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Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales de Tanger

Université Abdelmalek Essaidi

FSJES TANGER

Exposé sur :

Module : Droit Constitutionnel Comparé

Recherche sur :

Master DGL |S1 : 2020 -2021


LE FÉDÉRALISME ALLEMAND
Le Fédéralisme
Allemand

Encadrée par le Professeur Adnane ABDELHAMID

Réalisée par
- AMINE AOUFI
- HIND LAITI
- ILYASSE SAYAH
- LOUBNA EL HAOUAS
- AMAL EZ ZOHRI
Le fédéralisme Allemand 2

Module : Le droit constitutionnel comparé


LE FÉDÉRALISME
ALLEMAND

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Résumé

Ces dernières années, le système fédéral allemand a été soumis à un certain nombre
de pressions en faveur du changement.

Un débat constitutionnel sur le « démêlage » des rôles législatifs des institutions


fédérales et des Länder qui a bégayé dans les années 1990 et dans les années 2000 a
finalement conduit à une réallocation des compétences en 2006.

Ces réformes ont déplacé certains domaines de responsabilité législative du fédéral


vers les Länder niveau et assoupli les règles qui avaient auparavant justifié une dérogation
fédérale lorsque les deux niveaux exerçaient simultanément des responsabilités législatives.

À tout le moins, ces ajustements constitutionnels ont accru la possibilité que les
résultats politiques divergent d'un Land à l'autre et expriment des différences territoriales de
priorité et de préférence.

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Summary

In recent years, the German federal system has come under a number of pressures for
change.

A constitutional debate on the “disentangling” of the legislative roles of federal


institutions and the Länder that stammered in the 1990s and 2000s finally led to a reallocation
of powers in 2006.

These reforms shifted some areas of legislative responsibility from the federal to the
Länder level and relaxed the rules that had previously justified a federal exemption when both
levels simultaneously exercised legislative responsibilities.

At the very least, these constitutional adjustments have increased the possibility that
political results will diverge across Land and express territorial differences in priority and
preference.

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Dictionnaire

der Bundla fédération


föderativ fédéralder
Föderalismus le fédéralisme
Bundesweit à l’échelle fédérale
das Bundesland ( ̈er) le Land / la région
auf Landesebenesur le plan régional
der Landtag (e) le parlement régionaldie
Landeshauptstadt ( ̈e) la capitale régionaledie
Landesregierung (en) le gouvernement régional
der Ministerpräsident (en, en) le président de région
der Landesminister (-) le ministre de région
der Landtagsabgeordnete (n) le député du parlement régional
der Sitz (e) le siège
aus + Dat bestehen (a,a) se composer de
die alten Bundesländer (West) les anciens Länder (Ouest)
der Stadtstaat (en) la ville-État
für etwas (Akk) zuständig sein être responsable de, compétent pour
auf (Akk) angewiesen sein être tributaire de
liegen (a,e) se situer
nördlich au nord
südlichau sud
westlichà l’ouest
östlichà l’est
Baden-Württemberg le Bade-Wurtemberg
Bayernla Bavière
Thüringen la Thuringe
Sachsen la Saxe
Mecklenburg - Vorpommernle Mecklembourg-Poméranie occidentale
Brandenburgle Brandebourg
Niedersachsen la basse Saxe
Hessen la Hesse
Nordrhein-Westfalen la Rhénanie du nord-Westphalie
Rheinland-Pfalzla Rhénanie-Palatinat
Saarlandla Sarredie
Fläche (n) la superficiedie
Einwohnerzahlle nombre d’habitantsdas
meistbevölkerte Land la région la plus peuplée
das dicht besiedelte Land la région d’une grande densité de population
der Ballungsraum ( ̈e) la région à forte concentration urbaine
die Abwanderung l’émigration vers l’ouest
die Wettbewerbsfähigkeit la compétitivité
die Landwirtschaft l’agriculture
amtierenêtre en fonctionsich
an/siedeln s’implanterder
Industrieort (e) le site industriel
an/steigen (ie,ie) augmenter
zurück/gehen (i,a) reculer, baisserdie
Geburtenrate (n) le taux des naissancesdie
Arbeitslosenquote (n) le taux de chômage

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Plan de la recherche

Introduction
Titre I
GENESE DU SYSTEME FEDERAL ALLEMAND ET SON DEVELOPPEMENT
Chapitre I : Les phénomènes de centralisation et d’enchevêtrement des compétences

Axe1 : Evolution historique


Axe 2 : Les organes politiques fédéraux

Chapitre II : La nouvelle répartition des compétences entre la fédération et les Länder

Axe 1 : Compétences exclusives


Axe2 : Compétences concurrentes

Titre II
LES IMPACTS DE LA REFORME SUR LES COLLECTIVITES LOCALES
Chapitre I : Les impacts financières

Axe 1 : Réforme des responsabilités financières de la fédération, des Länder


et des collectivités locales
Axe 2 : Perspectives d’évolution : fédéralisme fiscal et restructuration du
territoire fédéral

Chapitre II : les impacts face à la construction européenne


Axe 1 : Les Länder : frein de l’intégration européenne ?
Axe 2 : Perspectives fédérales après Maastricht et Amsterdam
Conclusion
Bibliographie

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Introduction
Depuis 1949, la démocratie allemande est organisée sous une forme fédérale originale
qui puise ses racines dans la longue histoire de la constitution de l’Etat allemand et son
expression moderne dans la situation très particulière de l’immédiat après-guerre.

Cette organisation a évolué dans le temps sous la pression d’une certaine tendance à
la centralisation, qui caractérise la plupart des Etats fédéraux, mais aussi pour prendre en
compte les questions tout à fait spécifiques que lui posait l’évolution de l’intégration
européenne, avec l’apparition d’un niveau de décision supranational.

Le fédéralisme allemand mène un double combat. Face aux tendances centralisatrices


du système politique allemand, il cherche à défendre le partage des compétences entre les
Etats fédérés (Länder) et l’Etat fédéral (Bund) prévue par la Loi fondamentale (Grundgesetz).

L’essentiel de la vie politique allemande se passe au niveau fédéral ; la grande majorité


des lois est votée par les représentants politiques fédéraux, les impôts les plus importants
sont payés aux autorités fédérales, la plupart des partis politiques élaborent leur programme
au niveau fédéral.

Pour la plupart des citoyens allemands, les politiques fédérale, communale et


européenne représentent des enjeux plus importants que la politique de leur Etat fédéré
(Land).

L’objet de notre recherche est de savoir ; Comment a évolué le régime politique


allemand ? quels sont ces organes politiques ? Comment sont répartis les nouvelles
compétences entre la fédération et les Länder ? Quels sont les Impacts des réformes sur
les collectivités locales et face à la construction européenne ?

Pour répondre à ces questions, nous avons compté sur une approche analytique qui
permet de comprendre le fédéralisme allemand et ses axes. Chaque élément ou sous-
élément du sujet - qui est ici le fédéralisme - devient un élément dont les mécanismes et les
processus sont faciles à comprendre et à traiter

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Titre I
GENESE DU SYSTEME FEDERAL ALLEMAND ET SON
DEVELOPPEMENT

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CHAPITRE I
LES PHÉNOMÈNES DE CENTRALISATION ET
D’ENCHEVÊTREMENT DES COMPÉTENCES

AXE 1 : EVOLUTION HISTORIQUE

A : du fédéralisme dualiste au fédéralisme unitaire

Le principe fédéral constitue l’un des piliers de l’État allemand. Il se fonde sur une
profonde tradition historique, même si les frontières des 16 LÄNDER allemands, à l’exception
notable de la Bavière et des villes hanséatiques de Brême et de Hambourg, ont été tracées de
façon artificielle.

