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Depuis son enfance, GENEVIÈVE DEIPECU,
e, ULIVLVILVL UL Lf LUH a toujours
évolué dans un milieu d’artistes et d’écrivains. Élevée par
sa grand-mère dans ses premières années, elle a été très
marquée par sa marraine, l’écrivain Lise Deharme qui
lui a transmis une liberté d’esprit très moderne avant
la lettre. C’est d’ailleurs vers douze ans qu’elle affichera
sans complexes ses premières voyances. Artiste peintre
et auteure de romans policiers, elle rencontre Michel
Delpech en 1983. Coup de foudre et révélation totale de
sa médiumnité. Un fils, Emmanuel, naît de leur union,
Geneviève amenant « en dot » deux enfants d’un premier
mariage : Pierre-Emmanuel et Pauline. Sa rencontre avec
le père Brune en 2015 la libérera totalement quant au
fait de rendre publique sa médiumnité. Le don d’ailleurs
sort en 2015 chez Pygmalion suivi de Te retrouver chez
Flammarion. Geneviève a aussi prêté ses dons à la police
dans la recherche de personnes disparues. Amoureuse
de l’Afrique, elle y apporte son aide et son soutien sur le
terrain.
Michel Delpech, quand j ’étais chanteur, Flammarion, 2017
Te retrouver, First Édition, 2017
Le Don d ’ailleurs, Pygmalion, 2015
De cendres et de braises, Presses de la Renaissance, 2000.
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GENEVIÈVE DELPEC
PRÉFACE DUDrJEAN-JACOUES CïIARBOIR
GuyTrédaniel éditeur
19, rue Saint-Séverin
75005 Paris
Préface........................................................................... 13
Préambule..................................................................... 19
C onclusion.................................................................... 153
Remerciements............................................................. 157
Imagine there’s no heauen
It’s easy if you try
No heîi below us
Aboue us on/y sfcy
Imagine ail the people
Liuing for today...
Imagine no possessions
I wonder if you can
No need for greed or hunger
A brotherhood o f man
h
exceptionnel qu’il était, c’était un peu comme si je
m ’interdisais de me réaliser en marge de lui, ou pire,
comme si je me faisais remorquer par sa notoriété.
J ’avais la mienne, plus modeste, dans ma peinture. Je
suis artiste peintre. Et je me satisfaisais largement de
m’épanouir dans mon art tout en élevant mes enfants.
Et ce conseil ô combien péremptoire du père Brune
a provoqué un déclic en cette période de ma vie où les
choses prenaient à la fois une tournure pesante, avec des
allures de rédemption, à travers la maladie de mon mari.
Seuls mes proches me connaissaient ce don. Mais
à cause ou grâce, plutôt, à mes fulgurances, vérifiées la
plupart du temps, le bouche-à-oreille a vite fonctionné.
Il en est cependant ressorti que je ne «vois» bien que
pour ceux que j’aime. C’est pour cela que je ne me
sens pas capable, tels certains médiums, de voir tout
et pour tout un chacun dans une salle. Et c’est donc
aussi, outre cette gêne qui me retenait, pourquoi je
n ’ai jamais monnayé ma médiumnité. Médiumnité que
j’ai longtemps perçue moins comme une grâce qu’un
handicap. Elle m ’envahissait, ne me lâchait pas; je
ne pouvais jamais me retirer dans la normalité, faire
sécession. Comme ces antiquaires qui ont toujours
l’oeil, même une fois qu’ils ont fermé leur boutique ou
quitté le salon des antiquaires. Invités chez des amis, ils
regardent les meubles, les bibelots, évaluent, resituent
dans les époques, comparent.
Avoir la précognition d’événements dramatiques
n ’est pas l’idéal pour élever ses enfants et seconder
son mari célèbre.
Outre l’intervention du père Brune, d’autres facteurs
sont venus se greffer pour que je décide du jour au len
demain de rendre mon talent public, de l’officialiser.
Tout d’abord le décès d’une de mes deux meilleures
amies, Christine. Sa disparition m’a révélé la tournure
du monde avec son lot d’injustices et d’horreurs. Celle
de mon ami Charb a suivi. Christine est une blessure
profonde mais l’assassinat de Charb m ’a dévastée.
Depuis, c’est vrai que je peux difficilement regarder
les infos. J ’ai utilisé mon capital «nouvelles du monde»
comme lorsqu’on a utilisé son capital soleil et que l’on
sait que sa peau peut devenir vulnérable aux mélanomes.
À une époque, l’information se laissait décou
vrir. On avait le temps de supputer. Là, elle est en
U
temps réel, hautement détaillée, fouillée, déclinée. On
nous exhibe, nous exhume les vilenies, le cynisme des
possédants et l’orgueil délétère du pouvoir politique,
ses tenants et ses aboutissants, de façon crue, rude,
vulgaire. Toute la beauté des êtres et des choses est
occultée au profit de la déviance. Depuis Christine, je
suis devenue très vulnérable à la violence de ce monde,
jolie pierre chauffée par le soleil et arrosée par la pluie
des nuages. Mais qu’il ne faut pas soulever. Ça grouille
de vermine et de cancrelats dessous.
Après le décès de mon amie, la grave maladie de
Michel. Comme si un nouveau malheur arrivait pour
m ’étourdir et en chasser ainsi un autre. Cependant,
pour le côté positif, toujours via le père Brune, je
dois aussi ce coming out, comme on dit maintenant,
à mes retrouvailles avec un ami après plus de cinq ans
de brouille aussi bête qu’irraisonnée. Cet ami est un
parolier avec qui Michel a beaucoup collaboré, sur
deux albums pratiquement entiers. 11 allait voir Michel
régulièrement à l’hôpital durant sa maladie. C’est d’ail
leurs là que cet ami lui a appris qu’il était voisin du
père Brune.
n
Depuis le temps que je voulais rencontrer cet
homme ! J ’admirais ses travaux sur les conversations
avec les morts et sa posture par rapport à l’Église
catholique qui, disait-il, en était encore, après tous
ces siècles, à prendre comme référents saint Thomas
d’Aquin et saint Augustin qui prônaient, entre autres,
la relégation aux enfers des enfants non baptisés qui
mouraient. Ajouté à cela, Dieu qui envoie son fils au
supplice pour laver les affronts des péchés... ! Comme
si Dieu, dans sa toute-puissance, sa magnificence et son
infinie miséricorde, se livrait à des calculs d’épicier pour
décerner l’enfer ou le paradis à ses ouailles. Pourquoi
pas un permis à points?
Ce saint homme, le père Brune, tout bien consi
déré, fut donc le déclic. Il a su me convaincre de rendre
publique ma médiumnité. Il arguait quelle s’avérerait
utile aux gens, qu’elle les ouvrirait à une certaine forme
de spiritualité, les préparerait à intégrer le fait que la
mort n ’est pas une fin définitive, si je puis me per
mettre ce pléonasme. Il existait une survie de l’âme qui
d’ailleurs préexistait avant que le corps ne devienne
dépouille mortelle. Les gens étaient en attente de ça,
B
dans ce monde d’argent, de course au profit, ce monde
profondément matériel pris dans la fuite en avant de
l’ici et maintenant.
Pour expliquer cette Expérience du Tout dont j’ai
reçu la grâce, je peux dire que je fréquentais ma vie
d ’avant un peu comme les gens que l’on fréquente
distraitement. Comme on écoute une chanson. La
musique nous plaît bien, on retient quelques vers du
refrain ou quelques mots dans les couplets et on déroule
les jours comme ça. Il y en a même qui deviennent
des amis mais on est incapables de savoir ce que leur
chanson raconte exactement. Et un jour on tombe sur
les paroles. Leurs paroles. Et là on se rend compte de
toute la puissance, de toute la poésie, de toute l’hu
manité du texte. Et on se dit: waouh! je le fredonnais
seulement alors que les paroles sont incroyables !
On le découvre alors avec un autre regard, une
autre dimension. Et on mesure quel ami il est.
Dans le cas d’un grand amour, on la connaît par
cœur, la chanson. Bien sûr. Et on ne se lasse jamais de
l’air. Il joue toujours en nous et sur tous les registres,
de la joie à la mélancolie. Et on l’écoute comme on
peut écouter sans se lasser la Cinquième Symphonie
de Mahler ou la Pavane de Ravel. Quant aux paroles,
on les redécouvre à chaque fois et elles nous hissent la
foi aux lèvres et les larmes aux yeux. Et jusqu’à la mort
on ne saura jamais quel souffle a inspiré une chanson
pareille.
Eh bien, et je rends hommage au passage à mon
mari en faisant la comparaison avec la chanson, avant
mon Expérience du Tout, je fredonnais les êtres et
les choses sans vraiment comprendre le sublime des
paroles. Après mon Expérience, j’ai mesuré à quel
point elles étaient profondes et belles.
Comment douter, après cette Expérience, que
«Tout s’enroule, tout va dans tout», comme l’écrivait
Jean-Michel Rivât, le parolier fétiche de Michel. Oui,
tout jouxte, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, et
tout sert la création, tout joue son rôle. Mon Expérience
m’a prouvé à quel point nous sommes infirmes avec
nos cinq sens et nos trois dimensions. Tout se poursuit
dans d’autres sphères. Nous sommes voisins d’un mer
veilleux ailleurs. Qui va finir par se savoir à une grande
échelle.
Des gens comme Pierre Monnier, ce garçon mort
très jeune pendant la Grande Guerre en est un témoi
gnage avec ses multiples ouvrages «dictés» à sa mère.
