Perrot, F. and Dhénin, M. 1985. L'or Des Rois Mâges

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Bulletin de la Société

française de numismatique

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Société française de numismatique. Auteur du texte. Bulletin de
la Société française de numismatique. 1985-05.

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PERROT (F.) et DHENIN (M.). — L'or des Rois Mages : vitrail de la cathé
drale de Chartres (XII e s.).
La façade occidentale de la cathédrale de Chartres, qui donne de prime
abord une impression de grande unité — sauf pour la flèche nord manifeste
ment flamboyante —, est le résultat de campagnes de construction différentes
menées au cours du XII e et du XIII e siècle. À la partie occidentale de la cathé
drale de Fulbert, qui précéda l'édifice actuel, on ajouta d'abord un clocher au
nord (dont la partie supérieure a donc été refaite dans les premières années du
XVI e siècle), puis le clocher sud. Entre ces deux clochers, fut tendue, vers
1155, la partie de la façade qui comporte le portail royal et, au-dessus, les trois
baies qui ont conservé leurs vitraux d'origine. En 1196, survint l'incendie qui
endommagea la cathédrale de Fulbert, à l'exception des adjonctions occiden
tales récentes. On décida alors la reconstruction de l'édifice que nous voyons
actuellement ; les travaux commencèrent à l'ouest, prenant appui sur les deux
tours et les deux étages de la façade qui furent alors surmontés au début du
XIII e siècle par un troisième étage comportant la rose.
Les trois verrières occidentales, qui remontent aux années 1155-1160, déve
loppent un programme iconographique relatif à la Vie du Christ : à droite,
lorsqu'on regarde le triplet de l'intérieur de l'église, l'Arbre de Jessé — rappe
lant la généalogie humaine du Christ ; au centre, l'Enfance du Christ jusqu'à
l'Entrée à Jérusalem, suivie, à gauche, par le récit de la Passion.
Ces verrières ont subi de nombreuses restaurations depuis leur création. La
dernière qui eut lieu en 1975 a permis de faire un relevé précis des restaurations
antérieures que l'on peut dater des XIII e XVe et XIX e siècles. Elle a également
permis de faire des observations de détail, sur la technique et sur certains détails
des compositions.
Dans le vitrail de YEnfance, le voyage des Mages à Bethléem occupe six
panneaux : les Mages devant Hérode (deux panneaux), Y Adoration des Mages
à proprement parler (deux panneaux), leur départ vers l'Orient (un panneau),
leur sommeil pendant lequel ils apprennent qu'ils doivent renoncer à revoir
Hérode (un panneau).
La scène de YAdoration avait déjà retenu l'attention des spécialistes d'icono
graphie ; elle méritait d'attirer celle des numismates ; c'est chose faite grâce à
Claude Brenot : chacun des Mages, couronné (les têtes et les couronnes ont
été refaites, deux au XV e siècle, la troisième au XIX e ), tient dans sa main une
pièce de monnaie d'or. Pendant la restauration de 1975, j'ai pu observer en
détail ces pièces. Toutes les trois appartiennent à la composition d'origine : le
verre jaune et la peinture présentent les caractères du XII e siècle (épaisseur du
verre, traces d'éclats dus au grugeoir, grisaille épaisse de couleur caramel
comme dans les parties originales du vitrail).
La scène de l'Epiphanie mêle le sacré, le mystère, l'astronomie populaire,
l'exotisme et le rêve de richesse ; elle a beaucoup excité les imaginations, tout
particulièrement à l'époque médiévale : les artistes se sont plus à la peindre, à
la sculpter, à la ciseler. Miniatures, fresques, tableaux, chapiteaux, linteaux,
tympans, ivoires, intailles, coffrets, châsses ou objets liturgiques..., mille
œuvres d'art représentent devant l'Enfant les Mages. J'allais écrire les trois rois
mages — mais ils ne sont pas toujoursd trois, et ils ne sont pas toujours rois,
surtout dans les premiers temps.
Retournons aux sources : l'Evangile de Matthieu ne cite jamais le nombre
des mages. Il semble certain que celui-ci a été déduit de la phrase où il est dit