Ce principe se définit comme « la coexistence de deux niveaux constitutionnels », celui


des États fédérés et celui de l’État fédéral. Le retour au fédéralisme en 1949 résulte en outre
du choix d’une « structure antitotalitaire de division du pouvoir » censée empêcher tout risque
d’un retour à une dictature, et garantir le respect du principe démocratique.

Enfin, le fédéralisme compte parmi les principes intangibles de la Loi fondamentale1


(LF),

Le principe fédéral constitutionnellement consacré, reste encore à en préciser les


modalités d’application. La volonté des rédacteurs de la Loi fondamentale était d’instaurer un
fédéralisme équilibré reconnaissant d’une part aux LÄNDER la qualité d’États originaires
(EIGENSTAATLICHKEIT)2, mais laissant à la fédération de larges moyens d’action.

L’article 30 LF pose le principe de la compétence des LÄNDER, l’exception étant la


compétence de la fédération, qui dès lors doit justifier chacune de ses interventions. Cette

1
l’article 79III de la constitution allemande interdisant « toute modification de la présente Loi
fondamentale qui toucherait à l’organisation de la fédération en LÄNDER, au principe du
concours des LÄNDER à la législation ou aux principes énoncés aux articles 1 et 20 ».
2
cela ressort de l’article 30 LF

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compétence de principe signifie qu’en matière législative ou administrative,
les LÄNDER disposent de la compétence à titre principal.

Cette disposition fonde par conséquent le principe d’un fédéralisme dualiste au sein
duquel les compétences entre le BUND et les LÄNDER sont organisées sur la base d’un
système de séparation interdisant, sauf exception expressément prévue dans la Loi
fondamentale.

La portée d’une telle « présomption de compétence » en faveur des LÄNDER est


néanmoins fortement limitée, de nombreuses dispositions spéciales venant déroger au
principe posé à l’article 30 LF.

Ainsi, aux termes de l’ensemble des dispositions de la Loi fondamentale relatives à la


répartition des compétences entre le BUND et les LÄNDER, le fédéralisme allemand
correspond davantage à un fédéralisme de type exécutif présentant « un caractère unitaire très
marqué ».

• compétence législative3 : En particulier, dans le domaine de la compétence législative


concurrente, les LÄNDER ont le pouvoir de légiférer aussi longtemps et pour autant que
la fédération n’a pas fait usage de sa compétence législative. Même soumise à des
conditions spécifiques, le législateur fédéral a très tôt et sans grande difficulté usé de
cette possibilité de légiférer dans de nombreuses matières. Leur nombre n’ayant cessé
de croître au fur et à mesure des années et des révisions constitutionnelles, cette
évolution eut pour conséquence directe de centraliser au niveau fédéral la compétence
législative. Cette centralisation de la compétence législative a, en outre, été renforcée
par l’importance prise par la législation-cadre 4 . La législation-cadre permet au
législateur fédéral, dans des domaines qui relevaient, en partie, plus spécifiquement de
la compétence originelle des LÄNDER (presse, enseignement, fonction publique,
aménagement du territoire…), de fixer les principes et souvent même les détails devant

3
des LÄNDER est en effet particulièrement restreinte par les dispositions des articles 71 et
suivants LF, lesquels organisent le détail de la distribution des compétences législatives entre
les LÄNDER et la fédération
4
art. 75 LF

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être repris par les lois fédérées, réduisant à portion congrue la marge de manœuvre des
parlements fédérés.

En matière d’exécution des lois, les LÄNDER ont réussi à conserver une véritable
compétence administrative. La quasi-totalité des lois fédérales est exécutée par
l’administration fédérée, que ce soit sous sa propre responsabilité ou par délégation de la
fédération 5 . Si une loi a un effet sur la procédure ou sur l’organisation administrative
des LÄNDER, l’approbation du BUNDESRAT lors du vote est requise afin de protéger la
compétence souveraine des LÄNDER en matière administrative. Le BUNDESRAT (conseil
fédéral) assure la représentation des gouvernements des LÄNDER au niveau fédéral, puisque
par son intermédiaire, « les LÄNDER concourent à la législation et à l’administration de la
fédération et aux affaires de l’Union européenne ». Sauf que le recours répété aux lois
d’approbation participe lui aussi au processus d’unitarisation du fédéralisme allemand car il
implique que les lois soient adoptées au niveau fédéral au lieu de l’être par les parlements
fédérés.

B : Du fédéralisme unitaire et au fédéralisme coopératif

On le constate que les marges d’intervention dont bénéficie la fédération au titre de la


constitution allemande sont assez larges et ont été en pratique amplement utilisées par elle.

Cependant, l’action des Länder s’est elle aussi traduite par le développement de cette
unitarisation latente de l’État fédéral allemand.

En multipliant les contrats entre États fédérés, les accords administratifs


(Verwaltungsabkommen) ou les décisions de conférences ministérielles conjointes comme par
exemple dans le domaine scolaire (Kultusministerkonferenz), voire en créant des institutions
administratives communes (Länderorganisationen), les Länder ont mis en place un troisième
niveau de coordination dans le domaine de leurs compétences exclusives.

5
art. 85 LF

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Or, l’instauration de ce troisième niveau de coordination, dont l’objectif premier est
d’empêcher des transferts de compétences au profit de la fédération, s’est révélée à son tour
contribuer à l’unitarisation de l’État fédéral.

Si l’émergence d’un tel État fédéral unitarisé (unitarischer Bundestaat) résulte en partie de
raisons politiques et socio-économiques liées notamment à la volonté d’assurer des conditions
de vie équivalentes sur l’ensemble du territoire allemand, son influence sur la modification de
la structure fédérale s’est conjuguée aux effets liés à l’émergence d’un fédéralisme coopératif.

L’importante réforme de 1969, en plus d’avoir élargi le catalogue des matières relevant de
la législation-cadre de l’article 75 LF, a introduit dans le texte constitutionnel une nouvelle
catégorie de missions : celle des tâches communes (Gemeinschaftsaufgaben).

Cette dérogation fondamentale à l’interdiction de l’administration mixte devait permettre


de répondre à un besoin de Co-administration limité à trois domaines : l’extension et la
construction d’établissements universitaires, l’amélioration des structures agricoles et des
structures de protection des côtes, et l’amélioration de la structure de l’économie régionale.

Organisée sur la base de commissions Bund-Länder, cette coopération ne donne pas


simplement à la fédération un titre de compétence pour adopter des lois fédérales, soumises
à l’approbation du Bundesrat, et fixant les principes généraux devant orienter
l’accomplissement de ces tâches communes (Grundsatzgesetzgebungs-kompetenz).

Ses implications sont avant tout financières, la fédération devant supporter au moins la
moitié des dépenses réalisées.

En mettant en place un système de financements mixtes afin de réaliser les investissements


publics nécessaires dans les domaines susmentionnés, cette révision modifia profondément les
modalités des relations financières Bund-Länder.

La répartition des dépenses entre la fédération et les Länder est fondée sur le principe de
séparation.

Mais une nouvelle fois, les dérogations à ce principe sont nombreuses, à commencer par la
multiplication des aides financières fournies par la fédération aux Länder ou le développement
des cas de financements mixtes. De même, si initialement la répartition du produit des impôts
reposait sur le principe de séparation corrigé par un système de péréquation financière, la

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réforme de 1969 modifia en profondeur les modalités de cette répartition accroissant de façon
considérable la part des impôts communs dont la répartition est ensuite réalisée entre la
fédération et les Länder en fonction de différentes variables.

