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Camille Aubaude

La Maison des Pages

La Casa delle Pages

3e édition, revue et corrigée

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Éditions de la Maison des Pages
lamaisondespages@orange.fr

Pour commander ce livre

IBAN - FR76 3000 2086 3700 0007 0531 N88

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guetrojc@gmail.com

© Maison des Pages éditions


30 rue Beaubourg, 75003 Paris
France

ISBN 978-2-9529782-7-9
EAN 9782952978279

Tous droits de traduction, de reproduction


et d’adaptation réservés pour tous pays.

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Ne vous appuyez point sur un roseau qu’agite le vent et n’y
mettez pas votre confiance, car toute chair est comme l’herbe
et sa gloire passe comme la fleur des champs.
Imitation de Jésus-Christ

Tu sais tout ! tu peux tout ! et tu peux n’être rien !…


Claude de Saint-Martin, dit Le Philosophe inconnu

Non appoggiatevi al giunco, che il vento agita e non


affidatevici troppo, perché ogni carne è come l’erba e la sua
gloria passa come il fiore dei campi.
Imitazione di Gesù Cristo

Tu sai tutto ! E puoi non esser niente !...


Claude de Saint-Martin, dice Il Filosofo sconosciuto

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Préface

Dans chaque page de ce livre très vivant et très maîtrisé,


affleurent les intuitions d’une poétesse, celle qui a conçu le
mythe d’Isis. Je la reconnais derrière les murs et les ombres
de la maison secrète où j’ai séjourné, et dont elle évoque le
mystère avec une grande subtilité et beaucoup de talent.
Un lecteur étranger qui ne connaîtrait ni la ville d’Amboise,
ni la Maison des Pages, serait attiré vers elles à travers le
brassage des mots et leur musique discrète. Grâce à une écriture
parfaitement tenue, l’histoire et l’architecture exceptionnelles
de la Maison des Pages prennent figure d’allégorie. Par le
foisonnement des images, ce récit, qui revêt souvent la forme
d’un conte gothique, dépasse de loin les anecdotes et les
événements authentiques qui l’ont inspiré. Il porte en lui sa
propre forme, sa figure nécessaire.
Cette narration se déploie dans les failles de ce qui n’est
pas complètement expliqué et qui est essentiel, et qui va
disparaître. Elle prolonge un secret qui ne sera jamais livré,
car il échappe à une pensée uniquement rationnelle. Je ne puis
que comparer cette narration à ma propre expérience dans
l’écriture romanesque, me contentant de faire à l’emportepièce
le récit de ce qui arrive devant moi, dans un passé-présent

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éternel. L’intrigue qui se noue et se dénoue sous nos yeux
procède de l’invention d’un rythme qui se meut tantôt avec
vigueur dans l’écriture des rêves, tantôt avec rudesse dans la
langue populaire.
Promettant de nous guider dans les labyrinthes et parmi les
statues de la Maison des Pages, nous gratifiant des tableaux de
Léonard de Vinci, ce rythme nous leurre et nous fascine. Il crée
une attente qui joue le rôle des digressions dans la prose, celle
de Montaigne, comme celle Nerval et de Proust, ou encore
celle de Goethe romancier, le Goethe des Affinités électives,
dont il est question à la fin du livre dans l’ultime prière pour le
repos des âmes.

Claude Vigée

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Prefazione

In ogni pagina di questo libro, vivo e ben tenuto, riaffiorano


le intuizioni di una poetessa, colei che ha concepito il mito di
Isis. La riconosco dietro i muri e le ombre della casa segreta in
cui ho soggiornato, e di cui evoca il mistero con grande sottilità
e molto talento.
Il lettore straniero, che non conosce né la città di Amboise
né la Maison des Pages, sarà attratto dalla mescolanza delle
parole e dalla loro musica discreta. Grazie a una scrittura
perfettamente tenuta, la storia e l’architettura della Maison des
Pages assumono i tratti di un’allegoria. Attraverso l’abbondanza
di immagini, questo racconto, che veste la forma di un racconto
gotico, supera tutti gli aneddoti e gli avvenimenti autentici che
gliel’hanno ispirato. Porta in sé una sua propria forma, una sua
necessaria figura.
La narrazione si apre nelle faglie di ciò che non è mai
completamente spiegato, di ciò che è essenziale, e che sparirà.
Prolunga un segreto che non sarà mai svelato, perché sfugge
ad un pensiero unicamente razionale. Posso solo paragonare
questa narrazione alla mia esperienza nella scrittura, e
accontentarmi di raccontare d’un tratto il racconto di ciò che
mi accade, in un eterno passato-presente. L’intrigo che si

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annoda e si snoda sotto i nostri occhi muove dall’invenzione di
un ritmo che avanza sia vigoroso nella scrittura dei sogni, sia
rude in lingua popolare.
Promettendo di guidarci nei labirinti e tra le statue della
Maison des Pages, gratificandoci con i quadri di Leonardo da
Vinci, il ritmo ci inganna e ci affascina. Crea un’attesa che gioca
il ruolo delle digressioni nella prosa, quella di Montaigne, di
Nerval e di Proust, o ancora quella del Goethe romanziere, il
Goethe delle Affinità elettive, nell’accenno all’ultima preghiera
per il riposo delle anime.

Claude Vigée

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Camille Aubaude

La Maison des Pages

La Casa delle Pages

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1er janvier 1986 - Je suis née à Alep mais j’aurais pu voir le jour
au Caire, à Alger ou Paris. Mes parents avaient pour vocation
de parcourir les pays de la Méditerranée, avec une prédilection
pour les oasis entourées d’espaces vierges, de montagnes,
de ravins et de plaines. Après l’Algérie et l’Égypte, Alep la
Blanche, construite dans les sables, accueillit ce couple destiné
aux territoires de confins. Autant que le désert, cette femme
et cet homme nomades peut-être enfuis, ou qui sait dérobés
comme mes secrets, ces écorchés voués au silence après la
guerre, me donnèrent une famille. J’aime le désert de Djésireh.
Il protège Alep et les vestiges de Palmyre, l’antique royaume
de la reine Zénobie qui résista aux Romains, les maîtres de
l’époque.
Au cours de mon enfance, j’ai souvent entendu ma mère
déplorer son isolement. Pendant qu’elle récriminait contre
l’épreuve d’un monde étranger qu’elle côtoyait sans le voir,
elle magnifiait la ville de ses parents, Amboise, où elle avait
été heureuse autrefois. À mes yeux, la capitale de la France
au temps de François Ier accomplit l’idéal des cités de la
Renaissance. Ses habitations convergent en un château dont
les riches ornements reposent les yeux de l’austère forteresse
d’Alep. Le sourire de la Joconde rayonne au-delà du Clos
Lucé, une demeure bâtie en pierre de tuffeau et en briques où
Léonard de Vinci est venu travailler et mourir, en exil.
Au premier matin de l’année, le temps est pluvieux. Je dors
seule à Amboise dans une chambre d’hôtel. Je suis revenue
pour je ne sais quel assouvissement. Il est tôt et je me sens
pourtant épuisée. En prenant le petit déjeuner, je feuillette un
livre d’héliogravures reproduisant les tableaux et les dessins
de l’homme universel de la Renaissance. Je pose à la verticale
du mur celle de la Joconde. Ce tableau crypté, le seul que
Léonard n’ait pas vendu dans l’Italie du Rinascimento, modifie

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1 gennaio 1986 - Sono nata ad Aleppo ma avrei potuto venire
alla luce al Cairo, ad Algeri o Parigi. I miei genitori avevano
per vocazione viaggiare attraverso i paesi del Mediterraneo,
con una predilezione per le oasi circondate da spazi vergini, da
montagne e pianure. Dopo l’oasi di Gardhaia, dopo l’Algeria,
l’Egitto, fu la bianca Aleppo, fatta di sabbia, ad accogliere
questa coppia votata ai territori di confine. Mi diedero i natali,
come un segreto strappato, un uomo e una donna nomadi, come
il deserto, forse fuggiaschi, o chissà, due vagabondi destinati
al silenzio. Amo il deserto Djésireh. Protegge Aleppo e, fino
alla notte dei tempi, le vestigi di Palmira, l’antico e celebre
reame della regina Zenobia che resistette ai Romani, i potenti
dell’epoca.
Nel corso della mia infanzia, ho sentito spesso mia madre
deplorare il suo stato di isolamento. Mentre rasentava, senza
accorgersene, questo stesso mondo straniero che recriminava,
mia madre magnificava Amboise, la città dei suoi genitori, dove
era stata così felice durante la sua giovinezza. La capitale di
Francia al tempo di Francesco I° rappresentava ai miei occhi la
città ideale del Rinascimento. Qui, le abitazioni convergono in
un prestigioso castello, i cui i ricchi ornamenti, dopo l’austera
fortezza di Aleppo, mi erano di riconforto. Il sorriso della
Gioconda splendeva al di là del Clos Lucé, maniero di pietra di
tufo e mattoni, dove Leonardo da Vinci venne per lavorare et
morire, esiliato.
È la prima mattina dell’anno. Il tempo è piovoso. Dormo
sola ad Amboise in una stanza d’albergo. Sono tornata per
appagare non so quale desiderio. È presto, eppure mi sento
già stanca. A colazione sfoglio un libro di rotocalcografie
che riproducono quadri e disegni dell’uomo universale del
Rinascimento. Appoggio contro il muro, in verticale, quello che
rappresenta la Gioconda. Questo quadro criptico, dalle linee

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mes perceptions habituelles. Le visage en deuil de Mona Lisa
a relevé son voile noir qui marque la dépendance au chemin
parcouru. Autour de ce visage ressemblant à celui du peintre,
mais qui n’est pas lui, se déploie un double paysage. Mon
regard se porte sur le sentier de terre rouge et puis sur le fleuve
bleu relié à une étendue d’eau, et puis sur ce portrait dont la
composition est parfaite. Qu’est-ce que je cherche dans ce
chemin de feu et dans cette voie humide s’élevant vers un lac
de brumes ? Une fuite ? Un passage pour approcher la fin des
saisons?
Le fond du tableau est un monde en formation, une genèse
au-delà de la figure humaine dont on s’efforce d’éveiller les
secrets. La Joconde communie en toute conscience avec les
flancs et les cimes d’un paysage rocheux, voire l’empreinte et
les circonvolutions d’un paysage en formation. Les chemins
autant que les pierres donnent l’impression de respirer avec la
figure humaine.
Enfant, je savais lire les âmes. J’entrais en relation avec
d’impénétrables formes arrachées au néant par la peinture qui
leur donne un corps en suspension. Jusqu’au jour où la beauté
du désert m’a entraînée sur la pente des études, une route
obscure pour assujettir la jeunesse à une table de travail en vue
d’advenir dans la société dont le sens est d’évoluer.
À vingt ans, j’ai soutenu un mémoire sur Léonard de Vinci,
pour une Maîtrise d’Histoire de l’Art à l’université française
d’Alep. Diplômée, j’ai fui la ville sans désir de retour. Dans les
souks bruyants, les exilés déjà lassés par l’exotisme oubliaient
leur mal de vivre à l’aide de whiskies noyés et de valses sans
fin. Ils dansaient sur des terrasses, accompagnés par les voix
d’Édith Piaf et de Berthe Sylva. Mon père, convaincu d’une
hypothétique hérédité sarrasine, m’a rendue capable de subsister
au pied de la Citadelle, à l’ombre des jardins suspendus l’un à

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piramidali, l’unico che Leonardo non abbia venduto nell’Italia
del Rinascimento, modifica le mie percezioni abituali. Il viso
in lutto della Monna Lisa mette in evidenza il suo velo nero.
Intorno al viso, che assomiglia molto a quello dell’artista, ma
che non è il suo, si apre un doppio paesaggio. Il mio sguardo
segue il sentiero di terra rossa ed il fiume blu, collegato ad una
distesa d’acqua. Il mio sguardo si posa e si immobilizza su
questo ritratto, questo busto dalla composizione perfetta. Cosa
cerco in questo cammino di fuoco e in questa strada umida che
si alza verso un lago ? Una fuga ? Un passaggio ?
Lo sfondo del quadro è un mondo in formazione, une genesi
al di là della figura umana, dove sonnecchiano tanti segreti. La
Gioconda è in completa comunione con il paesaggio roccioso,
con l’impronta, le circonvoluzioni di un paesaggio. Le strade e
le rocce sembrano respirare attraverso la Monna Lisa.
Da bambina, sapevo leggere le anime, entrare in relazione
con le impenetrabili figure strappate dall’arte all’oblio. Fino
al giorno in cui la bellezza del deserto mi ha portata alle vette
degli studi, una strada oscura per assoggettare la gioventù al
tavolo da lavoro.

Ventenne, ho discusso una tesi su Leonardo da Vinci,


corso di laurea in Storia dell’Arte, all’Università francese
di Aleppo. Ottenuto il titolo, sono scappata da questa città
senza alcun desiderio di tornare. Nei souks rumorosi, gli esuli
dimenticavano il loro male di vivere con l’aiuto di whiskies
annacquati e di valzer infiniti. Ballavano sulle verande,
accompagnati dalle voci di Édith Piaf e di Berthe Sylva. Mio
padre, convinto di un’ipotetica eredità saracena, mi offrì la
possibilità di rimanere ai piedi della cittadella, all’ombra dei
giardini sospesi. In questa città non riuscii a riempire il vuoto

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l’autre. Dans cette ville, je n’ai pas réussi à masquer le vide de
l’univers par les formes rêvées de la Renaissance, cette époque
où la connaissance technique alliée à l’érudition a ressuscité
l’art de l’Antiquité, un art qui survivait déformé par les limites
de son intelligence avec la Nature.
Au temps de la soutenance, j’ai rencontré un cinéaste
originaire d’Amboise, Louis Delille. Il est venu trois fois dans
le palais du musicien d’Alep. J’ai éprouvé pour lui une passion
intense et brève. La rupture m’a fait passer de mornes fins
d’années, où les pensées que j’adressais aux gens de ma famille
demeurés en Touraine peuplaient ma chambre, frôlant mes
joues avec le détachement des vols de chauvesouris. Le silence
et la chaleur étouffante des étés orientaux ont transformé mes
hallucinations en prostration. De passage en France, j’ai décidé
d’abandonner les chemins de traverse pour me retirer dans un
refuge solide et durable.
Un refuge solide et durable…
J’ai retrouvé ces adjectifs, plus tard, dans des poésies
égyptiennes. Ce choix demande que je m’y arrête, fut-ce en
errant sur des bancs de sables pour savoir en quoi un tel choix
pourrait renouveler au mieux les cellules foudroyées de mon
corps physique. Les déserts n’épousent-ils pas la forme du
renoncement ? Les voyages dans les pays de la Méditerranée
ont alimenté la fracture de ma naissance, cette «faille» désignée
par la formule d’Isis, la Guérisseuse, disant en substance :
«Tout ce qui ne fut pas et ne sera jamais laisse le goût de ce
qui aurait pu être».
C’est le clivage inconscient, le double et l’oxymore, la
fracture intime où germe ce qui est vraiment en nous. Je prends
le risque, aujourd’hui, de refermer cette faille avec des mots
déficients, forcément fragmentaires. Les images sont trop
puissantes pour me vouer au recueillement.

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esterno con le forme sognate del Rinascimento, epoca in cui
la conoscenza tecnica, alleata dell’erudizione, resuscitò l’arte
dell’Antichità, sopravvissuta fino a quel momento sfalsata,
deformata.
Nel periodo della discussione della tesi, incontrai un
cineasta originario di Amboise, Louis Delille. Venne tre volte a
casa, ad Aleppo. Provai per lui una passione intensa e breve. La
rottura mi fece passare un lugubre capodanno, in cui i pensieri
che rivolgevo ai membri della mia famiglia rimasti in Touraine
popolavano la mia camera. Il silenzio e il calore soffocante
delle estati orientali hanno trasformato le mie allucinazioni
in prostrazioni, essendo io incapace del minimo beneficio. Di
passaggio in Francia, decisi di abbandonare questo cammino
per ritirarmi in un rifugio solido e duraturo.
Un rifugio solido e duraturo…

Ritrovai questi aggettivi, in seguito, in alcune poesie


egiziane. Dovetti fermarmi, foss’anche in mezzo alle sabbie
mobili, per sapere come si può alleviare il dolore. Non
sfiniscono forse i deserti la forma dell’anima  ? I viaggi nei
paesi mediterranei alimentarono la frattura della mia nascita,
questa faglia designata dalla formula di Isis, che in sostanza
dice :
«Tutto ciò che non fu e non sarà mai, lascia il gusto di ciò
che avrebbe potuto essere.»
È la scissione incosciente, la frattura intima in cui
germinano i desideri. Corro il rischio, oggi, di richiudere questa
faglia con l’aiuto di parole millenarie, perché le immagini sono
troppo potenti per potersi votare al raccoglimento.

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Dans cette chambre d’hôtel, je suis tentée de croire que
les bords du Jourdain et les méandres de l’Orient ont disparu
en fumée, après avoir été des ruines à peine observables où
personne n’a le goût de s’attarder. Les routes du désert m’ont
fait hâter le pas, et ont aggravé ma langueur. Leur ruban obscur
se faufilant dans les sables ne m’a jamais donné l’impression
de retisser la tapisserie de mon esprit.
Écartelée par deux mondes opposés me voici dans une
chambre d’hôtel en train de mêler souvenirs et décisions,
d’assembler des fragments du passé dans la ville où Léonard
s’est peu à peu détaché de la Joconde, le tableau sur bois qu’il
a amené d’Italie à Amboise pour modifier les sensations de sa
vie d’exilé. La Joconde qui fut léguée à Salaï, son compagnon
et disciple ambitieux et médiocre. Ah ! si ces dessins m’ôtaient
l’arrière-goût des générations passées.
Alep, c’était l’époque où des êtres humains habitaient
les châteaux du Désert, à l’Est de la Mer Morte, le temps des
Croisades, où l’exil et les combats couvrent de leurs ombres
funestes des cités éblouissantes.
Amboise est le centre d’une région où une civilisation
d’adresse et d’abondance a su ériger d’autres châteaux,
d’autres maisons pour les intégrer à un monde où des instants
de lumière orangée donnent envie de dialoguer avec les Anges.

Près des sables mouvants de la Loire subsistent les traces
de ma famille, des êtres qui ont vécu des vies étouffantes
sous le joug du devoir et n’existent plus, retournés à la terre.
J’exclus Louis Delille et une jeune femme en deuil, proche de
mon père, que j’ai approchée sans pouvoir la connaître. Ce sont
les seuls dont je ne saurais retrouver la tombe dans le cimetière
d’Amboise, tant la distance est grande entre ce couple et moi.
C’est ce qui fonde mon illusion.

