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Une influence majeure des marchés financiers économique de 2009 (- 0,6 % au niveau mondial) continuent
à peser sur les marchés par le biais de l’endettement des
Le prix du pétrole n’a pas échappé à l’influence d’un États occidentaux.
contexte économique incertain qui a provoqué de fortes Le premier semestre a été marqué par les incertitudes du
corrections tout au long de l’année. Il a, de ce fait, suivi contexte européen, avec les dégradations successives de
globalement les hésitations des marchés financiers la note de la dette de la Grèce (fin 2009), du Portugal
(figure 1), qui ont fait osciller l’indice Dow Jones entre (mars) et de l’Espagne (mai) qui aboutissaient à un décro-
10 000 et 11 400 points. Le pétrole a, pour sa part, fluc- chage violent des marchés financiers et du pétrole en mai.
tué entre 67 et 90 $/b au cours de l’année.
La hausse du prix du brut constatée entre février et avril,
Fig. 1 - Évolution du Dow Jones et du pétrole WTI en 2010 (jusqu’à soutenue par les résultats positifs des sociétés, était ainsi
début décembre) entièrement annulée, le pétrole passant ponctuellement
120 12 000
sous les 70 $/b fin mai. Il faudra l’annonce de la création
du Fonds européen de stabilité financière (FESF), lors d’un
Dow Jones sommet exceptionnel des chefs d’État début mai, pour
110 11 000
rassurer les marchés. La publication en juillet des tests
de résistance des banques jugés plutôt satisfaisants ira
100 10 000 dans le même sens.
90
Dans ce contexte, l’euro, qui avait perdu 16 % entre janvier
9 000
WTI $/b et juin (figure 2) commencera sa remontée alors que les
inquiétudes se tourneront désormais vers les États-Unis.
80 8 000
Le rapport de conjoncture de la Réserve fédérale améri-
caine (Fed) de fin juillet confirmera les doutes des inves-
70 7 000 tisseurs quant à la pérennité de la reprise économique,
avec une croissance de seulement 2,4 % au deuxième tri-
60 6 000 mestre, contre 3,7 % au précédent. Cela entraînera en
Janv.-10 Avril-10 Juil.-10 Oct.-10 août une nouvelle chute des marchés et du pétrole dans
leur sillage, qui perdra ainsi près de 14 $/b sur ce seul
Sources : Platts, Yahoo mois pour revenir vers les 70 $/b.
La vision économique et financière a ainsi été l’élément Les mois de septembre à novembre seront à nouveau
déterminant dans la formation du prix. Les secousses orientés à la hausse, grâce une nouvelle fois aux résultats
de la crise financière de 2008, suivies par la récession favorables des sociétés, comme en avril et juillet, et surtout
le point sur
Contexte pétrolier 2010 et tendances
à l’annonce de la Réserve fédérale américaine affirmant Chine (10 %). Ce constat a été à l’origine des corrections
sa volonté d’injecter des liquidités, si nécessaire. Le plan haussières poussant le brut à plus de 80 $/b.
de la Fed sera dévoilé le 3 novembre, prévoyant 600 mil-
liards de dollars d’achat d’obligations d’État avec l’objectif Fig. 3 - Croissance économique par zone
affiché de relancer la croissance (par le biais indirect de 10
Monde
l’accroissement de la liquidité bancaire, de la hausse des OCDE
actifs et de l’inflation anticipée). 8 Non OCDE
%
85 Brent $/b 2
1,5
80 0
1,4
Brent
75 €
1,3 -2
70 €/$
1,2 -4
65
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
1,1
60
Source : FMI (octobre 2010)
De 2004 à 2008, la faiblesse des capacités de production 70/80 $/b comme référence des coûts
disponibles a constitué sans aucun doute une explication marginaux de production
crédible, aboutissant à un prix de destruction de la
demande nécessaire pour rétablir l’équilibre offre/
Compte tenu du rôle de l’Opep prêt à assurer le rôle
demande. Cette affirmation est cependant contestée par
de producteur d’appoint en période d’offres excéden-
certains experts dans un débat qui ne sera probablement
taires, le marché pétrolier a pu développer au fil du
jamais tranché.
temps des offres à des coûts relativement élevés.
Actuellement, il est possible d’identifier deux facteurs
Ce fut l’offshore de la Mer du nord dans les années 80,
susceptibles de donner un sens aux prix observés : il
et plus récemment l’offshore très profond et les huiles
s’agit des coûts de production les plus élevés et, à nou-
veau, des marges de manœuvre du marché en termes de non conventionnelles. Ces dernières jouent aujour-
capacités disponibles. Le premier facteur joue sur la zone d’hui le rôle de fourniture marginale du marché aux
d’équilibre du prix, le second sur une prime éventuelle coûts de production les plus élevés. Il s’agit en parti-
dans l’hypothèse d’un risque de tensions. culier des sables bitumeux du Canada, qui représen-
tent un volume de l’ordre de 1,5 millions de baril jour
(Mb/j), soit 2 % environ de la production mondiale,
Spéculation et volatilité
volume qui devrait atteindre 2,8 Mb/j en 2020.
