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26/05/2021 GROUPE PARAMILITAIRE, SALUT NAZI ET SOLO DE GUITARE

Famine, star du black métal et


militant néonazi
Par Christophe-Cécil Garnier


Ce 25 mai 2021, Ludovic Faure alias Famine était jugé à Clermont-
Ferrand pour une violente agression où il a laissé sa victime en sang.
 En concert, le leader du groupe de black metal Peste Noire claque
des saluts nazis.

Palais de justice, Clermont-Ferrand (63) – Assis au


milieu de la salle d’audience en demi-cercle, Ludovic
Christophe-Cécil
Faure feuillette son dossier. L’homme de 39 ans est Garnier
Twitter
bien apprêté avec sa chemise bleue et son chino
beige. Difficile de se douter qu’il a été, un temps, un
bénévole actif d’un groupuscule néofasciste, le 13/04/2022
Bastion social. Ou qu’il est le leader d’un groupe de Le FC Bandera Paris, club
métal « emblématique » de la scène rock française, de foot de la diaspora
ukrainienne au nom
pourtant connu pour ses saluts nazis en plein concert controversé
et ses références antisémites.

Si Ludovic Faure, de son nom de scène Famine, 31/03/2022


comparaît au palais de justice de Clermont-Ferrand, Gazé, fouillé à nu,
ce mardi 25 mai, c’est pour avoir tabassé et laissé menacé : le calvaire d'un
éducateur de rue
un homme en sang en plein milieu d’un bar de
Clermont. « Pendant un an, je ne pouvais pas ouvrir
la bouche à plus d’un centimètre », détaille sa 31/03/2022
victime, Anthony. Sa mâchoire et ses dents ont été Gazé, fouillé à nu,
grandement endommagées. Un certificat médical lui menacé : le calvaire d'un
éducateur de rue
a donné 45 jours d’ITT :

Tous ses articles


« Les premiers mois, à la sortie de
l’hôpital, dès que quelqu’un
passait et avait des
caractéristiques de Famine, je ne
pouvais plus bouger. Je ne
pouvais pas aller faire mes
courses sans qu’un pote soit avec
moi. Je ne l’ai pas super bien
vécu. »

L’homme au crâne rasé l’aurait pris pour un militant


antifasciste. Ludovic Faure n’en est pas à son coup
d’essai en termes de bagarre idéologique. Et sa
famille à lui, c’est l’extrême droite à tendance
néonazie.

Le chanteur Ludovic Faure, alias Famine, pose à plusieurs reprises avec de


l'imagerie nazie. Ici un casque de la Wehrmacht, l'armée nazie, à droite. Il fait
aussi des saluts nazis ou des quenelles, comme à gauche. / Crédits : La
Horde

Une violente agression

La rencontre entre Famine et Anthony date du 12


juillet 2018. Ce dernier est en soirée à Clermont avec
un groupe d’amis. Au programme des trentenaires :
quizz et bières. Dernier verre au comptoir d’un bar à
mojitos. Les discussions avec le barman vont bon
train lorsqu’un homme déboule en panique. « Des
types du Bastion social sont à mes trousses ! »,
aurait-il avancé. Ce groupuscule néo-fasciste,
adepte des ratonnades et des saluts nazis – interdit
par le gouvernement français en 2019 – ne dit rien
aux convives. Le barman, qui ne veut pas
d’embrouilles, demande au traqué de sortir par
derrière. Il s’exécute et Anthony retourne à son verre.
Quelques secondes passent avant que la porte du
bar ne s’ouvre à nouveau. Un homme barbu et
imposant au crâne rasé s’avance. C’est Famine.
D’un coup, il fait valdinguer le tabouret sur lequel est
assis Anthony et lui envoie un coup de pied dans les
côtes :

« Je n’ai même pas le temps


d’enchaîner un mot, j’ai pris trois
patates. Gauche, droite, gauche.
On sentait que le mec savait plus
que se battre, qu’il s’était
entraîné. »

À côté d’Anthony, un de ses amis arrête Famine et lui


dit qu’il se trompe de cible. « Le mec a juste fait
demi-tour et s’est barré. »

