. De droite ou de
gauche, l’extrémisme aspire toujours à saper la démocratie libérale et l’état de
droit, que ce soit par l’usage de la violence ou par d’autres voies. Si les
conceptions politiques et les objectifs apparents diffèrent, il s’agit dans les
deux cas de détruire nos valeurs.
Au XXIe siècle, l’opinion publique américaine a bien compris la menace
que représentait l’extrême droite. L’État, l’université, les media et la société
civile la combattent activement. Concernant l’extrême gauche en revanche, la
même fermeté fait défaut et il n’existe pas de système organisé qui s’y
oppose. Pourquoi ? La domination culturelle de la gauche constitue une
explication. L’homogénéité politique qui caractérise la culture populaire,
l’université, et les grands centres urbains comme New-York, Washington DC,
ou Los Angeles, a restreint le champ de vision de la population, qui fait
preuve d’un aveuglement sélectif.

Ce chapitre porte sur la matrice communiste de la mouvance antifa, née


sous la République de Weimar. Une origine dont la propagande, les symboles
et la mythologie des actuels antifa portent encore la trace. Le prochain
chapitre analysera l’évolution idéologique du mouvement qui a fait souche en
Amérique du Nord. Au cours des 50 dernières années, l’antifascisme originel
s’est en effet greffé sur l’anarchisme, l’autonomisme et des éléments issus de
la culture punk. Il a ainsi reformulé le logiciel communiste des années 20,
donnant naissance à une idéologie plus virulente, plus violente que la matrice
dont il est issu.
Des casseurs tentent de détruire la grille qui entoure
le tribunal Mark O. Hatfield. Photo : Andy Ngo
En juin 2020, des casseurs tentent d’abattre la grille
qui entoure le Palais de justice. Photo : Andy Ngo
En juin 2019, des étudiants de la Western Oregon
University ont voulu faire annuler une réunion des
Jeunes Républicains. En vain
CHAPITRE 6

LA MUTATION AMÉRICAINE

Ce samedi 30 juin 2o18, il faisait chaud à Portland. Patriot Prayer, une


association conservatrice dirigé par le prêcheur évangéliste Joey Gibson,
organisait une manifestation dans le centre-ville. Le rassemblement, autorisé,
a trouvé sur son chemin plusieurs centaines de contre-manifestants. Avant
l’événement, Rose City Antifa avait en effet créé une page Facebook
intitulée : « Défendre PDX : la violence des Patriot Payers doit cesser ». PDX,
un des surnoms donnés à Portland, correspond au code de l’aéroport
international de la ville. La page Facebook en question accusait Gibson de
faire venir des « caïds d’extrême droite, des nazis, des homophobes, et des
personnages nauséabonds » pour brutaliser de pauvres gens sans défense.
« Nous sommes unis pour lutter contre la montée du fascisme dans ce pays, et
nous n’allons certainement pas les laisser envahir nos rues. No pasaran ! »
poursuivait le texte, qui se concluait par le cri de rallie ment des communistes
espagnols.

Lorsque les conservateurs ont commencé à défiler, ils se sont trouvés face
aux black blocs. Les deux groupes se sont regardés en chien de faïence.
Soudain, quelqu’un a lancé une grenade assourdissante sur les manifestants.
L’explosion a agi comme un signal et déclenché une bagarre généralisée.
Les deux groupes se sont rués l’un vers l’autre, balançant coups de poing,
coups de bâton et de matraque. Ceux qui tombaient se faisaient tabasser et
piétiner. Des antifa casqués lançaient des pierres et des bouteilles. Alors que
les manifestants des deux bords étaient en train de se battre jusqu’au sang,
pas un seul policier à l’horizon.
Après que les deux parties s’étaient enfin séparées, de nouvelles bagarres
ont éclaté dans une rue voisine. C’est à ce moment-là qu’eut lieu l’affaire du
coup de poing. Un antifa masqué, habillé de noir et armé d’une matraque
télescopique, est rejoint par des camarades. Il frappe un des manifestants, qui
tombe sous le choc. Ensuite, il avise Ethan Nordean, 28 ans, un membre des
Proud Boys : il lui décoche deux coups de poing et le frappe à coups de
matraque. Nordean, qui ne bronche pas, lui envoie alors son poing en plein
figure, faisant valser ses lunettes de soleil. Le militant s’effondre, avant d’être
emmené par ses camarades. L’incident, qui a été filmé, a fait sensation auprès
des fans de Donald Trump. Pour nombre d’Américains conservateurs, peu au
fait des subtilités antifa, la vidéo ne posait aucun problème de
compréhension : un gauchiste s’en était pris à un supporter de Trump, et il
était tombé sur un os.

Pendant que Portland subissait ces tensions, je passai mon été à voyager
au Royaume-Uni et en Europe, enquêtant sur de tout autres sujets. Les vidéos
et les photos prises dans ma ville, qui avaient été publiées par la presse
internationale, avaient fait leur chemin. De ce fait, j’ai pu demander aux
Européens ce qu’ils pensaient de ce nouveau phénomène américain. Ils
n’étaient pas étonnés. « Vous n’aviez pas ça chez vous, avant ? Nous, ça fait
des dizaines d’années qu’on subit les combats de rue entre hooligans » a réagi
un Anglais, qui a reconnu au passage les crânes rasés et les tenues punk de
quelques antifa.
Avant d’atteindre les États-Unis, le mouvement antifa s’est diffusé du
continent européen vers l’Angleterre. Là, il s’est greffé à la sous-culture
punk, donnant naissance à un nouveau profil, exclusivement anglophone.

ANTIFA BRITANNIQUES
Avant qu’elle ne développe un rejeton outre-Atlantique, la mouvance
antifa avait pris pied en Angleterre par le biais de la scène punk-rock des
années 70, plus spécifiquement grâce à la sous-culture « Oi ! », qui réunissait
punks et skinheads de la classe ouvrière londonienne. Bien qu’on ait tendance
aujourd’hui à associer les skinheads aux néo-nazis, la sous-culture skinhead
peut être de gauche, de droite, ou apolitique. À ses débuts, dans le Londres de
la fin des années 60, c’était un mouvement très métissé, fortement influencé
par la musique et la culture urbaine jamaïcaines. Au milieu des années 70
pourtant, une tendance influencée par l’idéologie raciste d’extrême droite
avait émergé.

Mark Bray, écrivain et historien du mouvement antifa, explique ce


phénomène par la stagnation économique qui marquait l’époque, et par la
grande campagne de recrutement qu’avait menée le National Front, parti
britannique créé en 1967. En réaction à la sous-culture skinhead d’extrême
droite des années 70 et 80, un contre-mouvement de skinheads antiracistes
s’était formé. De prime abord, les deux se ressemblaient : cheveux très court
ou rasés, bombers, polos Fred Perry et Doc Martens coquées. Pourtant, des
codes plus subtils, comme la couleur des lacets, les tatouages, les écussons
permettaient de savoir à quelle faction idéologique on avait affaire.
Lorsque le mouvement punk est apparu, ils se sont souvent combattus. Le
combat s’est ritualisé au fil du temps, démonstration de force sans but défini.
Lorsque l’Angleterre s’est trouvée confrontée à la violence organisée de
bandes d’extrême droite qui s’en prenaient aux communautés noires et sud-
asiatiques, une armada de groupes d’extrême gauche est apparue. En 1985,
l’Action antifasciste a vu le jour à Londres, formée de groupes comme Red
action ou Direct action movement. Elle prenait modèle sur l’ancienne milice
communiste et se fixait comme objectif de combattre l’extrême droite,
incarnée notamment par le National Front et le British national party. Par
bien des aspects, c’était une reviviscence à moindre échelle des rixes qui
avaient ravagé la République de Weimar pendant l’entre-deux guerres.
On pourrait débattre de la mouvance anglaise des années 80, en se
demandant si elle était plus légitime que son avatar américain, aujourd’hui
mondialement connu. C’est un fait, la guerre contre les forces fascistes de
l’Axe s’est déroulée sur le sol européen, et les bombardements intensifs de
l’Angleterre par la Luftwaffe sont restés dans les mémoires.
Mais avant même la Deuxième Guerre mondiale, on trouvait dans le
paysage politique britannique des organisations fascistes. En 1934, le
Syndicat britannique des fascistes dirigé par Oswald Mosley comptait jusqu’à
50 000 adhérents. Le syndicat organisait des rassemblements protégés par sa
propre milice, la Force de sécurité fasciste, dont les membres portaient un
uniforme noir. Pendant les manifestations, ils provoquaient des bagarres
particulièrement violentes. La plus célèbre de ces émeutes est connue sous le
nom de « Bataille de Cable Street », ainsi baptisée en référence à la
gigantesque rixe qui s’était déroulée en octobre 1936 à Cable Street, dans
l’est de Londres.
Plus de 20 000 contre manifestants (selon certaines estimations, leur
nombre était bien supérieur) s’étaient mis sur les rangs pour combattre les
deux à trois mille membres du Syndicat britannique des fascistes, lesquels
étaient protégés par la police. Mosley avait fini par exfiltrer ses chemises
noires de la manifestation, tandis que les émeutiers avaient continué à se
battre avec les flics.

La bataille de Cable Street reste un des mythes fondateurs des antifa


contemporains. Elle leur a permis d’instaurer et de légitimer une tradition du
rapport de force physique, caractéristique inhérente à l’extrémisme. En
l’occurrence, on peut établir une analogie avec l’IRA irlandaise qui elle aussi
cultive une vision idéalisée de la violence, et dont les idéologues, pour
justifier les actes de terrorisme commis au Royaume-Uni pendant la seconde
moitié du XXe siècle, se réfèrent au soulèvement irlandais de 1916.
Rhétorique et propagande antifa en appellent donc à la bataille de Cable
Street (et plus tard, à d’autres bagarres contre le National front et le British
national party), par faite illustration à leurs yeux de la puissance de l’action
directe. Pour eux, seule la violence peut arrêter le fascisme. Disant cela, ils se
trompent sur toute la ligne. Si les partis d’extrême droite avaient perdu en
puissance, c’était essentiellement parce que leur extrémisme leur avait aliéné
nombre d’électeurs. L’antisémitisme publiquement affiché de Mosley avait
détourné les gens du Syndicat britannique des fascistes. Pendant la Deuxième
Guerre mondiale, ses militants ont été emprisonnés pour trahison ; Mosley
pour sa part s’est exilé en France, où il a fini par mourir.
Quant au National front, il a obtenu son meilleur score dans les années 70,
lors d’une quelconque élection locale. Au niveau national, même au meilleur
de sa forme, il n’a jamais été fichu de dépasser les 1 %. À la fin des années
70, les adhésions au parti ont chuté : le National front aujourd’hui n’existe
plus vraiment.

Pendant un siècle, l’histoire du fascisme en Angleterre s’est déroulée en


parallèle de celle de l’antifascisme traditionnel. Aujourd’hui pourtant, les
communistes, les socialistes, les anarchistes, proclament être les seuls
« antifascistes », concept qui a pour eux une acception bien spécifique.
En Angleterre, la mouvance antifa s’est greffée sur la culture et : la
musique punk : sous cette influence, son axe idéologique s’est peu à peu
décalé vers l’anti autoritarisme et l’anarchie. Différant de la matrice
originelle allemande et communiste, c’est cette refondation du programme
antifa qui s’est en fin de compte exportée aux États-Unis.

ANTIFA AMÉRICAINS
Bien que l’on associe de nos jours les antifa américains aux grandes villes
de la côte Ouest, comme Portland ou Seattle, c’est dans le Midwest que sont
apparus les premiers groupes « antifascistes » des États-Unis. À la fin des
années 80, un groupe de skinheads d’extrême gauche, les Baldies{22}, se
réunissent à Minneapolis. Ils veulent combattre leurs homologues d’extrême
droite, qui commencent à monter en puissance dans les milieux néo-nazis
américains.
Les Baldies, influencés par la presse anarchiste anglaise et des titres
comme Drapeau noir ou Guerre des classes, qui préconisent entre autres
l’insurrection, privilégient le recours à l’action violente. Avec des skinheads
de gauche venus de tout le Midwest, ils créent un des premiers réseaux antifa
répertorié. Ils ont nommé ce réseau, constitué de nombreux groupes dont
l’Action Antiraciste, la « Coopérative ».

Pour combattre l’extrême droite (ou du moins ceux qu’elle considérait


comme tels), l’Action antiraciste prenait modèle sur les organisations
violentes. Cette organisation est le précurseur dont procèdent directement les
antifa américains d’aujourd’hui. Sa méthode et son idéologie proviennent de
l’Action antifasciste anglaise, elle-même inspirée de l’Action antifasciste du
Parti communiste allemand.
Selon Mark Bray, qui a interviewé un des premiers membres de l’Action
antiraciste, le groupe a choisi de se nommer ainsi, plutôt qu’antifasciste,
parce que le terme de fascisme, dans le contexte américain, « sonnait gaucho
dogmatique ». La vérité est sans doute plus simple : jusqu’à récemment, le
terme de racisme rencontrait bien plus d’écho aux États-Unis que celui de
fascisme. L’histoire de l’Amérique est entachée d’un racisme d’État,
juridique et policier, qui a existé sur son sol, alors qu’elle n’a jamais
combattu le fascisme chez elle.
De la fin des années 80 jusqu’aux années 90 et 2 000, la mouvance antifa
est restée marginale, à l’image des néo-nazis ou du Ku Klux Klan.
Contrairement aux pays européens, le fascisme traditionnel ne fait pas partie
de la culture politique de l’Amérique moderne. Pour autant, il existe aux USA
de nombreux groupes d’extrême droite, identitaires blancs et « loups
solitaires » qui agissent aux marges de la société. Les institutions, les chaînes
d’information, la culture pop, le cinéma font largement état du rôle joué par
ces identitaires blancs dans la violence et l’intimidation que subissent les
minorités.
De 1997 à 2006, le FBI a relevé qu’en moyenne 7 000 incidents de haine
avaient lieu chaque année, dont 46 % relevaient de l’intimidation et 31,9 %
de l’agression simple. Des milliers d’incidents de ce genre par an, cela peut
sembler beaucoup, mais les États-Unis comptent une population de plus de
320 millions d’habitants, population par ailleurs en hausse constante. Si on
calcule le taux des incidents ramené à la population, on obtient moins de 2,5
incidents pour 100 000 personnes.
L’analyse des données révèle en outre une subtilité. Représentant moins
de 60 % des agresseurs, les Blancs sont sous-représentés, dans la mesure où
ils constituent plus de 76 % de la population américaine. Les Noirs, soit 20 %
des agresseurs, sont quant à eux surreprésentés, puisqu’ils constituent environ
13 % de la population globale. Le nombre des incidents de haine relevé par le
FBI a par ailleurs diminué depuis 2006, alors même qu’il existe aujourd’hui
davantage d’institutions qui les recensent.

Si les crimes de haine sont relativement rares aux États-Unis, tout récit
peut potentiellement provoquer un traumatisme collectif, et créer un vent de
panique. Ainsi, l’assassinat de neuf paroissiens noirs à Charleston en
Caroline du Sud par le tireur d’extrême droite Dylann Roof a dominé
l’actualité plus longtemps que ne l’ont fait les 14 personnes tuées par un
couple de djihadistes à San Bernardino, en Californie. Les deux événements
ont pourtant eu lieu la même année.
Les gens se souviennent du meurtre de Heather Heyer, commis en 2017 à
Charlottesville en Virginie, mais rares sont ceux qui connaissent le nom de la
victime du tireur antifa de Portland, en 2020. Les récits qui font état d’un
racisme blanc et violent, bien que très rares, exercent une grande influence
sur l’opinion publique américaine, car ils renvoient à l’histoire de
l’Amérique. Et les antifa savent jouer de cette sensibilité pour justifier leur
violence et leur extrémisme.

LES ANTIFA ET L’UNIVERSITÉ


En février 2017, une conférence de Milo Yiannopoulos est programmée à
l’université de Berkeley en Californie. Breibart News{23}, un magazine
conservateur en ligne créé en 2007, sponsorisait la tournée du jeune
polémiste, qui avait déjà assuré un certain nombre de conférences-spectacles
aux États-Unis. Lui et son équipe, cameramen et assistants, se déplaçaient en
bus façon rock star. Quant au nom du spectacle, il s’étalait sur le car : « Une
méchante tournée de pédé », agrémenté d’une caricature grand format
montrant un Yannopoulos royal, trônant sur une chaise portée par quatre
esclaves baraqués.
La conférence qu’il avait tenue en septembre 2016 à la Texas Tech
University s’intitulait « Pourquoi la mythomanie lesbienne sur les crimes de
haine ? ». « Se moquer des gros ? Ça marche ! » celle qui avait eu lieu à
l’université de l’état de Louisiane. De l’automne-hiver 2016 jusqu’en 2017,
les conférences s’étaient enchaînées à travers le pays, profanant une à une
toutes les vaches sacrées de la gauche : « 10 choses que je déteste dans
l’islam », « Les travelos, c’est tous des pédés », « Pourquoi les moches me
détestent », « Halte aux bébés morts ! ».
Lorsque la tournée s’est dirigée vers l’ouest du pays, les manifestants se
sont fait plus nombreux et plus énervés. Bientôt, d’autres groupes gauchistes
sont venus sur le campus rejoindre leurs camarades. Parmi eux, les antifa.
Les premiers opposants à Yiannopoulos faisaient des vidéos plutôt
marrantes (qui ont d’ailleurs inspiré quelques mèmes), sur lesquelles on
pouvait voir des étudiants se mettre à sangloter ou à hurler. Les antifa, eux,
sont venus avec des armes. Yiannopoulos, à l’époque rédacteur en chef de
Breitbart News, avait des gardes du corps. Ce n’était pas le cas de ses fans
qui faisaient la queue devant l’auditorium, et qui ont subi de plein fouet la
violence des casseurs.

En ce 20 janvier 2017, on a frôlé le drame à l’université de Seattle-


Washington. Hasard des dénominations, c’est sur la Place rouge que des
centaines d’anarchistes et de gauchistes, pour la plupart organisés en black
blocs, ont affronté les supporters de Trump. Outre le fait qu’ils haïssaient
Yiannopoulos, la tension était à son comble : c’était le jour où le nouveau
président entrait en fonction. À coup de briques et de projectiles, les
manifestants ont bombardé les forces de l’ordre, qui s’étaient interposées
entre les deux camps. Au moment où Yiannopoulos s’apprêtait à prendre la
parole à l’intérieur de Kane hall, une fusillade a éclaté à l’extérieur du
bâtiment : Elizabeth Hokoana avait tiré sur Joshua Phelan Dukes, militant
antifa de 35 ans, également connu sous le nom de « hex », et elle l’avait
touché à l’abdomen. Selon elle, Dukes s’était rué un couteau à la main sur
son mari, américain d’origine asiatique qui soutenait les Républicains. Lors
du procès qui s’est déroulé en août 2019, Dukes a refusé de s’exprimer, et les
jurés ne sont pas parvenus à se mettre d’accord. Le juge a déclaré un non-
lieu.

La « méchante tournée de pédé » s’est néanmoins poursuivie.


Yiannopoulos cheminait vers la prochaine étape de la tournée, en Californie
du nord. Dix jours à peine après la fusillade de l’université de Seattle-
Washington, une de ses conférences était en effet programmée à Luc
Berkeley, à l’initiative des étudiants Républicains. Bien que des centaines de
places aient été vendues et que la salle ait été réservée, Yiannopoulos n’a pas
pu assurer son spectacle.
Dans la soirée du 1er février 2017, une foule d’environ 1500 manifestants
s’est amassée devant Sproul Hall pour faire annuler l’événement. 150 d’entre
eux s’étaient regroupés en black bloc, dissimulés par des drapeaux
communistes et anarchistes. La plupart des manifestants appartenaient au
BAMN (By any means necessary), un groupe antifa de Bay Area qui co-
organisait des émeutes avec Black lives matter. En 2002, bien que le groupe
n’ait jamais été inculpé, le FBI avait enquêté sur BAMN, soupçonné
d’« activités terroristes ».
Quelques mois à peine après l’élection de Trump, quelques jours à peine
après son entrée en fonction, activistes et militants de tout le pays avaient
rallié la cause : il fallait mettre fin au « fascisme américain », disaient-ils.
Yiannopoulos était un des plus bruyants supporters de Trump. Il osait en
outre s’aventurer sur la côte, au cœur des villes progressistes où règne l’entre
soi bien-pensant. Dans ce contexte, se rendre à l’UC Berkeley, une des
universités les plus à gauche d’Amérique, revenait à shooter à grands coups
de pied dans une série de nids de guêpes. Non loin de là, Oakland et San
Francisco, autres bastions progressistes. Les militants de la région ont
convergé vers le campus pour contre-manifester, affichant clairement leur
intention d’en découdre.
Bien que la police ait été déployée à proximité du Syndicat des étudiants
de Berkeley, elle n’a pas réussi à faire cesser les violences, ni à les contenir.
Comme à l’université du Washington, les antifa ont gazé et agressé les gens
qui faisaient la queue. Ils les ont frappés à coups de bâton, jetant pierres et
feux d’artifices sur les forces de l’ordre. Sous les applaudissements de la
foule, ils ont brûlé des casquettes « Make America Great Again », emblème
des pro-Trump. Selon Margo Bennett, cheffe de la police de UC Berkeley, ils
lançaient aussi des cocktails Molotov. Les antifa se sont emparés des
barrières de métal qui les séparaient du public de Yiannopoulos, s’en servant
comme de béliers improvisés pour démolir la façade du syndicat étudiant. Le
système d’éclairage éphémère installé pour illuminer la place a été jeté à terre
et incendié. Assistant au saccage, la foule applaudissait et exprimait sa joie.
Une fois la conférence de Yiannopoulos annulée, l’émeute n’a pas cessé
pour autant. La police est restée sur place, en observatrice. Peu à peu, les
casseurs se sont déplacés vers le centre-ville, où ils ont fracassé les vitrines de
commerces qu’ils ont ensuite pillés. Selon Yvette Felarca, une des cheffes de
BAMN qui avait assisté à l’émeute et pris part à la manifestation de 2016 au
State Capitol, la manifestation avait été une réussite. « Pour moi, c’est
inespéré d’avoir pu empêcher un suprémaciste blanc comme Milo
Yiannopoulos de s’exprimer, et d’avoir pu faire annuler sa conférence grâce
au rapport de force » confiait-elle cette nuit-là au Berkeleyside, un journal
local. « C’était notre droit à résister à l’intimidation qui était en jeu. »

Les élus sensibles à la cause leur ayant donné leur quitus, les violences
commises par les antifa se sont pour suivies en ville. Le 15 avril 2017, Eric
Clanton, professeur associé d’une université locale, aurait frappé plusieurs
personnes avec un antivol en acier trempé : sur une vidéo devenue virale, on
peut voir une personne masquée, dont il y a tout lieu de penser qu’il s’agit de
Clanton, utiliser un antivol pour frapper un supporter de Trump à la tête.
Clanton, qui a été arrêté, n’a pas contesté le délit. L’accusation d’agression
criminelle a néanmoins été abandonnée. Suite à un accord unilatéralement à
son avantage, il n’a écopé que d’une peine avec sursis. Clanton n’était pas le
seul universitaire impliqué auprès des antifa : c’était également le cas de
Mark Bray, l’auteur d’Antifa : le manuel antifasciste.
À Portland, en 2020, on comptait nombre d’universitaires parmi ceux qui
avaient été arrêtés, des professeurs et des maîtres de conférence qui
enseignaient dans la région.

En ce début 2017, la violence de l’extrême gauche universitaire, les


émeutes impliquant étudiants et professeurs de fac n’avaient pas encore
atteint leur apogée. Au mois de mars, à l’autre bout du pays, près de 200
étudiants du Middlebury College sabotent la conférence de Charles Murray,
chargé de cours à l’American Enterprise Institute. La conférence était
programmée de longue date. Pour avoir publié en 1994 The bell curve, livre
dans lequel il consacre un chapitre à l’étude comparée des différences
intellectuelles entre groupes de population, le politologue avait été traité de
raciste et de fasciste.
Pour rallier les militants et faire annuler l’événement, on a fait circuler un
portrait de Charles Murray publié dans le Southern Poverty Law Center,
papier qui le qualifiait de nationaliste blanc.

Lorsque la conférence commence, les huées et les cris couvrent la voix de


Murray, que l’on doit alors transférer dans une autre salle. Il parle, seul face à
la caméra, la conférence étant diffusée en direct sur les réseaux sociaux. À ce
moment-là, les antifa rejoignent les étudiants qui sont sur le parking. La
plupart portent la tenue black bloc. Une fois la conférence terminée, les
agents de sécurité du campus escortent Murray et Alice Stanger, professeur à
l’université de Middlebury, jusqu’au véhicule qui doit les exfiltrer. Ils
tombent sur les antifa qui les empêchent physiquement d’entrer dans la
voiture. Stanger raconte avoir été malmenée pendant l’agression : on lui tire
les cheveux, elle sera hospitalisée pour traumatisme cervical.
« On les a coincés entre la porte et la voiture, on les a stressés avec nos
pancartes, nos slogans, nos claquements de main » a confié à Politico un des
antifa présents. « C’était juste histoire de dire à Charles Murray, genre, tu ne
peux pas mettre les pieds sur le campus et croire que tu vas t’en tirer comme
ça. » Lorsque Murray et Alice Stanger réussissent à monter dans la voiture,
les antifa encerclent celle-ci pour lui bloquer le passage. Les vigiles de la
sécurité repoussent désespérément les émeutiers, qui se regroupent
immédiatement pour barrer la route au conducteur. Alors qu’ils ont presque
réussi à sortir du parking, un des antifa monte sur le capot. Il reste sur le toit
de la voiture pendant que le chauffeur parcourt quelques mètres, puis freine
brutalement, provoquant la chute du passager indésirable. Immédiatement, les
antifa décampent pour échapper à la police de Middlebury dépêchée sur les
lieux. Des scènes de ce genre ont eu lieu dans plusieurs villes : se grouper en
essaim autour d’une voiture pour agresser ses passagers est une tactique que
pratiquent volontiers les antifa.

En 2017, les antifa continuent à arpenter les campus américains. Au mois


de mai, des dizaines d’étudiants d’extrême gauche ont saboté le cours de
biologie du professeur Bret Weinstein ; c’était à l’université d’Evergreen, à
Olympia, dans l’état du Washington. Ils s’offusquaient du fait que Bret
Weinstein ait pu exprimer des réserves quant à la Journée de l’absence{24}
qu’organisait l’université sur le campus. Dans des mails envoyés à
l’administration, le professeur avait en effet critiqué la version 2017 de
l’événement, dont les organisateurs avaient cette année-là « conseillé » aux
étudiants blancs de ne pas se rendre en cours pendant la Journée de l’absence.
Les manifestations se sont poursuivies le lendemain ; des centaines
d’étudiants ont barricadé portes et fenêtres, puis séquestré le président de
l’université et l’équipe administrative. Ils exigeaient un changement radical et
le renvoi de Weinstein. Un mois plus tard, l’université recevait des menaces
téléphoniques ; l’administration décidait alors de suspendre les cours pour
deux jours. Pendant ces deux journées, les étudiants ont déambulé sur le
campus, armés de bâtons et battes de base-ball. Le montant des dégâts
s’élevait à 10 000 dollars.
Le 15 juin 2017, le Réseau antifasciste de défense communautaire
d’Evergreen organisait une grande manifestation sur le campus. Il s’agissait
de contrer un mini-rassemblement des Patriot Prayer, groupe conservateur de
la région de Portland. Les antifa du Red Square ont lancé l’offensive et pris
l’initiative d’une confrontation violente : Joey Gibson, le chef de Patriot
Prayer, s’est retrouvé à terre et le visage en sang. Les policiers étaient
présents en nombre, mais n’avaient l’ordre d’intervenir qu’en cas d’agression
grave. On comptait plus d’une centaine de manifestants, la plupart en tenue
black bloc, visiblement prêts à la bagarre. Ils brandissaient des banderoles où
on lisait : « Black lives matter » et « L’Amérique n’a jamais été grande ».
Comme la police avait installé des barrières de sécurité pour les séparer des
Patriot Prayer, les manifestants ont pris tout ce qui leur tombait sous la main,
s’en servant de projectiles.
Politiquement, la plupart des étudiants présents étaient sur la même ligne
que les manifestants. Pourtant, une dizaine d’entre eux s’étaient rangés sur le
côté, préférant visiblement le rôle de spectateurs. Alex Pearson, à l’époque en
première année à Evergreen, m’a expliqué qu’il défendait la justice raciale,
mais qu’il désapprouvait les méthodes de certains militants. « Si vous n’êtes
pas à 100 % d’accord avec eux, vous avez toutes les chances d’être mis dans
le même sac que leurs ennemis » m’a-t-il dit. Pendant la Journée de
l’absence, Pearson, qui est blanc, m’a raconté être allé en cours, ignorant ce
qui avait été organisé ce jour-là. Grave erreur, comme le lui avaient
clairement fait comprendre ses pairs…
En 2017, j’étais un anonyme, un étudiant journaliste inconnu au bataillon.
Cet anonymat me permettait d’aborder plus facilement les militants antifa. Ce
jour-là, ils ont tous refusé de me parler, à l’exception d’une jeune femme.
« Les gens disent n’importe quoi des antifa, ils en font des terroristes » dit-
elle. « Dans l’absolu, je n’ai jamais entendu dire que les antifa tabassaient les
membres d’une minorité, quelle qu’elle soit. »

Après le rassemblement, on a constaté que plusieurs voitures avaient été


vandalisées, les pneus crevés. Comme par hasard, c’étaient celles des
supporters de Patriot Prayer. Je n’ai pas pu identifier l’auteur du délit, mais
plus tôt dans la journée, j’avais remarqué sur le parking des gens masqués qui
semblaient guetter les voitures. Lorsque les gens se garaient, ils prenaient les
plaques d’immatriculation en photo. Plus tard, j’apprendrai que ce genre
d’information fait partie des dossiers que montent les antifa contre leurs
ennemis. Connue sous le nom de « doxing », la méthode consiste à rendre
publiques leur adresse, l’immatriculation de leur véhicule, les informations
liées à leur emploi, etc. Le but ? Lancer des meutes entières à leurs trousses.

De 2017 à 2020, les violences ont prospéré sur les campus. Le radicalisme
d’extrême gauche n’a pas faibli ; chaque année, les étudiants semblaient
vouloir repousser davantage les limites, comme pour damer le pion à ceux
qui les avaient précédés. En 2020, pendant Halloween, quelques 150
étudiants de l’Université du Nord-ouest se sont associés à des casseurs
extérieurs. Ensemble, ils se sont rendus à Evanston, dans l’Illinois, pour
prendre part aux manifestations « contre les violences policières ». Là, ils ont
fracassé fenêtres et vitrines, jeté des briques, tiré à coups de mortier sur les
policiers qu’ils aveuglaient au laser. L’Université du Nord-ouest est un centre
de recherche, un des instituts privés les plus réputés au monde. Et pourtant,
des étudiants y ont fomenté des émeutes, se comportant exactement comme
les antifa de Portland. Comment se fait-il que les hauts lieux de
l’enseignement supérieur américain alimentent ainsi la violence d’extrême
gauche ?

LA THÉORIE CRITIQUE
Les antifa considèrent que ce qu’ils font, ces gestes prémédités dont ils
ont toujours l’initiative, ne relève pourtant pas de la violence. Une des
facettes de leur stratégie consiste en effet à remodeler les mots pour leur
prêter un sens inédit. Il s’agit là d’une tendance qui prend sa source dans la
tradition philosophique fondée au XXe siècle par Herbert Marcuse. Les idées
de Marcuse, philosophe et sociologue allemand, ont de fait profondément
marqué la gauche moderne. Bien qu’ils n’en aient sans doute pas conscience,
les théories de Marcuse constituent aujourd’hui le socle idéologique des
antifa, ainsi que celui des soi-disant défenseurs de la justice sociale.
Né à Berlin en 1898, Marcuse est resté toute sa vie un gauchiste engagé.
Adulte, il étudie l’œuvre de Marx et vote pour le Parti communiste allemand.
En 1933, il intègre l’Institut en recherche sociale, un cercle de réflexion de
l’université de Francfort, plus connu sous le nom d’École de Francfort.
L’essor du fascisme en Europe pousse nombre d’intellectuels à fuir aux États-
Unis. C’est dans ces années-là que les penseurs de l’École de Francfort
deviennent des membres influents du corps universitaire américain.
L’université Columbia de New York City, notamment, accueille quelques-
uns de ses chercheurs.

La « théorie critique », inspirée du marxisme, est un des héritages les plus


vivaces de l’École de Francfort, qui forme aujourd’hui le soubassement de
tous les cursus en « studies » enseignés à l’université. Pour résumer, les
tenants de ladite théorie s’attachent à « critiquer » les structures sociales
apparentes et les systèmes d’oppression qu’elles dissimulent. Pour se libérer
de cette domination larvée, il convient selon eux d’abolir les normes et les
catégories qui lui permettent de s’exercer. La théorie critique propose ainsi
une grille de lecture qui recouvre l’ensemble des interactions humaines, les
quelles exprimeraient systématiquement des dynamiques communautaires de
domination. Dans la rhétorique de la race, des concepts tels que le privilège
blanc, la blanchité, l’intersectionnalité prétendent par exemple expliquer les
différences de revenus entre groupes raciaux. Pour vulgariser, on présente
parfois la théorie critique comme un « marxisme culturel », la théorie
marxiste se déclinant ici en termes d’identité et non en termes de classes.
Que ce soit à l’université ou ailleurs, les dogmes de la théorie critique
dominent à tel point que les gens sont incapables d’en identifier l’origine.
Vous avez sans doute déjà entendu dire que la réalité objective et la vérité
n’existaient pas ? C’est ce qu’affirment habituellement les idéologues de la
justice sociale lorsqu’ils veulent « déconstruire » la science ou démontrer, par
exemple, que le sexe n’est pas une réalité biologique. Voilà un dogme qui
provient en droite ligne de la théorie critique. Idem pour la « violence
symbolique des mots » qu’évoquent les antifa pour justifier la violence
qu’eux-mêmes exercent sur leurs contradicteurs : une autre de ces « vérités »
fondées sur la théorie critique.
En raison de l’influence idéologique qu’il a exercée sur les mouvements
protestataires estudiantins des années 60 et 70, Marcuse est présenté comme
le « père de la nouvelle gauche ». Il a notamment instauré la croyance
fondatrice de l’extrême gauche contemporaine, selon laquelle la tolérance
consisterait à vigoureusement réprimer les idées « intolérantes ». Comme par
hasard, les idées dites « intolérantes » sont généralement de droite…
En 1965, Marcuse, le sociologue Robert Paul Wolff et le philosophe
Barrington Moore Jr coécrivent Une critique de la pure tolérance. Dans ce
livre, l’essai de Marcuse, Tolérance répressive, jette les bases d’une
redéfinition de la tolérance : le concept désigne désormais l’intolérance
militante aux « règles, attitudes et opinions dominantes ». Par voie de
conséquence, il convient que la tolérance s’attache désormais aux « règles,
attitudes et opinions illégales ou réprimées ». En d’autres termes, s’il ne faut
pas laisser s’exprimer les idées qui nous semblent intolérantes, c’est-à-dire
normatives, il convient en revanche de se montrer réceptifs aux idées de
l’extrême gauche, qui n’ont que faire des normes.

Cela fait des dizaines d’années que l’université américaine marine dans
les théories de Marcuse et qu’elle en imprègne l’élite en devenir, futurs
responsables politiques, dirigeants, activistes etc.
Des associations de défense des libertés civiles, comme l’ACLU par
exemple, ont massivement recruté dans le vivier de ces jeunes diplômés
rompus à la théorie critique. Résultat des courses, l’ACLU revient aujourd’hui
sur son principe fondateur, la défense de la liberté d’expression.
En 2018, l’association diffuse auprès de ses adhérents un document
intitulé Gestion et lignes directrices de l’ACLU : conflit et rivalité des valeurs
et des priorités. Par cette brochure, l’association répond à l’avalanche de
reproches et de critiques suscitée par sa défense de Jason Kessler, de Unite
the right. Unite the right est une association d’extrême droite qui avait obtenu
l’autorisation de défiler à Charlottesville, jusqu’à ce qu’au dernier moment, la
ville décide de déplacer le rassemblement. En août 2017, l’ACLU avait
soutenu Jason Kessler au nom du premier amendement{25} lors du procès qui
l’opposait à la ville. Pourtant, un an plus tard, lorsque l’ACLU répond aux
critiques de la gauche, elle écrit : « La décision de l’ACLU de représenter une
organisation suprémaciste blanche est susceptible… d’encourager un agenda
qui contrevient à notre mission et à nos valeurs. Cette décision peut par
ailleurs offenser ceux qui nous écoutent. »
Le recul de la gauche classique sur la question de la liberté d’expression,
valeur éminemment libérale, a profité aux antifa de bien des façons.
Aujourd’hui, non seulement la gauche en général excuse la violence antifa,
mais elle œuvre en outre à bâillonner toute forme d’op position, incitant par
exemple les grandes entreprises et les GAFA à supprimer les comptes de leurs
adversaires.

Quillette{26} a consacré une étude à quelques figures publiques, qui entre


2005 et 2019 se sont fait suspendre ou bannir de Twitter : toutes les
personnalités en question, à l’exception d’une seule, sont de droite. En
théorie, ceci ne prouve pas nécessairement l’existence d’un parti-pris
politique. Il est cohérent que des groupes qui pensent différemment
aboutissent à des conclusions contradictoires. Pourtant, il est de notoriété
publique que l’extrême gauche viole régulièrement les conditions
d’utilisation de Twitter, qu’elle tient un discours anti-Blanc, qu’elle publie les
informations personnelles de ses ennemis, qu’elle appelle à la violence et au
racisme. Ce qui mène légitimement à se poser la question suivante : n’y
aurait-il pas en l’espèce deux poids deux mesures ?

Cautionner l’extrémisme de gauche a des effets qui dépassent les sphères


de l’université, de l’entreprise ou des GAFA. Grâce à l’excellence antifa en
matière de hooliganisme et de violence urbaine, ces effets débordent sur
l’espace public. Les émeutes ne constituent pas en soi une nouveauté, mais
force est de le constater : elles sont de plus en plus tolérées et une partie de
l’opinion les soutient.

En 2020, la gauche a réagi aux violences massives de BLM et des antifa


par la rengaine : « Les gens valent plus que les biens matériels ». Au mois
d’août, une essayiste du nom de Vicky Osterweil (@Vicky_ACAB sur Twitter)
a suscité l’enthousiasme de la presse en publiant un livre intitulé Plaidoyer
pour le pillage, NPR a interviewé Osterweil, qui présentait le pillage comme
un acte essentiellement moral : « Le soubassement ultime de la propriété aux
États-Unis dérive de la blanchité et de l’oppression des Noirs, à cause de
l’histoire de l’esclavage et de la domination coloniale qui ont fondé ce pays »
dit-elle lors d’une interview accordée à la journaliste Natalie Escobar. « Le
pillage touche aux principes mêmes de la propriété, de la blanchité et de la
police. Il touche à la racine de l’interdépendance entre ces trois éléments. Par
ailleurs, piller procure une sensation inédite de liberté, du plaisir. Cela permet
aux gens d’imaginer un autre monde. » Voilà mot pour mot ce que répondent
les antifa lorsqu’on leur demande pourquoi ils incendient commerces et
logements.

Journalistes, experts, et membres de l’intelligentsia ne comprennent pas


que pendant les émeutes, aucune ligne ne sépare en réalité la destruction des
biens de l’agression physique pure et simple. Ce sont des phénomènes
intrinsèquement liés qui tendent vers le même but, semer le chaos et la
violence.

Comment une telle proximité entre antifa et étudiants a-t-elle pu voir le


jour sur les campus américains ? Régulièrement, nous les voyons œuvrer
main dans la main, exercer des violences, menacer, déstabiliser, harceler ceux
qu’ils ont en ligne de mire, ceci au cœur même des institutions qui sont
censées défendre la liberté d’expression et enquêter en cas d’agression. Cette
proximité constitue un développement inédit du mouvement antifa en
contexte nord-américain.
Les antifa européens d’aujourd’hui sont le produit des manifestations
étudiantes de l’Allemagne des années 60. Ce qui se passe aux États-Unis et
au Canada est différent et inédit, signe de la pollinisation croisée d’idéologies
différentes : le marxisme, l’anarchisme et la théorie critique.
La mouvance antifa américaine partage certes les origines communistes et
anarchistes de son homologue européenne, mais elle s’est développée en
intégrant la rhétorique contemporaine de la justice sociale, elle-même issue
de la théorie critique. L’intersectionnalité irrigue la mouvance antifa
américaine. Sa révolution ne sera pas celle des travailleurs, mais celle des
trans, des Noirs, et des peuples indigènes{27}.
La radicalisation opère à tous les niveaux. Les universités qui sur les
campus se montrent soucieuses de « justice sociale » font aujourd’hui preuve
d’une grande tolérance envers l’extrémisme, quand elles ne l’encouragent
pas. L’administration universitaire a rarement sanctionné les étudiants qui ont
pris part aux violences, y compris lorsque celles-ci visaient des personnes. En
2015, des étudiants de Yale avaient encerclé et harcelé un professeur. Ceci
avait eu lieu dans le contexte d’une polémique qui portait sur les
déguisements de Halloween. Les autorités universitaires avaient récompensé
les jeunes gens en question, au motif qu’ils avaient contribué à « améliorer
les relations interraciales »…

Pourtant, ce ne sont ni les émeutes à l’université, ni la théorie critique de


la race qui ont parachevé la mutation des antifa américains. Leur montée en
puissance correspond en réalité à celle qu’a connue BLM. Les deux
mouvances partagent en effet une idéologie qui appelle au renversement de la
démocratie libérale et de l’état de droit américain. Elles diffèrent certes, par
certains aspects qui ne sont pas négligeables. Pourtant, mues par leur haine
commune des États-Unis, elles se sont associées, formant aujourd’hui une
entité aussi puissante que dangereuse.
Les groupes d’entr’aide antifa installent leur centre
opérationnel sur Chapman square et Lownsdale
square, dans le centre de Portland. Photo : Andy
Ngo
En mai 2020, antifa et militants d’extrême gauche
manifestent dans le centre de Portland. Photo : Andy
Ngo
CHAPITRE 7

BLACK LIVES MATTER

Après que Donald Trump a prêté serment et pris ses fonctions, le Los
Angeles Times a interviewé la cofondatrice de BLM, Patrisse Cullors. En août
2017, on lui avait demandé si BLM était disposé à s’entretenir avec le
président. Elle avait rétorqué : « En tant que mouvement, nous ne nous
assoirons pas à la même table que Trump, pas plus que nous ne l’aurions fait
avec Hitler. Trump est l’incarnation au sens propre du mal, de tous les maux
qui rongent ce pays, qu’il s’agisse du racisme, du capitalisme, du sexisme ou
de l’homophobie. »
À sa façon, la cofondatrice de BLM venait de prouver que l’idéologie de
son mouvement rejoignait celle des antifa. Pour les uns comme pour les
autres, il est primordial, au nom de l’antiracisme et de l’antifascisme, d’abolir
la police, les fondements du droit, les frontières et le libre-marché. Et BLM,
comme les antifa, aspire à restreindre la liberté d’expression.

En octobre 2017, à l’université William et Mary College de Virginie, des


étudiants affiliés à BLM ont empêché le directeur de la section locale d’ACLU
de s’exprimer. Tout en relayant la manifestation en direct sur une page BLM,
les étudiants hurlaient : « La révolution ne défend pas la constitution ! » et
« Le libéralisme, c’est la suprématie blanche ! ». Ils ne supportaient pas que
l’ACLU, en se fondant sur le premier amendement de la Constitution, ait
défendu le droit de l’extrême droite à s’exprimer. Quelques temps
auparavant, Cullors avait été interviewée par Katy Tur sur MSNBC. Elle avait
alors affirmé : « Le premier amendement ne protège pas les discours de
haine, dont nous voyons bien qu’ils sont le fait de groupes nationalistes
blancs. »

Bâtir sur du mensonge

Le 9 août 2014, à Ferguson, une banlieue de Saint-Louis dans le Missouri,


un jeune homme noir de 18 ans, Michael Brown, attaquait à main armée une
petite épicerie de quartier. Peu après, il était interrogé par Darren Wilson, un
agent de police blanc. Brown correspondait à la description du suspect établie
par la police. Selon Wilson, Brown l’avait agressé pendant l’interrogatoire,
tentant de s’emparer de son arme. Un coup de feu avait été tiré à l’intérieur
du véhicule. Wilson dit avoir poursuivi Brown, qui s’était subitement
retourné contre lui pour le charger. Brown mesurait 1,95 mètre. Wilson avait
alors fait feu, le tuant sur le coup.
À Ferguson, le meurtre de Brown a déclenché des journées entières
d’émeutes et de pillage. Des manifestations ont eu lieu dans tout le pays.
Grâce aux réseaux sociaux et aux media, qui diffusaient sans relâche la
rumeur selon laquelle Brown s’était rendu, mains en l’air, avant d’être
« exécuté » à bout portant, le narratif BLM était né. D’un bout à l’autre du
pays, le mantra « Mains en l’air, ne tirez pas ! » a jeté dans les rues des
dizaines de milliers de manifestants et de casseurs, qui prétendaient lutter
contre le racisme institutionnel de la police et le système judiciaire américain.

Au mois de novembre de la même année, le grand jury du comté de Saint-


Louis n’a pas voulu poursuivre Wilson, considérant que le tir relevait en
l’occurrence de la légitime défense. Quelques heures après l’annonce de cette
décision, émeutes, incendies et pillages repartaient de plus belle dans le
comté. Des manifestations ont eu lieu dans 170 villes américaines. Les
témoignages avaient tous confirmé la version de Wilson, mais cela n’eut
aucun effet. Nous étions sous la présidence Obama ; les gens ont alors misé
sur le ministère de la Justice, espérant que celui-ci allait poursuivre Wilson.
Eric Holder, procureur général de gauche, s’était montré ouvertement
sensible à la cause de Brown et de BLM. Pourtant, à la déception générale, le
rapport publié par le ministère en 2015, qui s’appuyait sur des preuves
matérielles, des analyses balistiques, des analyses ADN et des témoignages
vérifiés, disculpait lui aussi Wilson.
« Mains en l’air, ne tirez pas ! » était une mystification mise au point par
un ami de Brown, Dorian Johnson, témoin que les enquêteurs avaient déclaré
peu fiable. Quant à ceux qui avaient soi-disant vu Brown « se rendre », ils ont
reconnu avoir simplement répété les rumeurs entendues ici et là, dans les
media notamment.
Ils étaient peu nombreux, les Américains lucides. Ils étaient peu
nombreux, ceux qui avaient su prendre en compte les faits, par-delà le récit
qui avait fait la gloire de BLM et cette mort politiquement sensible. Voilà bien
la puissance des histoires… Brown n’est pas le seul à avoir bénéficié de cette
mythologie mensongère : d’autres, comme Trayvon Martin et Sandra Bland,
ont eux aussi été érigés en martyrs par BLM.
BLM a ouvert la voie aux marxistes radicaux, qui, sous le masque de la
« justice raciale », ont pu infiltrer les media, le monde politique et la société.
C’est là, sans aucun doute, que réside son effet le plus destructeur.

L’IDÉOLOGSIE MARXISTE
BLM est généralement présenté comme un mouvement antiraciste, qui
combat les violences policières commises sur les Noirs et le « racisme
systémique » ; il en va de même des soulèvements du même nom.
L’appellation BLM résulte d’une très efficace stratégie de marque qui masque
la véritable idéologie de ce mouvement, radical s’il en est.