L’ensemble de ces réformes successives et des pratiques qui en découlèrent eut l’avantage
de mettre en place un système dynamique de coopération permettant de répondre aux besoins
de création d’infrastructures et de coordination ressentis au cours des années 60-70, mais fut
de plus en plus la cible des critiques portant sur le système fédéral allemand.

Axe 2 : Les organes politiques fédéraux

I- Le parlement fédéral

- La composition du parlement

Le parlement fédéral est bicaméral :

- le Bundestag assure la représentation du peuple de la Fédération ;


- le Bundesrat assure la représentation des Länder.

Les membres du Bundestag sont élus au suffrage universel direct pour 4 ans en
application d’un mode de scrutin mixte dit de « double vote ».

Chaque électeur dispose de 2 voix :

- la 1ère voix permet de voter pour un candidat au scrutin majoritaire à un tour


dans le cadre de 331 circonscriptions.

- la 2ème voix permet de voter pour une liste de candidats au scrutin


proportionnel dans le cadre de chaque Land. A la suite des élections de
septembre 2017, le Bundestag se compose de 709 membres répartis de la
façon suivante :

• 246 députés de la CDU/CSU (Union chrétienne) ;


• 153 députés du SPD (Parti social-démocrate) ;
• 92 députés de l’AFD (L’Alternative pour l’Allemagne) ;
• 80 députés du FDP (Parti libéral démocrate)
• 69 députés de Die Linke (La Gauche) ;
• 67 députés de l’Alliance 90/Les Verts ;

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• Le Bundesrat se compose de membres désignés par les
Gouvernements des Länder en leur sein. Le nombre de membres
varie en fonction de la démographie du Land :
• 6 pour les Länder avec plus de 7 millions d’habitants ;
• 5 pour les Länder avec une population comprise entre 6 et 7 millions
d’habitants ;
• 4 pour les Länder avec une population comprise entre 2 et 6 millions
d’habitants ;
• -3 pour les Länder avec une population inférieure à 2 millions
d’habitants.

Il y a 69 sièges actuellement au Bundesrat. Au Bundesrat, chaque Land s’exprime


uniformément ; le poids du vote dépend donc du nombre de sièges.

- Les attributions du parlement

L’initiative de la loi appartient aux membres du Bundestag et au Bundesrat (ainsi qu’au


Gouvernement).

Bundestag : une initiative collective réservée aux groupes parlementaires et à 5 % des


députés. Bundesrat : le droit d’initiative s’apprécie globalement, en tant qu'assemblée.

Un Land soumet à l’ensemble des membres un texte qui, en cas d’adoption à la majorité
absolue, devient une proposition de loi du Bundesrat.

La loi est, en principe, adoptée par le Bundestag par un vote à la majorité. Le pouvoir
législatif du Bundesrat varie selon l’objet de la loi : il dispose soit d’un veto relatif pour les lois
simples, soit d'un veto absolu pour certaines lois (art. 77 de la LF 1949).

Veto absolu du Bundesrat pour les lois qui :

- mettent en cause l’existence d’un Land ou des Länder ;


- visent à transférer à l’Union européenne des attributs de la souveraineté.
- restreignent la protection des droits fondamentaux ;
- concernent les partis politiques ou le régime électoral ;

Pour les autres lois, le veto du Bundesrat est relatif :

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• Si le veto est voté à la majorité des voix du Bundesrat, il peut être
surmonté par le Bundestag à la majorité de ses membres ;
• Si le veto est voté à une majorité des 2/3 au moins de ses voix, il peut
être surmonté par la majorité des 2/3 des voix du Bundestag et, au
moins, la majorité de ses membres.

L’état de nécessité législative est une technique exceptionnelle qui permet, sous de
strictes conditions, au Gouvernement de faire adopter par le Bundesrat une loi rejetée par le
Bundestag. Le Bundestag :

- participe à l’élection du Président fédéral (art. 54 LF)


- élit la moitié des membres de la Cour constitutionnelle (art. 94 LF)
- élit le chancelier (art. 63 LF) et peut le remplacer avec le vote d’une motion
de censure constructive (art. 67 LF).
- Il contrôle l’action du gouvernement fédéral (art. 43 et 44 LF).

Le Bundesrat élit la moitié des membres de la Cour constitutionnelle

II/ Le Président fédéral

Le Président est le Chef d’État de la République fédérale d’Allemagne Il est élu pour un
mandat de 5 ans par l’Assemblée fédérale qui se compose des membres du Bundestag et d’un
nombre égal de membres élus par les assemblées populaires des Länder.

Il ne peut appartenir ni au gouvernement ni à un organe législatif de la Fédération ou d’un


Land. Le Président fédéral ne peut être révoqué par le Bundestag, mais seulement mis en
accusation pour violation délibérée de la Loi fondamentale ou d’une autre loi fédérale par le
Bundestag ou le Bundesrat devant la Cour constitutionnelle.

La mise en accusation est votée à la majorité des deux tiers des voix du Bundesrat ou à la
majorité des deux tiers des membres du Bundestag. Si la Cour constitutionnelle juge le
Président coupable, elle le déclare déchu de ses fonctions.

Le Président fédéral actuel est Frank-Walter Steinmeier (SPD), élu en mars 2017. La Loi
fondamentale allemande n’accorde au Président fédéral qu’un rôle de faible importance.

Les actes du Président doivent, sauf exceptions, être contresignés par le Chancelier et un
ministre. Le Président ne peut jamais imposer sa volonté au Gouvernement ou au Bundestag

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III/ Le Gouvernement fédéral

- La composition du Gouvernement

L’élection et la nomination du Chancelier sont strictement règlementées par l’article 63


de la LF.

Le Chancelier est désigné par le Bundestag sur proposition du Président fédéral : est élu
celui qui obtient les voix de la majorité des membres du Bundestag ; il doit alors être nommé
par le Président fédéral. Si le candidat proposé n’est pas élu, le Bundestag peut désigner un
Chancelier à la majorité de ses membres dans les quatorze jours qui suivent le premier scrutin.

À défaut d’élection dans ce délai, il est procédé à un nouveau vote, à l’issue duquel est élu
celui qui obtient le plus grand nombre de voix :

- Si l’élu obtient les voix de la majorité des membres du Bundestag, le Président fédéral
doit le nommer.

- Si l’élu n’atteint pas cette majorité, le Président fédéral doit, soit le nommer, soit
dissoudre le Bundestag.

Angela Merkel est Chancelière depuis le 22 novembre 2005. Elle a remporté quatre
élections consécutives (2005, 2009, 2013, 2017) Les ministres sont nommés et révoqués par
le Président fédéral sur proposition du Chancelier.

Les fonctions du Chancelier et du Gouvernement prennent fin soit avec la réunion d’un
nouveau Bundestag (donc après les élections législatives) soit avec l’adoption d’une motion
de censure contre le Chancelier.

- Les attributions du Gouvernement

Le Gouvernement et le Chancelier constituent la pièce maîtresse du régime politique


allemand. On désigne parfois ce régime parlementaire de « démocratie du Chancelier » Le
Gouvernement dispose de l’initiative législative.