À LIRE AUSSI : Soupes


populaires, ratonnades et saluts
nazis, bienvenue au Bastion
Social

Salut nazi et antisémitisme

À l’audience, Ludovic Faure finit par s’excuser devant


Anthony, même s’il minimise ses coups. Gêné, il
peine à expliquer son geste face à la juge et invoque
un climat de « stress permanent » lié à sa
participation au Bastion social. Dans la salle
d’audience, Will n’achète pas la repentance du
musicien. Ce militant antifasciste est persuadé
d’avoir été, lui aussi, cogné par le chanteur de
Peste Noire, deux jours avant qu’il ne frappe
Anthony. Il est à la terrasse d’un petit restaurant et se
fait agresser dans le dos. « J’ai pris un premier coup
et en voulant me relever, j’en ai pris un deuxième qui
m’a pété le nez direct. » Six jours d’ITT alors que les
deux hommes ne se sont jamais rencontrés :
« Je connaissais son rapport avec
le groupe Peste Noire et qu’il était
très lié à des fachos du coin. Il
avait une réputation de musicien
faf. »

Le musicien a effectivement une grosse cote dans le


milieu du black metal depuis les premiers sons de
son groupe Peste Noire au début des années 2000.
« Il faut reconnaître qu’indépendamment de la
personnalité de Famine, Peste Noire a bouleversé
les codes du black metal et a apporté du sang
neuf à la scène », selon Adrien Nonjon, doctorant à
l’Inalco et chercheur sur l’extrême droite post-
soviétique.

Pourtant, le nom de leur première démo annonce


toutefois la couleur : Aryan Supremacy. Longtemps,
le zicos n’a pas voulu se revendiquer du NSBM, le
black metal national-socialiste (alias les néonazis
du genre) et a parodié la dénomination en se disant
« national sataniste black metal ». L’imagerie du
groupe tourne pourtant depuis 20 ans autour de
l’extrême droite et des néonazis, avec des clins
d’œil peu subtiles. Dans ses concerts, il lance des
saluts nazis – que ce soit au Nouveau Casino à Paris
en 2013 ou dans une soirée NSBM en Savoie
devant 400 personnes qui l’imitent – ou scande
« Sieg Hell », une parole de sa chanson La Mesniee
Mordrissoire. Il assume être influencé par Adolf Hitler
dans un webzine, sous l’analogie d’un « peintre à
moustache un peu tendu ». Et au dos d’un album de
2019, les crédits saluent un certain Nate Higgers,
anagramme de Hate Niggers : la haine des nègres.

C'est Okay ! Big Gueux Mix @geraniu… · 28 déc. 2018


C'est incroyable quand même, Famine depuis le début il
est là "jui 1 gro nazi" et t'as encore 36000 personnes qui
veulent lui trouver des excuses en parlant de provoc' et
tout

Rónán
@Ronn_Gowan

6:05 PM · 28 déc. 2018

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Le leader de Peste Noire cache à peine son


antisémitisme. Ils ont – entre autres – repris un
chant antisémite de l’Action française en 2009 ou
placé un discours du même acabit dans son
album de 2013. On entend en intro le
collaborationniste Pierre Clémenti devant la légion
des volontaires français (LVF), soutien du régime
nazi, en 1941 : « Ce n’est pas la France qui a été
battue, ce n’est pas le peuple français, c’est la bande
de Juifs, de salauds de capitalistes qui nous
dirigeaient ». Dans le même disque, la chanson La
bêche et l’épée contre l’usurier reprend également
des clichés historiques liés aux Juifs.

Peste noire a publié plusieurs visuels suprémacistes et antisémites. À


gauche, dans un poster d'un de ses albums, Famine représente une
pendaison du Ku Klux Klan. À droite, Peste noire reprend une image
antisémite célèbre qui date d'une exposition de 1941, « le Juif et la France ». /
Crédits : DR

Pour ses soutiens, les paroles et l’imagerie de Peste


Noire colleraient au style du black metal qui se veut
choquant par essence. « Mais j’ai l’impression que le
public commence à comprendre qu’il y a certaines
limites à ne pas dépasser », commente le chercheur
Andrien Nojon. Des anciens membres ou des
groupes passés par le label de Peste Noire ont
affiché leur opposition avec l’idéologie de Famine.
Résigné à faire des concerts NSBM confidentiels
en France, le groupe a vu plusieurs de ses festivals
en Allemagne ou en Norvège être annulés pour
ses positions.