« Black lives matter… Il serait très difficile de ne pas approuver ce


slogan… » constate Carol Swain, politologue à la retraite de l’université
Vanderbilt. Swain, qui est noire, enseigne les sciences politiques, notamment
américaines, et le droit. En août 2017, elle a pris sa retraite anticipée et quitté
Vandebilt. À ses critiques et détracteurs, elle répond qu’il suffit de lire les
publications de BLM et des meneurs du mouvement pour savoir à quoi s’en
tenir. Et de fait, les déclarations des trois fondatrices, Alicia Garza, Patrisse
Cullors et Opal Tometi, expriment clairement leur agenda : banaliser la haine
des forces de l’ordre, du capitalisme, de la liberté d’expression et des États-
Unis.
Si ce discours ne nous est pas totalement inconnu, c’est parce qu’il forme
aussi le noyau dur de l’idéologie antifa, à cette nuance près : BLM n’est pas
nécessairement opposé au concept d’État-nation, dans le cas du moins où il
accéderait au pouvoir…
BLM a été créé en 2013, peu après l’acquittement de George Zimmerman,
un latino qui avait tué par balle Trayvon Martin, un adolescent noir. Les faits
s’étaient déroulés en Floride. Comme Martin avait frappé Zimmerman alors
que celui-ci était au sol, les jurés avaient considéré que l’accusé avait agi en
état de légitime défense.
Depuis sa création, BLM n’a jamais fait mystère de son orientation
marxiste. Il s’inspire de l’héritage du Black power des années 60 et 70,
comme en témoignent les personnalités dont il a fait ses icônes. Ainsi, Assata
Shakur (autrefois connue sous le nom de JoAnne Byron), condamnée pour
avoir tué un policier et toujours en fuite. En juillet 2015, lors de la conférence
de presse de BlogHer qui avait lieu à New York, deux des cofondateurs de
BLM ont animé l’événement en récitant l’extrait d’une lettre de Shakur :

Nous avons le devoir de nous battre pour être libres.


Nous avons le devoir de gagner.
Nous devons nous aimer et nous soutenir les uns les autres.
Nous n’avons rien d’autre à perdre que nos chaînes.

Cette psalmodie est tirée d’un manifeste rédigé par Shakur en 1973, alors
qu’elle était en prison pour avoir pris part au meurtre de Werner Fœrster, un
soldat du New-Jersey. Dans sa lettre, elle se dépeint en « Révolutionnaire
noire » ayant « déclaré la guerre aux riches et à tous les robots sans âme et
sans cœur qui les protègent, eux et leurs biens ». La référence aux chaînes est
directement inspirée du Manifeste du parti communiste.

Pendant les manifestations BLM, on rend hommage à Shakur en récitant


son manifeste et en portant des vêtements à son nom. Il n’est pas anodin
qu’elle soit à ce point révérée au sein du mouvement. Elle appartenait en effet
à une organisation terroriste d’extrême gauche, l’Armée de libération noire,
qui dans les années 70 était entrée en guerre contre les États-Unis : attentats
et braquages en série, assassinats de policiers, etc. Autant d’actions inspirées
par la bande à Baader… En 1979, des membres de l’Armée de libération
noire ont pris en otage des agents pénitentiaires, permettant à Shakur de
s’évader. Celle-ci s’est alors réfugiée à Cuba, où le régime communiste de
Fidel Castro lui a accordé l’asile politique, la traitant en héros de la cause. On
pense qu’elle y vit encore aujourd’hui.
La dévotion que voue BLM au communisme ne se déduit pas uniquement
du culte rendu à Shakur, qui reste une preuve indirecte. Dans un article publié
sur Medium, son blog officiel, article intitulé Les Leçons de Fidel : Black
Lives Matter et le passage de témoin du Comandante, le mouvement pleure la
mort du despote communiste survenue en 2016. « En tant que réseau noir
engagé dans la transformation de la société, nous sommes particulièrement
reconnaissants à Fidel d’avoir accueilli Marna Assata Shakur, qui continue à
nous inspirer » pouvait-on lire. « Nous le remercions d’avoir donné un foyer
au Frère Michael Finney, à Ralph Goodwin et à Charles Hill, d’avoir accordé
l’asile politique au Frère Huey P. Newton et d’avoir offert un sanctuaire à
tant d’autres révolutionnaires noirs persécutés par l’État américain pendant
l’ère du Black power. »

Finney, Goodwin et Hill ont fait partie de la République de la nouvelle


Afrique, organisation marxiste qui appelait à fonder un état ethnique noir en
Amérique du sud. En 1971, ils avaient tué un soldat du nom de Robert
Rosenbloom et détourné un avion à l’aéroport international d’Albuquerque.
Ils comptaient se rendre en Afrique, mais faute d’essence, ils avaient été
contraints d’atterrir à Cuba, qui leur avait accordé l’asile politique.
Huey Newton est un des cofondateurs des Black panthers, plusieurs fois
condamné pour violences. Suite à une fusillade, il avait été impliqué en 1968
dans la mort d’un agent de police d’Oakland. En 1974, il avait été accusé
d’avoir tiré sur une adolescente qui se prostituait.

BLM fait par ailleurs partie du Movement for black lives (M4BL), collectif
d’extrême gauche cultivant lui aussi le projet de renverser le capitalisme et de
déstabiliser les États-Unis. Sur une page qui n’est plus accessible
aujourd’hui, M4BL dressait la liste de ses revendications :

Les systèmes interdépendants de la suprématie blanche, de


l’impérialisme, du capitalisme et du patriarcat structurent la violence à
laquelle nous sommes confrontés. En tant que peuple opprimé vivant aux
États-Unis, épicentre de l’empire global, nous avons du mal à établir les
connections nécessaires à l’émergence d’un mouvement de libération
global. Tant que nous ne sommes pas en mesure de renverser
l’impérialisme états-unien, le capitalisme et la suprématie blanche, nos
frères et sœurs du monde entier vivront enchaînés.

Dans ce contexte précis, les « chaînes » renvoient là encore à la prose


communiste de base. Quant à l’accusation d’« impérialisme américain », elle
se réfère explicitement à la propagande soviétique de la guerre froide, qui
considérait que l’impérialisme ne résidait pas tant dans une volonté
d’expansion territoriale que dans la diffusion du libéralisme politique,
économique et culturel.
De façon naturelle, l’agenda anticapitaliste de BLM est peu à peu descendu
jusqu’aux sections locales du mouvement. Dans le sillage des manifestations,
on saccage systématiquement. Au mois d’août 2020, des scènes de pillage
généralisé se sont déroulées en plein centre de Chicago : sur les réseaux
sociaux, la rumeur avait circulé que la police de la ville venait de tuer un
enfant noir. La rumeur était fausse. Parmi ceux qui avaient activement diffusé
ce mensonge, la section BLM de Chicago. « Si vos règles impliquent le fait de
tirer sur nos jeunes, ne vous étonnez pas que les gens refusent de s’y plier »
avait twitté l’organisation depuis Michigan Avenue, où des milliers de
casseurs s’en donnaient à cœur joie. Sur les vidéos prises en direct et
diffusées sur les réseaux sociaux, la police apparaissait complètement
dépassée, tandis que les pilleurs mettaient à sac des magasins de luxe, Gucci,
Louis Vuitton, Apple, Tesla, etc. Certains conduisaient une voiture volée,
dont ils se servaient comme bélier pour fracasser les vitrines.
À l’aube, on comptait plus de dix officiers blessés. Une centaine de
personnes avaient été interpelées. La police et le maire de Chicago
confirmèrent que les rumeurs concernant le meurtre d’un enfant par la police
étaient infondées.
La police déclara que Larell Allen, 20 ans, se trouvait dans le parc où
jouaient des enfants, armé d’un revolver. Allen était un criminel récidiviste ;
lorsque la police était intervenue, il se serait enfui à toutes jambes et aurait
tiré dans sa direction. La police avait alors riposté, le blessant sans le tuer. Le
revolver retrouvé sur les lieux correspondait à celui qui figurait sur les photos
postées par Allen sur les réseaux sociaux : des photos de lui en train de poser,
arme à la main.

Après cette nuit de pillage intensif, BLM Chicago décida d’organiser une
manifestation de soutien aux casseurs interpelés sur les lieux. L’évènement
s’est déroulé devant le commissariat de South Loop. Ils avaient déployé une
banderole où on pouvait lire la phrase suivante, écrite en majuscules :
« venge-toi et pille ». Le comité a également publié un communiqué : les
vrais pilleurs, y lisait-on, c’étaient les commerçants du centre-ville, qui
n’avaient eu de cesse de spolier la communauté noire. Ariel Atkins,
organisateur de la section locale de BLM, interviewé par NBC Chicago : « Je
me fous que des gens veuillent piller une boutique Gucci, Macy’s, ou Nike.
Au moins, je sais qu’ils auront de quoi manger. »

Le profond mépris qu’éprouve BLM pour le droit à la propriété s’exprime


systématiquement dans les actes et les discours de ses chefs. Ceux qui
douteraient encore de l’agenda marxiste grand-révolutionnaire du comité
n’ont qu’à lire les commentaires d’Alice Garza, Opal Tometi et Patrisse
Cullors.
« Comment en finir avec la criminalité noire ? » se demande Garza dans
un de ses tweets de janvier 2015. « Première chose : comprendre les causes.
La criminalité noire n’est pas une pathologie. C’est le capitalisme qui est
criminel. » En juillet 2016, elle creuse le même sillon sur Twitter : « La
suprématie blanche et le capitalisme sont les causes sous-jacentes de la
violence policière orchestrée par l’État ».
Les propos d’Opal Tometi résonnent de la même façon. En août 2015,
elle écrit sur Twitter : « Je suis contre le capitalisme, je suis pour le
démantèlement du système bipartite qui ne fait rien pour nous ». Puis, en
juillet 2016 : « J’ai partagé les trois défis majeurs auxquels nous sommes
confrontés : 1) le capitalisme mondialisé 2) la suprématie blanche 3) la
suppression de la dissidence/accès à la démocratie ».
Les conceptions marxistes de Patrisse Cullors, la troisième cofondatrice
de BLM, sont on ne peut plus lisibles. Cette femme de 36 ans a été formée et
entraînée par Eric Mann, l’ancien chef de la Weather underground
organization, un groupe terroriste d’extrême gauche en activité pendant les
années 60 et 70. En 1969, Mann a été condamné pour une affaire de tir à
balles réelles visant le siège de la police de Cambridge, dans le
Massachusetts. Il avait purgé une peine de deux ans.
En avril 2019, Cullors, professeur associé du Prescott College en Arizona
où elle enseigne en « Master de justice sociale et d’organisation
communautaire », a pris la plume pour la Harvard Law Review : « Notre
mission ne consiste pas seulement à abolir les prisons, le maintien de l’ordre
et la militarisation mis en œuvre au prétexte de la “sûreté publique” et de la
“sûreté nationale” » écrit-elle. « Nous devons également exiger des
réparations. Nous devons intégrer la justice réparatrice dans le projet de
société que nous voulons pour le XXIe siècle, et au sein même de notre
communauté. » Cullors poursuit en qualifiant les États-Unis de
« commanditaire des pires atrocités en termes de Droits de l’Homme, que ce
soit sur le sol national ou à l’étranger ». Elle n’appelle à rien moins qu’à la
destruction des États-Unis : « L’abolition, cela signifie qu’il n’y a plus de
frontières. L’abolition, cela signifie qu’il n’y a plus de police des frontières.
L’abolition, cela signifie que les lois sur l’immigration et les douanes ne sont
plus appliquées ».
Et si tout cela ne témoigne pas encore suffisamment de la radicalité
marxiste de BLM, on peut se référer à cette interview datée de 2015, réapparue
en 2020 et qui a fait le tour du Net. « La première chose, selon moi, c’est que
nous avons un vrai cadre idéologique. Avec Alicia [Garza], en particulier,
nous avons été formées à l’organisation » dit-elle en interview à Jared Bail du
Real News Network. « Nous sommes des marxistes bien entraînées, de super
spécialistes en idéologie, pour ainsi dire. En réalité, nous voulons mettre sur
pied un cadre qui puisse être utile aux Noirs, à beaucoup, beaucoup de
Noirs ».

Carol Swain, professeur d’université à la retraite, a lancé l’alerte il y a des


années, dénonçant le radicalisme de BLM. Elle n’est pas étonnée du discours
de Cullors. « Il est évident qu’ils avancent : il n’y a qu’à voir la rapidité et la
facilité avec laquelle la police est devenue l’ennemi numéro I, alors même
qu’elle combat ceux qui nuisent aux gens et à l’intérêt général. » Elle
souligne l’effet délétère qu’exerce sur la communauté noire américaine le
désengagement des forces de l’ordre dans l’exercice de leur mission, et leur
réticence à interpeller les délinquants. C’est l’« effet Ferguson », un
phénomène recensé et étudié, essentiellement dû à la peur d’être mis en cause
en cas de mort. En 2016, le ministère américain de la Justice publiait une
étude de Richard Rosenfeld, criminologue à l’université de Saint-Louis.
Selon cette étude, la passivité de la police pendant les émeutes de Ferguson
avait entraîné une hausse des meurtres commis en zone urbaine.

CONVERGENCE DES LUTTES


James Lindsay a co-écrit un essai intitulé Théories cyniques : comment les
études en activisme ne parlent que de race, de genre et d’identité, et pourquoi
cela nuit à tout le monde. Il y épingle BLM, qui a permis au militantisme des
campus de métastaser en tumeur maline et de gangrener l’ensemble de la
société américaine.
« Black lives matter a bénéficié d’une visibilité sans précédent » dit-il.
« On les voyait partout, comme si c’était une question de vie ou de mort. » Le
sentiment d’urgence qui entourait BLM a en effet fait pression sur les libéraux,
toujours prompts à l’empathie : ils ont toléré, voire excusé ses pires
débordements. Qu’il s’agisse de banderoles, de slogans appelant à tuer des
policiers ou de meurtres bien réels, les gens de gauche ont toujours cautionné
BLM.
Si la gauche continue à se réunir pour commémorer la mort de Heather
Heyer à Charlottesville, rares sont ceux qui se rappellent qu’en juillet 2016,
un Noir de 15 ans tuait au fusil cinq policiers. Cela s’est passé à Dallas,
pendant une manifestation BLM. Selon le chef de la police de Dallas, le tireur,
Micah Xavier Johnson, avait tenu un discours victimaire dans la droite ligne
du comité, disant qu’il voulait tuer des Blancs, plus spécifiquement des
policiers blancs. La négociation ayant échoué, la police avait eu recours à un
robot muni d’une bombe pour neutraliser Johnson.

Dix jours plus tard, à Bâton-Rouge en Louisiane, Gavin Eugene Long, un


séparatiste noir de 29 ans connu sous le nom de Cosmo Ausar Setepenra,
tirait sur six policiers et tuait trois d’entre eux. Il a laissé une lettre dans
laquelle il accusait la police, suivant en cela l’idéologie de Black Lives
Matter.

Malgré les violences qu’a provoquées BLM en 2016, malgré les émeutes
de 2020, les media persistent à défendre le mouvement. Joy Reid, reçue en
2020 sur le plateau de MSNBC, l’a affirmé haut et fort : « Il n’y a rien, aucune
preuve, zéro preuve que Black Lives Matter ait prôné la moindre action
violente, ni qu’il ait incité à agresser la police ». Son discours entre en
résonance avec le déni journalistique de la violence antifa, martelé à longueur
d’année, BLM est le vecteur qui a permis aux antifa de diffuser leur idéologie
dans l’opinion. Surfant sur le sentiment d’urgence et la panique ambiante,
ceux-ci ont su tirer profit de la rhétorique du racisme et de la suprématie
blanche.

En 2016, lorsque les militants du Parti républicain commencent à rallier la


candidature de Trump, BLM descend dans la rue pour manifester. C’est à ce
moment-là qu’une alliance informelle se noue entre BLM et antifa. Ceux-ci,
dûment entraînés et prêts au combat, assurent bénévolement le service
d’ordre des manifestations « contre les violences policières ».
En juillet 2016, alors que je suivais une manifestation BLM organisée par
Don’t Shoot Portland, j’ai assisté en temps réel à l’éclosion de leur alliance.
Un des organisateurs en effet avait demandé aux antifa de se mettre sur les
côtés et de former un bouclier humain, protégeant ainsi les Noirs d’une
possible agression des « suprémacistes blancs ».
Ce jour-là, les discours avaient été très loin. « Vous sortez vos putains de
flingues et vous les dézinguez [les flics] ! » a dit un des intervenants au beau
milieu de la place du tribunal Pioneer. « Au final, ce sera vous contre eux. »
La foule avait répondu par des acclamations et des applaudissements. Une
jeune femme s’était énervée contre le « système capitaliste ». En pleine
manifestation, des black blocs avaient expulsé Michael Strickland, un
vidéaste conservateur. Ils l’avaient pourchassé, armés de bâtons. Strickland
avait alors brandi une arme de poing, ordonnant à la foule de reculer avant
qu’il ne s’en serve. Il s’agissait d’une arme autorisée. La police l’a tout de
suite interpelé. Il a finalement été inculpé, entre autres pour usage illégal
d’arme à feu. Il ne s’est rien passé pour ceux qui l’avaient pris en chasse et
menacé physiquement.

Pendant qu’à Portland les liens entre antifa et BLM se resserraient, la


convergence des luttes s’organisait aussi au niveau national. Jeffrey Shaun
King, plus connu sous le nom de Shaun King, est le porte-parole le plus
puissant de BLM sur les réseaux sociaux. Célèbre activiste de gauche (son
compte Twitter compte plus d’un million d’abonnés), King diffuse dans le
monde entier des vidéos, des infos non vérifiées et des stories, habituellement
très suivies par les responsables politiques. La propagation compulsive de
contenus non vérifiés a pourtant fini par lui exploser à la figure.
Plus d’une fois, King a partagé des accusations qui se sont révélées
infondées, fausses ou relevant tout simplement du canular. Fin 2018, il a
déclenché une tempête médiatico-politique en rapportant les déclarations
d’une famille de Houston, qui affirmait qu’un homme blanc aux yeux bleus
avait tué Jazmine Barnes, une fillette de 7 ans. King a collecté l’argent
destiné à servir de récompense (plus de 100 000 dollars) et publié la photo
d’un éventuel suspect. Il se trompait sur toute la ligne : les deux suspects que
la police a arrêtés étaient noirs. La famille de l’homme accusé d’avoir tué
Jazmine a reçu des menaces de mort. Malgré son activisme pour le moins
fantaisiste, King reste très influent. En tant que voix de BLM, les journalistes
continuent à l’apprécier.

Fidèle à la convergence des luttes, King a mis au service des antifa son
énorme force de frappe sur les réseaux sociaux ; il a fait leur publicité, les
présentant comme des interlocuteurs de choix, ceux vers qui se tourner en
premier lieu. En août 2017, il twittait : « Je soutiens les antifa. Pour tout dire,
je leur suis reconnaissant. Plusieurs personnes m’ont dit qu’à Charlottesville,
ils leur avaient sauvé la vie ». Il poursuit, sur le même fil Twitter : « Tout
mon soutien aux communistes et aux socialistes qui s’opposent publiquement
à Trump, à la bigoterie et à la suprématie blanche ».
En mai 2018, il écrit sur Twitter : « Je l’ai dit et je le répète, je suis
reconnaissant à tous les contre-manifestants #Antifa [sic] qui d’un bout à
l’autre du pays combattent la bigoterie. On ne vous aime pas autant que vous
le méritez ». En soutenant l’« action directe » chère aux antifa, King a changé
de braquet : ce qu’il soutient en l’occurrence, c’est le terrorisme.
En juillet 2019, le Centre de détention des services d’immigration et des
douanes américaines de Tacoma fait l’objet d’une tentative d’attentat
commise par Willem van Spronsen, un militant antifa. Deux jours après
l’évènement, King parle de Van Spronsen comme d’un « martyr ». Sur
Twitter, il partage le manifeste laissé par celui-ci, qualifiant le texte de
« lettre magnifique, douloureuse, bouleversante ».

Il arrive qu’au niveau organisationnel, l’association BLM-antifa soit plus


visible encore. En septembre 2017, la section locale de BLM à Washington
DC fait la promotion d’un rassemblement antifa sur son compte Twitter :
« Retrouvez les antifa à 18 heures, place Franklin, pour manifester contre
l’arrivée des fascistes en ville. » En juillet 2019, les mêmes prennent leur
défense, dans le sillage des émeutes de Portland, celles-là même où je m’étais
fait agresser.
« ARRÊTEZ DE DIFFUSER LE NARRATIF BIDON ET DANGEREUX DE LA DROITE SUR LES
ANTIFA DE PORTLAND ET SUR LES ANTIFA EN GENERAL !!! » pouvait-on lire sur leur compte
Twitter. Suivait le lien du site It’s going down.
Bien que les objectifs de BLM et des antifa ne soient pas exactement les
mêmes (le fait par exemple que BLM prône clairement le communisme, plutôt
que l’anarcho-communisme), leurs idéologies respectives se sont greffées
l’une à l’autre, à tel point qu’elles sont aujourd’hui indissociables. À Portland
et à Seattle, Antifa et BLM ne font qu’un ; aux événements qu’organisent les
uns et les autres, on voit les mêmes têtes. La convergence des luttes a
considérablement profité aux deux mouvements : en misant sur la
problématique raciale américaine, les antifa se sont refait une virginité ; quant
à BLM, il bénéficie désormais d’une milice qui ne lui coûte rien.
Flyer pour la manifestation-émeute de juin 2019.
Photo : Popular Mobilisation
Au Commissariat Nord, les casseurs jettent sur la
police des ballons et des préservatifs remplis
d’excréments.
La police de Portland sollicite les internautes pour
qu’ils l’aident à identifier l’individu masqué qui m’a
aspergé avec un spray aveuglant en mai 2019.
Photo : Twitter
CHAPITRE 8

VIOLENCE

« Je viens de me faire tabasser par la foule. Aucun policier en vue ». Tels


sont les premiers mots que l’on entend sur la vidéo que j’ai diffusée en direct
sur Twitter, le 19 juin 2019. Assis par terre devant le tribunal du comté
Multnomah, incapable de me tenir debout, je vois sur l’écran de mon
téléphone mon visage en sang, mes yeux explosés. Joseph Bernstein, reporter
à BuzzFeed News, est à côté de moi. Comme il a assisté à mon agression, je
lui ai demandé d’appeler la police.
Je suis sous le choc, complètement déboussolé, et je m’interroge :
« Qu’est-ce qui vient de se passer, là ? ». Je suis en colère, aussi : « Que
faisait la police ? ». Avant mon tabassage, j’avais signalé à deux reprises
avoir été agressé par les antifa. Plus tôt dans la journée, pendant que je filmai
la manifestation place Lownsdale, un homme masqué s’était mis à me courir
après, me lançant en pleine tête un gobelet de liquide blanc et visqueux.
Ce jour-là, un nouveau groupe antifa, Popular mobilization (ou PopMob),
co-organisait la manifestation. Les bénévoles de PopMob distribuaient ce
qu’ils appelaient des « milkshakes vegan ». Je les avais vu emplir des
gobelets en carton d’un liquide pris dans un seau. Le gobelet que j’avais reçu
sur la tête était imprimé du logo à trois flèches de l’Iron Front{28}.
J’avais raconté l’incident à un policier qui se tenait aux abords de la
manifestation, en observateur. Un de mes amis qui pigeait pour le site d’infos
Federalist avait assisté à la scène et pris en photo celui qui m’avait agressé. Il
l’avait également désigné à la police. L’officier de police m’a fait savoir qu’il
pouvait certes prendre note de ma déclaration, mais qu’il n’irait pas voir le
type masqué, pas plus qu’il ne l’interrogerait.
Cette première micro-agression était un signal que m’envoyaient les antifa
pour me faire comprendre que je devais quitter les lieux. J’ai réfléchi : que se
passerait-il si je leur donnais satisfaction ? Des reporters qui travaillaient pour
des chaînes locales s’étaient déjà laissé intimider. Depuis, pour garantir leur
sécurité, ils ne filmaient plus qu’à distance. Si je quittais les lieux, je laissai le
champ libre aux antifa et je leur envoyais le signal qu’il n’y avait qu’à me
menacer pour me faire taire. Je suis donc resté.
Un groupe de black blocs s’est alors mis à me suivre, me barrant
systématiquement le passage. Je les ai ignorés et j’ai continué mon chemin
comme j’ai pu. Ils sont restés sur mes talons, tout en faisant des messes
basses. Apparemment, ils appliquaient des consignes qu’on leur donnait en
temps réel. Non loin de là, la police parlementait avec un individu masqué
qui tenait une batte en métal. Il a d’abord refusé de la leur remettre, pour
finalement la jeter sous une voiture. Il n’a pas été interpelé.
Conscient des risques, j’avais demandé à Bill Bradley de m’accompagner,
pour jouer le garde du corps au cas où les choses tourneraient mal. Bill
Bradley dirigeait une salle d’arts martiaux locale. Adhérent de longue date
aux Socialistes démocrates d’Amérique, il bénéficiait d’une certaine
réputation chez les activistes de la ville. Nous n’étions pas d’accord sur tout,
mais il considérait que je devais être libre de rendre compte de tout
évènement public. Je ne m’étais jusqu’alors jamais vraiment soucié des
questions de sécurité, mais comme les antifa s’en étaient pris à moi un mois
plus tôt, je préférai prendre quelques précautions.
Le 1er mai 2019, pendant May Day{29}, une émeute avait réuni antifa et
manifestants devant le Cider Riot, un pub antifa du nord-est de Portland. À
moitié caché par un camion, je filmai l’événement avec mon portable
lorsqu’une femme masquée, tout en noir, avait soudain piqué un sprint pour
venir m’asperger le visage de gaz lacrymogène. Aveuglé, j'avais dû quitter la
manifestation. La peau m’avait brûlé pendant des jours. L’agression, que j’ai
signalée à la police, avait été filmée, mais aucun suspect n’a jamais pu être
identifié.
Naïvement, je pensais être paré en ayant un garde du corps en civil à mes
côtés. Avantage supplémentaire, Bradley était un gauchiste notoire. Pourtant,
les liens qu’il entretenait avec les activistes locaux se sont révélés
dangereusement fragiles : les antifa lui ont hurlé dessus, l’accusant de
« défendre un fasciste » et de trahir sa communauté. Parmi ceux qui
vociféraient, une de ses ex-petites amies. L’objectif étant de m’isoler, ce fut
une belle réussite : en quelques instants, Bradley a flanché, tourné les talons
et battu en retraite. Après son départ de la place Lownsdale, je ne l’ai plus
revu. Aussitôt, quelqu’un s’est dirigé vers moi et m’a à nouveau jeté du
liquide à la figure. Mes lunettes de piscine ne m’ont pas protégé, j’ai reçu un
peu de matière blanche dans l’œil. Je signalai l’agression au même agent de
police, qui me fit la même réponse que précédemment.
Les manifestants se sont mis à défiler. Je les ai suivis : après tout, s’ils se
contentaient de me jeter du liquide à la figure, c’était de l’ordre du
supportable. Voilà du moins ce que je croyais…

Les manifestants ont entonné leur habituelle rengaine contre la police, le


fascisme, le racisme, Trump et les Proud Boys. L’événement avait été co-
organisé par Rose City Antifa et PopMob, en vue de contrer la manifestation
patriotique des Proud Boys, fraternité étudiante pro-Trump qui s’était
rassemblée à l’autre bout du centre-ville. La section locale des Socialistes
démocrates d’Amérique est arrivée pour défiler avec ses camarades, arborant
des banderoles rouges. Le Front de libération de la jeunesse était également
présent, muni d’une bannière grand format.
J’ai continué à filmer, tenant mon portable d’une main, et de l’autre une
perche munie d’une caméra GoPro. La police était tellement loin qu’on ne la
voyait pas. Quelques antifa masqués se sont emparés de plots de signalisation
avant de détaler. C’était le signe que quelque chose se préparait.

Je marchai toujours, témoignant en direct de ce que je voyais à mes


followers sur Twitter. Le porte-parole officieux de Rose City Antifa marchait
à mes côtés en me fixant du regard. J’essayais de ne pas le regarder. Depuis
2017, il se fait régulièrement interpeler à Portland, pour être de toutes les
manifestations qui tournent mal. À cette époque, il devait passer en jugement
pour avoir harcelé un employé de la ville qu’il accusait de fascisme.
Je pressai le pas. La manifestation a bifurqué pour défiler devant le
tribunal du comté Multnomah. C’était là qu’en 2016 j’avais vu un homme se
faire prendre en chasse par la foule. Il avait été jugé et condamné pour avoir
brandi son pistolet devant la meute qui le menaçait.
Après qu’on m’a donné des coups de pied, martelé la tête à coups de
poing, volé ma caméra, j’ai perdu l’équilibre pour me retrouver à terre,
devant le tribunal. « Mais qu’est-ce que vous foutiez ? » Voilà la première
question que j’ai posée aux secours lorsqu’ils sont arrivés. J’avais haussé le
ton. Ils m’ont appris que je devais rebrousser chemin et marcher jusqu’au
Palais de justice : une ambulance passerait me prendre devant le
Commissariat central. La circulation avait été interrompue à cause des
émeutes ; quant aux secours, ils devaient dans les plus brefs délais partir en
sens inverse pour aller prêter main-forte à la police.

Bernstein, reporter à BuzzFeed, a accepté de m’accompagner jusqu’au


commissariat. Dans le cadre d’une de ses enquêtes, il avait fait le chemin
depuis New York pour rencontrer des journalistes qui ne croyaient pas aux
crimes de haine… Sa démarche était évidemment partisane, mais j’espérais
qu’il se rendrait compte que je n’étais pas la caricature d’extrême droite que
certains m’accusaient d’être.
Le matin même, dans le café du centre-ville où nous avions petit-déjeuné,
nous avions longuement discuté. Je savais qu’il avait commis quelques
enquêtes délibérément biaisées sur des personnalités de droite, mais
j’appréciais son professionnalisme et sa cordialité. Il portait un gilet pare-
balles, et avait pris un casque en Kevlar. J’ai pensé qu’il en faisait un peu
trop : comme je le lui ai dit ce jour-là, les antifa harcèlent et malmènent les
journalistes, certes, mais de là à vouloir les tuer… Quelques heures plus tard,
j’allais regretter d’avoir été si confiant.
Il nous a fallu sept minutes pour arriver au commissariat, sept minutes qui
m’ont paru interminables. Le liquide que l’on m’avait jeté à la figure avait
imprégné mes plaies et j’avais le visage en feu. Trois semaines plus tard, dans
un article publié sur BuzzFeed, Bernstein évoquerait ce moment. L’article en
question ne portait plus sur les experts en crimes de haine imaginaires, mais
sur les évènements du jour.

Au commissariat, deux secouristes ont installé Ngo sur un brancard. Ils l’ont
mis à l’arrière de l’ambulance ; j’ai alors remarqué que Ngo était sur Twitter.
Il a demandé aux secouristes que je puisse rester avec lui. C’est là que je me
suis rendu compte d’une chose : il avait perdu sa caméra GoPro, son copain
pigiste avait disparu dans la nature, et j’étais le seul témoin de son agression,
journaliste qui plus est. Je suis monté à l’avant et nous avons roulé des
collines du sud-ouest de Portland jusqu’à l’hôpital universitaire de l’Oregon.
C’est vrai, j’étais sur Twitter, pour savoir si quelqu’un avait pu filmer mes
agresseurs ou les prendre en photo. Je voulais la justice. À l’hôpital, on m’a
emmené aux urgences, toujours sur mon brancard. Bernstein est resté avec
moi. Naïvement, je le considérais comme mon gardien. Pendant que je me
faisais lyncher, c’était le seul à ne pas avoir ri, ni applaudi. En réalité, il
n’était resté que pour glaner des infos pour son article. Avant de partir, il m’a
demandé si tout cela en avait valu la peine. J’ai répondu que non. À l’instar
de celle de mes détracteurs, sa position était très cynique : il pensait que
j’avais délibérément cherché les ennuis pour faire le buzz.

CIMENT À PRISE RAPIDE ?


Il y avait du monde aux urgences cet après-midi-là. J’ai appris plus tard
qu’ici, on soignait les gens blessés pendant l’émeute. Dans la pièce d’à côté,
un patient a commencé à hurler. La femme qui l’accompagnait appelait au
secours. Un groupe d’infirmières et de médecins est arrivé en courant. Je ne
savais pas précisément de quoi il retournait, mais au sol, j’ai pu voir du sang,
des fluides corporels.
Plusieurs heures ont passé sans que je sois examiné. À tort, j’ai interprété
cela comme un signe positif. Je n’étais obsédé que par une chose, prendre une
douche. Sur mon visage, dans mes cheveux, le liquide que l’on m’avait lancé
avait séché et durci. Je voyais un peu flou. Je me suis demandé combien ce
passage à l’hôpital allait me coûter. Je l’ignorais à l’époque, mais Michelle
Malkin, une activiste conservatrice, avait lancé une cagnotte en mon nom.
J’ai fini par être emmené en chaise roulante jusqu’à une autre pièce, où on
m’a fait passer un scanner de la tête.

Quelques reportages de la presse locale sur les émeutes du jour


commençaient à sortir, régulièrement réactualisés par les éléments
qu’apportait la police de Portland. Voilà leur communiqué :

Aujourd’hui, on nous a signalé de multiples agressions pendant les


émeutes. Des projectiles ont été lancés sur les manifestants et sur la police.
On nous a également signalé que dans la foule, certains utilisaient des gaz
lacrymogènes et du répulsif à ours. Pendant les incidents, les forces de
l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène.

On a signalé que quelques individus lançaient des « milkshakes »,


gobelets remplis d’une substance mélangée à ce qui pourrait être du
ciment à prise rapide.

Beaucoup de gens ont fait une fixation sur ce que la police avait déclaré, à
savoir qu’il n’était pas impossible que les « milkshakes » susmentionnés aient
pu contenir du ciment à prise rapide. De quoi provoquer une intense partie de
ping-pong entre police et journalistes sensibles à la cause antifa, ces derniers
entendant réfuter l’hypothèse. Dans un rapport de police datant du jour, le
lieutenant Richard Stainbrook a écrit qu’une femme, couverte d’un liquide
épais, lui avait dit que le gobelet était rempli de Quickrete, un mélange qui
sert à faire du béton. Le ciment présente un PH élevé et peut causer des
brûlures.
« J’ai examiné cette femme, dont la tête et les épaules étaient couvertes
d’une substance grisâtre qui commençait à sécher. Je fais à l’occasion des
travaux, et j’utilise du béton, plus précisément du Quickrete. C’est un
mélange que j’ai souvent utilisé pour faire du béton » écrit Stainbrook. « La
substance qui recouvrait cette femme sentait le Quickrete. J’ai par ailleurs
remarqué qu’en séchant, elle prenait une consistance crayeuse, ce qui d’après
mon expérience correspond à du béton en train de sécher. »
Des journalistes de gauche, comme Katie Shepherd, une ancienne du
Willamette Week, ont à cette occasion commis une petite fantaisie : l’équipe
du journal s’est prise en photo en train de bombarder un mannequin à coups
de crème glacée enrichie au Quickrete. Le conseiller en sécurité publique du
maire a pris le parti de la police : on lui avait signalé qu’une personne, qui
avait elle aussi reçu un milkshake au visage, s’était plainte d’avoir la peau et
les yeux irrités. Quoi qu’il en soit, la police de Portland n’a finalement pas
récupéré d’échantillon pour analyse.
En dehors des observations de terrain du lieutenant et d’un mail de
menaces envoyé à la police, lequel comprenait la recette du fameux ciment-
shake, il n’existe pas de preuve concluante confirmant l’hypothèse de la
police. L’accent mis sur cette histoire de ciment à prise rapide, juste après les
émeutes, était un moyen de faire diversion. J’ignore en vérité la nature de ce
qu’on m’a lancé à la figure ce jour-là. Le visage me démangeait, certes, mais
c’était peut-être à cause des contusions et des plaies. À Portland, lors de
précédentes émeutes, des black blocs avaient rempli des ballons d’urines,
d’excréments et de produits chimiques, avant de les expédier au lance-pierre.

LE LANCER DE MILKSHAKE
En distribuant gratuitement des milkshakes, PopMob avait clairement
annoncé la couleur. Le chef de PopMob fait partie d’un syndicat marxiste
révolutionnaire et anarchiste, les Travailleurs industriels du monde. PopMob
avait baptisé l’événement « Shake back the streets » (« On va secouer la
rue ! »). Pour le promouvoir, des affiches et une vidéo montraient un jet blanc
dressé vers le ciel. Au stade de Providence Park, pendant un match des
Timbers, PopMob avait distribué des centaines de flyers appelant les
« antifascistes » à venir combattre « la violence fasciste ». Tout ceci n’était
qu’un message subliminal adressé aux manifestants : on allait passer au
lancer de milkshake. En aspergeant leurs ennemis, les antifa les désignent à la
vindicte et les humilient à la fois.

Le lancer de milkshake a fait son apparition au Royaume-Uni pendant les


élections européennes de 2019, lorsque Nigel Farage et quelques autres
personnalités en ont fait publiquement les frais. Sur les réseaux sociaux, le
lancer de milkshakes avait suscité les louanges et l’enthousiasme quasi
systématique des électeurs du parti travailliste, des militants anti-Brexit et de
la gauche en général, qui y voyait une reformulation du traditionnel lancer de
tomates. Le geste a rapidement été repris par la gauche américaine. Selon
Eater, site gastronomique réputé appartenant à Vox, le lancer de milkshake
est une « forme de dissidence » non violente. Comme de bien entendu, les
journalistes qui ont défendu et cautionné le lancer de milkshake n’ont jamais
fait l’expérience d’en prendre un sur la tête. En apparence, le jeu semble
relativement inoffensif : on jette du lait, ou un liquide approchant à la figure
de quelqu’un pour l’humilier et salir ses vêtements. Les journalistes oublient
ce faisant qu’un liquide dense, s’il arrive dans l’œil, peut aveugler. Par
ailleurs, le lancer de milkshake permet de marquer quelqu’un, et de le
désigner comme cible à de potentiels agresseurs.
Au milieu d’une foule masquée, on ne peut jamais savoir précisément ce
qui nous est jeté à la figure. Compte tenu du fait que le Royaume-Uni connaît
le taux d’agressions à l’acide le plus élevé au monde, il est tout de même
inquiétant que la gauche anglaise se soit empressée d’applaudir. En ce qui me
concerne, j’ai un doute : je ne crois pas que les gens qui m’ont lancé objets et
boissons à la tête tandis que je m’éloignais en titubant savaient qui j’étais. Je
pense même qu’ils n’en avaient pas la moindre idée. À ce stade, mon visage
n’était pas reconnaissable, recouvert de substances en tout genre. En
l’occurrence, me lancer un milkshake avait sans doute plutôt pour fonction de
me désigner comme cible.

HÉMORRAGIE SOUS-ARACHNOÏDIENNE
Après quelques heures passées aux urgences, sur le brancard et dans la
salle d’attente, un médecin est enfin venu me communiquer les résultats du
scanner. J’avais une hémorragie sous-arachnoïdienne. Ce terme médical
m’était inconnu. « Vous avez une hémorragie cérébrale, dans la partie
supérieure du cerveau » m’expliqua-t-il. N’ayant jamais souffert de
traumatisme crânien ni de lésion cérébrale, je n’ai pas saisi la gravité de la
situation. « Qu’est-ce qu’on fait, alors ? » ai-je demandé. Je pensais qu’on
allait me renvoyer chez moi en me disant que tout allait bien. Pas du tout :
l’hôpital allait me garder en observation pendant 24 heures. Comme
beaucoup de jeunes gens, j’avais été induit en erreur par l’hubris de me croire
invincible.
Cette nuit-là, on m’a installé dans une chambre individuelle. Je n’aspirais
qu’à dormir. La journée, riche en événements, semblait ne jamais devoir finir.
Mais l’infirmière m’a dit que si je m’endormais, on me réveillerait pour voir
comment j’évoluais sur le plan physique et cognitif. Les tests, qui avaient lieu
toutes les heures, consistait à répondre à des questions simples, à suivre un
mouvement des yeux, et à réagir aux sollicitations physiques.

Pendant des heures, je suis resté allongé, me demandant quelle pouvait


bien être la motivation de ceux qui, soi-disant, luttent pour les gens de
couleur et qui, en même temps, n’hésitent pas à molester un d’entre eux. Les
rires de la foule pendant que l’on me frappait résonnaient dans ma tête. Je me
suis maudit de n’avoir pas agrippé ma caméra au moment où on me l’avait
arrachée : avec la vidéo, j’aurais disposé d’un élément essentiel pour
identifier mes agresseurs. J’essayais de penser à autre chose, ou même de ne
penser à rien, mais mon visage tuméfié et mon crâne me brûlaient, me
ramenant sans cesse au moment de l’agression.

Aujourd’hui encore, je suis sous traitement. Mes premières semaines de


convalescence ont été particulièrement difficiles. Interviewé par CNN ou Fox
news dans la foulée de l’agression, j’avais du mal à parler et à articuler, je
bégayais. Lorsqu’il m’arrive de tomber sur les interviews que j’avais
accordées à New Day et à Tucker Carlson Tonight, ou sur des captures
d’écran, l’émotion m’envahit. J’avais le visage tuméfié, contusionné de
partout, je tremblais.
Plus tard, j’ai appris que Bill Bradley, le professeur d’arts martiaux
gauchiste qui m’avait laissé tomber, s’était fait menacer, rien que pour avoir
été à mes côtés. Des antifa lui avait envoyé un message anonyme et plutôt
inquiétant.
« Je suis conscient qu’à ce moment-là, vous pensiez faire ce qu’il fallait et
que vous avez cru protéger un journaliste innocent [Ngo] de possibles
violences. Néanmoins, vous devez admettre qu’avoir pris cette initiative le
weekend dernier était une erreur due au manque d’informations » pouvait-on
lire. S’ensuivait la présentation des options que la communauté antifa de
Portland daignait lui accorder :

À l’heure actuelle, votre position consiste à accuser les antifascistes et


à condamner ce qu’ils ont fait le 29 juillet. Examinons ce qui va se passer
si vous persistez dans cette voie. Cette semaine, vous allez déclarer que
vous êtes pour la non-violence et que les actions commises dimanche
dernier sont injustifiées et condamnables. Vous allez défendre le droit de
chacun à vivre en sécurité dans cette ville, et en déduire qu’il est
impossible de cautionner l’agression par les antifa d’un reporter innocent.
En faisant cela, vous allez vous aliéner pratiquement toute la communauté.
Car la communauté ici connaît bien le contexte, elle sait par expérience ce
que c’est que de subir des discours de haine, et de devoir constamment
rester sur ses gardes, que d’avoir des amis à l’hôpital à cause des
mensonges répandus par Andy Ngo. À ce moment-là, ils seront nombreux
à résilier leur abonnement, à ne plus se rendre à votre salle de sport et à
laisser des commentaires négatifs sur le Net. Certains pourraient même
vous en vouloir de cautionner des opinions fascistes, et se venger en
pourrissant la réputation de votre salle de sport.

L’autre option consistait à transformer sa salle de sport en centre


d’entraînement antifa.

Il existe une autre option, qui revient à approuver publiquement l’action


antifasciste en tant qu’elle constitue une forme de protection de la
communauté. Voilà qui susciterait un soutien massif de sa part. D’un autre
côté, cela risque aussi de faire de votre salle la cible des extrémistes [de
droite], qui pourraient s’en prendre directement à votre entreprise, comme ils
l’ont fait le Ier mai dernier au Cider riot. J’ai conscience que cette prise de
position peut vous faire peur, à cause des conséquences qu’elle risque
d’entraîner pour votre affaire. Néanmoins, en choisissant cette option, vous
aurez le soutien de la communauté, qui sera prête à financer la réparation des
dégâts, et à poursuivre en justice ces gens, si jamais ils venaient dans
l’intention de s’en prendre à vos clients ou à votre salle.
Le mail se concluait par la déclaration suivante : « On en apprend
beaucoup sur quelqu’un en regardant ses ennemis. En ce moment même,
l’occasion se présente de prendre parti contre la haine au sein de notre
communauté. Réfléchissez, s’il vous plaît : qui voulez-vous vraiment
dénoncer publiquement ? Réfléchissez bien avant de prendre votre décision. »
Bradley a rejeté les deux options proposées dans le mail, tout comme il a
refusé de me condamner. Depuis lors, les antifa de Portland veulent détruire
la réputation de son entreprise, se répandant en mensonges sur son compte.

LÉGITIME DÉFENSE
Mon chemin vers la guérison, encore aujourd’hui, comporte des soins
physiques, psychologiques, cognitifs, ainsi que de l’ergothérapie. J’ai des
problèmes de vue, je souffre de troubles de la mémoire et de l’équilibre. Mais
le plus grand défi pour moi reste cette peur, aussi handicapante que
paradoxale : la peur d’être parmi les gens et la peur d’être seul. Lorsque je
fais mes courses ou que je retourne à ma voiture, j’ai régulièrement des
flashbacks, angoissé à l’idée que, dans mon dos, quelqu’un est peut-être en
train de s’élancer pour me frapper.
Je ne voulais plus déménager, mais les antifa connaissaient mon adresse.
En décrivant ces angoisses à ma psy, elle me répondit que cela lui faisait
penser au PTSD. Syndrome de stress post-traumatique ? Dans mon esprit,
c’était réservé aux gens qui avaient vécu une guerre, un viol ou d’autres
horreurs du même genre. Elle m’a dirigé vers un spécialiste. La violence dont
j’ai notamment fait l’expérience avec les antifa ne se limite pas à celle que
j’ai vécu ce jour-là, ni même aux émeutes en général. La passion des antifa
pour la violence est si puissante qu’ils en arrivent même parfois à se retourner
contre les leurs. Le 4 août 2018, à une manifestation qu’ils organisaient, des
black blocs ont frappé un gauchiste de leurs amis à coups de club de golf.
Pour quelle raison ? Paul Welch avait commis la regrettable erreur d’arborer
un drapeau américain. Pensant qu’il était de droite, les antifa l’avaient alors
frappé avant de le laisser, baignant dans le sang qui coulait de son crâne. « Je
me suis effondré, sous le choc. Il m’a fallu quelques secondes pour me rendre
compte que certains me donnaient des coups de pied. J’essayai de protéger
ma tête » raconte Welch.

Début 2016, le ministère de la Sécurité intérieure et le FBI ont commencé


à alerter les autorités locales et fédérales : l’extrême gauche et les antifa
étaient de plus en plus impliqués dans la « violence terroriste sur le sol
national ». La violence constitue certes une donnée essentielle de leur
stratégie, mais elle reste toujours au service de l’idéologie. La stratégie
s’adapte, elle évolue en fonction du contexte. Leur extrémisme en revanche
reste constant.
En août 2019, la journaliste de NBC Dasha Burns s’est entretenue avec
Rose City Antifa pour une interview filmée. Face à son interlocuteur masqué,
elle a évoqué sans détour les violences urbaines commises par le groupe.
« Nous considérons le fascisme comme une idéologie intrinsèquement
violente. En conséquence de quoi, quand nous perturbons son organisation,
cela relève à nos yeux de la légitime défense » avait répondu l’homme, qui
portait un sweat-shirt à capuche imprimé de l’emblème de Rose City Antifa,
les yeux dissimulés par des lunettes de soleil.
« Donc, si je comprends bien ce que vous dites, lorsque des groupes
d’extrême droite viennent ici, organisent des rencontres et des manifestations,
il n’est pas nécessaire qu’ils donnent le premier coup pour que vous
réagissiez violemment ? » a demandé Burns. Son interlocuteur n’a pas
répondu à la question. « Lorsqu’ils viennent à Portland, ces groupes ont pour
intention d’agresser les gens. » Pure pétition de principe qui légitime la
violence…
Il est rare d’entendre les antifa : ils n’aiment pas beaucoup être filmés et
ils entretiennent avec les journalistes des relations empreintes d’hostilité,
voire de violence. Aux États-Unis, le groupe de Portland fait partie des rares
qui acceptent de parler aux media, leur accordant des entretiens préparés à
l’avance. Leurs porte-paroles sont habillés en black blocs et s’expriment bien.
Ils maîtrisent l’art d’esquiver les questions qui mettent leur extrémisme en
exergue.
Lors de l’interview à NBC, l’homme au masque n’a à aucun moment
qualifié de « violences » les actions de son groupe. Il a pris garde de toujours
les désigner du terme de « légitime défense », même lorsque la journaliste l’a
interrogé sur les agressions armées et les jets de projectiles. Rose City Antifa
s’en tient scrupuleusement à cette ligne, car depuis les émeutes de 2017 qui
l’ont fait connaître, les faits et gestes de ses adhérents sont surveillés de près.
« Nous n’allons pas nous excuser. C’est un fait, combattre le fascisme, à
un certain moment, demande de militer physiquement » a posté Rose City
Antifa sur son compte Facebook en 2017. « Par essence, l’antifascisme est
une forme de légitime défense, car le fascisme a pour objectif d’exterminer
une majorité d’êtres humains. »

VIOLENCE URBAINE ET PROJET VERITAS


Entre 2016 et 2019, les Américains ont pu avoir un aperçu de ce
qu’étaient les violences urbaines. Tous les deux ou trois mois, de grandes
rixes éclataient, généralement dans le centre des grandes villes des côtes
ouest et est. Le plus souvent, ces épisodes se déroulaient à Portland, ville qui
en 2017 acquit la réputation d’être l’épicentre des violences antifa.