Ce qui est fou, c’est que ses incursions depuis l’au-delà
apportent des preuves on ne peut plus convaincantes
de la survie et que, alors que ces livres devraient être des
best-sellers puisqu’ils apportent en de multiples points
la preuve de la pérennité de l’âme, il faille les recher
cher ou les commander dans une librairie spécialisée.
Comme si les gens préféraient ne rien savoir de l’après-
mort, ou pire, comme s’ils étaient effrayés d’être encore
«en conscience» après leur trépas. Tout comme ceux
qui préfèrent l’anesthésie totale lors d’une intervention
chirurgicale. J ’en connais beaucoup qui le disent claire
ment : ils préfèrent le néant et l’oubli du tombeau à la
subsistance de l’esprit. Et ils s’accrochent désespéré
ment aux choses terrestres, comme si ces choses-là,
elles, étaient empreintes d’immortalité. Comme si ce
à quoi ils étaient confrontés ici-bas était si important... !
Pour relativiser les fâcheries, les passions et les
idéaux défendus bec et ongles, il n’est qu’à considérer
une maison en démolition, ouverte aux quatre vents,
où l’on resitue la distribution des pièces par les carre
lages et les papiers peints encore accrochés aux murs :
cuisine, salle de bains, chambre des enfants, salon.
On se dit que des vies, avec des certitudes et des pro
jets, se sont succédé dans ce pauvre décor d’ancienne
habitation qui donne le même sentiment de délabre
ment qu’une maison bombardée. Précarité des choses,
sentiments provisoires, passions émoussées, serments
dérisoires exsudent de ces vestiges de misère qui ont
jadis été témoins de drames, de bonheurs et de pro
messes définitives.
C’est peut-être pour ça que je ne me suis jamais
alourdie d’une âme de propriétaire. Et que je n’ai jamais
exigé une exclusivité amoureuse. Quant à mes amis, je
prends ce qu’ils me donnent et ils resteront toujours
mes amis même s’ils doivent à l’avenir me trahir.
Je ne sais toujours pas pourquoi c’est moi qui aix
reçu ce cadeau du Tout ni qui je suis vraiment ; mais je
sais ce en quoi je crois. Ce en quoi j’ai toujours cru et
que mon Expérience n’a fait qu’affirmer. Je crois aux
herbes folles, au rythme des saisons, aux lucioles, au
mariage d’amour, à la parole donnée, à l’odeur de la
terre après la pluie, à l’effort pour se faire accepter, aux
champs de blé et aux coquelicots, au respect, au repas
partagé, au rire des enfants, aux arcs-en-ciel, à l’écoute
de l’autre, à l’odeur du linge séché au soleil, aux merles
et à la pie voleuse, à l’humus des sous-bois, aux boutons
d’or sous le menton pour voir si j’aime le beurre, au
temps ralenti, à la toile cirée des tables de cuisine, aux
groseilles pas mûres, aux parfums des vieilles roses des
jardins de curé, aux poignées de main dans un regard
franc, aux hannetons et aux coccinelles, au retour des
amis et à l’odeur des livres oubliés.
CHAPITRE 1
L'EXPÊRiENCE
Je suis née dans le sud de la France où j’ai vécu de
façon intermittente. J ’ai franchi beaucoup d’obstacles
dans ma vie, depuis l’école jusqu’à aujourd’hui. Je suis
tombée amoureuse, j’ai beaucoup aimé, j’ai aussi vécu
des expériences plus difficiles, dont l’expérience de la
mort. J ’ai perdu ma grand-mère maternelle adorée,
mes parents, mon mari. Bien sûr, tout le monde passe
par là et nous devons faire notre deuil. Mais certains
ont une croyance qui les aide à faire face à la peine. Ils
sont sûrs de revoir leurs proches au paradis alors que
pour d’autres, ce n’est pas si simple. Que se passe-t-il
lorsque nous mourons? That is the question...
L’Expérience du Tout m ’a apporté la preuve de
l’immortalité de l’âme. Celle de mon mari, notamment,
car il s’est manifesté à plusieurs reprises. Comment
décrire cette expérience métaphysique, ce sentiment
d’illumination? Comment parler de l’origine divine de
ces nombres qui flottaient tout autour de moi, expli
quer que j’étais une fourmi sur une branche, que je
voyais et pensais comme elle, tout en l’observant de
l’extérieur? J ’essaie «simplement» de comprendre et
de transmettre l’incompréhensible en remplaçant mon
ressenti, la «touche de Dieu», par des mots simples. Et
que faire de ce cadeau ? Comment le transmettre avec
la limite des mots et de nos cinq sens? Que faire de
tout cela?
kl
Je me suis retrouvée dans l’écorce d’un magnolia,
puis dans son tronc où j’entendais la sève circuler et
battre. Je savais que l’arbre était vivant et capable de
ressentir la peine, la joie, la souffrance morale, l’amour.
En transition, je me suis retrouvée dans une feuille,
percevant toutes les capillarités de ses nervures, et sur
tout je me sentais à la source de toute vie. De La vie.
De l’écorce du magnolia en passant par le tronc de
l’arbre, j’avais conscience des différents états dans les
quels je transitais et du mouvement pour passer de l’un
à l’autre. Et surtout de la fulgurance avec laquelle toutes
ces choses se manifestaient. Les couleurs pouvaient
s’apparenter à celles de la vie réelle bien qu’elles soient
magnifiées, comme «recolorisées». En même temps, je
percevais des sons célestes, et parallèlement, tout avait
un son propre, unique, dans une unité globale. La vie
avait un son.
* «La chair est triste, hélas! et j ’ai lu tous les livres.» Brise marine, de
Stéphane Mallarmé.
par le sang et les larmes», je l’avais de façon exponen
tielle jusqu’à devenir la connaissance.
kl
de végétation. J ’étais avec tous ces êtres dans une rela
tion d ’échange d’âme à âme qui n’était en rien une
inversion des statuts, moi devenant eux et réciproque
ment. Il s’agissait d’une conversion dans le Tout, dans
la totalité de la nature, une conversion non pas en Dieu
mais dans Dieu. C’est à partir de ce moment que je fis
partie du Tout et que je le reste encore à ce jour, en
tant que membre de la communauté divine.
LES NOMBRES
Depuis que les hommes sont sur Terre, ils essaient
de donner un sens au monde et de prédire ce que nous
réserve l’avenir. Pourtant, aujourd’hui, nos vies sont
plus complexes et plus imprévisibles que jamais.
Chaque jour, des milliers de gens se croisent sans
qu’apparemment il n’y ait de véritable ordre dans tout
cela. Difficile de savoir comment tout est lié. Lorsqu’on
commence à y regarder de plus près, pourtant, des
schémas impressionnants émergent... Et si tout cela
était régi par les nombres ?
Quelque part, il existe un modèle qui décrit notre
monde et qui définit aussi notre futur. Ce sont les
nombres que j’ai vus lors de mon expérience du Tout.
N’y aurait-il pas derrière le chaos qui semble régir nos
vies un dessein complexe de causes et d’effets dont
les moments les plus infimes interféreraient avec des
événements qui peuvent changer nos vies à jamais?
La moindre décision, aussi petite soit-elle, peut avoir
des conséquences importantes sur notre avenir. Cette
sensibilité extraordinaire au moindre changement pro
voque un chaos apparent et ce chaos est si instable et
changeant qu’il est difficile d’imaginer que derrière lui
se dessine un schéma très précis. C’est pour cela que
nous avons du mal à comprendre ce qui nous arrive
et pourquoi notre interprétation de la vie est faussée.
C’est «l’effet papillon».
En regardant cependant les choses sous un autre
angle, des schémas surprenants émergent de ce chaos
apparent. Des «plans» révèlent des vérités détermi
nantes sur nos vies et sur notre avenir. Observons une
grande ville, par exemple, comme Paris ou Lyon, voire
New York. Vue d’en haut, elle semble s’articuler dans un
bazar arbitraire. Des immeubles, des maisons, des rues,
des canalisations, des réseaux électriques, la foule...
Mais s’il y avait un ordre derrière tout cela? Plus une
ville est en expansion, plus ses œuvres se multiplient,
mais ce qu’à découvert le physicien Geoffrey West - qui
a passé sa vie à étudier le rapport entre les villes, leur
étalement, leur croissance et les nombres, les mathé
matiques - est une grande surprise. Lorsqu’une ville
double de taille, ses activités augmentent systématique
ment de 15%. Cela n’est pas une formule magique,
mais un nombre calculé scientifiquement. Les êtres
humains ont un nombre ultime qui est 15% ou 1,15.
Notre physicien pense même que ce nombre est la plus
grande force de l’humanité. Ce nombre prédirait notre
avenir. Alors là, on ne parle plus d’irrationalité ni de
superstition mais de nombres, tout comme la taille de
l’orbite des planètes, des constellations, les galaxies, la
vie elle-même suivant un schéma où tout se résout à la
cause et à l’effet. Le symbole du hasard n’a rien à voir
en fait, mais c’est ainsi qu’il nous apparaît, comme la
conséquence du chaos et du hasard. Cela est faux. La
vérité est bien plus extraordinaire encore que ce que
nous pensions. Les mathématiques et les nombres sont
partout comme je les ai vus et quand tout sera décom
posé, il restera les nombres.
Pendant mon voyage, tout semblait partir des
nombres. Ils revenaient sans cesse, en tout et dans
tout. Ils se regroupaient et s’étendaient à l’infini. Ils se
présentaient sous la forme d’une spirale sans fin. Ce
nombre commençait par le fameux Pi 3,14 qui se conti
nuait à l’infini. Mais le plus extraordinaire était que, au
milieu de cette succession de chiffres, apparaissait ma
date de naissance. Ce fut pour moi la révélation. Je
comprenais que ces nombres constituaient le codage
de la vie dans sa totalité.