Sur sa guitare électrique, Ludovic Faure affiche son soutien au groupe


néofasciste italien Casapound. On y voit également l'autre logo de KPN : une
Totenkopf, un emblème utilisé par des unités SS durant la Deuxième Guerre
mondiale, que Famine arbore aussi sur des sweatshirts. / Crédits : DR

Un départ pour l’Ukraine


Anthony, le trentenaire tabassé dans un bar, ne sait
rien de tout ça à l’époque. Victime collatérale, il
n’imagine à aucun moment que, le lendemain de son
agression, le chanteur phare de black metal allait se
volatiliser. « Pour avoir justice, je pensais que c’était
mort… » Ludovic Faure disparaît des radars. Il se
réfugie en Ukraine pour continuer ses projets
musicaux. Le chanteur s’affiche avec le régiment
Azov – une unité paramilitaire ukrainienne
d’extrême droite – et s’est acoquiné avec un label
proche de cette milice : Militant Zone. Un groupe
dirigé par Alexei Levkin, qui a produit des vidéos de
Peste Noire en 2017 et qui les a fait participer au
Asgardrei plusieurs années de suite. Ce festival
réunit le gratin du NSBM, où se rassemble l’extrême
droite transnationale. Mais avec la participation de
Peste Noire, les concerts ont aussi drainé la première
année de simples fans de black metal et Peste Noire.
« Comme c’est difficile de les voir en France, de
nombreuses personnes sont tombées dans le
panneau », note Adrien Nonjon, qui renchérit :

« Famine et Peste Noire sont un


peu devenus des créatures
d’Alexei Levkin et du label, qui se
servent d’eux pour fédérer les
métalleux autour du mouvement
Azov. »

Le groupe serait désormais à classer dans le « black


metal militant », un autre sous-genre du NSBM. « Un
style né en Ukraine, aux antipodes du black metal »,
détaille le doctorant à l’Inalco. Le chanteur a
d’ailleurs voulu rejoindre les escouades nationales,
une milice du mouvement Azov, selon des militants
interrogés par le chercheur. « Ça ne s’est jamais
réellement fait car le groupe préfère le garder
comme un showman. Il est beaucoup plus
intéressant pour le mouvement par son image et
sa musique pour drainer des soutiens plutôt
qu’en étant sur le terrain au sein d’une milice »,
détaille Adrien Nonjon. Une facette que le musicien
militant n’a pas affichée au procès.

Ludovic Faure a affiché à de nombreuses reprises son soutien au mouvement


Azov et à la Misanthropic Division, une unité du groupe paramilitaire ukrainien.
/ Crédits : DR

Verdict

Deux ans et demi après l’agression, Famine revient


finalement en France. Pour quelle raison ?
StreetPress l’ignore. Contacté par mail via son label
La Mesnie Herlequin, Ludovic Faure n’a pas répondu
à nos sollicitations. Son avocate aime toutefois à
rappeler « qu’il s’est rendu sans résistance à la police
». En septembre 2020, après des dizaines de mois
d’un mandat de recherche infructueux, l’agresseur
est arrêté. Hier, mardi 25 mai, le chanteur de Peste
Noire a écopé d’une condamnation de six mois
avec sursis et 3.000 euros d’amende à verser
avant le 30 juin, en attendant une nouvelle
expertise. Anthony souffle : même s’il s’attendait à
une peine plus lourde, il a eu gain de cause. « Il est au
moins reconnu coupable. Il va devoir jouer profil
bas. »

Christophe-C Garnier @ChrisCGarnier · 25 mai 2021


En réponse à @ChrisCGarnier
L'audience s'est terminée après environ 40min. La juge
doit donner sa décision dans l'après midi

Devant cette agression qu'elle a qualifiée de gratuite, la


procureur de la République a requis 8 mois de prison avec
sursis (comme le chanteur Famine n'a jamais été
condamné avant)

Christophe-C Garnier
@ChrisCGarnier

L'audience est terminée. Le chanteur Ludovic


Faure/Famine est condamné à 6 mois de prison
avec sursis (effectif pendant 5 ans)

Il doit aussi verser 3000e au plaignant pour


l'instant (une expertise va évaluer l'ensemble des
coûts provoqués par les coups)
3:47 PM · 25 mai 2021

19 Répondre Copier le lien

Lire 5 réponses

Quant à Will, également agressé par le chanteur – il a


reçu six jours d’ITT pour sa fracture du nez avec
déplacement de la cloison nasale – il a porté plainte.
Devant la police, Ludovic Faure a reconnu qu’il
était là, mais nie l’avoir frappé. Selon l’antifa, les
témoins n’ont pas été interrogés par les forces de
l’ordre clermontoise.

À LIRE AUSSI : Les fights clubs


néonazis

Edit le 26 mai 2021 à 22h18 : Dans la version initiale,


nous avions mis une photo de Ludovic Faure dans
une voiture qui avait le sigle de Peste noire sur elle.
Comme c’était en réalité un montage, elle a été
retirée. Toutes nos excuses.

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