Pendant ces années-là, j’ai pu observer de près quelques-unes des


tactiques destinées à provoquer ce déchaînement collectif de violence. La
stratégie est simple : annoncer qu’un rassemblement va avoir lieu en réaction
à un évènement censé venir de l’extrême droite, s’y rendre en black bloc,
utiliser des bombes lacrymogènes, des matraques, des battes de base-ball, des
bâtons et des poings américains. Vous remarquerez que les armes à feu ne
figurent pas sur la liste, ce qui ne signifie pas que personne ne vient armé. En
réalité, certains viennent bel et bien avec des armes, mais de façon générale,
les antifa ne cherchent pas à faire de nombreuses victimes. Du moins pas
pour l’instant : ils savent que le rapport de force est encore en faveur de l’État
et qu’en cas de meurtre, leurs camarades passeraient en jugement, ce qui ne
manquerait pas de compromettre tous leurs réseaux.

L’État américain a un bon palmarès en matière de terrorisme d’extrême


gauche : il a su en identifier les acteurs, dont beaucoup ont été jugés et
incarcérés. L’État a en l’espèce fait preuve d’une telle efficacité que les
jeunes générations ignorent que, dans les années 6o et 70, il existait un
terrorisme de ce type dans leur pays. Quant aux media, leur parti-pris
idéologique les pousse à ne cibler que l’extrémisme de droite.
En travaillant avec les sections locales de la police, le FBI avait notamment
arrêté les membres de groupes terroristes communistes, comme les Black
panthers, Weather underground, ou l’Organisation communiste du 19 mai.
Dans les années 80, l’action de l’État avait complètement désorganisé ces
structures, qui avaient dû renoncer à l’action directe. Certes, les antifa
révèrent leurs anciens héros, et comme eux, ils souhaitent renverser l’État.
Néanmoins, pour ne pas être arrêtés, ils éviteront de commettre les mêmes
erreurs.
Leur stratégie consiste aujourd’hui à créer un système décentralisé de
cellules et de petits groupes qui, grâce à une propagande protéiforme et à des
lectures orientées, partagent la même ligne idéologique. Ils reconnaissent que
les tactiques maximalistes, comme l’assassinat groupé de policiers ou
d’hommes politiques, sont bien trop risquées. L’objectif consiste au contraire
à infliger le maximum de dégâts sans qu’il y ait mort d’homme. Il s’agit de
maintenir un niveau constant d’émeutes pour monopoliser et épuiser les
ressources de l’État, tout en sapant le moral des forces de l’ordre.
Les bombes lacrymogènes, les poings américains et les matraques ne
coûtent pas cher et permettent de déployer une véritable armée qui, pendant
les émeutes, se livre au vandalisme et commet des agressions de faible
intensité.
Cela complique les arrestations et permet de préserver l’illusion que « les
antifa n’ont jamais tué »…

Rares sont ceux qui comprennent que les antifa sont spécialement formés
aux violences urbaines. Les media, lorsqu’ils en parlent, mettent presque
toujours l’accent sur le fait qu’ils ne sont « pas organisés », qu’ils ne
constituent « pas un groupe ». Ce n’est pourtant pas par l’effet du hasard si
des militants vêtus du même uniforme organisent de concert agressions et
destructions. Project Veritas, média d’investigation, a réussi ce que je pensais
impossible, à savoir l’infiltration de Rose City Antifa, organisation connue
pour sa méfiance et son opacité. De 2017 à 2018, un de leurs journalistes a pu
intégrer le groupe sous couverture. Il y est resté plusieurs mois. Ses vidéos et
ses comptes-rendus (lesquels à ce jour restent les seuls documents à avoir
fuité d’un groupe antifa) ont permis d’accéder aux coulisses du recrutement,
de la radicalisation et de la formation des aspirants « antifascistes ». C’était
une grande première.
En juin 2020, Project Veritas a publié la première vidéo d’une série
intitulée #ExposeANTIFA. Un journaliste masqué, sous le pseudo de Lion,
commente les images. Pour des raisons de sécurité, ni son visage ni son
identité n’apparaissaient. Coopérer avec les forces de l’ordre constitue pour
les antifa un péché mortel, suivi de près par la trahison. À l’image, Lion porte
un sweat à capuche noir portant l’inscription Rose City Antifa. Depuis 2017,
pendant les émeutes, les manifestations, ou lorsqu’ils passent dans les media,
les membres de l’organisation portent parfois des vêtements siglés. Ils le font
en partie pour des raisons de propagande. À Portland, cela accroît leur
notoriété, tout en leur permettant de sympathiser entre camarades. Rose City
Antifa, c’est un gang. Les deux drapeaux antifa se détachent sur la silhouette
de l’Oregon, et les mots « Combat le fascisme depuis 2007 » s’ornent d’une
rose rouge.
La vidéo du Project Veritas s’ouvre par un discours de Lion : « Depuis le
mois de juillet… [censuré], j’infiltre Rose City Antifa. Si les circonstances
font qu’un jour, je me fais attraper ou démasquer, les choses risquent de
dégénérer. Ils seront violents ». C’est un doux euphémisme.
Sur la vidéo, on assiste aux séances clandestines d’entraînement qui se
déroulaient au centre communautaire féministe In Other Words, librairie
féministe et espace communautaire aujourd’hui fermés. Créée en 1993 par un
sociologue de l’université de Portland et par deux militantes œuvrant dans le
domaine de la santé, la librairie s’est surtout fait connaître en devenant le lieu
de tournage de la série comique Portlandia, diffusée sur IFC. Fred Armisen et
Carrie Brownstein y jouaient le rôle de deux libraires féministes absolument
dénuées d’humour. La plaisanterie était sans doute trop réaliste : en 2016, la
librairie a publiquement interdit le tournage de la série, accusant celle-ci
d’être raciste et « trans-misogyne », lui reprochant aussi de contribuer à
l’embourgeoisement du quartier.

À Portland, on aime bien In Other Words, ce lieu sympa et un peu décalé.


Pourtant, en coulisses, l’enquête de Project Veritas a révélé que la librairie
prêtait ses locaux à des militants extrémistes.
En 2017, lors d’un entraînement à In Other Words, un barman de Portland
apprend aux futurs antifa l’art et la manière d’avoir une arme sur soi sans que
la police ne la voie. « Ne faites pas comme ce connard qui se fait prendre en
photo avec son poing américain à la con » disait-il. « C’est un coup à ce que
les flics se disent : parfait, ces débiles, on peut les coller au tribunal, il n’y a
qu’à voir comment ils sont violents. C’est vrai qu’on est violent, mais putain,
il ne faut pas le montrer ! » Une autre fois, Cifuni conseille à ses recrues de
« s’entraîner à pratiquer l’énucléation » parce qu’« avec les yeux, il n’y a pas
besoin d’appuyer fort pour blesser ».
Les propos choquants que l’on entend sur ces images tournées en caméra
cachée ont confirmé mes soupçons : la mouvance antifa fonctionne bel et
bien comme une armée, que ce soit dans les tactiques mises en œuvre ou dans
les techniques de combat. Les antifa sont entraînés à faire mal et à mutiler.
« Soit Rose City Antifa et les groupes de cet acabit attirent les gens déjà
violents, soit ils les rendent violents et agressifs. La plupart, si ce n’est tous,
ont un jour caché une arme sur eux » écrit Lion dans un de ses textes, dont
j’étais à l’époque le seul lecteur. Pour pouvoir prendre part aux affrontements
et à l’action directe, il fallait que Lion suive les cours d’« auto-défense ».
C’est à cette occasion qu’on lui a appris, comme à d’autres, à « anéantir »
l’ennemi.
« À ce propos, détruire son ennemi, ce n’est pas lui coller une bonne
droite, droite-gauche-droite, tu vois ? » lui a-t-on dit lors d’une autre session
à la librairie. Sur l’enregistrement, on entend : « Ce n’est pas de la boxe, ce
n’est pas du kick-boxing. Non, on anéantit l’ennemi ».

LIBRAIRIES
Qu’une librairie serve aux antifa de centre d’entraînement clandestin n’est
pas propre à Portland. Il existe en réalité tout un réseau de librairies et de
« centres communautaires » prévus à cet effet, dont le Collectif Lance-pierres
est le plus réputé. Sur le site du collectif, tous ces lieux affinitaires sont
répertoriés par continent. Je recommande à mes lecteurs de consulter ce site
pour voir quels sont les espaces de ce type en activité dans leur état ou leur
ville.
Avant de fermer, In Other Words faisait partie du collectif en question. Il
n’y a rien d’étonnant à trouver des librairies d’extrême gauche sur les côtes
est et ouest des États-Unis, elles-mêmes libérales. Pour autant, les états où
l’on vote majoritairement républicain ne sont pas à l’abri. Une des plus
grandes plateformes antifa se trouve ainsi au sud des États-Unis : Firestorm
Cafe and Books, librairie coopérative et lieu de rencontre situé à Asheville en
Caroline du Nord, est la Mecque des anarchistes de la côte sud-est. Parmi les
livres fièrement exposés en vitrine, on trouve le Manuel antifaciste de Mark
Bray, et l’Antifa Cornic book de Gord Hill.
À l’instar de celui d’In Other Words, leur modèle économique n’est pas
viable. C’est intentionnel. La raison d’être de de cette librairie n’est pas de
vendre des livres, mais bien plutôt de faire se rencontrer des camarades que
l’on va initier à la radicalité. Firestorm vit de cotisations mensuelles versées
par des gens qui se sont engagés à les soutenir. Pendant des années, In Other
Words a vécu de dons à grande échelle. La librairie s’est néanmoins
retrouvée à sec lorsque l’Université d’état de Portland a mis fin à l’accord
qui, pendant très longtemps, lui avait permis de se financer, à savoir le
monopole de la vente des manuels féministes sur le campus.
Dans le sud-est des États-Unis, Asheville se démarque par son
positionnement gauchiste, son côté hippie et sa scène artistique. Une
coloration politique qui permet à Firestorm de percevoir des subventions. Des
habitants cependant ont alerté sur le rôle possiblement joué par la librairie
dans la hausse notable de la criminalité. En novembre 2019, des habitants
inquiets sont intervenus lors d’une réunion du Conseil des entrepreneurs
indépendants d’Asheville ouest : selon eux, le programme d’échange de
seringues mis en place par Firestorm servait surtout à attirer délinquants et
vagabonds, dans le but inavoué de « dégentrifier » le quartier.
« À mon avis, ce n’est pas un hasard si une librairie sert de façade,
installant l’anarchie sous prétexte d’aide aux toxicomanes » a dit pendant la
réunion John Miall, employé de la ville. L’exaltation du crime et du chaos est
indissociable de l’idéologie antifa. Pour faire perdre sa légitimité au pouvoir
local, ils s’attachent à perturber le cadre de vie habituel des gens. Ensuite, ils
mettent en place leurs propres actions de « solidarité », pour faire croire que
l’État est incapable de répondre aux besoins fondamentaux des habitants, et
qu’eux, les antifa, représentent dès lors la seule issue possible.
Il y a donc Firmestorm, dans le sud-est du pays. À Philadelphie, il y a
Wooden Shœ Book, autre librairie réputée du collectif Lance-pierres. Peinte
sur le plafond de la librairie, une grande fresque montre des esclaves
enchaînés maltraités par des Blancs. La librairie, qui a le statut d’association
caritative à but non lucratif, insiste lourdement pour que les gens fassent des
dons, via les liens qu’elle met en avant sur son site. L’équipe de la librairie a
recommandé à un de mes amis d’acheter le Manuel antifa de Bray.
Sur la deuxième vidéo de la série #ExposeANTiFA publiée par Project
Veritas, on peut voir des images prises à La Base{30}, « centre anarcho-
politique » situé à New York dans le quartier de Brooklyn. Pendant la
journée, le lieu semble fonctionner comme une librairie. Pourtant, on sait
qu’il organise des échanges épistolaires entre fans et camarades antifa
emprisonnés, rebaptisés pour l’occasion « prisonniers politiques ».
David Campbell, justement, fait partie de ces « prisonniers politiques »
qui bénéficient du soutien antifa et du programme de correspondants. C’est
un militant black bloc, condamné pour avoir participé à la traque et à la
strangulation d’un supporter de Trump, un Juif de 56 ans. C’était à l’occasion
d’une rencontre organisée par les conservateurs, à Manhattan. Lorsque les
premiers secours étaient intervenus, la victime parvenait à peine à respirer.
Plus tard, elle était revenue à elle. Campbell a également été inculpé pour
avoir agressé un agent de la police de New York, pendant son arrestation. En
octobre 2019, après avoir plaidé coupable pour deux motifs d’inculpation, il a
été condamné à 18 mois d’emprisonnement. Selon un de mes contacts à la
police de New York, Campbell a refusé de coopérer, fidèle à la loi antifa qui
interdit absolument de parler aux flics.
Dans tout le pays, les antifa ont pris fait et cause pour Campbell et
défendu les violences qu’il avait commises. En janvier 2020, un concert de
solidarité a été organisé pour alimenter son fonds de soutien. À l’heure
actuelle, le site Free David Campbell collecte encore des dons pour lui venir
en aide.
Les librairies sensibles à la cause antifa ne se contentent pas de vendre
une littérature extrémiste, et des livres de propagande. Certaines leur servent
aussi de salle d’entrainement ; pendant les séances, on s’initie au combat de
rue et on apprend à faire mal.
« Si vous leur filez un bon coup dans le foie ou dans les reins, ils vont
avoir du mal à s’en remettre », comme le dit un certain Chris sur la vidéo de
Project Veritas. Chris est antifa et donne des cours de combat à La Base. « Si
vous arrivez à leur casser une côte flottante » dit-il en désignant l’endroit
concerné, « c’est hyper douloureux, ils ne pourront plus bouger. Ils auront du
mal à reprendre leur souffle ». En arrière-plan, on voit du matériel
d’entraînement, des tapis, des poids. Que vient faire ce type d’équipement
dans une librairie ?
L’entraîneur poursuit : « Un coup bien placé, ils se tortillent de douleur, et
ça vous laisse le temps de partir. Sinon, si c’est quelqu’un que vous n’aimez
pas, vous pouvez aussi lui coller une grosse raclée ». Dans un autre extrait,
Chris énonce explicitement l’intention criminelle qui prélude à
l’entraînement : « Ici, on veut redéfinir le concept de légitime défense ».
L’endroit où ont lieu les séances d’entraînement pose certes question,
mais il faut aussi s’interroger sur le profil de ceux qui y participent. Sur les
images filmées en caméra cachée, on aperçoit Andrew Gittlitz qui travaille
ses coups. C’est un écrivain new-yorkais, producteur du podcast anarcho-
communiste The Antifada, qui publie sous le nom d’A. M. Gittlitz. Il a publié
des tribunes dans le New York times, il a écrit pour Salon, pour vice et pour
d’autres journaux. En 2017, le New York Times a publié un des articles de
Gittlitz, dans le cadre de sa série Le Siècle rouge, qui rend hommage à
l’héritage de la révolution russe. J’ai contacté Gittlitz par Twitter pour
recueillir ses impressions : il n’a pas donné suite.
Soyons honnêtes, il n’est pas déplacé d’apprendre à immobiliser
quelqu’un pendant un cours d’autodéfense. Dans le contexte habituel d’un
entraînement de ce type, on peut même penser qu’apprendre à faire mal est
plutôt cohérent. Mais lorsque la formation est mise au service d’une idéologie
qui enseigne qu’il faut « anéantir » ses adversaires politiques « quoi qu’il en
coûte », cela se termine par la violence, le crime et le terrorisme. Jamais par
un combat de boxe, ni même par un combat tout court.

LES FLINGUES
Dans le reportage que Lion a consacré à Rose City Antifa, on explique
aux nouvelles recrues qu’elles doivent apprendre à manier les armes à feu.
Les entraînements ont lieu à The Place to Shoot, un club de tir du nord de
Portland qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. Dans la troisième
vidéo de la série #ExposeANTiFA publiée par Project Veritas, une journaliste
raconte comment, en 2018, elle a infiltré une section locale de Redneck
Revoit, à Shelby en Caroline du Nord.
Redneck revoit est un groupe paramilitaire très proche du John Brown
Gun Club, une de ses branches de la côte nord-ouest. Redneck revoit, créé en
2009, a acquis une audience médiatique nationale vers 2017, en soutenant
activement les antifa lors des manifestations et rencontres organisées par ces
derniers. Ses membres, en tenue militaire, sont armés de revolvers et de fusils
semi-automatiques. Ils assument complètement le fait de menacer leurs
adversaires et se qualifient eux-mêmes d’antifascistes, d’anticapitalistes,
opposés à l’État-nation et militant pour le port d’armes. Ils se considèrent
comme des révolutionnaires. En d’autres termes, ce sont des antifa armés et
formés pour tuer.
Sur la vidéo, on peut voir un certain Matt, membre de Redneck revoit, se
livrer à l’interrogatoire de la journaliste infiltrée. Ceci participe du processus
normal d’initiation. « Si un agent de l’État vient frapper à ta porte pour
t’interroger sur ton positionnement politique et sur les gens que tu fréquentes,
qu’est-ce que tu lui réponds ? » demande Matt, qui cherche ainsi à savoir si
son interlocutrice peut dissimuler ses opinions et son affiliation à
l’organisation. « Si tu tiens un stand à un salon des armes à feu, que
quelqu’un t’accuse devant tout le monde d’être un terroriste, ou une antifa,
comment tu réagis ? » poursuit-il.
Sur son compte Facebook, la section Redneck revoit de Shelby a
finalement annoncé sa sécession de l’instance nationale, qui avait selon elle
adopté un « fonctionnement interne calqué sur les valeurs capitalistes » :
Nous nous appelons désormais le Collectif des travailleurs de Caroline.
Par ce geste, nous nous engageons à bâtir à nouveau une communauté
d’entraide et de protection pour les pauvres et la classe ouvrière. Nous
sommes contre l’État. Nous sommes contre la suprématie blanche. Nous
sommes contre le patriarcat. Nous travaillerons activement au
démantèlement du système capitaliste, qui est hiérarchique, nuisible, et
propre à notre culture.

Peu après, le groupe devenant de plus en plus méfiant, la journaliste de


Project Veritas s’est fait exclure. Le groupe lui a signifié son renvoi sur
Signal, une messagerie cryptée en vogue chez les antifa, lui demandant de ne
plus venir aux réunions.
À cette femme, j’ai demandé si les gens qu’elle avait approchés au sein du
groupe étaient prêts à tuer pour la cause. Sa réponse fut sans équivoque :
« Oui, et c’est d’ailleurs pour cela qu’ils s’entraînent à tirer ». Elle a
poursuivi : « Ils se considèrent comme les protecteurs armés des minorités et
des marginaux. Ça s’est vérifié à Seattle, lorsqu’ils ont joué les services de
sécurité pour CHAZ ». Elle m’a montré des documents, des textes qu’elle avait
rassemblés pendant son infiltration. On lui avait par exemple donné un livret,
L’Album à colorier des révolutionnaires. Il y avait des images à colorier,
celles des idoles de la gauche, un portrait de la militante communiste Angela
Davis, un autre de Rafael Sébastian Guillén Vicente, insurgé mexicain
anarcho-communiste, le poing levé du Black power… Cette présentation
enfantine de propos radicaux est typique des antifa, qui dissimulent
stratégiquement leur extrémisme sous une apparente banalité, se retranchant
derrière une façade inoffensive. Ils procèdent de même lorsqu’ils se livrent à
des actes de violence.

Si vous suivez ce qui se dit des antifa sur les réseaux sociaux, vous avez
certainement déjà vu des mèmes de droite, qui les présentent en jeunes gens
fragiles et efféminés. Avant même que je ne subisse concrètement leur
hostilité, ces mèmes me dérangeaient. On se trompe en faisant des antifa des
tigres de papier. Comme on le voit sur les vidéos prises en caméra cachée,
certains sont très sportifs et entraînés au combat. Quant aux autres, ils
peuvent toujours avoir recours aux armes décrites plus haut. Ce, sans parler
du fait que n’importe qui, sportif ou pas, peut apprendre à tirer… On commet
une erreur tragique en misant sur la fragilité des antifa. Ils ne se battent pas à
la loyale. Ils visent les yeux, les parties génitales : tout est bon dès lors qu’il
s’agit de « casser du facho ». Si pour cela, il faut la jouer à 20 contre un, ils le
feront. Et s’il leur faut tuer pour servir la cause, ils n’hésiteront pas.
Traces de balles sur le Centre de détention pour
migrants de Tacoma. Photo : Andy Ngo
Checkpoint de la Zone autonome de Capitol Hill, à
Seattle. Photo : Andy Ngo
Devant le domicile de l’auteur. Photo : Andy Ngo
29 mai 2020, une salle du Palais de justice de
Portland après le passage des casseurs. Photo : us’
Attorney’s Office
CHAPITRE 9

VIOLENCE MORTELLE

Le centre de détention nord-ouest de Tacoma est un établissement fermé


situé aux abords de la ville. Il est géré par un opérateur privé, geogroup, en
délégation de service pour le compte du Service de l’immigration et des
douanes (ICE : Immigration and Customs Enforcement). De ce fait, le centre
est régulièrement ciblé par les gauchistes de Seattle, farouchement opposés à
la politique de Trump en matière de surveillance des frontières. En m’y
rendant, je mettais mes pas dans ceux de Willem van Spronsen, les derniers
qu’il ait parcourus avant de partir à l’assaut du centre de détention. Un geste
qui lui fut fatal. C’était en 2019.

Le 13 juillet de cette année-là, aux premières heures du jour, le menuisier


âgé de 69 ans se dirige vers le centre de détention, muni d’un fusil et de
matériel incendiaire. Vers 4 heures du matin, van Spronsen lance des bombes
en direction du bâtiment et sur les voitures en stationnement. Un des
véhicules explose avant de disparaître dans les flammes. L’équipe de GEO
appelle alors le 911 pour signaler l’agression ; quatre agents de la police de
Tacoma arrivent peu après. Lorsqu’ils sont sur les lieux, van Spronsen tente
apparemment d’incendier le réservoir de propane de près de 2 000 litres qui
jouxte le bâtiment. On entend des « coups de feu ». La police abat van
Spronsen. Pendant l’attentat, personne à part lui n’a été touché.

L’incendie volontaire du centre de détention s’inscrit dans le cadre d’une


hostilité croissante de la gauche américaine envers Trump et sa volonté de
réprimer l’immigration illégale. Au cours de l’été 2018, à Portland, antifa et
militants avaient déjà assiégé le centre de détention du Service de
l’immigration et des douanes, siège qui avait duré plus d’une semaine. Les
agents fédéraux du ministère de la Sécurité intérieure avaient repris le
bâtiment, à la suite de quoi les antifa avaient annexé un terrain municipal
voisin qu’ils s’étaient empressés de proclamer zone autonome.
En août 2019, à San Francisco, deux centres du Service de l’immigration
et des douanes avaient été touchés par des coups de feu tirés d’une voiture.
« À cinq centimètres près, les choses auraient été différentes : aujourd’hui, on
serait en train de parler du meurtre d’un fonctionnaire d’État » avait
commenté à l’époque Christopher Combs, qui dirige la section FBI de San
Antonio. Au cours du même mois, en Floride, des militants avaient menacé
des salariés du siège social du groupe GEO. « Nous avons localisé vos enfants
sur tout le territoire » hurlait un militant sur une vidéo de Breitbart News.
« On sait tout de vous, et vous n’avez pas fini de nous entendre. » Un autre
criait : « On sait où vous habitez ! ».
La hargne croissante qu’exprimait le discours gauchiste dès qu’il était
question des agents de l’immigration et de la protection des frontières me
faisait craindre une chose : il ne faudrait pas longtemps avant que quelqu’un
essaie de les tuer. Un graffiti, que j’avais vu à la section Occupy ICE de la
zone autonome de Portland, évoquait le personnel du centre de détention en
terme déshumanisants. D’autres appelaient explicitement au meurtre de ceux
qui y travaillaient.

La première fois que j’ai vu une photo de van Spronsen, c’était sur un site
d’informations. Son visage me disait quelque chose, mais comme cela faisait
des années que je couvrais les manifestations et les émeutes, j’étais incapable
de me rappeler précisément où je l’avais rencontré. J’ai remonté le fil de mes
souvenirs, et finalement, cela m’est revenu : mairie de Seattle, fin 2018.
Le 1er décembre 2018, je m’étais rendu à Seattle pour couvrir une
manifestation d’extrême gauche qui défilait contre Washington Three
percenters, un club conservateur opposé à l’interventionnisme d’État. C’était
par erreur que les antifa et les militants avaient classé ce club dans les rangs
des « fascistes » : ils avaient en fait confondu son nom avec celui d’un autre
groupe qui avait défilé à Charlottesville lors de la manifestation Unite the
Right{31}. Ce jour-là, lorsque j’ai voulu filmer la manifestation, certains sont
venus me réclamer des comptes. Je me suis retrouvé encerclé. Ils m’ont
refoulé jusqu’à une barrière et se sont mis à me hurler dessus, à me balancer
leurs pancartes à la figure. Deux de mes assaillants arboraient ostensiblement
des fusils semi-automatiques. Plus tard, j’ai su que c’était des adhérents du
club de tir Puget Sound John Brown, une filiale régionale de Redneck Revolt.
Un autre me fixait, le visage à quelques centimètres du mien. Les yeux
injectés de sang, il s’est penché vers moi pour me dire, très posément : « Les
gens savent que je baratine pas. On est pas venu pour taper la discute, en fait.
Y en a ici qui sont venus pour mourir, mon gars. T’as vraiment envie de
mourir pour une pauvre vidéo sur Youtube ? La mort approche, mon gars…
Tu nous espionnes, tu fais ces trucs de naze ? Tu vas prendre cher ».
J’ignorais son identité, mais lui m’avait sans doute reconnu. Par la suite, j’ai
appris que c’était un fervent soutien de la cause antifa, qui œuvrait à Portland
comme à Seattle. Sur sa page Facebook, il posait avec des membres de Rose
City Antifa. J’ai signalé les menaces à la police de Seattle, mais il ne s’est
rien passé.
Mis à part les cris et les hurlements, la manifestation était restée
pacifique, bien encadrée par la police. Avant mon départ, un homme d’un
certain âge s’était dirigé vers moi, puis était resté là un moment. Je lui aurais
donné 60 ou 70 ans ; en tout cas, il dépassait de loin la moyenne d’âge des
autres manifestants. Sur sa casquette, on pouvait lire JBGC : l’acronyme de
John Brown Gun Club. C’était Willem van Spronsen.

Yassine, 34 ans, avocat dans l’agglomération de Seattle, a été proche de


van Spronsen. « Je ne me suis jamais inquiété pour sa santé mentale »
raconte-t-il. Yassine (ce n’est pas son vrai nom) a connu van Spronsen au
club de tir Puget Sound John Brown, où lui-même était très investi. « On peut
légitimement les considérer comme un groupe militant » dit-il. « Ça
m’éclatait qu’une organisation d’extrême gauche défende le port d’armes. »
Yassine se définit politiquement comme un « anarchiste libertarien ». Il a
également fait partie de la Guilde nationale des avocats, association
d’extrême gauche qui assure l’assistance juridique des militants de la cause.
Leurs activités sociales mises à part, les membres du club de tir Puget
Sound John Brown assurent bénévolement le service de sécurité lors
d’événements organisés par l’extrême gauche. Ces rassemblements
impliquent souvent des black blocs qui pratiquent l’action directe violente.
Selon Yassine, les gens du club de tir n’avaient jamais pris part à ce genre
d’action. Leur philosophie en matière d’action violente était très basique :
« Si ça ne se voit pas, ça n’existe pas ». Une opinion qu’on retrouve dans les
manifestations : lorsque leurs camarades commencent à incendier et à casser,
les black blocs scandent qu’ils « n’ont vu que dalle ».
En décembre 2018, Yassine, van Spronsen et d’autres membres de Puget
Sound John Brown assuraient la sécurité de la manifestation qui se déroulait
devant la mairie de Seattle. Yassine ne me connaissait pas, mais il avait vu la
façon dont m’avait traité ses collègues armés du club de tir. À ses yeux, mes
opinions politiques n’entraient pas en ligne de compte : « Tout le monde a le
droit d’être dans la rue et de filmer ce qu’il voit ». En interne, il avait fait part
de ses doutes aux gens du club. Ces derniers étaient en désaccord avec lui,
mais ils n’avaient voulu passer pour des gens « qui critiquent ceux de leur
bord ». Déçu, il avait décidé de quitter le club.

J’ai demandé à Yassine de me parler de van Spronsen. La propagande


antifa l’avait érigé en valeureux martyr et moi je voulais savoir qui se cachait
derrière cette image d’Épinal. Pour Yassine, van Spronsen était un vieil
homme sans histoires : il souffrait de douleurs chroniques, il était en conflit
avec son ex-femme pour obtenir la garde de ses enfants. Cette dernière,
prénommée Shelley, l’accusait de violences conjugales, et le tribunal avait
prononcé une injonction d’éloignement. Par-delà ses difficultés personnelles,
van Spronsen était très engagé à l’extrême gauche, de toutes les
manifestations depuis des années. Ce Hollandais naturalisé habitait Vashon,
une île de la région du Puget Sound, à l’ouest de Seattle. C’était une figure
connue des communautés antifa et anarchistes.
Dans ses dernières années, il avait bifurqué vers l’action directe et la
violence. Un an avant de commettre l’attentat où il a perdu la vie, il avait été
arrêté au même centre de détention, à Tacoma, pour avoir agressé un agent
lors d’une manifestation. Selon les minutes du jugement, van Spronsen s’était
jeté sur un policier, lui enserrant le cou de ses bras comme s’il voulait
l’étrangler. Van Spronsen avait finalement pu être maîtrisé et arrêté. Lors de
la fouille, on avait trouvé sur lui un couteau et une matraque. Pendant
l’audience, il avait levé le poing façon Black power pour saluer ses
camarades venus assister au procès. Accusé d’entrave à l’action de la police,
qualification qui avait été revue à la baisse, il avait décidé de plaider
coupable.
Avant l’attentat qui lui a coûté la vie, van Spronsen avait fait parvenir un
manifeste à ses amis. L’expression emblématique « Je suis un antifa » figure
dans le texte. Il y qualifie également les centres de détention du Service de
l’immigration et des douanes de « camps de concentration », comparaison
qu’avait popularisée la congressiste new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez
un mois auparavant. Il y fait par ailleurs référence au chant italien Bella ciao,
écrit pendant la Deuxième Guerre mondiale et volontiers repris par les antifa
et l’extrême gauche pendant les manifestations.
Extrait du manifeste de van Spronsen :
Je suis un antifa. Je soutiens les camarades du monde entier, qui agissent par amour de la vie, la
vie dans toutes ses combinaisons possibles. Des camarades qui savent que la liberté, c’est la vraie
liberté pour tout le monde, c’est une vie qui vaut la peine d’être vécue.

Gardez la foi !

Le pouvoir au peuple !

Bella ciao…

L’arme semi-automatique dont je me suis servi est une AR-15 bas de


gamme, que j’ai fabriquée moi-même, un fusil à 6 chambres, arme non
déclarée. Je recommande vivement aux camarades et aux nouvelles
recrues de s’armer. C’est à nous aujourd’hui de protéger le peuple de
l’État prédateur. Ignorez la loi, armez-vous si vous pouvez vous le
permettre. C’est ce que j’ai fait.

Les amis de van Spronsen n’ont pas signalé ce manifeste à la police.


Lorsqu’ils ont appris sa mort, les antifa du monde entier se sont livrés à son
éloge funèbre : « Quand notre ami et camarade Willem van Spronsen a pris
position contre le centre de détention fasciste de Tacoma, il a agi en martyr et
sacrifié sa vie pour combattre le fascisme. C’était quelqu’un de gentil, que
tout le monde aimait. On ne peut pas laisser sa mort sans réponse » a posté
Seattle Antifacist Action sur Facebook. Les antifa des états du Washington et
de l’Oregon ont organisé plusieurs commémorations, dont une se déroulait
près de l’endroit où avait eu lieu l’attentat. Sur leurs banderoles, on pouvait
lire : « Repose en force » et « Au feu les prisons ». À Exarchia, quartier
d’Athènes et repère d’antifa et de militants d’extrême gauche, on a peint une
fresque en hommage à van Spronsen : son portrait, orné d’une citation de
José Buenaventura Durruti Dumange, l’insurgé anarchiste de la guerre
d’Espagne.
L’attentat raté contre le centre de détention de Tacoma reste une des
manifestations les plus marquantes de la violence antifa, même si ceux qui
défendent van Spronsen prétendent le contraire, au prétexte qu’il en a été
l’unique victime. À cela, je réponds qu’un attentat manqué n’exonère en rien
celui qui l’a commis.
Lorsque je me suis rendu au centre de détention Nord-ouest, j’ai fait le
tour du bâtiment : les murs étaient criblés de trous laissés par la fusillade. Les
enquêteurs avaient délimité les indices par des rubans de chantier. Un d’entre
eux m’a servi de guide, me montrant l’endroit où on avait trouvé le corps de
van Spronsen. On pouvait y voir une tache, mais j’ignore si elle était liée à
l’attentat. Un peu plus loin, j’ai vu un des bâtiments sur lequel il avait lancé
une bombe incendiaire ; les vitres étaient restées en l’état, pulvérisées. À côté
du bâtiment, un espace vide qui semblait résulter d’une intervention récente.
D’après mon guide, c’était là que se trouvait le réservoir de propane avant
l’attentat.
Nous ne saurons jamais si van Spronsen avait voulu se suicider, ou s’il
avait voulu que d’autres meurent avec lui. Yassine, lui, éprouve de la pitié
pour son défunt ami : « Il faisait penser à Don Quichotte, il se battait contre
des moulins à vent ».

Pour ma part, je ne pense pas que van Spronsen soit un martyr. Je vois
plutôt en lui la victime d’une idéologie haineuse qui l’a complètement
dévoré. La philosophie antifa, si on suit sa logique jusqu’au bout, mène non
seulement à la mort de ses propres militants, mais aussi à celle de ceux qui
ont le malheur de faire partie de leur entourage. C’est en exploitant le
ressentiment que la philosophie antifa se montre la plus efficace. Il n’est pas
interdit de penser que si van Spronsen avait fait de l’État son ennemi, c’était
pour éviter d’avoir à assumer les violences conjugales dont l’accusait son ex-
femme.
Un an après l’attentat, il m’est arrivé de tomber sur le nom, le visage ou le
manifeste de van Spronsen lors d’événements où vont généralement les antifa
et les gauchistes. Le club de tir Puget Sound John Brown n’a pas renié son
défunt adhérent, bien au contraire. Ils sont flattés que leur nom soit associé au
sien, et ne manquent pas de diffuser son manifeste sur leurs stands.
En novembre 2019, un de leurs adhérents manifestait contre la tenue à
Portland d’un colloque organisé par Dinesh D’Souza{32}. Ayant moi-même été
invité pour faire une conférence, je suis sorti de la salle pour voir ce qui se
passait ; un homme est alors venu vers moi et m’a tendu le manifeste de van
Spronsen. Je l’ai reconnu, c’était bien un membre du club de tir. Je ne suis
pas certain que son geste ait été menaçant. Sur la brochure, il y avait un
dessin : un camion du centre de détention en train de brûler. Nick Vasily, lui
aussi adhérent, porte une chaîne avec en pendentif un fusil qui ressemble à
celui de van Spronsen. Ils sont fiers de lui.

CHARLIE LANDEROS
On se souvient généralement de l’attentat commis par van Spronsen,
parce c’est le premier terroriste identifié à avoir laissé un texte qui exposait
explicitement ses liens à la mouvance antifa. Mais à vrai dire, ce n’était pas le
premier (et ce ne sera malheureusement pas le dernier) à s’inspirer des antifa
pour détruire, agresser et tuer. Six mois auparavant, à Eugene dans l’Oregon,
un antifa radical avait tiré sur les agents administratifs d’un collège.
Heureusement, il n’avait touché personne.

« C’était un homme élégant, aimant et intelligent, mais qui s’est


transformé en monstre » dit Shayla Landeros, l’ex-femme de Charles
Landeros. Charles, 30 ans, se faisait appeler Charlie. Lui et sa femme avaient
divorcé des années avant le tragique épisode du 11 janvier 2019. Parents de
deux fillettes, ils étaient néanmoins restés proches. Le parcours de Charlie, né
à Hong-Kong d’un père américain d’origine mexicaine, chrétien et
missionnaire, et d’une mère Philippine, diffère de celui des antifa. Shayla
l’avait rencontré au lycée d’Eugene, qui est une ville universitaire. À l’âge de
17 ans, il s’engage dans l’armée. Il est d’abord en poste à Fort Drum, dans
l’état de New York, avant d’être envoyé en Irak et en Afghanistan. Shayla et
Charles se marient en 2007, un an avant la naissance de leur deuxième fille.
Pendant plusieurs années, ils vivent en famille, même si, en tant que
mécanicien chargé de la maintenance des hélicoptères, Charles fait
régulièrement de longs séjours hors des frontières américaines. Lorsqu’elle
apprend qu’il entretient une liaison amoureuse avec un militaire, Shayla le
quitte. Ils divorcent en 2013. Par la suite, tous deux quittent la Floride et
Jacksonville, pour revenir s’installer à Eugene. En 2014, Charles s’inscrit à
l’université de l’Oregon pour suivre un cursus préparatoire aux études
médicales : il veut changer de métier et devenir pédiatre. D’après Shayla,
c’est pendant ses études qu’il va découvrir l’idéologie qui l’a perverti et mené
à la mort.
Comme beaucoup d’étudiants en effet, c’est à l’université que Charles
commence à s’intéresser au gauchisme et à la justice sociale. Durant une
période, il travaille sur le campus comme animateur au sein du Groupe de
prévention et de santé sexuelle. C’est dans ce cadre qu’il va s’initier aux
théories les plus radicales. Puis, en réaction aux déclarations de Trump sur
l’immigration illégale, il s’engage auprès des migrants.
« Il s’est mis à raconter qu’il était un “Dreamer” explique Shayla. En fait,
il se référait disant cela au DREAM Act, une proposition de loi qui vise à
régulariser définitivement tout mineur entré illégalement sur le sol américain.
« Il a commencé à militer pour le dispositif [Deferred Action for Childhood
Arrivals], sous le faux prétexte qu’il était lui-même immigré. Jamais
auparavant il n’aurait menti sur son passé. Au contraire, il était très fier d’être
américain. »
En octobre 2017, Charles fait partie des meneurs qui, en faisant
brusquement irruption sur scène, ont saboté le discours annuel du président
de l’université. Une fois sur le plateau, ils ont crié au fascisme qui régnait sur
le campus, protesté haut et fort contre l’augmentation des frais de scolarité. À
cette époque, Charles était complètement endoctriné, sous l’emprise des
thèses d’extrême gauche. Sa métamorphose s’était accompagnée d’un
changement pronominal : il se définissait désormais comme non binaire,
utilisant à ce titre le pronom neutre ils/eux.
Il s’est mis à nourrir une haine sans fond pour les forces de l’ordre et
l’armée. Avec d’autres, il fonde le Groupe communautaire d’auto-défense
armée, organisation d’extrême gauche anti-étatique qui apprend aux
« peuples opprimés » à se servir des armes à feu. Sur son profil Facebook, il
cite un des principes fondateurs de l’idéologie antifa : « La police n’est pas là
pour nous protéger ». Selon Shayla, Charles se servait du groupe pour
radicaliser les gens, en les persuadant que la violence armée révolutionnaire
était la seule voie possible.
Au cours des deux dernières années de sa vie, l’extrémisme de Charles
s’est accentué. Désormais activiste à plein temps, il ne verse plus de pension
alimentaire. Shayla, qui évite le plus souvent de discuter politique avec son
ex-mari, n’a pourtant pas eu d’autre choix que de s’en mêler lorsqu’elle s’est
rendu compte qu’il endoctrinait leurs deux enfants. Soudain obsédées par les
questions raciales, les fillettes, à qui leur père apprenait à tirer, s’étaient mises
parallèlement à haïr la police. « Nous en avons discuté plusieurs fois. Il me
répétait que je ne pouvais pas comprendre : j’étais blanche, je bénéficiais du
“privilège blanc”. »
Au fil du temps, le militantisme de son ex-mari au sein du groupe d’auto-
défense devient le principal sujet d’inquiétude de la jeune femme. Selon elle,
il stocke des armes. En mai 2018, des agents du FBI sont allés l’interroger
chez elle. Les 22 pages que comporte le dossier de Charles mentionnent en
effet un renseignement daté du 28 février 2018 : selon un de ses anciens
collègues militaires, celui-ci « avait de bonnes raisons d’organiser des
émeutes et des soulèvements, dans le but de déstabiliser le pouvoir local ».
En l’absence d’infraction à la loi fédérale, l’enquête n’avait pas abouti, ce qui
n’a pas empêché Charles de rompre avec la plupart des gens qu’il fréquentait,
persuadé qu’ils portaient un micro. Pour les mêmes raisons, il s’était
débarrassé de son téléphone et avait suspendu toute visite à ses enfants.
Désormais, il n’avait plus de contacts qu’avec les « camarades ».
Pour Shayla, Charles faisait bien partie des antifa d’Eugene. Une des rares
fois où ils avaient discuté de l’enquête du FBI, il lui avait dit que les services
de renseignement s’intéressaient à lui « parce qu’il était antifa ».
Fin 2018, la crise a touché sa famille et Charles décide de revoir ses
enfants. À ce stade, il ne conduit plus, par crainte d’être enregistré par les
Services d’immatriculation. Quand il doit se déplacer, c’est sa petite amie du
moment, une activiste d’extrême gauche rencontrée au club
« d’autodéfense », qui le conduit.

Début 2019, Shayla a intercepté sa fille cadette qui se préparait


visiblement à fuguer. Elles se sont disputées. La fillette avait alors appelé son
père pour lui dire qu’elle voulait vivre avec lui. Lorsque Charles passe la
chercher, il fait descendre le drapeau américain que Shayla a hissé devant
chez elle et il y met le feu.
Une fois l’hiver passé, il est prévu que les parents emmènent leur fille à
l’école militaire où elle est inscrite. Charles s’y refuse. Il ne supporte pas que
l’école en question soit affiliée à l’armée : sans en référer à personne, il la
retire de l’établissement pour l’inscrire ailleurs. S’il a la garde partagée de ses
enfants, le jugement de divorce stipule pourtant que c’est à Shayla que
reviennent en dernier ressort les décisions concernant l’éducation des enfants.
Le 11 janvier 2019, Shayla se rend au Collège de la cascade. Comme elle
entend désinscrire sa fille de l’établissement pour la ramener à l’école
militaire où elle était précédemment inscrite, elle s’est muni du jugement de
divorce. L’école appelle Charles pour qu’il participe à la séance de médiation
que prévoit le protocole de l’école lorsque les parents sont séparés. En plus
des parents, un membre de l’équipe scolaire doit être présent, ainsi qu’un
agent de police rattaché au collège.
Une heure avant d’arriver à l’école, Charles laisse un message sur la page
Facebook de la police de Springfield : « Mort aux porcs ! ». Deux jours
auparavant, il avait posté ce message : « Il est temps de buter les porcs ». En
se rendant au collège conduit par sa nouvelle copine, Charles est muni d’un
revolver qu’il a dissimulé sur lui, d’un chargeur glissé à la ceinture et d’un
sac à dos garni de munitions. Sur son T-shirt, on peut lire : « Explose le
patriarcat ! ».
Steve Timm, le policier rattaché au collège, s’entretient avec Shayla et
vérifie le jugement de divorce. Avec Aaron Johns, lui aussi agent de police
rattaché, ils expliquent à Charles qu’il n’a pas le droit d’être présent au
moment où Shayla retire leur fille de l’école. Charles refuse de quitter les
lieux. Il reste dans le hall, s’agite et commence à se montrer agressif. Lorsque
John l’accompagne vers la sortie et lui signifie qu’il est en état d’arrestation,
Charles se rebelle et le frappe. Il sort ensuite son revolver et tire à deux
reprises en direction de l’autre agent, le ratant de peu. Sa fille, qui était dans
le hall, manque elle aussi de recevoir une balle. Charles est venu dans
l’intention de tuer des policiers, mais il est dépassé. Timm tire une fois en sa
direction, la balle le touche à la tête. Il meurt sur le coup.

En quelques heures, la nouvelle de sa mort fait le tour des réseaux antifa


de la côte Pacifique. À Eugene, le Centre de défense des libertés civiles,
groupe antifa officiel qui se définit comme « organisation de justice sociale
anti raciste » prend l’affaire en main, au nom de Charles. Le groupe publie un
communiqué, affirmant que le racisme est à l’origine de la fusillade. « Les
gens de couleur représentent 38,5 % de la population américaine et plus de
51,5 % des victimes tuées par la police » écrit le Centre de défense des
libertés civiles. « Ce n’est pas la même chose d’avoir affaire à la police quand
on est blanc et quand on ne l’est pas. Charles était métis, d’origine philippine
et mexicaine. » Le groupe appelait ensuite aux dons pour financer leur propre
« enquête ».
Bien que rien n’indiquât que le racisme ait joué le moindre rôle dans la
mort de Charles, les réseaux antifa ont immédiatement copié-collé le récit
fictif du Centre de défense des libertés civiles. Pour lancer la campagne, ils
ont créé le hashtag #LoveandRage4. Charlie, tiré d’un poème sans
concessions écrit par Charlie, intitulé Love and Rage.

Ne laisse personne étouffer ta flamme. Ne les laisse pas ignorer ton


amour, ni calmer ta rage. Mon amour, ne t’efface pas toi-même.
Ce poème, écrit pendant sa phase d’endoctrinement, reprend un motif
classique de la prose antifa : ne te maîtrise surtout pas, donne libre cours à tes
pulsions. Si la communauté de la côte Pacifique nord respectait à ce point
Charles, c’était à cause de son extrémisme.

PopMob, groupe antifa de Portland, le 13 janvier 2019 sur Twitter :


« Charlie Landeros, notre camarade bien aimé et notre secouriste s’est fait
assassiner il y a deux jours par la police d’Eugene. C’étaient [pronom neutre]
des militants de couleur et non binaires, qui ont fait un boulot remarquable au
sein de leur communauté et se sont fait descendre devant l’école de leurs
enfants, svp, si vous pouvez, soutenez financièrement l’enquête du [Centre de
défense des libertés civiles] ». Le site antifa américain It’s going down a lui
aussi manifesté son soutien, tout en exprimant des doutes quant au fait que
Landeros ait été armé.
Ce n’est qu’à la mort de son ex-mari que Shayla a vraiment su ce qu’était
la mouvance antifa. Dans leurs éloges funèbres et leurs commémorations, elle
avait du mal à reconnaître l’homme qu’elle avait connu. Il est vrai que dans
les dernières années de sa vie, il n’était plus le même. « Il y avait deux
personnes en lui » raconte-t-elle, « le Charlie que j’avais épousé et le Charlie
antifa ». Au collège, elle avait assisté à l’agression : comme elle le dit elle-
même, affirmer que la police avait tué son mari par racisme relevait du
mensonge pur et simple. Ce qui n’a pas empêché les groupes d’extrême
gauche d’organiser des collectes au nom de la famille, précisément sous ce
prétexte-là. Selon Shayla, ses filles n’ont jamais perçu l’argent des dons.
N’ayant plus de contact avec la famille de Charles, c’est elle qui a
intégralement payé les obsèques.
L’enquête de Patricia Perlow, procureur du comté de Lane, a elle aussi
conclu qu’aucune preuve ne venait étayer la thèse d’une faute commise par
les agents de police rattachés au collège. Avant d’être tué, Charles était venu
armé et il avait tiré sur la police. Le rapport du procureur mentionne
également que le Centre de défense des libertés civiles avait cherché à
s’entretenir en tête-à-tête avec la fille cadette de Charles et Shayla, contre
l’avis de celle-ci. Quant à l’enquête du Centre financée par les dons, elle n’a
pu apporter aucune preuve de ce qu’elle avançait.
Voilà les conclusions du procureur Perlow, telles qu’elles sont parues
dans la presse.
Les agents Timm et Johns forment la police au tir. L’entraînement
spécialisé qu’ils suivent eux-mêmes en tant que formateurs leur permet
d’identifier les risques inhérents à toute situation de conflit entre parents
divorcés au sein d’un établissement scolaire. Ils ont tous deux fait preuve
de sagacité en considérant que Charles Landeros était un fauteur de
troubles, qui devait être expulsé du collège. Dans la mesure où Charles
Landeros a refusé de coopérer, la décision de l’arrêter était justifiée.
Lorsqu’ils ont procédé à son arrestation, M. Landeros a mis leurs vies en
danger, ainsi que celles des personnes présentes, en se rebellant, en
brandissant une arme à feu et en tirant à deux reprises. Si nous ignorons
les raisons qui ont en l’occurrence poussé Charles Landeros à faire preuve
de violence criminelle, il n’en reste pas moins que celui-ci n’a eu aucun
égard pour la vie des personnes présentes, des policiers, des élèves, des
membres de l’équipe et de sa propre fille. L’officier Timm a sauvé la vie
de l’officier Johns, la sienne propre et sans doutes celle de bien des gens,
étant donné le nombre de balles qui se trouvaient encore dans l’arme. Une
telle configuration exige nécessairement le recours à la force et la
neutralisation.