J ’étais le monde et la possibilité du monde, un Tout
en devenir, un devenir en puissance. J ’insiste sur le fait
que je voyais des nombres et pas des chiffres. Le chiffre
est fixe, stable, rationnel. 1 c’est 1, ce n’est pas 2, et
1 + 1 = 2, non pas 3. Il ne faut pas chercher à com
prendre. Il ne faut pas recourir à plus de compréhension
que ce qui s’offre à nos yeux. La réalité rationnelle du
chiffre ressortit de la distinction que les Grecs établirent
avec le nombre. Le chiffre est mathesis, il renvoie au
calcul. Le nombre, quant à lui, ressortit de la gnose,
c’est-à-dire de la connaissance à la compréhension. La
synthèse que j’ai pu en tirer, c’est que dans notre rela
tion à la transcendance, au Tout, le chiffre est religion
et le nombre est la voie de la spiritualité, du mystique.
Les religions, dans leur réalité multiple, font simple
ment connaître les dieux, alors que la spiritualité, et il
y en a qu’une, mène à Dieu, c’est-à-dire au Tout.
Dans l’existence, je suis un chiffre, malgré mon
statut d’individu, c’est-à-dire une personne indivisible,
non dénombrable. Dans le Tout, j’étais un nombre
et ma conscience était pure connaissance. J ’avais la
conscience de la connaissance. L’être dont j’avais
conscience était un Tout-connaissant. La conscience
que j’avais des autres êtres par le fait d’être en eux ne
veut pas dire que nous étions des êtres doubles inhé
rents au chiffre et au calcul. Je n’avais pas la conscience
d’appartenir à une communauté chiffrable de 1, 2, etc.
Ma conscience était la seule réalité consciente, comme
si, finalement, ce n’était plus moi qui étais entrée dans
ces êtres, mais ces êtres qui avaient fondu en moi sans
jamais les avoir vus auparavant. J ’appelle cet échange
«l’effet nombre».
L’homme est par nature un nombre, une connais
sance. Il me semble que le principe d’individu s’enracine
dans la notion du nombre. Certains ont vu dans le nom
et dans le nombre une racine commune: «nom».
Dans le Tout originaire, l’être est donc le nombre.
J ’évite ici d’user de l’article indéfini un. Si dans l’exis
tence il est devenu chiffre malgré le statut d’individu,
c’est parce qu’il est sorti de son être pour devenir exis
tence. L’existence est régie par la logique du chiffrage,
du dénombrement, de la classification de la vie en
espèces, en genre et en race. Cette différentiation et
cette spécification ont conduit à l’établissement des iné
galités, du racisme. A contrario, la connaissance de la
vie fait appel au caractère philanthropique, à l’amour.
En devenant tous ces êtres que je voyais se transfor
mer en moi et moi en tous ces êtres, je comprenais que
le Un est l’Univers qui est à l’origine de tout et du T o u t .
Je comprenais que nous sommes «nombre», que la
vie est «nombre». Je voyais des chiffres groupés entre
eux, des milliards de chiffres. J ’avais la connaissance,
et si ma conscience s’est ainsi imprégnée du Tout, c’est
parce que j’étais dans ce que Vitruve, architecte romain,
disait de la proportion (que les Grecs appelaient «ana
logie») : une consonance entre les parties et le Tout.
La notion d’analogie renvoie aux rapports justes
entre les divers éléments qui composent le monde,
entre l’homme et l’architecte divin, entre notre âme et
celle d’un animal, d’une plante, etc. Elle est la clé de ce
que les anciens appelaient les «petits mystères», c’est-
à-dire les premiers degrés de l’initiation qui consistent
à se connaître soi-même et à s’intégrer dans l’esprit
d’une communauté, quelle soit humaine ou cosmique.
À côté de l’analogie, on trouve également une autre
posture qui explique une expérience. C’est la notion
d’anagogie qui est la clé des «grands mystères». C’est le
sens de la spiritualité, de l’essentiel, la capacité à perce
voir la nature réelle des êtres et des choses. L’anagogie
est le véhicule de ma conscience. Elle garde, durant ma
vie, la conscience dressée vers le ciel. Pratiquer l’ana-
gogie, c’est faire de notre existence quotidienne une
recherche de l’invisible sans négliger le visible.
J ’avais la connaissance parce que ma conscience
savait, au sens où le sage sait sans autre forme de
«question». Je savais que je sais. La connaissance
est une chose mais c’est une autre chose que d’avoir
l’explication et les mots pour le dire - que je n’avais
justement pas. En fait, on sait aujourd’hui que les clés
du mystère des nombres sont inaccessibles, et pourtant,
ils sont omniprésents dans l’Univers. Si l’on prend
l’exemple de la cathédrale de Chartres, au xue siècle,
le clergé pensait que les nombres divins émanaient de
l’essence même de Dieu. Ces nombres révèlent les lois
qui régissent l’Univers. Des nombres et des schémas
relient toutes les choses entre elles. Du nombre des
écailles des poissons à leurs couleurs, du nombre des
pétales de toutes les fleurs, du passé le plus éloigné au
futur lointain, tout est lié.
Au IVe siècle, saint Augustin avait établi que le chiffre
7, par exemple, était tellement spécifique qu’il repré
sentait tout l’Univers. 7 représentait toute la création,
et 1 0 ,l’outre-univers. Il justifiait sa thèse par la somme
10, produit de 3 et de 7, 3 étant l’aspect de la Trinité,
le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Le chiffre 12 compte
aussi beaucoup, non pas à cause des 12 tribus d’Israël
et des 12 apôtres, mais parce qu’il est divisible par 1,
2, 3, 4, 6 et 12. Selon saint Augustin, les nombres
viennent de Dieu car ils obéissent à des lois qu’aucun
homme ne peut changer. 800 ans après, l’école de
Chartres corrobore cette pensée augustinienne, de
sorte que la plus modeste des chapelles comme la
plus importante des cathédrales sont érigées selon les
règles de la divine proportion. Le corps humain répond
à cette même logique. Lame même de l’Univers, selon
Robert Grosseteste, au xii®siècle, est formée de droites,
de courbes et d’angles, ce qui n’est rien d’autre que la
géométrie divine. Les maîtres enseignaient cette géo
métrie aux Compagnons par une science appelée «le
Trait». Quant aux cisterciens, ils étudièrent et cher
chèrent à harmoniser l’espace architectural des édifices
religieux, mais aussi l’espace intérieur de l’homme.
Le Trait, la divine proportion et le nombre d’or sont
des éléments qui se mutent en sagesse. Chaque édifice
devient un corps vivant. Le nombre permet de décou
vrir l’identité profonde des éléments qui composent
l’Univers. Ainsi, 4 est le chiffre de la Terre, avec ses
quatre orients. 5 est le nombre de l’homme, né de
l’étoile à 5 branches. Le 10 est le nombre de l’accom
plissement, de la communauté qui retrouve l’unité.
Si les cathédrales furent construites sur la base des
nombres sacrés, c’est parce qu’eux seuls donnent la clé
des proportions qui assurent leur extraordinaire stabi
lité. Nous pouvons encore en témoigner aujourd’hui.
Les nombres traduisent les principes de la création par
la géométrie et ils enregistrent les harmonies secrètes
qui font chanter la pierre.
C’est le nombre huit qui préside aux fonts baptis
maux. Il est formé du quatre du corps, du trois de lame
et du un du divin. Toutes les conditions sont ainsi réu
nies pour favoriser l’essor vers une nouvelle vie, celle
de l’être purifié.
Durant cette expérience, j’ai compris que derrière
le monde dans lequel nous vivons réside un formidable
royaume mathématique qui décrit le processus que
nous observons tout autour de nous. Aujourd’hui, nos
vies sont plus complexes et imprévisibles que jamais.
La moitié des populations vivent dans des villes trépi
dantes, en pleine expansion. Chaque jour des milliers de
personnes se croisent. C’est une masse d’interactions
et de forces qui semblent échapper à notre contrôle.
Difficile de croire que tout peut être lié et que tous sont
liés. Lorsqu’on commence à regarder cette complexité
de plus près, des schémas mathématiques commencent
à émerger. Et ne contrôlent pas seulement notre monde
et ce qu’il englobe. Nous sommes également sous
contrôle, du mouvement rapide des foules aux figures
coordonnées d’un vol d’étourneaux au Danemark, en
passant par les milliards de recherches sur Internet et
par les caprices de la météo ; tous ces schémas mathé
matiques et leurs connexions forment un code qui décrit
non seulement le fonctionnement du monde mais qui
peut également prédire ce que réserve l’avenir.
Il semble inconcevable que les humains puissent
être réduits à un modèle mathématique comme celui
du vol des étourneaux ou des caprices de la météo,
et pourtant! Les colonies de fourmis, les bancs de
poissons et les foules humaines qui se déplacent dans
le métro et dans les halls de gares utilisent des inte
ractions très simples, identiques à celles des fourmis.
Ces règles sont si importantes pour anticiper nos
faits et gestes qu’elles peuvent être utilisées en infor
matique pour simuler les déplacements de foules.
Quand on comprend ces chiffres, leurs schémas, leurs
connexions, quand on comprend ces règles, on com
prend ce qu’est la base de l’Univers, et que rien n’est
le fruit du hasard. De la manière dont on commet un
meurtre ou qu’on se déplace dans une foule jusqu’à
notre prise de position dans un jeu, rien n’est dû au
hasard. Tout fait partie du Tout.