Le Chancelier peut, sous certaines conditions, proposer la dissolution du Bundestag au


Président fédéral lorsqu’il ne dispose plus du soutien politique de la majorité de cette
chambre. L’état de nécessité législative est une technique qui permet de maintenir
provisoirement en fonction et en activité un Gouvernement bien qu’il ait perdu le soutien de
la majorité au Bundestag (art. 81 LF). Conditions :

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Si le Bundestag répond négativement à une question de confiance et qu’il n’est pas
dissous, le Président fédéral peut, à la demande du Gouvernement fédéral et avec
l’approbation du Bundesrat, déclarer l’état de nécessité législative à propos d’un projet de loi
rejeté par le Bundestag 1ère conséquence :

si le Bundestag rejette à nouveau le projet ou s’il l’adopte dans une rédaction que le
Gouvernement fédéral a déclaré inacceptable, la loi est considérée comme définitivement
adoptée dans la mesure où le Bundesrat l’approuve. 2ème conséquence : Pendant un délai
qui ne peut dépasser 6 mois et tant que le Chancelier minoritaire demeure en fonction, tout
autre projet de loi rejeté par le Bundestag peut également être adopté par le Bundesrat en
application de cette procédure législative exceptionnelle.

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CHAPITRE II
LA NOUVELLE RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LA
FÉDÉRATION ET LES LÄNDER

AXE 1 : COMPÉTENCES EXCLUSIVES

L'Allemagne est un État fédéral constitué de 16 Länder. Il existe donc des lois fédérales
qui s’appliquent à la totalité du territoire de la Fédération et des lois de Land qui sont valables
uniquement dans le Land les ayant adoptées.

Les lois de Land ne doivent pas être en contradiction avec les lois fédérales. L’article 31
de la Loi fondamentale dispose : « Le droit fédéral prime le droit de Land. » De cette manière,
il s’agit autant que possible d’œuvrer à la réalisation de « conditions de vie équivalentes » sur
tout le territoire fédéral.

La Loi fondamentale définit dans le détail les compétences législatives de la Fédération


et des Länder. Les articles 71 à 74 énumèrent les compétences législatives de la Fédération,
tandis que les Länder sont compétents dans tous les autres cas.

Les compétences exclusives relèvent du droit fédéral seul : une législation locale dans
ces domaines n'est possible que si une loi fédérale l'autorise. Ces compétences, définies
principalement mais pas uniquement dans l'article 73 de la loi fondamentale, comprennent
entre autres la citoyenneté, le transport aérien, la liberté de circulation et l'immigration, les
postes et télécommunications, la défense et la monnaie.

Aux termes de l'article 30 de la Grundgesetz, « l'exercice des pouvoirs étatiques et


l'accomplissement des missions de l'État relèvent des Länder, à moins que la Loi
fondamentale n'en dispose autrement ou n'autorise une règle différente ».

Précisant la répartition des compétences législatives entre la Fédération et


les Länder, l'article 70 institue une présomption de compétence législative des Länder sauf
dans les cas où la Loi fondamentale attribue expressément cette compétence à la
Fédération. Les articles 71 et suivants distinguent :

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- les domaines de la compétence législative exclusive de la Fédération dans lesquels
les Länder ne peuvent légiférer que si une loi fédérale les y autorise expressément et
dans les limites prévues par celle-ci ;
- les domaines de la compétence législative concurrente dans lesquels « les Länder ont
le pouvoir de légiférer aussi longtemps et pour autant que la Fédération n'a pas fait,
par une loi, usage de sa compétence législative ».

L'article 72 précise que dans un certain nombre de ces domaines où les compétences
s'exercent de façon concurrente, la Fédération a le droit de légiférer lorsque et pour autant
que l'établissement de conditions de vie équivalentes sur le territoire fédéral ou la sauvegarde
de l'unité juridique ou économique rendent nécessaire une législation fédérale dans l'intérêt
de l'ensemble de l'État ».

Les articles 87 et suivants précisent les matières qui relèvent de l'administration fédérale
(affaires étrangères, défense, administration fédérale des finances, administration de la
navigation aérienne, transports ferroviaires...). Dans les autres matières, les lois fédérales sont
exécutées par les Länder soit à titre de compétence propre, soit par délégation, ces derniers
exécutant également leurs propres lois.

Le titre VIIIa est consacré aux tâches communes et à la coopération administrative.

Sur la base d'une loi fédérale soumise à l'approbation du Bundesrat, la Fédération concourt
à l'accomplissement des missions des Länder quand ces tâches sont importantes pour la
collectivité et si le concours de la Fédération est nécessaire à l'amélioration des conditions de
vie dans les domaines de l'extension et de la construction d'établissements d'enseignement
supérieur ainsi que de l'amélioration de la structure économique régionale, des structures
agricoles et de la protection des côtes.
Sur le même fondement, la Fédération et les Länder (ou les communes ou groupements de
communes) peuvent coopérer dans des institutions communes pour l'exécution des lois
fédérales dans le domaine de la protection de base des demandeurs d'emploi.
En concluant des conventions, la Fédération et les Länder peuvent coopérer dans les cas
d'intérêt suprarégional pour promouvoir la recherche scientifique, ainsi que pour la
planification, la construction et l'exploitation de systèmes informatiques nécessaires à
l'accomplissement de leurs missions.

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AXE 2 : LES COMPÉTENCES CONCURRENTES

sont partagées entre le Bund et les États : le droit fédéral ayant la primauté, les États
ne peuvent exercer leurs compétences dans ces domaines que dans la mesure où — et aussi
longtemps que — le Bund ne l'a pas déjà fait. Les domaines concernés, définis principalement
mais pas uniquement dans l'article 74 de la loi fondamentale, comprennent entre autres le
droit civil et pénal, le droit d'association, les permis de séjour des étrangers, les
dédommagements de guerre, l'économie (avec des exceptions), le droit du travail, la
recherche, l'alimentation, les transports, la sécurité économique des hôpitaux, la chasse, la
protection de la nature et la gestion de l'eau.

Toutefois, la compétence fédérale est limitée dans certains de ces domaines par
l'article 72. On distingue ainsi trois catégories :

• domaines pour lesquels la compétence fédérale s'applique sans condition (article


72 alinéa 1).
• domaines pour lesquels la compétence fédérale ne s'applique que dans la mesure
où la mise en place de conditions de vie uniformes ou la préservation de l'unité
juridique ou économique dans l'intérêt commun rend nécessaire une
réglementation fédérale (article 72 alinéa 2). Cela concerne entre autres les
permis de séjour des étrangers, l'économie, la recherche, l'alimentation, les
transports et la sécurité économique des hôpitaux.
• domaines pour lesquels la compétence fédérale s'applique mais pour lesquels les
États disposent d'un droit de dérogation (article 72 alinéa 3). Ceci concerne entre
autres la chasse (à l'exception des permis de chasse), la protection de la nature et
la gestion de l'eau. Dans ces domaines, le droit fédéral peut donc ne pas
s'appliquer à l'ensemble du pays.

Selon l'article 28 de la Loi fondamentale, « l'ordre constitutionnel des LÄNDER doit être
conforme aux principes d'un État de droit républicain, démocratique et social [...]. Dans
les LÄNDER [...] le peuple doit avoir une représentation issue d'élections au suffrage universel
direct, libre, égal et secret ».

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Le fédéralisme Allemand 21

Module : Le droit constitutionnel comparé


La constitution de chaque LAND prévoit l'organisation du pouvoir législatif sous la forme d'un
parlement monocaméral et d'un gouvernement dirigé par un chef de l'exécutif.

Chaque État fédéré a sa propre cour constitutionnelle et ses propres tribunaux du premier et
second degré. L'organisation de ces juridictions ordinaires est régie par la loi fédérale du
12 septembre 1950 relative au système judiciaire modifiée.