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In questa stanza d’hotel, sono tentata di credere che i
bordi del Giordano e i meandri d’Oriente si sono dissolti in
fumo, sono svaniti, evaporati chissà dove, come i paesaggi che
si vedono a fatica, dove nessuno ha piacere a fermarsi. Forse
questi paesaggi mi hanno spinto ad affrettare il passo, forse
hanno aggravato il mio languore. Una cosa è sicura, non sono
mai riusciti a darmi l’impressione di un soggiorno piacevole.
Straziata tra due assenze, eccomi in questa stanza
d’albergo ad assemblare frammenti del passato nella città in
cui Leonardo si è, a poco a poco, staccato dalla Gioconda,
unico quadro su legno che abbia portato dall’Italia, compagno
d’esilio, io, contigua a ricordi e a decisioni. La Gioconda che fu
affidata a Salai, suo compagno e discepolo di cui non è giunto
alcun disegno. Ah  ! Se questi disegni mi potessero aiutare a
liberarmi dalle catene del tempo.
Aleppo, era l’epoca in cui gli esseri umani abitavano i
castelli del Deserto, a est del Mar Morto, i castelli dei Crociati.
Amboise, è il centro di una regione i cui una civiltà abile e
abbondante ha saputo erigere altri castelli, altre dimore per
integrarle in un mondo in cui ogni istante è un piacere di luce
aranciata e di bellezza segreta.

Nei pressi delle sabbie mobili della Loira, rimangono le


tracce della mia famiglia, degli esseri che, nella maggior parte
dei casi, hanno vissuto e non esistono più, ritornati alla terra.
Louis Deville e una giovane donna in lutto, intima di mio
padre, che ho avvicinato senza poter conoscere, sono gli unici
di cui non saprei trovare le tombe nel cimitero di Amboise,
tanto grande è la distanza che separa questa coppia da me. È
forse un’illusione.

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La Joconde ne me protège pas mais elle plonge ses yeux
graves dans les miens comme si j’étais l’Archange qui domine
le vide. Son sourire d’âme du monde révèle l’équilibre de ce
que l’on n’ose plus nommer « esprit ». Son calme, allié aux
chefs d’œuvre de l’Antiquité et à l’étude de la Nature est une
réponse à la grisaille des jours. Il m’assure que les verbes partir
et rester peuvent être solidaires.
Ville de partage, Amboise s’étend dans une boucle de la
Loire. Des morceaux de mon enfance y reposent. Comme les
mots d’un poème, ils enlacent les façades des maisons qui ont
l’air de perce-neige trouant les brumes du fleuve. Au cours des
nuits où sifflaient les vents du désert, j’ai revu les feuillages
des platanes en été, les chambres mansardées qui sont vides
en hiver, des nids familiaux soigneusement blottis contre les
remparts du château, les remparts de ma conscience. Le soir,
leurs toits de tuile ricochent dans les brumes de la Loire. Les
brumes… Elles couvrent de délicates nuances la pureté du ciel.
Quelle beauté quand elles annoncent le retour des rêves pour
remettre les choses à leur place.

2 janvier 1986 - Dans le miroir face au lit, j’examine mes


traits fatigués par une nuit où coulait l’encre des cauchemars.
Je resterais couchée toute la journée si je n’avais eu besoin
de parcourir la ville pour acheter une maison. Un sentiment
de nostalgie, un sentiment sublimé, presque neutre, un élan
poétique me réconcilie avec Amboise. Est-elle le réceptacle de
mes états extrêmes ? Je veux mettre fin à notre perpétuel corps
à corps. Est-ce à cause du bouquet de roses qui répand son
parfum dans ma chambre ?
Les repères temporels s’embrouillent. Comme dans le
rêve, les éléments de l’espace et du temps obéissent aux lois de

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La Gioconda, per proteggermi, affonda i suoi grandi occhi
nei miei come se fossi l’arcangelo che aspettava. Il suo sorriso
di anima di mondo rivela l’equilibrio di ciò che non si osa
più chiamare spirito. La sua calma, coniugata ai capolavori
dell’Antichità e allo studio della natura, è una risposta al
grigiore dei giorni. Mi assicura che i verbi partire e restare
sono spesso solidali.
Città di condivisione, Amboise è costruita in un momento
storico di cambiamento. Ci riposano dei pezzi della mia
infanzia, intrecciati alle facciate di abitazioni che ricordano dei
bucaneve che spezzano la foschia del fiume. Nel corso della
notte in cui soffiavano i venti del deserto, ho rivisto più volte il
fogliame dei platani in estate, le camere vuote in inverno e tutti
i granai accatastati sui bastioni del mio universo. La sera i tetti
di tegole sembrano giocare a rimbalzello nella foschia della
Loira.
La foschia… copre la fuga del tempo, annuncia il ritorno
dei giorni passati.

2 gennaio 1986 - Nello specchio di fronte al letto esamino i miei


tratti sfiniti dopo una notte popolata da incubi. Sarei rimasta a
letto tutto il giorno se non fossi dovuta uscire per comprare
casa. Un sentimento di nostalgia, un sentimento sublimato,
quasi di indifferenza, mi riconciliava a essa. Addolciva il
nostro perpetuo corpo a corpo. Forse per il bouquet di rose che
spande il proprio profumo nella stanza ?

Confondo i miei ripari temporali. Come in un sogno, gli


elementi dello spazio e del tempo obbediscono a leggi strambe,
pur mantenendo un’apparenza razionale. Devo segnare le date

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l’étrange tout en gardant un semblant de raison. Je dois noter
les dates et retrouver les règles de causalité apparente de mon
univers intérieur. Sans quoi, j’erre dans un labyrinthe, saturée
par des valeurs qui me donnent le vertige et que je ne parviens
pas à expulser. Je viens d’accrocher au mur des gravures de
planches anatomiques. Les écorchés de Léonard déploient
leurs proportions parfaites autour de la fenêtre aux rideaux
blancs. L’homme complet de la Renaissance écrivait comme les
cabalistes, de droite à gauche, à l’envers - allant vers...? Quels
grands penseurs l’entouraient ? Ont-ils traversé les Alpes avec
lui pour l’accompagner jusqu’ici  ? Toutes les réponses sont
permises. à quoi bon chercher des preuves ? En feuilletant le
livre sur Léonard, j’apprends qu’Amboise accueillait autrefois
des couples d’Incroyables et de Merveilleuses, des couples
d’androgynes et que les êtres orientés vers le futur, voulant
animer la matière par l’esprit, sont bannis.
Je suis allée flâner au bord de la Loire. Une promenade
forcée, embellie par la lumière frisante du soleil d’hiver,
un disque blanc privé de rayons. Il ne réchauffait pas mais
en revanche modelait les formes pour révéler une face
extrêmement précise du monde. C’est dans ce décor familier
et sublime que la Maison des Pages a surgi, par une annonce
immobilière affichée sur le Mail qui borde la Loire, dans une
vitrine :

Exceptionnel
Maison des Pages de Charles VII.
Escalier à vis et tour du XIVè siècle, colombages,
parc arboré à l’anglaise, pigeonnier,
observatoire, vue imprenable sur la Loire.
Travaux à prévoir.

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e ritrovare le regole di causalità apparente del mio universo
interiore. Senza il quale erro in un labirinto, mi attacco alle
vertigini. Appoggio contro la verticale del muro le incisioni
delle tavole anatomiche. Le figure scorticate di Leonardo
espongono le loro proporzioni perfette intorno alla finestra dalle
tende polverose. L’uomo completo del Rinascimento scriveva
come i cabalisti di tutti i tempi, al contrario, da destra a sinistra.
Quali grandi pensatori lo circondavano  ? Costoro hanno
attraversato le Alpi per accompagnarlo fin qui ? Sono ammesse
tutte le risposte. Perché cercare altre prove  ? Sfogliando il
libro su Leonardo, vengo a sapere che Amboise accoglieva
altre volte delle coppie di Incredibili e di Meravigliosi, delle
coppie androgine e altri esseri orientati al futuro, che intendono
animare la materia con lo spirito, che sanno bene cosa significa
bandire.
Andai a fare quattro passi sulle rive della Loira. Una
passeggiata obbligata, abbellita dalla luce leggera del sole
d’inverno, un disco bianco privo di raggi. Non scaldava,
ma modellava le forme come per rivelare un’altra faccia del
mondo. È in questo scenario allo stesso tempo familiare e
sublime che la Casa dei Paggi ha fatto la sua entrata, con un
annuncio immobiliare affisso nella bacheca della Loira, in una
vetrina :

Eccezionale
Maison des Pages di Carlo VII.
Scala a torre del XIV secolo, filare di colonne addossate,
parco nuovo di nove mila metri quadri.
Osservatorio, vista suprema sulla Loira.
Lavori da prevedersi.

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Exposée sur une façade rongée par la lèpre du tuffeau, ces
lignes rapides et simples étaient rehaussée de quatre photos.
J’ai déchiffré l’annonce avec la curiosité que l’on éprouve à
lire la phrase surréaliste : « Les éléphants sont contagieux ».
J’ai contemplés les photos de la tour médiévale, de l’escalier
à vis, des cheminées Renaissance, du parc au-dessus de la
maison. Dès le premier coup d’œil, j’ai éprouvé une attirance
monstrueuse, l’impression de retrouver les pièces majeures
d’un puzzle en sachant que tout ne s’emboîtera pas, et que
seule restera la dynamique de la Nature. Je n’avais plus qu’à
réunir les chants du poème que chacun porte en soi-même.
Les formules de l’agence immobilière se sont effacées.
Elles auraient jeté un voile gris sur cet état de disponibilité,
cet état de commotion esthétique que la peinture italienne
exacerbe dans le sfumato : la fumée rassemblant les tensions
dans le cadre d’un tableau non pour altérer son intensité mais
pour la réguler. Il faut des vapeurs pour recréer ce qu’on a
perdu. La rosée et la brume imprégnées par des souffles du ciel
montrent qu’on peut s’accomplir dans le génie poétique.

3 janvier 1986 - À la différence d’un androïde, un être de


chair n’est pas réduit au silence et il meurt. Dans les brumes
matinales, j’ai vu les écorchés de Léonard se lever pour donner
les mouvements de leurs corps aux êtres d’aujourd’hui. Une
sorte de transe, après laquelle s’est imposée une question
atroce et lancinante : les restes de cadavres disséqués pour des
études d’anatomie ont-ils été enterrés à Amboise, avec ceux
de François Ier, ceux de Léonard, ou dispersés ? Tant de choses
reposent dans ces maisons. Une foule d’aïeux pèse sur cette
ville. Tant d’âmes défuntes pour une ville feinte, oublieuse
de son passé prestigieux. Le nom d’Amboise sert d’épitaphe

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Esposti su una facciata mangiata dalla lebbra del tufo,
apparivano queste righe laconiche accompagnate da quattro
foto. Ho decifrato l’annuncio con la stessa curiosità che si
prova a leggere una frase surrealista come : «Gli elefanti sono
contagiosi». Ho contemplato le foto della torre medievale, della
scala a vite, dei camini, del parco. A una prima occhiata, ho
sentito un’attrazione estrema, irrazionale, come l’impressione
di ritrovare i pezzi più grandi di un puzzle.
Forse si trattava solo di riunirli.
Le offerte dell’agenzia immobiliare sono state cancellate.
Avrebbero potuto gettare un velo di piombo sul suo stato di
disponibilità, stato di commozione estetica che la pittura
italiana traduce in sfumato : il fumo che assembla le tensioni
all’interno del quadro ne regola anche l’intensità.
Servono dei vapori per ricreare l’esistenza.
La rugiada e la foschia impregnate nei soffi del cielo
mostrano che è possibile realizzarsi nel genio poetico.

3 gennaio 1986 - Contrariamente a un androide, un essere di


carne non è seppellito nel silenzio, e muore. Aureolate dalle
foschie mattutine, ho visto le figure scorticate di Leonardo
alzarsi per imprimere le forme dei propri corpi alle persone di
oggi. Una specie di trance, dopo la quale una domanda, intensa
e lancinante, si è imposta : i resti dei cadaveri disseccati per
gli studi di anatomia sono sotterrati a Amboise, come quelli di
Francesco I° e di Leonardo, o sono andati dispersi ? Talmente
tante cose prodigiose riposano sotto queste case. Talmente
tante anime spirate per una sola città finta, una città dimentica
del proprio prestigioso passato. Il nome di Amboise serve da

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aux grands esprits oubliés, bien que n’ayant jamais trahi les
conventions. L’été, un spectacle de « sons et lumière » les
fait revivre, comme la Grande Isis revit au temple de Philae
à l’époque d’industrie du spectacle. Vision peu éclairante, et
corsetée mais préférable au néant. Dans la lignée de Christine
de Pizan et de Gérard de Nerval, j’essaie d’échapper par
l’intelligence aux dilemmes qui poussent à la mort. C’est vrai,
je guette le passé, les vestiges et les ruines avec mon envie de
vivre en contemplant la Loire et ses vols d’oiseaux. Mon retour
à Amboise sera une renaissance.
Étalées sur une table, revenant sans cesse sous mes yeux,
les photos de la Maison des Pages m’ont révélé des formes
auxquelles l’esprit s’arrime comme à une barque qui tangue
dans l’orage. Son image a recouvert Amboise. Sa façade est
peinte en camaïeu de rouge. Sa hauteur est impressionnante.
Elle domine le lacis des rues. Elle accompagne les habitants et
contribue à la joie des vacanciers attroupés devant les magasins
de la rue Nationale qui relie le château à l’église Saint Denis.

Vers midi, j’ai quitté ma chambre, décidée à retrouver


seule l’endroit convoité. Un lien inexplicable unit cette maison
à tout ce que j’ai appris, aux pays traversés, à l’exil qui m’a
tenue éloignée en esprit et physiquement, pendant que je
m’acharnais à mettre au jour, si loin parce qu’elles étaient en
fait trop prégnantes, mes origines tourangelles.
À partir de l’hôtel, j’ai parcouru une distance qui m’a
semblé considérable. J’ai arpenté des rues désertes. La brume
remplissait l’air glacé de son humidité. C’était triste et d’un
vague gris. Le froid hivernal m’empêchait de jouir du charme
de la ville, tandis que la perfection de cette maison était là,
éveillant un monde tant espéré. J’imaginais sa silhouette
projetée sur un ciel pur, ses lignes dessinant un monument

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epitaffio per grandi personaggi dimenticati, anche se costoro
non hanno mai tradito le convenzioni. L’estate, uno spettacolo
di «suoni e luce» li fa rivivere, come nell’epoca dell’industria
dello spettacolo la grande Isis torna in vita nel tempio di Filae.
È vero, aspetto impazientemente il passato, le vestigi e le
rovine con la mia voglia di vivere, guardando la Loira e i voli
degli uccelli.
Il mio ritorno a Amboise sarà una rinascita.
Esposte sotto ai miei occhi, come delle immagini che
ritornano, le fotografie dell’annuncio mi hanno rivelato
qualcosa a cui la mia mente si fissa come una barca distrutta
da un temporale. La Maison des Pages si innalza su Amboise.
La facciata è dipinta in un chiaroscuro di rosso. L’altezza è
notevole. L’immagine di questa dimora domina la rete delle
vie sottostanti. Accompagna gli abitanti e contribuisce al
gaudio dei vacanzieri raggruppati davanti ai negozi della Via
Nazionale che collega il castello alla via Saint Denis.

Verso la fine del pomeriggio, lasciai la mia stanza decisa


a ritrovare da sola il luogo agognato. Un legame inspiegabile
unisce questa casa a tutto ciò che ho imparato, ai paesi
attraversati, all’esilio che mi ha allontanata fisicamente da
questo luogo, mentre mi ostinavo ad aggiornare, cosi lontane
perché in fondo troppo vicine, le mie origini della Touraine.
Percorsi, a partire dall’hotel, una distanza che mi sembrò
considerevole. Camminai lungo strade deserte. La foschia
riempiva della sua umidità l’aria ghiacciata. Era triste, ecco
tutto. Un po’ grigio anche. Il freddo dell’inverno mi impediva
di approfittare della calma della città, mentre la perfezione
della casa rimaneva là, sempre là, e svegliava un mondo
insperato. Immaginavo la sua silhouette proiettata su un cielo
puro, le sue linee che disegnano una mano insolita. La sua torre

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insolite. Sa tour dressée dans l’espace se détachait à la manière
d’un tableau éclairé par la lueur blanche du ciel d’hiver.
Je cherchai mon chemin. J’ai questionné plusieurs
commerçants mais aucun ne réussit à me mettre sur la voie.
Leur ignorance était-elle simulée ou réelle  ? Je continuai,
intriguée. J’avais oublié que je devais regagner Paris dans
l’après-midi afin de prendre l’avion pour Alep. Quelques
coups de téléphone, et ce qui me paraissait la veille d’une
extrême importance fut annulé. Il fallait rester. Les ruelles qui
serpentaient sous les remparts du château, les miroirs argentés
des toitures et l’efflorescence des arêtes de pierre avaient
une beauté particulière, celle qui s’attache aux endroits où le
souvenir trace ses portiques.
Au cours de ma promenade, je montai la rue du Clos Lucé,
devenue « rue Victor Hugo ». Sur ma gauche, des logements
troglodytiques venaient d’être vendus à de jeunes couples
sans emploi mais nourris de tendres illusions. De minuscules
potagers étaient cultivés sous l’éperon rocheux du château. Sur
ce promontoire de calcaire amarré dans l’eau du fleuve, la ville
a établi son assise. Depuis des siècles, elle grandit. Ses jardins
s’étalent dans les plaines formées par les alluvions de la Loire.
Au Clos Lucé, j’interrogeai le gardien. Je n’étais pas sur
la bonne voie. Le gardien ne fut pas capable de me montrer
un chemin. En redescendant, j’ai pris le temps de visiter une
« Maison Enchantée », un étrange musée situé sur les bords
de l’Amasse, la rivière qui traversa Amboise et se jette dans
la Loire. Cette bâtisse abrite des automates, des androïdes
rappelant les créations de Léonard avec la pâte de cire. Ces
figures quasi humaines sont fixées dans le rire. Elles expriment
la joie sans être soumises aux fluctuations de l’existence.
Léonard a parcouru les mêmes chemins pendant les dernières
années de sa vie, à Amboise, sans penser que cette maison

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si erge nello spazio stagliandosi dallo sfondo come un quadro
illuminato dal bagliore invernale del cielo.
Cercavo il mio cammino. Ho chiesto più volte informazioni
ai commercianti, ma nessuno era in grado di indicarmi la
strada. La loro ignoranza era simulata o reale ? Andavo avanti,
intrigata. Avevo dimenticato che sarei dovuta rientrare a Parigi
quel giorno per poter prendere l’aereo per Aleppo. Qualche
telefonata, e quella che mi era sembrata la vigilia di una
giornata estremamente importante perse valore all’improvviso.
Dovevo restare. Le stradine che serpeggiavano sotto i bastioni
del castello, gli specchi argentati dei tetti e la fioritura dei
costoloni di pietra avevano una bellezza particolare, la bellezza
dei luoghi di cui si è perdutamente innamorati.
Durante la passeggiata, salii la strada che porta al Clos-
Lucé, rimasta inalterata. A sinistra, delle case trogloditiche erano
appena state vendute a delle giovani coppie senza impiego ma
piene di speranza. Dei minuscoli orticelli erano coltivati sotto
lo sperone roccioso del castello. La città ha istituito la propria
sede su un promontorio di calcare ormeggiato nell’acqua di un
fiume. Si espande da secoli. I suoi giardini si dispongono sulla
piana formata dalle alluvioni della Loira.
Al Clos Lucé, chiesi informazioni al guardiano. Non ero
sicura fosse la strada giusta. Il guardiano del castello non fu in
grado d’indicarmi un’altra strada. Tornando indietro, cambiai
direzione per vedere uno strano museo, la «Casa Incantata».
Situata sulle rive dell’Amasse, fiume che attraversa Amboise
e sfocia nella Loira, questa struttura muraria accoglie degli
automi, che ricordano le creazioni di Leonardo fatte di pasta di
cera. Queste figure semi-umane sono còlte in un momento di
riso. Esprimono gioia, ma non sono sottomesse alle fluttuazioni
dell’esistenza. Leonardo ha percorso lo stesso cammino
per anni, ignaro del fatto che un giorno una casa abitata da

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aux habitants de cire existerait un jour. J’eus l’impression
d’entendre des bruissements derrière moi. Je me suis retournée
plusieurs fois.
Quel chemin prendre  ? La ville s’étendait sur trois
kilomètres. Je savais seulement que l’objet de mon exploration
se situait au bord de la Loire, entre le sentier d’Apollinaire et
la clinique de Malvau. Les mouettes fendaient le ciel de leurs
éclats blancs. Le mouvement de leurs ailes figurait les ondes
du vent. Ce jour de recherche vaine m’a donné un sentiment
insondable d’égarement et de gêne.
Le soir, mon image mentale de la Maison des Pages
recouvrait les murs d’Amboise. Je revins sur le Mail, près
de la vitrine contenant les photos de l’annonce. Une scène
prodigieuse se dessina dans le ciel, à travers les entrelacs des
platanes. Dans une pâle clarté, les contours d’une cité fantôme
se détachèrent de la ville. La cité idéale se déplaça comme se
meuvent les nuages, en harmonie avec le ciel, dans le même
émoi, les mêmes ailleurs. Fastueuse, l’image de la Cité céleste
survola les mesquineries humaines. Délivrée des peines et des
fioritures, la vision de la ville éternelle se déployait en altitude,
frémissant au delà des édifices, des magasins et des rues vides
comme pour me reconduire en Orient.

