Vous êtes sur la page 1sur 4

À Bordeaux, les récits glaçants d’une

« descente de militants d’extrême


droite violents » au cœur de Saint-
Michel
  Lecture 3 min

Accueil Faits Divers

Des violences ont été commises à l’angle des rues des Faures et des
Menuts, vers 2 heures du matin, samedi. © Crédit photo : Capture d’écran
« Sud Ouest »
Par Elisa Artigue-Cazcarra - e.cazcarra@sudouest.fr
Publié le 26/06/2022 à 22h10
Mis à jour le 27/06/2022 à 10h21

   
Des vidéos circulent sur Internet, depuis ce samedi 25 juin. Selon des habitants
que « Sud Ouest » a rencontrés, une dizaine d’hommes, dont certains masqués,
a fait irruption dans le quartier, dans la nuit de vendredi à samedi, scandant
des slogans racistes et provoquant les passants

Que s’est-il passé à Saint-Michel, quartier populaire du centre de Bordeaux,


dans la nuit de vendredi à samedi 25 juin ? Des vidéos circulent sur les
réseaux sociaux, dénonçant « une série d’agressions par un groupuscule
d’extrême droite », selon Nikola Dobric, étudiant à Paris qui est le premier à
avoir posté ces images. « Elles ont été filmées par un ami, témoin de la
scène depuis son appartement », explique-t-il au téléphone.
« Scandalisé », il a décidé de les diffuser. Elles montrent des heurts à
l’angle des rues des Faures et des Menuts.
Nous avons rencontré ou échangé avec cinq personnes qui ont assisté aux
faits, des habitants ou des travailleurs dans le quartier. La plupart ont requis
l’anonymat, « par crainte de représailles ». Toutes décrivent « une
descente de militants d’extrême droite provocateurs et violents au cœur de
Saint-Michel », vers 2 heures du matin.

« Tu votes pour qui ? »


Arnaud (1) venait de débaucher. « Je discutais avec un collègue sur la
place Meynard, quand on a vu arriver un groupe d’une dizaine d’hommes,
certains le visage masqué. Ils hurlaient : « Antifa, on vous encu… ! »
« Bordeaux nationaliste ! » L’un s’est approché de nous et nous a lancés,
de manière très agressive et intimidante : « Tu votes pour qui ? T’as une
tête à voter Mélenchon. » Pour apaiser, mon collègue a dit qu’on ne votait
pas. Le mec nous a forcés à lui serrer la main et ils nous ont lâchés,
continuant à beugler leurs slogans. » Bordeaux nationaliste est un
groupuscule d’extrême droite, dont le nombre de militants est nébuleux.

Violence et provocation
Habitant de Saint-Michel, enseignant, Guillaume Formaro sortait d’une
soirée entre amis quand il est tombé sur cette troupe. « Ils hurlaient sur la
place. J’ai entendu l’un insulter une femme qui passait : « Petite pute,
retourne sucer des nègres. » Mon sang n’a fait qu’un tour. Ils ont remonté
la rue des Faures vers le cours Victor-Hugo, en criant « La rue est à
nous ». Je me suis dit qu’ils allaient s’en prendre à des gens, je les ai
suivis. À l’angle avec la rue des Menuts, ils se sont arrêtés devant des
jeunes et les ont pris à partie. J’ai voulu intervenir, un des fachos a sorti
une grosse lacrymogène, m’a gazé et un autre m’a frappé au visage »,
raconte le quinquagénaire qui compte porter plainte. Amin, un autre
habitant, confirme « les propos racistes », « la provocation », « la
violence ».

« Des cris de singe »


Au même moment, Julien (1) et Jérémy dorment dans leur colocation, rue
des Menuts. « Des cris m’ont réveillé. En regardant par la fenêtre, j’ai
compris. Les fachos gueulaient « rentrez chez vous », l’un poussait des cris
de singe devant des jeunes Maghrébins. C’était surréaliste. Cela s’est
envenimé et c’est parti en jet de bouteilles, de poubelles. J’ai filmé la scène
pour la remettre à la police. J’ai composé le « 17 », à 2 h 15. Je suis tombé
sur une dame à qui j’ai dit ce qu’il se passait et qu’il fallait qu’ils viennent
rapidement. Tout est allé très vite. Les fachos se sont enfuis. Je suis resté
éveillé jusqu’à 2 h 45-3 heures, au cas où la police arrivait, mais je ne l’ai
pas vue », explique Julien, encore sous le choc.

Enquête ouverte
De source policière, « plusieurs équipages ont été envoyés sur place, dans
un délai rapide après cet appel, mais les protagonistes avaient disparu ».
Ce dimanche, aucune plainte n’avait été déposée. Sur instruction du
parquet de Bordeaux, une enquête a toutefois été ouverte pour « violence
avec arme ». Les investigations ont été confiées à la direction
départementale de la sécurité publique.

Sur les réseaux sociaux, Bordeaux nationaliste a publié un message ce


week-end, parlant d’une bagarre avec « des supporters de Liverpool ». Il
appartiendra à la justice de vérifier cette version très éloignée des
témoignages recueillis par « Sud Ouest ».

(1) Le prénom a été changé.


« Des actes insupportables »
Contacté, l’adjoint au maire en charge de la tranquillité publique, Amine
Smihi, confirme avoir été informé « de provocations à caractère
xénophobes et racistes », dans la soirée de vendredi à samedi, à Saint-
Michel. « Des actes insupportables. Il faut que les auteurs soient identifiés.
Pour cela, il est nécessaire que les témoins se fassent connaître auprès de
la police et que des plaintes soient déposées », insiste-t-il. « S’agit-il du
même groupe qui a agi lors de la Marche des fiertés, scandant des propos
LGBTphobes ? Nous nous interrogeons. Cette année, nous avons connu
plusieurs faits s’apparentant à de telles pratiques extrémistes, des
affichages xénophobes, des dégradations de passages piétons arc-en-ciel.
La radicalisation et la polarisation du propos politique finissent, chez des
jeunes décérébrés, par des passages à l’acte », alerte l’élu.
A LIRE AUSSI

Vous aimerez peut-être aussi