L'article 29 de la Loi fondamentale prévoit que « le territoire fédéral peut être restructuré en
vue de permettre aux LÄNDER d'accomplir efficacement les tâches qui leur incombent en
fonction de leur dimension et de leur capacité ». Les mesures de restructuration du territoire
fédéral sont prises par une loi fédérale, qui doit être ratifiée par votation populaire à la majorité
des suffrages exprimés, avec une participation d'1/4 des électeurs disposant du droit de vote
au BUNDESTAG. Les LÄNDER concernés doivent être entendus.

Par des traités conclus entre eux, les länder peuvent également modifier
leurs territoires, les communes et les arrondissements concernés devant être
entendus. Le traité doit être ratifié par votation populaire dans chaque land. Son
entrée en vigueur requiert l'approbation du bundestag

Les normes adoptées au niveau fédéral sont placées dans la hiérarchie des normes au-
dessus de celles adoptées au niveau des Länder, en vertu des dispositions de la Loi
fondamentale (en allemand : Bundesrecht bricht Landesrecht ; en français : « Le droit fédéral
prime le droit provincial », art. 31 GG). Le Bundesrat assure le concours des Länder
au processus législatif pour les matières ne relevant pas d’une compétence exclusive de la
Fédération, mais d’une compétence partagée avec eux.

Les compétences exclusives de la Fédération incluent la diplomatie, la sécurité


extérieure et intérieure, la monnaie, le droit de la nationalité, les transports aériens, et
les postes et télécommunications.

La Fédération a également une compétence concurrente avec les Länder dans des
domaines requérant une législation uniforme dans l’ensemble du pays, entre autres le droit
civil et pénal, l’aide sociale, le droit commercial, le droit du travail, l’assurance sociale et
la circulation routière (art. 74 GG).

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Le fédéralisme Allemand 22

Module : Le droit constitutionnel comparé


Titre II
LES IMPACTS DE LA REFORME SUR LES
COLLECTIVITES LOCALES

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Le fédéralisme Allemand 23

Module : Le droit constitutionnel comparé


CHAPITRE I
IMPACTS FINANCIÈRES

AXE 1 : RÉFORME DES RESPONSABILITÉS FINANCIÈRES DE LA


FÉDÉRATION, DES LÄNDER ET DES COLLECTIVITÉS LOCALES
LA RÉDUCTION DES FINANCEMENTS MIXTES ET DES TÂCHES
COMMUNES

Accusées d’être inefficaces et d’empêcher une claire et transparente répartition des


compétences entre les LÄNDER et la fédération, les tâches communes avaient surtout pour
effet de réduire l’autonomie des LÄNDER, tout en présentant malgré tout l’avantage de
soulager leurs budgets de lourdes dépenses d’investissement. Leur réduction, voire leur
suppression, poursuivait les mêmes objectifs que ceux valant en matière de compétence
législative ou administrative, le consensus à leur égard étant suffisant pour permettre de les
réformer rapidement. Pour autant, leur suppression complète n’a pas été possible du fait des
différences structurelles considérables entre les LÄNDER. Leur principe est maintenu, même si
leurs champs d’application a été réduit et leurs modalités d’application plus strictement
définies.

Ont été conservées à l’article 91a LF, les tâches communes visant à améliorer les
structures économiques régionales, la politique agricole et la protection des côtes. En
revanche, sont supprimées de la catégorie des tâches communes les extensions et la
construction des bâtiments des établissements d’enseignement supérieur, cette suppression
se justifiant au regard du fait que la construction de tels bâtiments n’a plus véritablement
d’objet à l’heure actuelle, la priorité étant désormais non plus de les construire mais de les
rénover. Afin de poursuivre la prise en charge des bâtiments bénéficiant encore de tels
financements a été introduit un nouvel article 143c au sein de la Loi fondamentale qui prévoit
le maintien des crédits jusqu’en 2019 avec une réévaluation en 2013.

L’article 91b LF concerne quant à lui les conditions dans lesquelles les conventions de
coopération entre le BUND et les LÄNDER sont adoptées et embrasse deux domaines, comme

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Le fédéralisme Allemand 24

Module : Le droit constitutionnel comparé


on l’a vu, particulièrement sensibles : celui de l’enseignement (BILDUNGSWESEN) et celui de
la science (WISSENSCHAFT). Cette disposition a été profondément remaniée par la réforme
de 2006, non sans causer d’ailleurs de très vifs débats entre, d’une part, les partisans d’une
interdiction absolue pour la fédération d’intervenir dans ces deux domaines qui relèvent
essentiellement de la compétence des États fédérés, et, d’autre part, ceux défendant la
nécessité d’accepter les interventions de la fédération afin d’assurer notamment une partie du
financement d’infrastructures scientifiques. Quelles sont dès lors les possibilités offertes par la
nouvelle réforme ?

En matière d’éducation scolaire, la modification de l’article 91b LF a pour effet


d’interdire au BUND d’intervenir en finançant un projet de coopération par le biais d’une
convention. La différence vis-à-vis de l’ancien système est importante puisque, par exemple,
elle remet en cause les projets relatifs à la mise en place par ce biais d’un programme fédéral
de scolarisation toute la journée. Désormais, les seules conventions pouvant intervenir dans le
domaine scolaire portent, ainsi qu’en dispose l’article 91b II LF, sur la détermination de
l’efficacité de l’enseignement dans une comparaison internationale et sur les rapports et
recommandations qui ont cet objet. Ceci concerne par exemple les études PISA faites par
l’OCDE dont la publication des résultats suscita dans l’opinion publique allemande un important
débat sur les qualités et les défauts du système scolaire allemand. Finalement, la recherche
reste la seule matière à pouvoir faire l’objet de conventions et de financements mixtes.

Mais, même dans ce domaine, les conditions d’éligibilité à une telle convention ont été
minutieusement définies, même si les contours de ce que recouvrent précisément ces
conditions restent sujets à des interprétations divergentes en doctrine.

La marge de manœuvre du BUND est désormais très étroite puisqu’elle se limite,


conformément à l’article 104b I LF, à l’attribution d’aides financières aux LÄNDER et aux
communes pour des investissements particulièrement importants et nécessaires. Mais ici aussi,
la réforme est venue durcir les conditions d’attribution des aides financières fédérales puisque
les moyens doivent être accordés pour une durée limitée, sur la base d’un échéancier
comportant des montants annuels dégressifs et leurs utilisations contrôlées à intervalles
réguliers. Surtout, la fédération ne peut procéder à l’attribution de telles aides que « dans la
mesure où la présente loi fondamentale lui confie des compétences législatives », ce qui exclut

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Le fédéralisme Allemand 25

Module : Le droit constitutionnel comparé


par conséquent tout financement fédéral dans le domaine des compétences législatives
exclusives des États fédérés.

AXE 2 : PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION : FÉDÉRALISME FISCAL ET


RESTRUCTURATION DU TERRITOIRE FÉDÉRAL

Résultat de compromis parfois contradictoires, la réforme entreprise en 2006 est un


timide premier pas dans le sens des objectifs qui lui avait été fixés : poser les bases d’un
fédéralisme concurrentiel en opérant une meilleure répartition des compétences législatives
et administratives et en assurant aux acteurs politiques, fédéraux et fédérés, de plus larges
marges de manœuvre dans leur prise de décision.

Néanmoins, favoriser l’autonomie des LÄNDER ne peut se réaliser véritablement qu’à


partir du moment où ceux-ci bénéficieront de moyens financiers à la hauteur des compétences
qui leur reviennent.