La vidéo prise par la caméra que portait sur lui l’officier Timm a été
rendue publique. Malgré le fait qu’elle disculpe entièrement les deux
officiers, les antifa n’ont cessé de réitérer leur mensonge : Charles Landeros
avait été exécuté par des flics racistes. La procureur a annoncé qu’elle ne
poursuivrait pas les deux agents ; quatre jours plus tard, à Eugene, on trouvait
des explosifs placés à proximité du siège de la police. Ils ont été découverts
avant d’exploser et les démineurs dépêchés sur place les ont désamorcés.
L’enquête sur cette tentative d’attentat est toujours en cours. Depuis janvier
2019, les autorités n’ont publié aucune information à ce sujet. Pour Shayla, ce
sont les antifa qui ont organisé l’attentat dans le but de venger Charles. Ce
n’est pas une affirmation gratuite : Charles faisait partie d’un réseau antifa
qui théorisait la guerre contre l’État et qui s’y entraînait. « Je l’aimais, je me
souciais de son sort. Mais vu le train où ça allait et la direction qu’il avait
prise, ça ne pouvait pas finir autrement. »

CONNOR BETTS
S’il convient d’analyser la personnalité des martyrs politiques et de
connaître leurs opinions, leurs textes, leur biographie, il est tout aussi
essentiel d’étudier le profil de ceux qui en font des martyrs. Ainsi Connor
Stephen Betts, 24 ans, qui depuis l’Ohio avait joint sa voix au chœur des
antifa lorsqu’ils avaient érigé Willen van Spronsen en martyr. Le 4 août
2019, de sa propre initiative, il tire dans la foule, en plein quartier
commerçant de Dayton : il tue neuf personnes, dont sa sœur, et fait 27
blessés. Moins d’une minute après, il est abattu par la police.

24 heures auparavant, une autre fusillade de masse avait éclaté à El Paso,


traumatisant l’opinion publique : dans un magasin Walmart, Patrick Crusius
avait tué 23 personnes, essentiellement des latinos, et en avait blessé 23
autres. Le tireur, âgé de 21 ans, aurait publié sur le forum 8chan un manifeste
de 2 300 mots dans lequel il exprimait des idées racistes relevant du
nationalisme blanc. L’armée des experts autorisés s’était alors livrée à la
décortication dudit manifeste, pour aboutir à la conclusion que l’auteur de la
fusillade n’était pas tant Crusius lui-même que le président Trump, les Blancs
et les Américains qui voulaient protéger les frontières du pays.

Personne ne connaissait le détail des opinions politiques de Betts, mais


comme il était blanc, on était parti du principe que son geste relevait du
suprémacisme du même nom. Pendant quelques heures, il n’a été question
que de Dayton, d’El Paso et des drames causés par le racisme blanc.
Lorsqu’on a appris qu’en réalité, Bretts était un militant antifa, la fusillade de
Dayton est brusquement passée à la trappe.

À ce que nous savons, Connor Stephen Betts n’a laissé aucun manifeste.
Sous le pseudo @iamthespookster, il était néanmoins très présent sur Twitter.
Mieux qu’un manifeste, son compte, fermé après la fusillade, permet d’avoir
un aperçu de ses idées. Le constat est sans appel : Betts appartenait à la
mouvance antifa. Sur sa biographie Twitter, court formulaire rempli par ses
soins, il se présente comme « gauchiste » et dresse la liste des pronoms à
utiliser le concernant. L’examen de ses posts, semaine après semaine, mois
après mois, montre qu’il ne prônait pas un « antiracisme » lambda : en réalité,
Betts avait complètement intégré l’idéologie antifa. En août 2018, il écrit :
« Tuez tous les fascistes ! », formule qui reprend mot pour mot les graffitis et
slogans antifa. Courant 2018 et 2019, ses tweets deviennent de plus en plus
violents. « Hé toi, si t’aimes bien les nazis ou assimilés, dégage de mes
followers pq les nazis méritent de mourir et rien d’autre » peut-on lire en
octobre 2018. Sur le Net, Betts traitait volontiers de nazis ceux qui n’étaient
pas d’accord avec lui, fidèle au manichéisme selon lequel, si on est pas
« antifasciste », alors c’est qu’on est nécessairement « profasciste ».
En décembre 2018, il contacte la Socialist Rifle Association, club de tir
proche des antifa, pour se renseigner sur les bump stocks. Un bump stock est
un accessoire qui permet d’utiliser un fusil semi-automatique en augmentant
sa vitesse de tir.
Betts appelle de ses vœux l’affrontement final. Commentant la tribune de
Mehdi Hassan, journaliste de gauche, parue dans Intercept : « Oui, battons
Trump ou destituons-le, mais que faire s’il reste à la Maison blanche ? »,
Betts écrit : « Armez-vous, entraînez-vous, préparez-vous ». Et en juin 2019,
toujours sur Twitter : « Je me bats pour le socialisme et je n’attendrai pas que
les débiles aient compris de quoi il retourne ».
Le jour même de l’attentat de van Spronsen, Betts fait de ce dernier un
« martyr ». Conformément aux thèses antifa, Betts éprouvait une haine
inextinguible pour la protection des frontières et le contrôle de l’immigration.
« Coupez les barbelés. Crevez les pneus des voitures du Service de
l’immigration et des frontières. Et jetez les pinces par-dessus les barbelés »
écrit-il dans un tweet. Une semaine avant la fusillade, il retweete des posts
qui comparent les centres de détentions pour migrants à des « camps de
concentration ». Une reprise supplémentaire des propos tenus par la
congressiste Ocasio-Cortez et par van Spronsen. Il partage d’autres posts à la
gloire de van Spronsen, ce « vieux camarade ».

Tout aussi éclairants, les profils de ceux avec qui Betts échangeait sur
Twitter, ou de ceux dont il partageait les écrits. Parmi ces derniers, Kim
Kelly, journaliste freelance, souvent retweetée par Betts. Pigiste régulière
pour Teen vogue, elle est l’auteur d’un article sur la passion de l’extrême
gauche pour les armes. Elle a par ailleurs commis quelques séduisants
portraits d’anarchistes et, sur les plateaux, elle défend régulièrement la
fermeture des prisons. Pour elle, van Spronsen est un « camarade ». Dans un
tweet qu’elle a depuis supprimé, elle prend sa défense et incite ses lecteurs à
prendre exemple sur lui. « Grâce à Van Spronsen et aux courageux
camarades qui l’ont précédé (et il y en a eu un certain nombre…), nous
savons qu’il existe bien des façons de combattre un régime fasciste et violent.
Il serait peut-être temps de se remettre à cogiter… » écrit Kelly.
Emily Gorcenski, autrefois Edward Gorcenski, fait elle aussi partie des
essayistes d’extrême gauche prisés par Betts. Gorcenski s’est fait connaître
chez les antifa et dans les cercles militants en diffusant en ligne les
informations personnelles de gens supposément d’extrême droite. Sur les
réseaux sociaux, elle tient des discours radicaux et appelle à prendre les
armes. C’est cette doxa antifa qui a attiré Betts. Il a partagé ce tweet de
Gorcenski : « Ce que je suis en train d’expliquer, c’est que l’autodéfense
armée n’est pas seulement une bonne chose pour la communauté : en fait, elle
est indispensable ». Un autre tweet, provenant d’un compte anonyme,
également retweeté par Betts : « L’action antifasciste, c’est de l’auto défense.
C’est bon, légitime et nécessaire ».
Les dernières semaines de sa vie, Betts, dans ses posts et ses partages,
diabolise Ted Cruz, sénateur du Texas, et Bill Cassidy, sénateur de la
Louisiane, qui avaient tous deux déposé une résolution opposée aux antifa. Il
partage de nombreux posts de soutien aux activistes d’extrême gauche, y
compris une photo du symbole de l’Iron front, et le contenu de comptes
comme celui d’Antifa international.
Ceux qui refusent toujours de voir l’éléphant au milieu du couloir (à
savoir que Betts professait de toute évidence des thèses « antifascistes »)
diront sans doute qu’il ne s’agit là que de traces sur le Net. Ils ont tort. Betts a
mis ses idées en pratique en devenant vigile bénévole, un de ces black blocs
armés qui assuraient le service de sécurité des manifestations. En mai 2019,
sur la place du tribunal de Dayton, il fait partie des 500 contre-manifestants
venus s’opposer à un rassemblement du Ku Klux Klan. Il est venu masqué,
armé d’un pistolet modifié, vraisemblablement le même que celui dont il se
servira plus tard, en août, pour tirer dans la foule. Hasan Karin, qui a connu
Betts personnellement, l’y a croisé et a discuté avec lui. Cette information est
restée confidentielle. La presse a préféré cibler ses recherches sur d’anciens
camarades de collège, qui évoquaient des souvenirs vieux de sept ans :
d’après eux, il n’était pas impossible que Betts eût été misogyne… L’objectif
était évidemment de détourner l’attention de la sphère antifa en trouvant de
tout autres explications à son geste.

Le FBI n’a pas encore divulgué les résultats de l’enquête sur la fusillade,
mais ils ont déclaré que Betts, sans conteste possible, versait bien dans les
« idéologies violentes ». Les deux derniers tweets qu’il a liké réagissaient à la
fusillade d’El Paso, quelques heures après qu’elle se soit produite : l’auteur
qualifiait la fusillade de « terrorisme nazi intérieur » et il la reliait au
président Trump.
Un an après la fusillade d’El Paso, le hashtag #ElPasoStrong, créé à la
mémoire des victimes, a fait le buzz sur les réseaux sociaux. L’auteur du
massacre était d’extrême droite et les media ont consacré des articles entiers à
la souffrance des victimes, essentiellement latinos. Bizarrement, le
lendemain, aucun hashtag #DaytonStrong n’avait été lancé. Cela ne m’a pas
étonné. Pour les media américains, certains sont plus victimes que d’autres.

MICHAEL REINŒHL
En 2020, ma ville natale, Portland, faisait à nouveau la une de la presse
nationale et étrangère, toujours pour les mêmes mauvaises raisons. En
réaction à la mort de Georges Floyd et dans le sillage de BLM, des
manifestations, des émeutes avaient éclaté dans des dizaines de villes.
Portland néanmoins s’est distinguée par la durée de ces affrontements, qui
dans la Cité des roses se sont étalés sur plusieurs mois.
À Seattle, lors de mon séjour à CHAZ, j’avais pu observer ce qui se passait
lorsque les autorités municipales donnaient l’ordre à la police de ne pas
intervenir : anarchistes et extrémistes de tout poil débarquaient et faisaient la
loi. Et la violence ne leur fait pas peur, loin de là. On peut même dire que
c’est leur carburant. Comme j’avais pu le constater à CHAZ, les plus violents,
les plus cruels et les plus brutaux de tous étaient bien les « gardiens » auto-
proclamés de la justice raciale. Le 29 août 2020, en plein centre-ville, trois
mois après les émeutes de Portland, un vigile BLM-antifa de 48 ans a tué un
supporter de Trump.

Michael Forest Reinœhl, planqué en embuscade à l’angle d’une rue, tire


sur Aaron « Jay » Danielson, 39 ans, quasiment à bout portant. La scène a été
filmée de loin par un vidéaste. On entend quelqu’un, Reinœhl
vraisemblablement, crier : « On en tient deux, là ! ». Ensuite, deux coups de
feu retentissent et Danielson s’écroule, face contre terre. La fusillade a eu lieu
alors que les affrontements entre extrémistes de gauche et de droite
sévissaient à Portland. Plus tôt dans la journée, des centaines de véhicules
s’étaient rassemblés près de la ville, dans le comté de Clackamas, pour
participer à un meeting de Trump. C’était une caravane, défilé de voitures des
fans de Trump, qui manifestaient ainsi leur soutien au candidat à l’élection
présidentielle de 2020. La caravane était là pour célébrer tout ce que les antifa
ont en horreur : le président Trump, l’Amérique et les forces de l’ordre.
C’était une journée paisible. Les conducteurs ont quitté les parkings du centre
commercial pour suivre l’itinéraire qui devait les mener aux environs de
Portland. Les ennuis ont commencé lorsqu’ils se sont dirigés vers le centre-
ville.
Les conducteurs, qui arboraient des drapeaux américains, d’autres à
l’effigie de Trump ou des Gadsden flags{33} ont croisé la route des antifa.
Masqués, ceux-ci les attendaient de pied ferme, armés de projectiles.
Conducteurs et passagers de la caravane, qui de leur côté avaient aussi prévu
l’affrontement, disposaient de leur propre matériel de combat. Les antifa leur
ont jeté des œufs et des pierres. Ils leur ont aussi tiré dessus avec des pistolets
à eau remplis d’urine. Certains tentaient d’arrêter les voitures, se plantant au
milieu de la route pour se jeter sur les capots. De leur côté, les membres de la
caravane ripostaient avec du gaz poivre et des tirs de paintball. Il n’y eut
aucun blessé. Ce n’était qu’une mise en scène, un spectacle de plus dans la
grande série des affrontements politiques qui depuis 2016 font la réputation
de Portland.
À 20 h 30, la caravane était partie, mais quelques conducteurs
déambulaient encore alentour. Aaron Danielson et son ami Chandler Pappas
étaient de ceux-là. Tous deux membres de Patriot Prayer, un groupe
conservateur de la région, ils avaient suivi la caravane. Selon la plainte
déposée contre Reinœhl, ce dernier précède Danielson et Pappas. Il est
20 h 44. Ensuite, il se retourne et porte la main à sa ceinture. Voilà le procès-
verbal rédigé par Rico Beniga, agent de la police de Portland :
Reinœhl se dirige vers l’entrée du garage et porte la main au côté droit de sa ceinture. Il se cache et
attend, à l’affût, pendant que Danielson et Pappas continuent à marcher. Danielson et Pappas, qui
semblent n’avoir initié aucune interaction avec lui, poursuivent leur chemin en direction du sud, vers la
3e avenue sud-ouest. Après que Danielson et Pappas sont passés devant lui, Reinœhl sort du garage, la
main toujours au niveau de sa poche de pantalon. Un individu #2 se retourne vers Reinœhl. Danielson
et Pappas traversent la 3e avenue sud-ouest direction ouest. Reinhœl et les individus #2 se mettent à les
suivre. La fusillade s’est produite peu après, sans avoir pu être filmée par les caméras de surveillance.
Lorsque les réseaux sociaux diffusent l’information, antifa et journalistes
sympathisants de la cause affirment, à tort, qu’un camarade noir s’est fait tuer
par un supporter de Trump. « Ça fait trois semaines que l’extrême droite fait
tout pour qu’on en arrive là. La [police de Portland] a poussé à la
surenchère » a tweeté Rose City Antifa. PopMob, sur Twitter : « Nous
essayons de surmonter le traumatisme causé par cet événement tragique, mais
n’oublions pas : il est essentiel de rester soudés face à la violence fasciste ».
Quelques heures plus tard, on apprenait que la victime était de droite et
qu’elle avait exprimé son soutien aux force de l’ordre et au président. Sur les
photos du cadavre de Danielson, on voyait, cousu sur ses vêtement, l’écusson
de la « fine ligne bleue », signe de soutien à la police. Sur sa casquette,
l’insigne des Patriot Prayer. Dès qu’ils ont appris la nouvelle, les antifa qui
s’étaient massés devant le palais de justice sont passés de la dépression
avancée à une humeur éminemment festive. « On vient de m’apprendre que
le mort était un Patriot Prayer. C’était un putain de nazi ! » a crié une femme
au mégaphone devant le tribunal fédéral. « On a tenu notre rang et on a fait le
ménage. Je ne verserai pas une larme pour un nazi. » Personne parmi les
antifa ne connaissait alors l’identité du défunt, mais cela n’avait aucune
importance. Il leur suffisait de savoir qu’il était du côté de Trump. Ils ont fêté
sa mort en dansant, en chantant et en brûlant des drapeaux américains.
Quelques heures à peine après l’assassinat de Danielson, les enquêteurs
du Net se sont penchés sur les images qui avaient été prises de Reinœhl, dont
on ignorait alors l’identité : elles étaient floues mais sur la vidéo, on le voyait
s’enfuir. Comme ses vêtements étaient reconnaissables, ils ont pu trouver
d’autres images filmées plus tôt ce soir-là : on y voyait Reinœhl qui de temps
en temps levait le poing en signe de soutien à BLM, et qui portait
régulièrement la main au revolver qu’il dissimulait sur lui.

Grâce à un gros tatouage qu’il avait sur la nuque, le poing levé du Black
power, les enquêteurs en ligne et les forces de l’ordre ont pu identifier
Reinœhl en toute certitude. À partir de là, ils sont remontés jusqu’à une
interview du Bloomberg News datée du 27 juillet 2020. Reinœhl était
interrogé, on voyait son visage et son tatouage. La société civile dans son
enquête se révélait bien plus rapide que la police, qui à ce moment-là n’avait
toujours pas identifié la victime. En attendant, le tireur courait toujours…
Dès que j’ai eu confirmation que le tireur était bien Reinœhl, j’ai consulté
ses comptes sur les réseaux sociaux.
Les antifa ont tendance à systématiquement dissimuler leur présence en
ligne, mais Reinœhl était encore actif sur Instagram, postant au fur et à
mesure des émeutes qui avaient eu lieu cet été-là. Il ne m’a pas fallu fouiller
bien loin pour avoir la confirmation de ce que je soupçonnais dès le début :
Reinœhl n’était pas seulement un soutien obsessionnel de BLM, c’était aussi
quelqu’un qui se définissait comme « 100 % antifa » et qui écrivait de longs
posts sur la nécessité d’une révolution armée. Ainsi son post du 16 juin
2020 :
Toute révolution exige des gens qui veulent se battre et qui sont prêts au combat. Parmi nous, il y
en a beaucoup qui manifestent sans avoir la moindre idée de ce que ça va donner. Ce n’est que le
début, c’est comme ça que commence le combat. Si vous en êtes là et que vous l’assumez, c’est
vraiment sympa d’avoir participé, mais soyez gentils, laissez la place à ceux qui veulent vraiment se
battre. Je suis antifa à 100 %, jusqu’au bout ! Impatient de me battre pour mes frères et sœurs !
Même si par ignorance ils ne sont pas tous conscients des vrais enjeux du combat…
Nous avons aujourd’hui l’occasion de tout remettre d’aplomb. Ce sera
un combat à nul autre pareil. Ce sera la guerre et comme dans toutes les
guerres, il y aura des morts. Je suis passé par l’armée. J’ai détesté. Je ne
me sentais pas de me battre pour eux, ce n’était une cause juste. Les
manifestants, les antifa sont aujourd’hui mes frères d’armes.

Pour information, Reinœhl n’a jamais servi sous les drapeaux. Ses posts
sur Instagram déclinent le thème des émeutes, prélude au combat
révolutionnaire armé. Apparemment, Reinœhl n’a jamais porté la tenue noire
des black blocs. Il n’en reste pas moins qu’il adhérait complètement à
l’idéologie « antifasciste ». En prônant l’abolition de la police, Reinœhl
faisait en réalité acte de candidature auprès des BLM-antifa qui rêvent de
substituer aux forces de l’ordre des communautés « d’auto-défense » armées.
Celles-là mêmes qui avaient fait des morts à Seattle pendant CHAZ, tandis
qu’à Portland, on avait évité de justesse qu’elles ne provoquent un drame.

Le 16 août 2020, Marquise « Keese » Love, associé de Reinœhl, fait


partie de l’équipe de sécurité BLM qui patrouille depuis des semaines dans le
centre de Portland, notamment dans la zone du Palais de justice. Ce jour-là,
des figures militantes locales s’étaient exprimées et avaient tenu des discours
extrémistes. Parmi elles, Letha Winston, la mère de Patrick Kimmons. Celui-
ci, membre d’un gang noir de la ville, s’était fait abattre par la police de la
ville à l’âge de 27 ans pour avoir tiré sur deux personnes et pour avoir visé la
police appelée sur les lieux. C’était en 2018. Depuis, BLM et antifa organisent
régulièrement des émeutes dans Portland, « exigeant justice » pour Kimmons.
Le grand jury du comté Mutnomah avait jugé que le tir des policiers relevait
bien de la légitime défense, ce qui n’avait pas empêché la mère de Kimmons
de tenir des discours bellicistes : « C’est la guerre, les mecs… On se prépare
à s’armer, par ici… » dit-elle le 16 août 2020. Plus loin dans son discours,
elle avait précisé : « Je sais que vous [les flics], vous avez des flingues. Moi
aussi, j’ai des flingues… »
Cette nuit-là, Marquise Love, les vigiles qui effectuaient leur tour de
garde et quelques excités ont pris en chasse quelqu’un qui filmait, depuis le
Palais de justice jusqu’au 7-Eleven{34} voisin. Là, ils avaient tabassé une
femme transgenre. Parmi ceux qui avaient voulu la défendre, Adam Haner et
sa petite amie Tammie Martin. La meute a fini par les passer eux aussi à
tabac. Haner, pris en chasse alors qu’il était au volant, a eu un accident en
plein centre-ville ; les « vigiles » se sont alors rués sur lui pour le frapper, le
traitant de raciste et de « suprémacistes blanc ». Marquise Love, dont le
blouson affichait le mot Sécurité, a été filmé pendant qu’il balançait un coup
de pied circulaire à Haner, le visant en pleine tête. Haner s’est évanoui sous le
choc. Drew Hernandez, un reporter indépendant, a pu se cacher pour filmer.
C’était un geste très courageux. Sur les images qu’il a prises, on voit Haner
baigner dans son sang, inconscient. On l’a emmené à l’hôpital ; il s’en est
sorti. À ce jour, Love est le seul à avoir été condamné pour cette agression.
Reinœhl faisait partie de la même équipe de vigiles que Love, mais n’était
apparemment pas présent cette nuit-là. Pas que cela change vraiment la
donne : en ce mois de juillet, les « services de sécurité » antifa devaient
commettre d’autres agressions.

L’interview accordée par Reinœhl au Bloomberg News a permis aux


enquêteurs policiers et civils de l’identifier. Elle leur a aussi permis de
comprendre pourquoi il était blessé au bras. Le 26 juillet 2020, deux hommes
qui se trouvaient là en observateurs filmaient avec leurs portables la
manifestation place Lownsdale. Cette place est un jardin public, devenu la
zone d’opérations des BLM-antifa. Un des deux hommes, Aaron Scott Collins,
se fait soudain traiter de nazi ; autour de lui, la foule, qui veut lui arracher son
téléphone, appelle des renforts. On lui assène un coup de skate-board, il
tombe assommé. Pendant qu’il est à terre, les vigiles tentent de s’emparer de
son revolver (pour lequel il possède un permis de port d’arme). Reinœhl est
de ceux qui veulent lui prendre son arme. Love est également présent.
Pendant la bagarre, une balle part, qui effleure le bras de Reinœhl. Les vigiles
continuent à tabasser les deux hommes, pour finalement se saisir du revolver
de Collins. Une ambulance est venue le chercher pour l’emmener à l’hôpital,
où on a soigné ses blessures. Personne n’a jamais été arrêté, ni pour
l’agression, ni pour le vol. Dans son interview au Bloomberg News, Reinœhl
reconnaît avoir pris part à l’agression sans motivation particulière.
Pendant les derniers mois de son existence, avant que n’ait lieu la
fusillade fatale, Reinœhl s’était montré violent et dénué de toute empathie. À
plusieurs reprises, les autorités auraient pu le poursuivre et le mettre en
prison, mais à chaque fois, elles l’ont laissé filer. Cette mascarade s’est
conclu par l’assassinat de Danielson, qui aurait pu être évité.
Deux mois avant l’assassinat, la police de Portland avait en effet placé
Reinœhl en détention… avant de le relâcher. Le 5 juin 2020, il avait été mis
en garde à vue, cité à comparaître pour port d’arme non autorisé dans un lieu
public (arme chargée qui plus est), rébellion et obstruction à l’action de la
police. Ceci s’était passé devant le tribunal fédéral Mark O. Hatfield, au
début des émeutes qui allaient rythmer l’été. Il avait été pris en photo en train
de se battre avec les flics au moment où ceux-ci le plaquaient au sol. Sur la
photo de la police, le pistolet est par terre, à côté de lui. Selon une de mes
sources, la police avait relâché Reinœhl parce qu’il se plaignait d’avoir été
blessé : sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, le bureau du Procureur
de district avait alors abandonné toutes les poursuites.
Mais ce ne fut pas la seule occasion ratée. Il y eut cette autre fois, qui
aurait dû elle aussi mener à son arrestation. Le 8 juin 2020, dans l’est de
l’Oregon, il fait la course avec son fils de 17 ans, chacun au volant d’une
voiture. Reinœhl est arrêté par un agent de police de l’état. À ses côtés, sa
fille de 11 ans. Dans le véhicule, le policier trouve des médicaments opioïdes,
de l’herbe et un Glock chargé détenu illégalement. Reinœhl ne se présente
pas au tribunal, ce qui lui vaut un mandat d’arrêt. Personne n’a jamais été
l’appréhender.
Ainsi, à trois reprises, les autorités de l’Oregon ont laissé passer
l’occasion d’interpeler et de poursuivre Reinœhl, qui a persévéré dans le
crime jusqu’à tuer. Le 18 août, veille du meurtre, il fait partie des émeutiers
BLM-antifa massés devant la résidence du maire, Ted Wheeler. Sur une photo,
on le voit accompagné de sa fille qui brandit une batte de base-ball.

Après la fusillade, Reinœhl s’enfuit. Il quitte l’état pour se rendre à Lacey,


dans l’état du Washington, à deux heures de route vers le nord. Cinq jours
plus tard, il refait surface et se fait interviewer par Donovan Farley,
journaliste à vice News qui a des sympathies gauchistes. Pendant l’entretien,
qui se déroule dans un lieu tenu secret, Reinœhl reconnaît le meurtre : « Je
n’avais pas le choix. Je veux dire, si, j’avais le choix : j’aurais pu rester assis
et les regarder tuer un ami, un homme de couleur. Je n’allais pas faire ça,
non ». Selon lui, Danielson l’aurait menacé d’un couteau, bien qu’aucune
preuve ne soit venue étayer ce propos. Tout ce que montrent les images de
surveillance, c’est que dans les secondes qui précèdent la fusillade, Reinœhl
guette Danielson pour le prendre en filature.
Reinœhl avoue également être en cavale. Il ne se rend pas parce que,
d’après lui, la police collabore avec la droite. Comme je l’ai dit plus haut, le
rejet de la police est un des piliers de l’idéologie antifa, et les camarades ont
interdiction absolue de coopérer avec les forces de l’ordre.
La nuit où on diffuse la suite de l’interview de Reinœhl, j’apprends de
source policière que des shérifs viennent de le tuer dans l’état du Washington.
Un détachement spécial composé d’agents de la région l’avait localisé :
recherché pour meurtre au deuxième degré commis sur Danielson, il se
trouvait dans un appartement. Selon le Service des marshals, il s’est fait tuer
après avoir quitté les lieux, armé d’un revolver. Cette déclaration ne permet
pas de savoir s’il a lui-même tiré. Quoiqu’il en soit, on a confirmé avoir
trouvé sur lui un calibre. 38.

À l’instar de ses prédécesseurs activistes et assassins, Reinœhl a


immédiatement été érigé en martyr par les antifa. La nuit de sa mort, les BLM-
antifa ont attaqué un poste de police au sud-est de Portland. Le parvis était
couvert de graffitis : « Vous avez assassiné Michael Reinœhl. » Sur Twitter,
NYC Antifa a réagi à sa mort par un commentaire rageur : « C’est quoi ce
bordel ? », tandis qu’Emily Gorcenski, l’activiste adepte du doxing, se
contentait d’un sobre : « Que les nazis aillent se faire foutre », reprenant le
prétexte avancé par Reinœhl pour justifier le meurtre de Danielson. Le
lendemain matin, en traversant la ville en voiture, j’ai vu un graffiti grand
format qui s’étalait sur le mur d’un poste de police : « Longue vie à toi,
Mike ».
Graffiti dans le centre-ville de Portland, près du
Palais de justice. Photo : Andy Ngo
Frites de piscines cloutées pour crever les pneus de
la police. Photo : Portland Police Bureau
Une militant antifa en train de traquer l’auteur
devant chez ses parents. Photo : Andy Ngo
Armes et matériel saisis en juillet, dont un casseur
était en possession : feux d’artifice, lance-pierres, un
pied-de-biche, un couteau. Photo : Portland Police
Bureau
CHAPITRE 10

DOXING

En 2019, ma nuit d’Halloween fut digne d’un film d’horreur. Chez moi,
les lumières étaient éteintes ; j’étais au lit lorsque l’on a sonné à la porte. Je
n’ai pas bougé, pensant qu’il s’agissait sans doute d’un gamin
particulièrement motivé. On a continué à sonner, puis j’ai entendu que l’on
tambourinait à la porte. Ce n’était pas normal. J’ai attrapé mon téléphone
pour composer le 911. Cela faisait des mois que les antifa faisaient circuler
sur Twitter l’adresse de mes parents et mon numéro de téléphone.
Mais j’ai aussitôt reposé mon portable : pas question que la police
traumatise un enfant et sa famille sous prétexte qu’il sonnait chez moi.
Grossière erreur… Je suis allé à la porte d’entrée, car maintenant, on cognait
aux fenêtres. Non, décidément, un gamin, même hyper motivé, n’a pas ce
genre de comportement. Sans allumer, j’ai jeté un coup d’œil à travers le
judas : six personnes habillées en black blocs se tenaient sur mon palier. Elles
portaient toutes le même masque, sur lequel était imprimé mon propre visage.
J’ai battu en retraite et appelé la police. Le temps qu’elle arrive, mes visiteurs
antifa avaient quitté les lieux. Les policiers ont fait un rapport, qui, comme
d’habitude à Portland, n’a pas été suivi d’effet.
J’ignore ce qu’ils étaient venus faire cette nuit-là. Avaient-ils voulu entrer
chez moi par effraction ? Avaient-ils seulement voulu me faire comprendre
que je n’étais plus en sécurité chez moi ? Je penche pour cette dernière
hypothèse. Sur la vidéo de surveillance, on les voit rassemblés, masqués, les
yeux ostensiblement levés sur la caméra. Le message était sans équivoque :
ils m’avaient à l’œil.

Si l’on excepte quelques sénateurs et quelques membres du Congrès, les


Républicains n’ont commencé à s’intéresser aux antifa qu’après les émeutes
de 2020. Il est vrai que les Démocrates et les media ont tout fait pour fausser
leur image, voire pour nier leur existence, attitude qui a abouti au paradoxe
suivant : l’opinion publique ne comprend pas cette mouvance, qu’elle sous-
estime et surestime à la fois. On exagère souvent la menace que représente la
violence antifa, et il est arrivé que cela provoque quelques remous. En juin
2020, sur la seule base de rumeurs invérifiées lues sur le Net, des citoyens
armés du Montana et de l’Idaho s’étaient ainsi réunis pour leur faire la
chasse. Trois mois plus tard, en septembre, des rumeurs ont fait le tour du
Web : on les accusait d’avoir allumé les feux qui ravageaient l’Oregon.
Plusieurs incendiaires avaient été arrêtés, sans que l’on ait pu prouver leurs
motivations politiques. Il n’est pas exclu que la droite américaine puisse
considérer les antifa comme le grand méchant loup, seul coupable de tous les
maux de la terre. C’est sans doute une réaction en miroir au discours de ces
derniers, qui voient du fascisme partout.
Il est évident que je ne cherche aucune excuse aux antifa. Cela fait des
années que j’alerte sur le fait qu’ils sont violents et que leur agenda politique
relève du terrorisme. Si j’ai payé au prix fort mon franc-parler sur la question,
ce n’est pas pour autant que je vais les accuser sans preuves. J’irais même
plus loin : à mes yeux, les actes de destruction et les agressions qu’ils
commettent ne constituent pas l’essentiel. Ne considérer que leur violence,
qui fluctue et varie, revient à occulter l’autre moitié du tableau : c’est
lorsqu’ils passent par la voie pacifique que les antifa mettent en danger
l’intérêt général. Ce registre-là leur permet d’avancer très efficacement leurs
pions, bien davantage que les émeutes. Lorsque les antifa agressent les gens
armes à la main, il n’y a pas d’ambiguïté possible. Lorsqu’ils lavent les
cerveaux à coup de propagande en revanche, la menace est moins directement
visible.
L’apparition des antifa chez mes parents pendant la nuit d’Halloween,
portant mon visage en guise de masque, est une des expériences les plus
terrifiantes que j’ai jamais vécues. Pourtant, ils n’ont fait preuve d’aucune
violence. Ils n’ont même probablement enfreint aucune loi. Voilà ce que je
voudrais faire comprendre à mes lecteurs : pour mener leur projet à bien, les
antifa ont plusieurs cordes stratégiques à leur arc. Violents ou non, ils savent
terroriser leurs victimes et imposer leur agenda aux élus locaux.

Le « doxing » est un mot d’argot récemment apparu dans le langage


courant. Le harcèlement en ligne n’a certes rien de nouveau. Le fait que des
informations personnelles puissent faire le tour du Net grâce aux réseaux
sociaux constitue en revanche un phénomène inédit. Twitter notamment
permet de partager des posts via un réseau de comptes anonymes, ce qui se
fait moins facilement sur Facebook. Les comptes les plus suivis peuvent
contourner les conditions d’utilisation (lesquelles interdisent entre autres de
poster des informations personnelles) en retwittant ou partageant le post de
quelqu’un d’autre. Si le compte qui le premier a publié l’adresse, le numéro
de téléphone de quelqu’un, ou les coordonnées d’un événement, peut être
fermé, ce n’est pas le cas de ceux qui auront massivement relayé ces
informations.

Dès mes premiers contacts avec les antifa, fin 2016, leur rapidité et leur
efficacité en matière d’identification m’avaient étonné, tout comme leur
capacité à publier le résultat de leurs « recherches ». En réalité, leur image de
marque repose en grande partie sur leur aptitude au renseignement. Stanislav
Vysotsky, professeur en sociologie et criminologie associé à l’université du
Wisconsin, est un des rares universitaires à avoir écrit sur les antifa
américains. Selon lui, « ces pratiques de collectes de renseignement et
d’information forment l’essence même de l’activisme antifasciste ».
Sur Twitter en effet, des groupes comme Rose City Antifa recensent les
noms des participants aux rencontres publiques de droite, leurs lieux de
travail, leurs conjoints, leurs amis, la marque de leur voiture, etc. Ces fils
Twitter, partagés entre 100 et 1 000 fois, sont enrichis au fur et à mesure.

Pour avoir assisté à des dizaines de manifestations et d’émeutes, je sais


que les antifa consacrent une part non négligeable de leurs ressources à des
manœuvres de reconnaissance sur le terrain. La plupart du temps, ils opèrent
de façon assez fine. Des « espions », sans masques et vêtus normalement,
photographient au zoom les visages de ceux qu’ils soupçonnent de
« fascisme ». Les photos sont ensuite collectées, examinées de près, croisées
avec d’autres photos prise au cours d’événements ayant eu lieu des mois,
voire des années auparavant. Lorsque j’ai commencé mes études de
journalisme, je me rappelle les avoir surpris en train de me prendre
discrètement en photo : allais-je faire partie des alliés ou des ennemis ?
En tant que reporter, je tiens à dire avec la plus grande fermeté qu’il n’y a
rien d’illégal, ni même d’immoral, à photographier des gens qui manifestent
dans l’espace public, comme je le fais moi-même. La différence, c’est que les
antifa utilisent ces photos dans le but de nuire. L’enjeu pour eux n’est pas
d’informer, mais de rassembler des données personnelles qui vont leur
permettre d’agresser les gens, de leur faire perdre leur emploi, de les traquer.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils ne photographient pas leurs
camarades lorsque ceux-ci se livrent à quelque activité illégale. Si par hasard
il leur arrive de les filmer, ils pixellisent leurs vêtements et tous les éléments
qui permettraient de les identifier.
Les informations personnelles que les antifa publient sur les réseaux
sociaux sont généralement déjà accessibles. La différence, c’est qu’ils les
communiquent à une communauté de « vigies » qui les diffusent ensuite au
plus grand nombre, placardant dans toute la ville des affiches semblables à un
avis de recherche. Le but : inciter la foule à s’en prendre aux nazis supposés
dont le nom et le visage ornent désormais les rues.

Au printemps 2019, à Portland, les antifa et leurs amis ont misé sur le
crime de haine, diffusant la fausse rumeur que des membres de la
communauté LGBT se faisaient frapper, enlever et tuer en pleine rue. Tout a
commencé par la déclaration anonyme d’une femme transsexuelle, qui
affirmait avoir été frappée à coups de batte de baseball sur la tête. Les
coupables ? Des hommes transphobes. En lien avec ces accusations
inquiétantes, une cagnotte en ligne avait permis de récolter quelques milliers
de dollars. En enquêtant, je me suis rendu compte que les accusations
provenaient d’une activiste trans d’extrême gauche. Le compte-rendu de la
police ne cadrait pas avec le texte alarmant qui présentait la cagnotte en ligne.
L’agent de police qui s’était occupé de l’affaire avait noté que la victime était
alcoolisée, et qu’elle ne se souvenait de rien. Quant à ses blessures, elles
correspondaient à celles de quelqu’un qui aurait fait une chute après avoir
trop bu.
Quoi qu’il en soit, une accusation du même acabit est publiée sur le Net
dans les jours qui suivent. Selon une activiste qui se définissait elle-même
comme lesbienne et en surpoids, « deux jeunes hommes blancs » conduisant
un SUV couleur bordeaux avaient frappé sa copine. Les faits se seraient
produits en plein jour, à un carrefour très passant du sud-est de Portland. Elle
affirmait avoir signalé les faits à la police. J’ai vérifié : il n’existe aucune
trace de sa déclaration. À vrai dire, elle avait même refusé d’aider les forces
de l’ordre, qui l’avaient contactée après avoir lu sa déclaration sur le Net.
Dans le sillage de ces deux scandales, plus d’une dizaine de déclarations,
aussi fracassantes qu’imprécises, ont circulé sur les réseaux sociaux, faisant
état de crimes de haine ayant eu lieu à Portland. Elles appelaient le maire Ted
Wheeler, les groupes LGBT et les Socialistes Démocrates d’Amérique à réagir.
Non contents de répandre des rumeurs infondées, les antifa jetaient de
l’huile sur le feu en exhumant de leurs dossiers quelques individus qu’ils
jetaient en pâture à leurs sympathisants. Sur le Net ou par tract, ils diffusaient
les noms et les photos d’hommes blancs, repérés pour avoir participé à des
événements organisés par la droite.
« Voilà à quoi ressemblent les agresseurs qui terrorisent la communauté
queer/trans depuis quelques temps. Si vous tombez sur un de ces visages,
frappez-le à coup de briques : la police ne fait rien pour les empêcher de
nuire » disait un post largement partagé sur Instagram. Robert Zerfing,
habitant à Battle Ground dans l’état du Washington, a fait partie de ces
hommes faussement accusés. Pour la seule raison que, sur une des photos
qu’ils avaient prises, on le voyait au volant d’un SUV bordeaux, en route pour
un meeting conservateur, les antifa l’avaient cloué au pilori. La
correspondance entre les véhicules était pour le moins imprécise, fondée sur
une seule accusation publiée sur Twitter. Zerfing m’a montré la preuve que
son SUV avait été saisi des mois auparavant. Les antifa ayant diffusé son nom,
il avait reçu d’innombrables appels, ainsi que des menaces. Ils connaissaient
par ailleurs son adresse.

Les manœuvres d’intimidation des antifa, comme le doxing, jouent sur les
limites de la loi. Peu après l’épisode d’Halloween, alors que j’étais en Floride
pour une conférence, j’ai reçu un message audio en numéro masqué. C’était
une voix d’homme : « Je suis bien chez le lèche-cul qui habite à… ». À ce
moment-là, il a donné mon adresse, puis embrayé en continuant à m’insulter.
J’ai appelé la police de Miami, qui m’a appris qu’il n’y avait « rien d’illégal »
à communiquer une adresse et qu’en conséquence de quoi, personne ne
s’occuperait de cette histoire.
À Portland, tous les signalements que j’ai adressés à la police pour avoir
reçu des menaces de ce type sont restés lettre morte. Idem pour les menaces
de mort ou d’agression physique, qui relèvent de la « liberté d’expression »,
dès lors qu’elles ne sont pas suffisamment précises. En soi, elles ne
constituent pas un délit. Le fait que les antifa n’aient jamais eu à rendre
compte de leurs méthodes, entre harcèlement et doxing, ne peut que les
encourager à appeler publiquement à la violence contre leurs ennemis. En
2020, à Portland, des inscriptions telles que « Tuez Andy Ngo ! » ou
« Assassinez Andy Ngo ! » ornaient couramment les murs du centre-ville. Par
principe, la police en prenait note, sans rien faire de plus…

Une des techniques liées au doxing consiste à diffuser sur Twitter et par
messagerie des alertes permettant à la communauté de localiser en temps réel
une personne ou un groupe. Cette technique porte le nom de « cyber-meute ».
N’importe qui, dès lors qu’ils l’accusent d’être un flic ou un « fasciste », peut
en faire les frais. Les tweets de cette nature se rangent habituellement sous le
hashtag « Defend », suivi du nom de la ville. Par exemple, si la cible se
trouve à Portland, on utilisera #DefendPDX. Leurs intentions sont évidentes :
les antifa veulent mobiliser les camarades pour que ceux-ci aillent aussitôt
suivre, provoquer et agresser les cibles qu’ils leur ont désignées. L’objectif,
comme ils le disent eux-mêmes, est de faire en sorte que les « fascistes »
n’osent plus sortir de chez eux. Trop souvent néanmoins, la chasse don-
quichottesque aux « fascistes » les pousse à harceler des gens qui n’ont rien à
voir avec la politique et qui n’ont agi que dans le cadre de leur travail. Ainsi,
à l’été 2018, lorsque les antifa ont assiégé le bâtiment des Services de
l’immigration et des douanes de Portland, ils ont repéré, suivi et harcelé un
des agents de l’institution, sur un parking où celui-ci était venu chercher sa
fille rentrée de colonie de vacances.
J’ai moi-même été victime de cette chasse en meute 2.0. Les antifa
retweetent les habitants de Portland qui disent m’avoir vu à tel ou tel endroit.
Ils se trompent souvent et mettent en danger des gens qui n’ont aucun rapport
avec ma personne. En juillet 2020, pendant une manifestation qui avait lieu
dans le nord de Portland, des black blocs ont accosté un Asiatique qu’ils
avaient confondu avec moi. « Vous me prenez pour Andy Ngo ? C’est ce que
vous pensez, bande de salopes racistes ? » les a interpelés l’homme pendant
l’incident qui a été filmé. « C’est la troisième fois que ça m’arrive, et la
deuxième fois que ça m’arrive en manif. »
Parfois ils ne se trompent pas et signalent l’endroit où je me trouve en
effet. En mai 2019, j’étais à ma salle de sport, où je me suis fait agresser et
dépouiller. Je descendais l’escalier lorsque j’ai reçu de l’eau sur la tête. J’ai
remonté les escaliers à toute allure et vu mon agresseur, qui avait encore la
bouteille à la main. C’était John Hacker, un activiste d’extrême gauche qui à
Portland est de tous les rassemblement BLM-antifa. Il m’a insulté, m’accusant
de mettre en danger les manifestants que je filmais pour mes enquêtes. Je
m’apprêtai justement à filmer l’incident lorsque le directeur de la salle s’est
interposé. À ce moment-là, Hacker qui tentait de me frapper, a fait tomber
mon téléphone. Il s’en est emparé, prêt à décamper, mais un employé de la
salle l’en a empêché. J’ai appelé la police et raconté l’incident. Un officier a
pris en note ma déclaration mais, malgré le fait qu’on ait identifié Hacker et
que l’agression et le vol se soient déroulés devant témoin, il ne s’est rien
passé.

La perversité des techniques antifa liées au doxing réside précisément


dans le fait que, souvent, elles n’enfreignent ni les lois pénales, ni les
standards communautaires des réseaux sociaux. Personne ne se fera bannir de
Twitter pour avoir révélé l’endroit où il a vu quelqu’un. De la même manière,
il n’est pas interdit de retweeter un post qui contient des informations
personnelles. Mus par une haine forcenée, les antifa veulent que leurs cibles
aient peur de vivre normalement. Le terrorisme sans violence, une méthode
antifa…
Jami Resch, ancienne cheffe-ajointe du secteur des
enquêtes, Danielle Outlaw, ancienne cheffe de la
police de Portland et Ted Wheeler, le maire en 2019.
Photo : Andy Ngo
Grillage en acier renforcé mis à bas avec des cordes
par des centaines de casseurs, le 26 juin 2020.
Photo : Andy Ngo
CHAPITRE 11

LA VOIE « DÉMOCRATIQUE »

Voilà ce que déclarait la députée démocrate Alexandria Ocasio-Cortez à


l’issue de la Convention nationale des Démocrates de 2020 :
Il faut parler des enjeux essentiels de cette élection, car considérons la réalité telle qu’elle est : en
novembre, nous devons absolument gagner. En novembre prochain, il faudra faire barrage au fascisme
sur le sol américain. Le fascisme, voilà ce que représente Donald Trump.
En postant ceci sur Instagram, Ocasio-Cortez ne blaguait pas. Depuis
qu’elle s’était hissée au niveau des instances nationales en 2018, toutes ses
déclarations n’étaient que variations sur un même thème : le gouvernement
Trump était raciste et il fallait le battre coûte que coûte. Elle appelait
régulièrement à l’abolition du Service de l’immigration et des douanes, à la
restriction des financements de la police et à la fin du capitalisme. Aucune
figure politique de ce niveau n’a autant fait qu’elle pour banaliser l’agenda
antifa : elle a rendu acceptable, voire « intéressante », l’expression d’opinions
extrémistes.
Ocasio-Cortez fait partie des Socialistes démocrates d’Amérique. Vous
les remettez ? Les Socialistes démocrates d’Amérique, ce parti qui participe
ouvertement aux événements antifa et tient des stands dans les zones
autonomes illégales… En août 2019, sur Twitter, Ocasio-Cortez et la députée
du Massachusetts Ayanna Pressley ont fait la promotion d’un fonds de
réserve destiné à acquitter les cautions de suspects arrêtés pour violences,
fonds créé dans le sillage des émeutes de Boston. Pour Ocasio-Cortez, la
radicalité n’est pas simplement affaire de discours : elle croit à l’action
solidaire. Parmi ceux à qui était destiné l’argent collecté, des antifa qui
avaient agressé manifestants et policiers lors d’un rassemblement parodique,
l’Hétéro Pride de Boston. « Comment soutenir la communauté LGBT locale,
touchée par le défilé suprémaciste blanc de Boston ? Soutenez financièrement
les activistes qui ont pris des risques pour protéger la communauté ! » avait-
elle twitté. Ce ne fut pas le seul geste qu’elle fit en ce sens : en juin 2020, sur
Instagram, elle incitait ses 6,5 millions de followers à faire des dons à
Unicorn riot, un collectif de presse antifa mêlant propagande et actualités.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que son militantisme sans-frontiériste (pour
parler des centres de détention pour migrants, elle utilise le terme de « camps
de concentration ») ait inspiré les terroristes Willem van Spronsen et Michael
Reinœhl. Enfant chérie des media, elle n’a jamais eu à répondre de ses sorties
diffamatoires contre l’État. En septembre 2020, juste après la mort de Justice
Ruth Bader Ginsburg, elle déclarait dans une story sur Instagram : « Laissez-
vous radicaliser… ». Mais Ocasio-Cortez n’est pas la seule à banaliser le
discours antifa aux yeux de l’opinion. Nous voyons aujourd’hui des
idéologues, des soutiens, des sympathisants qui se servent de la loi
démocratique pour faire vaciller l’État et fragiliser la société.