Les clés du mystère du code sont peut-être cachées
dans une cathédrale. Selon le clergé du Moyen Âge,
les nombres divins ont été créés par Dieu. Un code est
caché, qui sous-tend le monde qui nous entoure et qui
a le pouvoir de dévoiler les lois qui dirigent l’Univers.
Des nombres et des schémas relient les choses entre
elles, des poissons aux cercles de l’Antiquité au futur
lointain. Ensemble, ils constituent le code, un monde
abstrait de nombres.
Les nombres sont la clé du mystère de la création.
Bien plus que de simples entités abstraites, ils décrivent
le monde qui nous entoure et lui donnent son sens,
de même qu’ils nous offrent la capacité unique de
comprendre notre univers.
Les nombres sont à la base de toute chose, de tout
corps existant, de la biologie, de la musique.
La musique, par exemple, définit qui nous sommes.
Chaque culture arbore son propre style. Tout comme
les nombres qui régissent la vie des cigales, ils défi
nissent la façon dont nous entendons les sons. En effet,
la fréquence d’un do aigu est deux fois celle du grave
et cela se produit quelles que soient les deux notes
qui sont choisies. Si une octave est séparée, alors la
fréquence de l’une sera deux fois supérieure à celle de
l’autre.
Deux notes séparées par une octave sonnent
agréablement et constituent la combinaison la plus
harmonieuse. Parce que la même note doublée est la
relation la plus simple entre deux fréquences. C’est ce
qui fait la musique. C’est le rapport harmonieux entre
deux nombres qui est agréable. Une quinte parfaite
est un rapport de 3 à 2. La quinte parfaite est un rap
port de 4 à 3, etc. Chaque combinaison de notes de
musique est définie par des rapports simples.
Même si nous n’en avons pas conscience, ces rap
ports numériques sont la base de la chanson la plus
simple comme de la symphonie la plus élaborée. Ils sont
si vrais que lorsque ces règles sont brisées, nous savons
intuitivement que quelque chose ne va pas. On constate
que les schémas numériques dans le code contrôlent les
combinaisons des sons que l’on entend comme de la
musique. Les notes ne sont pas seulement des sons. Et
ce qui est si étrange, c’est que ce sont les nombres qui
composent les murs de la cathédrale de Chartres.
Deux notes qui ont un intervalle d’une octave ont un
rapport de 1 à 2. La largeur de la nef de la cathédrale
fait deux fois la distance qui sépare chacune de ses
colonnes qui sont sur toute la longueur. Un rapport de
1 à 2 est la combinaison la plus harmonieuse de notes
que l’on peut entendre. L’autel divise la nef en un rap
port de 8 à 5, une sixte mineure de 8 à 5, une quinte
parfaite de 3 à 2, une quarte parfaite de 4 à 3, une
tierce majeure de 5 à 4. Et voilà ce qu’est la musique.
Saint Augustin croyait que ces rapports étaient uti
lisés par Dieu pour construire l’Univers. C’est la raison
pour laquelle ces mêmes rapports ont produit l’harmo
nie en musique. En construisant sa cathédrale ainsi, le
clergé de Chartres espérait faire écho à la création de
Dieu. Cette cathédrale parfaite est une symphonie dans
la pierre. En utilisant les nombres du code, nous, les
hommes, avons bâti une beauté extraordinaire.
Les nombres représentent alors la seule vérité qui
soit. En cherchant le sens divin dans les nombres, les
ecclésiastiques du xiie siècle ont découvert les éléments
du code. Je comprends ainsi la portée de mon expé
rience. En fait, les nombres et les schémas mystérieux
que j’ai vus sont inscrits dans notre biologie.
Tout comme le cercle apparaît partout dans la
nature, Pi ne cesse d’apparaître dans le monde mathé
matique. Encore et encore. C’est un exemple frappant
de l’interconnectivité des nombres. Pi est ce que l’on
appelle un nombre rationnel. Écrit à la décimale, il a un
nombre infini de chiffres arrangés en une séquence qui
ne se répète jamais.
Et l’on sait que n’importe quel nombre imaginable
apparaîtra dans Pi à un moment ou à un autre, que ce
soit la date de mon anniversaire, la vôtre, la réponse
à la vie, l’Univers et tout le reste... Parce que les
nombres sont infinis, on ne pourra jamais connaître
tous les chiffres qui composent Pi. Heureusement que
l’on n ’a besoin que des 39 premiers pour calculer une
circonférence ! La taille de l’Univers est observable au
rayon près d’un seul atome d’hydrogène. Mais aussi
étrange que soit Pi, il décrit au moins un objet physique.
Aussi étrange que cela puisse paraître, le code nous
fournit une description très précise du monde.
Derrière le monde dans lequel nous vivons existe
un formidable royaume mathématique. Le nombre et
les connexions qui le composent décrivent le processus
que nous observons tout autour de nous. Les nombres
contrôlent les lois de la Terre et de l’Univers.
On dit que le chemin le plus court entre deux points
est la ligne droite. Cependant, que se passe-t-il s’il y a
un obstacle sur le chemin? Lorsqu’une rivière est entra
vée, elle change son cours, elle zigzague au lieu de
suivre son chemin habituel. La symétrie est le langage
de l’Univers. C’est un langage mathématique fondé sur
une base de triangles, de cercles et de figures géomé
triques sans lesquels il est humainement impossible de
comprendre un seul mot.
CHAPITRE 3
NNAISSANCE
n
\j
MOUS APPARTENONS
IOUS A UNE
MM
E
n
N
LE
LE LUBERON
Face à moi-même devant une telle expérience, une
seule question revenait : pourquoi moi ? Comment une
telle chose a-t-elle été possible ?
L’éducation esthétique et religieuse que j’avais reçue
jusqu’à ce jour peut-elle expliquer ce phénomène?
Mes passions avaient-elles préparé ma conscience
à cette expérience? Mon goût de la nature, l’amour
des livres, des voyages, des animaux, mon amour du
genre humain? Ces passions à la portée initiatique
ont construit autant d’expériences de vie et peut-être
préparé ma conscience à recevoir cette expérience,
c’est-à-dire Dieu. Je reprends ici l’assertion du mystique
allemand maître Eckhart, qui affirmait que durant son
existence, l’homme doit préparer son âme à recevoir
Dieu. Cette formule m’a profondément touchée car je
l’ai comprise à l’aune de mon cheminement spirituel
qui tend à dépasser le paradigme dans lequel j’ai été
élevée. À mon avis, c’est parce que l’âme n’a pas été
suffisamment préparée à recevoir Dieu que l’homme
est sourd aux alertes de la nature et de la société.
La vie ne meurt jamais. Elle nous met en demeure
de recouvrer l’instinct de protection et d’assistance
à son plus noble trésor: la vie. L’expérimentation de
la part de Dieu qu’il a en lui, l’expérimentation de la
vie est en quelque sorte un processus de naissance
d’une nouvelle conscience ouverte à l’Expérience du
Tout. Nous voyons donc que finalement, ce n’est plus
l’homme qui est en attente de recevoir Dieu mais le
Tout qui attend de recevoir la conscience pour confir
mer le test de vie qui justifie sa présence sur Terre. La
préparation de l’homme consiste à faire l’expérience
de sa part divine par l’exercice des passions nobles.
La noblesse de la passion tient dans l’action qui est
porteuse d’amour et qui remplit une fonction sociale
et humaine.
C’est donc là une connaissance esthétique ou intui
tive à travers la lumière de laquelle j’ai vu ce que j’ai vu,
que j’ai été connectée aux confins de lam e humaine.
Lorsque je me suis retrouvée devant ce parc que je
sublimais, je me suis rendu compte de mon change
ment de conscience. À présent, il n’était plus question
que cette beauté me laisse entrevoir que tout était bien
dans le meilleur des mondes. Le monde dans lequel
j’étais revenue me paraissait tout à coup chaotique,
bruyant et violent. Inhospitalier même.
La vie est ma passion. Elle est tout dans la mesure,
mais la mesure elle-même n ’est pas sans une cer
taine démesure qui représente le beau, selon moi. Je
m’enivre des choses que j’aime. Je me fonds en elles.
La nature fait partie de celles-là. Mon cadre d’habitation
et la région dans laquelle je me trouvais ne manquaient
pas d’exciter mon sens esthétique. En ces moments
de tendresse avec la nature, j’étais hantée par l’esprit
initiatique de Jean-Jacques Rousseau dans ses Rêveries
du promeneur solitaire. Je ne posais mon regard sur
aucune chose sans que je ne la restitue dans l’ensemble
de l’environnement, de sorte que je me trouvais finale
ment au centre d’un tableau que je composais, que je
peignais avec les yeux et l’esprit.
C’est dans ce tableau que se trouvait notre bastide,
en Provence. La propriété culminait en haut d’une
colline du massif du Lubéron. Elle se composait d’une
maison de deux étages, mais aussi de communs et d’an
ciennes écuries à restaurer. Une petite maison d’amis
sur la colline à sa droite clôturait la propriété. Mais
c’était ce parc qui faisait la beauté du lieu et lui donnait
toute sa noblesse.
À midi, le soleil était si haut que l’on pouvait croire
que la Terre s’en était rapprochée. Et ce jour-là, à
14 heures environ, le soleil de ce début d’après-midi
me surprit. Les arbres du parc avaient filtré les rayons.
À travers les trous, on apercevait la chaîne du Lubéron,
mais aussi loin que pouvait se porter mon regard, ce
parc, du sud au nord, de l’est à l’ouest, était revêtu de
formes verticales et les arbres à perte de vue revêtaient
la beauté impériale de leur royaume.