12 janvier 1986 - Je l’ai vue ! Le lendemain de ce jour d’errance,


Cette maison m’a choisie. Je m’en aperçois en l’écrivant, et
mes mains tremblent, car je l’ai visitée le 4 janvier. On peut
dire que l’après-midi avait plutôt mal commencé. J’étais
revenue m’asseoir sur un banc où je m’étais plongée dans la
contemplation des tourbillons de la Loire.
Un cycliste déboucha d’une allée à toute allure. Le choc ! Il
fonça vers moi, vacilla et tomba. Je me précipitai pour relever

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personaggi di cera sarebbe esistita davvero. Ebbi l’impressione
di sentire dietro di me un fruscio.
Mi voltai più volte.
Quale strada imboccare  ? L’agglomerato si estendeva su
tre chilometri. Sapevo solo che l’oggetto della mia ricerca si
situava sul bordo della Loira, tra il sentiero di Apollinaire e la
clinica di Malvau. I bagliori bianchi dei gabbiani fendevano
il cielo. Il movimento delle loro ali raffigurava le onde del
vento. Questo giorno di ricerca infruttuosa mi diede un senso
di fastidio.
La sera, la mia rappresentazione mentale della Casa dei
Paggi copriva il silenzio di Amboise. Tornai davanti alla
bacheca degli annunci, non lontano dal pannello di vetro che
conteneva le foto e l’annuncio che mi interessava. In quel
momento, una scena sorprendente si disegnò in cielo, tra
l’intreccio dei platani. In un pallido chiarore, si distinsero dal
resto della cittadina le forme di una città fantasma. Questa città
ideale si muoveva tra le nuvole, volava sopra le meschinerie
umane in armonia con il cielo. Liberata da pene e da fioriture,
la visione della Città eterna si apriva in altezza, fremente a
perdita d’occhio, al di-là delle case, dei negozi e delle strade
vuote.

12 gennaio 1986 - L’ho vista  ! All’indomani di quest’errare,


l’ho vista e mi accorgo, tenendo questo diario, ch’essa mi ha
scelta. Non avevo fatto niente per tutta la mattina. Il pomeriggio
stava cominciando molto male. Ritornai a sedermi sulla stessa
panchina sulla quale mi ero persa a contemplare i mulinelli
della Loira.
Un ciclista sbucò a tutt’andare da un viale. Veniva a grande
velocità verso di me, ma vacillò e cadde. Cercai di rialzarlo.

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le malheureux. Des passants m’aidèrent mais l’homme était
aussi rigide qu’un morceau de bois. On ne pouvait dégager sa
jambe bloquée sous la roue arrière. Il hurlait : « Ne touchez à
rien ! » J’ai retenu un fou rire. Sa grosse main crevassée s’est
appuyée sur la mienne. J’eus l’impression d’être pétrifiée.
Cette main était plus vivante que le visage immobile du vieil
homme, mais elle m’agrippait. Cette sensation fit surgir une
image insupportable, celle du seul mort que j’aie vu de ma vie.
L’homme se débattit dans le vide comme s’il se sauvait
d’un naufrage. Il exécuta des mouvements d’automate pour se
relever.
Quelle faiblesse il exprimait ! Ses gestes montraient qu’il
était simplement vivant, rien de plus. à chaque fois qu’il
essayait de remonter en selle, ses membres se raidissaient
contre les courbes métalliques du vélo. Ce véhicule, il le
chérissait de l’amour maniaque qu’éprouvent certaines gens
pour les animaux. Sur le porte-bagage, il avait accroché deux
besaces, les panses des récupérateurs voraces. Sur le guidon
était posé un cageot vide.
Les badauds s’étaient rassemblés. Ils médirent de tout leur
saoul. Ils le montrèrent du doigt. Un homme aux cheveux roux
s’agita brusquement. Il fendit la foule qui murmura son nom. Il
se nommait Léo.
- Je le connais ! dit-il. Je sais ce qu’il a. Laissez-le partir !
L’assurance de Léo emporta l’adhésion du public. Deux
hommes soulevèrent le cycliste et le remirent d’aplomb. Ils
se perdirent en mille propos, tandis que l’ivrogne pédalait de
nouveau, perturbé par la calomnie. Il égratignait les pare-chocs
des voitures, le corps exagérément courbé vers la roue avant.
Extrait de son état éthylique, il était en train de comprendre
l’ingratitude du voisin, le défi du jaloux, et fuyait ses juges du
mieux qu’il pouvait.

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Alcuni passanti mi aiutarono. L’uomo era rigido come un pezzo
di legno. Non riuscivamo a liberare la sua gamba bloccata sotto
la ruota anteriore. Urlava : «Non mi toccate !». Mi trattenni per
non scoppiare a ridere. Appoggiò la sua grande mano screpolata
sulla mia. Fui pietrificata, nell’arco di un secondo. La mano era
più viva del viso di quell’uomo anziano. Mi afferrò. Questa
sensazione fece sorgere un’immagine insopportabile, quella di
mio nonno nell’obitorio di Amboise, il solo cadavere che io
abbia mai visto.
L’uomo ora si dibatteva nel vuoto come se si stesse salvando
da un naufragio. Si mosse meccanicamente per rialzarsi. Che
grande stanchezza esprimeva ! I suoi gesti mostravano che era
vivo, niente di più. Ogni volta che cercava di risalire in sella, le
sue membra si irrigidivano a contatto con le curve metalliche
della bicicletta. Probabilmente teneva a quella bicicletta con lo
stesso amore maniaco che capita di provare per gli animali. Sul
portapacchi, l’uomo aveva attaccato due bisacce, due pance
che servivano a recuperare differenti oggetti. Un cestino vuoto
era attaccato al manubrio. Nel frattempo, si era formato un
gruppo di curiosi. Si fecero beffe di questo vecchio ubriacone.
Un tipo dalla capigliatura fulva si agitò bruscamente. Aprì un
varco tra la folla che ripeteva il suo nome, Léo.
- Lo conosco ! Gridava. So che cos’ha. Lasciatelo andare !
La sicurezza di Léo sortì un buon effetto. Due curiosi
alzarono il ciclista e lo rimisero in sella. L’ubriacone ricominciò
a pedalare. Scosso dall’incidente, graffiava i paraurti delle
automobili, il corpo esageratamente curvo sulla ruota anteriore.
Uscito dal suo stato etilico, si stava rendendo conto
dell’ingratitudine della gente, delle piccole sfide, e rifuggiva il
più velocemente coloro che lo giudicavano.
Sono passati otto giorni da quell’incidente, eppure ho
ancora sotto gli occhi le immagini a rallentatore degli zig zag

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Cinq jours ont passé depuis cet accident. Je revois souvent
les zigzags du vieil homme exécutés au ralenti. Alors la
forme de la maison contemplée sur les photos se superpose
aux méandres dessinés par le vélo. Une tour chancelante se
fond dans ses mouvements. Les têtes de pierre sculptées sur la
façade, avec leurs expressions exaltées, me sourient.
La Maison des Pages se profile sur Amboise avec l’aspect
mélancolique d’un monument élaboré par le temps, un morceau
d’univers pas encore assez délaissé pour disparaître. L’ombre
plane de plus en plus lourdement sur la ville. Les tons rouges
et brun s’embrasent pour se fondre en cette ombre. Ils s’étirent,
ils glissent au point de dessiner un château sur une île encerclée
par un lac de brumes, avec des eaux glauques en profondeur.
Les stries orangées du couchant se mêlent aux brumes de
la Loire. De l’horizon émane un déploiement d’incandescence
qui fait plisser les paupières, une lumière incompréhensible…
Lorsque la foule s’est dispersée, je me suis affalée sur le banc,
persuadée de gâcher des instants précieux.
- C’est un été singulier, fit une voix derrière moi.
- Ce n’est pas l’été, répondis-je machinalement.
Léo m’avait rejointe. Il me fit des grimaces en guise de
salut. D’une voix enjouée, il ajouta :
- Merci pour le cycliste !
Ses sourires m’incitèrent à redresser la tête. La solitude
l’embellissait. À moins que ce ne fût la foule qui, tout à l’heure,
n’ait donné à cet homme une allure suspecte, empreinte
d’instabilité.
Le crépuscule nimbait ce visage radieux, creusé par les
rides, avec un menton étiré en une fine barbe rousse. Le visage
de Léo était débonnaire pour avoir compris que les arbres sont
immortels, pour s’être assoupi dans l’odeur métaphysique des
fleurs. Ce peintre sans âge, vêtu d’un paletot gris et de souliers

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dell’uomo in bicicletta, e non riesco a impedirmi di associare le
forme della casa alle sinuosità tracciate dalla bicicletta. La torre
vacillante si confonde con questi movimenti. Le teste di pietra
scolpite nella facciata mi sorridono con le loro espressioni
esaltate. Le striature del sole calante si mescolano alla foschia
della Loira. Dall’orizzonte proviene un’incandescenza che
obbliga a chiudere gli occhi. Più tardi, quando la folla fu
dispersa, mi accasciai su una panchina, sicura di perdere
momenti preziosi.
- È un’estate particolare, disse una voce dietro di me
- Non è estate, risposi io macchinalmente.
Léo mi aveva raggiunta. Mi salutò con gli occhi. Aggiunse
con voce allegra :
- Grazie per il ciclista !

Il suo sorriso mi incitò a rialzare la testa. L’influenza che


aveva esercitato sulla folla aveva dato a Léo un’aria sospetta.
Immediatamente, il crepuscolo abbellì il suo viso radioso,
scavato dalle rughe, con un mento coperto da una fine barba
rossa. L’aver contemplato alberi tutta la vita, l’essersi assopito
tra il profumo dei fiori, aveva reso il viso di Léo bonario.
Uomo senz’età, vestito di un paletot grigio, Léo portava scarpe
coperte di fango. Mi osservava con curiosità. Si sedette vicino
a me e mi parlò delle sue abitudini.

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boueux, m’observait avec curiosité. Il s’assit à côté de moi et
me parla de la ville, de son passé.
Il me raconta qu’il se retirait pendant les mois d’hiver
dans les entrepôts le long du Clos Lucé. Il se démarquait des
autres. Il peignait et vivait à l’écart. Ainsi, les gens le fuyaient,
le prenant pour Saint Siméon juché sur une colonne en plein
désert, sans réussir à savoir quelle est la vraie douleur, la
douleur qui tue les désirs. Je le comprenais, je l’admets. Le
reste du temps, cet homme régnait sur la ferraille, les bas fonds,
un univers désossé et rempli de tôle ondulée. Fort Léo  ! de
la lèpre industrielle circonscrite par les vignes. Les habitants
d’Amboise évitaient l’endroit avec la hantise que l’on éprouve
face aux lieux ravagés, presqu’anéantis par l’accomplissement
des visions négatives.
Fort Léo incarnait la limite de l’urbanisme du XXè siècle,
une zone plus répugnante et fragile qu’une toile d’araignée.
À la façon dont Léo s’exprimait, je devinais que ce dépotoir
l’avait libéré des résignations de la ville.
- Vous êtes pleine d’ardeur, lança-t-il. N’allez pas vous
enterrer ici !
Je le dévisageai sans le voir encore. J’étais figée par sa
présence et incapable d’adopter les formules d’une conversation
courante. Comment pouvait-il dire cela ? Ces propos réussirent
très vite à me désarçonner. Il accomplit deux ou trois fois le
tour du banc.
- Vous venez visiter la dernière demeure de Léonard  ?
reprit-il.
- Non, je connais bien le Clos Lucé. Je voudrais voir la
Maison des Pages.
- La Maison des Mignons de Charles VII ? La plus vieille
maison d’Amboise, dit-on, ce qui ne m’étonnerait pas. C’est un
chef d’œuvre, croyez-moi, mais en ruine. Impossible à trouver,

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Nei mesi invernali Léo si ritirava nei magazzini del Clos
Lucé. Voleva distinguersi dal resto degli abitanti di Amboise,
quindi dipingeva e viveva appartato. Gli altri lo evitavano,
lo consideravano una sorta di San Simone appollaiato su
una colonna nel mezzo del deserto, non sapevano cos’è il
vero dolore, quello che uccide le passioni. Il resto del tempo,
quest’uomo regnava sui suoi rottami, un universo sconnesso,
colmo di lamiere ondulate che lui chiamava La Fortezza
di Léo. Questo riparo dalla lebbra industriale era bordato di
vigneti. Gli abitanti di Amboise evitavano questo posto con
l’ossessione che si prova davanti ai luoghi che sconfinano nel
niente.
Le forze negative dello spirito umano si materializzarono
nella Fortezza di Leo, incarnazione limite dell’urbanismo del
XX secolo. Era una cosa più ripugnante e fragile della tela di
un ragno. Eppure, il modo di esprimersi di Léo mi lasciava
indovinare che questo magazzino l’aveva liberato dalle
obbligazioni della città.
- Lei è piena di entusiasmo, mi stuzzicò. Non si lasci
seppellire qui.
Lo guardai in volto. Disorientata dalla sua presenza, non
riuscivo a intavolare una conversazione normale. Léo fece più
volte il giro della panchina.
- Viene a vedere l’ultima dimora di Leonardo ? Riprese.
- No, conosco bene il Clos Lucé. Sto cercando la Maison
des Pages. Nessuno ancora ha saputo indicarmela.
- La Casa dei Paggi di Carlo VII  ? Ripeté Leo. Si dice
sia la più antica dimora di Amboise, e non mi stupisce. È un
magnifico maniero, ma in rovina. Difficile da trovare, eh  ?
Vedrà delle sculture stupefacenti fatte da un mio amico. E ci
sono dei fantasmi.

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hein ! et remplie de sculptures. Y’a des fantômes avec ça. Une
maison hantée.
- En forme de T ? ironisai-je. Ne me dites pas qu’un homme
comme vous croit aux fantômes ?
- Pas du tout. Dans cette maison, j’ai vu des miroirs s’ouvrir
comme des fenêtres. Au fond, près d’une chaise renversée, une
jeune femme pleurait parce qu’elle n’avait pas eu de tombe.
Elle était pâle et tremblait sur ses jambes. Elle ressemblait à la
belle Ferronnière. Elle n’était pas affreuse, cette apparition. On
est confronté à un être presque banal, mais avec le sentiment
d’étouffer. Une peur vraiment irrationnelle. J’ai rampé dans les
pièces sans pouvoir en sortir. Et puis après, pfuit, envolé le
fantôme !
Je secouai la tête en riant.
- Allez ! faites-moi peur. Si vous connaissez bien l’endroit,
montrez-moi le chemin !
Il se tut. Son visage se referma et il articula difficilement
ces mots :
- Vous voulez me suivre  ? Mais je vous ai prévenue, je
n’entrerai pas. Le mort qui vit là-haut n’a pas encore réglé ses
comptes avec les vivants. Je ne veux plus le rencontrer.
Perplexe, j’examinai Léo d’un coup d’œil rapide. On aurait
dit un gnome surgi au crépuscule pour révéler l’existence d’un
démiurge, le mariage d’Antigone ou tant d’autres fadaises
appelant l’intérêt des uns et l’indulgence de quelques autres.
Il était aussi sincère qu’on puisse le laisser paraître en vivotant
dans l’isolement. On l’a vu jeter des grains de sel sur les traces
de gens qu’il n’aimait pas, persuadé que la nature entendait ce
langage. Le plus étonnant, c’est que sa voix éraillée expirait
les h et faisait crisser les r dans une région où tant d’autres
les liquéfiaient. De cette tête rousse émanait un craquètement,
des étincelles qui alimentaient en lui une vigueur continuelle.

38
Lo sa che si tratta di una casa infestata ?
- A forma di T  ? ironizzai. Non mi dica che lei crede ai
fantasmi.
- Ho visto specchi aprirsi come fossero finestre, in quelle
casa. In fondo, vicino a una sedia rovesciata, una giovane
donna piangeva perché non aveva avuto sepoltura. Era pallida
e vacillava sulle gambe. Non era terrificante, ma mi ha fatto
comunque paura. Ho gridato e sono salito nelle camere senza
riuscire ad uscire. E poi, dopo, pffuf, volatilizzata.
Esclamai ridendo :
- Se lei conosce così bene il posto, mi mostri la strada !
Tacque. Il suo volto si chiuse e articolò queste parole con
sofferenza.
- Mi vuole seguire ? Gliel’ho detto, io non entro. Il morto
che vive lassù non è ancora arrivato alla resa dei conti con i
vivi. Io non intendo più incontrarlo.