Généralement, les antifa purs et durs refusent le cadre de la légalité : ils ne


votent pas, par exemple. Cependant, ils commencent à admettre que la voie
légale mène au succès qu’à ce titre, il peut être légitime de l’emprunter. Sur le
court terme, l’action violente, la terreur et les émeutes permettent certes
d’atteindre quelques objectifs, comme celui de faire taire ses opposants. Pour
autant, seule la voie démocratique et non violente confère une véritable
légitimité aux yeux de l’opinion. À cet égard, la plus grande victoire des
antifa n’est pas d’avoir réussi à faire annuler tel ou tel événement, ni d’avoir
combattu les « fascistes » dans la rue. Non, leur plus grande victoire, c’est
d’avoir obtenu que la gauche classique les accepte et les tolère. Les émeutes
de 2020 ont montré qu’une part non négligeable de responsables politiques,
d’intellectuels, d’universitaires et de journalistes du camp démocrate
considèrent aujourd’hui que les émeutes et le pillage sont justifiés, dès lors
qu’ils sont commis au nom de la « justice raciale. »
Avant qu’Ocasio-Cortez ne soit élue au Congrès en juin 2018, un autre
responsable politique de haut niveau avait déjà œuvré à banaliser les antifa :
Keith Ellison. De 2007 à 2019, Ellison est député du Ve district du Minnesota
à la Chambre des représentants. Sous les ordres de Tom Perez, il a également
occupé la fonction de chairman-adjoint de la Convention nationale
démocrate. Noir converti à l’islam, Ellison a en tant que député musulman
longtemps bénéficié de l’attention médiatique, situation qui a paradoxalement
permis d’occulter ses antécédents.
Pendant ses études à la faculté de droit du Minnesota, Ellison a en effet
commis sous pseudonyme quelques tribunes extrémistes dans lesquelles il
prenait la défense de Louis Farrakhan, le dirigeant antisémite de la Nation of
islam. Il y prônait également la création d’un état noir séparé, qu’il situait
dans le sud des États-Unis. Au fur et à mesure de sa carrière, Ellison a
édulcoré ses propos, mais parfois, il arrive qu’il tombe le masque. En janvier
2018, alors qu’il est député au Congrès, il exprime sur Twitter son admiration
pour Antifa : le manuel antifasciste, de Mark Bray. Une photo de lui tout
sourire accompagne le texte suivant : « Au [Moon Palace Books], je viens de
trouver le livre qui va semer la terreur [sic] dans le cœur de
@realDonaldTrump ». Ce post met mal à l’aise pour plusieurs raisons. D’une
part, la vente du livre de Mark Bray sert à financer un fonds international
antifa. Mais ce n’est pas l’essentiel : la phrase d’Ellison se réfère également
au Coran (8 : 12), en l’occurrence à un verset que citent couramment l’état
islamique et les djihadistes pour justifier le terrorisme : « Je sèmerai la terreur
dans le cœur des mécréants. » Apparemment fier de son coup, Ellison a laissé
le tweet en ligne pendant plus d’un an et demi. Sans que l’on sache vraiment
pourquoi, il l’a supprimé en juin 2019, au moment où les media ont
commencé à évoquer mon agression.
En janvier 2019, Keith Ellison prend ses fonctions de procureur général
de l’état du Minnesota, où est située Minneapolis. En poste au moment où se
déroulent les terribles émeutes liées à la mort de Georges Floyd, il alimente la
théorie complotiste selon laquelle c’était un flic déguisé en antifa qui les
aurait provoquées. Fin mai 2020, une rumeur conspirationniste qui circule sur
le Net affirme qu’un des casseurs noirs filmés à Minneapolis serait un flic de
Saint-Paul sous couverture. La rumeur était infondée. « Cet homme ne
ressemble à aucun des manifestants pour les droits civils [sic] que j’ai
connus. On dirait un agent provocateur. Quelqu’un peut l’identifier ? » avait
pourtant twitté Ellison, ajoutant le lien vers une vidéo où l’on voyait un
homme masqué casser des vitres, abrité par un parapluie grand-ouvert. Fin
juillet 2020, la police de Minneapolis pense avoir identifié le casseur en
question, supposément lié au « suprématisme blanc ». Curieusement, son
nom ne fut jamais cité. Quant à l’homme lui-même, il ne fut ni arrêté ni
poursuivi.

Depuis qu’il est procureur en chef du Minnesota, Ellison prend soin de


dissimuler ses idées. Son fils en revanche, membre du conseil de la ville de
Minneapolis, exprime ouvertement son extrémisme : c’est une réalité avérée,
les gouvernements locaux constituent un terrain favorable pour les antifa.
« J’atteste officiellement de mon soutien aux antifa » twittait Jeremiah
Ellison le 31 mai 2020 en réponse à Trump qui voulait classer la mouvance
comme organisation terroriste. Plus tard, les conseillers municipaux de
Minneapolis, tous de gauche, ont concrétisé l’agenda antifa en votant le
démantèlement de la police de la ville. Reprenant les éléments de langage
BLM-antifa, Lisa Bender, la présidente du Conseil de la ville, affirmait : « Si
nous en sommes là, c’est parce qu’ici, à Minneapolis, et dans d’autres villes
américaines, il est évident que la politique actuelle de sécurité ne protège pas
nos communautés ». La proposition avait été votée par la majorité du conseil
municipal, sans recours possible. Dans les mois qui ont suivi, Minneapolis a
connu un pic de délits violents.
Chez les responsables politiques, Jeremiah Ellison n’est pas le seul fils de
démocrate à être proche des antifa. Ainsi Linwood Michael Kaine, qui s’est
fait arrêter en mars 2017 pour avoir pris part aux émeutes du Minnesota State
Capitol et dont le père, sénateur de Virginie, est un ancien candidat à la vice-
présidence. Linwood Michael Kaine faisait partie des black blocs qui avaient
lancé feux d’artifice et fumigènes pour saboter un meeting pro-Trump. Il a
fini par plaider coupable pour entrave à la justice. Les plaintes pour
dissimulation d’identité et délit de fuite ont été abandonnées. Kaine n’a été
condamné qu’à une peine d’un an avec sursis.

La mort de Georges Lloyd a immédiatement suscité la réaction des


municipalités de gauche, qui se sont empressées de faire des coupes sombres
dans le budget de la police. Minneapolis n’était pas la seule ville concernée.
En août 2020, Seattle a voté à sept voix contre une la baisse du budget alloué
à la police, lequel s’est vu amputer de plusieurs millions de dollars. Ceci
après l’expérience CHAZ, où le mot d’ordre du « Pas de police » s’était
pourtant révélé fatal. La seule à avoir voté contre cette baisse était Kshama
Sawant, membre éminent du conseil municipal et du parti Socialiste
alternatif. Cette immigrée indienne de 46 ans n’était pas pour autant opposée
à la restriction budgétaire : si elle avait voté contre, c’était parce qu’elle la
trouvait insuffisante. Sawant conspue régulièrement le capitalisme. Elle
trouve toujours des excuses aux casseurs qui démolissent les commerces,
agressent les flics et se livrent au pillage dans sa ville. Ce n’est pas la seule.
Lors d’une réunion, sa collègue du conseil municipal, Tammy Morales,
avait publiquement réagi aux émeutes : « Je ne veux pas qu’on dise à nos
électeurs qu’ils doivent faire preuve de civisme, qu’ils ne doivent pas
surréagir, qu’on leur fasse la leçon en leur disant que le pillage ne résout
rien ». Ce genre de discours alimente la dynamique des violences antifa en
leur conférant une légitimité. Après le démantèlement de CHAZ, les BLM-antifa
ont persévéré, provoquant chaque semaine des émeutes, s’en prenant aux
commerces, aux postes de police, au syndicat de police, et même au domicile
de Mark Solan, le dirigeant dudit syndicat. Les casseurs avaient également
tenté de piéger les agents de police du Commissariat Est sur leur lieu de
travail, en bétonnant une sortie et en incendiant le bâtiment. Le conseil
municipal n’avait pas à l’époque condamné ces violences anti-police, pas
plus d’ailleurs qu’il ne les condamne aujourd’hui.

À Portland se déroule le même genre de scénario. Ted Wheeler, le maire


démocrate, est entré en fonction début 2017. Bien que son CV politique soit
celui d’un libéral on ne peut plus classique, bien qu’il soit lui-même issu de la
bourgeoisie aisée, depuis son élection, il ne cesse de donner des gages à
l’extrême gauche. Il faut dire qu’à Portland, celle-ci est aussi remuante
qu’insatiable… De cette extrême gauche, il a repris la rhétorique, évoquant
volontiers la suprématie blanche, le privilège et le racisme blancs, le
fascisme. Statutairement, le maire de Portland est aussi préfet de police. Sous
sa mandature, la police s’est trouvée privée de tout moyen, décision qui n’a
rien à voir avec la morale. Si la police a eu pour consigne de ne pas intervenir
pendant les manifestations, c’était parce que sa présence pouvait être perçue
comme « anxiogène. »
« Si nous constatons que notre présence pose problème, que nous
perturbons les gens, nous nous mettrons en retrait de la manifestation pour
faire baisser les tensions » annonce le capitaine Craig Dobson en août 2019
lors d’une conférence de presse. Petit flash info : pour les antifa et leurs
sympathisants, les forces de l’ordre sont irréductiblement « anxiogènes ».
Donner à la police la consigne de battre en retraite lors de manifestations
violentes, c’est donner aux antifa le blanc-seing pour provoquer chaque jour
des émeutes. C’est d’ailleurs exactement ce qu’ils ont fait en 2020.

Le maire Wheeler n’est pas le seul à leur avoir concédé ce pouvoir. À sa


gauche, Jo Ann Hardesty, membre du conseil municipal. En tant que
première femme noire élue à la ville, Hardesty utilise l’argument massue de
son appartenance raciale pour contrer le maire et la population
majoritairement blanche de la ville. Les idéologues antifa de Portland, qui
partagent avec elle la haine de la police, la considèrent comme une alliée au
sein du conseil municipal et lui apportent un soutien sans faille. Hardesty
critique systématiquement les forces de l’ordre, tout comme elle excuse
systématiquement les violences d’extrême gauche. Lorsque émeutes et
pillages inspirés par BLM ont éclaté fin mai, Hardesty a tenu une conférence
de presse. Le maire étant absent, c’est donc en son nom qu’elle avait affirmé,
dans la droite ligne des théories du complot, que les suprémacistes blancs
tiraient les ficelles des émeutes. « En permettant aux nationalistes et aux
suprémacistes blancs d’infiltrer des manifestations pacifiques, nous
favorisons des désordres qui nuisent à l’image de notre communauté. Nous
devons y mettre un terme » a dit Hardesty. Cette affirmation était
complètement infondée, comme le prouve la liste de ceux qui ont été arrêtés.
En juillet, Hardesty poursuit sur sa lancée conspirationniste. Alors que la ville
venait de subir des semaines d’émeutes et de violences quotidiennes, Marie-
Claire a repris un de ses propos : d’après la conseillère municipale, c’étaient
les policiers de Portland qui provoquaient les incendies, à seule fin
d’incriminer les antifa qui défilaient pacifiquement. « Je crois que la police
de Portland ment sur les dégâts occasionnés, voire qu’elle provoque elle-
même les incendies, pour ensuite avoir une bonne raison de s’en prendre aux
membres de la communauté » dit-elle pendant l’interview.
Chuck Lovell, le chef de la police, lui demanda publiquement de prouver
ce qu’elle avançait, qui était une grave remise en cause de son service. Elle
admit ne pas être en mesure de justifier ses propos. Lorsque des élus tiennent
de genre de discours, ils cautionnent et légitiment les antifa. Il arrive que
certains franchissent un cap supplémentaire en les aidant concrètement.

En juin 2020, au plus fort des émeutes qui dévastaient le centre-ville, le


maire Wheeler a interdit à la police de Portland toute collaboration avec les
forces fédérales. En septembre de la même année, un autre décret prohibait
l’usage des gaz lacrymogènes. Le chef de la police, qui avait tenté de faire
renoncer le maire à cette décision, s’est fait publiquement réprimander. Dans
un communiqué officiel, Wheeler écrivit : « La direction de la police de
Portland a publié un communiqué de presse qui contestait mes choix. Ceci
constitue un grave manquement au protocole et témoigne d’un dévoiement
des services de la communication de la ville. Je me suis bien fait comprendre
du chef de la police, lui disant clairement que ceci ne devait pas se
reproduire ».
Avant que les antifa de Portland ne s’enhardissent à exercer directement
leur influence sur les élus locaux, ils avaient lancé un ballon d’essai dans les
quartiers de la ville. En 2017, un groupe planifia de prendre le pouvoir au
sein d’une association de quartier du nord-est de Portland, qui était reliée à la
mairie. Ce fut une réussite. Jonathan Ogden, à l’époque membre du bureau,
était le fer de lance de l’opération. Un document de la main d’Odgen a fuité :
il y explique comment noyauter à bas bruit les associations de quartier, en
vue de créer des zones d’« autonomie ». « Conformément au cadre légal
établi à Portland, les conseils de quartier ont pour mission d’élire ceux qui
formeront la majorité au sein des associations. Ils soumettront au conseil des
propositions en adéquation avec le concept d’auto-détermination populaire »
lit-on dans un texte de mars 2017.
Pour pouvoir mettre ce plan à exécution avant les élections, il fallait,
poursuivait-il, des candidats sur le terrain, des donateurs et « un réseau actif
qui permette de multiplier les votes ». Le document comportait un planning
qui s’étalait sur un an et devait se conclure par « l’été de la révolution ». Le
plan était d’envergure. Par certains aspects, il imitait la prise de contrôle des
quartiers qu’avaient pratiquée les milices antifa allemandes pendant l’entre-
deux guerres. En résumé, il s’agissait de créer en ville une version édulcorée
des communes anarcho-communistes.
Le plan fonctionna à merveille. En octobre 2017, Ogden et les candidats
de son réseau antifa ont remporté les élections au sein de Montavilla, simple
association de quartier dont ils pouvaient dès lors infléchir le positionnement
politique. Aux yeux des modérés, fidèles aux principes qui avaient présidé à
la création de l’association, il s’agissait ni plus ni moins d’un hold-up. Par
peur, ils n’évoquent pas publiquement le sujet, mais le vote selon eux avait
été entaché d’irrégularités. Ils avaient vu passer des dizaines d’électeurs
inconnus au bataillon, des gens qui de toute évidence n’étaient pas du
quartier.
Micah Fletcher et Johnnie Shaver faisaient partie des nouveaux élus du
bureau. Fletcher est un activiste de Portland, qui en 2017 s’était battu dans un
train avec un certain Jeremy Christian, psychiquement instable, qu’il avait
pris pour un suprémaciste blanc. L’épisode avait fait deux morts, Christian
dans un accès de rage ayant commencé à jouer du couteau. Fletcher,
sérieusement blessé, a survécu. Pour les meurtres commis, Christian a été
condamné à la perpétuité incompressible. Quant à Johnnie Shaver, réélue à
l’association Montavila, elle est très active sur Twitter où elle écrit sous
pseudonyme. Elle y soutient explicitement la cause antifa et le combat contre
la droite.
Pour fêter leur victoire et la prise de pouvoir au sein de l’association, le
réseau antifa s’est réuni au bar du coin. Parmi les invités, Sean « Armeanio »
Kealiher, grand spécialiste de la baston. Dans la région de Portland, ce
membre de Rose City Antifa avait mauvaise réputation, émeutier patenté et
infatigable bagarreur. Sur le Net, il publiait des textes sous pseudonyme : il
voulait des attentats contre les flics, des bombes posées dans les écoles. Il
s’est fait tuer en octobre 2019 dans des circonstances non élucidées.
L’accident et le délit de fuite s’étaient déroulés devant le pub Cider riot, mais
conformément au code de conduite antifa, ceux qui y avaient assisté ont
refusé d’aider les forces de l’ordre. Sur les réseaux sociaux, les camarades ont
reçu la consigne de supprimer tous leurs échanges avec Kealiher. À ce jour,
son meurtre n’a toujours pas été résolu.
Le tribunal fédéral Mark O. Hatfield entièrement
vandalisé par les casseurs. Photo : Andy Ngo
Un militant jette un gobelet au visage d’Andy Ngo,
lors d’une manifestation antifa. Photo : Chelly
Bouferrache
CHAPITRE 12

PROPAGANDE ET GUERRE DE L’INFORMATION

Qu’il s’agisse des slogans, des graffitis ou des symboles, la propagande


antifa est généralement explicite et sans fioritures. Elle s’étale partout, sur les
bâtiments, les vêtements, pendant les compétitions sportives. Pour banaliser
leur discours et leurs symboles, les antifa ont notamment pour stratégie
d’infiltrer les équipes officielles de supporters de foot. S’inspirant de la
politisation des supporters européens, ils ont mis la main sur le Emerald City
Supporters et sur la Timbers Army, deux fan-clubs officiels de la ligue de
football soutenant respectivement l’équipe de Seattle, les Sounders, et celle
de Portland, les Timbers. Les clubs de supporters ont des tribunes réservées,
où ils peuvent chanter tout leur soul, encourager leur équipe et agiter leurs
drapeaux. Pendant les matchs, des dizaines de supporters brandissent le logo
antifa et le symbole de l’Iron front. Ces symboles ornent également les
banderoles déployées dans les tribunes les plus proches du terrain,
propagande ici spécifiquement destinée aux caméras de télévision.
En août 2019, la ligue de football a interdit les symboles politiques. Il a
fallu moins d’un mois de boycott, de pressions et de couverture médiatique à
charge pour que la ligue fasse machine arrière. La presse, lorsqu’elle évoquait
l’affaire, était favorable aux antifa et aux clubs de supporters, dont les logo
selon eux symbolisaient l’« antiracisme » et l’« antifascisme ».

On peut définir la stratégie opérationnelle antifa comme une machinerie


protéiforme qui recourt autant à la violence qu’à la voie légale. Quelle que
soit l’approche choisie, c’est toujours la guerre de l’information qui sert de
lubrifiant à la machine. Il s’agit d’un concept militaire, dont la mise en
pratique consiste à utiliser l’information, à la taire, à l’exploiter ou à la
manipuler en vue de contrer l’ennemi. Cela consiste à mener la guerre en
dissimulant des faits, en diffusant de fausses informations, voire de purs
éléments de propagande. N’oublions pas les journalistes bienveillants et les
idiots utiles n’aiment rien tant qu’à servir la soupe à l’extrême gauche…
Lorsque j’ai commencé à enquêter sur les antifa, j’étais moins surpris par la
violence dont ils faisaient preuve que par le récit idéalisé qu’en faisait les
media, qu’ils soient locaux ou nationaux.
Pourquoi cette indulgence des citoyens de Portland ou de Seattle pour une
mouvance si visiblement violente et radicale ? Les habitants des villes où
sévit la violence antifa peuvent ne se rendre compte de rien, dans la mesure
où bagarres et émeutes, qui ne durent que quelques heures, se limitent à un
périmètre défini. On peut tout à fait vivre à Portland sans savoir qu’ailleurs en
ville, des émeutes ont lieu. Le cas de CHAZ, pourtant extraordinaire, illustre
bien cette réalité, puisqu’à moins de traverser Capitol Hill, il était possible
d’ignorer que le quartier était occupé.
À ce titre, les vidéos des journalistes indépendants constituent une source
d’informations extraordinaire. Leur regard, direct et sans faux-semblants,
permet de plonger au cœur de l’extrémisme. Les antifa, qui en sont bien
conscients, ont en toute logique fait de la chasse aux journalistes une de leurs
priorités, publiant même des guides pratiques destinés à empêcher la présence
de journalistes non autorisés, comme j’ai d’ailleurs pu moi-même en faire
l’expérience. Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est que les antifa se
sont fait de grands amis au sein des rédactions, et que ceux-ci jouent un rôle-
clé dans la guerre de l’information : ils bloquent les enquêtes défavorables à
l’extrême gauche, ils relaient son idéologie et discréditent tous ceux qui la
critiquent.

Concernant les antifa, l’opinion américaine subit une propagande


incessante et mensongère qui brouille tous ses repères. On les lui présente en
antifascistes combattant le racisme, et en même temps, comme un fantasme
tout droit sorti de l’imaginaire droitard. Combien de gens, parmi ceux qui en
ont entendu parler, savent que la mouvance antifa est une nébuleuse de
réseaux anarcho-communistes ? Combien savent qu’ils ont pour objectif la
destruction de l’État américain, mission à laquelle ils se préparent avec une
détermination sans faille ?

FAKE NEWS
Voilà quelques gros titres qu’a pu glaner l’Américain moyen et sans
engagement politique particulier au cours de l’année 2017. « Les antifascistes
combattront le fascisme de Trump dans la rue. » « Ouragan Harvey : les
antifa sur le terrain au Texas, au secours des victimes des inondations. »
« Rappel : si vous n’êtes pas antifa, vous êtes profa. » « En 25 ans, 0 meurtre
pour les antifa américains. » « Qui provoquent les violences pendant les
manifs ? Pas les antifa. »
Ceci n’est qu’un échantillon des articles consacrés aux antifa depuis 2016,
du Guardian au Washington Post. Quelqu’un qui ignore les subtilités de la
guerre politico-culturelle en cours aux États-Unis, comme mes parents par
exemple, aura tendance à penser, par pure ignorance, que les antifa sont les
« gentils ». Les gens travaillent, s’occupent de leurs enfants et n’ont pas
toujours le temps de vérifier ce que raconte la presse. Les media ont pour
mission d’informer, mais hélas, dès qu’il est question des antifa, nous
sommes gavés de fausses informations. Il ne me semble pas en l’occurrence
que les journalistes libéraux induisent délibérément leur lectorat en erreur. Je
crois plutôt que c’est par ignorance que des journalistes connus, comme Joy
Reid de MSNBC ou Chris Cuomo de CNN, déclinent le mantra selon lequel
« antifa » n’est « que l’abréviation d’“antifasciste” ».
Pour autant, il convient de ne pas occulter une autre réalité, qui s’est
dévoilée au fur et à mesure de mon enquête : il existe bel et bien un réseau
d’auteurs et de soi-disant journalistes qui, par conviction, se mettent
délibérément au service de l’idéologie antifa. Leurs articles, unilatéralement
biaisés, relèvent de la propagande. Si la plupart sont de simples compagnons
de route de l’extrême gauche, d’autres sont de vrais militants.
Dans un chapitre précédent, j’ai évoqué Kim Kelly, ancienne pigiste de la
National public radio aujourd’hui journaliste à Teen vogue, exemple-type de
la journaliste sympathisante de l’extrême gauche. « Tout ce que j’espère,
c’est que le travail que je fais actuellement à @TeenVogue et ailleurs portera
un jour ses fruits, que la graine germera » twittait-elle en novembre 2019.
L’exemple de Kelly est certes significatif, mais il est loin de constituer un cas
isolé.

L’EFFACEMENT
En 2019, après mon tabassage en règle par les racailles antifa, je me suis
confronté à un phénomène inattendu : de nombreux journalistes se mettaient
à m’attaquer sur les réseaux sociaux, faisant preuve d’une telle hargne, d’une
telle mauvaise foi que plus rien ne semblait les distinguer de ceux qui
m’avaient agressé. Des journalistes avec lesquels je n’avais jamais eu le
moindre échange se sont mis à me traquer avec acharnement. J’en venais à
me demander s’il ne s’agissait pas d’une vendetta personnelle. Leur objectif
n’était pas uniquement de me décrédibiliser, il fallait aussi que je devienne
infréquentable, que plus personne ne veuille travailler avec moi. Dans ce but,
ils tronquaient la vérité, ils mentaient, et avaient même parfois appelé à la
violence contre moi.

Deux mois après mon agression, le site alternatif de gauche Portland


Mercury publiait un article très « compromettant » me concernant. « Ben »,
un antifa sous pseudonyme, confiait à Alex Zielinski, l’auteur de l’article,
avoir été pendant deux ans infiltré chez Patriot Prayer, groupe de droite de la
région. Il y affirmait, de façon assez surprenante, que j’avais conclu avec le
chef de Patriot Prayer, Joey Gibson, un pacte de protection réciproque : « Ils
ont passé un accord d’après lequel Patriot Prayer le protège [Ngo] et lui les
protège ». Pour étayer sa déclaration, l’article était accompagné d’une vidéo
qu’il avait filmée en caméra cachée. Datée du 1er mai 2019, celle-ci montre
un groupe de militants des Patriot Prayer en train de déambuler dans une rue
de Portland, s’interrogeant sur la direction à prendre. Pendant quelques
secondes, on me voit brièvement passer à l’arrière-plan.
Voilà les faits. Ce jour-là à Portland, antifa et groupes d’extrême gauche
participaient aux manifestations du 1er mai, tandis que des militants de droite
avaient organisé leur propre rassemblement. Je couvrais les deux événements,
qui avaient lieu en des endroits distincts. En fin de journée, un journaliste
indépendant m’a envoyé un message privé, m’informant que des membres de
Patriot Prayer avaient l’intention de se rendre au Cider riot, un pub où les
activistes de Rose City Antifa s’étaient retrouvés après la manifestation.
Pendant une heure, je les ai suivis tandis qu’ils erraient dans les quartiers
nord-est, l’air de ne pas trop savoir où aller. Je n’entendais pas leur
conversation, occupé que j’étais à trier les images de la journée.
Ils ont fini par se diriger vers le Cider riot. À leur arrivée, une
cinquantaine d’antifa se sont immédiatement masqués. Très vite, ce fut la
bagarre. J’ai commencé à filmer, mais une militante m’a interrompu en
m’aspergeant de répulsif à ours. Un autre, vêtu en black bloc, a fracassé la
caméra de Noah Bucci, étudiant-journaliste à l’université de l’Oregon.
Lorsque celui-ci a tenté de suivre son agresseur pour l’identifier, plusieurs
antifa se sont jetés sur lui.
Ce jour-là, c’est moi qui ai subi la violence antifa, ce qui n’a pas empêché
le Portland Mercury d’affirmer que j’avais co-organisé l’attaque du Cider
riot. C’était complètement bidon. Personne n’a cherché à me contacter pour
avoir ma version des faits. Et de mon côté, ignorant qui était « Ben », je
n’avais pas été en mesure de lui répondre.

Si le réseau des journalistes pro antifa est puissant, ce n’est pas tant parce
qu’ils travaillent pour les media que parce qu’ils peuvent se protéger
mutuellement, en reprenant et diffusant à grande échelle les articles de leurs
collègues. Peu importe si ces articles sont mensongers et diffamatoires : ils
finissent sur Wikipédia, et apparaissent en tête des recherches Google. Ainsi,
quand on tape mon nom, ce sont les articles diffamatoires qui s’affichent en
premier. « Gros malaise pour Andy Ngo, le blogger de droite qu’on voit en
train de comploter contre les antifa » titre Tess Owen dans vice News.
Courtney Hagle de Media Matters for America écrit : « Les media disent
d’Andy Ngo, l’arnaqueur d’extrême droite, que c’est un vrai journaliste. Il
vient de se faire choper en train de protéger des terroristes d’extrême droite
qui s’apprêtaient à passer à l’action ».
Je doute que ces gens aient regardé les 18 minutes que dure la vidéo
clairement orientée de « Ben ». Heureusement, il y eut au moins un
journaliste pour le faire : Robby Soave du magazine Reason. Voilà son
compte-rendu, daté de septembre 2019.

Pour le media de centre-gauche, tout est très clair : Patriot Prayer a


planifié l’attaque du Cider riot et Ngo est indirectement impliqué, comme le
prouve la vidéo de Ben.

Le problème, c’est que la vidéo ne prouve rien de tel : pour l’essentiel,


on y voit un petit groupe en train de traîner, discutant de l’itinéraire à
prendre en cas de rencontre avec les antifa et conversant avec Ben, infiltré
chez eux. J’ai regardé cette vidéo en intégralité, et je l’ai visionnée au
moins cinq fois. Il n’apparaît pas non plus que le groupe ait envisagé une
quelconque agression. Il apparait encore moins que Ngo ait eu
connaissance d’un éventuel complot. En vérité, cet article dont le Daily
Beast, Vice, Media Matters et d’autres titres de presse ont fait l’éloge,
n’explique pas vraiment en quoi la vidéo serait compromettante. D’un
bout à l’autre de son article, Zielinski tresse des couronnes à Ben, sans
jamais mettre en perspective ce qu’il avance.
Alex Zielinski a été reporter pour feu le site d’ultra-gauche
ThinkProgress. À Portland, celle à qui on doit l’article racoleur du Portland
Mercury a joué un rôle essentiel dans la banalisation des antifa. Depuis
qu’elle en est rédactrice en chef, le journal prend leur défense, relaie leurs
éléments de langage sur les « fascistes » de la ville, et s’entend à diaboliser
leurs opposants. Un parti-pris parfois choquant.
Peu après que Michael Reinœhl a tué Aaron « Jay » Danielson, Zielinski a
confondu ce dernier avec quelqu’un d’autre, en l’occurrence un homme qui
selon elle faisait l’apologie du terrorisme. « Bishop, dont le vrai nom est
Aaron Danielson, a fait les gros titres en 2017, en venant armé à un meeting
des Patriot Prayer, dans le centre de Portland. Bishop était par ailleurs un
fervent soutien de Jeremey [sic] Christian, suprémaciste blanc qui a tué deux
hommes et en a grièvement blessé un autre dans le métro de Portland, en
2017 » rapporta Zielinski. Plus tard, elle a dû publier un correctif. Tous les
journalistes passent par là, à un moment ou à un autre. Dans son cas
néanmoins, l’erreur est symptomatique d’un certain mode de fonctionnement.
Non contente d’insulter les gens et de racoler sur les réseaux sociaux,
Zielinski m’a mis physiquement en danger. Depuis mon agression de 2019,
j’avais dû faire profil bas pour continuer à couvrir les manifestations et les
émeutes. Je m’habillais comme eux, par exemple. C’était risqué, dans la
mesure où les antifa avaient diffusé la consigne de repérer les gens de ma
taille et de ma corpulence. À plusieurs reprises, ils s’étaient trompés, mais
cela n’avait pas toujours été le cas.
En juin 2020, lors d’une manifestation qui était en train de dégénérer, ils
ont appris que j’étais là, information qu’ils ont aussitôt transmise à Zielinski.
J’étais sur le terrain incognito, et celle-ci a twitté à des dizaines de millier de
gens : « Alerte, il paraît qu’Andy Ngo est là, il traîne avec les journalistes de
[KOIN News]. Ils ne savent pas qu’on sait ». La deuxième partie du tweet de
Zielinski indiquait précisément l’endroit où l’on pouvait me trouver : les
journalistes de KOIN News en effet se tenaient à un pâté de maisons de la
manifestation, facilement identifiables grâce à leur matériel, marqué du nom
de la chaîne.
Après que Zielinski eut publié son tweet, et quelles qu’eussent été en
l’occurrence ses intentions, plusieurs personnes ont pointé avec insistance un
laser vert en ma direction. Ce laser, assez puissant pour entraîner des lésions
irréversibles, visait mes yeux. La foule a commencé à s’amasser, souhaitant
visiblement en découdre. Je n’ai dû mon salut qu’à une journaliste locale
auprès de qui j’avais plaidé ma cause et qui m’a exfiltré en voiture.

J’aimerais pouvoir affirmer que Kim Kelly et Alex Zielinski ne


représentent pas l’ensemble des journalistes. La vérité, c’est qu’elles
participent toutes les deux de cette myriade de relais qui œuvrent au sein des
rédactions, disposant de tous les canaux de diffusion pour répandre leurs
« narratives ». Le mal qu’ils ont fait est immense. C’est à cause d’eux que
l’opinion ignore tout des antifa, ou qu’elle en a une image complètement
faussée. Mais la presse étant essentiellement dirigée par des gens de gauche,
ceux-ci ne sauraient en l’espèce tenir rigueur aux journalistes de leur
mauvaise foi, de leurs mensonges et de leur biais idéologique.

Talia Lavin, par exemple, passée par Harvard, ancienne « fact-


checkeuse » au magazine The New Yorker et activiste antifa assumée. En
2018, elle accuse Justin Gaertner d’avoir un tatouage néonazi. Gaertner est un
ancien marine blessé au combat qui travaille à la police scientifique du
Service d’immigration et des douanes. L’accusation est infondée : le tatouage
qui orne le bras de l’ex-militaire est celui de son bataillon. Blessé par un
engin explosif en Afghanistan, Gaertner a dû être amputé des deux jambes.
Fait rare, l’erreur de Lavin lui valut une remontrance publique bien méritée
de la part du Service de l’immigration et des douanes. Contrainte de
démissionner du New Yorker, elle a commis une série de tweets dans lesquels
elle se présente en victime et réclame une aide financière.
Pour n’importe quel journaliste de droite ou du centre, une faute aussi
grave signerait la fin d’une carrière. Mais Lavin a visiblement bénéficié du
privilège gauchiste de la promotion-sanction, car après sa démission du New-
Yorker, elle a pu travailler comme pigiste pour de nombreux titres, et non des
moindres. Son domaine de compétence ? « L’extrême droite ». En mars 2019,
l’université de New York l’a recrutée comme chargée de cours, pour assurer
un module à venir, intitulé « Enquêter sur l’extrême droite ». Le cours a
finalement dû être annulé : deux étudiants seulement s’y étaient inscrits.
En 2019 et 2020, Lavin a écrit à plusieurs reprises que je collaborais avec
des terroristes. Non seulement c’était faux, mais cela m’a mis en danger.
« Andy Ngo est connu pour fournir à Atomwaffen la liste des cibles à
éliminer ; il représente une menace pour nos communautés » twitte-t-elle en
juin 2020. Ce mensonge a été retweeté plus de mille fois. Atomwaffen est
une organisation américaine de terroristes néo-nazis. Je n’ai jamais eu le
moindre contact avec ce groupe, ni avec aucune autre organisation terroriste.
Les antifa avaient lancé ce mensonge sur les réseaux sociaux juste après mon
agression, histoire de montrer que, finalement, je méritais bien ce qui m’était
arrivé. Ils l’ont projeté sur les bâtiments publics de Portland, ils l’ont imprimé
sur leurs tracts. Bref, de quoi en inspirer d’autres, qui, eux, ont directement
appelé à me tuer.

SAVOIR RECONNAÎTRE UN JOURNALISTE ANTIFA


À défaut de connaître personnellement chaque journaliste, il existe un
moyen très simple d’identifier ceux qui sympathisent avec les antifa : il suffit
d’observer le traitement qui leur est réservé pendant les manifestations et les
émeutes. Si on les autorise à interviewer, filmer, photographier librement,
c’est que leur travail bénéficie du quitus des organisateurs. On apprend aux
antifa à se méfier des journalistes, y compris des libéraux qui partagent leurs
idées. Ils craignent en fait que les images prises par les media permettent aux
forces de l’ordre de les identifier. C’est chez eux un tel sujet d’inquiétude que
pendant les émeutes de 2020, le syndicat de la presse affilié à Industrial
Workers of the World a publié une liste de consignes spécifiquement destinée
« aux journalistes qui couvrent les soulèvements en cours. » « Si un camarade
te demande de ne plus filmer, ne filme plus. De façon générale, on doit se
focaliser sur les forces de l’ordre et ses réactions, pour ne pas impliquer nos
camarades, même involontairement » pouvait-on lire. « Si sans le faire
exprès, tu as filmé des camarades, noircis leur visage, leurs tatouages et tout
autre élément qui pourrait permettre de les identifier. » Ces consignes vont à
l’encontre de la déontologie et du métier même de journaliste, puisqu’il s’agit
ici de protéger une des parties en présence. C’est de la propagande, pas de
l’enquête.

Robert Evans fait partie de ceux qui se plient à ce genre de consignes,


comme j’ai pu moi-même le constater. Vivant à Portland, il travaille comme
rédacteur à Bellingcat, un site d’enquête très marqué à gauche. Ancien
rédacteur en chef du site d’humour Cracked, il tient aujourd’hui une
plateforme de podcasts. Sur les réseaux sociaux, Evans est très apprécié des
gauchistes et des antifa, qui mettent régulièrement en avant ses publications.
Le 19 juillet 2020, Evans conteste l’analyse de l’incendie des locaux de
l’association de la police, auxquels les antifa avaient mis le feu pendant une
nuit d’émeutes. @JRehling avait twitté : « Cette nuit, le bâtiment de
l’association de police de Portland a brûlé, pendant que la police affrontait les
manifestants. En 1933, l’incendie du Reichstag a servi de prétexte pour
arrêter en masse les opposants au régime nazi ». En réponse, Evans avait
twitté : « N’importe quoi. J’y étais. L’incendie du PPA était un geste
intelligent et réfléchi, commis par des activistes bien organisés. Ce fut une
réussite. Ne leur enlevez pas ça. Le PPA était une cible bien choisie, le brûler
était un geste de protestation justifié ». Par la suite, Evans a supprimé ses
tweets.
Malgré son soutien assumé à l’extrémisme violent, Evans a été repéré par
le New-York Times qui avait apprécié sa couverture des émeutes de Portland.
Les récits biaisés, les mensonges propagés par les journalistes locaux ne
restent pas cantonnés à la région : les media traditionnels les diffusent sur la
côte est puis à l’international. L’extrémisme d’Evans ne l’a pas empêché de
recevoir la caution de l’opinion.
En 2019, la sortie de Trump, qui qualifiait les media de « véritables
ennemis du peuple », m’avait déplu. Pourtant, à partir du moment où des
idéologues visiblement extrémistes sont adoubés et présentés comme des
passeurs de vérité, on peut comprendre ce qui motive le propos. Evans n’est
pas le seul journaliste gauchiste à avoir bénéficié de ce traitement de faveur.
Il est déjà pénible que des journalistes expriment leur soutien aux antifa.
Pourtant, d’autres vont encore plus loin. Parmi ceux-ci, Shane Burley, un
écrivain de Portland. Auteur du livre Le Fascisme aujourd’hui : qu’est-ce que
c’est et comment y mettre fin, il écrit pour NBC News, Jacobin, Al Jazeera,
Daily Beast, et d’autres titres grand public. Il appartient au syndicat des
journalistes pigistes de l’Industrial Workers of the World.
En août 2019, il co-signe avec l’universitaire Alexander Reid Ross, une
tribune parue sur le site anglais Indépendant. Dans ce texte, intitulé « Sur le
Net, l’extrême droite m’a menacé de mort et voilà ce qui s’est passé », il
écrit :
Dans un tweet, Andy Ngo, qui pige pour Quillette, nous dépeint en « idéologues antifa » jouant
les experts auprès de journalistes complaisants. Lesquels, apparemment, se sont tous entendus pour
créer une sorte de conglomérat médiatique antifa. On sait que pour Ngo, les antifascistes constituent
un danger et qu’ils sont soutenus par la droite. Ses podcasts et ses publications sur les réseaux
sociaux donnent surtout l’impression d’un homme qui voit des antifa partout.
L’article se poursuivait en évoquant les auteurs dont j’étais censé avoir
compromis la sécurité par mes accusations. Je dénonce toute menace et toute
forme de harcèlement criminel, quelle qu’en soient les victimes. Mais je
maintiens mes déclarations : Burley et Ross sont bien des « idéologues
antifa ». À vrai dire, c’est même un euphémisme : comme je le mentionne
dans le chapitre éponyme, tous deux forment les nouvelles recrues de Rose
City Antifa.
En juin 2020, NBC News a publié un édito de Burley, qui contestait la
décision du président Trump de classer les antifa dans les organisations
terroristes. L’opinion défendue par Burley pouvait tout à fait s’entendre, mais
à aucun moment il n’était à fait état de ses liens directs avec une organisation
antifa répertoriée. J’ai écrit aux chefs de la rubrique Libre opinion de NBC
pour savoir s’ils s’en étaient rendu compte, mettant les preuves en pièces-
jointes. Ils n’ont pas répondu. J’ai également contacté Burley, qui n’a pas
réagi.

Mon agression de juin 2019 et l’expérience que j’ai pu faire à cette


occasion du monde merveilleux du journalisme m’ont déniaisé. J’ai ouvert
les yeux. En réalité, ce n’est pas seulement parce que je critique l’extrême
gauche que l’on s’en prend à moi. On m’attaque parce que je fais ce que tous
les journalistes sont censés faire : relater les faits.

En septembre 2020, la presse locale a sorti un article bien racoleur me


concernant. Dans le Willamette Week, un journal de Portland, on pouvait lire
un reportage de Sophie Peel, intitulé : « À Portland, des manifestants voient
leur vie bouleversée par un compte Twitter qui publie leur photo ». Dans mes
travaux en cours figurent en effet les noms et les clichés anthropométriques
des personnes arrêtées pendant les émeutes, ainsi que le motif des plaintes
dont elles ont fait l’objet. À l’été 2020, l’Oregonian, journal de référence à
Portland, avait annoncé qu’il ne publierait plus les clichés anthropométriques,
se soumettant ainsi à l’air du temps, apparemment désireux de protéger
l’identité des casseurs. Les gens ont pourtant le droit d’être informés.
Rendre ces arrestations publiques est essentiel, et pas seulement pour
savoir qui a enfreint la loi. C’est également le seul moyen de démasquer les
antifa, au sens propre du terme. Dans l’article du Willamette Week figuraient
les propos de gens m’accusant de les avoir traumatisés. Une femme
notamment affirmait qu’un homme armé était passé chez ses parents après
que j’avais évoqué son arrestation lors d’une émeute. Sa mère avait dû
appeler la police. J’ai vérifié : ni le commissariat ni le 911 n’avaient trace
d’un appel provenant du domicile de cette femme, ni des numéros qui y
étaient associés. Après de multiples appels de ma part, le rédacteur en chef du
Willamette Week a dû publier un correctif faisant état de cette information.

Comme je le montre dans ce livre, les antifa n’ont pas besoin d’avoir
recours à la force pour terrifier, doxer, harceler ou intimider les gens. Leur
redoutable efficacité tient au fait qu’ils ont infecté la presse. Sans presse, il
n’existe pas de société libre. Mais paradoxalement, les media servent
aujourd’hui à restreindre la liberté d’expression, tout comme ils œuvrent à la
destruction des normes, de la culture, et de l’histoire de la nation.
Binh Ngo, vers la fin des années 50. Photo : Andy
Ngo
1980, les noces de Mai et Binh Ngo. Photo : Andy
Ngo
Mai Ngo vers 1974. Photo : Andy Ngo
Postface

En 1979, un couple de jeunes Vietnamiens arrivait aux États-Unis.


Réfugiés politiques, tous deux étaient originaires de la même province du
sud-est du pays. Pourtant, c’était en Indonésie qu’ils s’étaient rencontrés,
dans un camp du Haut-commissariat aux réfugiés situé près de Tanjung
Pinang. Ils y étaient restés six mois.

Dans un autre contexte, leur union n’aurait pas été de soi ; elle aurait
même sans doute provoqué un petit scandale. Mai, la jeune femme, venait de
la classe moyenne, fille de bijoutiers qui avaient réussi. Sa famille vivait à
Vung Tau, une ville balnéaire prisée des habitants de Saigon. Binh quant à lui
venait d’une famille pauvre de Long Dien, une petite ville des environs de
Vung Tau. Son père, un immigré Hakka originaire de Chine du sud, était
mort lorsqu’il était enfant.
Sans la chute de Saigon, en 1975, ces deux-là ne se seraient probablement
jamais croisés, leur naissance et leur éducation les ayant placés dans des
sphères trop éloignées socialement. Mai était une brillante étudiante. Elle
adorait l’histoire, la littérature et la musique. Elle prenait des cours de
mandoline. Elle apprenait l’anglais. Son frère aîné faisait partie des rares
étudiants vietnamiens à avoir eu la possibilité d’aller suivre des études en
France. Mai elle-même devait appartenir à la première génération de jeunes
femmes vietnamiennes à aller à l’université. À titre de comparaison, Binh
avait arrêté l’école vers l’âge de 15 ans, contraint de travailler pour subvenir
aux besoins de sa mère et de ses neveux et nièces.
Si la vie les avait fait naître et grandir aux deux extrêmes de la société
sud-vietnamienne, Mai et Binh allaient pourtant subir la même déchéance. Au
début des années 70, les États-Unis ont commencé à réduire leur présence
militaire au Vietnam. En 1973, le président Nixon ordonnait le retrait total
des troupes. Bien qu’ils n’aient pas subi de défaites militaires significatives,
les Américains étaient moralement à bout, usés par cette guerre qui n’en
finissait pas. À l’époque, ce conflit était le plus long que l’Amérique ait
connu. Près de 50 000 soldats étaient morts au combat. Quant à ceux que
cette guerre avait détruits, les mutilés, les drogués, ceux qui souffraient de
syndrome post-traumatique, on ne les comptait plus. Les incessantes
manifestations contre la guerre au Vietnam, la mauvaise image du conflit
donnée par la presse nationale et le scandale du Watergate avaient redéfini les
priorités du gouvernement.
Ne bénéficiant plus désormais du soutien militaire américain, l’armée
sud-vietnamienne s’était avérée incapable de contenir l’offensive de l’armée
populaire, ainsi que l’avancée de la guérilla communiste qui sévissait dans le
sud du pays. Le 19 avril 1975, les tanks des communistes ont fait leur entrée
à Saigon, après avoir conquis sans difficulté les lieux stratégiques du pays.
Aux dernières heures de la guerre, seules les élites fortunées et dotées d’un
bon réseau avaient les moyens de partir et de monter à bord des quelques
hélicoptères restés sur place. Les autres devaient se contenter d’assister au
désastre, ou de suivre les bulletins d’informations à la radio.
L’incertitude et le chaos furent de courte durée. Le lendemain, le palais
présidentiel, l’équivalent sud-vietnamien de la Maison-Blanche, est tombé
aux mains des communistes. Le drapeau rouge et jaune à trois bandes du
Vietnam du sud a été mis en berne et n’a plus jamais flotté sur le pays. Au
bout de presque 10 ans de conflit, la guerre était finie. Pour la République du
Vietnam et pour les États-Unis, ce fut une défaite humiliante. La première
puissance militaire au monde n’avait pas su battre un pays en voie de
développement, qui n’avait été aidé que par deux armées de moindre
envergure, celles de la Chine et de l’URSS. Les quelques Vietnamiens qui ont
pu s’enfuir et quitter le pays avant 1975 ont eu de la chance. On allait
réunifier le pays sous l’égide communiste, et les vainqueurs n’allaient pas
manquer de faire un sort aux contre-révolutionnaires…

LE CAMP
Dans les mois qui ont suivi la chute de Saigon, des centaines de milliers
de sud-vietnamiens ont reçu l’ordre de suivre un stage de « rééducation »,
selon l’euphémisme institué par le nouvel État. On faisait croire aux
concernés que c’était l’affaire de quelques jours. En réalité, ils étaient
envoyés dans des camps au fin fond du pays, condamnés pour comportement
« contre-révolutionnaire » et « collaboration avec l’ennemi » américain. La
durée de détention allait de quelques mois à 17 ans. L’État communiste visait
ceux qui, d’une façon ou d’une autre, avaient été liés à l’ancien
gouvernement, ce qui comprenait les fonctionnaires, les soldats, mais aussi
les chefs religieux et la classe moyenne.

Binh, qui avait 21 ans, s’est trouvé pris dans leurs filets. À Ba Ria, il
n’était qu’un agent débutant assigné à des tâches administratives, mais aux
yeux du nouveau gouvernement, il avait fait partie de la police de l’ancien
régime. Binh passa donc l’année à travailler aux champs, dans la jungle de
Bau Lam, une commune rurale du sud-est du pays. Les prisonniers devaient
cultiver et récolter des produits qui jamais n’atterrissaient dans leur assiette.
On les nourrissait mal ; ils mourraient de faim, détenus dans des conditions
qui leur faisait subir de plein fouet les aléas météorologiques, les maladies et
les parasites. Binh se souvient encore des prisonniers, dont la peau était
ravagée par les puces et les moustiques. Sans médicaments et sans soins, les
contusions et les piqûres s’infectaient.