Leur feuillage, surtout celui des magnolias tricente
naires à l’est, était lourd, vert foncé, et se dressait vers
le ciel très pur à cette heure en pyramides tournantes.
Il y avait ce bruit des feuilles et le frémissement de celles
des bambouseraies plus au nord qui devenait parfois
assourdissant à cause du mistral descendant de la vallée
du Rhône en rafales violentes.
U
CHAPITRE 6
LA ViE APRES
LA noR
Qu’y a-t-il après la mort et comment le savoir?
Certaines personnes pensent qu’elles le savent - et
j’en fais partie - parce quelles ont vécu des expériences
extraordinaires. Certaines ont vécu des NDE*, d’autres,
comme moi, des expériences physiques - je ne sais
d’ailleurs pas si on peut les appeler comme ça - qui
prouvent que l’âme survit à la mort du corps et qu’il
existe d’autres dimensions. En ce qui me concerne, j’en
suis totalement persuadée.
NOIRE VIE
SUR IERRE
L’existence n’est que l’expérience de la part divine
sur Terre. C’est cette part divine, qui, malgré la perte
de la connaissance originelle, permet à la conscience
de rester en connexion avec Dieu. L’homme a oublié
qu’il ne doit pas juger. En jugeant, en comparant, en
créant une échelle de valeur, l’homme a créé lui-même
la souffrance dans laquelle il se trouve.
La raison semble donc avoir été donnée à l’homme
pour qu’il se souvienne de son être, de sa vraie réalité,
de la connaissance.
Dieu n ’est pas responsable des actions morales
des sociétés humaines. Le mal vient de l’esprit de
comparaison, de la classification raciale, du jugement
moral et esthétique. Le mal vient de la mal-mesure que
l’homme a opéré sur la nature.
Le Tout est harmonieux, perfection, mesure. À ce
sujet, les sophistes résument ainsi la règle et le rôle
que l’homme s’est donné au monde : celui d’être la
mesure de toute chose. En s’érigeant comme maître de
la cité terrestre, l’action de l’homme a eu pour consé
quence de produire les désastres que l’on connaît, tout
ayant été mal mesuré. L’homme est la mal-mesure de
l’homme (titre d’un livre de Stéphan Jay Gould).
Il est vrai que selon sa nature, l’homme ne peut se
passer d’émettre des jugements esthétiques et moraux,
de comparer sans cesse, car il est et il sera toujours
confronté à la problématique de ses choix en ce qui
concerne ses besoins naturels. Il importe simplement
de ne pas enlever à son prochain sa part de divinité,
autrement dit, son humanité. Tout n’est pas égal et
différent. La part divine n’est pas justiciable. Elle est
non négociable.
Encore une fois, le mal n’existe pas en soi. La culpa
bilité est inutile. C’est un poids qui empêche de grandir,
NOIRE VIE SUR TERRE
UN nOHENT
DE RÉCRÉATION
Voyager, chercher à comprendre... J ’ai traversé
beaucoup d’étapes, les unes après les autres, j’ai dia
logué avec une multitude de gens, posé des questions,
cherché à comprendre l’incompréhensible. J ’ai pris
des trains, des avions, lu des dizaines de livres... À tra
vers des initiations, des ateliers de transcommunication
hypnotique, je suis parfois parvenue à toucher du doigt
des parcelles de cette expérience du grand Tout. Mais
toujours cette volonté de comprendre me tenaillait...
pourquoi moi? Alors, au fil des jours et des semaines,
une véritable solitude m’avait envahie.
Il me fallait transmettre, bien sûr. Mais avant de
le faire, je devais tirer l’enseignement de cette expé
rience pour moi-même. J ’ai compris, en premier lieu,
le besoin de changer mes désirs les plus intimes. De
renoncer à tout ce qui n’était pas «réel». Car je savais
que rien ne l’était dans la vie que j’avais menée jusqu’à
présent, sauf la relation avec moi-même et avec celui
que nous appelons Dieu.
Je ne veux pas dire qu’il s’agissait pour moi de
reniement. Impossible de renoncer à toute chose. Il
était plutôt question de changer, de mettre de côté tout
ce qui représentait un frein à mon évolution spirituelle,
de même que l’on s’allège de ce que l’on n’utilise plus.
Me recréer, telle était l’urgence. Être constamment
dans l’acte de me recréer. Prendre du recul sur les pas
sions, les observer, et me demander à quoi elles me
sont utiles pour servir qui je veux être à présent. Il n’est
toutefois pas question de nier la passion car la pas
sion est amour ; elle nous motive à exprimer qui nous
sommes. Mais vivre la passion créatrice sans jamais se
soucier du résultat car c’est l’attente et l’attachement au
résultat qui sont le vrai danger. L’attente est le contraire
de la liberté. La joie doit venir de la création, de la
connaissance et non de l’attente des conséquences qui
en découlent.
Je me suis donc réveillée. L’Expérience du Tout m’a
simplement transmis la «vérité».
Le monde est dans un état léthargique, alors il faut
le secouer. L’homme agité, stressé, pressé, croit vivre
alors qu’en fait, il n’en a aucune volonté.
Bien sûr, pour comprendre cela, j’ai vécu ce que
j’appellerai une conversion instantanée. J ’étais profon
dément endormie, et cette expérience m’a drôlement
secouée.
J ’ai cherché et essayé de la revivre coûte que coûte.
Je me disais qu’il existait sûrement quelque part un
endroit où une si belle aventure pouvait se reproduire.
J ’avais entendu parler des chamans sud-américains, des
sages africains qui initient ceux qui cherchent à devenir
des «Banzi» (celui qui éclôt, qui est sorti de sa coquille).
Portée par l’envie insatiable de revivre cette expé
rience, il fallait que j’aille à la rencontre de ces autres.
Je suis donc partie vers ces lieux prometteurs, au
risque de m’y perdre...
CHhPITRE 10
LES ATEUERS
OOCTE
JEAN-JACQUES
CU NiER
Un été où je m ’apprêtais à m ’envoler vers
l’Afrique, je fis un détour chez Corinne et Jean-Jacques
Charbonier. Rencontrer le docteur Charbonier était
pour moi un événement heureux dont je rêvais depuis
longtemps.
Le ciel commençait à blanchir lorsque le TGV s’ar
rêta à la gare de Toulouse. Le voyage s’était effectué
en silence, le train filant à travers la campagne française
du nord au sud. J ’arrivai seule sur le quai. Encore et
toujours en deuil, perdue dans l’absence de Michel.
C’est dans ces moments-là que les amis sont précieux.
Corinne a parfaitement capté l’état de désespérance
dans lequel je me débattais. Elle s’est vite doutée que
le sommeil m’avait fuie depuis longtemps.
La maison rose et verte se dressait fièrement au
bout d’un chemin sinueux qui montait sur les hauteurs
du village de Lavelanet. Du haut de la terrasse, lors
qu’on regarde à gauche, en face de la piscine, on jouit
des formes et des couleurs des vallées et des hautes
montagnes qui se déploient, avec les prairies accolées
les unes aux autres, abritant des maisons dont les toits
ont la couleur du soleil et dont l’ombre des murs semble
s’enfoncer dans la terre. Les montagnes s’élèvent très
haut, recouvertes par des sapins noirs, dominées par
un autre pic dont la neige au sommet fait fumer le vent,
au loin...
Des chevaux broutaient. L’air était léger et silen
cieux. Quelques oiseaux passaient en planant au-dessus
des prairies.
Les nuits sont d’une telle beauté en Ariège que l’on
traîne toujours un peu sur la terrasse, l’été, avant d’al
ler se coucher. Les étoiles scintillent les unes après les
autres dans un ciel pur. Par endroits, elles apparaissent
en parcelles lumineuses, telles des grappes de raisin
d’or. Posées sur les ténèbres, elles éclairent la nuit.
À droite de la maison des Charbonier, le long de la
route, un bois domine, brun et sombre, et le long du
chemin, des chèvrefeuilles et des aubépines exhalent
un parfum sucré. Les tiges des mûres noires se mêlent
aux feuilles écarlates des ronces. La route qui mène au
portail la maison serpente pendant quelques kilomètres
les pentes boisées...
Corinne s’assoit souvent sur la terrasse pour fumer
de petits cigares, sa chienne Zaza à ses pieds. Jean-
Jacques, de l’intérieur du salon, sourit, amusé par ce
personnage haut en couleur dont il est toujours très
amoureux.
Et moi, un peu plus loin, je suis plongée dans la
Cinquième Symphonie de Mahler, les écouteurs dans
les oreilles. Je sais pourquoi j’aime tant sa musique. Il
est présent en elle comme Van Gogh l’est dans sa pein
ture. Tout comme l’étrangeté de la décoration hante
cette maison, Mahler hante son oeuvre.
J ’ai toujours pensé qu’il était important que les êtres
humains se parlent. Le destin des autres peut toujours
nous servir de mise en garde.
Jean-Jacques et moi sommes très différents, mais
nous communiquons avec fluidité. Nous nous compre
nons, nous parlons la même langue.
Communiquer ne veut pas dire se perdre en
paroles, mais être conscient de ses sentiments et de
ceux des autres sans jamais les cacher. Les sentiments
représentent le véritable langage de lam e afin de se
connaître mutuellement dans la vérité. Viendra le
temps pour les hommes où les paroles ne seront plus
nécessaires. Ils communiqueront alors leurs sentiments
par vibrations, par télépathie. Lorsque s’exprime un
amour profond, les paroles sont inutiles. L’amour crée
la communication et toute communication véritable
m
émane de la vérité. Et la seule vérité, c’est l’amour.