C’était précisément tout l’objet du second volet de la réforme du fédéralisme sur lequel
a travaillé deux ans durant la commission parlementaire instituée au printemps 2007 et dont
la mission consistait à moderniser les relations financières entre la fédération et les LÄNDER,
sujet crucial, sensible et difficile. Difficile en ce qu’il touche à des points extrêmement
techniques (détermination des quotes-parts, complexité des modalités d’attribution…).

Crucial car les finances déterminent le niveau d’autonomie et la marge de manœuvre


des acteurs politiques. Sensible enfin vu qu’il implique des enjeux de pouvoir faisant l’objet de
positions tranchées entre les États fédérés bénéficiant du système de péréquation financière
(FINANZAUSGLEICH) et ceux qui y sont contributeurs nets. Trois caractéristiques qui
expliquent que les aspects essentiels de la réforme des relations financières entre le BUND et
les LÄNDER n’aient pas fait l’objet du premier acte de la réforme du fédéralisme allemand voté
en 2006.

Trois caractéristiques qui expliquent surtout pourquoi les résultats du deuxième acte de
la réforme sont sensiblement éloignés des objectifs herculéens qui lui avaient été assignés.

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Le fédéralisme Allemand 26

Module : Le droit constitutionnel comparé


Voté peu avant l’été 2009 et entré en vigueur le 1er août de la même année, le volet
financier de la réforme du fédéralisme n’a modernisé ni le système de péréquation financière,
ni le système de répartition des impôts. Les seules véritables innovations de cette révision
constitutionnelle sont d’une part l’instauration d’un conseil de stabilité (STABILITÄTSRAT) et
d’un mécanisme d’alarme visant à prévenir le cas de surendettement
d’un LAND (HAUSHALTNOTLAGE) et, d’autre part, l’introduction d’une nouvelle disposition
constitutionnelle limitant le déficit public du BUND et des LÄNDER (SCHULDENBREMSE),
disposition dont certains parlementaires français souhaitent d’ailleurs s’inspirer.

Ce pacte de stabilité interne impose à partir de 2011 à l’État fédéral et aux LÄNDER de
réduire leurs déficits budgétaires, sauf circonstances exceptionnelles. Dès 2016, le BUND ne
pourra recourir à l’emprunt pour compenser son déficit structurel que dans la limite de 0,35%
du PIB allemand. Surtout, il sera interdit à partir de 2020 aux États fédérés de recourir à
l’emprunt pour financer leurs dépenses. À l’instar des collectivités locales françaises,
les LÄNDER sont ainsi astreints à un strict équilibre de leurs budgets. Or, cette règle s’avère
problématique au regard de sa conciliation avec le principe constitutionnel de séparation des
budgets du BUND et des LÄNDER, certains auteurs estimant même qu’elle porte atteinte à
l’autonomie financière des LÄNDER voire à leur qualité d’État (EIGENSTAATLICHKEIT).

En plus des insuffisances dans les résultats atteints, c’est en définitive au regard de ses
tabous que la réforme du fédéralisme est le plus critiquable. Thème exclu des débats
parlementaires bien que central, la question de la recomposition territoriale de l’Allemagne a
pourtant été évoquée par certains auteurs en doctrine ou par certains hommes politiques. Le
point de savoir si les dimensions et les capacités des seize LÄNDER sont suffisantes pour leur
permettre d’accomplir efficacement les tâches qui leur incombent aurait dû être discuté en
amont de la réforme.

Au lieu de cela, cette question n’a fait l’objet d’aucune considération et a été
renvoyée SINE DIE à une hypothétique troisième commission de réforme du fédéralisme. En
vérité, les difficultés d’adoption de la réforme conduisent à s’interroger sur la pertinence de la
procédure de révision de la Constitution, surtout au vu du nombre de révisions qui ont
spécialement concerné l’organisation du système fédéral.

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Le fédéralisme Allemand 27

Module : Le droit constitutionnel comparé


L’une des profondes raisons de l’échec de la réforme réside ainsi dans l’incapacité des
différents acteurs à cesser de défendre leurs propres intérêts au profit de l’intérêt de
l’Allemagne en général. Marquer davantage la différence entre les affaires politiques courantes
et les questions constitutionnelles permettrait peut-être de faire prendre conscience aux
acteurs titulaires du pouvoir de révision constitutionnelle de l’importance de leur mission au
regard non pas de leurs intérêts particuliers (régionaux ou partisans) mais au nom de l’intérêt
général.

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Le fédéralisme Allemand 28

Module : Le droit constitutionnel comparé


CHAPITRE II
LE FÉDÉRALISME ALLEMAND FACE À LA CONSTRUCTION
EUROPÉENNE

Axe 1 : Les Länder : frein de l’intégration européenne ?

Afin d’assurer durablement le respect de leur statut et de leur participation dans le


cadre de l’intégration européenne, les Länder revendiquent depuis 1990 quatre principes
fédéraux pour l’Union européenne47 :
- l’ancrage du principe de subsidiarité dans les traités européens,
- l’ouverture des réunions du Conseil des ministres aux représentants des Länder et
régions - la création d’un Conseil des régions,
- le droit pour les Länder et régions de saisir la Cour de Justice des Communautés
européennes.
Lors des deux dernières modifications des traités européens, les trois premières
revendications ont été globalement réalisées, notamment en conséquence de la forte
mobilisation des Länder.
Pendant les négociations du Traité d’Amsterdam, auxquelles ils ont participé au sein de
la délégation allemande avec deux représentants du Bundesrat (le ministre d’Etat bavarois Kurt
Faltlhauser et le secrétaire d’Etat Karl-Heinz Klär de Rhénanie-Palatinat), les Länder ont exercé
une forte pression sur le gouvernement fédéral. En s’appuyant sur le nouvel article GG et une
série de prise de positions du Bundesrat sur la réforme de l’Union, ils ont pu introduire leurs
principales propositions dans les traités. Fortement freiné dans sa capacité de négociation et
de compromis par les intérêts défendus par les Länder, le chancelier Kohl a été obligé de revenir
sur bon nombre de positions antérieurement défendues par le gouvernement fédéral.
Une extension substantielle du vote à la majorité a été ainsi bloquée à cause du veto
allemand, alors que les autres Etats membres auraient accepté d’abandonner l’unanimité dans
certains domaines (par exemple dans les politiques de la culture ou de l’immigration). Le
chancelier Kohl, traditionnellement moteur de l’intégration européenne, a été contraint de
freiner le processus à cause des Länder. Pour ces derniers, le résultat était positif. Ils ont en
effet obtenu :