« puis, ouvrant leurs trésors, il lui offrirent, en présent, de l'or, de l'encens et
de la myrrhe ». Quoi de plus logique en effet que d'imaginer un roi offrant l'or,
un second l'encens et un troisième la myrrhe... mais c'est là bien sûr créer arbi
trairement un lien entre le nombre des mages et l'énumération des présents.
Quoi qu'il en soit, c'est ainsi que sont le plus souvent représentés les rois
mages : ils forment un trio aux types assez caractérisés : le vieillard Melchior
porte l'or, l'homme jeune, Caspar, l'encens et le noir Balthazar, la myrrhe.
Les présents des mages sont figurés sous des formes bien différentes ; l'or
seul intéressant les numismates, oublions Caspar et Balthazar et regardons de
plus près ce que Melchior tient encore dans ses mains, ou vient de poser à
terre pour s'agenouiller devant l'Enfant et lui baiser le pied. Si on laisse de côté
quelques représentations anciennes, où les présents sont très incertains, il s'agit
le plus souvent d'un récipient soit banal, soit au contraire d'une richesse
extraordinaire : plat, corbeille, coupe en forme de navette, coupe à pied, pièce
d'orfèvrerie, ou cassette ; dans ce récipient on aperçoit des petits objets ronds,
que l'on peut interpréter comme étant des pièces de monnaie... d'or bien
entendu, avec lesquelles parfois l'enfant joue (signe d'une vocation de numis
mate hélas contrariée par la suite). Les exemples de ce type de représentation
sont si multiples que tout lecteur en a certainement en mémoire.
Quelques œuvres d'art donnent cependant une autre image du présent de
Melchior : c'est une couronne qu'il offre à l'Enfant ; cette forme de figuration
de l'or, moins répandue que la précédente, est néanmoins bien attestée, dans
tous les arts plastiques utilisés au Moyen Age.
Beaucoup plus rare est la représentation de l'or par une ou plusieurs mon
naies tenues directement à la main par le premier roi mage. C'est dans l'art de
la sculpture sur ivoire que l'on en trouvera les exemples les plus significatifs :
sur un dyptique du Musée du Louvre et sur une plaque du Musée de Munich,
tous deux de travail allemand du milieu du XIV e s., et sur un dyptique du
Musée de Cluny. Sur celui-ci deux traits en croix caractérisent parfaitement la
monnaie, selon un code très souvent utilisé. D'autres œuvres peuvent égale
ment être citées ici : les miniatures d'un psautier de la Bibliothèque de Breslau
(Codex I, f. 440), du début du XIII e s., et d'un autre de Chantilly (n° 1453), de
1300 environ, mais aussi une sculpture de la cathédrale d'Augsburg (1343 envi
ron).
Sur le tympan de l'église de Germigny-l'Exempt (Cher), ce sont trois mon
naies que le premier mage tend à l'Enfant. Ce tympan daterait de la fin du
XII e s. Dans cette représentation le nombre des monnaies n'est sans doute pas
indifférent ; il faut le mettre en rapport avec le nombre même des mages : Mel
chior remet à l'Enfant une pièce donnée par chacun d'eux.
D'autres figurations de l'Adoration des mages, très rares semble-t-il, nous
montrent justement chaque roi tenant à la main un objet rond, que l'on peut
interpréter comme étant une monnaie : c'est le cas d'une miniature d'un évan-
géliaire de la Bibliothèque Royale de Bruxelles (Cod. /at. 9428). Sur le vitrail de
la Cathédrale de Chartres, ce sont bien des monnaies que tiennent les trois rois
mages, des monnaies d'or, bien entendu, il n'y a là aucune place pour le doute.
Evidemment l'artiste n'a pas suivi le thème traditionnel, qui attribue à cha
que roi son présent, l'or à Melchior, l'encens à Caspar et la myrrhe à Baltha
zar ; il a préféré une interprétation différente des textes saints chaque roi offre
:
successivement l'or, l'encens et la myrrhe ; il a représenté le premier don du
premier roi. D'ailleurs cette interprétation se trouve très nettement indiquée par
un évangile apocryphe, le pseudo-Matthieu (XVI, 1, 2) : « Alors ils ouvrirent
leurs trésors et ils firent à Marie et Joseph de très riches présents. A l'Enfant