Voilà pourquoi, lorsque l’amour est présent, la com
munication l’est, elle aussi.
Tout cela je l’ai expérimenté grâce à Jean-Jacques
Charbonier. Il m ’a offert de vivre deux expériences
fabuleuses lors de ses ateliers de transcommunications
hypnotiques. La première se déroula chez lui, dans sa
maison de l’Ariège, en privé, un matin d’été. La seconde
eut lieu lors d’une réunion publique à Toulouse. Jamais
je ne l’oublierai.
Allongés confortablement sur des transats, les yeux
fermés couverts par un bandeau, un casque sur les
oreilles, la séance commença. La musique puis la voix
du docteur Charbonier, grave et douce, nous entraî
nèrent alors dans un merveilleux voyage.
m
CIAPITIE 11
AFRiOUE riON A M :
L'EXPÉRIENCE
de L i r a
La découverte de l’Afrique fut une révélation pour
moi.
L’air est un élément particulier en Afrique. 11 est
chargé d’histoires de fantômes et d’apparitions mysté
rieuses. Le jour, il vibre comme les notes des violons
qui font frissonner les plantes, les arbres et la terre tout
entière en ondes chaudes et humides.
Pendant la saison de pluies, le sol des prairies qui
longeait par endroits la rivière était recouvert d’herbe
m
fraîche d’un beau vert foncé. J ’avais l’impression de
marcher sur un tapis de laine épais. On apercevait des
espèces de gazelles, attirées par l’herbe grasse. Nous
avons marché trois jours avant d’arriver au village.
Imaginez un être humain qui ne découvre la mer
qu’à l’âge adulte ou bien un musicien avec un don inné
qui n ’aurait pas entendu avant l’âge de trente ans une
symphonie de Mozart ou un opéra italien, vous aurez
alors une idée de ce que j’ai pu éprouver en découvrant
l’Afrique. Et lorsque j’ai connu les Africains je n’ai eu
qu’un seul désir, une seule pensée, celle de m’accorder
à leur rythme, à leur âme.
Ce n ’est pas simple de connaître et de comprendre
les Africains, mais ils sont l’Afrique personnifiée, en
chair et en os. Ils sont aussi bien les plaines du Serengeti
que la forêt équatoriale du Gabon ou les volcans de la
vallée du Grand Rift. Les animaux sauvages ne repré
sentent pas mieux l’Afrique que les Africains, grandes
et minces silhouettes sous un soleil écrasant.
En Afrique, la notion d’espace et de temps perd
de son sens. En Afrique, tout est beau après la pluie.
Tout est vivifiant. Je me demande s’il existe un bonheur
terrestre plus grand que de découvrir les vastes plaines,
de se trouver dans la brume et d’entendre le vacarme
assourdissant de la splendeur des chutes Victoria. Ces
grandes espaces qui s’étendent à l’infini, peuplés de
zèbres, de gnous, de girafes. Les jeux d’ombre et de
lumière lorsque le soir tombe sur le fleuve Congo.
Libérée des routes étroites et des pistes dangereuses,
l’immensité de l’Afrique nous projette dans une autre
dimension.
L’Afrique a sur moi un effet magique. Elle me pro
cure un sentiment de bonheur que je ne ressens nulle
part ailleurs dans le monde.
«L’Afrique doit être vue du ciel», disait Karen
Blixen. Elle avait raison. Alors, j’ai essayé là-bas d’al
ler au ciel lors d’un voyage au nord-ouest du Gabon
à la frontière du Cameroun. En perpétuelle recherche
de l’Expérience du Tout, j’ai voulu découvrir celle de
l’iboga...
Au coeur de la forêt équatoriale du Gabon et de
celui des traditions spirituelles se dresse un arbre, mys
térieux et dangereux, le Tabernanthe iboga. C ’est
un bel arbre qui produit des fruits d’un jaune ou rose
pâle. Ses fruits, sucrés et délicieux, n’ont aucune pro
priété psychoactive. C’est dans l’écorce des racines de
l’iboga que l’on trouve un alcaloïde puissant, et c’est
au cours d’un rite initiatique appelé «Bwiti», provenant
des populations pygmées du centre du Gabon, que les
premières cérémonies apparurent. Il est aujourd’hui
largement répandu dans tout le pays. À l’origine, il
n ’était réservé qu’aux hommes qui, une fois initiés,
étaient appelés «Maîtres» et devenaient les gardiens
du mystère de la connaissance de l’au-delà, celle du
monde des ancêtres. L’initiation apporte la preuve
visuelle de percevoir d’autres dimensions. L’iboga, en
outre, révèle la pluralité des existences et supprime
la notion du temps. Aujourd’hui, le rite est accessible
aux femmes.
C ’était une journée excessivement chaude et
humide. Le mois de février, en Afrique équatoriale, est
l’un des plus torrides. Au coeur de la forêt, l’humidité
peut atteindre quatre-vingt pour cent au sol. À quelques
kilomètres de Makokou, dans la province d’Ogooué-
Ivindo, se trouve le village pygmée de Zoula, situé
lui-même à une vingtaine de kilomètres de la petite
ville de Mékambo. D’un côté, les Kwélés, et de l’autre,
les Pygmées.
J ’y étais parvenue quarante-huit heures plus tôt. Le
chef de la communauté locale des Kwélés m ’avait
reçue, entouré de villageois portant des tam-tams et des
chaises. Ils chantaient et dansaient joyeusement autour
de moi, en signe de bienvenue. Les enfants tapaient
en rythme sur des bouteilles de bière vides avec des
branches sèches. Ils chantèrent et dansèrent ainsi toute
la nuit. Le lendemain, ce fut pour moi le début de l’ini
tiation. Une journée de jeûne total, isolée dans une case
en banco, strictement réservée aux futurs initiés. Un très
vieux villageois que je devais appeler «mère» me par
rainait. Il surveilla tout au long de la cérémonie le bon
dosage de la préparation ainsi que mes réactions, véri
fiant mon pouls, écoutant les battements de mon cœur.
Le grand jour arriva enfin. On me conduisit vers un
cours d’eau où les femmes du village me lavèrent et me
recouvrirent le corps d’une pâte de kaolin blanc, et la
tête d’une pâte de kaolin rouge. Le kaolin blanc repré
sente le sperme, mais aussi la pureté, tandis que le rouge
évoque les menstruations de la femme, la chair, la terre.
C’est au son d’une harpe que commença alors véri
tablement l’initiation, dans un temple sacré.
Ce rituel est une quête de la Vérité. La recherche
du lien que l’homme entretient avec le cosmos et la
mémoire de l’humanité. Et bien que loin de l’Expérience
du Tout, je garde de ce «voyage» une reconnaissance
particulière de mon passé ainsi que les messages vibra
toires de ces êtres lumineux que j’ai rencontrés alors.
Au cours de ce voyage, j’étais une Africaine qui
pillait le mil, un enfant sur le dos. Cette femme pleurait
son mari parti de l’autre côté de la mer dans une galère,
enlevé par des colons blancs qui en firent leur esclave.
Lors de mon «retour», le chef auquel j’expliquais mon
rêve très réaliste m ’affirma que dans une autre vie,
j’avais été cette Africaine, et que, dans ma vie actuelle,
je recherchais inconsciemment ce mari. Mon amour
pour l’Afrique s’expliquait tout simplement par le fait
qu’en posant le pied sur le sol africain, j’étais rentrée
chez moi. C’est alors que je me souvins qu’enfant, je
ne voulais que des poupées noires...
Ainsi, je ne revécus pas l’Expérience du Tout pour
laquelle j’étais venue dans cet endroit du bout du
monde, mais j’étais «rentrée à la maison»...
Je voudrais insister sur le fait que l’iboga est une
drogue, et je ne peux que mettre en garde tous ceux
qui, venus de l’Occident, seraient en quête d’initiations
de ce genre. C’est un rituel qui se manifeste au début
par des moments très douloureux physiquement et psy
chologiquement, voire dangereux, et qui dépasse de
loin le folklore africain. Ce rituel mystique n’est pas sans
danger, disais-je, et bien qu’il s’ouvre aux Occidentaux,
il est important de souligner que cette drogue est l’une
des plus puissantes au monde.
C’est pourquoi on la boit d’une manière régulière,
par petites gorgées. La poudre issue de l’écorce de la
racine est obtenue après avoir été longuement râpée.
Elle peut être soit mâchée soit diluée dans l’eau. C’est
alors une boisson amère qui nous entraîne dans un
long voyage empli d’hallucinations. Un long voyage
qui peut durer plusieurs heures, voire plusieurs jours,
à l’issue duquel une femme qui avait très récemment
accouché prit soin de moi, car j’étais alors redevenue
un nouveau-né. Je commençais ma nouvelle vie.
La mort, le voyage, la renaissance - le Kombo. Mais
en réalité, ma nouvelle vie avait commencé le jour de
mon expérience du Tout, en ce début d’après-midi dans
le sud de la France...
Ü A P IT tf 12
A LA RECLJ[RCUE
DES AURORES
BORÉALES
Le bac en poche, je suis partie seule à l’aventure, en
stop ! Et c’est chez les Samis, des éleveurs de rennes en
Laponie finlandaise, que j’ai posé mon sac à dos. Au
pays des elfes légendaires, composé d’immenses pay
sages à perte de vue, du soleil de minuit et des aurores
boréales. Dans les années 1980, il existait encore des
autochtones qui vivaient sous des tentes en peau de
rennes, se déplaçaient en fonction des besoins de leurs
troupeaux, et vivaient de leur viande et de leur lait, de
cueillette et de pêche.