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Le fédéralisme Allemand 29

Module : Le droit constitutionnel comparé


- un protocole sur la subsidiarité et une déclaration correspondante qui stipule que ce
sont les Etats membres qui sont responsables, sur le plan administratif, de la mise en œuvre du
droit communautaire,
- l’autonomie du règlement intérieur et de l’administration du Comité des régions,
- un protocole sur le financement et la reconnaissance d’intérêt général de la
radiodiffusion publique dans les Etats membres,
- une déclaration qui confirme que « les règles de concurrence en vigueur dans l’Union
permettent de prendre pleinement en compte les services d’intérêt économique général
assurés en Allemagne par les établissements de crédit de droit public (sous tutelle des Länder)
ainsi que les avantages qui leur sont accordés en compensation des coûts inhérents à la
prestation de ces services »
Néanmoins, on ne peut pas dire que les Länder aient uniquement défendu leurs intérêts
particuliers. Les résolutions du Bundesrat et des ministres-présidents des Länder au sujet de la
réforme de l’Union reflètent une vue beaucoup plus globale de la construction européenne.
Elles demandent une réforme institutionnelle qui :
- approfondisse l’intégration européenne,
- abolisse pleinement le déficit démocratique de l’Union,
- assure le bon fonctionnement des institutions et la capacité d’action d’une Union
élargie,
- définisse clairement les compétences de l’Union par rapport aux Etats membres,
- donne une définition claire du principe de subsidiarité.
Il ne faut non plus oublier que c’est le Bundesrat qui a demandé, avec succès, au
gouvernement fédéral d’accepter une compétence européenne dans le domaine de l’emploi.
Et puisqu’en Allemagne ce sont les administrations des Länder et des communes qui appliquent
les décisions de Bruxelles, il n’est pas étonnant que celles-ci aient manifesté leur désir que le
fonctionnement et les actes de l’Union deviennent transparents, compréhensibles et proches
des citoyens. Dans ce cadre, les Länder soutiennent d’ailleurs l’élaboration d’une Charte
européenne des Droits fondamentaux pour concrétiser la citoyenneté européenne.
En fait, le principe de subsidiarité a été introduit dans les traités pour mettre un terme
à l’acquisition tacite de nouvelles compétences par la simple mise en œuvre de bases juridiques
très générales, tels que les articles 100 et 235 (nv. art. 95 et 308) TCE.

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Le fédéralisme Allemand 30

Module : Le droit constitutionnel comparé


Les Länder se sont toujours opposés à l’application de l’article 235 TCE,49 par crainte
que l’Union ne s’approprie par ce moyen de nouvelles compétences sans les inscrire dans les
traités, c’est à dire qu’elle « se dote de la compétence de se doter de nouvelles compétences
».
Pour remédier au flou dans la répartition des compétences, les Länder soulignent
depuis longtemps la nécessité d’établir un catalogue de compétences clair entre l’Union et ses
Etats membres. Ils proposent concrètement :
- une précision des conditions pour l’adaptation des normes juridiques et administratives
des Etats membres dans le cadre de la réalisation du marché unique (art. 100 A, nv. art.
95 TCE),
- l’énumération des compétences exclusives de l’Union européenne en vue d’une
clarification du principe de subsidiarité (art. 3 B, nv. art. 5 TCE).
Afin de faire respecter le principe de subsidiarité par les institutions européennes, les
Länder demandent pour les régions ayant des compétences législatives ainsi que pour le
Comité des régions, le droit de saisir la Cour de Justice de Luxembourg. Le gouvernement
allemand a ignoré ces demandes pendant la Conférence intergouvernementale, en se
réservant la représentation exclusive de l’Allemagne devant la Cour de Justice.
Actuellement, les Länder peuvent, à travers le Bundesrat, demander au gouvernement
fédéral de saisir la Cour de Justice selon l’article 173 (nv. art. 230) TCE.
Ils ont également le droit de la saisir directement en tant que personne juridique, selon
le 4è alinéa du même article. Le fait qu’ils revendiquent le droit de saisir la Cour de Justice
indépendamment du gouvernement fédéral signifie qu’en réalité ils souhaitent être considérés
au même titre qu’un Etat membre On peut dire, même en dépit des plaintes incessantes du
ministre-président bavarois sur les violations du principe de subsidiarité par la Commission
européenne,50 que les procédures de participation des Länder aux Affaires européennes ont
désormais atteint une vitesse de croisière et fonctionnent correctement sur le plan
intraétatique et européen. Il faut néanmoins s’attendre à de nouvelles controverses dans les
domaines de la justice et des affaires intérieures, qui ont été en partie intégrés dans les
structures communautaires par le Traité d’Amsterdam.

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Le fédéralisme Allemand 31

Module : Le droit constitutionnel comparé


Dans le domaine de la coopération policière en particulier, le passage aux décisions à la
majorité qualifiée ne sera certainement pas accepté sans que des procédures précises soient
définies afin d’assurer aux Länder le plein exercice de leurs compétences.
En vue de la prochaine conférence intergouvernementale, les ministres-présidents des
Länder ont d’ailleurs renouvelé le 12 mai 1999 à Potsdam leur demande concernant une
répartition claire des compétences entre l’Union et les Etats membres, le droit de saisine de la
Cour de Justice et les droits de participation du Comité des régions.

Axe 2 : Perspectives fédérales après Maastricht et Amsterdam


L’Allemagne est aujourd’hui structurée de façon doublement fédérale :

à travers sa répartition en Bund et Länder et en tant qu’Etat membre de l’Union


européenne.

Cette organisation à trois niveaux relève un double défi : d’un côté, l’ordre fédéral doit
digérer le choc politique, économique, social et culturel de la réunification allemande ; de
l’autre côté, il s’agit de définir le rôle de l’Allemagne dans une Union européenne désormais
dotée de compétences dans la plupart des domaines politiques d’un Etat, avec des décisions
souvent prises par ses Etats membres à la majorité.

Il faut aujourd’hui réformer de l’intérieur un fédéralisme alourdi, fortement centralisé,


et contribuer au niveau européen à la construction d’un système démocratique qui évite les
écueils du système allemand.

L’Etat allemand agit dans ce contexte dans les marges que sa Loi fondamentale lui
impose et selon les possibilités qu’elle lui offre. Cette loi était, dès le début, ouverte à
l’intégration européenne.

L’ouverture constitutionnelle vers une intégration dans des institutions internationales


était un des enseignements tirés de l’isolement national, voire nationaliste, de l’Allemagne dans
le passé. Dans son préambule, la Loi fondamentale déclare que « ... animé de la volonté de
servir la paix du monde en qualité de membre égal en droits dans une Europe unie, le peuple
allemand s’est donné la présente Loi fondamentale en vertu de son pouvoir constituant ». Dans
les articles 23 et 24, l’Allemagne se dote des moyens d’intégration dans des structures
supranationales, et en particulier européennes. Depuis l’introduction du nouvel article 23 dans

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Le fédéralisme Allemand 32

Module : Le droit constitutionnel comparé


la Loi fondamentale, en 1992, l’édification d’une Europe unie et le développement de l’Union
européenne comptent parmi les vocations explicites de l’Etat allemand... à la condition, comme
nous l’avons déjà mentionné, que celle-ci se montre attachée aux principes fédératifs et au
principe de subsidiarité.

Ce principe est certes ancré dans le Traité d’Amsterdam à travers l’article 5, le protocole
et la déclaration en annexe, mais il n’est pas encore juridiquement défini.

Malgré des documents explicatifs et insistants, comme l’avis du Comité des régions «
Vers une véritable culture de la subsidiarité ! » du 11 mars 1999, rédigé par MM. Delebarre et
Stoiber, ce principe ne pourra certainement pas connaître d’application réelle tant qu’il n’y aura
pas répartition concrète des compétences entre l’Union européenne, les Etats membres et,
éventuellement, les collectivités régionales et locales.

Celle-ci est d’ailleurs également demandée par le Conseil des Communes et Régions
d’Europe (CCRE) qui propose de « dresser l’inventaire des compétences exclusives de l’Union
et des Etats membres, étant entendu que par défaut les autres compétences seraient soit des
compétences mixtes ou concurrentes entre l’Union, les Etats et les collectivités locales et
régionales, soit des compétences exclusives de ces dernières ».

L’Union des villes allemandes, de son côté, demande l’inscription du droit


d’autogestion des communes dans les traités européens. Il faut tenir compte du fait que l’ordre
fédéral allemand est, avec son catalogue de compétences, son partage vertical des pouvoirs et
sa constitution financière, effectivement basé sur le principe de subsidiarité, sans que celui-ci
figure expressément dans la Loi fondamentale.