En 1982, des militants des droits de l’homme, Ginetta Sagan et Stephen


Denney qui travaillaient au centre Indochine de l’université de Californie, ont
voulu alerter sur le sort des prisonniers politiques vietnamiens, largement
méconnu en Occident. « La rééducation, telle qu’elle a été mise en place au
Vietnam, a été pensée à la fois comme une vengeance et comme une méthode
raffinée de répression et d’endoctrinement. Pendant plusieurs années, la
méthode a été mise au point au nord-Vietnam, puis étendue au sud après la
victoire communiste de 1975 » écrivaient-ils. Le camp avait deux raisons
d’être, faire souffrir ceux qui y étaient enfermés, et les réduire au désespoir.
En tant que contre-révolutionnaires supposés, les prisonniers étaient
déshumanisés. Ceux qui tentaient de s’enfuir étaient abattus. Quant à ceux,
fort rares, qui réussissaient à franchir les frontières du camp, ils se
retrouvaient au beau milieu de la jungle, contraints de revenir à la prison
qu’ils avaient fuie.

Les membres des classes moyenne et supérieure, comme les


commerçants, constituaient une autre catégorie de prisonniers. Leurs
boutiques, dans lesquelles ils habitaient le plus souvent, avaient été
confisquées. Mai, ses parents et tous ses frères et sœurs, du plus jeune au plus
âgé, ont été envoyés en camp. La famille tenait une bijouterie, fruit d’un
travail acharné mené sur une génération. Il n’y avait là ni héritage, ni
privilège aristocratique. Mais aux yeux de l’État, ce n’était pas un argument :
l’aisance financière de la famille s’était forcément faite sur le dos de
travailleurs exploités. Les économies, les biens et la maison familiale ont été
confisqués. San, le frère aîné, a été envoyé en camp au Vietnam du nord pour
avoir travaillé avec les services de renseignement sud-vietnamiens. Personne
ne savait où il avait été envoyé précisément, ni même s’il était encore en vie.
Le reste de la fratrie, dont Mai, a atterri dans un lieu transformé en camp de
prisonniers, non loin de leur ancien domicile.
Les plus jeunes n’étaient pas épargnés et les enfants subissaient le même
traitement que leurs parents. À l’époque, Mai avait 16 ans, et elle se souvient
parfaitement des rats qui galopaient là où elle dormait, par terre. Pire encore,
le camp était infesté de fourmis rouges. Une fois, elle s’est réveillée, une
sensation de brûlure à l’intérieur du crâne. Des fourmis rouges s’étaient
introduites dans son conduit auditif. Elle hurlait de douleur. Sa mère ne savait
pas quoi faire. Un prisonnier avait suggéré de lui verser de l’eau dans les
oreilles pour en faire sortir les fourmis.
Dean, qui a 1o ans était le plus jeune de la famille, souffrait d’éruptions
cutanées à l’aine. Il n’y avait rien pour nettoyer ou soigner les plaies, qui se
sont infectées. Une autre fois, Mai s’était réveillée, une douleur cuisante à
l’orteil. Il saignait. « C’est un rat qui t’a mordu » lui dit un de ses frères. La
morsure s’était infectée, son pied avait enflé, chaque pas était une torture.
Malgré cela, il lui fallait chaque jour aller chercher l’eau du puits, portant les
seaux à bout de bras.
Pendant 14 mois, la famille a croupi au camp. Ses proches, qui avaient
trop peur de se retrouver internés à leur tour, ne prenaient pas le risque d’aller
lui rendre visite. Seuls quelques amis, des gens pauvres qui n’avaient rien à
perdre, tentaient l’expédition. Une fois, ils avaient amené aux enfants de la
mélasse en guise de sucreries. Au camp, on mangeait un gruau de grains de
riz moisis qu’on avait fait bouillir.

Non seulement le travail était rude, mais les prisonniers, surtout les plus
jeunes, étaient constamment interrogés. « Dis-nous où tes parents ont caché
les bijoux, et on vous laisse partir » disaient les chefs du camp aux enfants.
Ils pensaient que la famille avait dissimulé des bijoux et de l’or pour les
soustraire à la confiscation.
Non contents de subir les travaux forcés aux champs, les prisonniers
étaient parallèlement soumis à un endoctrinement intensif. Chaque jour, ils
devaient lire et apprendre par cœur les textes communistes. On attendait
d’eux qu’ils confessent leurs « péchés » contre le peuple vietnamien. Plus ils
s’accusaient, même faussement, plus les chefs du camp étaient contents. Les
cours d’endoctrinement avaient pour but de briser la volonté, l’esprit,
l’individualité des prisonniers. Une fois ce stade atteint, il était plus facile de
les modeler pour en faire de bons citoyens socialistes.
BOAT PEOPLE
De la fin des années 70 aux années 80, des centaines de milliers de
Vietnamiens ont fui la république socialiste, montant à bord de frêles esquifs
en mauvais état. Ils tentaient de rejoindre les pays frontaliers, lesquels
refusaient de les accueillir. Un nombre incalculable de gens a péri en mer.
Selon les estimations du Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU, ils
seraient plus de 400 000 à avoir trouvé la mort en fuyant l’Indochine par voie
maritime. D’après les survivants, la mort était d’ailleurs un moindre mal,
comparée à ce qui les guettait. Le golf de Thaïlande était infesté de pirates
qui visaient leurs embarcations. Il y avait les vols, mais aussi les viols
collectifs, l’enlèvement de ceux qui avaient échappé au meurtre. Les familles
qui projetaient de s’enfuir étaient parfaitement conscientes des risques, mais à
leurs yeux, le jeu en valait la chandelle.

Lorsqu’ils étaient libérés, les prisonniers les plus démunis devaient encore
affronter la répression constante de l’État. Soumis à un régime de probation
étendu, continuellement surveillés, ils n’avaient pas le droit de quitter le pays.
Leurs enfants ne pouvaient pas aller à l’école. Les dysfonctionnements de
l’économie socialiste faisaient que la nourriture manquait, situation
jusqu’alors inconnue au sud-Vietnam. Pendant la période de probation, on
n’avait pas droit à l’aide de l’État. On ne pouvait pas non plus critiquer le
régime, sous peine d’être directement renvoyé au camp. Confrontés à ce
système d’oppression, des centaines de milliers de gens avaient préféré
braver la mort, et embarquer sur de misérables bateaux. Ces réfugiés, on les a
appelés les boat people.

En 1979, la situation était si désespérée que Binh, Mai et leurs familles


respectives ont commencé à organiser leur départ, prêts à tout abandonner. À
trois reprises, Mai avait tenté de s’enfuir, mais de mauvaises conditions
météo et des défaillances matérielles avaient contraint le bateau à rebrousser
chemin. « J’ai dit à ma sœur qu’en cas de nouvel échec, je laisserais tomber »
raconte-t-elle. La famille de Binh emprunta de l’argent à de lointains cousins
pour payer le voyage. À l’époque, la somme moyenne à débourser pour les
papiers et le voyage s’élevait à 3000 dollars, payables en lingots d’or 24
carat. Cela équivaudrait aujourd’hui à plus de 11 000 dollars. Pour le pays,
qui était alors en voie de développement, cela représentait un montant
astronomique.
Mai et Binh, qui ne se connaissaient pas encore, se sont chacun entassés à
bord d’une petite embarcation, en compagnie de dizaines d’autres réfugiés.
Parti de la côte sud du pays, le bateau devait se rendre en Malaisie, à cinq
jours de là. Au camp, comme les objets de valeur étaient volés ou confisqués,
les réfugiés faisaient preuve d’ingéniosité en cousant de petits bracelets dans
leurs vêtements. La famille de Mai, qui avait réussi à sauver quelques
diamants, les avaient cachés eu usant d’un stratagème aussi cruel que
désespéré. Ses parents avaient demandé à un dentiste de lui arracher une dent,
à elle et au plus jeune de ses frères : chaque dent sacrifiée cachait un petit
diamant. N’ayant aucune certitude sur le sort qui attendait leurs enfants, les
parents de Mai avaient voulu qu’ils disposent d’un bien qu’ils pourraient
mettre en gage.
Le voyage dura plusieurs jours, ils étaient entassés les uns sur les autres,
malades à se vomir dessus. Lorsqu’ils sont arrivés en Malaisie, la crise des
réfugiés avait atteint un point de non-retour dans les pays frontaliers. Après
avoir passé des semaines à les trimbaler d’un camp à l’autre, les autorités
malaisiennes avaient fini par les remettre à la mer, sur des bateaux
endommagés qui prenaient l’eau. Le but était de régler définitivement le
problème… Comme ceux qui tentaient de rebrousser chemin étaient
accueillis à coups de fusil, il ne leur restait plus qu’à se diriger vers
l’Indonésie voisine.
Au bout d’une journée et demi en mer, ils ont accosté aux îles Riau où
était installé un camp tenu par le Haut-commissariat aux réfugiés. C’est là
que Binh et Mai se sont rencontrés et qu’ils sont peu à peu tombés amoureux.
Mai, qui avait 19 ans, appréciait la gentillesse de Binh. Le matin, les chefs du
camp déchargeaient au sol les poissons qui venaient d’être pêchés. Premier
arrivé, premier servi, les bagarres entre réfugiés allaient bon train. Les plus
agressifs se carapataient avec les plus gros poissons, abandonnant aux autres
les sardines dont ils n’avaient pas voulu et le menu fretin qui servait d’appât.
Binh, très chevaleresque, se battait pour offrir à Mai les plus belles prises. Il
l’aidait aussi à accomplir la corvée d’eau, mission pénible qui consistait à
transporter deux seaux attachés à une barre. En retour, elle lui prêtait son
poêle à huile et sa marmite, deux choses qu’elle avait obtenues en mettant en
gage ses quelques bijoux. En six mois, ils se sont attachés l’un à l’autre.
Lorsqu’ils ont su qu’ils allaient tous deux partir aux États-Unis, où ils avaient
chacun de la famille, ils ont envisagé un avenir commun.
TERRE DE LIBERTÉ
Le Haut-commissariat aux réfugiés estime qu’entre 1975 et 1997, plus de
800 000 réfugiés vietnamiens sont passés par les camps d’Asie du sud-est et
de Hong-Kong, en grande majorité des boat people. La plupart avait été
accueillis aux États-Unis, en Australie et au Canada, tandis que d’autres, en
moins grand nombre, s’étaient installés en Europe de l’ouest. Avant les
années 70, il n’y avait pas d’immigration vietnamienne en Occident.
Aujourd’hui, les Vietnamiens représentent la quatrième communauté
asiatique aux États-Unis.
Fin 1979, Mai et Binh s’envolaient pour la côte ouest, faisant escale à
Hong-Kong, Taiwan, et en Corée du sud. Binh s’installait à Portland, tandis
que Mai était envoyée à San Francisco. L’année suivante, ils se mariaient
dans le quartier chinois de la ville. Peu après, Mai déménageait à Portland
pour rejoindre son époux.

La vie n’est pas simple quand on arrive dans un pays dont on ne maîtrise
ni la langue ni la culture. Malgré cela, ils chérissaient la liberté qui leur était
offerte, liberté de parole et d’expression. Comme dit Mai, « L’Amérique,
c’est numéro un ! ». Binh travaillait à la chaîne dans une usine où il avait
sympathisé avec des immigrés asiatiques. Le travail était rude, mais
n’exigeait pas de parler anglais. Mai postula pour laver les légumes en
cuisine, dans un hôtel du centre-ville. À eux deux, ils ne roulaient pas sur
l’or, juste de quoi louer un petit appartement qu’ils partageaient avec une
famille vietnamienne. Ils avaient le mal du pays. Ils se languissaient de leurs
familles, de leurs amis, sans aucun moyen de les contacter. La nourriture de
là-bas leur manquait : au début des années 80, il n’y avait pas de supermarché
vietnamien à Portland, ni même de magasin asiatique. Mai eut du mal à
s’habituer à la cuisine américaine, même si avec le temps elle a fini par
apprécier les spaghetti bolognaise. Jusqu’au début des années 90, des
dizaines de milliers de réfugiés vietnamiens se sont installés aux États-Unis,
diaspora qui a créé plusieurs « petit Saigon », que ce soit à San José ou en
Californie, dans le comté d’Orange.

MON HISTOIRE
Le lecteur l’aura d’ores et déjà deviné, Mai et Binh sont mes parents. Leur
histoire, qui recoupe celle de la diaspora vietnamienne en Occident, est une
partie de mon histoire. En grandissant, j’ai pu connaître quelques bribes de
leur vie d’avant, mais il me manquait la vision d’ensemble. Parfois, ma mère
évoquait devant moi le sentiment d’horreur que l’on éprouvait en pleine mer,
à dériver pendant cinq jours et cinq nuits sans savoir comment on allait s’en
sortir, ni même si on allait s’en sortir. Elle exprimait aussi sa rancœur envers
le régime communiste du Vietnam. Je n’y comprenais rien. Comme la plupart
des immigrés de la deuxième génération, je vivais dans une espèce
d’immédiateté, peu au fait des raisons qui avait mené mes parents dans ce
pays, peu conscient des sacrifices qu’ils avaient dû consentir. J’étais comme
tous les jeunes gens de mon âge : je consommais et je m’amusais, sans
comprendre que ce qui me permettait de vivre dans une société prospère
tenait à une certaine culture, aux libertés et aux droits qui y étaient liés.
Ce n’est qu’une fois installé dans l’âge adulte que j’ai commencé à
réfléchir à ce que signifiait le fait d’être américain. Était-ce une simple
étiquette administrative, une convention arbitraire, comme l’affirmaient les
gens de gauche ? Non. J’ai eu la chance inouïe de naître dans une société où
la liberté et l’égalité ne sont pas uniquement inscrites dans le droit, mais où
elles font partie intégrante de la culture, une société dans laquelle liberté et
égalité sont les valeurs dominantes. À l’échelle de la population mondiale,
c’est un privilège. Ici, les conflits doivent se résoudre par le dialogue et la
médiation, non par la guerre tribale ou l’auto-défense. La plupart de mes pairs
millenials ignorent que, dans les pays en voie de développement, les conflits
se règlent par la violence clanique et la loi du talion, ce qui se produit
systématiquement lorsque la justice d’État fait défaut. Plus d’un tiers de
l’humanité vit ainsi dans des États autoritaires, des pays qui ne sont « pas
libres » et privent les gens de leurs droits civiques et politiques
fondamentaux.
Ce n’est pas par hasard que les États-Unis sont prospères. Des siècles de
rationalisme, la philosophie des Lumières, celle des pères fondateurs qui
étaient aussi de puissants penseurs politiques, tout ceci a façonné la
Constitution et le cadre juridico-politique dans lequel nous vivons. Même si
mes parents n’ont pas fait fortune comme le voudrait le rêve américain, ils
ont pu accéder dans ce pays à ce qui pour eux était l’essentiel, la possibilité
d’être libres.
Le communisme et le fascisme constituent l’antithèse du libéralisme. Par
libéralisme, je n’entends pas la même chose que la gauche et les démocrates
américains contemporains. Par libéralisme, j’entends la philosophie morale et
politique de penseurs tels que John Milton, John Locke, et James Madison.
Le libéralisme, c’est le cadre qui permet d’être libre, qui protège l’égalité, le
droit à la propriété, la libre parole et la liberté d’expression. Quelle cruelle
ironie tout de même que le fils de Mai et Binh, des dizaines d’années après
que ceux-ci se sont réfugiés aux États-Unis pour fuir le communisme
révolutionnaire, subisse à son tour sur le sol américain le joug de l’idéologie.

Le 19 juin 2019, ce qui devait être une simple manifestation gauchiste,


une de plus, s’est terminée par une hospitalisation et une hémorragie
cérébrale. Tout cela parce que des révolutionnaires masqués me considèrent
comme « réactionnaire ». Cette façon qu’ont les antifa de me qualifier me
rappelle d’ailleurs l’étiquette de « contre-révolutionnaire » dont le régime
vietnamien avait affublé mes parents avant de les condamner. Le tabassage
que j’ai subi a renforcé ma décision d’enquêter sur les antifa, sur leur histoire,
leur idéologie et leur organisation. Pour les avoir suivis en pointillés pendant
deux ans, je pensais en avoir beaucoup appris sur eux. Pourtant, en
approfondissant mes recherches pour écrire ce livre, j’ai compris que j’avais
sous-estimé le danger qu’ils représentent.

MESSAGE AUX ANTIFA


En janvier 2018, mon père a fait une attaque. J’étais présent lorsque c’est
arrivé, et j’ai pu le rattraper juste avant qu’il ne s’effondre dans les escaliers.
En attendant l’arrivée des secours, je l’ai vu disparaître en quelques secondes.
Il n’arrivait plus à articuler, je ne comprenais pas ce qu’il disait, son visage
était complètement déformé. Je ne reconnaissais pas mon propre père.
Cette année-là, mon existence a été bouleversée de fond en comble. J’ai
laissé tomber mes études pour m’occuper de lui. Ses lésions cérébrales
s’aggravaient, il n’était plus en état de parler ni de se mouvoir, ses capacités
intellectuelles étaient atteintes. Mon père, cet homme qui avait tout sacrifié
pour ses enfants, a survécu à son attaque. Pourtant, je l’ai perdu.
Mon plus grand regret, c’est qu’il ne saura jamais que j’ai réussi. Lui et
ma mère sont partis de rien. Réfugiés dans un pays étranger, ils se sont battus
pour l’avenir des enfants qu’ils n’avaient pas encore. Pour ma part, j’ai passé
la majeure partie de mon adolescence et de ma vie de jeune adulte à lutter
contre une dépression chronique extrêmement invalidante. Mon père ne saura
jamais que j’ai surmonté la maladie, et que je suis aujourd’hui un journaliste
reconnu. Il ne saura jamais que j’ai été invité à témoigner devant le Congrès.
Le père que j’ai connu n’est plus, mais son rêve américain vit encore en moi.
Il me donne la force de passer outre les agressions, l’intimidation, les
menaces de mort. Il me donne la force de continuer à travailler.

En 2018, pendant cette période noire passée à l’hôpital, je voyais mon


père et les patients qui étaient en soins intensifs osciller entre la vie et la mort.
Certains y sont restés. Cela m’a fait prendre conscience de la fragilité de la
vie humaine. N’ayant jamais vécu le deuil d’un proche, et sous l’effet de
l’hubris propre à la jeunesse, la finitude restait pour moi une abstraction.
Grâce à ces nuits passées à l’hôpital, pourtant, j’ai compris que tout être
humain, quelles que soient son éducation et ses idées politiques, fait
l’expérience de la souffrance, de la perte et du deuil.
Non seulement les antifa me considèrent comme un fasciste, mais ils
m’ont aussi fait la réputation d’être cruel et sans cœur. Dans quel but ? Pour
nuire à ma carrière, pour que je sois vilipendé où que j’aille. A mon grand
regret, pour ce qui est de ce dernier point du moins, leur stratégie a
fonctionné. Dans les magasins, on m’interpelle à haute voix et un jour, je me
suis même fait agresser. Les antifa me traquent ; ils relaient en direct sur les
réseaux sociaux les endroits où je me trouve. Je leur en veux, mais je les
considère comme des êtres humains. Je ne leur souhaite aucun mal. À vrai
dire, j’éprouve même à leur égard une forme de compassion. Ce sont des
gens qui sont happés par une idéologie perverse qui leur a lavé le cerveau.
Les antifa sacrifieront toujours l’individu à la cause et se contentent
d’exploiter les gens, qu’ils considèrent généralement comme de simples
moyens.
On dit souvent que les antifa sont des gosses de riches, des morveux
pourris gâtés. C’est globalement faux. Pour mieux les cerner, j’ai analysé les
vidéos et le parcours de près d’un millier d’entre eux, interpelés pendant les
émeutes. C’est vrai, certains ont fait de très bonnes études et exercent des
métiers valorisés, juristes, universitaires, ou médecins. Néanmoins, si on
regarde le profil de ceux qui ont commis des violences, on constate que
l’écrasante majorité d’entre eux est SDF, vit dans la précarité et souffre de
troubles psychiatriques, comme la dysphorie de genre. Les antifa sont
complètement indifférents au sort de ces gens, qui peuvent être blessés,
emprisonnés, ou même mourir pour que s’accomplisse leur agenda politique.

Depuis la victoire de Trump en 2016, le nombre d’antifa a grimpé en


flèche aux États-Unis, comme le prouvent l’ampleur inédite des émeutes,
mais aussi leur fréquence. En 2020, tout le monde a entendu parler des antifa,
ce qui n’était pas le cas il y a cinq ans. Mue par la peur et la haine, l’extrême
gauche a fait sienne cette idéologie. Pour autant, n’oublions pas le
ressentiment, qui a joué un rôle essentiel dans leur adhésion à
l’« antifascisme ». Aujourd’hui, le système éducatif et culturel cultivent
certes la rancœur victimaire, mais si celle-ci rencontre un tel écho chez les
millenials et la Gen Z, c’est aussi à cause de la réalité économique qui pèse
sur eux, entre prêt étudiant, précarité, chômage, impossibilité d’accéder à la
propriété. Je comprends que ceux qui ne croient plus à l’idéal américain, à la
démocratie libérale, soient attirés par des idéologies extrémistes. Lorsque je
vois la corruption qui règne dans le monde politique et au sein des
institutions, il m’arrive de perdre moi aussi confiance en l’état de droit
américain et en la démocratie.
Antifa est un mouvement extrêmement séduisant pour les plus fragiles : il
permet de faire partie d’une communauté et de bénéficier de sa protection, il
donne un sens à l’existence. L’idéologie et la propagande qui sont
constamment diffusées au sein de la mouvance la rendent comparable à une
secte. Les antifa croient vraiment à l’utopie internationaliste anarcho-
communiste. Ils croient en un monde où il n’y aurait ni frontières, ni police,
ni prisons, ni racisme, ni fascisme. Ils croient en un monde où la solidarité
communautaire permettrait la satisfaction des besoins, en lieu et place de
l’exploitation laborieuse qui fonde le système capitaliste.
Le monde selon les antifa est au sens étymologique du terme une utopie :
en grec ancien, utopie signifie nulle part, qui n’existe en aucun lieu. Aucune
société ne peut fonctionner selon leurs principes. À petite échelle, toutes les
expériences de communes anarcho-communistes se sont soldées par un
échec, s’achevant systématiquement dans le chaos et la mort. À grande
échelle, lorsque l’idéologie antifasciste a pu arriver au pouvoir et
s’institutionnaliser, comme ce fut le cas en Allemagne de l’est, elle a généré
un dispositif d’espionnage tentaculaire destiné à traquer impitoyablement
toute pensée « déviante ».

La mouvance antifa va continuer sur sa lancée, même après ce livre. Les


bases sont là, l’idéologie s’est banalisée, légitimée par Black Lives Matter et
le Parti démocrate. Pourtant, ceux qui se sont fait prendre dans les filets de
cette idéologie violente méritent notre compassion. La haine des antifa envers
la société, leur pays, leurs compatriotes trouve sa source dans leur propre
souffrance, dans le dégoût qu’ils ont d’eux-mêmes. En Occident, l’idéologie
victimaire est un virus qui ronge les esprits et les réduit à l’impuissance, pour
le plus grand bonheur des antifa. Diffusée au sein de toutes les institutions
culturelles et éducatives, elle transforme les gens en perpétuelles victimes,
pour qui toute relation relève nécessairement d’un rapport de domination.
L’idéologie victimaire transforme la souffrance et l’ignorance en haine, et fait
de l’autre un oppresseur. En septembre 2020, le gouvernement Trump a
combattu la théorie de la race par un décret : cette idéologie toxique ne devait
plus être enseignée dans les entreprises sous contrat avec l’État. C’est un
premier pas qu’il faut applaudir. Mais comment combattre cette idéologie au
sein du système scolaire ? De l’enseignement supérieur ? Dans la société en
général ? Il suffirait peut-être de taper du poing sur la table car en réalité,
l’idéologie victimaire n’a de pouvoir que par la caution qu’on lui accorde. En
soi, elle n’a aucune légitimité.

La justice authentique prendra le pas sur la « justice sociale » façon antifa


le jour où les gens seront considérés comme responsables de leurs actes. La
diabolisation systématique de la police et des forces de l’ordre aux États-
Unis, leur affaiblissement encouragent BLM-antifa à détruire et agresser en
quasi impunité. Les forces de l’ordre doivent disposer des outils destinés à
contenir la foule, et y être formées. Les procureurs doivent poursuivre.
Classer la mouvance antifa dans les organisations terroristes donne certes du
grain à moudre à l’extrême droite, mais sur le plan légal, cela n’a que peu
d’effet.
Le premier amendement rend impossible l’interdiction de l’idéologie
antifa, comme il rend impossible celle de tout croyance, aussi extrémiste soit-
elle. La Constitution garantit aux antifa, comme aux racistes ou aux bigots, le
droit de vivre pleinement leur haine. Dans la mesure où les lois qui
permettent d’agir existent déjà, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’en
proposer de nouvelles. La loi RICO pourrait être un bon outil législatif. Le
Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act, adoptée en 1970 par la
jurisprudence américaine, était destinée à poursuivre la mafia et le crime
organisé. Or les antifa, quoiqu’ils en pensent, constituent bien un réseau
criminel organisé. Les casseurs ne sont pas les seuls à devoir être poursuivis.
Les organisateurs transfèrent de l’argent, des ressources matérielles, ils
organisent les formations, ils apprennent à enfreindre la loi, ils traversent les
états pour lui échapper.
Comme on a pu le voir à Portland et dans les villes de gauche, c’est que
ce n’est pas tant l’absence de loi qui pose problème, que le fait qu’elle ne soit
pas appliquée. Lorsque l’extrême gauche dit que le système judiciaire
américain est pourri, je le lui accorde volontiers, même si je ne le dis pas pour
les mêmes raisons qu’elle. Est-il raisonnable que ce soient les procureurs de
district qui décident des poursuites ? En tant qu’élus, s’ils veulent rester aux
manettes, ils ont toutes les raisons de satisfaire aux caprices de la foule. Si on
veut que les procureurs voyous rendent des comptes, il faudrait que l’instance
indépendante qui les contrôle soit plus performante.

Il faut par ailleurs déboulonner la fiction BLM-antifa selon laquelle la


police tuerait massivement les Noirs : ce récit ne résiste ni aux statistiques, ni
aux faits. Rappeler les faits, voilà normalement ce que devrait faire la presse,
au lieu de souffler sur les braises du racialisme en alignant les gros titres
unilatéralement partisans. Éluder constamment les problèmes que l’on
pourrait résoudre par la prise en compte rationnelle des faits nous condamne
à courir après des chimères.

Le 14 novembre 2020, des milliers de gens ont convergé vers Washington


DC, venus de tout le pays pour assister à la « Million maga march ».
L’événement était un spectacle populaire plus ou moins improvisé, destiné à
soutenir le président Trump qui venait de perdre les élections face à Jo Biden.
Ceux qui s’étaient déplacés avaient revêtu des vêtements aux couleurs de
l’Amérique, ils agitaient des drapeaux Trump et chantaient l’hymne national.
La manifestation était pacifique et festive… du moins jusqu’à ce que la nuit
tombe. Lorsque les manifestants se sont dispersés pour se diriger vers leur
hôtel ou leur voiture, ils ont croisé des gangs en maraude, Black Lives Matter
et contre-manifestants antifa. Pendant la journée, la police avait séparé les
deux camps, mais là, les black blocs erraient dans les rues à l’affût des
retardataires.
Des heures durant, des individus, des familles, des groupes de supporters
de Trump se sont fait harceler, voler et agresser. Les provocateurs d’extrême
gauche s’emparaient de leurs casquettes, de leurs drapeaux, pour y mettre le
feu. Ils jetaient les gens au sol et les bourraient de coups de poing. Ils les
frappaient à coups de bâton. Ils ont lancé des projectiles et tiré à coups de
mortier sur ceux qui mangeaient en terrasse. Personne n’a été épargné, ni les
femmes, ni les enfants, ni les personnes âgées.
Bien que choquantes, les scènes de violence gratuite exercée sur les
supporters de Trump ne constituaient pas une nouveauté. Pendant la
campagne présidentielle de 2016, les gens qui avaient assisté aux meetings de
Trump dans des villes de gauche comme San José et Chicago, s’étaient fait
suivre, voler et frapper. Symboliquement, voir des citoyens se faire agresser
en toute impunité au cœur de la capitale américaine, pour la seule raison
qu’ils avaient pris part à la vie politique du pays, présage de temps bien
sombres pour la nation.

J’ai vécu cela comme un affront personnel. J’aime l’Amérique. Je suis


reconnaissant à ce pays et à sa Constitution. Le peuple américain s’est montré
généreux et accueillant envers ma famille, qui venait d’un pays où l’état de
droit et la liberté d’expression n’existaient pas.
Pour les générations à venir, l’Amérique mérite qu’on la préserve et qu’on
la protège. Malheureusement, je constate que le patriotisme et la gratitude
envers la nation deviennent tabou. Des Américains se sont fait voler et
agresser simplement pour avoir arboré les symboles nationaux. Fin mai 2020,
lorsque les émeutes BLM ont éclaté, j’ai vu en plein centre-ville une meute de
soi-disant activistes de la justice raciale tabasser un homme. Son crime ?
Brandir pacifiquement un drapeau américain. Ils l’ont frappé au visage, l’ont
fait tomber et se sont acharnés sur lui, à coups de pied dans la tête. À aucun
moment il n’a lâché son drapeau.

Les antifa, leurs copains d’extrême gauche et leurs idiots utiles ont
convaincu l’opinion que le patriotisme était synonyme de fascisme et de
racisme. Je réfute cette thèse et j’invite toutes les honnêtes gens à en faire
autant. Ce livre, qui a pour thème les antifa, est aussi une lettre de
remerciement au pays qui a accueilli mes parents, ces réfugiés sans le sou de
la république socialiste du Vietnam, et qui leur a permis de devenir des
citoyens à part entière. Les antifa aspirent à détruire le principe philosophique
qui a fondé l’Amérique, l’État au sens premier du terme. Dans une certaine
mesure, ils y sont parvenus. Quant à ceux qui seraient attirés par les sirènes
de l’« antiracisme », de l’« antifascisme » et de l’« équité », qu’ils
considèrent ce que donnent ces idées une fois mises en pratique. Personne
n’hérite jamais d’une utopie ou d’une civilisation. En héritage, ils n’auront
que des cendres, du sang, et des ruines souillées d’excréments.
Remerciements

Avant 2019, peu de gens avaient entendu parler de moi ou de mon travail.
J’étais un petit journaliste régional de la côte nord Pacifique, qui couvrait
Portland et les émeutes antifa et bénéficiait d’une petite audience en ligne. Je
me rappelle très bien ce que je ressentais, lorsque tous les sujets que je
proposais étaient refusés, ou pire encore, lorsque les rédactions ne prenaient
même pas la peine de me répondre. Mais je me souviens mieux encore de
ceux qui étaient à mes côtés, qui m’ont aidé et guidé pas à pas sur la voie du
journaliste et de l’écrivain que je suis devenu, ceux qui ont su résister à la
pression que faisaient subir mes détracteurs à ceux qui ne craignaient pas de
se compromettre avec moi.
Je sais gré à ma famille des sacrifices qu’elle a faits pour moi. J’ai
tendance à tenir pour acquises la liberté et la sécurité pour lesquelles ils ont
risqué leur vie.
Je tiens à remercier ces personnes pour le rôle qu’elles ont joué dans
l’écriture de ce livre, et pour celui que certaines d’entre elles ont joué dans
ma vie personnelle : James O’Keefe et Project Veritas, Asra Nomani,
Douglas Murray, Michelle Malkin, Harmeet Dhillion, John D., Brittany,
Chelly Bouferrache, Keith Urbahn et Javelin, les rédacteurs en chef et
l’équipe de Center Street.
Je suis infiniment reconnaissant à ceux qui soutiennent mon travail et mes
frais de justice par leur engagement et leurs dons. Les bonnes causes ne
manquent pas et on ne peut pas donner à tout le monde. Vous pensez malgré
tout que ce que je fais mérite d’être reconnu. Merci. Vous me faites l’honneur
de me suivre, de réagir à mon travail et de me soutenir.
SOURCES

@JaredComrade. “Congratulations! I’m proud of you Anarchists…”