La toundra s’étendait à perte de vue, blanche l’hi
ver et très sèche l’été. Des milliers de sapins et de lacs
formaient un paysage féerique. J ’étais dans le pays du
chamanisme. Aujourd’hui, je me rends compte à quel
point cette destination, dans le monde du sacré, était
un premier signe des connexions spirituelles à venir.
Au sein de la tribu dans laquelle j’ai séjourné
quelques semaines, tout était initiatique et symbolique.
L’énergie ressentie au contact des pierres, des arbres
et des rennes était très particulière. J ’ai le souvenir
de fjords profonds et sublimes en bas desquels la mer
plate et froide avait une couleur sombre, magique,
inquiétante.
À l’intérieur des tentes des Samis, le sentiment de
l’écoulement du temps n’était pas le même qu’à l’ex
térieur. Les heures s’écoulaient, douillettes et tièdes.
Dehors, même durant l’été, les nuits étaient froides, les
heures se traînaient.
L’été, en Finlande, le soleil ne se couche pas, alors
des milliers d’oiseaux chantent jour et nuit. Alors que
l’hiver, le froid pétrifie la vie. Pas un oiseau ne crie. Pas
un son ne résonne. La Laponie attend son réveil printa
nier. Tout est suspendu. L’eau, le ciel, le silence même.
Mais dès le printemps revenu, la vie coule sur les pentes
des falaises, les rennes reviennent brouter avec leurs
nouveau-nés et les nuages d’été planent vers le nord.
Une nuit, j’ai fait un rêve étrange. J ’étais assise sur
un rocher en bas d’une falaise, la mer à mes pieds.
Puis soudain, j’ai vu émerger une orque. La tête hors
de l’eau, elle me fixait. Dans mon rêve, je comprenais
que l’orque me disait qu’elle cherchait son bébé. Je
ressentais sa souffrance, son désespoir. «Où est mon
bébé? Je cherche mon bébé, rends-le-moi ! » J ’étais
bouleversée et lui montrais le large: «Va là-bas. Va au
large. Cherche ton bébé là-bas. » Mais elle me regardait
fixement et semblait me dire : «Non ! Pas la peine, c’est
vous, les hommes, qui l’avez tué. »
Le lendemain matin, après m ’être réchauffée, nous
avons pris notre petit déjeuner consistant en un bol
de thé au beurre rance et d’une soupe aux champi
gnons, avant de sortir avec les femmes Samis pour
la toilette dans le lac qui bordait le campement. Sur
le chemin du retour, nous avons longé un sentier qui
suivait un bras de mer en bas d’une haute falaise. Tout
en haut, au sommet, régnaient la pierre, la neige et
le ciel. Les femmes ramassaient des champignons et
cueillaient ces baies dont elles sont très friandes. Leurs
silhouettes rouge et jaune, à l’instar de petits person
nages de contes de Noël, avançaient sur la grève devant
moi. Au loin, les tentes fumaient au milieu des bosquets
de pin dont les troncs à la couleur de pain d’épice me
donnaient faim.
J ’en profitai pour fumer une cigarette, assise sur un
rocher à fleur d’eau. C’est alors que je le vis. Un énorme
corps noir, brillant et lisse, qui bondit hors de l’eau
dans une explosion d’écume. L’animal plongea puis
ressortit hors de l’eau, et avança calmement dans ma
direction. C’était une orque. Elle s’approcha et garda la
tête hors de l’eau, immobile quelques secondes, comme
dans mon rêve. Ses yeux me fixaient. Des yeux un peu
jaunes d’où suintaient un liquide épais, telle une larme.
Elle était là, toute proche, et je n’avais pas peur.
Son souffle puissant m ’inondait. Nous nous faisions
face dans un dialogue silencieux. Cela a duré quelque
m
temps. Dans une position à la verticale, elle se remit
à plonger puis à rejaillir, me regardant intensément
pendant de longs instants lorsqu’elle était hors de l’eau.
Alors, je compris. Je sus quelle cherchait son petit...
Désemparée, elle me disait: «Au nom des hommes,
rends-moi mon bébé... »
Nous vivions toutes deux une tragédie. Elle qui me
suppliait et moi qui ne pouvais pas l’aider.
Elle replongea alors lentement, une dernière fois,
et s’éloigna.
J ’eus l’impression de perdre une amie après l’avoir
trahie.
Sa douleur était mienne.
Par la suite, il ne fut plus question pour moi de
couper la branche d’un arbre ou la tige d’une fleur. Le
monde avait mal, la création souffrait, et je souffrais
avec elle. L’orque me regardait et je lisais la souffrance
dans ses yeux. Nous souffrions ensemble. L’orque était
ma sœur cosmique et elle était devenue ma raison de
vivre...
CHAPITRE 13
LE Ml DE
NON EXPÉRIENCE
«Expérience » est un maître-mot, une voix locomo
tive, si ce n ’est un leitmotiv planté dans ma conscience.
J ’ai conçu ma vie comme une sorte de succession d’ex
périences en continu qui m’ont conduite à travers le
monde. J ’ai la certitude inébranlable d’y avoir trouvé
cette autre connaissance de moi-même, cette lumière
qui m’a permis de me connaître et de renaître toujours
davantage. Au cours de notre vie, on renaît chaque jour
jusqu’à l’accomplissement...
Depuis ma plus tendre enfance, je voulais tout
voir, tout découvrir et tout connaître. La somme de
mes expériences m ’a portée à cette conclusion que
la vie n ’est qu’une expérience ontologique. Et ce que
j’appelle «l’aventure gnostique de l’homme» en est la
preuve. Autant dire que la connaissance s’inscrit dans
une dimension mystique, car elle s’enracine dans le
Tout.
Dans le Tout, la vie ne connaît pas la mort. En
revanche, c’est dans cette dimension-là que les états
se déroulent pour mieux se renouveler. Durant cette
expérience, j’ai vécu ces cycles de renouvellement de
la vie. Je suis passée par tous les états de l’être. J ’ai
vécu la réminiscence, la métempsychose, l’incarnation
et la réincarnation. J ’ai vécu toutes sortes de formes du
divin, toutes sortes de religions.
Rencontrer l’humain est toujours mon projet exis
tentiel. Je suis allée à la rencontre des peuples que
je ne connaissais pas. J ’ai vécu parmi eux. Alors que
souvent, l’Occidental arrive dans ces contrées imbu de
sa personne, de sa technologie, de sa technique, mais
il se rend compte rapidement que ces peuples ont tel
lement plus à nous apprendre. Ce qui importe, c’est
l’échange. En matière de culture et d’humain, on ne
peut raisonner en termes de plus de connaissances chez
LE SENS DE Ï10N EXPERIENCE
les uns et de moins chez les autres, dès lors qu’il s’agit
d’éduquer et de «grandir» l’humain. On a toujours peur
de ce que l’on ne connaît pas. Ô homme, va à la ren
contre de celui que tu ne connais pas et tu te connaîtras
toi-même! En conscience, j’invite l’homme à opérer
un prolongement tendanciel du désir de connaissance
physique et métaphysique. Ce que le calcul et le rai
sonnement n ’ont pu réaliser, l’Expérience du Tout m’a
permis de voir et Dieu et l’homme.
Notre visage devrait s’inscrire dans cette démarche
de connaître les autres dans le miroir de la simplicité.
Voilà la véritable figure de la vie qui n’est pas autre
chose que la connaissance de l’autre, pour naître avec
lui. Ma conscience n’était pas aussi éveillée que lorsque
je m’y éveillais grâce à la rencontre de ma figure dans le
visage de l’autre. Ce dernier, porteur du Tout, a éveillé
ma conscience. La connaissance de l’autre a insidieu
sement tracé le chemin qui m’a conduit à connaître
l’Expérience du Tout, d’où la conscience éveillée est
née. Ainsi va le bonheur de la vie. Ainsi je m’explique
l’abandon de «moi-même» sur les routes du monde et
sur la route de l’humain.
L’action de l’homme va dans le sens contraire de
l’ego lorsqu’elle n’a pour motivation que sa part divine.
Sinon, l’ego mène l’homme dans le sens contraire de
l’éveil, dans le sens contraire de la vie. Celle-ci est ce
qu’il y a de plus sacré chez l’homme et ce dernier le sait.
Pourtant, il continue de polluer, de construire toujours
plus grand son ballon de gaz capitaliste et financier qu’il
manipule comme un incapable majeur, sans aucune
surveillance. L’homme est dans l’enfance au regard de
la conscience du Tout.
Pour ma part, l’Expérience du Tout a enrichi ma
faculté altruiste et m’a convaincue de cette vérité selon
laquelle l’altruisme consiste à une transmission réci
proque du divin.
CIMUE 11
LE SENS DE LA
E
Lorsque je dis que j’avais la connaissance, je parle
d’une connaissance qui se trouve au-delà de tout ce que
l’on peut imaginer. En fait, l’homme se trompe complè
tement de but, de chemin. S’il souffre autant sur Terre,
c’est qu’il chemine trop lentement vers la connaissance.
Il est alors de son devoir de connaître absolument l’éter
nelle vérité de tout ce qui est, la vérité du Tout. C’est
lors de cette incroyable expérience que j’ai compris les
grands mystères que je ne peux cependant expliquer.
Mais les grands mystères sont-ils explicables? J ’avais
l’expérience de la réalité la plus grande. Car il n’existe
qu’une seule et unique vérité, la vérité finale, et l’homme
prend des chemins tellement compliqués pour y accé
der. Lorsqu’il arrive sur Terre, il oublie qu’il avait cette
connaissance, avant. Lors de cette expérience du Tout,
j’ai compris ma divinité. Dans la dimension dans laquelle
nous vivons, nous créons une réalité individuelle qui est
une forme d’illusion alors qu’il existe une réalité plus
vaste, la réalité du Tout qui, elle, est unifiée.