Perplessa, gettai a Léo un rapido sguardo. Sembrava uno


gnomo venuto col crepuscolo per raccontare storie aberranti
come il matrimonio di Antigone o i sortilegi di un druido.
Sembrava sincero quanto solo qualcuno della sua specie può
esserlo. Alcune persone lo avevano visto gettare dei grani di
sale dietro coloro che non gli piacciono, convinto com’è che
la natura reagisca a questo linguaggio. La sua voce arrocchita
aspirava le h e faceva stridere le r in una regione in cui tanti
le pronunciavano liquide. Dalla sua testa rossa proveniva
un crepitio, delle scintille che alimentavano in lui un vigore
continuo. La sua vitalità mi disarmava, mentre il suo sguardo
penetrante m’induceva a credere alle sue superstizioni.

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Sa vitalité me désarmait. Son regard troublant m’entraînait à
croire en ses superstitions.
La promenade adoucit ces impressions. Léo s’efforçait de
me divertir. Il transpirait et sa manière de marcher me parut
bizarre. Il claudiquait sans bruit. Nous longeâmes les maisons
aux fenêtres éclairées, infiniment silencieuses devant l’écran
bleu des télévisions. Léo franchissait à vive allure tous les
degrés de la rencontre. Il se tournait vers moi avec tendresse,
et exhibait sous mes yeux son visage où couraient des reflets
roux. Il était exubérant et se laissait constamment emporter par
ses pensées.
- Regardez ! s’écria-t-il en tirant sur sa barbe. Je ne suis
pas encore statufié. Ça pousse comme de l’herbe.
- Signe d’entente avec la nature ! acquiesçai-je.
- La nature est bien bonne, chantonna-t-il. Tous les jours,
elle et moi, on refait l’univers. Parce que celui d’là-haut, il ne
se fatigue pas. Je viens d’être malade. Je crois que je décline.
C’est la comédie humaine ! Maintenant que je sais à quoi m’en
tenir, tout ça me paraît dérisoire ! Inutile et irrécupérable ! Le
contraire de ce que j’ai rêvé. La vie n’a aucun sens. Aucun.
Par moments, Léo réussit à changer le cours de mes
idées. Il atténuait la tristesse de l’exil. Sa cabane, son bout de
jardin le long des entrepôts, les crues de la Loire qui, à ses
dires, agissaient sur l’organisme, l’immense zone de métal
pourrissant que je devais découvrir plus tard… il m’assurait
qu’il leur devait toutes les joies du monde. La mesure par
laquelle il évaluait sa vie semblait lui apporter le bonheur. La
méthode Coué, pour occuper une petite partie du temps.
Après vingt minutes de marche, nous dépassâmes l’hôtel
Le Choiseul. Ce flot de paroles, ces signes d’agitation joints
à des convictions si tenaces que je ne pouvais savoir si elles
appartenaient au commun des mortels ou trahissaient un esprit

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La nostra passeggiata addolcì queste impressioni. Léo si
sforzava di divertirmi. Sudava, e la sua maniera di camminare
mi sembrava strana. Zoppicava senza rumore. Pernottammo
in delle case con delle finestre rischiarate da schermi blu.
Coloro che vi vivevano erano assorti nel caos silenzioso dei
televisori. Il mio compagno aveva superato velocemente i
gradi dell’incontro. Si girava verso di me teneramente, esibiva
sotto i miei occhi il suo viso su cui correvano riflessi rossi.
Esuberante, si lasciava portare dalle proprie frasi.
- Guardi ! Gridò tirandosi la barba. Non mi sono ancora
pietrificato. La mia barba cresce come erba.
- Segno d’intesa con la natura - concordai.
- La natura è benevola, canticchiò. Tutti i giorni, io e lei,
rifacciamo l’universo. Perché quello là, su in alto, non si stanchi
troppo. Mi sono appena ammalato. Credo che declinerò. È
la commedia umana. Ora che so a cosa attaccarmi, tutto mi
sembra ridicolo ! Inutile e irrecuperabile ! Il contrario di quello
che sognavo. La vita non ha alcun senso.
A tratti, Léo riusciva a cambiare il corso delle mie idee.
Attenuava la tristezza del mio esilio. La sua capanna, il suo
pezzo di giardino lungo i magazzini, le piene della Loira che, a
suo dire, possono alterare l’equilibrio fisico, l’immensa zona di
metallo putrescente che avrei scoperto in seguito, mi assicurava
che gli garantivano tutte le gioie del mondo. La misura con la
quale valutava il suo destino riusciva a procurargli una grande
forma di felicità.
Dopo dieci minuti di cammino, sorpassammo il Maniero
dei Minimi e L’Hotel Ristorante Le Choiseul. Il fiotto di parole
di Leo, i suoi segni di agitazione, aggiunti a delle convinzioni
cosi tenaci, che non riuscivo a capire se appartenessero ai
comuni mortali o invece tradissero uno spirito illuminato, non
m’incoraggiavano a fare affidamento su di uno sconosciuto

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éclairé, ne m’incitaient plus à faire confiance à un inconnu qui
croyait aux fantômes. Je l’écoutais en silence, tentant de me
dérober à ses révélations pour ne pas faire dévier ma volonté.
Léo s’arrêta net, immobilisé par sa découverte.
Lentement, il tourna vers moi un visage où jaillissaient des
reflets flamboyants. Pour faire écho à ce qu’il voyait, il tendit le
bras, m’incitant à regarder de l’autre côté de la route, au-dessus
d’un vieux portail blanc, au-delà des maisons au bord du quai
des Violettes.
Je levai la tête.
Le toit et la poutre horizontale du colombage formaient
un triangle. Les poutres verticales enserraient des briques
roses. Les baies vitrées reflétèrent les feux du soleil couchant.
Le ciel se peupla de Mélusines aux longues chevelures d’or.
Des sorciers aux membres reptiliens chevauchaient des
salamandres. Un pan de réalité s’effondra, comme des mondes
parallèles qui soudain se rencontrent, des formes d’un autre
temps, surgies dans un éblouissement, cristallines et lointaines,
plus lumineuses qu’un soleil.
- La voici… murmurai-je.
Léo s’assit sur le parapet qui nous séparait du fleuve.
Il secoua la tête. Ce mouvement fit jouer des reflets sur ses
cheveux roux. Des mèches se répandaient sur son front aux os
saillants. Le reste de sa chevelure était ramené en queue-de-
cheval sur sa nuque.
Nerveusement, Léo bourra sa pipe. Son visage se décolora
alors que ses pensées l’entraînaient dans les ténèbres.
Au-dessus des maisons tourangelles, rigoureusement
identiques avec leur vigne vierge et leur assise rectangulaire
en tuffeau, la ruine médiévale était accrochée au roc. Elle
ressemblait à un grand papillon de pierre et de bois, un de ces
papillons aux couleurs brunes et rouges, si nombreux l’été dans

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che credeva ai fantasmi. Lo ascoltavo in silenzio, tentando di
non credere alle sue rivelazioni per non distogliermi dal mio
progetto iniziale.
Giunto al Viale delle Violette, Léo si fermò d’un tratto,
immobilizzato dalla sua scoperta. Lentamente, girò verso di
me il suo volto dai riflessi fiammeggianti. Per fare eco a quello
che vedeva, tese le braccia, e mi incitava a guardare dall’altro
lato della strada, al di sopra di un portale bianco e delle case
allineate lungo la Loira.
Alzai la testa.
Il tetto a punta e la trave orizzontale della costruzione di
legno formavano un triangolo. Le putrelle verticali stringevano
dei mattoncini rosa. Le vetrate rifletterono gli ultimi riflessi del
sole calante. Il cielo si popolò di Melusine dai lunghi capelli
d’oro, mentre streghe dalle membra rettiliane cavalcavano
salamandre. Un lembo di realtà cedette, crollò, come mondi
paralleli che all’improvviso si incontrano, forme di altri tempi,
sorte nello stupore, cristalline e lontane, più luminose del sole.
- Eccola…, mormorai.
Léo si sedette sul parapetto che ci separava dal fiume.
Scosse la testa, con un movimento che creò dei riflessi trai i
suoi capelli rossi. Delle mèches erano sparse sulla sua fronte.
Il resto della sua abbondante capigliatura era tenuta in una coda
di cavallo sulla nuca.
Nervoso, Léo caricò la pipa. Era pallido in volto.
Al di sopra delle case rigorosamente identiche con le loro
vigne vergini e la loro assise rettangolare in tufo, la dimora
medievale era attaccata alla roccia. Sembrava una grande
farfalla di pietra e di legno, una di quelle farfalle dai colori
bruni e rossi, che quando ero bambina erano così numerose in
estate nella regione. Una farfalla che si sarebbe fossilizzata per
proteggere la parete, ma anche pronta a volar via scoprendo la

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la région, un papillon qui se serait fossilisé pour protéger la
paroi, mais prêt aussi à s’envoler, découvrant la pierre contenant
des cavernes, et une présence humaine plus énigmatique que ce
monument jailli qui a le don merveilleux de jaillir d’un rocher.
Léo se leva et se tourna vers moi lentement. Ayant quelques
difficultés à se maîtriser, il secoua la tête et se mit à chanter :

Ayant bu d’ambroisie trois pintes


et de vin six,
de Vinci
devint si devin
qu’il devint scie,
de vingt-six cœurs
qu’il disséqua.

La chanson finie, je me mis à détester Léo. Cet air bruissait


comme une forêt où des animaux fantastiques accomplissaient
un travail de sape. Pour marquer mon exaspération, je fis mine
de me boucher les oreilles. En proie à une gaieté déplacée, Léo
entonna un autre chant. Les sons se heurtaient aux parois. Je
ne pouvais rien faire pour ne pas entendre ce jeu de résonance
chaotique. Quelle sorte d’homme était-ce  ? Il m’attirait dans
des émotions fallacieuses et je ne pouvais plus bouger.
- Ça vous cloue sur place, hein ? fit-il.
Il tira sur sa pipe et continua de sa voix grinçante :
- Allez escalader la falaise abrupte de l’existence, comme
ce pauvre Louis Delille qui se morfond là-haut. Vous n’avez
pas le choix. Allez rejoindre ce cinglé de Louis qui se faisait
appeler Lou !
Il éclata de rire. En un éclat trompeur, ce simulacre de rire
avait modifié son visage. J’avais la gorge nouée. Comment Léo
pouvait-il savoir ma passion avec Louis ? J’ignorais moi-même

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nudità della pietra, le caverne, una presenza umana più antica,
più enigmatica ancora dello strano monumento.
Léo si alzò e si girò verso di me, lentamente. Non era
completamente padrone di sé. Mosse la testa e si mise
dolcemente a cantare :

Dopo aver bevuto tre pinte d’ambrosia,


e sei di vino,
Da Vinci
divenne così divino
che si fece coltello
di ventisei cuori
da dissezionare.

Quando terminò la canzone, lo odiai. La melodia


rumoreggiava come una foresta in cui degli animali portano
avanti un lento lavoro di zappa. Per mostrare la mia
esasperazione, feci finta di tapparmi le orecchie. In preda ad
una gioia fuori luogo, Léo intonò un altro canto. I suoni si
urtavano contro i muri della casa. Non potevo fare niente per
impedirmi di sentire il risonare caotico della sua voce. Che
razza di uomo era ? Cercava di attirarmi in emozioni fallaci, ed
io non potevo distogliere lo sguardo da questa casa scaturita da
una roccia.
- Si sente inchiodata qui, vero  ? si accertò. Aspirò dalla
pipa e continuò con voce strana. C’è un fantasma, questo
povero Louis Delille, che si annoia lassù in alto. Scali la
roccia ! Vedrà, è ripida come la vita. Non ha più scelta, ora.
Vada a raggiungere quel pazzo di Louis. Io non la accompagno.
Léo si mise a ridere. In uno scoppio ingannevole,
fuorviante, vidi quest’apparenza di riso trasformare il suo volto.
Avevo la gola chiusa. Come poteva conoscere il mio legame

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ce qui s’était passé après la rupture. On m’a dit qu’il était mort
dans des conditions étranges, un suicide, ou l’envie d’en finir
par des mises en scènes compliquées. Il m’était impossible
d’admettre qu’il soit venu me narguer à Amboise. Les ordres
absurdes de Léo trahissaient de surcroît une indiscrétion qui
m’était insupportable. J’étais indignée :
- Partez ! je ne vous connais pas. Tout ce que vous savez de
moi est complètement faux.
Il tourna brusquement le dos et s’éloigna.
Voilà que j’ai réveillé un vieux solitaire d’Amboise et
suscité son ivresse. Il m’apprend que les risques qui barrent
le seuil de cette maison renvoient aux pires moments de
l’expérience humaine. Ses mises en garde m’ont désigné un
espace dont je suis encore séparée par un miroir. Jusqu’à notre
rencontre, Léo vivait près des eaux de la Loire, à l’écoute
des bruissements familiers du paysage. Il se contentait de
faire naître des figures plus déchiffrables que les aberrations
mentales. Je m’efforce de bâillonner mes souvenirs, et ce vieil
homme apparaît pour me dire de défier l’impossible.
Je me rends compte en écrivant qu’il était impossible
de parler à Léo des recherches picturales par lesquelles j’ai
renouvelé mon intérêt pour Amboise. L’exactitude ne doit pas
avoir plus de matérialité qu’un fantôme. Les faits ont beau
être authentiques - pari impossible à tenir pour les souvenirs
enfouis avant de tomber dans l’abandon du désert -, ils sont
l’objet d’une purification.

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con Louis ? Louis Delille, l’avevo amato. Ignoravo cosa fosse
successo dopo la nostra separazione. Non sapevo fosse morto,
perlopiù in circostanze oscure. «Un suicidio, o la voglia di di
farla finita con scene complicate», insinuò Léo. Mi sembrava
impossibile ammettere che Léo fosse venuto a sfidarmi a
Amboise. Le assurdità di Léo tradivano un’indiscrezione che
mi era insopportabile. Ne fui indignata :
- Se ne vada, io non la conosco !
Léo mi diede le spalle e se ne andò. Perché ero stata così
brutale con lui ? Il suo mettermi in guardia mi lasciò uno spazio
da cui mi separa ancora uno specchio. Mi ha confidato che gli
ostacoli che sbarravano la soglia della casa hanno un legame
con le prove dell’esistenza. Questo pittore solitario che viveva
vicino alle acque della Loira, che ascoltava i rumori familiari
della natura, riusciva a dare origine nelle sue tele a delle figure
più chiare che le assurdità del reale. Nel momento in cui io mi
sforzo di spezzare il mio attaccamento all’Oriente, ecco che
Léo viene a mostrarmi la Maison des Pages la cui immagine
plana su Amboise, dotata dell’aspetto malinconico di un
monumento scolpito dal tempo, un infimo pezzo di universo,
abbandonato e pronto a sparire. All’improvviso, i toni rosei
e bruni avvamparono. Tesi, scivolarono fino a disegnare
un maniero su un’isola in mezzo ad un lago. Immagino un
dipinto in cui la casa sarebbe circondata da acque scintillanti e
profonde.
Mi accorgo che è difficile confidare a Léo la mia passione
per Leonardo da Vinci, giunta per confortare la mia attrattiva
per Amboise. L’esattezza non presenta una materialità più
forte di quella di un fantasma. I fatti possono anche essere
autentici -  a differenza delle esperienze sepolte nelle pieghe
del deserto -, ma devono essere l’oggetto di una purificazione.

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17 heures - Je voudrais écrire seconde par seconde les
phénomènes liés à cette demeure pour tâcher de comprendre
leur caractère insolite. Les mots ne captent le monde sensoriel
qu’à demi. Il faudrait le repos du désert pour que ces mots
puissent restituer la réalité, ou la mettre à mal, la fidélité
n’existant que pour ceux qui l’admettent comme refuge.
C’est pour sauvegarder ma tranquillité que je m’attache à la
restitution de phénomènes étranges, non mesurables à l’aune
des perceptions humaines.
La disparition de Léo m’avait abandonnée aux
chuchotements paisibles des ruelles et des pierres. La nuit
s’installait. J’ai gravi en confiance l’étroit sentier du Rocher
des Violettes.
La ruelle escarpée avait des murs bordés de verdure. La
végétation poussait aux endroits les plus inattendus, avec
une délicatesse, une beauté dont seuls des yeux de nyctalope
dévoilent l’intimité. J’entrai de plain-pied dans un paysage
familier, qui me réconciliait avec la campagne, un monde de
nuits étoilées et de vague torpeur. La terre crissait sous mes
pas. L’aboiement d’un chien, le croassement des corbeaux
jaillissaient du silence. Ces sons coulaient dans mes oreilles
tel un ruisseau de fraîcheur. J’entendis le tic-tac de ma montre.
Des voix douces susurraient des mots tendres. Des voix, ou
bien des ondes :

La perfection dépasse les créatures.


Je suis la perfection. Je suis vivante.
Je serai l’écho de tes désirs.
Des bouquets d’encens flottent dans l’air.

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Ore 17 - Mi piacerebbe descrivere minuziosamente gli
avvenimenti legati a questa dimora per restituire il loro carattere
insolito, ma le parole restituiscono male il mondo sensoriale.
Ci vorrebbe il silenzio del deserto per riprodurre la realtà
senza deformarla. La fedeltà vale solo per gli esseri capaci di
credere ch’essa è la loro unica risorsa. Per assicurarmi un po’
di tranquillità, mi metto a descrivere i fenomeni non misurabili
con il metro delle percezioni umane.
La sparizione di Léo mi aveva abbandonata ai sussurri
tranquilli delle stradine e delle pietre. Si stava insediando la
notte. Fiduciosa, mi sono inerpicata su per il sentiero diritto del
Rocher des Violettes.
I muri della stradina ripida erano smerlati di verde. La
vegetazione cresceva in posti imprevisti, con una bellezza,
con una delicatezza di cui solo gli occhi di nictalopo potevano
svelarne l’intimità. Entrai di soppiatto in un paesaggio
familiare che mi riconciliò con la campagna, un universo di
torpore e di notte stellate. Il selciato scricchiolò sotto i miei
passi. L’abbaiare di un cane, il crocidio dei corvi scoppiavano
di silenzio. Questi suoni mi colarono fino alle orecchie come
un ruscello di freschezza. Alcune voci sussurravano parole che
risplendevano nella penombra.
Delle voci, o delle onde :

La perfezione oltrepassa le creature.


Io sono la perfezione. Io sono viva.
Sarò l’eco dei tuoi desideri ?
Dei bouquet d’incenso fluttuano nell’aria.