Twitter, June 29, 2020. http://archive.vn/IVuq7.
@LuminaryMilan. “Proof. Also like I literally went there.…” Twitter,
October 2, 2020. https://archive.vn/YpSto.
@MaliceBD. “2 guys in a stolen SUV shot up.…” Twitter, June 29, 2020.
http://archive.is/D0fZs.
. “I know I shouldn’t glorify.…” Twitter, June 29, 2020.
http://archive.vn/US3K7.
@PDXDublin. “Heroe’s American Café on.…” Twitter, October 8, 2020.
https://archive.is/W8rG3.
A.S.T.i. “A Worldwide Problem.” Accessed May 11, 2020.
https://www.asti.org.uk/a-worldwide-problem.html.
Aaro, David “Kenosha Sees 175 Arrested during Civil Unrest So Far; 102
Had Addresses Listed Outside City, Police Say.” Fox News, August 31, 2020
https://www.foxnews.com/us/175-arrested-during-unrest-in-kenosha-
including-104-outside-city-police-say.
Abedi, Maham. “Majority of Americans Think Having Neo-Nazi Views
Is Unacceptable, Poll Finds.” Global News, August 22, 2017.
https://globalnews.ca/news/3687884/american-neo-nazi-views-poll-donald-
trump/.
Abraham, David. Review of Beating the Fascists? The German
Communists and Political Violence, 1929–33 by Eve Rosenhoft. New
German Critique, no. 42 (1987): 183–85,
https://www.jstor.org/stable/488268.
Acker, Lizzy. “Who Is Jeremy Christian? Facebook Shows a Man with
Nebulous Political Affiliations Who Hated Circumcision and Hillary
Clinton.” The Oregonian, 2017, 229–53.
ACLU. “ACLU Case Selection Guidelines: Conflicts between Competing
Values or Priorities.”
https://www.aclu.org/sites/default/files/field_document/aclu_case_selection_guidelines.pd
Adorno, Theodor W. “Negative Dialektik.” Frankfurt Am Main 21980
(1966): 86.
Advocate Staff. “Read Suicide Note Left by Gavin Eugene Long,
Gunman in Deadly Baton Rouge Officer Shooting in July 2016.” The
Advocate, June 30, 2017.
https://www.theadvocate.com/baton_rouge/news/baton_rouge_officer_shooting/article_97
5daa-11e7-af6d-ab3966e08d70.html.
Al-Anani, Khalil. Inside the Muslim Brotherhood: Religion, Identity, and
Politics. Religion and Global Politics. New York, NY: Oxford University
Press, 2016.
Alex Zielinski (@alex_zee). “Heads up all, it looks like.…” Twitter, June
20, 2020. https://archive.vn/mk5JE.
. “Lololol at Andy Ngo Being an ‘expert’ on.…” Twitter, June 28, 2020.
https://archive.vn/yx3ZH.
Allam, Hannah. “‘I Am Antifa’: One Activist’s Violent Death Became a
Symbol for the Right and Left.” NPR, July 23, 2020.
https://www.npr.org/2020/07/23/893533916/i-am-antifa-one-activist-s-
violent-death-became-a-symbol-for-the-right-and-left.
Anarchists Worldwide. “So-Called USA: Revolutionary Abolitionist
Movement 10 POINTS of ACTION.” Anarchists Worldwide, February 1,
2020. http://archive.vn/YyF2b.
Andrews, Reed. “Portland Police Direct Traffic during ICE Protest
Sweep, Mayor Wheeler Responds.” KATU, June 28, 2018.
https://katu.com/news/local/mayor-wheeler-responds-to-portland-police-
directing-traffic-during-ice-protest-sweep.
Antifa Public Watch. “Antifa Calls Black Ice Agent the N Word Multiple
Times.” YouTube, November 27, 2018. https://www.youtube.com/watch?v=-
sqKhIpXV1w.
Antifa Sacramento. “Antifascist Prisoner Support.” Accessed July 10,
2020. http://archive.vn/b2FaG.
Antifa Seven Hills (@ash_antifa). “HOW TO SUPPORT #Minneapolis
DIRECTLY!.…” Twitter, May 28, 2020. http://archive.vn/Ex0tR.
Armstrong, Nicholas James (@WABlackFlag). “We can’t wait till
someone gets.…” Twitter, January 13, 2020. http://archive.vn/kiLUU.
Arrest Facts. “Solomon Samuel Simone.” Arrest Facts, April 7, 2012.
Accessed August 15, 2020. https://arrestfacts.com/Solomon-Simone-2p5.15.
art_is_freedom@protonmail.com. Email to Bill Bradley, July 5, 2019.
Associated Press. “Germany: Left-wing violence and extremism on the
rise.” AP News, June 20, 2018.
https://apnews.com/article/2a0c3f2ee9b14474adea1cbef894122b
. “Rayshard Brooks Struggled in System but Didn’t Hide His Past.” Los
Angeles Times, June 26, 2020. https://www.latimes.com/world-
nation/story/2020-06-26/rayshard-brooks-struggled-but-was-open-about-his-
past.
. “Seattle Mayor Proposes $20M in Cuts to Police to Help Budget.” AP
News, June 23, 2020.
https://apnews.com/ee8ed2680ebbda15cef8b3b899d2b7c1.
Badie, Bertrand, Dirk Berg-Schlosser, and Leonardo Morlino. “Social
Democracy.” In International Encyclopedia of Political Science. Thousand
Oaks, CA: Sage, 2011.
Baker, Andrew M. “Cardiopulmonary Arrest Complicating Law
Enforcement Subdual, Restraint, and Neck Compression.” Hennepin County
Medical Examiner’s Office, May 26, 2020. https://www.hennepin.us/-
/media/hennepinus/residents/public-safety/documents/floyd-autopsy-6-3-
20.pdf.
Balluck, Kyle. “CNN’s Cuomo Defends Antifa: Those Who Oppose Hate
‘Are on the Side of Right.’” The Hill, August 14, 2018.
https://thehill.com/homenews/media/401699-cnns-cuomo-defends-antifa-
those-who-oppose-hate-are-on-the-side-of-right.
Banta, Mattew (@FoxAF4). “Hey you Patriot Fash.…” Twitter, August 4,
2019. https://archive.vn/O32jk.
Baron, Udo. The Victims at the Berlin Wall 1961–1989: A Biographical
Handbook. Berlin, Germany: Verlag, 2011.
BBC News. “George Floyd: Minneapolis Council Pledges to Dismantle
Police Department.” BBC, June 8, 2020. https://www.bbc.com/news/world-
us-canada-52960227.
BBC. “Berlin riot: 123 police injured in anti-gentrification protest.” BBC,
July 10, 2016. https://www.bbc.com/news/world-europe-36758686.
Beckett, Lois. “Anti-Fascists Linked to Zero Murders in the US in 25
Years.” Guardian, July 27, 2020.
http://www.theguardian.com/world/2020/jul/27/us-rightwing-extremists-
attacks-deaths-database-leftwing-antifa.
Beniga, Rico. “State of Oregon vs. Michael Forest Reinoehl,” September
3, 2020.
Bergen, Peter, Albert Ford, Alyssa Sims, and David Sterman. New
America. “Part IV. What Is the Threat to the United States Today?” Accessed
April 3, 2020. https://www.newamerica.org/in-depth/terrorism-in-
america/what-threat-united-states-today/.
Berkeleyside Staff. “Chaos Erupts, Protesters Shut Down Yiannopoulos
Events, Banks in Downtown Vandalized.” Berkeleyside, February 2, 2017.
https://www.berkeleyside.com/2017/02/02/chaos-erupts-protesters-shut-
yiannopolous-events-banks-downtown-vandalized.
Berliner Morgenpost. “Verfassungschutz-Chef: ‘Linksextreme würden
notfalls töten.’” Morgenpost, July 11, 2017.
https://www.morgenpost.de/berlin/article211207701/Verfassungsschutz-
Chef-Linksextreme-wuerden-notfalls-toeten.html?
__pwh=fo2SSawQRTIeFTZWHHQhFA%3D%3D.
Bernstein, Joseph. “Andy Ngo Has the Newest New Media Career. It’s
Made Him a Victim and a Star.” BuzzFeed News, July 19, 2019.
https://www.buzzfeednews.com/article/josephbernstein/andy-ngo-portland-
antifa.
Bernstein, Maxine. “Man under Investigation in Fatal Shooting of Patriot
Prayer Supporter Wounded in July after Trying to Grab Gun from Stranger.”
Oregonian, September 1, 2020.
https://www.oregonlive.com/crime/2020/09/man-under-investigation-in-fatal-
shooting-of-patriot-prayer-supporter-wounded-in-july-after-trying-to-grab-
gun-from-stranger.html.
. “Man under Investigation in Fatal Shooting of Right-Wing Demonstrator
in Portland Was Outside Mayor’s Condo Night Before with Daughter.”
Oregonian, August 31, 2020.
https://www.oregonlive.com/crime/2020/08/man-under-investigation-in-fatal-
shooting-of-right-wing-demonstrator-in-portland-was-outside-mayors-condo-
night-before-with-daughter.html.
. “Police Lieutenant ‘Firmly Believed’ Milkshakes Thrown during June
Protest ‘Contained Some Form of Concrete.’” Oregonian, July 22, 2019.
https://www.oregonlive.com/crime/2019/07/police-lieutenant-wrote-he-
firmly-believed-milkshakes-thrown-during-june-protest-contained-some-
form-of-concrete.html.
. “Six Occupy ICE Protesters Charged in Federal Court Reach Settlement,
Avoid Criminal Convictions.” Oregonian, August 28, 2019.
https://www.oregonlive.com/crime/2019/08/six-occupy-ice-protesters-
charged-in-federal-court-reach-settlement-avoid-criminal-convictions.html.
Bernstein, Richard. “In Eastern Germany, 1953 Uprising Is
Remembered.” New York Times, June 16, 2003.
https://www.nytimes.com/2003/06/16/world/in-eastern-germany-1953-
uprising-is-remembered.html.
Berry, Alisha. “Alisha Berry” ResearchGate. Accessed May 11, 2020,
http://archive.vn/sLwVi.
Berry, Alisha (@EffieBombs). “Even better, pretending to.…” Twitter,
January 3, 2020. http://archive.vn/hgtms.
. “I’m never shutting up about.…” Twitter, September 3, 2019.
http://archive.vn/gwxp7.
. “I work in medicine and.…” Twitter, November 20, 2019.
http://archive.vn/XZPlN.
Best, Paul. “Staffer for Top Oregon State Lawmaker Arrested during
Portland Riot.” Fox News, September 9, 2020.
https://www.foxnews.com/us/staffer-oregon-state-speaker-of-the-house-
arrested-portland.
Biesecker, Michael, and Michael Kunzelman. “As Trump Blames Antifa,
Protest Records Show Scant Evidence.” Associated Press, June 6, 2020.
https://apnews.com/20b9b86dba5c480bad759a3bd34cd875.
Black Lives Matter DC (@DMVBlackLives). “Antifa to meet up at 6pm
at.…” Twitter, September 16, 2017. https://archive.is/lK1ac.
. “STOP SPREADING THE DANGEROUS FALSE RIGHT-WING.…”
Twitter, July 1, 2019. https://archive.is/REjDI.
Black Lives Matter Global Network. “Lessons from Fidel: Black Lives
Matter and the Transition of El Comandante.” Medium, November 27, 2016.
https://medium.com/@BlackLivesMatterNetwork/lessons-from-fidel-black-
lives-matter-and-the-transition-of-el-comandante-c11ee5e51fb0.
Black, Margaret. “Former College Professor Takes 3-Year Probation Plea
Deal in Assault Case.” Daily Californian, August 10, 2018.
https://www.dailycal.org/2018/08/10/former-college-professor-takes-3-year-
probation-plea-deal-assault-case/.
Bloomberg QuickTake News. “Portland Protests: Witness Shot in the
Arm during Scuffle.” YouTube, July 27, 2020.
https://www.youtube.com/watch?v=gfMnZX7Z56o.
Boghossian, Peter. Interview by Andy Ngo, April 3, 2020.
Bokhari, Allum, and Milo Yiannopoulos. “An Establishment
Conservative’s Guide to the Alt-Right.” Breitbart News, March 29, 2016.
https://www.breitbart.com/tech/2016/03/29/an-establishment-conservatives-
guide-to-the-alt-right/.
Borrud, Hillary. “Ted Wheeler to Federal Government: Revoke Permit for
Portland Alt-Right Event.” Oregonian, May 30, 2017.
https://www.oregonlive.com/portland/2017/05/ted_wheeler_to_federal_governm.html.
Bottomly, Therese. “Letter from the Editor: You Won’t See as Many
Mugshots of Criminal Suspects Going Forward.” Oregonian, July 12, 2020.
https://www.oregonlive.com/opinion/2020/07/letter-from-the-editor-you-
wont-see-as-many-mugshots-of-criminal-suspects-going-forward.html-2.
Bowles, Nellie. “Abolish the Police? Those Who Survived the Chaos in
Seattle Aren’t So Sure.” New York Times, August 7, 2020.
https://www.nytimes.com/2020/08/07/us/defund-police-seattle-protests.html.
Bray, Mark. Antifa: The Anti-Fascist Handbook. Brooklyn, NY: Melville
House, 2017.
. “Who are the antifa?” Washington Post, August 16, 2017.
https://www.washingtonpost.com/news/made-by-
history/wp/2017/08/16/who-are-the-antifa/.
Bromwich, Jonah Engel. “The Minnesota Freedom Fund Has $30 Million
and an Identity Crisis.” New York Times, June 16, 2020.
https://www.nytimes.com/2020/06/16/style/minnesota-freedom-fund-
donations.html.
Brown, Crystal Lewis. “#BlackLivesMatter cofounders on why the
movement is more vital now than ever.” SheKnows, July 17, 2015.
https://archive.is/jEaqG#selection-2295.0-2295.76.
Brown, Kate (@OregonGovBrown). “After My Discussions with VP
Pence A.…” Twitter, July 29, 2020. https://archive.vn/RCkcd.
. “This is a democracy, not.…” Twitter, July 20, 2020.
https://archive.vn/jtwD2.
Brown, Lee. “Armed Protesters Confront Armored SWAT Vehicle after
Wisconsin Shooting.” New York Post, August 24, 2020.
https://nypost.com/2020/08/24/protesters-confront-armored-swat-vehicle-
after-wisconsin-shooting/.
Budnick, Nick. “Portland Mayor Admonishes Police Chief after Public
Clash over Tear Gas.” Portland Tribune, September 16, 2020.
https://pamplinmedia.com/pt/9-news/480993-388103-portland-mayor-
admonishes-police-chief-after-public-clash-over-tear-gas?
wallit_nosession=1.
Bundesamt für Verfassungsschutz. “Left-wing extremist following.”
https://www.verfassungsschutz.de/en/fields-of-work/left-wing-
extremism/figures-and-facts-left-wing-extremism/left-wing-extremist-
following-2018.
Burley, Shane (@shane_burley1). “I’m a proud member of the
@IWWFJU.…” Twitter, August 6, 2020. https://archive.vn/G4Rvj.
. “Trump’s Antifa Tweet Is Right-Wing Catnip—with Potentially
Troubling Consequences.” NBC News, June 3, 2020.
https://www.nbcnews.com/think/opinion/trump-s-antifa-tweet-right-wing-
catnip-potentially-troubling-consequences-ncna1222686.
Burley, Shane, and Alexander Reid Ross. “Opinion: What Happened
When I Was the Target of Alt-Right Death Threats.” The Independent,
August 15, 2019. https://www.independent.co.uk/voices/alt-right-antifa-
death-threats-doxxing-quillette-a8966176.html.
Burns, Asia Simone. “Police ID 8-Year-Old Shot, Killed; $10,000
Reward Offered in Case.” Atlanta Journal-Constitution, July 5, 2020.
https://www.ajc.com/news/breaking-news/police-child-shot-killed-
atlanta/gePIuT0NSJFUITL5Q3eiKK/?
utm_source=Iterable&utm_medium=email&utm_campaign=campaign_1337875.
Burns, Megan. “Information Warfare: What and How?” Carnegie Mellon
University, School of Computer Science, 1999.
https://www.cs.cmu.edu/~burnsm/InfoWarfare.html.
Caldwell-Kelly, Alice (@AliceAvizandum). “RIP Andy Ngo.…” Twitter,
July 1, 2019. https://archive.vn/hUV7A.
Calkins, Matt. “How MLS’ Ruling Allowing Iron Front Flag Might Be
Pushing Away Sounders Fans.” Seattle Times, October 18, 2019.
https://www.seattletimes.com/sports/sounders/i-have-no-supporters-home-
how-mls-ruling-allowing-iron-front-flag-might-be-pushing-away-sounders-
fans/.
Cameron, Ewen A. “David Powell, British Politics, 1910–35: The Crisis
of the Party System.” Journal of Scottish Historical Studies, 2005.
https://doi.org/10.3366/jshs.2005.25.1.63.
Carolina Workers Collective. Facebook post, March 9, 2018.
https://www.facebook.com/CarolinaWorkersCollective/posts/statement-of-
carolina-workers-collective-formerly-shelby-redneck-revoltsystems-
o/344356872721102/.
Carter, Mike. “Prosecutors Won’t Retry Couple Accused in Shooting of
Antifa Protester on UW Campus during Milo Yiannopoulos Event.” Seattle
Times, September 6, 2019. https://www.seattletimes.com/seattle-
news/crime/prosecutors-will-not-retry-couple-accused-in-shooting-of-antifa-
protester-on-uw-campus-during-milo-yiannopoulos-event/.
Caruso, Justin. “Yale Honors Students Who Mobbed Prof over Costume
Controversy.” May 30, 2017. https://www.campusreform.org/?ID=9238.
Cascadian Resistance. “About.” Facebook post. Accessed May 2, 2020.
http://archive.vn/4eKYN.
Casiano, Louis. “Seattle-Based Activists Arrested in Kenosha after Filling
up Gas Cans.” Fox News, August 28, 2020.
https://www.foxnews.com/us/seattle-activists-arrested-kenosha-gas-cans.
. “Seattle Father Mourning Loss of Son Killed in ‘CHOP’ Zone Gets
Calls of Support from Trump, Mayor Durkan.” Fox News, July 2, 2020.
https://www.foxnews.com/us/seattle-chop-horace-lorenzo-anderson-trump-
mayor-call.
Cathell, Mia. “Journalist Attacked by ‘Black Bloc’ Militants at Antifa
Riot in Portland.” Post Millennial, July 4, 2020.
https://thepostmillennial.com/journalist-attacked-black-bloc-militants-antifa-
riot-portland.
. “Left-Wing Reporter Falsely Accuses Murdered Portland Trump
Supporter of Backing Terrorism.” Post Millennial, August 31, 2020.
https://thepostmillennial.com/left-wing-reporter-falsely-accuses-murdered-
portland-trump-supporter-of-backing-terrorism.
CBC News. “WTO Protests Hit Seattle in the Pocketbook.” CBC News,
January 6, 2000. https://www.cbc.ca/news/world/wto-protests-hit-seattle-in-
the-pocketbook-1.245428.
CBS Austin. “DPS Identifies Six Arrested during Anti-Trump Protests at
Capitol on Sunday.” CBS Austin, November 13, 2016.
https://cbsaustin.com/news/local/anti-trump-protests-continue-at-the-capitol.
CBS, and Associated Press. “‘Pigs in a Blanket’ Chant at Minnesota Fair
Riles Police.” CBS News, August 31, 2015.
https://www.cbsnews.com/news/pigs-in-a-blanket-chant-at-minnesota-fair-
riles-police/.
Celona, Larry, and Vincent Barone. “Black Lives Matter Protesters Riot
in Manhattan, Cause $100,000 Damage: NYPD.” New York Post, September
5, 2020. https://nypost.com/2020/09/05/black-lives-matter-protesters-riot-in-
manhattan-cause-100000-damage/.
Centers for Disease Control and Prevention. “FastStats.” CDC, September
4, 2019. https://www.cdc.gov/nchs/fastats/homicide.htm.
Chang, Jung. Wild Swans: Three Daughters of China. Simon and
Schuster, 2003.
Chavez, Bridget. “‘They Were Looking for a Fight’: Woman Describes
Sunday Night Attack in Downtown Portland.” KPTV, August 18, 2020.
https://www.kptv.com/news/they-were-looking-for-a-fight-woman-describes-
sunday-night-attack-in-downtown-portland/article_52eece24-e1bc-11ea-
9753-c7b04b7d662a.html?
utm_medium=social&utm_source=facebook&utm_campaign=user-
share&fbclid=IwAR1MJLzufMNb61zaAK6GD6-
aKL0qwujDg72MTG1r1Lsa0nccjQ-3jhX45pk.
Cheong, Ian Miles. “Breaking: AOC Is Fundraising for an Antifa-
Affiliated Website on Instagram.” Post Millennial, June 8, 2020.
https://thepostmillennial.com/aoc-fundraises-antifa-unicorn-riot.
Christiansen, Rebecca. “Antifa Attacks Journalist and Right-Wing Group
in Washington State.” Post Millennial, December 9, 2019. Accessed April 10,
2020. https://www.thepostmillennial.com/watch-antifa-attack-journalist-and-
right-wing-group-in-washington-state/.
Clarion Project. “The Clarion Project’s Advisory Board.” Accessed April
1, 2020. https://clarionproject.org/clarion-project-advisory-board/.
Cline, Sara. “Portland Protests Set Up Clash between Journalists, Police.”
Associated Press, September 3, 2020.
https://apnews.com/article/40e2712cdfe132b6ee4e950fa42a6653.
Common Cause Ottawa. “With Allies Like These: Reflections on
Privilege Reductionism.” Anarchist Library, June 6, 2014.
https://archive.vn/cOLex.
Community Armed Self-Defense. Facebook page.
https://archive.vn/MUDMG.
Conatz, Juan. “Between Infoshops and Insurrection: U.S. Anarchism,
Movement Building, and the Racial Order.” August 25, 2014.
https://archive.vn/VTnVP.
“Conservative Journalist Blames Antifa for Rally Attack.” CNN, July 2,
2019. https://www.cnn.com/videos/us/2019/07/02/antifa-conservative-
journalist-andy-ngo-bts-newday-vpx.cnn.
Contreras, Brian, and Paige Cornwell. “Armed Man Attacking Tacoma’s
ICE Detention Center Killed in Officer-Involved Shooting.” Seattle Times,
July 13, 2019. https://www.seattletimes.com/seattle-news/crime/tacoma-
police-armed-man-throwing-incendiary-devices-shot-outside-ice-detention-
center/.
“Cops Arrest 8 Occupy Portland Protesters; Reopen Street.” The
Colombian, October 12, 2011. Accessed April 11, 2020.
https://www.columbian.com/news/2011/oct/12/cops-arrest-8-occupy-
portland-protesters-reopen-st/.
Courtois, Stéphane, and Jean-Louis Margolin. The Black Book of
Communism: Crimes, Terror, Repression. Cambridge, MA: Harvard
University Press, 1999.
Crass, Chris. “Against Patriarchy: Tools for Men to Further Feminist
Revolution.” The Feminist Wire. June 25, 2013. https://archive.vn/PcuSo.
CRC Staff. “The Pro-Antifa Nonprofit Doxxing Conservatives.” Capital
Research Center, March 27, 2020. https://capitalresearch.org/article/the-pro-
antifa-nonprofit-doxxing-conservatives/.
CrimethInc. “Why We Break Windows: The Effectiveness of Political
Vandalism.” CrimethInc, 2018. https://crimethinc.com/zines/why-we-break-
windows.
C-SPAN. “Hearing on Protests Across U.S.” C-SPAN, August 4, 2020.
https://www.c-span.org/video/?474496-1/hearing-protests-us&vod=.
Cunningham, Mark D. “RE: State vs. Jeremy Christian, Provisional
Report Prepared for Bail Hearing.” November 10, 2017. http://opb-imgserve-
production.s3-website-us-west-
2.amazonaws.com/original/20171208_christian_eval_ulsnmu2.pdf.
Democracy Now! “‘When They Call You a Terrorist’: The Life of Black
Lives Matter Co-Founder Patrisse Khan-Cullors.” Democracy Now!, January
16, 2018. Accessed July 15, 2020.
https://www.democracynow.org/2018/1/16/when_they_call_you_a_terrorist.
Denson, Charles. “In Memoriam: Charles (Charlie) Landeros, 1988–
January 11, 2019.” January 12, 2019. https://cldc.org/in-memoriam-charles-
charlie-landeros-1988-january-11-2019/.
Deutsche Welle. “East German Stasi Had 189,000 Informers, Study
Says.” Deutsche Welle, March 11, 2008. Accessed March 16, 2020.
https://www.dw.com/en/east-german-stasi-had-189000-informers-study-
says/a-3184486-1.
. “Leipzig police probe ‘attempted murder’ of officer.” DW, January 1,
2020. https://www.dw.com/en/leipzig-police-probe-attempted-murder-of-
officer/a-51853772.
Dimitrov, Georgi. “The Fascist Offensive and the Tasks of the
Communist International in the Struggle of the Working Class against
Fascism.” In Speech at the VII World Congress of the Communist
International, vol. 2, 1935.
https://www.marxists.org/reference/archive/dimitrov/works/1935/08_02.htm.
Draper, Theodore. “The Ghost of Social-Fascism.” Commentary 47, no. 2
(1969): 29.
Dunn, Jeffrey. “Portland Antifa ‘Martyr’ Mourned by Many Urged
Terrorist Attacks, Writings Reveal.” Post Millennial, March 9, 2020.
https://thepostmillennial.com/portland-antifa-martyr-mourned-by-many-
urged-terrorist-attacks-writings-reveal.
Durkan, Jenny (@MayorJenny). “The Capitol Hill Autonomous Zone.…”
Twitter, June 11, 2020. https://archive.vn/RSZ2l.
Ellis, Rebecca. “Portland Anti-Fascist Activist Killed in Hit and Run
Outside Cider Riot.” Oregon Public Broadcasting, October 14, 2019.
https://www.opb.org/news/article/antifa-killed-homicide-cider-riot-sean-
kealiher/.
. “Portland Mayor Ted Wheeler Bans Use of CS Tear Gas in Ongoing
Protests.” Oregon Public Broadcasting, September 11, 2020.
https://www.opb.org/article/2020/09/10/portland-mayor-ted-wheeler-bans-
use-of-tear-gas-in-ongoing-protests/.
. “Portland’s Protests: 3 Months In, No End in Sight.” Oregon Public
Broadcasting, August 25, 2020.
https://www.opb.org/article/2020/08/24/portlands-protests-three-months-in-
no-end-in-sight/.
. “Portland Votes to Wall Off Local Police from Federal Law
Enforcement.” Oregon Public Broadcasting, July 28, 2020.
https://www.opb.org/news/article/portland-votes-wall-Off-police-federal-law-
enforcement/.
Ellison, Jeremiah (@jeremiah4north). “I hereby declare, officially, my
support.…” Twitter, May 31, 2020. https://archive.vn/UjaYz.
Ellison, Keith (@keithellison). “At @MoonPalaceBooks and I just found.
…” Twitter, January 3, 2018. http://archive.is/irupS.
. “This man doesn’t look like any civil rights.…” Twitter, May 28, 2020.
https://archive.vn/RfCt8.
Equitable Workers Offering Kommunity Support (@PDXEWOKS).
Twitter profile. Accessed October 2, 2020. https://archive.vn/ISAp3.
Escobar, Natalie. “One Author’s Argument ‘In Defense of Looting.’”
NPR, August 27, 2020.
https://www.npr.org/sections/codeswitch/2020/08/27/906642178/one-
authors-argument-in-defense-of-looting.
Eudaly, Chloe. “Statement from Commissioner Chloe Eudaly on
Immigration & Customs Enforcement Facility 4310 SW Macadam.” Press
release, July 23, 2018.
https://www.portlandoregon.gov/eudaly/article/691975.
Evans, Robert (@IwriteOK). “This is bullshit. I was.…” Twitter, July 19,
2020. https://archive.is/K1nfU.
FBI. “Hate Crime in the U.S.: New Stats and a Continuing Mission.”
Federal Bureau of Investigation, November 19, 2007. Accessed October 23,
2020.
https://archives.fbi.gov/archives/news/stories/2007/november/hatecrime_111907.
. “Using Intel against Eco-Terrorists.” Federal Bureau of Investigation,
June 30, 2008. Accessed May 2, 2020.
https://archives.fbi.gov/archives/news/stories/2008/june/ecoterror_063008.
Feis, Aaron. “Umbrella Blade Found at George Floyd Protest.” New York
Post, June 8, 2020. https://nypost.com/2020/06/08/umbrella-blade-found-at-
george-floyd-protest/.
Finkelstein, Joel, Alex Goldenberg, Sean Stevens, Pamela Paresky, Lee
Jussim, John Farmer, and John K. Donohue. “Network-Enabled Anarchy:
How Militant Anarcho-Socialist Networks Use Social Media to Instigate
Widespread Violence against Political Opponents and Law Enforcement.”
Rutgers, September 14, 2020.
Fiorillo, Victor. “D.C. ‘Antifa Leader’ Is Third Man Charged in Marine
Attack in Philadelphia.” Philadelphia Magazine, January 29, 2019.
https://www.phillymag.com/news/2019/01/29/joseph-alcoff-antifa-marines-
philadelphia/.
Fippel, Günter. Antifaschisten in “antifaschistischer” Gewalt: mittel-und
ostdeutsche Schicksale in den Auseinandersetzungen zwischen Demokratie
und Diktatur (1945 bis 1961). A. Peter, 2003.
Flood, Brian. “Reporter Who Had Gun Pulled on Him during Kenosha
Riot Credits God for Being Alive.” Fox News, August 25, 2020.
https://www.foxnews.com/media/reporter-gun-pulled-on-him-kenosha-riots.
Focus. “‘Bin um mein Leben gerannt’: Entsetzen nach linken Krawallen
in Berlin.” Focus.de, November 4, 2019.
https://www.focus.de/politik/deutschland/viele-polizisten-verletzt-bin-um-
mein-leben-gerannt-entsetzen-nach-linken-krawallen-in-
berlin_id_11305688.html.
Foley, Ryan J. “Woman, 22, Killed at Protest as Civil Unrest Roils
Davenport.” Associated Press, June 1, 2020.
https://apnews.com/18e8ec5a9b8e7175a128254d55df41e3.
Fonrouge, Gabrielle. “This Is Why Jacob Blake Had a Warrant out for His
Arrest.” New York Post, August 28, 2020.
https://nypost.com/2020/08/28/this-is-why-jacob-blake-had-a-warrant-out-
for-his-arrest/.
Fosters Daily Democrat. “NH Man Gets 41 Months for Possessing Child
Pornography in Maine.” Fosters Daily Democrat. Accessed October 22,
2020. https://www.fosters.com/article/20080516/NEWS0104/48373566.
FOX 11 News. “Charges Filed against Man Accused of Defying Orders
during Waupaca Protest.” Fox 11, August 3, 2020.
https://fox11online.com/news/local/charges-filed-against-man-accused-of-
defying-orders-during-waupaca-protest.
FOX 12 Staff. “New Data Shows Surge in Portland Shootings, with 488
So Far This Year.” KPTV, September 4, 2020.
https://www.kptv.com/news/new-data-shows-surge-in-portland-shootings-
with-488-so-far-this-year/article_9c89c710-ef08-11ea-94b6-
13065376e911.html.
. “Tips Help Police Arrest Man, Boy Accused of Attacking Bystander in
Protest for George Floyd in Portland.” KPTV, June 8, 2020.
https://www.kptv.com/news/tips-help-police-arrest-man-boy-accused-of-
attacking-bystander-in-protest-for-george-floyd/article_1083ede8-a9d7-11ea-
821a-bfb5bc8b03d5.html.
Fox News. “Conservative Journalist Attacked by Antifa Protesters Speaks
Out.” YouTube, July 1, 2019. https://www.youtube.com/watch?
v=fLgKN1ij8eM.
. “Tucker Carlson—Andy Ngo Attacked in Antifa May Day Portland
Riot.” YouTube, May 2, 2019. https://youtu.be/mtBPxDfl82I.
“Free Speech or a Vicious Crime?: Accused MAX Attacker’s Lawyers
Argue Legality of Rant Affects Larger Case.” KGW-TV, January 2, 2020.
https://www.kgw.com/article/news/local/trimet-attack/jeremy-christian-max-
stabbings-trial-portland-free-speech/283-79d3cc2b-9d46-4808-b093-
70833ebd820c.
FreeCapitolHill. “The Demands of the Collective Black Voices at Free
Capitol Hill to the Government of Seattle, Washington.” Medium, June 9,
2020. https://medium.com/@seattleblmanon3/the-demands-of-the-collective-
black-voices-at-free-capitol-hill-to-the-government-of-seattle-ddaee51d3e47.
Freedom House. “Overview Fact Sheet: The Democratic Leadership
Gap.” January 17, 2014.
https://web.archive.org/web/20190531161947/https://freedomhouse.org/report/overview-
fact-sheet.
Friedman, Gordon R. “In Response to Chaotic Street Brawls, Portland
May Restrict Protests.” Oregonian, October 16, 2018.
https://www.oregonlive.com/portland/2018/10/in_response_to_street_brawls_p.html.
. “Portland City Council Rejects Mayor Ted Wheeler’s Protest
Restrictions Plan.” Oregonian, November 15, 2018.
https://www.oregonlive.com/portland/2018/11/portland_city_council_rejects.html.
Fry, Paige, Jeremy Gorner, Peter Nickeas, Gregory Pratt, Megan Crepeau,
Stacy St. Clair, Claire Hao, et al. “Police Shooting of Englewood Man
Reignites Political Debate and Looting as Mag Mile Trashed, 13 Cops
Injured, 2 People Shot.” Chicago Tribune, August 10, 2020.
https://www.chicagotribune.com/news/breaking/ct-chicago-downtown-
looting-20200810-3zwa3b7zzrc5vdyb4qjqywrjvu-story.html.
Fulbrook, Mary. “Stasi. The Untold Story of the East German Secret
Police John O. Koehler.” English Historical Review, 2000.
https://doi.org/10.1093/ehr/115.463.1038.
Garbe, Will, and Hasan Karim. “Dayton Shooter Was Armed Counter-
Protester at Ku Klux Klan.” WHIO, August 6, 2019. Accessed September 10,
2020.
https://web.archive.org/web/20191129023501/https://www.whio.com/news/local/dayton-
shooter-was-armed-counter-protester-klux-klan-
rally/OjUttVmHRpmBGqHNRGXyoL/.
Garcia, Victor. “Ex-Antifa Member Slams Nadler for Calling Far-Left
Group ‘Imaginary’: ‘That’s Just False.’” Fox News, June 27, 2020.
https://www.foxnews.com/media/gabriel-nadales-jerrold-nadler-claims-
antifa-imaginary.
Garza, Alicia (@aliciagarza). “How do we stop ‘black on black crime?’.
…” Twitter, January 17, 2015. https://archive.vn/Dql77.
. “White supremacy and capitalism are.…” Twitter, July 13, 2016.
https://archive.vn/Eah4s.
Gee, Taylor. “How the Middlebury Riot Really Went Down.” Politico
Magazine, May 28, 2017.
https://www.politico.com/magazine/story/2017/05/28/how-donald-trump-
caused-the-middlebury-melee-215195.
Gehriger, Uhrs. “America Under Siege: ‘They Don’t Want Law and
Order. They Want Anarchy.’” Weltwoche, September 2, 2020.
https://www.weltwoche.ch/ausgaben/2020-36/weltwoche-international/kalen-
d-almeida-die-weltwoche-ausgabe-36-2020.html.
Gillham, Patrick F. “WTO History Project.” Journal of American History
100, no. 2 (September 1, 2013): 615–15.
Giove, Candice M. “Occupy Wall Street Costs Local Businesses
$479,400!” New York Post, November 13, 2011.
http://www.nypost.com/p/news/local/manhattan/item_Wq8d8Q0M0W98jwaQAVPvYL.
Gittlitz, A. M. “‘Make It So’: ‘Star Trek’ and Its Debt to Revolutionary
Socialism.” New York Times, July 24, 2017.
https://www.nytimes.com/2017/07/24/opinion/make-it-so-star-trek-and-its-
debt-to-revolutionary-socialism.html.
Goldberg, Zach. “America’s White Saviors.” Tablet Magazine, June 5,
2019. https://www.tabletmag.com/jewish-news-and-
politics/284875/americas-white-saviors.
Goldberger, David. “The Skokie Case: How I Came to Represent the Free
Speech Rights of Nazis.” American Civil Liberties Union, March 2, 2020.
https://www.aclu.org/issues/free-speech/rights-protesters/skokie-case-how-i-
came-represent-free-speech-rights-nazis.
Goldsbie, Jonathan, Graeme Gordon, Kevin Sexton, and Robert Jago.
“Faith Goldy Fired From The Rebel.” CANADALAND, August 18, 2017.
https://www.canadalandshow.com/faith-goldy-gone-rebel/.
Gorcenski, Emily (@EmilyGorcenski). “Fuck Nazis.” Twitter, September
4, 2020. https://archive.vn/s2cc5.
. “Reminder: the proper response to.…’” August 11, 2020.
https://archive.is/9MprT.
. “What I’m saying is armed community.…” Twitter, April 19, 2019.
https://archive.is/Tq6Lv.
Gorney, Cynthia. “Mistrial Declared in Newton Murder Case.”
Washington Post, March 25, 1979.
https://www.washingtonpost.com/archive/politics/1979/03/25/mistrial-
declared-in-newton-murder-case/b6408217-1cf0-4c67-a425-9d25b6ac600f/.
Green, Aimee. “21 Protest-Related Lawsuits Have Been Filed against
Portland Police: Latest 3 Accuse Police of Harassing Critics.” Oregonian,
October 14, 2020. https://www.oregonlive.com/news/2020/10/21-protest-
related-lawsuits-have-been-filed-against-portland-police-latest-3-accuse-
police-of-harassing-critics.html.
. “Jeremy Christian Has No Major Mental Illness, but Is Quick to Anger
over ‘Trivial Issues,’ Psychiatrist Testifies.” Oregonian, February 14, 2020.
https://www.oregonlive.com/news/2020/02/psychiatrist-says-jeremy-
christian-doesnt-have-a-mental-illness-but-is-quick-to-become-angry-and-
aggressive-over-trivial-issues.html.
Green, Sara Jean. “Capitol Hill Break-In Suspect Arrested, Tied to Crimes
at SoDo and White Center Auto Businesses.” Seattle Times, June 17, 2020.
https://www.seattletimes.com/seattle-news/crime/capitol-hill-break-in-
suspect-arrested-tied-to-crimes-at-sodo-and-white-center-auto-businesses/.
Griswold, Alex. “Black Lives Matter Founder Claims Hate Speech Isn’t
Protected by First Amendment.” Washington Free Beacon, August 14, 2017.
https://freebeacon.com/issues/black-lives-matter-founder-claims-hate-speech-
isnt-protected-by-first-amendment/.
Grossman, Andrew. “Man Arrested in Sex Assaults at Occupy Wall
Street.” Wall Street Journal, November 2, 2011.
http://blogs.wsj.com/metropolis/2011/11/02/man-arrested-in-sex-assaults-at-
occupy-wall-street/.
Guarente, Gabe. “What It’s Like to Eat Inside Seattle’s Much-Discussed
Protest Space.” Eater Seattle, June 18, 2020.
https://seattle.eater.com/2020/6/18/21293916/seattle-protest-zone-chop-chaz-
capitol-hill-food-eating.
Gutman, David. “Durkan Proposes $20 Million in Cuts to Seattle Police
as Part of Proposal to Balance Budget.” Seattle Times, June 23, 2020.
https://www.seattletimes.com/seattle-news/politics/durkan-proposes-20-
million-in-cuts-to-seattle-police-as-part-of-proposal-to-balance-budget/.
Hamerquist, Don, J. Sakai, and Xtn. Confronting Fascism: Discussion
Documents for a Militant Movement. Kersplebedeb, 2017.
Hampe, Blake David (br0k3nr0b0t). “I was marching very close.…”
Reddit post, August 14, 2020. http://archive.vn/AHu6E.
Hanania, Richard. “It Isn’t Your Imagination: Twitter Treats
Conservatives More Harshly Than Liberals.” Quillette, February 12, 2019.
https://quillette.com/2019/02/12/it-isnt-your-imagination-twitter-treats-
conservatives-more-harshly-than-liberals/.
Hegyi, Nate. “Spurred by Debunked Antifa Rumors, Armed Men and
Women Stand Watch Over Protests.” Boise State Public Radio, June 8, 2020.
https://www.boisestatepublicradio.org/post/spurred-debunked-antifa-rumors-
armed-men-and-women-stand-watch-over-protests#stream/0.
Heim, Joe. “Charlottesville Response to White Supremacist Rally Is
Sharply Criticized in Report.” Washington Post, December 1, 2017.
https://www.washingtonpost.com/local/charlottesville-response-to-white-
supremacist-rally-sharply-criticized-in-new-report/2017/12/01/9c59fe98-
d6a3-11e7-a986-d0a9770d9a3e_story.html.
Hernandez, Drew. “BLM PROTESTERS PHYSICALLY ASSAULTING
AND ROBBING PEOPLE IN DOWNTOWN PORTLAND (FULL).”
YouTube, August 19, 2020. https://www.youtube.com/watch?
v=JCKcYSQAP6U.
. “For the record, this was the extreme.…” Twitter, August 17, 2020.
https://archive.vn/i870Z.
. Interview by Andy Ngo. October 2020.
. “Twisted BLM activist in Portland.…” Twitter, August 17, 2020.
https://archive.vn/GG8oX.
Herzog, Katie. “Anti-Racist Protesters Harass Gay Asian-American
Journalist.” The Stranger, December 7, 2018. Accessed September 3, 2020.
https://www.thestranger.com/slog/2018/12/07/36874512/anti-racist-
protesters-harass-gay-asian-american-journalist.
Heye, Bob. “Former Portland ICE Protest Campsite Reopens to Public.”
KATU News, July 26, 2018. https://katu.com/news/local/former-portland-
ice-protest-camp-site-reopens-to-public.
Hill, Christian. “Fatal Police Shooting in Front of Cascade Middle School
Was Justified, DA Rules.” Register-Guard, January 24, 2019. Accessed
September 7, 2020. https://www.registerguard.com/news/20190124/fatal-
police-shooting-in-front-of-cascade-middle-school-was-justified-da-rules.
Hill, Evan, Mike Baker, Derek Knowles, and Stella Cooper. “‘Straight to
Gunshots’: How a U.S. Task Force Killed an Antifa Activist.” New York
Times, October 13, 2020. https://www.nytimes.com/2020/10/13/us/michael-
reinoehl-antifa-portland-shooting.html.
Hogg, David (@davidhogg111). “While white men stomp around with.
…” Twitter, May 7, 2020. https://archive.vn/NXas9.
Hoppe, Bert. In Stalins Gefolgschaft: Moskau und die KPD 1928–1933.
Oldenbourg Verlag, 2011.
Horcher, Gary. “SPD: Rioters Tried to Trap Officers inside Burning
Precinct Using Rebar and Concrete.” August 26, 2020.
https://www.kiro7.com/news/local/spd-rioters-tried-trap-officers-inside-
burning-precinct-using-rebar-
concrete/5AERWGBGYJE7DC6CLW3PEKKAEE/.
Horowitz, Ami. “Inside CHAZ (the Capitol Hill Autonomous Zone).”
YouTube, June 17, 2020, https://www.youtube.com/watch?
v=ZpW_QLWrubE.
Hubbard, Wayne. “Justice for Sean Reed!” Change.org. Accessed May
27, 2020. https://www.change.org/p/mayor-joe-hogsett-justice-for-sean-reed.
Iannarone, Sarah (@sarahforpdx). “To those who say Antifa are.…”
Twitter, January 27, 2019. https://archive.is/A0SVG.
Immigration and Customs Enforcement (@ICEgov). “Read the full ICE
statement.…” Twitter, June 18, 2018. https://archive.vn/3sqOG#selection-
3941.0-4009.8.
Incite! “Why Misogynists Make Great Informants: How Gender Violence
on the Left Enables State Violence in Radical Movements.” Incite!, July 15,
2010. https://archive.vn/fSaUm.
Indianapolis Metropolitan Police Department. “IMPD Officer Involved
Shooting.” Press release, May 7, 2020. https://archive.vn/x4ir6.
Indigenous Action Media. “Accomplices not allies: Abolishing the ally
industrial complex.” Accessed September 29, 2020. https://archive.vn/do5zg.
Influence Watch. “National Lawyers Guild.” Accessed October 21, 2020.
https://www.influencewatch.org/non-profit/national-lawyers-guild/.
International Workers of the World Freelance Journalists Union
(@IWWFJU). “TO JOURNALISTS COVERING THE ONGOING.…”
Twitter, August 5, 2020. https://archive.vn/CTQaR.
Ioffee, Karina. “FBI Investigates Threat against Berkeley School after
Teacher’s Counterprotest at Neo-Nazi Rally.” East Bay Times, June 28,
2016. https://www.eastbaytimes.com/2016/06/28/fbi-investigates-threat-
against-berkeley-school-after-teachers-counterprotest-at-neo-nazi-rally/.
It’s Going Down (@IGD_News). Twitter profile. Accessed October 7,
2020. https://archive.is/rCU9s.
It’s Going Down. “Call to Action Border Resistance Tour and
Convergence,” It’s Going Down, July 29, 2019.
https://web.archive.org/web/20190804220709/https://itsgoingdown.org/call-
to-action-border-resistance-tour-and-convergence/
. “Time to Beef Up Defense against Far-Right Doxxing.”
ItsGoingDown.org, February 6, 2017. https://itsgoingdown.org/time-beef-
defense-against-far-right-doxxing/.
Jany, Libor. “Minneapolis police say ‘Umbrella Man’ was a white
supremacist trying to incite George Floyd rioting.” StarTribune, July 28,
2020. https://www.startribune.com/police-umbrella-man-was-a-white-
supremacist-trying-to-incite-floyd-rioting/571932272/.
Joe Rogan Experience #1323—Andy Ngo. YouTube, 2019.
https://youtu.be/cI2EHMy1lgs.
Jones, Jeremy. “Gregory McMichael Murderer Ahmaud Arbery Seen at
KKK Rally in 2016.” GAFollowers, May 9, 2020. http://archive.is/FpN98.
Jones, Nigel. Mosley. Haus Publishing, 2004.
JoshWho News. “CHAZ Shooting Victim’s Brother Claims Criminal
Protesters ‘Hid’ His Brother from Him while He Was Dying.” JoshWho
News, June 21, 2020. https://www.joshwho.net/chaz-shooting-victims-
brother-claims-criminal-protesters-hid-his-brother-from-him-while-he-was-
dying/.
“Joy Reid: ‘Zero Evidence’ That Black Lives Matter Has Pushed for
Violence.” MSNBC, October 22, 2020. https://www.msnbc.com/the-
reidout/watch/joy-reid-zero-evidence-that-black-lives-matter-has-pushed-for-
violence-94450245781.
KABC. “Man Charged with Arson in Connection to Oregon Wildfire.”
KABC-TV, September 12, 2020. https://abc7.com/wildfire-oregon-fire-in-
arson/6420067/.
Kalbaugh, Brad. “State of Oregon v. Amelia Joan Shamrowicz,” June 1,
2020.
Kasprak, Alex. “Does This Video Show Raz Simone Handing Out Guns
in Seattle’s CHOP?” Snopes, June 23, 2020. https://www.snopes.com/fact-
check/raz-simone-guns/.
Kaste, Martin. “Murder Rate Spike Could Be ‘Ferguson Effect,’ DOJ
Study Says.” NPR, June 15, 2016.
https://www.npr.org/2016/06/15/482123552/murder-rate-spike-attributed-to-
ferguson-effect-doj-study-says.
KATU Staff. “Police: Man Charged with Keying Patrol Car at SE
Portland Protest.” KATU-TV, October 16, 2015.
https://katu.com/news/local/police-man-charged-with-keying-patrol-car-at-
se-portland-protest.
. “Protests Cost $23 Million in Damage, Lost Business, Portland Police
Say.” KATU-TV, July 8, 2020. https://katu.com/news/local/portland-police-
plan-to-address-nightly-protests.
Kellner, Douglas M. Herbert Marcuse and the Crisis of Marxism.
London: Palgrave, 1984.
Kelly, George, and Rick Hurd. “Bay Area College Professor Used U-
Shaped Bike Lock in Beating, Police Say.” East Bay Times, May 25, 2017.
https://www.eastbaytimes.com/2017/05/24/berkeley-college-professor-
arrested-as-assault-suspect/.
Kelly, Kim (@GrimKim). “And one of my greatest hopes.…” Twitter,
November 7, 2019.
http://web.archive.org/web/20191107194718/https://twitter.com/GrimKim/status/1192526
. “As Van Spronsen and the many other.…” Twitter, July 15, 2019.
http://web.archive.org/web/20190715005051if_/http://twitter.com/grimkim.
. “Comrade Boomer.” Twitter, November 7, 2019.
http://web.archive.org/web/20191107232938/https://twitter.com/GrimKim/status/1192583
. “Hey NYC pals, if we haven’t seen each other.…” Twitter, January 23,
2020. https://archive.is/Kdfoo.
Kelly, Meg, and Elyse Samuels. “Who caused the violence at protests? It
wasn’t antifa.” Washington Post, June 22, 2020.
https://www.washingtonpost.com/politics/2020/06/22/who-caused-violence-
protests-its-not-antifa/.
KGW. “82nd Avenue of Roses Parade Canceled due to Threats.” KGW-
TV, April 26, 2017, https://www.kgw.com/article/news/local/82nd-avenue-
of-roses-parade-canceled-due-to-threats/283-434090945.
. “‘ICE Is Stupid’: Portland Commissioner to Occupy ICE PDX
Protesters.” KGW-TV, 2018, https://www.kgw.com/article/news/special-
reports/at-the-border/ice-is-stupid-portland-commissioner-to-occupy-ice-pdx-
protesters/283-568226290.
King, Angela, Casey Martin, and Gil Aegerter. “1 Teen Dead, 1 Wounded
in Shooting at Seattle’s CHOP.” KUOW-FM, June 29, 2020.
https://www.kuow.org/stories/shooting-in-seattle-s-chop-leaves-one-man-
dead-one-wounded.
King, Shaun (@shaunking). “I Support ANTIFA.…” Twitter, August 16,
2017. http://archive.is/UOn0J.
. “I support the communists & socialists.…” Twitter, August 16, 2017.
http://archive.is/ifd8k.
. “I’ve said it before & I.…” Twitter, March 5, 2018.
https://web.archive.org/web/20200826112713/https://twitter.com/shaunking/status/970865
. “We are told that this is the final letter.…” Twitter, July 15, 2019.
https://archive.fo/xQ1DG.
Kohn, Sally (@sallykohn). “My sense is that if Trump.…” Twitter,
November 8, 2016. https://archive.vn/LJwxD.
KOMO News Staff. “Best: SPD Response Times Have Tripled since Loss
of East Precinct.” KOMO, June 11, 2020.
https://komonews.com/news/local/best-spd-response-times-have-tripled-
since-loss-of-east-precinct.
Krasner, Stephen D. Organized Hypocrisy. Princeton, NJ: Princeton
University Press, 1999.
Kruse, Brandi. “CHOP: Seattle Mayor Walks Back ‘Summer of Love’
Comment.” Q13 FOX, June 22, 2020. https://www.q13fox.com/news/chop-
seattle-mayor-walks-back-summer-of-love-comment.
KVAL. “DA: FBI Received Tip about Landeros ‘Posting Violent Anti-
Government Messages’ in 2018.” KVAL-TV, January 24, 2019.
https://kval.com/news/local/da-fbi-received-tip-about-landeros-posting-
violent-anti-government-messages-in-2018.
. “‘Nothing about Us without Us!’: Oregon Students Protest University
President’s Speech.” KVAL-TV, October 6, 2017.
https://kval.com/news/local/nothing-about-us-without-us-oregon-students-
protest-university-presidents-address.
Lavin, Talia (@chick_in_kiev). “Andy ngo is best known for providing.
…” Twitter, June 27, 2020. http://archive.is/WzZHa.
. “I wrote about the crucial role.…” Twitter, June 5, 2020.
https://archive.is/MIi3n.
. “This has been a wild and difficult week.…” Twitter, June 21, 2018.
http://archive.is/h3nyd.
Levin, Jack, and Jack McDevitt. “Hate Crimes.” In International
Encyclopedia of the Social & Behavioral Sciences, 540–45. Elsevier, 2015.
Levine, Jon. “NYU Cancels Former New Yorker Fact-Checker Talia
Lavin’s Journalism Class.” The Wrap, May 30, 2019.
https://www.thewrap.com/nyu-cancels-former-new-yorker-fact-checker-talia-
lavins-journalism-class/.
. “NYU Journalism School Hires Ex-New Yorker Fact Checker Who
Falsely Said ICE Agent Had Nazi Tattoo.” The Wrap, March 20, 2019.
https://www.thewrap.com/nyu-journalism-talia-lavin-new-yorker-fact-
checker-false-ice-agent-nazi-tattoo/.
Lindsay, James. Interview by Andy Ngo, April 22, 2020.
Louise, Olivia. “RIP. Armeanio celebrating our.…” Facebook post,
October 15, 2019. https://archive.vn/PgIn5.
Lucas, Fred. “Antifa Activist Facing Assault Charges Was Tied to
Democratic Policymakers.” Fox News, February 11, 2019.
https://www.foxnews.com/politics/antifa-activist-facing-assault-charges-was-
tied-to-democratic-policymakers.
MacFarquhar, Neil. “Minneapolis Police Link ‘Umbrella Man’ to White
Supremacy Group.” New York Times, July 28, 2020.
https://www.nytimes.com/2020/07/28/us/umbrella-man-identified-
minneapolis.html.
MacFarquhar, Neil, Alan Feuer, and Adam Goldman. “Federal Arrests
Show No Sign That Antifa Plotted Protests.” New York Times, June 11,
2020. https://www.nytimes.com/2020/06/11/us/antifa-protests-george-
floyd.html.
MacFarquhar, Neil, Mike Baker, and Adam Goldman. “In His Last
Hours, Portland Murder Suspect Said He Feared Arrest.” New York Times,
September 4, 2020. https://www.nytimes.com/2020/09/04/us/portland-
shooting-michael-reinoehl.html.
Magalif, Jeff. “Weathermen, Police Scuffle in Cambridge.” Harvard
Crimson, November 20, 1969. Accessed July 14, 2020.
https://www.thecrimson.com/article/1969/11/20/weathermen-police-scuffle-
in-cambridge-pweathermen/.
Marx, Karl, and Friedrich Engels. “Communist Manifesto (Chapter 1).”
Marxists.org archive, 1848.
https://www.marxists.org/archive/marx/works/1848/communist-
manifesto/ch04.htm.
Mathew, Benita. “Neenah Man Charged with Bringing Smoke Grenades
to Green Bay Rally, Accused of Pointing Rifle at Police in Waupaca.” Green
Bay Press Gazette, August 31, 2020.
https://www.greenbaypressgazette.com/story/news/2020/08/31/neenah-man-
charged-bringing-smoke-grenades-green-bay-rally-accused-pointing-rifle-
police-waupaca/3448722001/.
Mayer, M. “The Career of Urban Social Movements in West Germany.”
In Mobilizing the Community: Local Politics in the Era of the Global City,
edited by R. Fisher and J. Kling. Newbury Park, CA: Sage, 1993.
McDermott, Kevin, and Jeremy Agnew. The Comintern: A History of
International Communism from Lenin to Stalin. Red Globe Press, 1996.
McEvoy, Jemima. “14 Days of Protests, 19 Dead.” Forbes Magazine,
June 8, 2020. https://www.forbes.com/sites/jemimamcevoy/2020/06/08/14-
days-of-protests-19-dead/.
McGowan, Rory. “Claim No Easy Victories: An Anarchist Analysis of
ARA and Its Contributions to the Building of a Radical Anti-Racist
Movement.” Libcom, September 29, 2020. https://archive.vn/gnwqk.
McLaughlin, Sarah. “City College of New York Reverses Cancellation of
Pro-Palestine Event after Pressure from Legal Groups.” FIRE, May 2, 2018.
https://www.thefire.org/city-college-of-new-york-reverses-cancellation-of-
pro-palestine-event-after-pressure-from-legal-groups/.
Menza, Kaitlin. “Portland Commissioner Jo Ann Hardesty Has a Message
for Trump and the Feds.” Marie Claire, July 22, 2020.
https://www.marieclaire.com/politics/a33385651/portland-jo-ann-hardesty-
protests/?
fbclid=IwAR3I6VvPjn9a8DMZOvaDD6ZRNh7sI16HPMOg2XQU603xe26wK3dFDFmn
Merkel, Wolfgang. “Embedded and Defective Democracies.”
Democratization 11, no. 5 (December 1, 2004): 33–58.
Mesh, Aaron, and Corey Pein. “White Supremacists Are Brawling with
Masked Leftists in the Portland Streets. Homeland Security Is Watching.”
Willamette Week, May 23, 2017.
https://www.wweek.com/news/2017/05/23/white-supremacists-are-brawling-
with-masked-leftists-in-the-portland-streets-homeland-security-is-watching/.
Meyer, Josh, Jacqueline Klimas, Wesley Morgan, and Alex Isenstadt.
“FBI, Homeland Security Warn of More ‘Antifa’ Attacks.” Politico,
