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L’harmonium d’Art

Quel avenir dans la


société
d’aujourd’hui?
Qu’est-ce qu’un harmonium?
Un harmonium ou orgue expressif est constitué de 4 éléments distincts:

• un sommier contenant des anches libres

• un clavier

• un approvisionnement en vent, généré par2 soufflets/pédales

• des registres appelant différent jeux (rangées d’anches)


A propos de l’anche libre

• elle est directement affectée par la pression du vent, sans réelle influence sur la
hauteur des sons

• son accord reste stable, même dans des conditions extrêmes

• la hauteur du son est déterminée par la vitesse de vibration (fréquence),


dépendant de sa longueur et de sa masse

• le volume sonore est déterminé par l’amplitude de la vibration, dépendant


directement de la pression du vent
Le clavier
• comprend 61 notes (5 octaves), démarrant au do2
(2 octaves en dessous du do moyen)

• comprend une coupure (division) entre mi4 et fa4

• est directement connecté à une palette située dans


l’axe de la longueur
L’action d’un touche décolle la palette et permet au vent de s’infiltrer, mettant
ainsi l’anche en vibration
Les soufflets
• l’approvisionnement en vent est délivré par 2 grands soufflets, actionnés
par les pieds de l’instrumentiste (harmoniumiste)

• le vent produit agit directement sur le volume sonore généré par les
anches (jeu avec expression) ou peut être régulé via un réservoir (jeu sans
expression)

• contrairement à l’harmonium américain (reed organ) dont les soufflets


aspirent l’air à l’intérieur de l’instrument, l’harmonium « français » est à
vent sortant

Les compositeurs du XIXe siècle ont souvent comparé le jeu des pédales de
l’harmonium à la technique de l’archet au violon. Pour qu’un son soit tenu
indéfiniment, il faut alterner sans interruption entre les 2 pédales. Cette
maîtrise demande un entraînement certain.
Paramètres sonores
En résumé, l’instrumentiste (harmoniumiste)
agit sur 3 paramètres du son:

• la hauteur, par le jeu du clavier


• l’intensité, par la foulée des pédales
• La couleur, par le choix des registres
Caractéristiques nationales
On distingue des harmoniums de différentes « nationalités », appelés
communément:

• l’harmonium français ou orgue-expressif (vent sortant)

• l’orgue américain ou reed organ (aspirant)

• l’harmonium allemand, plus hétéroclite


De nos jours, ce terme est parfois utilisé en opposition au système français (vent
sortant), et désigne alors un instrument aspirant.
Au XIXe siècle, il était synonyme d’instrument à pression, conforme au système
français.
Harmonium français Orgue Américain
DEBAIN, c. 1865 ESTEY, c. 1880

(classique de 4 jeux)
Norme de l’harmonium français
Inventé en France en 1810 par Gabriel Joseph Grenié sous le nom d’« orgue expressif », l’instrument a
subit maintes tentatives d’amélioration durant la première moitié du XIXe siècle. La plus notable est
sans doute le « poïkilorgue » de Dominique Hyacinthe Cavaillé-Coll (1834).
C’est en 1842 que des spécifications normalisées furent établies pour la première fois par Alexandre-
François Debain, qui dépose alors le nom « harmonium ».

Debain propose la nomenclature suivante ( toujours d’actualité) pour les registres, créant ainsi la norme
du « 4 jeux classique », d’usage jusqu’à la fin de la production en France (vers 1970) :

1 Cor Anglais / Flûte (8’)


2 Bourdon / Clarinette (16’)
3 Clairon / Fifre (4’)
4 Basson / Hautbois (8’)
0 Forte (deux volets)
E Expression

Cette spécification normative de Debain figure déjà dans la première méthode d’harmonium, rédigée
par Lefébure-Wély et publiée en 1845, auquel s’adjoint le registre suivant:

G Grand Jeu (appel des 4 jeux en même temps)

Il est intéressant de remarquer que l’harmonium « normal » se contente d’un seul clavier. Il en sera de
même pour l’Harmonium d’Art, plus tardif.
Orgue expressif Poïkilorgue
GRENIÉ, 1810 CAVAILLÉ-COLL, 1834
L’harmonium d’Art (Kunstharmonium)
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, diverses améliorations apportées à
l’harmonium classique (4 jeux) par Victor Mustel, font évoluer l’instrument vers un
nouveau standard plus élitiste qu’il baptise « l’harmonium d’Art ». Les améliorations
apportées sont:

• la « double expression » (1854), genouillères permettant de nuancer


différemment les aigus et les graves, selon la division déjà existante du sommier
• le registre de « prolongement », qui maintient abaissées une ou plusieurs touches
(créant l’illusion d’une 3e main)
• le registre pneumatique de Forte Expressif, permettant aux volets « Forte » de
s’ouvrir progressivement en fonction de la pression produite par les soufflets
• la percussion, marteaux dynamiques frappant directement les anches du jeu n° 1
• des registres supplémentaires: …et encore plus:
– Harpe Éolienne 8’ (basse) – Harpe Éolienne 8’ (dessus)
– Baryton 32’ (dessus) – Prolongement (dessus)
– Musette 16’ (dessus) – Métaphone (résonateur)
– Voix Céleste 16’ (dessus) – Harmonium-Célesta (1885)
Harmonium-Célesta Harmonium d’Art
MUSTEL, 1912 MUSTEL, 1924
Usage de l’harmonium en France et en Belgique
L’Harmonium d’Art de Mustel a été adopté par de nombreux compositeurs maniant déjà habillement le
piano et l’orgue, tels que Saint-Saëns, Guilmant, Lemmens, Lefébure-Wély, Loret, Mouquet, Mailly et
Dubois. Ces instruments au coût relativement élevé ont toutefois été produits en faible quantité,
proportionnellement aux harmoniums « classiques à quatre jeux ». Si le répertoire pour harmonium est
très vaste, le répertoire pour harmonium d’Art est donc relativement restreint. Le compositeur qui
poussa au plus loin la technique de jeu est l’allemand Sigfrid Karg-Elert (1877-1933).

Si au XIXe siècle, l’instrument trouve aisément sa place dans les salons (comme soliste ou pour
compléter un petit ensemble orchestral), il a du mal à se faire accepter au concert mais occupe souvent
une place discrète dans l’orchestre. Durant la première guerre mondiale en Allemagne, il servit à
remplacer les cuivres et les cordes manquants (arrangements d’Arnold Schönberg et d’Erwin Stein).

À l’église, il remplace souvent l'orgue à tuyaux, que certains facteurs d’harmoniums cherchèrent
d’ailleurs à imiter (Médiophone Dumont-Lelièvre, 1874). Il est généralement joué sans Expression,
difficile à contrôler pour un organiste amateur et jugée inadaptée à la liturgie. Cet usage de « l’orgue du
pauvre » contribua sans doute au déclin de l’instrument au tournant du XXe siècle.

L’explosion des ventes d’orgues électromécaniques dans les années 60 a probablement signé la
fermeture des dernières manufactures d’harmoniums. C’est ainsi que l’atelier Kasriel stoppa sa
production en 1984, alors qu’il ne produisait déjà plus, depuis les 20 dernières années, que des
instruments aspirants destinés au grand public. Le géant Yamaha produisit d’ailleurs des petits aspirants
durant les années 50. Ces aspirants était plutôt destinés à l’usage des écoles ou comme instrument
domestique. Certains groupes de rock populaires tels que les Beatles utilisèrent ce type d’instrument
dans leurs enregistrements.
Guide-chant électrique
KASRIEL, c, 1960

Harmonium électrique
YAMAHA, c. 1970

Médiophone
DUMONT-LELIÈVRE, c. 1900
Une classe d’harmonium?
• En 1846, Jacob Alexandre propose à Daniel-François Auber (alors directeur
du Conservatoire de Paris) d'ouvrir une classe d'harmonium dont lui-
même et Lefébure-Wély seraient titulaires. Cette proposition restera sans
suite.

• En Belgique, le lessinois Charles-Victor Dubois fut titulaire d’une classe


d’harmonium au Conservatoire de Bruxelles, de c.1855 à 1862. Le
directeur était alors François-Joseph Fétis, grand ami de Joseph Merklin,
pour qui Dubois fut démonstrateur.
Le cours aurait produit quelques bons éléments mais la mauvaises qualité
des instruments en aurait amené la supression.

• Peu après 1890, le nouveau directeur du Conservatoire de Paris, Ambroise


Thomas, propose à nouveau l’ouverture d’une classe d’harmonium,
parallèlement à l’étude de l’orgue. Charles-Marie Widor, alors professeur
d’orgue, s’y oppose.
L’harmonium aujourd'hui
L’harmonium connaît encore de beaux jours au XXIe siècle, grâce au travail de
restauration de facteurs spécialisés hautement qualifiés (Hollande,
Allemagne, France, Québec), capables de restaurer ces instruments dans les
moindres détails.
Aussi, de nombreuses pièces de rechange sont encore disponibles, grâce à la
récupération des stocks souvent immenses laissés par les anciennes
manufactures.
C’est ainsi que de nombreux Harmoniums d’Art ont survécu. Plus de 200 sont
recensés en Europe (principalement en France, Belgique et Allemagne) et
sont régulièrement joués par des passionnés. Même en état de ruine, un
Mustel annoncé à prix d’or sur Internet trouve acquéreur en à peine quelques
heures.
Il existe donc aujourd’hui des gens capables de reconstruire ces instruments
mais cela n’a pas de sens tant qu’il est encore possible de dénicher un
instrument authentique et de le restaurer à relativement moindre coût.
Conclusions
• L’harmonium d’Art a connu sa période de gloire entre
1855 et 1930
• Il s’est essentiellement répandu en Europe Occidentale,
en France, Belgique, Allemagne, Espagne et Italie
• Très couteux, il était réservé à une élite aux conditions
de vie aisées, habitant de grands centres urbains
(salons et grandes salles de concert)
• Son répertoire existant, quoique restreint, est digne
d’un grand intérêt
• Il serait intéressant de composer à nouveau pour cet
instrument, afin de compléter son répertoire

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