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Les murs exhalaient des voix, les premières voix, des
algues tremblotant dans la pénombre. Je perçus une clarté par-
dessus les pierres où s’ouvraient des brèches, des interstices,
des failles. Des voix presque indistinctes, emplies du
mouvement de la terre, éclaboussaient ce site des plus étranges.
Dans des endroits éclairés par un réverbère, je commençais à
gratter la mousse recouvrant les pierres, puis à arracher les
touffes d’herbe nichées au creux des murs. Je respirais à fond
le parfum des broussailles détrempées.
Les bruissements et les odeurs du sentier étaient protégés
par la nuit. J’avais oublié que les fleurs se refermaient le soir,
que les oiseaux chantaient dans la froide pénombre. Les noms
des arbres s’étaient émoussés dans ma mémoire. Lentement,
ces noms effacés comme toutes sortes de choses assénées dans
l’enfance, revenaient à intervalles réguliers. Plus j’attendais
dans l’étroit sentier, plus la nuit s’emplissait de ferveur
et d’appels. J’entendis des pas s’approcher. Un couple de
gendarmes arrivait. Je me cachai dans un jardinet, derrière de
hauts lauriers.
- Toujours aussi désert ici, fit l’homme.
À travers les branchages, je vis que le sentier des Violettes
déployait toutes sortes d’anfractuosités, de verticalités et de
vertiges pour dissimuler la présence de la maison, pour que
cette masse inerte ne pèse pas trop dans les regards et les
paroles humaines. Très vite, le sentier devenait un mur sombre
au-delà duquel la maison se fondait dans la nuit, tandis qu’à
l’extrême gauche, une trouée dans les hauts feuillages signalait
une montée à pic.
Au-dessus du sentier des Violettes, des têtes sculptées
s’évadaient des murs, happées par la lueur blafarde d’un
réverbère, plus haut que la toiture. Vertigineuse, la façade
s’est découverte par morceaux, immobile et tiraillée de tous

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Dai muri emanavano delle voci, dei richiami, delle alghe
che ondeggiavano nella penombra. Percepii un chiarore al di
sopra delle pietre della facciata in cui si aprivano delle brecce,
degli interstizi, e delle faglie. Dei canti quasi indistinti, strani,
ricolmi di movimento terrestre avvolgevano questo luogo. In
un punto illuminato da un riverbero, grattai via il muschio,
strappai le piante nascoste negli incavi delle pietre. Respirai a
pieni polmoni l’odore acre dei cespugli rigonfi di umidità.
I fruscii del sentiero erano protetti dal rumore della
pioggia. Avevo scordato che i fiori si chiudono la sera e che
la vita notturna fremeva nell’oscurità. I nomi degli alberi
s’erano smussati nella mia memoria. Lentamente, questi
nomi cancellati come tante altre cose accumulate nel tempo
mi tornarono in mente. Lungo il sentiero diritto, la notte si
riempiva di fervore e di richiami. Sentii dei passi avvicinarsi.
Due gendarmi, un uomo e una donna, apparvero in cima al
sentiero. Mi nascosi in un balzo nel giardino.
- È sempre disabitato qui, notò l’uomo.

Attraverso i rami vidi che il sentiero delle Violette si apriva


su degli anfratti, delle linee verticali che danno un’impressione
di vertigine. Questa prospettiva nascondeva l’architettura della
casa. Così, la casa inerte non colmava lo sguardo, e secondo
me era saggiamente coperta da parole umane. D’un tratto,
il sentiero si trasformò in un muro oscuro. Oltre il muro, la
dimora si fondava nelle tenebre. Alla fine del sentiero, uno
scorcio all’estremità del fogliame scopriva una salita a picco.
Al di sopra della via Rocher des Violettes, dai muri
emergevano le teste scolpite della facciata. Esse erano ghermite
dal barlume incolore di un lampione al di sopra del tetto, una
luce talmente alta che non illuminava niente, né la casa, né il

51
côtés. Des colombages, une tour carrée, des volets, des pierres
et des têtes de pierre se dessinèrent graduellement. D’un seul
coup, la maison se révéla comme si l’indigo de la nuit avait
ouvert la bouche. Le sommet de la tour se dressait vers le ciel.
L’architecture était médiévale, mais témoignait du changement
de style dû une renaissance, à la Renaissance: un développement
technologique accompagné d’un retour à l’Antiquité.

- Une maison de sorcière… murmurai-je. La forme


incongrue d’une maison de sorcière.
L’édifice recelait un magnétisme intense. Je scrutai les
recoins, les fenêtres, les angles de travers. La maison avait l’air
de lutter contre la roche dont elle était l’émergence, la trace
ultime d’une harmonie disparue. Elle aurait pu être effroyable,
mais curieusement elle m’attirait. Son aspect cassé signifiait
la même chose que le roc se refermant sur la Vierge Marie,
l’enfant Jésus et le Baptiste enfant poursuivis par les tueurs
d’Hérode. Ces trois êtres se sont réfugiés dans une grotte que
Léonard a peinte au moment où le roc se déploie et les met hors
de danger.
Les réticences de cette maison trahissaient un secret enfoui
dans la pierre. Elle subsistait dans un roc humide qui loin de la
dissoudre la ragaillardissait. Son architecture contribuait à la
félicité du lieu, d’une terre échangeant avec elle des sentiments
fulgurants, qu’aucun discours ne saurait restituer. Témoin de
la stratification des âges, il était impossible - à l’instar des
personnages de Léonard de Vinci  - de l’inscrire dans une
continuité car rien n’était terminé pour elle. Le temps n’avait
de prise que sur sa matière, pas sur les ondes de son esprit. Sa
folle sagesse défiait l’éternité.

52
cielo. La facciata del monumento, la costruzione che emergeva
dalle rocce, si mostrava infatti per frammenti, con degli angoli
aperti da ogni parte. La torre quadrata, appannaggio delle
famiglie nobili, il tetto triangolare e le sculture della facciata
si disegnarono poco a poco. D’un tratto, la casa si rivelava.
Un eccesso di presenza, nel momento in cui l’occhio si
abitua alla notte, in cui le illusioni del giorno si sfaldano. La
punta della torre aperta nel cielo. I volumi del monumento si
dispiegano lentamente nella dolcezza della notte. L’architettura
rimaneva medievale, a testimoniare il cambiamento di stile del
Rinascimento.
- Una casa infestata dalle streghe… mormorai. La forma
esatta di una casa da strega.
L’edificio emanava un intenso magnetismo. Scrutai
ogni angolo, le finestre, le particolarità di questa costruzione
che sembrava lottare contro la roccia di cui era essa stessa
recrudescenza, ultima traccia di un’armonia sparita. La Maison
des Pages non faceva paura. Mi attirava perché destabilizzava
le percezioni ordinarie. Il suo aspetto frammentato non
assomigliava forse al dipinto di Leonardo in cui la roccia si
richiude sulla Vergine Maria, Gesù Bambino e San Giovanni
Battista ? Inseguiti dagli uccisori di Erode, questi tre personaggi
hanno appena trovato riparo in una grotta per sfidare le offese.
In fondo alla caverna originale veglia l’occhio del pittore, nel
momento in cui la materia si apre per trarre in salvo la madre,
il bambino e l’angelo.
Rifiutando di tradire il segreto della pietra, la Maison des
Pages sovrastava ancora la roccia umida e fredda. L’architettura
contribuiva alla serenità del luogo. La terra cambiava con lei
delle impressioni meravigliose che nessuna parola saprebbe
esprimere. In quanto testimone della stratificazione del
tempo, risulta impossibile iscrivere quest’edificio in una

53
L’ensemble de la construction m’apparut très délabré. Elle
s’ancrait à l’intérieur d’un roc en train de se fissurer. Les failles
de la roche, faiblement éclairées, formaient dans la pénombre
une chevelure de sable. Révélée mais incompréhensible, la
Maison des Pages laissait entrevoir des bouffées d’arbres,
des colombages et des fenêtres, créant ainsi des perspectives
cryptées, des lignes qui fragmentaient la matière. Les blocs
de pierre ciselés depuis des siècles menaçaient de s’animer à
chaque instant. Ils absorbaient une lueur blanche qui délimitait
l’horizon.

J’étais parvenue si près que je me heurtai aux marches de la


tour. Le sentier escarpé montait le long des caves. Il continuait
en épingle à cheveux, surplombé par les racines gigantesques
de troncs d’arbres coupés.
Je me glissai entre les lauriers. Leurs branches recouvraient
les strates rocheuses, brillantes comme une terre labourée,
mises à nu. Je gagnai un jardinet rempli de buissons. La paroi
irrégulière s’élevait entre la façade du bâtiment principal
et un fragment d’autre maison, trois fenêtres et un toit qui
ressortaient plus loin. L’édifice demandait à naître du dedans
pour livrer aux regards l’accomplissement de la roche. Dans
cette paroi, une fenêtre. Les barreaux avaient été arrachés. Ce
n’était pas très haut, deux mètres maximum. J’escaladai la
roche qui s’écaillait sous mes mains. Des pierres pareilles à

54
rappresentazione del passato, del presente o del futuro. Certo,
il freddo, la pioggia e i fuochi del sole avevano lasciato la loro
traccia sui materiali, ma la forma della casa celebrava la sua
liberazione a perdita d’occhio, sciogliendo ogni ricordo. La sua
pazza saggezza sfidava l’eternità.
La costruzione mi apparve molto rovinata. Benché
ancorati nella roccia, i muri erano percorsi da lucertole.
Inoltre, le crepe modellavano nella penombra una chioma di
sabbia. Aperta ma insondabile, seria ma frivola, la Maison des
Pages lasciava intravedere ciuffi verdi, il tetto triangolare e
le finestre, creando delle prospettive insolite, delle linee che
frammentavano la roccia che davano l’impressione di essere
vive. Assorbendo una debole luce, i blocchi di lucida pietra
secolare minacciavano di svegliarsi in qualsiasi momento.
Mi ero tanto avvicinata alla Maison des Pages che i miei
piedi urtarono i primi scalini davanti alla porta della torre. La
porta era chiusa. Decisi di salire il sentiero che costeggiava
la facciata. Il sentiero continuava a forma di ferro di cavallo,
coronato da tronchi di alberi tagliati. Questi alberi dovevano
essere stati piantati in cima alla roccia.
Ridiscesi per scivolare tra i lauri del giardino che
formavano una siepe ai piedi della casa. Gli alti rami
nascondevano la roccia, i suoi strati brillanti come una terra
arata, denudata. La parete rocciosa si alzava al di sopra della
terra piena di rovi, si apriva tra la facciata della costruzione
principale e il frammento di un’altra casa, tre finestre e un tetto
attigui. L’edificio chiedeva di nascere, di crescere all’interno
della roccia, mostrava agli sguardi l’avanzare della roccia.
Distinsi dalla parete rocciosa una finestra perpendicolare. Era
aperta, e gli sbarramenti erano stati strappati. Non era molto
alto, due metri al massimo, ed era facile da scalare grazie alla
parete irregolare. Sotto la pressione delle mie mani, la roccia

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des os de seiche tombaient dans les buissons. Tant bien que
mal, je parvins à me faufiler par la fenêtre et me retrouvai dans
une salle du premier étage. L’électricité n’avait pas été coupée.
J’allumai.
Du sang !
Avais-je bien vu ? Les murs rouges, des taches, de toutes
parts, du sang !
Les barreaux arrachés gisaient sur un radiateur, fer noir
maculé de rouge. Les murs et les portes étaient couverts de
dessins de sexes éclaboussés de sang. Le carnage s’étalait sur les
murs couverts d’un crépi boursouflé, envahissait les colonnes
fissurées d’une cheminée et jaillissait encore sur les portes
défoncées. Ce sang, réparti en jets et taches innombrables, était
disposé comme s’il avait jailli au cours d’une décollation.
De grosses gouttes rouges m’entouraient comme
un immense chapelet. J’étais fascinée par ces taches qui
s’animaient au rythme des oscillations de l’ampoule. Les
squatters armés de bombes de peinture avaient maculé les murs
et ils avaient massacré un des leurs.
Je lus les graffitis :
« On va vous tué » ; « Mort o poètes » ; « Vazy coupe »…
Mortifiée, d’abord, par la stupidité des mots sous la
violence, je déchiffrais une seconde fois les inscriptions en
rouge, refusant de sombrer dans leur analphabétisme primaire.
La tête éclate sous la force du vide. Les envahisseurs avaient
prémédité leur saccage. Un d’entre eux se trouvait encore
dans la tour. Il poussa la porte violemment. J’étais dissimulée
derrière la cheminée. Je lui sautais dessus et lui tordis un bras.
Il hurla en tombant à terre. J’allai m’emparer d’un chenet
quand il me supplia :
« Pitié ! Pitié ! »

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si scrostò. Dei frammenti di pietra, simili a ossi di seppia,
caddero in mezzo ai cespugli. Riuscii bene o male a introdurmi
nella stanza del primo piano. A causa delle visite per vendere
la casa, la corrente non era stata tagliata. Accesi la luce.
I muri erano coperti di sangue. Avevo visto bene ? I muri
bianchi erano coperti da schizzi rossi. C’erano macchie che
sembravano sangue ovunque.
Le travi della finestra giacevano su un calorifero, ferro
nero maculato di rosso. Sui muri e sulle porte figuravano
disegni osceni. La carneficina si stendeva sulle pareti di pietra
ricoperte qua e là da lembi di vecchio intonaco. Invadevano le
colonne crepate di un camino. Sorgevano sulle porte sfondate
da predoni. Qui, le macchie di sangue erano disposte come se
il liquido fosse zampillato in occasione di una decollazione.
Delle grandi colature rosse formavano un immenso rosario.
Ero ipnotizzata da queste macchie che si animavano al ritmo
del movimento della lampadina elettrica. Gli squatters armati
di bombolette spray di vernice avevano insudiciato i muri della
casa.
Decifrai i graffiti...

Inizialmente mortificata dalla violenza delle parole, lessi


una seconda volta le scritte rosse, lottando per non sprofondare
nel loro analfabetismo stupido.
Questa prosa ottusa confermò che i predoni avevano
premeditato il loro saccheggio.
Tentai di eliminare le tracce dei predatori nella stanza
del saccheggio. Si erano vendicati contro quelle stesse forze
sconosciute che intendevano catturare. Grattai via gli schizzi
dai davanzali delle finestre, ma non riuscii a togliere le lettere
di sangue sui muri.

57
Il se releva. Je lui ouvris la porte et le poussai dans
l’escalier.
Dans la pièce saccagée, j’effaçais les traces des pilleurs. Ils
s’étaient vengés des forces inconnues qu’ils voulaient détruire
et qui les détruiront, puisque tout acte a ses conséquences. Je
grattai les éclaboussures sur les carreaux des fenêtres. J’effaçai
les lettres de sang avec un mépris définitif contre la bestialité
humaine. Je m’acharnai à faire disparaître l’existence de
ces bipèdes volontairement emprisonnés dans la maison. La
violence des mots, la pierre cassée à coups de barres de fer,
la peinture qui imitait le sang exprimaient la menace d’une
destruction aveugle.
Les dessins pornographiques recouvraient une porte
conduisant à une ancienne chapelle troglodyte. Les squatters
s’étaient contentés de la salle du premier étage, la grande salle
des Pages, et de la petite pièce annexe où une trouille ancestrale
leur avait fait déverser le sexe et la mort. Je regrettai d’en avoir
épargné un. Au second étage, une salle de mêmes proportions,
à moitié troglodyte, était intacte. Des sculptures dans le roc
emplissaient un des angles, creusant une niche pleine de nids
d’araignées. Les toiles pendaient, grises et flasques, le long
des lianes de pierre qui s’élançaient en motifs floraux. Cette
végétation sculptée abritait des crapauds, des salamandres, des
oiseaux et des rats. Tous de pierre.
Dans une pièce délabrée en haut de la maison, un grand
oiseau de nuit me captura par l’intelligence de son regard
immobile. Sa blancheur fantomatique me fit douter de son
existence. Cette énorme chouette blanche était-elle empaillée ?
Non, elle était vivante. Sa poitrine palpitait. Elle me glaçait
en me fixant de ses yeux jaunes. Depuis combien de temps
cette immense chouette aux yeux fixes était-elle prisonnière ?
Si je l’incitais à s’envoler dans l’étroit grenier rempli de toiles

58
Galvanizzata da un disprezzo definitivo contro la ferocità
umana, promisi a me stessa che avrei fatto sparire questi segno
orrendi se avessi comprato la casa.

La violenza delle parole, la pietra rotta a colpi di sbarre


di ferro, la pittura che imitava il sangue, tutto esprimeva la
minaccia di una distruzione cieca che avrei dovuto abbattere.

I disegni osceni ricoprivano una porta che conduceva a


un’antica cappella trogloditica. I vandali si erano limitati alla
sala del primo piano, la grande sala dei Paggi. Al secondo
piano, una stanza delle stesse dimensioni, anch’essa addossata
alla roccia, era rimasta intatta. Delle sculture nella roccia
riempivano uno degli angoli, che scavava una nicchia piena
di nidi di ragno. Le ragnatele pendevano, grigie e molli, come
lunghe liane di pietra allacciate in motivi floreali. Questa
vegetazione scolpita era un riparo per ranocchi, salamandre,
uccellini e ratti.
Tutti di pietra.