September 1, 2017. https://www.politico.com/story/2017/09/01/antifa-
charlottesville-violence-fbi-242235.
Miller, Joshua Rhett. “Federal Agents Likely Permanently Blinded by
Portland Protesters’ Lasers, White House Says.” New York Post, July 24,
2020. https://nypost.com/2020/07/24/3-fed-agents-likely-blinded-by-lasers-
pointed-at-them-in-portland-wh/.
Milwaukee Coalition Against Trump. “As protesters milled along the side
of.…” Facebook post, September 3, 2020. https://archive.vn/ukRjd.
Moreau, Patrick, and Rita Schorpp-Grabiak. Man muß so radikal sein wie
die Wirklichkeit—Die PDS: eine Bilanz. Nomos Verlagsgesellschaft, 2002.
Moreno, J. Edward. “Ocasio-Cortez Dismisses Proposed $1B Cut:
‘Defunding Police Means Defunding Police.’” The Hill, June 30, 2020.
https://thehill.com/homenews/house/505307-ocasio-cortez-dismisses-
proposed-1b-cut-defunding-police-means-defunding.
Moreno, Joel. “MLS Lifts Ban on Iron Front Flag Embraced by Sounders
Fans.” KOMO-AM, September 25, 2019.
https://komonews.com/news/local/mls-lifts-ban-on-iron-front-flag-embraced-
by-sounders-fans.
Movement for Black Lives, “Invest-Divest.” Accessed April 29, 2020.
https://archive.is/JNyWd.
Multnomah County District Attorney. “District Attorney Mike Schmidt
Announces Policy Regarding Protest-Related Cases.” Press release, August
11, 2020. Accessed October 5, 2020.
https://www.mcda.us/index.php/news/district-attorney-mike-schmidt-
announces-policy-regarding-protest-related-cases/.
. “Jeremy Joseph Christian Sentenced to Life Imprisonment without the
Possibility of Release or Parole.” Press release, June 24, 2020. Accessed
October 27, 2020. https://www.mcda.us/index.php/news/jeremy-joseph-
christian-sentenced-to-life-imprisonment-without-the-possibility-of-release-
or-parole/.
. “Protest Cases.” Accessed October 7, 2020.
https://www.mcda.us/index.php/protest-cases/.
Multnomah County Sheriff’s Office. “Blake David Hampe Booking.”
July 25, 2020. http://archive.vn/UJFen.
. “Unified Command: Individuals target a City Commissioner’s home, set
fire at Portland City Hall.” Press release, November 6, 2020.
https://flashalert.net/id/MCSO/139816.
. “Unified Command press release on Nov. 4 unlawful assembly and riot.”
Press release, November 5, 2020. https://flashalert.net/id/MCSO/139773.
Murthy, Dhiraj. Twitter: Social Communication in the Twitter Age.
Cambridge: Polity Press, 2018.
Mutasa, Tammy. “Man Killed by Police at NW Detention Center Had
Previous Arrest for Assaulting Officer.” KOMO-FM, July 13, 2019.
https://komonews.com/news/local/man-killed-by-police-at-nw-detention-
center-had-previous-arrest-for-assaulting-officer.
MyNorthwest Staff. “Seattle Police Union Demands Elected Officials
Condemn Violence toward Officers.” MyNorthwest.com, June 8, 2020.
https://mynorthwest.com/1929274/spog-safety-officers-seattle-protests/?
Nachrichten. “‘Dann war Stille im Schanzenviertel.’” n-tv.de, July 13,
2017. https://www.n-tv.de/politik/Dann-war-Stille-im-Schanzenviertel-
article19934632.html.
Natapoff, Alexandra, Emma Kaufman, and Patrisse Cullors. “Abolition
and Reparations: Histories of Resistance, Transformative Justice, and
Accountability.” Harvard Law Review, April 10, 2019. Accessed April 30,
2020. https://harvardlawreview.org/2019/04/abolition-and-reparations-
histories-of-resistance-transformative-justice-and-accountability/.
NBC Chicago, “Black Lives Matter on Chicago Looting: Black Lives
‘More Important Than Downtown Corporations.’” NBC Chicago, August 11,
2020. https://www.nbcchicago.com/news/local/black-lives-matter-on-
chicago-looting-black-lives-more-important-than-downtown-
corporations/2320685/.
NBC News. “Antifa Members Talk Protest Tactics: ‘We Don’t Depend
On Cops.’” YouTube, August 19, 2019. https://www.youtube.com/watch?
v=af5o-4eI9PA.
New York City Antifa (@NYCAntifa). “Solidarity from NYC to.…”
Twitter, May 27, 2020. http://archive.is/xO5Mx.
. “What the actual fuck.” Twitter, September 3, 2020.
https://archive.vn/jEe6Q.
Ngo, Andy. “Antifa Militant Seen with Illegal Gun in the ‘CHAZ.’”
YouTube, June 20, 2020. https://www.youtube.com/watch?v=oSVhBlvIxv8.
. “Inside the Suspicious Rise of Gay Hate Crimes in Portland.” New York
Post, March 30, 2019. https://nypost.com/2019/03/30/inside-the-suspicious-
rise-of-gay-hate-crimes-in-portland/.
Ngo, Andy (@MrAndyNgo). “After finding out that it was a.…” Twitter,
August 29, 2020. https://archive.vn/t6uz1.
. “Antifa are claiming that the deceased person is.…” Twitter, August 29,
2020. https://archive.vn/dEKZe.
. “Antifa black bloc handed out flyers about me.…” Twitter, November 5,
2019. https://archive.vn/tYHnz.
. “Antifa black bloc outside the Kelly Penumbra.…” Twitter, September
4, 2020. https://archive.vn/3weIr.
. “Blake David Hampe, the accused #antifa stabber.…” Twitter, August
19, 2020. https://archive.vn/77TmI.
. “For those who say I am lying about the ‘mom’.…” Twitter, July 21,
2020. https://archive.vn/TsK7L.
. “In downtown Portland, rioters.…” Twitter, May 30, 2020.
https://archive.vn/ljkfE.
. “Masked militants ransacking the Justice Center.…” Twitter, May 29,
2020. https://archive.vn/jyuLI.
. “Nicholas James Armstrong/Nikki Jameson was seen.…” Twitter, June
9, 2020. http://archive.vn/gDBK8.
. “Popular Antifa COVID-19 Portland Fundraiser Accused of Being a
Scam.” Post Millennial, June 14, 2020.
https://thepostmillennial.com/popular-antifa-covid-19-portland-fundraiser-
accused-of-being-a-scam.
. “Portland: Hundreds are led in a chant by a man.…” Twitter, May 29,
2020. https://archive.vn/gDlcr.
. “Seattle Antifa Militia Distributes Extremist Manifesto of ICE
Attacker.” Post Millennial, March 9, 2020.
https://thepostmillennial.com/seattle-antifa-militia-distributes-extremist-
manifesto-of-ice-attacker/.
. “Trump-Loving Grandma Outs Portland ‘bomber’ to Feds—and It’s Her
Own Grandson.” New York Post, August 1, 2020.
https://nypost.com/2020/08/01/trump-loving-grandma-outs-her-own-
grandson-as-portland-bomber/.
. “Unreported conflict of interest.…” Twitter, June 29, 2020.
https://archive.vn/0mAZ3.
Ngo, Andy, and Mia Cathell. “Portland District Attorney Brings Charges
Following Week of BLM-Antifa Arson Attacks.” Post Millennial, September
27, 2020. https://thepostmillennial.com/portland-district-attorney-brings-
charges-following-week-of-blm-antifa-arson-attacks.
Ngo, Andy, Serina Hersey, and Jon Raby. “Portland Black Lives Matter
Protest (7/7/16).” Portland State Vanguard and YouTube, July 10, 2016.
https://www.youtube.com/watch?v=XURLNqphQuY.
North Carolina Piece Corps. “The divorce of thought from deed: a
compilation of writings on social conflict, white supremacy, and the
mythology of free speech at UNC.” Anarchist Zine Library. Accessed
September 29, 2020. https://archive.vn/EYbOZ.
North, John. “W. Asheville Crime Wave Alleged.” Asheville Daily
Planet, December 2, 2019. Accessed August 28, 2020.
http://www.ashevilledailyplanet.com/news/4617-w-asheville-crime-wave-
alleged-.
O’Connell, Kit. “Beyond the Concrete Milkshake: Defeating Media Trolls
& Grifters (Zine).” Kit O’Connell, June 22, 2020.
https://kitoconnell.com/2020/06/22/beyond-the-concrete-milkshake-media-
trolls-zine/.
Ocasio-Cortez, Alexandria (@AOC). “Quick IG Q&A after Tuesday’s
Dem Convention Program.” Instagram post, August 18, 2020.
https://www.instagram.com/tv/CEDqrtFn1-v/?hl=en.
. “Abolish ICE.” Twitter, November 27, 2019. https://archive.vn/BuIZO.
. “One way to support the local LGBTQ.…” Twitter, August 31, 2019.
https://archive.vn/xHKSP.
OHSU4BLM (@OHSU4BLM). “Dear Community, We are so proud.…”
Twitter, August 4, 2020. http://archive.vn/fUdBe.
Oloffson, Kristi. “Food Vendors Find Few Customers during Protest.”
Wall Street Journal, October 12, 2011.
https://blogs.wsj.com/metropolis/2011/10/12/food-vendors-find-few-
customers-during-protest/.
“On Willem van Spronsen’s Action against the Northwest Detention
Center in Tacoma.” CrimethInc, July 14, 2019. Accessed September 3, 2020.
https://crimethinc.com/2019/07/14/on-willem-van-spronsens-action-against-
the-northwest-detention-center-in-tacoma-including-the-full-text-of-his-final-
statement.
Oppmann, Patrick. “Admitted Hijacker Dreams of Home after 43 Years in
Cuba.” CNN, April 9, 2015. https://www.cnn.com/2015/04/09/americas/us-
cuba-fugitive-charlie-hill/index.html.
Oregon Secretary of State. “General Election November 3, 2020.” Oregon
Secretary of State, November 16, 2020. https://archive.vn/QuPUv.
“Outnumbered Sacramento Spartans Rout Leftist Scum; A Call For
Nationalist Solidarity.” Traditionalist Youth Network, June 29, 2016.
https://web.archive.org/web/20160702072724/http://www.tradyouth.org/2016/06/outnumb
sacramento-spartans-rout-leftist-scum/.
Pacific Northwest Youth Liberation Front (@PNWYLF). “BOOSTING
Portland: Vigil for.…” Twitter, May 27, 2020. http://archive.vn/MnDKW.
. “For real tho, the cops.…” Twitter, July 21, 2020.
https://archive.is/aJNbU.
. “From Portland to Minneapolis, for Youth Liberation!.…” Twitter, May
27, 2020. https://archive.vn/OU7mw.
. “Livestreamers are doing the.…” Twitter, July 26, 2020.
https://archive.is/8bw8z.
Parke, Caleb. “Reporter Describes ‘Traumatic’ Scene at Portland Assault:
I Witnessed an ‘Attempted Execution.’” Fox News, August 19, 2020.
https://www.foxnews.com/us/portland-assault-witness-video-search-police-
drew-hernandez.
Parks, Bradley W. “Portland Mayor Ted Wheeler Calls for Shutdown of
‘Trump Free Speech,’ Anti-Muslim Rallies.” Oregon Public Broadcasting,
May 29, 2017. https://www.opb.org/news/article/portland-free-speech-march-
sharia-wheeler-permit/.
PDX Community Jail Support (@PDXJail_Support). Twitter profile.
https://archive.vn/hFhR8.
PDX Hydration Station & Umbrellacrosse Sticks (@PDXCarMedic). “As
#Beans and @riotribs have.…” Twitter, July 27, 2020.
https://archive.vn/2DbLd.
“PDX Protest Bail Fund.” GoFundMe, May 30, 2020.
https://archive.vn/ke6UJ.
PDX Shieldsmiths (@ShieldPDX). Twitter profile.
https://archive.vn/kcQI5.
Pearson, Alex. Interview by Andy Ngo, June 15, 2017.
Peel, Sophie. “Portland Protesters Say Their Lives Were Upended by the
Posting of Their Mug Shots on a Conservative Twitter Account.” Willamette
Week, September 16, 2020.
https://www.wweek.com/news/2020/09/16/portland-protesters-say-their-
lives-were-upended-by-the-posting-of-their-mug-shots-on-a-conservative-
twitter-account/.
Peninsula Daily News. “Family Reportedly Harassed in Forks after Being
Accused of Being Members of Antifa.” Peninsula Daily News, June 4, 2020.
https://www.peninsuladailynews.com/crime/family-harassed-in-forks-after-
being-accused-of-being-members-of-antifa/.
Perlow, Patricia W. “Cascade Middle School OIS Investigation.” Letter to
Lane County Media, January 11, 2019.” January 24, 2019.
https://lanecounty.org/UserFiles/Servers/Server_3585797/File/OIS%20press.website.pdf.
Peterson, Jordan. “The Fatal Flaw Lurking in American Leftist Politics.”
Big Think, April 11, 2018. https://bigthink.com/videos/jordan-peterson-the-
fatal-flaw-lurking-in-american-leftist-politics.
Planned Parenthood Advocates of Oregon. “Congratulations to Jacinda
Padilla,.…” Facebook post. February 12, 2020. https://archive.vn/uSv4F.
Popular Mobilization (@PopMobPDX). “Charlie Landeros, beloved
comrade.…”
http://web.archive.org/web/20190113165808/https://twitter.com/PopMobPDX/status/1084
Porter, Laural. “On Straight Talk, Portland mayoral candidate Sarah
Iannarone declines to denounce violent protests, says protesters’ outrage with
police is valid.” KGW, August 7, 2020.
https://www.kgw.com/article/entertainment/television/programs/straight-
talk/straight-talk-sarah-iannarone/283-72b3ce7d-88f1-42c2-86c5-
10189d2c2d17.
Portland City Council. “City Council 2017-03-22 PM.” YouTube, March
22, 2017. https://youtu.be/XRcgE6v8PEM.
Portland General Defense Committee. “GoFundMe Transparency.”
Accessed October 8, 2020. https://archive.vn/8dQOO.
Portland Police Association. “A letter to the editor.…” Facebook post,
November 8, 2018.
https://www.facebook.com/PortlandPoliceAssociation/photos/a.386709091352814/223313
Portland Police Bureau. “12 Adults Arrested, 1 Juvenile Detained-New
Criminal Tactic Used on Police Vehicles, Spike Devices Seized.” Press
release, August 7, 2020. https://archive.vn/W1SFN.
. “24 Arrested, Officer Injured by Large Rock during Unlawful
Assembly.” Press release, August 8, 2020. https://archive.vn/SNR7L.
. “59 Arrested during Riot.” Press release, September 6, 2020.
https://archive.vn/OTNZL.
. “Ammunition and Destructive Devices Recovered at Lownsdale Square
Park.” July 27, 2020. https://archive.vn/DVaH5.
. “Arrests Made for July 4th Demonstrations.” Press release, July 5, 2020.
https://archive.vn/k9OIK.
. “Arson Fire in Building, Riot Declared.” Press release, August 9, 2020.
https://archive.vn/WIH98.
. “Case No. 18-207957.” Portland report, June 2018.
. “Demonstration Education Event.” YouTube, August 15, 2019.
https://www.youtube.com/watch?v=VJYvDIe2Isk.
. “Demonstration Events Conclude in Downtown Portland—Three
Arrested.” Press release, June 29, 2019. https://archive.vn/9qXRe.
. “Destructive Crowd Topples Historic Statues in South Park Blocks,
Breaks Windows, Arrests Made.” Press release, October 12, 2020.
https://archive.vn/owAk3.
. “During June 1st Demonstration 10 Adults Arrested and 6 Adults
Cited.” Press release, June 2, 2020. Accessed October 2, 2020.
https://archive.vn/KLaWR.
. “Justice Center—Police Raw Video.” YouTube, July 6, 2020.
https://www.youtube.com/watch?v=5FOgwZOgjrs.
. “Mass Gathering Vandalizes Building in Laurelhurst Neighborhood.”
Press release, November 9, 2020. https://archive.vn/DA1XL.
. “Multiple Suspects Charged with Assaulting Officers, Other Charges.”
Press release, August 16, 2020. https://archive.vn/VZIFM.
. “Patrick Kimmons.” Press release, September 30, 2018.
https://www.portlandoregon.gov/police/article/701715.
. “Protest Blocks Streets, Officers Assaulted, Pelted with Rocks, Glass
Bottles, Other Objects.” Press release, August 15, 2020.
https://archive.vn/dbA8q.
. “Protesters Break Windows, Burglarize Business, Start Fire in
Apartment Building; Riot Declared.” Press release, September 1, 2020.
https://archive.vn/7WiTG.
. “Saturday Demonstrations Have Concluded in Downtown Portland.”
Press release, July 2, 2018. http://archive.is/EYgzO.
. “Several Weapons Seized Related to Downtown Demonstrations.” Press
release, June 7, 2020. Accessed October 2, 2020. https://archive.vn/8jbkP.
. “Update: Information About Additional Arrests from May 30 Riot.”
Press release, May 31, 2020. https://archive.vn/32Rtr.
. “Update: List of Arrests Made during North Precinct Riot.” Press
release, August 22, 2020. https://archive.vn/TGQJU.
Portland Police Bureau (@PortlandPolice). “To the group near N.
Mississippi Avenue.…” Twitter, August 14, 2020. http://archive.vn/KLw6S.
Portland Police Bureau and Portland Fire and Rescue. “Arson Fires
5/29/2020 to 6/8/2020.” Press release, June 13, 2020.
https://archive.vn/8vvQL.
“Portland State Ronald E. McNair Scholars Program.” Portland State
University, 2004. Accessed September 29, 2020.
https://web.archive.org/web/20181010081713/https://www.pdx.edu/mcnair-
program/adam-carpinelli.
Project Veritas. “#EXPOSEANTIFA.” YouTube, June 5, 2020.
https://www.youtube.com/watch?v=fIp1pcbRsCI.
. “Militia Wing of ANTIFA Believes in Complete Abolition of the
System Itself, Including Police.” Project Veritas, June 9, 2020. Accessed
August 11, 2020. https://www.projectveritas.com/news/militia-wing-of-
antifa-we-believe-in-complete-abolition-of-the-system-itself/.
PubliCola. “FBI Says There Was Specific Threat against East Precinct;
Durkan Letter Dodges Protesters’ Three Demands.” PubliCola, July 7, 2020.
https://publicola.com/2020/07/06/fbi-says-there-was-specific-threat-against-
east-precinct-durkan-letter-dodges-protesters-three-demands/.
Puget Sound Anarchists. “Mural Honoring Will van Spronsen in
Exarchia.” September 1, 2019. https://pugetsoundanarchists.org/mural-
honoring-will-van-spronsen-in-exarchia/.
Queally, James. “Violence in Sacramento Shows Old and New Faces of
White Extremism.” Los Angeles Times, June 27, 2016.
https://www.latimes.com/local/lanow/la-me-ln-california-white-nationalists-
sacramento-20160627-snap-story.html.
Racine County Eye. “Police: K9 Dozer Helps Subdue Man Who Pulled
Gun at Bar.” Racine County Eye, September 22, 2015.
https://racinecountyeye.com/police-k9-dozer-helps-subdue-man-who-pulled-
gun-at-bar/.
Raguso, Emilie. “UCPD Chief at Berkeley: ‘Crowd Control Situations
Are Different.” Berkeleyside, February 4, 2017.
https://www.berkeleyside.com/2017/02/04/ucpd-chief-berkeley-crowd-
control-situations-different.
Raice, Shayndi. “Jacob Blake Shooting: What Happened in Kenosha,
Wisconsin?” Wall Street Journal, August 25, 2020.
https://www.wsj.com/articles/jacob-blake-shooting-what-happened-in-
kenosha-wisconsin-11598368824.
Raiford, Teressa (@TeressaLRaiford). “We should abolish period.”
Twitter, June 10, 2020. https://archive.vn/w6xOg.
Rantz, Jason. “Rantz: Alleged Seattle Arsonist near CHOP Arrested, AK-
47 Found Nearby.” MyNorthwest, June 18, 2020.
https://mynorthwest.com/1959063/rantz-seattle-chop-arsonist-arrested-
weapons-found/.
. “Rantz: Rioters Tried to Burn Seattle Police Alive, Sealed Door during
Fire at East Precinct.” MyNorthwest, August 25, 2020.
https://mynorthwest.com/2114190/rantz-rioters-burn-seattle-police-alive-
sealed-door/.
Ranzt, Jason (@jasonrantz). “This is dangerous.…” Twitter, June 1, 2020.
https://archive.vn/nS1FV.
Ray Lambert, Hannah. “Policing Portland’s protests: 1,000 arrests,
handful of prosecutions.” KOIN,
https://www.koin.com/news/protests/policing-portlands-protests-1000-
arrests-handful-of-prosecutions/
Real News Network. “A Short History of Black Lives Matter.” YouTube,
July 22, 2015. https://www.youtube.com/watch?v=kCghDx5qN4s.
. “Effie Baum.” Accessed May 10, 2020.
https://web.archive.org/web/20200722075813/https://therealnews.com/bios/effie-
baum.
Redden, Jim. “‘Police Overtime Costs City about $2 Million for
Protests.’” Portland Tribune, February 22, 2012.
https://pamplinmedia.com/pt/9-news/20178-police-overtime-costs-city-about-
$2-million-for-protests.
Reed, Dreasjon (@shelov3sean). “Just say the word I’m on they block.
…” Twitter, April 2, 2020. http://archive.is/kZpwz.
Reid, Joy (@JoyAnnReid). “Y’all Do Realize ‘antifa’ is just short for.…”
Twitter, May 30, 2020. https://archive.vn/QAHWI.
Reinoehl, Michael (@michael_reinoehl). “Every revolution needs people
that.…” Instagram post, June 16, 2020. https://archive.is/qdc90.
Remnick, David. “An American Uprising.” The New Yorker, May 31,
2020. https://www.newyorker.com/news/daily-comment/an-american-
uprising-george-floyd-minneapolis-protests.
Revolutionary Abolitionist Movement NYC (@RevAbolitionNY).
Twitter profile. Accessed August 8, 2020. http://archive.vn/t7rOF.
Riot Ribs (@riotribs). “FOR IMMEDIATE RELEASE.…” Twitter, July
28, 2020. https://archive.vn/HBF8W.
. Twitter profile. Accessed July 28, 2020. https://archive.vn/Q0Jmo.
Riski, Tess. “New Multnomah County District Attorney Mike Schmidt
Must Decide Who Faces Criminal Charges Amid Portland’s Protests.”
Willamette Week, July 15, 2020. Accessed October 5, 2020.
https://www.wweek.com/news/courts/2020/07/15/new-multnomah-county-
district-attorney-mike-schmidt-must-decide-who-faces-criminal-charges-
amid-portlands-protests/.
Robinson, Nathan J. “The Southern Poverty Law Center Is Everything
That’s Wrong with Liberalism.” Current Affairs, March 26, 2019,
https://www.currentaffairs.org/2019/03/the-southern-poverty-law-center-is-
everything-thats-wrong-with-liberalism.
Rogers, Laura, and Karen Moore. “Crowd Gathers in Indianapolis to
Protest Death of Sean Reed in Police Shooting.” Fort Worth Star-Telegram,
May 7, 2020. https://www.star-telegram.com/news/article242584271.html.
Rose City Antifa. Letter to “Lion”/Project Veritas. September 22, 2017.
. “No Pasaran! No Nazis on Our Streets!” Facebook post, May 25, 2017.
http://archive.vn/lZf8t.
. “Statement about June 29, 2019.” Rose City Antifa, July 3, 2019.
Accessed July 10, 2020.
https://web.archive.org/web/20191013081127/https://rosecityantifa.org/articles/june-
29-statement/.
Rosenberg, Rebecca. “Antifa Protester Gets 18 Months for Beating Up
Trump Supporter.” New York Post, October 23, 2019.
https://nypost.com/2019/10/23/antifa-protester-gets-18-months-for-beating-
up-trump-supporter/.
Rosenfeld, Richard. “Documenting and Explaining the 2015 Homicide
Rise: Research Directions.” National Institute of Justice, 2016.
https://pdfs.semanticscholar.org/ecf0/8cbbfd1cd07aaeb99df0a741ef9cdcd105f8.pdf.
Ross, Alexander Reid (@areidross). “Andy Ngo contacted me about a
book talk.…” Twitter, September 24, 2020. https://archive.vn/3D9e5.
Ross, Alexander Reid. “Curriculum Vitae.” http://archive.vn/AuyVN.
Ross, Chuck. “Look Who Funds the Group Behind the Call to Arms at
Milo’s Berkeley Event.” Daily Caller, February 3, 2017.
https://dailycaller.com/2017/02/03/look-who-funds-the-group-behind-the-
call-to-arms-at-milos-berkeley-event/.
Rothman, Stanley. The End of the Experiment: The Rise of Cultural Elites
and the Decline of America’s Civic Culture. New York: Routledge, 2017.
Rothstein, Adam. “Adam Rothstein’s Info and CV.” Poszu. Accessed
June 4, 2020. http://archive.vn/m8pKz.
Rubin, Bret. “The Rise and Fall of British Fascism: Sir Oswald Mosley
and the British Union of Fascists.” Intersections 11, no. 2 (2010): 323–80.
Ruptly. “USA: Scuffles Erupt between Patriot Prayer and Antifa.”
YouTube. Accessed May 1, 2020. https://www.youtube.com/watch?
v=b3WRrM81FbI.
Ryan, Jim. “Portland’s Anti-Trump Protest Turns Violent, as Rioters
Rampage in Pearl.” Oregonian, November 11, 2016.
https://www.oregonlive.com/portland/2016/11/anti-
trump_protests_held_for_f.html.
Sagan, Ginetta, and Stephen Denney. “Re-Education in Unliberated
Vietnam: Loneliness, Suffering and Death.” The Indochina Newsletter, 1982.
Salo, Jackie. “New York Times Reporter Says Destroying Property Is
‘Not Violence.’” New York Post, June 3, 2020.
https://nypost.com/2020/06/03/ny-times-reporter-says-destroying-property-is-
not-violence/.
Sandberg, Diane. “Family of George Floyd Seeks Independent Autopsy.”
KARE, 2020. https://www.kare11.com/article/news/local/george-
floyd/george-floyd-family-seeks-independent-autopsy-minnneapolis/89-
8661d16f-2a8e-44bf-a9fa-d72e9e274dcf.
Sarlin, Benjy. “Antifa Violence Is Ethical? This Author Explains Why.”
NBC News, August 26, 2017. https://www.nbcnews.com/politics/white-
house/antifa-violence-ethical-author-explains-why-n796106.
Satterberg, Daniel T. “The State of Washington v. Jacob Bennet
Greenburg, Danielle E. McMillan.” October 16, 2020.
Sawant, Kshama (@cmkshama). “The outrage on Seattle’s streets today.
…” Twitter, May 30, 2020. https://archive.vn/FtM35.
Schaffer, Elijah. Interview by Andy Ngo. October 2020.
Schmeidel, John. “My Enemy’s Enemy: Twenty Years of Co‐operation
between West Germany’s Red Army Faction and the GDR Ministry for State
Security.” Intelligence & National Security 8, no. 4 (October 1, 1993): 59–
72.
Schoffstall, Joe. “Southern Poverty Surpasses Half Billion in Assets.”
Washington Free Beacon, March 12, 2019.
https://freebeacon.com/issues/southern-poverty-surpasses-half-billion-in-
assets-121-million-now-offshore/.
Schultz, Marisa. “Dem Senator Walks Out of Ted Cruz’s Antifa Hearing:
‘I Don’t Think You Listen.’” Fox News, August 4, 2020.
https://www.foxnews.com/politics/dem-senator-mazie-hirono-walks-out-ted-
cruz-antifa-hearing.
Schwartz, Joseph, and Jason Schulman. “Toward Freedom: Democratic
Socialist Theory and Practice.” Democratic Socialists of America, December
21, 2012 https://www.dsausa.org/strategy/toward_freedom/.
Seattle Antifascists (@RainCityAntifa). “We need more people with
guns.…” Twitter, June 9, 2020. http://archive.is/zaGqc.
Seattle Police Department. “East Precinct Protest Update.” SPD Blotter,
June 7, 2020. https://spdblotter.seattle.gov/2020/06/07/east-precinct-protest-
update/.
. “Group Causes Significant Property Damage and Commits Arson in
Capitol Hill Neighborhood.” SPD Blotter, July 23, 2020.
https://spdblotter.seattle.gov/2020/07/23/group-causes-significant-property-
damage-and-commits-arson-in-capitol-hill-neighborhood/.
. “Homicide Investigation Inside Protest Area.” SPD Blotter, June 20,
2020, https://spdblotter.seattle.gov/2020/06/20/homicide-investigation-
inside-protest-area/.
. “Officer Injuries, Precinct Damage, Arrest Updates.” SPD Blotter, July
26, 2020, https://spdblotter.seattle.gov/2020/07/26/officer-injuries-precinct-
damage-arrest-updates/.
. “Officer Involved Shootings (OIS) Dashboard.” Accessed October 20,
2020. https://www.seattle.gov/police/information-and-data/use-of-force-
data/officer-involved-shootings-dashboard.
. “Updated: Officers Injured, 18 Arrested during Riot in SODO.” SPD
Blotter, August 17, 2020. https://spdblotter.seattle.gov/2020/08/17/officers-
injured-18-arrested-during-riot-in-sodo/.
Shakur, Assata. Assata: An Autobiography. Westport, CT: Lawrence Hill,
1974.
Shankbone, David. “Satanism: An Interview with Church of Satan High
Priest Peter Gilmore.” 2007.
https://en.wikinews.org/wiki/Satanism:_An_interview_with_Church_of_Satan_High_Prie
Shaw, Adam. “ICE Offices, Workers Hit by Wave of Violence and
Threats: ‘We Know Where All Your Children Live.’” Fox News, August 14,
2019. https://www.foxnews.com/politics/ice-offices-workers-wave-of-
violence-threats.
Shepherd, Katie (@katemshepherd). “At IRE One of the tips from the.…”
Twitter, June 30, 2019.
https://web.archive.org/web/20190701063401/https://twitter.com/katemshepherd/status/11
Shepherd, Katie. “Is It Possible to Mix Cement into a Vegan Milkshake?
We Did It.” Willamette Week, July 10, 2019. Accessed May 8, 2020.
https://www.wweek.com/news/courts/2019/07/10/is-it-possible-to-mix-
cement-into-a-vegan-milkshake-we-did-it/.
. “Portland Police Chief Says Antifa Protesters Used Slingshot to Launch
Urine and Feces-Filled Balloons at Riot Cops.” Willamette Week, June 23,
2017. Accessed May 8, 2020.
https://www.wweek.com/news/city/2017/06/23/portland-police-chief-says-
antifa-protesters-used-slingshot-to-launch-urine-and-feces-filled-balloons-at-
riot-cops/.
. “Portland Police Made a Dubious Claim about Protesters’ Milkshakes on
Twitter. What’s the Evidence?” Willamette Week, July 2, 2019. Accessed
May 8, 2020. https://www.wweek.com/news/city/2019/07/02/portland-
police-made-a-dubious-claim-about-protesters-milkshakes-on-twitter-whats-
the-evidence/.
. “Portland Police Refused to Respond When ICE Agents Called 911
during Protest, Letter Says.” Willamette Week, July 30, 2018. Accessed April
7, 2020. https://www.wweek.com/news/courts/2018/07/30/ice-agents-say-
portland-mayor-violated-the-u-s-constitution-by-barring-police-from-
responding-to-the-feds-calls-for-help/.
SHUTTERSHOT45. “Trump Supporter Smashed in the Head with U-
Lock by Masked Antifa Thug in Berkeley.” YouTube, April 16, 2017.
https://www.youtube.com/watch?v=9qKCl9NL1Cg.
Silverstein, Jason. “Kamala Harris Meets with Jacob Blake’s Family in
Wisconsin.” CBS News, September 8, 2020.
https://www.cbsnews.com/news/kamala-harris-meets-jacob-blake-family-
wisconsin/.
Simmons, Ann M., and Jaweed Kaleem. “A Founder of Black Lives
Matter Answers a Question on Many Minds: Where Did It Go?” Los Angeles
Times, August 25, 2017. https://www.latimes.com/nation/la-na-patrisse-
cullors-black-lives-matter-2017-htmlstory.html.
Simone, Solomon (@RazSimone). “The President really put a hit on my
head.…” Twitter, June 11, 2020. http://archive.vn/Fo4VN.
Skovlund, Joshua. “How a Marine Corps Veteran Disarmed a Rioter
during Seattle Protest.” Coffee or Die, June 3, 2020.
https://coffeeordie.com/marine-seattle-protest/.
Slingshot Collective. “USA.” Accessed August 29, 2020.
https://slingshotcollective.org/usa/.
Smale, Alison. “60 Years Later, Germany Recalls Its Anti-Soviet Revolt.”
New York Times, June 18, 2013.
https://www.nytimes.com/2013/06/18/world/europe/germany-puts-spotlight-
on-its-own-anti-soviet-revolt.html.
Smith, Mitch, Rick Rojas, and Campbell Robertson. “Dayton Gunman
Had Been Exploring ‘Violent Ideologies,’ F.B.I. Says.” New York Times,
August 6, 2019. https://www.nytimes.com/2019/08/06/us/mass-
shootings.html.
Soave, Robby. “Black Lives Matter Students Shut Down the ACLU’s
Campus Free Speech Event Because ‘Liberalism Is White Supremacy.’”
Reason, October 4, 2017. https://reason.com/2017/10/04/black-lives-matter-
students-shut-down-th/.
. “The Media Claimed Andy Ngo Was Complicit in a Far-Right Attack on
Antifa. But the Video Doesn’t Support That.” Reason, September 3, 2019.
https://reason.com/2019/09/03/andy-ngo-video-antifa-patriot-prayer-attack-
media/.
Solan, Mike. Interview by Andy Ngo. August 23, 2020.
Southern Poverty Law Center. “Active Hate Groups 2016.” Accessed
May, 2017. https://www.splcenter.org/fighting-hate/intelligence-
report/2017/active-hate-groups-2016.
. “Charles Murray.” Accessed April 26, 2020.
https://www.splcenter.org/fighting-hate/extremist-files/individual/charles-
murray.
. “District of Columbia.” Accessed April 1, 2020.
https://www.splcenter.org/states/district-columbia.
. “Texas.” Accessed March 31, 2020.
https://www.splcenter.org/states/texas.
Specia, Megan. “What We Know about the Death of the Suspect in the
Portland Shooting.” New York Times, September 4, 2020.
https://www.nytimes.com/2020/09/04/us/michael-forest-reinoehl-
portland.html.
Spiegel. “Polizei richtet Sonderkommission ein.” Spiegel, July 10, 2017.
https://www.spiegel.de/panorama/justiz/hamburg-polizei-richtet-nach-g20-
krawalle-soko-ein-a-1156977.html.
Spronsen, Ariel van. “Legal Defense Fund for Will van Spronsen.”
Indiegogo.com, June 5, 2013. https://www.indiegogo.com/projects/legal-
defense-fund-for-will-van-spronsen#/.
Sprout Anarchist Collective. “What is security culture? A guide to staying
safe…” Accessed September 29, 2020. https://archive.vn/RJj5t.
Sprout Distro. “Accomplices Not Allies: Abolishing the Ally Industrial
Complex.” Accessed October 20, 2020.
https://www.sproutdistro.com/catalog/zines/anti-oppression/accomplices-
allies-abolishing-ally-industrial-complex.
. “An Activist’s Guide to Information Security,” accessed September 29,
2020, https://www.sproutdistro.com/catalog/zines/security/activists-guide-
information-security.
. “Blockade, Occupy, Strike Back.” Accessed October 19, 2020.
https://www.sproutdistro.com/catalog/zines/direct-action/blockade-occupy-
strike-back.
Steven. “1985–2001: A Short History of Anti-Fascist Action (AFA).”
Libcom.org. April 20, 2020 http://libcom.org/history/1985-2001-anti-fascist-
action-afa.
Svriuga, Susan. “Evergreen State College Reopens after Violent Threat
and Property Damage on Campus.” Washington Post, June 5, 2017.
https://www.washingtonpost.com/news/grade-
point/wp/2017/06/05/evergreen-state-college-reopens-after-violent-threat-
and-property-damage-on-campus/.
Swain, Carol. Interview by Andy Ngo, May 1, 2020.
Sylvester, Terray. “Suspect in Fatal Portland Attack Yells about ‘Free
Speech’ at Hearing.” Reuters, May 31, 2017.
https://www.reuters.com/article/us-usa-muslims-portland-idUSKBN18Q11F.
Talcott, Shelby. “‘I’ve Been Scared Every Day’: Seattle Resident Speaks
Out about Life on the Border of CHAZ.” Daily Caller, June 14, 2020.
https://dailycaller.com/2020/06/13/exclusive-seattle-resident-life-border-
capitol-hill-autonomous-zone-chaz/.
Tamburin, Adam. “Controversial Professor Carol Swain to Retire from
Vanderbilt.” Tennessean, January 23, 2017.
https://www.tennessean.com/story/news/education/2017/01/23/carol-swain-
announces-retirement-vanderbilt-university/96959004/.
Taylor, Derrick Bryson. “F.B.I. Investigating Shootings at San Antonio
ICE Facilities.” New York Times, August 14, 2019.
https://www.nytimes.com/2019/08/14/us/ice-san-antonio-shooting.html.
Tennessee Star. “Flashback: Keith Ellison Once Proposed Making a
Separate Country for Blacks.” Tennessee Star, September 16, 2018.
https://tennesseestar.com/2018/09/16/flashback-keith-ellison-once-proposed-
making-a-separate-country-for-blacks/.
The Witches (@TheWitchesPDX). Twitter profile. Accessed September
14, 2020. https://archive.vn/6XH9W.
thegiver@riseup.net. Letter to Dianne Gill, April 22, 2017.
https://www.scribd.com/document/346378772/Threat-against-Multnomah-
County-Republican-Party-during-Avenue-of-Roses-Parade.
Theiss, Eliza. “More Optimistic Than Millennials, Gen Z Is Here to
Revolutionize the Housing Market.” PropertyShark, September 4, 2018.
https://www.propertyshark.com/Real-Estate-Reports/2018/09/04/more-
optimistic-than-millennials-gen-z-is-here-to-revolutionize-the-housing-
market/.
Thurlow, Richard C. Fascism in Britain: A History, 1918–1985. Olympic
Marketing Corp, 1987.
Thuy, Vu Thanh. “Boat People’ Defeat Sea, but All at Visa Wall.” San
Diego Union, July 20, 1986.
Tobin, Michael. “FBI Releases Files Related to Deceased Activist Charlie
Landeros.” Daily Emerald, July 23, 2019.
https://www.dailyemerald.com/news/fbi-releases-files-related-to-deceased-
activist-charlie-landeros/article_7f53b6ba-ad8c-11e9-aee7-
eb7c58383b02.html.
Tometi, Opal (@opalayo). “For the record.…” Twitter, August 28, 2015.
https://archive.vn/m2JVY.
. “I shared 3 core challenges.…” Twitter, July 12, 2016.
https://archive.vn/IUCMQ.
Torch Network. “About.” Accessed June 2, 2020
https://archive.vn/pEQmD.
. “Points of Unity.” Torch Network. Accessed August 2, 2019.
https://archive.vn/dgdbM.
Torres, Libby. “Drake, Chrissy Teigen, and Steve Carell Are Just Some of
the Stars Who’ve Donated to Bail-Relief Funds across the US.” Insider, May
29, 2020. https://www.insider.com/minnesota-protests-celebrity-donations-
george-floyd-reactions-2020-5.
Treloar, M. “Portland History in Review: A Hundred Little Hitlers.” Rose
City Antifa, 2009. https://archive.vn/RMQ1F.
Trump, Donald J. (@realDonaldTrump). “Major consideration is being
given.…” Twitter, August 17, 2019. http://archive.vn/I3TGi.
Trump, Donald J. “Executive Order on Combating Race and Sex
Stereotyping.” White House, September 22, 2020. Accessed October 6, 2020.
https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/executive-order-combating-
race-sex-stereotyping/.
Turner, Kris. “Local terrorist activity suspected.” State News, August 30,
2005.
https://web.archive.org/web/20060530134437/http://www.statenews.com:80/article.phtml
pk=31230.
U.S. Department of Justice. “Department of Justice Identifies New York
City, Portland and Seattle as Jurisdictions Permitting Violence and
Destruction of Property.” Press release, September 21, 2020.
https://www.justice.gov/opa/pr/department-justice-identifies-new-york-city-
portland-and-seattle-jurisdictions-permitting.
. “Man Charged with Arson for Setting Fire to Seattle’s East Police
Precinct during Capitol Hill Protest.” Press release, July 15, 2020.
https://www.justice.gov/usao-wdwa/pr/man-charged-arson-setting-fire-
seattle-s-east-police-precinct-during-capitol-hill.
. Regarding the Criminal Investigation into the Shooting Death of
Michael Brown by Ferguson, Missouri Police Officer Darren Wilson:
Department of Justice Report. Memorandum, March 4, 2015.
. “Seven Arrested, Facing Federal Charges After Weekend Riots at
Hatfield Federal Courthouse (Photo).” Press release, July 7, 2020.
https://www.justice.gov/usao-or/pr/seven-arrested-facing-federal-charges-
after-weekend-riots-hatfield-federal-courthouse.
. “Texas Man Charged with Assaulting Deputy U.S. Marshal with
Hammer during Weekend Protests in Portland (Photo).” Press release, July
13, 2020. https://www.justice.gov/usao-or/pr/texas-man-charged-assaulting-
deputy-us-marshal-hammer-during-weekend-protests-portland.
“UCB News: Campus Investigates Damage from Feb. 1 Violence.”
Berkeleyside, February 2, 2017.
https://www.berkeleyside.com/2017/02/02/ucb-news-campus-investigates-
damage-feb-1-violence.
University of California, Berkeley. “Milo Yiannopoulos Event Canceled
after Violence Erupts.” Berkeley News, February 2, 2017,
https://news.berkeley.edu/2017/02/01/yiannopoulos-event-canceled/.
Univision. “‘Se Me Partió El Alma Al Ver La Foto’: Padre de La Niña
Que Llora Mientras Arrestan a Su Madre.” Univision, June 18, 2018.
https://www.univision.com/noticias/inmigracion-infantil/se-me-partio-el-
alma-al-ver-la-foto-padre-de-la-nina-que-llora-mientras-arrestan-a-su-madre-
video.
Usher, Barbara Plett. “George Floyd Death: A City Pledged to Abolish Its
Police. Then What?” BBC, October 23, 2020.
https://www.bbc.com/news/world-us-canada-54665665.
Varon, Jeremy Peter. Bringing the War Home: The Weather
Underground, the Red Army Faction, and, Revolutionary Violence in the
Sixties and Seventies. Berkeley: University of California Press, 2004.
Vice News. “Man Linked to Killing at a Portland Protest Says He Acted
in Self-Defense.” VICE, September 3, 2020. Accessed September 13, 2020.
https://www.vice.com/en_us/article/v7g8vb/man-linked-to-killing-at-a-
portland-protest-says-he-acted-in-self-defense.
Victorin, Caroline. “Johan’s Green Card Fund.” GoFundMe, December
14, 2015. Accessed June 4, 2020. https://archive.vn/S8qyC.
Vysotsky, Stanislav. American Antifa: The Tactics, Culture, and Practice
of Militant Antifascism. Fascism and the Far Right. New York: Routledge,
2020.
Wakerell-Cruz, Roberto. “ANDY? NO: Antifa Harass Asian Man for
Looking like Andy Ngo.” Post Millennial, July 14, 2020.
https://thepostmillennial.com/watch-antifa-harass-asian-man-for-looking-
like-andy-ngo.
. “Oregon Man Part of Radical Left-Wing Antifascist Group Sues His
Grandmother over Rent Disagreement.” Post Millennial, April 26, 2020.
https://thepostmillennial.com/oregon-man-part-of-radical-left-wing-group-
sues-his-grandmother-over-rent-disagreement.
Wamsley, Laurel. “White Supremacist Charged with Killing 2 in
Portland, Ore., Knife Attack.” NPR, May 27, 2017.
https://www.npr.org/sections/thetwo-way/2017/05/27/530351468/2-dead-1-
injured-after-stabbing-in-portland-ore.
“War of the Skinheads.” Chicago Tribune, May 11, 1989.
https://www.chicagotribune.com/news/ct-xpm-1989-05-11-8904110718-
story.html.
Warzel, Charlie. “50 Nights of Unrest in Portland.” New York Times.
July 18, 2020. https://www.nytimes.com/2020/07/17/opinion/portland-
protests-federal-agents.html.
Warzone Distro. “Against the Police and the Prison World They
Maintain.” Warzone Distro, September 8, 2017. Accessed October 20, 2020.
https://warzonedistro.noblogs.org/post/2017/09/08/against-the-police-and-
the-prison-world-they-maintain/.
Waters, Tony, and Dagmar Waters. “Politics as Vocation.” In Weber’s
Rationalism and Modern Society: New Translations on Politics, Bureaucracy,
and Social Stratification, edited by Tony Waters and Dagmar Waters, 129–
98. New York, NY: Palgrave Macmillan, 2015.
Watt, Cecilia Saixue. “Redneck Revolt: The Armed Leftwing Group That
Wants to Stamp out Fascism.” Guardian, July 11, 2017.
http://www.theguardian.com/us-news/2017/jul/11/redneck-revolt-guns-anti-
racism-fascism-far-left.
Weill, Kelly. “Local Businesses Love the ‘Domestic Terror’ Zone in
Seattle, Actually.” Daily Beast, June 12, 2020.
https://www.thedailybeast.com/local-businesses-love-the-domestic-terror-
autonomous-zone-in-seattle-actually.
West, Robert. “Protester Admits He Was Called up by Rose City
ANTIFA to Disrupt Meeting.” YouTube, March 6, 2019.
https://www.youtube.com/watch?v=PFceZ5DJG88.
Wheeler, Ted (@tedwheeler). “A number of people have asked.…”
Twitter, July 16, 2020. https://archive.vn/Dke8q.
. “Earlier today I directed that staff.…” Twitter, July 18, 2020.
https://archive.vn/82ke8.
. “We talked about agitation.…” Twitter, May 31, 2020.
https://archive.vn/PtOd8.
Willey, Jessica. “Family of man wrongfully accused by activist Shaun
King in Jazmine Barnes’ shooting speaks out.” ABC 7 Chicago, January 8,
2019. https://abc7chicago.com/family-of-wrongfully-accused-man-receiving-
violent-threats/5034081/.
Williams, Jamal Oscar. Facebook post, May 1, 2018.
https://archive.vn/Ujo5y.
Wilson, Jason. “Landlord of Portland ICE Offices Admits He Was at the
Wheel of a Mercedes That Struck a Protester.” Willamette Week, June 21,
2018. Accessed April 9, 2020.
https://www.wweek.com/news/courts/2018/06/21/landlord-of-portland-ice-
offices-admits-he-was-at-the-wheel-of-a-mercedes-that-struck-a-protester/.
. “Revealed: Pro-Trump Activists Plotted Violence ahead of Portland
Rallies.” Guardian, September 23, 2020.
http://www.theguardian.com/world/2020/sep/23/oregon-portland-pro-trump-
protests-violence-texts.
Wilson, Patrick. “Woody Kaine, Son of Sen. Tim Kaine, Gets Probation,
Fine Stemming from Protest at Minn. Trump Rally.” Richmond Times-
Dispatch, December 28, 2017. https://richmond.com/news/local/government-
politics/woody-kaine-son-of-sen-tim-kaine-gets-probation-fine-stemming-
from-protest-at-minn/article_ddf24b77-1bdc-542a-840b-8c9721e080ba.html.
Wolff, Robert Paul, Barrington Moore, and Herbert Marcuse. A Critique
of Pure Tolerance, 1966. https://philarchive.org/rec/RACO-5.
Wyden, Ron (@RonWyden). “The consequences of Donald Trump
unilaterally.…” Twitter, July 12, 2020. https://archive.is/mIcpp.
Yahoo Finance. “Seattle Police Chief Carmen Best Plans to Announce
Her Resignation.“ YouTube, August 11, 2020.
https://www.youtube.com/watch?v=ORz9vfklmNA.
Yoder, Traci. “Legal Support for Anti-Fascist Action.” National Lawyers
Guild, July 10, 2017. https://www.nlg.org/legal-support-for-anti-fascist-
action/.
Zapotosky, Matt, Adam Goldman, and Scott Higham. “Police in Dallas:
‘He Wanted to Kill White People, Especially White Officers.’” Washington
Post, July 8, 2016. https://www.washingtonpost.com/world/national-
security/police-in-dallas-he-wanted-to-kill-white-people-especially-white-
officers/2016/07/08/fe66fe52-4553-11e6-88d0-6adee48be8bc_story.html.
Zhang, Jenny G. “Milkshakes, Eggs, and Other Throwable Protest Foods,
Ranked.” Eater, June 10, 2019.
https://www.eater.com/2019/6/10/18652472/milkshakes-eggs-throwable-
protest-foods-ranked.
Zhao, Christina. “NY Rep. Alexandria Ocasio-Cortez Says ‘Capitalism Is
Irredeemable.’” Newsweek, March 10, 2019.
https://www.newsweek.com/alexandria-ocasio-cortez-says-capitalism-
irredeemable-1357720.
Zielinski, Alex. “Wheeler Condemns Protest Shooting, Offers Few
Solutions to Continuous Violence.” Portland Mercury, August 30, 2020.
Accessed September 23, 2020.
http://web.archive.org/web/20200901005436/https://webcache.googleusercontent.com/sea
q=cache%3Ahttps%3A%2F%2Fwww.portlandmercury.com%2Fblogtown%2F2020%2F0
condemns-protest-shooting-offers-little-solutions-to-continuous-violence.
Zindulka, Kurt. “Three Arrested as Extinction Rebellion Violently Clash
with Police.” Breitbart, February 15, 2020.
https://www.breitbart.com/europe/2020/02/15/exclusive-video-climate-strike-
chaos-as-antifa-extinction-rebellion-clash-with-london-police/.
Dépôt légal : octobre 2021
Numéro d’édition : 001
ISBN : 978-2-902324-16-3
N°d’impression : 2060003
{1} Toutes les notes en bas de page sont du traducteur. La Cité des roses est un des surnoms donnés
à Portland.
{2} Le terme « black bloc » désigne une méthode, un mode d’action mis au point par des activistes
d’extrême gauche. C’est un cortège de militants habillés en noir, qui recourent à l’action directe et
forment un bloc.
{3} L’Oregonian est un journal de référence à Portland
{4} Les Proud boys est une fraternité pro-Trump. Exclusivement composé d’hommes, le
mouvement milite pour le port d’armes, l’entrepreneuriat, les femmes au foyer, et contre le
politiquement correct et l’immigration
{5} Méthode journalistique qui consiste à vérifier la véracité de propos tenus par des personnalités
publiques.
{6} Traduction de « Soy boy ». L’expression désigne un jeune homme efféminé, qui fait preuve de
sensiblerie
{7} Abrévation pour Black Lives Matter
{8} Intersectionnalité : notion selon laquelle le système occidental produit des dominations croisées
par catégories (le genre, la race, la sexualité, la classe, etc.)
{9} Le canari était utilisé par les mineurs de fond pour détecter les émanations toxiques. Quand
l’oiseau mourait, cela signifiait que le gaz s’était accumulé et que les mineurs devaient de toute urgence
remonter à la surface.
{10} Il s’agit d’un étudiant américain connu pour militer contre le port d’armes.
{11} The 1619 Project est un projet du New York Times Magazine, qui entendait évaluer les
conséquences et le poids de l’esclavage sur l’histoire des États-Unis.
{12} Acronyme pour All Cops Are Bastards (Tous les flics sont des enfoirés), devise emblématique
de BLM.
{13} Je n’arrive pas à respirer », phrase répétée par Georges Floyd avant de mourir, alors que Derek
Chauvin lui appuie sur la nuque.
{14} Une application qui permet de faire des dons en ligne.
{15} Méthode de communication politique inspirée du marxisme révolutionnaire, qui renvoie à
l’expression « agitation et propagande ».
{16} Du grec mimesis, imitation. Un même est une image détournée dans un but humoristique, et
qui est destinée à circuler sur les réseaux sociaux
{17} Acronyme pour Equitable Workers Offering Kommunity Support : les travailleurs équitables
en soutien à la communauté.
{18} Élément de procédure pénale aux usa. Lorsqu’un individu est arrêté, on l’avertit qu’il a le droit
de garder le silence et de faire appel à un avocat.
{19} Le terme « woke » (« éveillé » en français) désigne le fait d’être conscient de l’oppression des
minorités et des problèmes liés notamment à la race et au genre.
{20} Le concept de troisième position désigne les mouvements politiques qui s’opposent à la fois au
communisme et au capitalisme, pouvant défendre des idées de gauche sur le plan économique et social,
et avoir une approche conservatrice et nationaliste sur le plan culturel.
{21} Polémiste et journaliste anglais né en 1984, homosexuel et pro-Trump. Il a contribué au site
d’actualité américain Breitbart News
{22} Les Chauves, si on traduit littéralement.
{23} Site d’information américain, pro-Trump et considéré comme un soutien de la droite
alternative américaine.
{24} Créée à Evergreen dans les années 70, la Journée de l’absence a lieu une fois par an : ce jour-
là, les étudiants noirs délaissent le campus pour souligner la place qu’ils y occupent d’habitude.
{25} Le premier amendement de la Constitution des États-Unis interdit au Congrès d’adopter des
lois limitant la liberté de religion et d’expression, la liberté de la presse ou le droit à « s’assembler
pacifiquement ».
{26} Quillette est un magazine en ligne fondé en 2015 par la journaliste australienne Claire
Lehmann. La publication privilégie la liberté d’expression et traite de science, de l’actualité, de culture
et de politique.
{27} Le texte original (« indigenous “folx“of color ») reprend par dérision une orthographe propre
aux intersectionnels.
{28} L’Iron front est une organisation paramilitaire allemande créé sous la République de Weimar
pour lutter contre les totalitarismes nazi et communiste. Bien qu’opposée à l’Action antifasciste, les
antifa de Portland ont repris son symbole, le drapeau à trois flèches.
{29} Nom donné à la fête du premier mai, jour qui aux USA correspond à la fête du printemps et
non à celle du travail.
{30} Choix délibéré ou coïncidence, La Base est la traduction d’Al Qa’ïda…
{31} La Manifestation « Unité the Right » a eu lieu à Charlottesville les 11 et 12 août 2017,
rassemblant divers mouvements de la droite nationaliste et de l’extrême droite.
{32} Dinesh Joseph D’Souza est un politologue américain originaire d’Inde, qui appartient au
courant néoconservateur.
{33} Le Gadsden Flag, qui représente un serpent à sonnette et porte la devise Dont Tread On Me
(Ne me foule pas aux pieds), est l’emblème des libéraux et des libertariens. On le retrouve dans des
manifestations anti-impôts, pro-liberté et pro-armes.
{34} 7-Eleven est une enseigne de commerce de proximité.

Vous aimerez peut-être aussi