Pour l’Union européenne, c’est le contraire : elle multiplie désormais l’emploi du mot
« subsidiarité » dans ses textes fondateurs, sans que ce principe soit véritablement traduit dans
ses structures. La ratification du Traité de Maastricht a déclenché en Allemagne un grand débat
sur les limites de l’implication allemande dans l’intégration européenne. La conformité
constitutionnelle du traité a été contestée devant la Cour constitutionnelle
(Bundesverfassungsgericht) de Karlsruhe.

Dans son arrêt, formulé par le juge-rapporteur Paul Kirchhof, la Cour a jugé les transferts
de compétences vers l’Union européenne, y compris de la souveraineté monétaire, conformes
avec la Loi fondamentale, mais elle a, par la même occasion, dressé ses limites.

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Le fédéralisme Allemand 33

Module : Le droit constitutionnel comparé


Elle a ainsi apporté une réponse à la question suivante : l’Etat allemand, en excerçant
de plus en plus de compétences au niveau européen, risque-t-il de disparaître un jour dans sa
substance pour devenir simplement une partie d’un autre Etat, l’Union européenne ? Selon la
décision de la Cour, l’Union européenne n’est pas encore un Etat et ne peut le devenir, parce
qu’il n’existe pas de peuple européen homogène ni d’opinion publique européenne.

Pour la Cour, l’Union européenne n’est plus une fédération d’Etats (Staatenbund) et
pas encore un Etat fédéral (Bundesstaat), mais une structure intermédiaire, un « groupement
d’Etats » (Staatenverbund) qui agit en premier lieu à travers les gouvernements de ses Etats
membres.

Selon cette interprétation, les droits conférés au Parlement européen sont une
légitimation démocratique supplémentaire, mais la légitimation première provient des
parlements et gouvernements nationaux. La Cour stipule dans ce cadre que le Bundestag doit
toujours conserver des compétences substantielles. L’intégration européenne ne doit pas aller
jusqu’à le départir de son rôle. La Cour constitutionnelle s’est en outre réservé le droit
d’examiner la conformité des décisions européennes à la Loi fondamentale, si les institutions
de l’Union dépassent les compétences inscrites dans les traités ou si les droits fondamentaux
ne sont pas suffisamment respectés.

Avec cette disposition, elle rentre en concurrence avec la Cour de Justice de


Luxembourg. On peut aller jusqu’à dire qu’avec son arrêt de 1993, la Cour constitutionnelle
s’est dotée d’un droit de contrôle sur l’intégration européenne à venir, ce qu’il ne faut pas sous-
estimer, car elle jouit d’un respect et d’un pouvoir important en Allemagne.

La position de la Cour constitutionnelle est d’ailleurs contestée par bon nombre de


personnalités politiques et d’experts constitutionnels qui pensent qu’il faut désormais
interpréter la Loi fondamentale dans le contexte de la « constitution européenne », telle qu’elle
s’est développée successivement ces cinquante dernières années.

Cette argumentation part du principe qu’à l’ère de la globalisation, l’Etat national


souverain classique n’existe plus et qu’il faut aborder la constitution d’un Etat en ayant à l’esprit
son implication au niveau international. Un Etat, dans cette logique, est constitué à différents
niveaux qui se partagent le pouvoir. Une partie des droits souverains du peuple de l’Etat est
confiée à des institutions supranationales pour certains domaines substantiels. Les

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Le fédéralisme Allemand 34

Module : Le droit constitutionnel comparé


compétences dans les autres domaines sont exercées au niveau de l’Etat qui peut d’ailleurs
être un Etat unitaire ou fédéral. (multilevel constitutionalism, Ingolf Pernice, 1998) Cette
conception semble plus appropriée à l’état actuel de l’intégration européenne que la défense
classique de la souveraineté nationale.

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Le fédéralisme Allemand 35

Module : Le droit constitutionnel comparé


Conclusion

Nous avons vu que le système fédéral allemand était conçu à l’origine comme un
système de séparation des compétences entre les Länder et le Bund, avec un volet important
de compétences concurrentes.

Le Bund a fait très vite usage de son pouvoir législatif dans le domaine des
compétences concurrentes, ce qui a créé un effet de centralisation législative au niveau
fédéral.

La dynamique de ce processus a été accélérée à partir de 1969, quand des tâches


communes avec des financements mixtes ainsi que le système de répartition financière
actuel, ont été introduits dans la Loi fondamentale.

La plupart des dispositions législatives sont désormais décidées et financées en


commun par le Bund et les Länder. Ceci a entraîné une forte uniformisation (voulue) des
conditions de vie sur le territoire allemand et diminué les différences économiques et
juridiques entre les Länder. La coordination croissante des Länder dans leurs domaines de
compétence exclusive a contribué à cette uniformisation.

Ainsi, l’expérience allemande met en garde contre des mécanismes institutionnels


trop compliqués qui ont tendance à favoriser une certaine dérive technocratique de la
démocratie.

En sens inverse, elle montre aussi que la structure fédérale a permis de concilier l’unité
nationale avec le respect de la diversité historique des régions et des communes sur le plan
politique et culturel.

Comme tout système fédéral, l’Allemagne est en évolution constante et passe par des
cycles caractérisés par l’antinomie entre le centre et la périphérie, où les éléments
centralisateurs et décentralisateurs se font concurrence. En ce qui concerne les défis
institutionnels de l’intégration européenne, on peut en tout cas affirmer, que le système
allemand a fait preuve de flexibilité en s’adaptant aux exigences de changement.

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Bibliographie

- Bowie, Robert R. et Friedrich, Carl J. : Etudes sur le fédéralisme (tome I et II). Librairie
générale des droits et jurisprudences Pichon et Durand-Auzias, Paris, 1960 et 1962
- Bundesrat, service des relations publiques : Le Bundesrat - organe constitutionnel fédératif,
Bonn, 3è édition
- Carpentier, Jean et Lebrun, François : Histoire de l’Europe. Editions Seuil, Paris, 1990
- Clergerie, Jean-Louis : Le principe de subsidiarité, Editions Ellipses, Limoges, 1995
- Ellwein, Thomas : « Fédéralisme et autonomie : l’unité à l’extérieur, la diversité à l’intérieur :
une réussite de l’histoire allemande. In : Deutschland, n°2, 1996
- Gosselin, Serge : « Evolution du fédéralisme allemand depuis 1949. Tendances récentes et
rôles du Bundesrat dans l’Allemagne unifiée ». In : Allemagne d’aujourd’hui, n° 116, avril-juin
1991
- Pernice, Ingolf : « Consitutional Law Implications for a State Participating in a Process of
Regional Integration. German Constitution and ‘Multilevel Constitutionalism’. In : Eibe
Riedel (éd.) : German Reports on Public Law. Presented to the XV. International Congress on
Comparative Law, Bristol 26 July to 1 August 1998. Baden-Baden, 1998
- Uterwedde, Henrik : « Faut-il réformer le fédéralisme allemand ? » In : La Jaune et la Rouge,
janvier 1998
- Weidenfeld, Werner (éd.) : Wege zur Erneuerung der Demokratie (Bellevue-Gespräche III).
Verlag Bertelsmann Stiftung, Gütersloh, 1998
- Winkelmann, Ingo (éd.) : Das Maastricht-Urteil des Bundesverfassungsgerichts vom 12.
Oktober 1993. Dokumentation des Verfahrens mit Einführung. Berlin, 1994

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