La volatilité structurelle du prix du pétrole ne semble
pas très fortement affectée par la montée en puis- Une étude de 2008 d’un consultant canadien (Ross
sance des contrats financiers sur le pétrole observée Smith Energy Group) permettait d’estimer la valeur
depuis 6 ans. En moyenne mensuelle, elle est en effet plancher des huiles lourdes canadiennes à 60 $/b
relativement stable depuis les années 1990, se pour obtenir un taux de retour de l’ordre de 10 %.
situant autour de +/- 0,5 % à 1 % par jour avec bien Pour un taux de 15 %, un prix de 80 à 90 $/b devenait
entendu des pointes en période de crise. nécessaire. La compagnie norvégienne Statoil a évo-
qué plus récemment, début 2010, un seuil de 70 à
Fig. 4 - Écarts journaliers du Brent en $/b – moyenne 22 jours 80 $/b, proche de celui évoqué par l’AIE (65 à 75 $/b –
1,0 WEO 2010).
Cette fourchette de prix, évoquée d’ailleurs à plusieurs
0,5
reprises par les membres de l’Opep comme juste prix,
avait donc un sens pour définir des cotations sur le
0
marché, en ligne avec les coûts marginaux de produc-
$/b
L’équilibre offre/demande anticipé pèse et 4 Mb/j en 2015. Une Opep plus forte pour gérer l’offre et
à la hausse sur le prix un déclin des marges de manœuvre constituent sans
conteste des facteurs de soutien haussier pour le marché.
Il est souvent difficile de comprendre une relative tension C’est la vision anticipée actuellement par les marchés,
sur les prix à court terme (spots) alors que le seul ce qui se traduit par des prix à terme, qui cotent le
contexte du moment ne la justifierait pas. Le marché pétrole pour les mois à venir, orientés à la hausse. Ces
pétrolier est en effet caractérisé par des capacités excé- cotations financières, qui fluctuent fortement comme
dentaires de production assez élevées, de l’ordre de 6 Mb/j, les prix spots, avec la perception du futur, ont ainsi anti-
soit plus de 7 % de la demande. Pour comprendre les cipé la moyenne 2011 entre 80 et 90 $/b (figure 6) tout
hausses actuelles des cours, il convient donc de se tourner au long de l’année 2010.
vers l’équilibre attendu dans les prochaines années. Les prix spots fixés au jour le jour sont influencés par ces
La demande, qui a reculé de 1,6 Mb/j entre 2007 et 2009 anticipations. Un écart trop important entre prix spots et prix
sous l’effet de la crise, est désormais à nouveau orientée à à terme entraînerait en effet des mécanismes physiques de
la hausse. Une croissance très forte de 2,2 Mb/j est ainsi réajustement via le stockage. Ceci explique pourquoi, en
attendue en 2010, et de l’ordre de 1,1 Mb/j en moyenne dépit de capacités excédentaires importantes actuellement,
annuelle jusqu’en 2015. Les pays émergents seront à l’ori- le prix est relativement élevé. Une progression du prix
gine de la hausse (+ 1,4 Mb/j), alors que les pays occiden- moyen annuel de 80 $/b en 2010 à près de 90 $/b en 2015
taux entament un déclin structurel de leur consommation. est ainsi envisagée par les marchés.
Dans le même temps, la production des non Opep devrait Fig. 6 - Prix moyen mensuel du WTI (2009-2010) et anticipation des
stagner autour des 53 Mb/j, ce qui nécessitera un recours marchés (prix à terme)
croissant à l’offre des pays de l’Opep. La production du 100
cartel passera ainsi de 34 Mb/j en 2010 (LGN inclus) à plus
90
de 39 Mb/j en 2015 (figure 5). Hors LGN, la progression
devrait se situer à 3,7 Mb/j, ce qui devrait permettre d’ab-
80
sorber la hausse attendue de l’Irak (+1 Mb/j d’ici 2015), en
laissant une marge significative pour les autres pays 70
Prix à terme à différentes dates
$/b
90
Demande
30
Janv.-09
Avril-09
Juil.-09
Oct.-09
Janv.-10
Avril-10
Juil.-10
Oct.-10
Janv.-11
Avril-11
Juil.-11
Oct.-11
80
70
0,6
0,4 17,9
10,8 13,3
0,2 9,5
8,1
7,4
2,3 2,3 3 2,5 4,4
1,1
0
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 Pétrole Liquide de Huiles lourdes Gain Biocarburants
conventionnels gaz naturel GTL, CTL raffinage
Source : BP
Source : IFP Energies nouvelles – Base données AIE
Au niveau mondial, cette analyse est plus difficile à
faire compte tenu des trois paramètres suivants : À court/moyen terme, le risque de pic, au niveau
■ l’ i n ce r t i t u d e s u r le s re ss o u rce s u l t i m e s mondial, est donc assez faible, mais présente une
récupérables, probabilité forte d’intervenir avant 2030. Il convient
■ la diversité de l’offre de liquides qui est plus large de souligner que, d’un point de vue régional, la
que les seuls pétroles conventionnels : elle inclut situation est bien différente, marquée par un recul
les liquides de gaz naturel (LGN), les pétroles non de l’offre non Opep. Cela signifie un recours
conventionnels (huiles lourdes - Canada et croissant inévitable à l’offre Opep qui concentre
Venezuela), mais aussi les produits pétroliers 70 % des réserves mondiales. La moitié de l’offre
issus du gaz ou du charbon (GTL et CTL) ainsi que pétrolière dépendra ainsi de l’Opep d’ici 20 ans,
les biocarburants, contre 40 % actuellement.