Nel punto più alto della casa, l’osservatorio, lo sguardo


immobile di un grande uccello notturno catturò la mia
attenzione. La sua bellezza mi fece dubitare della sua
esistenza. Era impagliata questa civetta gigante ? No, era ben
viva. Il suo corpo palpitava sotto la peluria bianca. Mi gelava
il sangue fissandomi con i suoi occhi fosforescenti. Da quanto
tempo questa civetta dagli occhi immensi si era appropriata
del granaio ? Se l’avessi cacciata dalla stanza piena di oggetti

59
d’araignées, l’envergure de ses ailes me blesserait au visage,
sans le faire exprès. Ma propre immobilité devait la paralyser.
Je l’admirai avec ferveur. Des images confuses envahirent
mon esprit, m’aidant à fuir ce monde animal que l’on ne
connaît plus. Sans doute la peur des paysans, encore au siècle
dernier… la peur les forçant à clouer vives ces effraies sur les
portes, à intenter des procès contre des animaux, fornicateurs
ou assassins.
L’oiseau m’épouvanta. Au bout de quelques minutes, on
aurait dit qu’il me suppliait de rester, sans pouvoir m’inoculer
autre chose qu’un terrible goût de mort. Une chauvesouris
hideuse avec ses yeux jaunes tournoya dans la pièce. Je luttai
contre les vertiges et parvins à l’écraser contre un mur à l’aide
d’un vieux balai oublié contre un mur. L’effraie ne bougea
pas d’un millimètre. La confrontation reprit. Son corps avait
la dimension d’une tête humaine, une tête palpitante sous la
chaleur des plumes blanches, piquées de noir et de beige. La
blancheur de ce plumage semblait veiller dans la nuit, joyau
étincelant de pureté. Mon corps devint plus froid que celui
d’un homme en colère, mon esprit plus vide qu’un ciel d’aube.
Je sortis à reculons pour éviter qu’il ne se passe quelque chose.
On dit que l’effraie peut s’abattre sur nous et planter son bec
dans la nuque.
Les pièces m’avalèrent les unes après les autres. Je n’avais
plus pour me guider le moindre repère. Je m’enfonçai dans
un labyrinthe à plusieurs étages  ; un nombre incalculable
d’escaliers conduisant nulle part, de minuscules fenêtres
inaccessibles, une architecture sans raison apparente, issue du
ventre de la terre. Je vis des grottes, des cavernes. En bas, je
heurtai un large pressoir entouré de statues, des corps humains
émergeant du tuffeau et ressemblant à s’y méprendre aux corps
de lave de Pompéi. La roche exhibait la souffrance de la chair

60
eterocliti, l’apertura delle sue ali avrebbe rischiato di ferirmi
al volto. Anche lei doveva essere ipnotizzata da me, dalla
mia statura. La fissai fervidamente. Delle immagini confuse
invasero il mio spirito, aiutandomi a fuggire questo regno
animale che non conosciamo più. La paura…senza dubbio la
paura dei paesani, ancora solo il secolo scorso, che le obbligava
a inchiodare vivi alle porte i barbagianni, a intentar causa
contro animali, fornicatori o assassini.
L’uccello mi spaventò. Una manciata di minuti dopo,
si sarebbe detto che mi stesse supplicando di restare, senza
riuscire a inocularmi altro che uno strano gusto di morte.
Un pipistrello girava in tondo nella stanza. Lottando contro
le vertigini, riuscii a cacciarlo dalla finestra con una vecchia
scopa abbandonata contro un muro. Per tutta la durata
dell’operazione, il barbagianni non si mosse di un millimetro.
Il nostro confronto riprese. Il suo corpo aveva le dimensioni
di una testa umana, una testa palpitante sotto il calore delle
piume bianche, a macchie nere e beige. Il biancore del suo
piumaggio pareva vegliare sulla notte. Il mio corpo diventava
freddo. Il mio spirito era più vuoto di un cielo albeggiante.
Uscii indietreggiando, temendo che il barbagianni si abbattesse
su di me e piantasse il suo becco nella mia nuca.
Le stanze mi inghiottirono l’una dopo l’altra. Non avevo
più niente che potesse guidarmi. Sprofondai in un labirinto a
più piani in cui si trovavano scale che non conducevano da
nessuna parte, minuscole finestre inaccessibili, e la roccia
sudava umidità. Questa architettura senza struttura apparente
usciva dal ventre della terra. Attraversai grotte, poi caverne.
Al piano terra, sbattei contro un grande frantoio di legno
circondato da statue. Questi corpi umani che emergevano dal
tufo sembravano fraintendere i corpi di lava di Pompei. La
roccia esibiva la sofferenza delle loro carni pietrificate. Questi

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pétrifiée. Ces corps jaillissaient blancs, couverts de lèpre, près
des parois de brique. Une tête s’était détachée et avait été
posée entre deux autres. Si proches ! On aurait cru qu’elles se
parlaient. J’aurais pu entrer par là, voir ces corps enlacés avant
de voir l’oiseau et le sang.
Absorbée par l’humidité de la roche, mes vêtements
couverts de givre, je me résignai à ne plus rien attendre de connu.
Un antre minéral révélait une forme de vie inexprimable, une
sorte de magie aussi, en liaison avec l’intimité des choses. Ces
révélations se multipliaient, recouvrant la peur rudimentaire,
stupide, qui me donnait une indicible envie de fuir. L’angoisse
allait-elle l’emporter sur le désir de rappeler cette architecture
à la vie  ? Dans un état de demi torpeur, je finis par céder à
l’attraction du roc, une pierre qui glaçait ma peau et tombait sur
mes cheveux en poudre transparente.

Minuit - La ruelle montait vers le parc. L’ascension dévoila


peu à peu la masse sombre des arbres le long du chemin des
Violettes. Le sentier à pic devenait la rue des Chateliers, une
impasse s’étalant en promontoire sur la Loire. Le point de
vue sur le fleuve mettait à l’abri des débordements, suscitant
une impression de calme. En haut du chemin creux, un amas
de végétaux jaillit des ténèbres. Il s’éleva vers le ciel comme
pour l’envahir. Le premier ciel du monde, parsemé d’étoiles.
Les arbres immenses sortaient d’une boîte de Pandore faite
à dessein pour tromper la nature. Le parc de la maison était
délimité par un mur abîmé, aux moellons désossés par le lierre
- un cancer végétal, la vigueur de la sève éclatée.

Marcher le long du mur m’entraînait à croire en l’existence


de cette maison à moitié troglodyte, flanqué d’une tour carrée

62
corpi sprizzavano bianco, coperti di lebbra, quasi delle pareti di
mattoni. Una testa si era staccata ed era stata poggiata tra altre
due. Cosi vicine ! Si sarebbe detto che stessero parlando. Avrei
potuto entrare da là, e contemplare questi due corpi abbracciati
prima di scoprire l’uccello, ed il sangue.
Assorta dall’umidità della roccia, i miei vestiti coperti di
salnitro, mi preparavo a non aspettarmi più niente di conosciuto.
Questa dimora, questo antro minerale, traduceva una tensione
tra realtà ed anteriorità, una magia in relazione all’intimità
delle cose. Le scoperte si moltiplicavano, ricoprendo di
paura definitiva, viscerale, che mi dava voglia di scappare.
L’angoscia l’avrebbe avuta vinta sul desiderio di richiamare
questa casa alla vita  ? In uno stato di semi torpore, finii per
cedere all’attrazione della roccia che mi rinfrescava la pelle e
cadeva sui miei capelli in polvere trasparente.

Minuit - La strada delle Violette saliva verso il parco. La salita


svelava poco a poco la massa scura degli alberi. La stradina a
picco si trasformava nella via dei Chateliers. Vista dall’alto,
si trattava di un vicolo che si apriva in «belvedere» sulla
Loira. La vista sul fiume proteggeva dagli eccessi scatenati
dall’esplorazione della casa. Provai infine un’impressione di
calma. Nella parte alta del cammino incavato, un ammasso di
piante fuoriusciva dalle tenebre. SI alzava verso il cielo, come
a invaderlo. Il primo cielo del mondo, cosparso di stelle. Degli
alberi giganteschi uscivano come dalla scatola di Pandora con
il disegno di ingannare la natura. Il parco della casa era chiuso
da un muro di ciottoli, rovinato dalla forza dell’edera, cancro
vegetale, il vigore esploso della linfa.
Camminare lungo il muro mi esercitava a credere
nell’esistenza di questo maniero fornito di una torre quadrata

63
et surmontée d’un observatoire. En montant, je m’accoutumais
au désordre des pierres et des colombages de cet édifice qui
avait disparu sous la falaise. Au-delà de ces espaces en friches
était construit un lotissement de maisons neuves sur un plateau
verdoyant. Je découvris le plan de la ville, inscrit sur une table
de pierre. À gauche, il y avait une rue barrée par un grillage qui
obligeait le passant à revenir sur ses pas.
C’était la rue Léonard Perrault, l’axe d’un triangle formé
par le Clos Lucé, le château, la Maison des Pages. Un triangle
en forme de voile étarquée, couvrant Amboise.

La rue Léonard Perrault était le prolongement d’une entrée


privée du château. Elle descendait vers la demeure du génie
humaniste de la Renaissance et montait vers l’endroit où l’on a
décapité la France.
Elle descendait…
Cette rue s’était écroulée. D’un coup  ! Le monde du
dessous avait ressurgi au cœur du bitume. Des ouvertures
étaient entourées d’un grillage et couvertes par de la tôle
ondulée, de larges plaques disposées à la va-vite. Depuis treize
ans, d’anciennes salles du château s’étaient éboulées à cause
du passage des cars et attendaient d’être refermées.
- C’est un type de rue qui coïncide peu avec nos
représentations des rues, pensai-je, stables, solides, aussi
fiables que les maisons. Voilà ce qui est convenu, entendu et
bien maîtrisé. Qui peut accepter l’idée d’une terre friable ?
Plus que friable, cavée !
Le coteau, la roche, ce promontoire où s’élève le château,
tout était parcouru de souterrains qui conduisaient jusqu’à la
forêt. Toutes ces « belles roches », « hautes roches », « jolies
roches » du bord de Loire  : des gouffres. Ne pas se fier aux
appellations flatteuses de « belles roches » : des mines, des

64
e sormontata da un osservatorio. Mi abituai alla trasandatezza
delle pietre e del tetto triangolare della casa, al loro stato di
abbandono. In quel momento, era sparito sotto terra. Al di là di
questa natura incolta, la lottizzazione di case nuove si stendeva
sulla pianura. Mi diressi nella direzione opposta e scoprii una
cartina di Amboise e della regione iscritti su una mappa. A
sinistra, c’era una strada sbarrata da una grata molto alta che
obbligava i passanti a tornare sui propri passi.
Era la via Leonardo Perrault, situata in mezzo al triangolo
formato dal Clos Lucé, il castello, e la Maison des Pages. Un
triangolo a forma di velo teso che copriva Amboise.

La via Leonardo Perrault era il prolungamento di un’entrata


privata del castello di Amboise. Scendeva verso la residenza,
luogo di riflessione del genio umanista del Rinascimento, e
saliva verso il posto in cui si decapitavano i protestanti.
Scendeva…
La strada era crollata sotto il peso dei veicoli dei turisti.
In un colpo solo  ! Le gallerie soprastanti erano risorte nel
cuore del marciapiede. Le brecce del suolo erano circondate
da una rete metallica e coperta di lamiera, di larghe placche di
lamiera disposte alla bell’e meglio. Da tredici anni, le cantine
e i sotterranei del castello erano franati a causa del passaggio
delle automobili e aspettavano di essere richiusi.
- Ecco un tipo di strada che coincide poco con le nostre
rappresentazioni di strada, pensai, stabili, solide, degne di
fiducia come le nostre case. Ecco ciò che si conviene, ciò su
cui abbiamo il controllo ! Chi può accettare l’idea di una terra
instabile ? Più che instabile ! Friabile, infossata..
Il poggio, la roccia, questo promontorio sul quale si alza
il castello reale erano percorsi dai sotterranei che conducevano
fino alla foresta. Tutte queste «belle rocce», «alte rocce»,

65
cavernes, d’interminables gruyères que l’activité humaine a
creusés au-delà de leur capacité de résistance. La terre craque,
tremble, s’écarte, se referme en un labeur permanent.
Découragée, je m’assis sur une pierre. De ce socle rocheux,
au centre du triangle, je contemplai la ville lovée au fond d’un
creux. L’atavisme, l’orgueil, les projets trahis, les ragots, la
convoitise, toutes les conditions de la respectabilité dormaient
enfoncées dans une courbe de la Loire. J’eus apprécié que la
ville ne s’éveillât plus. Mais ce n’était pas en mon pouvoir.
La courbe était habitée. Les toits gardaient cette grisaille
qui absorbe toute révolte. Dans ce réseau d’habitations, je
discernai la forme d’un squelette, l’épure de la condition
humaine. La pointe de la Pagode de Chateloup rappelait à elle
seule l’activité des hommes dans la forêt. La surface du fleuve,
barrée de bancs de sable, s’étendait sans la moindre marque,
mais avec une densité différente des masses de la ville.

Un sifflement aigu s’échappa des souterrains. Soudain un


homme sauta par dessus le grillage.
- Bonsoir, dit-il. Vous n’avez pas peur de vous promener si
tard ?
Son visage blême se dessina peu à peu dans la nuit. Des
yeux bleus, inhumains mais rayonnants. Il était très jeune, vingt
ans au plus. Ses traits rappelaient l’expression mélancolique
des têtes sculptées sur les murs de la maison. Agréablement
vêtu, les traits harmonieux et les mains gantées de blanc, il
ressemblait aussi à l’ange de la connaissance de La Vierge aux
Rochers, dans la première version. Le tableau de Léonard de
Vinci se mettait à vivre devant moi, sans que je puisse discerner
les causes de ce phénomène. Le visage de l’adolescent était
auréolé de mèches blondes, et la chevelure à la fois lisse et
bouclée. Les têtes de pierre de la Maison des Pages possédaient

66
«rocce carine» lungo la Loira. Delle voragini. Mai fidarsi delle
appellazioni ingannevoli di «  belle rocce  »… nient’altro che
miniere, caverne, interminabili gruviere che l’attività umana ha
scavato al di là della loro capacità di resistenza. La terra cede,
trema, si apre e si richiude in una fatica permanente.
Scoraggiata, mi sedetti si una pietra. Da questo solco
roccioso, al centro del triangolo, contemplai la città arroccata
nella pietra. L’atavismo, l’orgoglio, i progetti traditi, i
pettegolezzi, la cupidigia, tutte le condizioni di rispettabilità
dormivano sprofondati nel fondo della curva della Loira. Mi
sarebbe piaciuto che la città non si svegliasse, ma il suo risveglio
era ineluttabile. Il meandro era abitato. I tetti trattenevano il
grigiore che assorbe ogni ribellione. In questa rete di abitazioni
distinsi la forma di uno scheletro, un abbozzo della condizione
umana. La superficie del fiume, sbarrata da banchi di sabbia,
si stendeva all’orizzonte, offrendo una prospettiva al tracciato
della città.

Un soffio acuto fuoriuscì dai sotterranei. Improvvisamente,


una forma saltò al di sopra della grata e mi parlò :
- Buonasera. Non ha paura di passeggiare qui ?
Una figura pallida si disegnò gradualmente nelle tenebre.
Degli occhi blu, inumani ma radiosi, illuminavano la fisionomia
di un giovane uomo. La lucidità del suo sguardo rasserenò
subitamente le mie paure. I tratti del suo viso ricordavano
l’espressione malinconica delle teste scolpite sui muri della
casa delle Pagine. Vestita con eleganza, le forme armoniose,
quest’apparizione sembrava un automa. Un personaggio di
Leonardo da Vinci, l’angelo della conoscenza nella prima
versione della Vergine delle Rocce era vivo davanti a me, e
apriva le forme che svegliano lo spirito senza che si possano
discernere le cause di questo fenomeno. Il viso del giovane

67
aussi ces yeux où une intelligence rêveuse endort la crainte.
L’adolescent me regardait. J’étais près du grillage. Au-
dessous, il y avait les dédales, les grottes, les souterrains qui
creusaient les sous sols du plateau et rejoignaient les corps
sculptés du pressoir.
Je ne savais pas à quel endroit de la ville nous étions. S’il
était minuit ou trois heures du matin… Il attendait ma réponse.
J’esquissai un geste vers la terre :
- Je sors de la Maison des Pages.
Il ne bougea pas. J’ajoutai, sans réfléchir :
- Je vais y vivre.
Quelle folie ces confidences, pour des actes graves comme
pour des futilités ! Cela donne l’illusion d’une fuite en avant,
d’une effusion dans le dessein de chasser les superstitions. Une
expression d’intense satisfaction illumina le regard du jeune
homme. Nous nous taisions Je le dévisageai avec insistance
car je n’étais pas sûre de sa présence, cristalline, sensible et
passagère. Ses lèvres s’ouvrirent et il articula d’une voix au
timbre juste :
- Elle est inhabitable…
- Que voulez-vous dire par «inhabitable» ?
- On marche sur la tête…
- La tête ? Quelle tête ?
J’étais à l’affût de chaque mot, anticipé avant qu’il ne fût
prononcé. Un spectre qui se serait déplié comme un mouchoir
à l’extrémité de mes doigts aurait fui dans la nuit. Il restait.
Et si je me mettais à courir…?
Impossible d’écouter, impossible d’ignorer les
chauvesouris qui voltigeaient autour de nous, ces ondes qui
parcouraient l’obscurité. Qui peut s’abstraire des phénomènes
de la nature ? Ce que je ressentais était magnifié par ce regard
d’or qui brillait sur un monde inconnu.

68
uomo era aureolato de bionde. Una capigliatura allo stesso
tempo liscia e riccioluta.
Il giovane mi guardava. Ero in piedi vicino alla grata.
Al di sotto, dedali, grotte, sotterrane incavati nel sottosuolo
dell’altipiano raggiungevano i corpi scolpiti nel frantoio della
casa.
Ero disorientata, invasa da emozioni incontrollabili. Era
mezzanotte o le tre del mattino ? Il giovane uomo sembrava
aspettare la mia risposta. Indicai con la mano la casa al livello
inferiore, nascosta dagli alberi e dai campi :
- Arrivo dalla Maison des Pages. Non si mosse. Aggiunsi
- Vado a viverci.
Questa confessione mi era scappata. Che follia queste
confidenze, per atti gravi come per futilità  ! Questo dava
l’illusione di una fuga in avanti, di un’osmosi con l’altro
nell’intenzione di ridurre la sua ansia. Un’espressione di intensa
soddisfazione illuminò lo sguardo del giovane. Tacemmo. Lo
guardai in volto con insistenza, perché sentivo cosi poco la sua
presenza, cristallina e passeggera. Le sue labbra si mossero.
Articolò con una voce dal timbro stupefacentemente giusto  :
- Questa casa è inabitabile…
- Cosa intende per «inabitabile» ?
- Si cammina sulla testa…
- La testa ? Quale testa ?
Ero all’affusto di ogni parola, che veniva anticipata prima
prima di essere pronunciata. Il giovane mi faceva pensare a uno
spettro che si sarebbe aperto come un fazzoletto all’estremità
delle mie dita prima di fuggire nella notte. Eppure non era
un fantasma. Rimaneva lì. Avrei dovuto mettermi a correre ?
Mi era impossibile ascoltare, impossibile ignorare il freddo,
la vita notturna, le onde telluriche che percorrono l’oscurità.
Come astrarsi dai fenomeni della natura ? Tutto ciò che sentivo

69
Jusqu’où vont aller les créations délirantes de ma
conscience ?
L’adolescent s’aperçut de mon trouble. Sans me quitter des
yeux, il tira de sa poche une affreuse petite peinture et la déroula
devant moi. La toile était pleine de coulées bleues morbides,
une putréfaction liquide, et elle exhibait une tête, dans un
cadre. Une tête ovoïde et blanchâtre, avec des orbites bleues,
tandis qu’une autre tête en forme de sac blanc, transpirait dans
un mur à gauche, hors du cadre. La fatigue eut raison de moi.
J’étais plongée dans la décomposition.
- J’ai déjà vu ce tableau en plus grand, balbutiai-je.
- Impossible, il a été peint hier.

- Si, je connais cette tête hideuse ! Quelqu’un me l’a


montrée récemment, peut-être au Clos Lucé. Je ne sais plus où
ni comment… Cachez cette toile ! On dirait un visage arraché,
sans peau, sans chair, un cerveau dénudé.
J’avais sous les yeux le cortex, les ventricules et les cavités
d’un cerveau mort depuis des siècles. Le cerveau était resté
intact mais le corps s’était détérioré. Cette tête me révulsait.
était-elle le miroir du visage aux yeux d’or qui souriait devant
moi ? Cela aurait pu être seulement et uniquement le cerveau,
sorti comme un champignon de la boîte crânienne, bleuâtre et
turgescent. Un dégoût insupportable m’obligea à questionner
l’adolescent.
- Quelle est cette tête qui paraît envahir la Maison des
Pages ?
- La terre est au-dessus, répondit-il. Au-dessus de la tête.
- Vous voulez parler du parc, de la terre au-dessus, du sol
au-dessus, les arbres, l’herbe ?