lui-même, chacun d'eux offrit une pièce d'or. Après cela l'un offrit de l'or,
l'autre de l'encens, un autre de la myrrhe ». Cet évangile apocryphe ajoute à la
scène traditionnelle un épisode exceptionnel, qui est uniquement décrit par ce
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texte. On a bien l'impression que c'est une glose marginale explicative du texte
original qui s'y est glissé : c'est bien ainsi que sont nés ces évangiles apocry
phes qui devaient rencontrer un succès populaire certain dont témoignent nom
bre d'œuvres d'art qui s'en inspirent directement. L'imagination médiévale a
même inventé toute une histoire à ces pièces : elles auraient été frappées par
Terah, le père d'Abraham, et données aux Sabéens par Joseph, fils de Jacob,
en échange des parfums pour embaumer son père mort ; elles auraient ensuite
été présentées à Salomon par la reine de Saba.
L'intérêt du vitrail de Chartres dépasse cette référence aux évangiles apo
cryphes, — déjà bien connue. En effet toutes les figurations de monnaies que
nous avons rencontrées sont en quelque sorte symboliques : ce sont des
disques sans aucun détail, à l'exception de l'ivoire du Musée de Cluny où deux
traits figurent la croix habituelle des revers monétaires occidentaux au Moyen
Age. Sur le vitrail de Chartres les monnaies sont peintes avec suffisamment de
détails pour qu'une identification un peu précise soit possible ; malgré une
inversion « en miroir », on ne peut s'y tromper : la typologie et les caractères
montrent que les monnaies représentées sont des dinars arabes : ils ont été
copiés — à l'envers — par un illettré (en langue arabe s'entend) ; mais on
reconnaît néanmoins dans les trois lignes centrales horizontales de la monnaie
du premier mage la profession de foi islamique « il n'y a de dieu qu'Allah,
l'Unique, qui figure au droit des dinars. La légende circulaire semble vouloir être
le verset coranique 79 de la sourate III, propre à la dynastie almoravide. La
forme des caractères : un coufique ornemental particulier, la présence d'un grè-
netis intérieur — qui pourrait être le collier des dinars almoravides — sont
autant de confirmations pour les spécialistes de numismatique orientale à qui
nous avons montré cette image. Ariette Nègre et Raoul Curiel : la monnaie qui
a été copiée — d'après nature probablement à l'origine, mais dont le dessin a
été inversé par le peintre du vitrail — est un dinar frappé en Espagne par la
dynastie almoravide. La comparaison avec des exemplaires réels permet de pré
ciser l'époque de sa fabrication : ce serait la première moitié du XII e s. Cette
date correspond parfaitement avec celle bien établie par les spécialistes de l'art
du vitrail de la réalisation des verrières originales de cette partie de la Cathédrale
de Chartres : 1155/1160.
M. J. Duplessy a étudié — il y aura bientôt trente ans [RN. 1956) la circu
;
lation des monnaies arabes en Europe occidentale ; il cite plusieurs trésors du
XII e s. L'un d'entre eux a été découvert à Meslay-le-Vidame, soit à une ving
taine de kilomètres au sud de Chartres seulement ; il date de la fin du XII e s.,
après 1180.
Les témoignages des documents et même de la littérature sur la circulation
des dinars — qu'on appelait « mangons » ou « marabotins » nombreux.
— sont
Le vitrail de Chartres est un document d'un autre type à verser à ce dossier :
l'artiste qui à Chartres entre 1155 et 1160 a dessiné cette monnaie pour la
peindre ensuite sur le vitrail avait en main un dinar almoravide de la première
moitié de son siècle...
Ilne pouvait d'ailleurs pas représenter l'or des rois mages par une autre
espèce courante, puisque la frappe de ce métal ne devait reprendre dans les
royaumes chrétiens d'Occident que plus d'un siècle plus tard. C'est ainsi que
par la force des choses, la profession de foi musulmane fut peinte en toutes
lettres (ou presque) dans la cathédrale de Chartres, à une époque où chrétiens
et musulmans s'affrontaient, en Orient (Croisades) et en Occident
(Reconquista)... mais le pouvoir de l'or monnayé est tel...