le point sur
Contexte pétrolier 2010 et tendances
Un scénario baissier à court terme reste Impact du prix du pétrole sur le marché gazier
envisageable... Le prix du gaz importé en Europe est historiquement indexé sur les
Ce schéma de hausse régulière du prix s’appuie bien évi- produits pétroliers, et donc indirectement sur le pétrole. Depuis le
début de la crise financière de 2008, on assiste à un découplage
demment sur le scénario central de croissance économique
très marqué de ce prix par rapport aux cotations court terme, NBP
proposé par le FMI. Il implique une forte croissance de la pour le Royaume-Uni et Henry Hub pour les États-Unis (figure 9).
demande pétrolière des pays émergents, Chine en tête, qui Plusieurs facteurs sont à l’origine de ces écarts :
compense largement le recul de celle des pays occidentaux. ■ le pétrole, qui avait fortement chuté début 2009 (40 $/b environ)
Le niveau effectif de la croissance économique à venir sera connait depuis une progression régulière (74 $/b fin 2009, 80 $/b
ainsi un facteur déterminant pour le prix du brut. La croissance en 2010),
mondiale de 4,2 % envisagée pour 2011 reste encore incertaine, ■ les marchés spots du gaz ont fortement réagi à la crise passant
par des niveaux particulièrement faibles mi-2009 (10 €/MWh ou
comme le rappelle régulièrement le FMI, soulignant en particu- 4 $/MBtu) faute de demande et dans un contexte d’excédents
lier les risques financiers existants. Un scénario à seulement d’offre,
3 % de croissance est ainsi envisagé pour 2011. ■ de nouvelles références se sont mises en place en 2010 :
Poids de la dette dans les pays occidentaux qui peut à la fois concurrence charbon pour le marché anglais, ce qui pousse le
peser sur la demande et les taux d’intérêt, risque de bulle dans NBP à la hausse (le charbon est passé de 71 $/t en mars à
116 $/t fin 2010) ; coût des gaz non conventionnels aux États-
certains pays émergents lié à un afflux de capitaux, politique res- Unis, dans un contexte d’excédents d’offre, ce qui a maintenu
trictive en Chine visant à contrôler l’inflation sont autant de scé- les prix autour de 4 $/MBtu (hors effet hiver 2009/2010).
narios envisageables. Un retour vers les 70 $/b est ponctuelle-
Avec des prix potentiellement élevés du pétrole (80 $/b et plus),
ment envisageable dans un tel contexte dégradé. les prix indexés devraient se maintenir en 2011 au dessus des
Il convient également de souligner que la baisse des coûts de prix spots, même en tenant compte d’une part d’indexation sur
production des pétroles les plus chers à produire, les le prix court terme (10 à 15 %). Ainsi, sur la base des cotations
pétroles lourds du Canada en particulier, est également envi- de fin novembre, les prix indexés pourraient se situer autour de
26 €/MWh contre 20 à 21 €/MWh pour le NBP et 12 €/MWh
sagée. Le seuil jugé comme raisonnable compris entre 70 et (4,5 €/MBtu) pour le Henry Hub. La pression risque ainsi de res-
80 $/b n’est de ce fait pas une fatalité, ce qui pourrait peser à ter forte en 2011 pour réduire les achats long terme ou renégo-
la baisse sur les prix. cier une nouvelle fois les contrats afin de renforcer un peu plus
la part spot.
Vers une moyenne de 80 à 90 $/b en 2011 Fig. 9 - Prix moyen mensuel du gaz (Europe, NBP et Henry Hub)
35 13.3
La moyenne 2010 s’inscrit à près de 80 $/b, ce qui constitue un
record juste derrière les 97 $/b de 2008, année de tous les
30 11.4
excès. Cette valeur 2010 s’inscrit dans une tendance de fond
que l’on observe depuis 2004 (38 $/b), qui a abouti à un double-
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