70
era sfuggito negli occhi di questa creatura, uno sguardo d’oro
coperto su un mondo invisibile.
Era une proiezione della mia mente delirante ?
Il giovane si accorse della mia esitazione. Senza perdermi
di vista, tirò fuori dalla tasca una tela arrotolata, un’orribile
piccola pittura che aprì davanti a me. Quest’immagine piena
di colate blu sembrava una putrefazione liquida. Esibiva una
testa, in un quadro dipinto al centro di una tela. Una testa a
forma di uovo e biancastra, con delle orbite nere. Un’altra testa,
di forma e di taglia identica, emergeva in alto a sinistra, come
se uscisse da un muro e s’ingegnasse a raggiungere il quadro
irrevocabile e fragile immobilizzando la testa inquadrata. La
fatica mi vinse. Ebbi l’impressione di andare e venire nella
decomposizione inventata da questa pittura ;
- Ho già visto questo quadro in più grande, balbettai.
- Impossibile, l’ho dipinto ieri.
- Si ! conosco quest’immagine di fantasma. Qualcuno me
l’ha mostrata recentemente, non so più dove, né come, ma era
ad Amboise. La prego, nasconda questa tela  ! Si direbbe un
viso scavato, senza pelle, senza carne, un cervello messo a
nudo.
L’adolescente aveva messo sotto i miei occhi la corteccia
celebrale, i ventriloqui e le cavità di un cervello morto da
tempo. L’organo era rimasto intatto e il corpo si era deteriorato.
Questo cranio mi repelleva. Era lo specchio di un viso morto
dagli occhi d’oro che mi sorrideva davanti ? Il giovane aveva
dipinto il suo stesso cervello  ? Un cervello uscito come un
fungo dalla scatola cranica, bluastra e turgida. Un’avversione
insostenibile mi obbligò a sapere.
Lo interrogai :
- È questa la testa che infesta la Maison des Pages ?
- La terra è la casa, disse. Sopra la testa.

71
- La maison est construite à flanc de rocher. Il est logique
que la terre soit au-dessus. Au quinzième siècle, le parc devait
être recouvert de vignes.
- On jetait les grappes de raisin dans les cheminées.
- Aujourd’hui, il y a des arbres et des corbeaux qui
s’envolent dans les allées.
Quel réconfort dans la rationalité ! La culture du vin était
pleine d’amabilité, de cris de joie, d’éclats et, semble-t-il, de
délivrance. Pourquoi hésiter entre cette vie-là, ses joies simples
et l’attirance foudroyante pour des formes sépulcrales  ? Du
fond de la nuit, je respirai le parfum des vignes de Charles VII.
L’adolescent exhibant ce cerveau mis à nu, que lui restait-
il d’humain ?

Nec mulier nec vir nec androgyna


Nec puella nec juvenis nec anus
Nec casta nec meretrix nec pudica
sed omnia.

La formule ésotérique de Bologne résonna dans le silence.


Il me semblait que cet être angélique répétait mes pensées
répandues comme de la glaise entre ses lèvres.
Il disparut, pareil à un spectre attiré par le monde entrouvert.
D’un geste brusque, je chassai ces impressions, toute cette gêne
qui me glaçait. Les chauvesouris et l’haleine humide de la rue
effondrée reprirent leur place dans l’obscurité. Tout redevint
lugubre. Les orifices des caves émergeaient ça et là, sous la
lumière des réverbères auréolés de moucherons.

72
- Vuole parlare del parco, della terra soprastante  ? Del
suolo, con alberi e erba ?
- La casa è costruita a ridosso della roccia. È logico che
la terra sia sopra. Un tempo, i viali dei castagni e dei lauri del
parco erano vigne.
- E i vendemmiatori gettavano grappoli d’uva lungo il
cammino, per vendemmiarli poi nelle cucine della casa.
- Oggi, gli alberi si soffocano nel parco ei corvi volano
sugli alberi abbandonati.
La razionalità porta un certo conforto. La coltura del vino
è piena di amabilità, di grida di ebbrezza, di scoppi, e pare, di
liberazione. A che serve esitare ancora tra questa vita, le sue
gioie semplici e l’infame attrazione per le forme spettrali  ?
Dalla notte fonda, respirai il profumo delle vigne piantate ben
prima del regno di Carlo VII.
Questo adolescente venuto a mostrarmi il suo disegno, il
cervello nudo, cosa aveva di umano ?

Nec mulier nec vir nec androgyna


Nec puella nec juvenis nec anus
Nec casta nec meretrix nec pudica
sed omnia.

La formula esoterica a Bologna risuonò nel silenzio, o ritrito


nel mio cervello o mormorato dall’umanoide in piedi davanti
a me. Si sarebbe detto che quest’essere angelico riordinava i
miei pensieri per unirli alla natura addormentata.
D’un tratto, disparve, come un fantasma aspirato da una
voragine nel suolo. Con un gesto brusco, cacciai queste visioni
che mi assalivano e che mi angosciavano terribilmente. Gli
uccelli notturni e l’alito umido esalato dalla strada franata

73
Ces toitures éventrées, ces vieilles maisons écrasées,
éparpillées les unes sur les autres, ces murs couverts de
lézardes, ces gîtes abandonnés évoquaient une démence, une
fin du monde. Le terrain sur « la tête » de la Maison des Pages
dissimulait un entrelacs de souterrains, de galeries et de caves.
Tout allait s’effondrer. Un rêve miné, comme le prouvait cette
rue condamnée, avec ses entrailles ouvertes. Ses habitants
errants se promenaient la nuit. Ils rôdaient en compagnie
des fantômes et des chauvesouris en espérant voir un jour la
malédiction s’infléchir.

17 janvier 1986 - Le temps me paraît compté, plein d’aléas


et de tracas. Ce matin, j’ai couru signer la promesse de vente.
Le propriétaire m’a accordé le droit de jouissance, le droit
d’entreposer des meubles, tandis que je me réserve, à cause de
la puissance de l’acte, six mois de réflexion. J’aurais le temps
de mesurer le pour et le contre dans les solitudes alépines où je
dois retourner faire mon déménagement.
Une neige étincelante recouvre le plateau des Chateliers.
En contrebas, la couleur brune de la Loire retient le regard
pour l’enfouir dans des eaux creusées par les bourrasques.

Avant de signer l’acte notarié, je suis allée dans une


résidence retraite voir une tante expert-comptable qui venait
d’atteindre l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans. Au cours de
la conversation, elle évoqua la rue du Rocher des Violettes.
Simone ne reconnaissait plus ses enfants qu’elle appelait

74
riacquistarono il loro posto nell’oscurità. La strada ridiventò
lugubre. Gli orifizi delle cantine emergevano qua e là, sotto la
luce dei lampioni aureolati di moscerini.
Al livello inferiore, i tetti sventrati, le vecchie case
sbriciolate, sparpagliate le une contro le altre, i muri tormentati
dalle lucertole, questo ammasso di rifugi abbandonati evocava
una demenza, la fine del mondo. La terra sulla testa della Casa
delle Pages dissimulava un intrico di sotterranei, di gallerie e
di cantine. Il suolo avrebbe franato. Un sogno corroso, come
lo provava questa strada condannata con le sue grandi viscere
aperte. I suoi abitanti erravano nella notte. Vagabondavano in
compagnia di pipistrelli con la speranza un giorno di veder
sparire la maledizione.

17 gennaio 1986 - Il tempo mi sembrava contato, pieno di


rischi e di guai. Al mattino presto, andai all’agenzia per firmare
la promessa di vendita. Il proprietario mi aveva accordato il
diritto di usufrutto senza che glielo chiedessi. Mi diede una
ventina di chiavi tenuta in un cerchio di metallo, e tre grosse
chiavi che aprivano le serrature dell’epoca di Francesco I°. Fui
autorizzata a istallare i miei mobili. In una clausola dell’atto,
mi riservai sei mesi di riflessione, rimettendomi alle solitudini
di Aleppo dove sarei dovuta tornare per organizzare il trasloco.
Camminando sui passi di coloro che sono capaci di realizzare il
proprio destino, non avrei forse avuto il piacere di pesare i pro
e i contro, di cambiare un’ultima volta idea ? La neve copriva
la piana dei Chateliers al di sopra della Casa delle Pages. Al
livello inferiore, il colore bruno della Loira svuota lo sguardo
per riporlo nelle acque increspate dalle burrasche.
Prima di firmare l’atto di compravendita, ero andata in una
residenza di pensione e andare a trovare une mia zia che aveva
appena compiuto ottantacinque anni. Durante la conversazione,

75
« madame » ou « monsieur » mais gardait présente à l’esprit
la configuration des coteaux de la Loire. Comme les anciens
de la région, elle en redoutait le mystère, les sables mouvants,
les cavités qu’elle considérait longuement. Elle avait tendance
à s’égarer dans la vision de milliers de kilomètres de galeries
creusées dans le cañon du fleuve, de grottes d’où étaient
issus les châteaux avant de constituer les murs des maisons
d’artisans.
Simone m’a parlé de Louis Deville :
- N’achète pas de ce côté. Jadis, j’avais un client dans
cette rue. Il vivait dans un très bel endroit, une maison très
ancienne qu’il aimait par dessus tout... Il était cinéaste. Il
passait son temps à écrire des scénarios. Un type faible, et
comme beaucoup de faibles, il se montrait injuste et violent,
tyrannisait sa femme et ses enfants. Je t’assure qu’il n’avait pas
la conscience nette.
Toi, continue tes études, ne brise pas ton envol !
La sagesse des Anciens résume une série d’épreuves pour
les déguiser, et recouvrir d’un masque de bénédictions des idées
reçues. Les conseils de ma tante m’ont impressionnée. Hors de
ma chambre, le vent soufflait. La nature devenait arrogante et
hostile. Les maisons tressaillaient sur le sol. Comment pouvais-
je accepter cette unanimité pour m’empêcher de vivre dans le
lieu qui m’était destiné ?
Indécise, je suis allée accrocher les deux Vierges aux
Rochers sur les murs de la maison. Je les ai contemplées. Celle
exécutée par les élèves est ancrée dans l’époque. Elle est de
facture maniérée, si on tente la comparaison à celle de Léonard
de Vinci. Elle m’a pourtant fait comprendre une croyance
ancrée dans le cœur des centenaires : la roche qui se referme
sur les familles humaines manifeste l’évolution de la terre. Ma
tante s’était mise à croire en ces fantasmagories.

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si ricordò della rue du Rocher des Violettes. La frequentava
quando lavorava come esperta contabile. Anche se spesso non
riconosceva più i suoi figli, che chiamava allora «signore» o
«signora», Simone si ricordava della configurazione della costa
della Loira. Come le persone anziane della regione, temeva i
suoi enigmi, i suoi spazi profondi che considerava pensosa,
catturata dalla visione di migliaia di chilometri di gallerie
scavate nelle faglie del fiume, grotte da cui uscivano i castelli
reali prima di formare le case trogloditiche degli artigiani.
Appena glielo chiesi, si mise a parlare di Louis Deville.
- Era uno dei miei clienti in quella strada, ricordò. Viveva
in un posto splendido, una casa molto antica che amava sopra
ogni cosa. Era ereditiere e cineasta a tempo perso. Era venuto da
me perché aveva avuto grandi problemi economici. Un uomo
debole, e come tutti i deboli, ingiusto e violento. Tirannizzava
sua moglie. Ti assicuro che non aveva la coscienza pulita. E tu,
cosa stai aspettando per continuare i tuoi studi ? Non spezzare
il tuo volo caricandoti di un tale peso !
L’esperienza dei Parenti ricapitolò una serie di prove
rendendole simboliche, ricoprendole di una maschera di
approvazione e di idee già pronte che rispondono al bel nome
di saggezza. I consigli di mia zia mi avevano impressionata.
Uscendo dalla mia stanza, il vento soffiava. La natura era
diventata arrogante e ostile. Il suolo faceva vibrare le case. Mi
chiedevo come fosse possibile resistere a tanta insistenza per
impedirmi di vivere in un luogo che mi era destinato.
Indecisa, passeggiai fino alla Maison des Pages. Entrai e
attaccai al muro del primo piano le incisioni delle due versioni
della Vergine delle Rocce. Le i quadri di Leonardo da Vinci
coprivano le macchie di pittura rossa. Li contemplai. La Vergine
sembrava ancorata alla pesantezza dell’epoca. Paragonata
alla versione del maestro, era una versione di minor valore

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Au cours d’une promenade, je me suis arrêtée dans un
salon de thé. Un article de presse m’appris qu’une section des
pompiers d’Amboise était spécialisée dans le « sauvetage-
déblaiement » ! Allez savoir si c’était la rançon du vieux,
les facéties de l’ancien, un mauvais entretien, une série de
négligences…
Aucun fait naturel ne peut provoquer une telle dégradation.

J’ai vérifié que la maison a été construite sur le versant


le plus solide du coteau. Les vieilles constructions, tel le pont
de Vaison la Romaine, s’accrochent à la terre dont elles font
partie. Le versant fragile était celui du Clos Lucé. Les lois
de construction de la Maison des Pages mettaient au défi les
fêlures de la roche. Le contenu juvénile de son nom promettait
la réconciliation avec l’époque d’aujourd’hui.
J’achevai cette méditation en admirant le geste de l’ange
qui figure la connaissance, l’index pointé et le majeur replié.
Le sourire est le même que celui de Sainte Anne. Les élèves
imitant le tableau de La Vierge aux Rochers n’ont pas repris ce
geste qui figure l’équerre et le compas. Douée d’une énergie
qui défie la précarité de l’existence, la main de Marie est prête
à se refermer.

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artistico. Eppure, il suo viso più imponente e dalla fronte diritta
mi rivelò un credo ancorato nel cuore di secoli : la roccia che si
richiude sulle famiglie umane testimonia dell’evoluzione della
terra. Era innegabile, mia zia credeva nelle chimere.
Uscii per andare a rilassarmi in una sala da the. Un articolo
di giornale precisava che una sezione dei pompieri di Loches era
specializzata nel «salvataggio-sgombero»... Era il riscatto della
vetustà, le facezie del vecchio, oppure una cattiva intervista e
una serie di negligenze che conducono al deperimento della
dimora... Nessun fenomeno naturale avrebbe potuto implicare
un tale degrado.
La responsabile dello stabilimento mi assicurò che la
Maison des Pages, costruita sul versante stabile del pendio,
sarebbe rimasta inalterata, non avrebbe mai potuto franare.
Riassumo ciò che mi ha detto. Le vecchie costruzioni si
attaccano alla terra di cui fanno parte. Allo stesso modo, il
ponte della Vaison La Romane resiste quando delle case recenti
vengono portate via dalle acque. Non si contano gli esempi.
Il versante friabile dell’altipiano dei Chateliers, quello che dà
sulla via Victor Hugo e che porta al Clos Lucé, e non quello
della Casa delle Pages. Le norme di costruzione evidenziano
la sfida delle faglie rocciose, mentre il contenuto giovanile
del suo nome promette la riconciliazione tra il Rinascimento e
l’epoca di oggi.
Tornai nella stanza del primo piano, davanti alla Vergine
delle Rocce, per osservare più attentamente il gesto dell’angelo
che incarna la conoscenza, indice puntato verso l’orizzonte e
medio piegato dietro il pollice. Il suo sorriso ricorda quello
di Sant’Anna. Strano che la variante non abbia ripreso questo
gesto che rappresenta la squadra ed il compasso di muratori ed
architetti. Al di sopra di questo segno, animato da una forza che
sfida la precarietà dell’esistenza, si chiude la mano di Maria.

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18 janvier 1986 - À onze heures, je suis allée consulter les plans
du sol à la Mairie. Ce bâtiment neuf était bien près de receler
tout ce que l’hexagone compte de bureaucratie tatillonne,
d’encre craquelée, de virgule mal placée, de somnolences
administratives où croupissent des êtres aux yeux aveuglés de
paperasses. Une duperie théâtralement mise en scène. Aucune
règle susceptible d’être modifiée.
Au Service technique, des employés m’accueillirent avec
des visages perplexes. L’un d’eux évoqua la Médaille de la
Ville décernée à mon grand père imprimeur. Je le questionnai
sur le fanum gallo-romain, le centre sacré d’Amboise, dédié à
une Déesse. Je m’efforçai de doser l’assurance et la modestie
dans l’espoir de m’entendre dire que le fanum se trouvait
sous les arbres séculaires du parc abandonné dont je devenais
propriétaire à mon retour d’Orient.
- Vous vous trompez ! fit l’employé, le fanum est près du
Village vacances. Au-dessus du fanum, il y avait les habitations
et la nécropole.
L’administration a des réponses toutes faites. Si c’était
l’arme de prédilection des habitants de cette ville, je n’avais
plus qu’à repartir écrire dans d’autres déserts. L’employé
qui m’informait était le garant de cette désespérante fixité.
Impossible de ne pas penser à Henri Michaux qui écrivait : « Je
n’aime pas les vaches. Ça me rappelle les notaires » - expression
lapidaire pour des situations déplaisantes.
Je sentis monter en moi l’envie de fuir la vacuité de cet
ordre accablant. À ce moment, l’homme quitta brusquement
son bureau et sortit d’une armoire une affiche. Il regagna sa
place le sourire aux lèvres et me montra de magnifiques dessins
exécutés au crayon noir.
C’était des jarres préhistoriques, des colliers, des bouts de
silex taillés restitués dans les moindres détails. Un vase ébréché

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18 gennaio 1986 - Verso le dieci del mattino, andai a consultare
il piano di Occupazione del Suolo al municipio di Amboise. Mi
era stato detto che la costruzione rinnovata dei Servizi tecnici
municipali racchiudeva tutto ciò che l’esagono conta come
burocrazia pignola, inchiostro screpolato, virgole mal poste,
sonnolenze amministrative in cui vegetano esseri dagli occhi
accecati dalle scartoffie, quando nemmeno una singola regola
può essere cambiata. Gli impiegati degli Uffici del servizio
tecnico mi accolsero con gentilezza. Uno di loro mi raccontò
tutto ciò che sapeva sulla Maison des Pages. Mi disse che un
fanum gallo-romano, centro originario e sacro di Amboise, era
contiguo alla mia casa.
- Il fanum si trova tra gli alberi secolari del parco ? Chiesi
- No, no, disse l’impiegato. Non si trova nella proprietà. Si
trova tra le vestigi del muro di Cesare e il parco della Maison
des Pages. Al di sopra del fanum, si può vedere un tumulo, che
deve essere scavato dagli archeologi.
La tecnocrazia si smarrisce in regole fisse. A vederci
meglio, l’impiegato municipale era il garante di questa rigidità.
Impossibile non pensare à Henri Michaux quando scriveva  :
«Non mi piacciono le mucche. Mi ricordano i notai». L’uomo
si alzò dalla sua scrivania. Tirò fuori da un armadio una
locandina. Potermi mostrare dei disegni notevoli realizzati con
matita su carta da un archeologo di Tour gli ridiede il sorriso.
Si trattava di giare preistoriche, collane, pezzi di selce intagliati
e restituiti nei minimi dettagli. Un vaso sbeccato riempiva la
parte bassa del foglio. Conteneva una mezza dozzina di coltelli
dell’età del bronzo.
- Questo vaso è stato rinvenuto nel parco della Maison des
Pages, disse l’impiegato.
Quest’informazione mi riempì di gioia. L’uomo mi osservò
con soddisfazione e si rituffò nella lettura delle cartelle. Il

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occupait le bas de la feuille. Il contenait plusieurs couteaux de
l’âge du bronze dessinés par les archéologues de Touraine.
- Ce vase a été trouvé dans le parc de la Maison des Pages,
commenta l’employé.
Cette réponse le dédommagea de mes demandes. Il bâilla,
et refusant de creuser davantage à la question, il fit mine de
s’émouvoir à la lecture de ses dossiers.
La Mairie refaisait le Plan d’Occupation des Sols (P.O.S.)
qui répertorie les différentes catégories de terrains exposés aux
risques naturels. Un autre employé me délivra un certificat
d’urbanisme irréprochable :

Site protégé, périmètre historique du château.