Dans notre vie terrestre, tout est question de choix.
En fait, tout au long de notre vie, nous faisons l’expé
rience de ce qui a déjà été vécu, de ce qui a été créé. En
réalité, nous ne créons rien. C’est la conscience univer
selle qui crée.
L’infiniment petit n’a pas de fin, tout comme l’infi-
niment grand. Notre condition d’être humain est une
infime partout du Tout que j’ai vécu. Lorsque j’étais hors
de mon corps, j’avais élargi ma vision comme si j’avais
réalisé des sauts quantiques. J ’avais alors une vision glo
bale de tout. J ’avais cette impression de tout comprendre
et j’ai compris que tout cela était immensément plus
w
grand que la réalité que nous expérimentons dans notre
corps au quotidien.
Cette compréhension m ’avait transcendée. Je
me disais: «Oh, mon Dieu! Je n’avais pas compris
ça?» J ’étais émerveillée d’avoir compris ce que Dieu
comprend lui-même. Je savais ce que Dieu sait.
La vie, telle que je l’ai ressentie lors de cette expé
rience, n’a pas de commencement puisqu’elle n’a pas
de fin. La vie s’étend, prend des formes différentes, des
formes nouvelles qui créent indéfiniment la vie.
Lorsqu’on arrive dans une nouvelle vie, nous nous
donnons une autre forme physique chargée d’énergie.
C’est une autre forme de vie et d’énergie qui existait
déjà sous la forme de lame. La vie est toujours là, jamais
loin, jamais proche, jamais absente. Elle ne commence
ni ne finit pas.
J ’ai compris qu’aucun être humain, même s’il tue
son voisin, son mari, un enfant, un chat, un chien... ne
tue personne. C’est la forme physique qui est tuée, une
énergie physique, mais la vie ne s’arrête jamais car on
ne peut pas tuer lame. La notion de crime, bien qu’inac
ceptable, est au niveau spirituel complètement différente.
m
La grande leçon que je tire de ce voyage sublime,
c’est que nous ne faisons qu’un, non seulement avec
le reste de la Terre mais avec le reste de l’Univers ou
des univers. Nous ne faisons qu’un avec Dieu qui n’est
pas, ici, celui des juifs ou des catholiques ou des musul
mans. Nous ne faisons qu’un avec la connaissance. Nous
sommes la volonté de Dieu et Dieu est notre volonté. Et
c’est parce que nous ne faisons qu’un avec cette image
de Dieu que toute notion de jugement, de culpabilité, est
fausse. Je suis toi et tu es moi.
En fait, nous sommes sur Terre, dans cette dimen
sion, sans en faire réellement partie. Notre place est
ailleurs. Ce qui laisserait à penser que la réalité terrestre
n ’est pas la vraie réalité. Ce n ’est peut-être qu’une
illusion que nous empruntons, que nous créons nous-
mêmes pour apprendre.
L’Unité est la seule vérité ; la séparation est l’Ultime
illusion.
Vivre dans l’illusion, c’est vivre dans la souffrance.
Rien ne changera tant que l’homme ne comprendra pas
cet état de fait.
Il n ’existe que l’amour et la connaissance.
Le temps n’existe pas. Le seul instant qui compte,
c’est celui qui existe ici et maintenant. Le temps n’est
qu’un aspect des choses...
Lors de mon expérience, j’ai vu les événements défi
ler, passer les uns devant les autres. Ils se produisaient
tous en même temps, de sorte que la notion de temps
et d’espace n’avait rien à voir avec ce que je vivais ici et
maintenant.
Parler du mal, cela reviendrait à supposer un dieu
malsain. Or, le mal est absent dans le monde du Tout.
Nous sommes parfaits tels que nous sommes. Il faut
nous aimer tels que nous sommes et ainsi on ne peut
plus faire d’erreur. Le mal est un concept créé par l’être
humain. Les règles ont été créées par les hommes et ce
sont eux qui les modifient en fonction de leurs besoins
du moment.
Dans le Tout, il n’y a aucun enfer, aucun purgatoire,
pas de punition ni de jugement après la mort. Il n’y a que
des conséquences relatives à notre vie sur Terre.
C M P I T l f V>
L'ETUiQUE [1 LES
VOIES DE LA VIE
Nos pensées sont créatrices. Nos paroles et nos
actes s’envolent dans l’Univers. Le bon, le mauvais,
la justesse, l’illusion. Elles opposent des forces dans
un combat sans fin. Seuls la compassion, l’empathie,
l’amour, permettent à nos consciences de créer dans
cet Univers au creux duquel nous sommes immergés.
À nous de nous libérer. Abolissons l’égoïsme, oublions
notre ego, notre individualisme, en consacrant notre
vie à apporter de l’amour aux autres. Notre conscience
s’en trouvera alors profondément modifiée. Changeons
de paradigme par la destruction des murs meurtriers
1ü7
et séparateurs qui sont marqués par le sceau de nos
actions passées.
L’idée que tout est écrit et que nous ne pouvons rien
changer est vraie et fausse à la fois. Nous avons une
multitude de possibilités et de choix qui s’offrent à nous.
L’Univers nous donne la liberté de créer nos vies, et par
\
m
à ouvrir la porte du vaste jardin abandonné et de quêter
dans la lumineuse obscurité les essences de la vie.
Nous aurons la possibilité de faire exploser tous les
morceaux de la mosaïque. Nous pouvons tout changer,
changer notre avenir afin que nous n’ayons pas à faire
l’expérience du passé.
Nous avons pris l’habitude de vivre continuellement
et indéfiniment des vies bornées.
Vivons nos vies de diverses façons...
Nous sommes des dieux ou plutôt nous sommes
tous minéraux, animaux, végétaux et humains, conçus
dans des proportions divines sans aucune limite. Nous
sommes la vie, et nous en portons les essences qui nous
permettent de faire l’expérience de qui nous sommes,
ici et maintenant.
Nous sommes dans un éternel instant de création
car l’homme est dans un perpétuel renouvellement,
à chaque instant de sa vie. L’homme est en perpétuelle
mutation au creux desquelles fluctuent les rencontres.
Nous attirons à nous les circonstances de la vie pour
comprendre et construire la version la plus magnifique
que nous n ’avons jamais eue de nous-mêmes. C’est
\
un processus de création infinie et éternelle dans un
espace-temps qui n’existe pas, car nous vivons toutes
nos vies en même temps.
Chacun de nous crée tout ce qui est vécu à l’ins
tant même ; nous sommes chacun et cet instant et la
création.
Nous accédons alors à la réalité ultime de toute
chose, une force de vie pure. C’est le grand Soi qui
oeuvre pour le bonheur de tous, la force qui rendrait
toute vie terrestre heureuse.
C ’est ce que les bouddhistes l’appellent «la
conscience du Bouddha» ou la nature du «dharma»,
parce quelle est l’illumination potentielle, présente en
chacun de nous, en chaque être. L’homme ainsi révélé
à lui-même peut transformer totalement le principe de
cause à effet qui illumine la conscience quand elle est
aveugle, pour nous conduire vers la sagesse plutôt que
nous maintenir dans l’illusion.
Comment ne pas succomber à la folie après toutes
ces expériences? Michel ainsi que la méditation m’y
ont aidée. Je me mis surtout en quête des autres:
orphelinats en Afrique, refuges d’animaux, groupes de
prière et d’accompagnement aux mourants. Je voulais
tout prendre sur moi et avec moi. Je voulais alléger la
souffrance du monde. J ’avais compris en quelques ins
tants, lors de cet envol extraordinaire de l’Expérience
du Tout, que sauver une fourmi sauvait le monde.
Je ne sais si de telles expériences se produisent
fréquemment et comment reconnaître les critères attes
tant que cette expérience est vraiment celle d’une autre
dimension, d’une expérience de Dieu.
Celui que Dieu a touché et qu’il accueille possède un
rayonnement particulier, surtout lorsqu’il vient d’éprou
ver l’expérience, mais aussi lorsqu’il reste porté par son
action.
En une seconde, le monde m ’est apparu sous
un autre jour. J ’ai pris la décision et j’eus la force de
commencer une vie complètement différente de celle
que j’avais menée jusqu’alors.
Tout ce qui me paraissait stable et rassurant s’est
révélé être bâti sur du sable. Tout ce qui paraissait judi
cieux devenait vide de sens.
J ’ai jeté par-dessus bord toutes mes conceptions
antérieures de la vie. J ’avais été de la famille de l’arbre,
de la feuille de l’arbre, la feuille qui n’avait plus peur de
l’automne qui viendra et la verra tomber, se dessécher
et devenir poussière. Oui ! J ’étais la feuille qui était elle-
même l’arbre dans toute sa totalité en ressentant que
la vie et la mort annuelle de la feuille font partie de la
totalité de l’arbre. J ’avais une autre vision de la vie. Le
Tout était ma vie secrète, ma partie transcendante. Elle
était promesse et vérité vraie.
Tous les choix que nous faisons envoient des ondes
dans le monde, comme ces galets que nous jetions,
enfants, à la surface des plans d’eau. Nos petits gestes
de bonté peuvent provoquer une réaction en chaîne
et de magnifiques conséquences. Même si nous ne les
voyons pas, ils sont pourtant réels...
m
^ r
j L
m
CONCLUSION
GENEVIEVE DELPECH