Ce qui ressort de ces observations, c'est la précision apportée au détail dans


ce vitrail. Les pièces d'or sont peintes sur des morceaux de verre qui mesurent
4 et 5 cm de diamètre. Comme elles sont situées à plus de 10 mètres du sol,
ces inscriptions sont invisibles, et encore plus illisibles, pour le spectateur qui
reconnaît seulement la forme des pièces de monnaie.
Ceci nous oblige à modifier notre façon de prendre en considération les
représentations peintes sur les vitraux. On répète souvent, depuis Guillaume
Durand, que le vitrail est la Bible des pauvres. Or si le commun des fidèles au
moyen âge était susceptible de reconnaître le Calvaire ou telle autre scène cou
rante commentée à l'occasion du sermon à la messe, la plupart des représenta
tions lui échappaient. A fortiori le détail des compositions.
On peut donc se demander pourquoi cette recherche et aussi qui l'introdui
sait. Le problème des modèles qui servaient à faire un vitrail se trouve posé. Il
est probable que le schéma des compositions courantes était fourni par des
recueils que possédaient les ateliers. Pour les scènes moins fréquentes, on
adaptait le schéma traditionnel le plus proche. C'est ainsi que, dans le vitrail de
VEnfance à Chartres, le panneau représentant les Mages devant la Vierge à
l'Enfant et celui montrant les Mages quittant Bethléem présentent des simili
tudes telles que certains personnages sont superposables, ce qui laisse suppo
ser qu'ils ont été taillés d'après le même carton. Ceci se comprend mieux si l'on
se souvient que le « carton » d'après lequel le verrier taillait les pièces de verre,
puis les peignait, était en fait une table blanchie à la chaux où l'on avait porté
le contour des pièces et le dessin de chacune.
Qui a pu avoir sous les yeux ou entre les mains la pièce qui a servi de
modèle ici ? La question reste encore sans réponse.

SÉANCE DU SAMEDI 4 MAI 1985

Présidence : M lle C. Brenot, présidente.


Présents : M mes M lles et MM. Béghin, Béquignon, Berthuit, Chabachoff,
Charlet, Chevallier, ,Depeyrot, Dhénin, Duchamp, Dup/essy, Faillat, Fédi, Gau
tier, Geiger, Fluvelin, Kavafyan, B. et C. Kania, Lafaurie, Lesbre, Leverrier,
Moser, Müller, Nègre, Parent, Pilet-Lemière, Prot.
M lle C. Brenot, présidente, salue la présence de M. H. U. Geiger, conserva
teur du Cabinet des Médailles du Musée National Suisse à Zurich, et celle de
M me F. Perrot, maître de recherches au CNRS (Centre international du vitrail).
Elle annonce la première rencontre de Numismatique Antique de l'Université
de Paris-Sorbonne, Paris IV (Département des civilisations de l'Antiquité clas
sique), qui se tiendra le 13 mai 1985 sur le thème : Pergame et Antioche : le
trésor de Gülnar et le monnayage des Attalides et des Séleucides au III e siècle
av. notre ère. On y écoutera M mes et MM. J. Bompaire, G. Le Rider, A. Davenne,
C. Joannès, U. Westermark, C. Boehringer et A. Laronde. Les membres de la
Société sont chaudement invités à participer à ce colloque.
Les candidatures suivantes sont présentées : M me Maria Bernareggi, de
Milan, parrains M ,,e Brenot et M. Giard ; M. Alain Boissau, de Bourges, parrains
M. Dhénin et le bureau ; M. René Quéré, de Rennes, parrains M. Michel et
M. Goulpeau ; M. Patrick Vil/emur, d'Alger, parrains M. Amandry et M. Gau
tier.
La Crusader Company est élue membre correspondant.

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