Des jarres préhistoriques, l’abandon du passé et la vanité
de l’activité des hommes expliquaient la plasticité du sol,
véritable non-dit sous les piaillements humains. La Maison
des Pages était adossée à l’oppidum des Chateliers. Des
souterrains sillonnaient le plus ancien socle d’habitation
d’Amboise. Le nom d’un chef gaulois, ou d’un druide,
Exornos, inscrit sur des pièces de monnaie découvertes dans
le parc, déployait ses consonances. On aurait dit une ombre
exprimant l’eurythmie d’un tombeau. Un tombeau gaulois
au-dessus de la maison ? Ou l’asile d’un druide recouvert par
un temple romain  ? Plus loin, les noms des rois de France
ondoyaient dans un cycle éternel de naissance et de mort.
Les papiers en poche, j’enfourchai un vieux vélo que
j’avais trouvé près de la gare. Je pédalais sur les trottoirs pour
éprouver l’inconscience des passants. Captivés par le spectacle
de leurs soucis, ils s’absentaient du monde qu’ils traversaient,
sans haine, sans part humaine. Aucun n’était capable de sentir
ma bicyclette rouler vers lui.

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municipio stava elaborando un nuovo piano di Occupazione
dei Suoli che repertoriava le diverse categorie di terreni esposti
a possibili catastrofi naturali.
Un secondo impiegato me diede un Certificato di
urbanismo irreprensibile.


SITO PROTETTO,

AREA STORICA APPARTENENTE AL CASTELLO.

Tutto sembrava procedere per il meglio. Non solo dei


sotterranei percorrevano il più antico basamento abitativo
di Amboise, ma anche il suolo, scavato dall’attività umana,
conteneva giare e selce preistorici che testimoniavano un
passato prodigioso. L’impiegato del municipio mi aveva
anche indicato il nome del capo gallico, Exorno, scritto su
delle monete rinvenute nel parco. Questo nome era composto
da consonanti inabituali. Non era un’ombra che esprimeva
l’euritmia di una tomba ? Una tomba gallica sembrava dunque
vegliare sulla casa, oppure la scultura di un druido, coperta in
seguito da un tempio romano. Appena a fianco, il castello di
Amboise scandiva lettera dopo lettera il nome dei re di Francia,
incisi sopra gli stipiti delle porte e ondeggianti in un eterno
cerchio di vita e di morte.
Le carte ufficiali in tasca, inforcai una vecchia bici prestata
da una vicina. Incontrai dei passanti concentrati sui loro
problemi. Si assentavano dal mondo che attraversavano, senza
odio, senza parte umana. Nessuno si era accorto della bicicletta
che si stava dirigendo verso di loro.

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Leur apathie m’assura dans ma décision d’aller voir
Léo à Nazelles, le questionner, voire solliciter sa protection.
J’aperçus de loin sa collection de baignoires, de tracteurs hors
d’usage, de la vétusté entassée dans un baraquement de tôle
ondulée maintenu debout par miracle.
La pluie glaciale annonçait une de ces journées maussades
et grises qui assènent la mélancolie, quand ce n’est pas pire.
Trois gamines rousses, à demi sauvages, coururent se
réfugier dans une caravane, leur chambre. Perplexes sous
leurs longs cheveux filasse, elles me dévisagèrent à travers une
fenêtre découpée dans le métal.
La pluie ruisselait sur ces trois visages aux traits épais,
ronds comme la lune, isolés dans leur cage.
Dans le baraquement, un jeune homme roux à la peau
blanche, au corps squelettique était debout dans le vaste espace
qui aurait pu faire penser à une véranda. C’était le fils. Léo
se tenait devant un fourneau. Des meubles et des détritus
récupérés dans les poubelles étaient adossés aux parois de tôle,
alignés de façon à former des allées de déchets.
Quel étrange ermitage, cette forêt de détritus ! Elle inspirait
une vive inquiétude aux esprits résignés.

- Des arriérés ! maugréaient ceux dont la liberté se limite


à l’écran de leur télé et au grillage de leur jardin et qui, par
accomplissement de leur résignation, passent leur vie à se
mutiler les uns les autres. La ville rétrécit les cerveaux de ceux
qu’elle absorbe et bloque le développement matériel de ceux
qu’elle vomit.
Le malicieux rouquin faisait bande à part, s’occupait
de quelques chevaux et se consacrait à de vieilles pratiques
druidiques auxquelles il ne manquait pas de faire allusion, tel
ce culte rendu aux eaux noires et aux îles de cristal, où Lugos,

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La loro apparente apatia mi indusse ad andare a trovare
Léo nel suo immondezzaio a Nazelles, dall’altro lato della
Loira. Avrei voluto fargli delle domande, sollecitare la sua
protezione per comprare quella dimora. Arrivando da lontano
mi accorsi di una collezione di vasche da bagno, di trattori
fuori uso, di ogni tipo di vetustà ammassata in una baracca
di lamiera che si reggeva in piedi per miracolo. Una pioggia
fredda annunciava una di quelle giornate uggiose e grigie che
generano malinconia, se non peggio. Tre ragazzine dai capelli
rossi, mezze selvagge, corsero a rifugiarsi in una caravana,
la loro stanza. Perplesse, sotto i loro lunghi capelli stopposi,
mi squadravano da una finestrella intagliata nella parete. La
pioggia grondava su quei tre visi tondi come la luna, isolati
nella loro gabbia.
Un giovane uomo rosso dal viso bianco e dal corpo
scheletrico era in piedi in un vasto spazio che avrebbe potuto
fare pensare a una veranda. Era il figlio di Léo. Il padre era
in piedi davanti a un forno. Dei mobili e ogni sorta di residuo
recuperato dalla pattumiera erano addossati alla parete di
lamiera della baracca, o ben allineati in modo da formare dei
sentieri di rifiuti. Che ritiro curioso !... questa foresta di detriti
doveva ispirare un’intensa inquietudine agli spiriti rassegnati.
- Arretrati ! Era l’insulto assestato alla famiglia di Léo dalle
persone di cui la libertà si limitava allo schermo del televisore,
alla grata di un giardino e che, per completare il loro fatalismo,
occupavano la loro esistenza a querelarsi gli un gli altri. La
città rimpicciolisce il cervello di coloro che assorbe e blocca lo
sviluppo materiale di coloro che vomita.
Léo era un caso a parte. Mi ricordavo delle battute scambiate
quando arrivai a Amboise. Gli piaceva cucinare, occuparsi dei
cavalli, guardare la Loira e le stelle. Si consacrava a antiche
pratiche druidiche alle quali faceva costantemente allusione,

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la lumière du monde, soutenait un combat inégal avec les
ténèbres.
- Une bonne affaire… répétai-je, perdue dans mes pensées.
- Une bonne affaire ? s’écria Léo. C’est la plus mauvaise
affaire du monde. Elle a tenu cinq siècles, raison de plus pour
qu’elle s’écroule aujourd’hui.
- Aucun risque. Elle est construite sur le plus ancien centre
gaulois de la région. C’est un endroit unique au monde, ça
saute aux yeux. Ce qui me plaît le plus, c’est qu’après les trois
chocs, l’extérieur, le labyrinthe dans la roche et la révélation du
parc, elle réveille chez la plupart des gens une peur atavique.
Mais pour ceux qui viennent jusqu’à elle, quel message, quel
présage !
Léo m’adressa un sourire ironique, puis me glissa à
l’oreille :
- Sais-tu ce qu’étaient les Pages ?
- Aucune idée.
- Les Chatpuisé. C’était la famille des Chatpuisé. Parce
qu’ils ont sauvé un des chats de la ménagerie de François Ier.
Ce petit page a repêché le chat dans un puits. Le roi l’a anobli
en lui donnant ce nom utilisé dans sa société secrète, la
Quinte, qui a succédé à une société beaucoup plus ancienne,
l’Angélique…
- Quelle Angélique ? interrompis-je.
- Avant l’ordre de Saint Michel créé par Louis XI. On y
trouvait, entre autres, Jérôme Bosch et Rabelais.

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come il culto reso alle acque nere e alle isole di cristallo dove
Lugos, la «luce del mondo», combatteva una battaglia ineguale
con le tenebre.
- Un buon affare, ripetei, ossessionata dal desiderio di
comprare la Maison des Pages.
- Un buon affare  ? Esclamò Léo. Credimi, è il peggior
affare del mondo. A resistito cinque secoli, ragion per cui
crollerà a breve.
- E come  ? È costruita sul sito gallico più antico della
regione. È un luogo unico al mondo, di fronte al fiume,
protetto dalle inondazioni. I tre choc che si vivono guardandola
provano il suo carattere eccezionale. Innanzitutto la facciata è
ammirevole. In seguito, si trova con emozione il labirinto nella
roccia. Terzo choc, la scoperta del parco. Questa casa risveglia
nella maggior parte delle persone una paura atavica. Per coloro
che giungono fino a essa, che messaggio, che impronta...
Rivolgendomi un sorriso ironico, Léo mi sussurrò
all’orecchio :
- Tu sai chi erano i Paggi ?
- Nessun’idea !
- Era la famiglia dei Chatpuisé, di antica nobiltà, ancora
proprietari della casa all’inizio del XX secolo. Uno dei
membri di questa famiglia salvò la vita a un gatto della corte
di Francesco I°. Doveva essere un paggio. Scese in fondo a un
pozzo per recuperare il gatto. Il re lo fece nobile e gli concesse
questo nome utilizzato nelle società segrete, la Quinta,
successiva a una società più antica, l’Angelica. . .
- L’Angelica ? ripetei.
- Di gran lunga più antica dell’ordine di S. Michel creato
da Luigi XI, proseguito da Leo. Ci si trovava, tra gli altri,
Jérôme Bosch e Rabelais.

87
Telles étaient les provocations de Léo. Elles contenaient
des explications irrecevables.
Dans le silence des confréries, le long de murs tendus de
noir, les réponses aux mystères de la vie surgissaient, sèches et
disciplinées. Des révélations si puériles qu’elles en devenaient
visionnaires.
Je rejetai vivement cette histoire en rétorquant qu’elle
n’était pas à sa place dans une ville où avait germé la
conjuration des Protestants. J’aurais souhaité que Léo me
parle des forces dont la maison était pleine, des cérémonies
qui présidèrent à sa construction, de l’évocation des esprits
comme pré science des poètes. Hélas ! il se parait de futilité, il
faisait étalage d’insignifiance. À force de discuter avec lui, son
souffle enveloppait mon visage, exhalant une détestable odeur
de vin qui se mélangea à celle de la ferraille.

Brusquement, il ébouriffa sa barbe et plissa les yeux. Sur


un tout autre ton, il conclut :
- Celui qui prendra ça… ah ! quel courage.
J’effleurai sa main et laissai errer mon regard sur les
éraflures, les fissures, les rouages du baraquement. Figure
de l’inertie, de l’hallucination stérile, cette zone semblait
cryptée et n’appelait pas de réponse. Une peinture sur toile
représentait des amazones et de jeunes Pages qui attendaient
sur la rive d’un autre monde, et n’osaient s’approcher. Derrière
des fenêtres encrassées, la pluie tombait. Je réfléchis sur les
carences du langage, qui masquent ce que le vivant comporte
de haïssable. Léo faisait partie des êtres inutiles et défaits, mais
affublés (grâce au vocabulaire imprécis de leurs proches et à
l’admiration nécessaire à l’élévation) de l’adjectif « génial ».

88
Ecco le storie che raccontava quest’uomo. Portavano a
fantasiose elucubrazioni, nel silenzio delle confraternite, lungo
muri neri in cui le risposte ai misteri della vita sorgevano
secchi e padroneggiati. Delle rivelazioni così puerili ch’esse
diventavano visionarie.
L’episodio dei gatti era solo una leggenda etimologica
come ce n’è tante. La rifiutai ribattendo che tali pettegolezzi
mi sembravano indegni di lui. Voleva lui forse associarsi alla
«piccola storia» di una città o era iniziata, sotto il regno di
Francesco I°, la congiura dei Protestanti ? Mi sarebbe piaciuto
che mi parlasse delle forze-energie di cui la casa era pregna,
delle cerimonie e dei riti che presidiavano alla loro costruzione.
Se pretendeva evocare degli spiriti, che fosse al servizio delle
sue disposizioni artistiche. Invece di prendere in mano la storia
del suo destino, Léo manifestava futilità e faceva sfoggio di
propositi insignificanti. A forza di discutere con lui, il suo
soffio finiva per avvolgere il mio volto, esalando un orribile
odore di vino mescolato alle esalazioni dei rottami.

Léo si scompigliò bruscamente la barba e piegò gli occhi.


Concluse con un altro tono :
- Quello che la prenderà…ah ! che coraggio.
Errai con lo sguardo sulle scalfitture, le fessure, la baraonda
della baracca. Figura d’inerzia, di allucinazione sterile, questa
zona sembrava criptata e non annunciava nessuna risposta.
Un quadro sciupato raffigurava le Amazzoni e i giovani paggi
mentre aspettavano sulla riva del fiume di un altro mondo,
senza osare avvicinarsi. Davanti alle finestre sporche cadeva
la pioggia, senza coprire la totalità del cielo puro. Riflettei alla
limitatezza del linguaggio umano, che maschera quello che
il vivente comporta di odioso. Léo faceva parte degli esseri
decostruiti ma considerati grazie al vocabolario impreciso dei

89
Le fils quitta le baraquement sans dire un mot. Je regardai
par la fenêtre. Un oiseau démesuré glissa sur les carreaux. Ses
ailes figuraient une crinière rousse. Un bruit se produisit au fond
de la pièce. Près d’une marionnette en bois articulé, j’aperçus
un mannequin au visage blême. Ses yeux me contemplaient
avec une tranquillité lointaine. Des mains gantées pendaient
nonchalamment et des cheveux de soie tombaient en boucles
blondes sur un gilet rouge et or, terni par la poussière et les
toiles d’araignées. Ce visage m’attira, sa pâleur, les ombres qui
s’y déposaient.
- Il vient des Pages, avoua Léo en s’échauffant subitement.
Je l’ai trouvé dans le pressoir.
- C’est fantastique  ! m’exclamai-je, ce mannequin
ressemble à s’y méprendre à un être humain. Un souffle
pourrait l’animer. Léo, tu fabriques les automates de la Maison
Enchantée ! Tu aurais dû me le dire.
- Je ne fabrique rien. La nature me suffit. C’est le grand
esprit.
- Tu ramasses ce que d’autres ont fabriqué. Après, tu te
tourmentes, ta caverne devient monstrueuse et tu t’enlises dans
des superstitions.

Léo partit d’un grand éclat de rire. Il était aussi survolté


que lorsqu’il m’avait quittée au pied de la maison. Non sans
peine, je revins au but de ma visite.
- Tu agis à ta guise, et il est impossible de t’inculquer des
principes de conduite. Puisque tu défends les causes perdues,
pourquoi ne pas me laisser vivre dans cette maison ?
- Ceux qui achètent ne possèdent rien. Ce sont de pauvres
gens qui n’en ont jamais assez.

90
loro vicini e all’ammirazione necessaria all’elevazione, se
anche idiota, come «geniale».
Il figlio di Léo lasciò la stanza. Guardai attraverso la
finestra. All’improvviso, un uccello dalla silhouette smisurata
scivolò sul pavimento. Rifletteva il pallido sole d’inverno, le
sue ali bagnate evocavano una criniera rossa spiegata al di
sopra di tutto questo vecchiume. Sentimmo degli scricchiolii
in fondo alla stanza. Accanto a una marionetta di legno, distinsi
un automa pallido in volto. I suoi occhi mi contemplarono con
una tranquillità lontana. Le sue mani guantate pendevano con
nonchalance e i suoi capelli di seta cadevano in onde bionde
sopra un gilet rosso e oro velato di polvere e di tele di ragno.
Il suo volto mi attirò per il suo pallore, per le ombre che si
soffermavano sopra.
- Viene dalla Maison des Pages, mi confidò irritandosi
subitamente. L’ho trovato in fondo al frantoio, addossato al
muro di mattoni.
- È fantastico  ! esclamai. Un soffio potrebbe animarlo.
Léo, tu costruisci gli automi della Casa Incantata d’Amboise !
Perché me l’hai nascosto ?
- Ti sbagli, mormorò.

- Smettila di ramazzare quello che altri hanno creato. Ecco


qual è la ragione dei tuoi tormenti e del tuo sprofondare in
queste storie di fantasmi.

Léo scoppiò a ridere. Sembrava in imbarazzo come quando


mi aveva lasciata ai piedi della Maison des Pages. Mi sforzai di
raccogliere le domande che volevo porgli.
-Tu agisci a tuo piacimento, affermai. Ti è impossibile
avere una continuità di idee. Se difendi l’anticonformismo,
perché cerchi di distogliermi dall’intenzione di abitare là ?

91
- Je ne veux pas la posséder, je veux la paix.
- Tu ne l’auras pas !
- Dis-moi enfin... !
Léo me regarda droit dans les yeux et, d’une voix sourde,
me lança :
- Il y va de ton passé. Tu devrais le savoir. Mais un chagrin
d’amour te chasse devant toi. Tu ne regardes plus !
Ces mots implacables choisis avec une précision
d’horloger me mirent hors de moi. Ce vieux druide à poils
roux se transformait en juge et prétendait connaître mon passé,
les mouvements de mon âme… et que dire des pensées post
mortem… ? J’eus l’impression d’être une cire molle entre les
doigts d’un démiurge en fer blanc.

Léo se leva, arpenta les décombres, ruminant sans relâche


ses convictions, que je récapitulerai ainsi :

-Tu as aimé l’homme qui se débat dans les ténèbres de


cette maison et qui ne sera plus jamais lui-même. Tu veux
régler tes comptes pour te conformer à ce monde, et c’est là ton
malheur. Rappelle-toi Prométhée, qui enrage contre les dieux
parce qu’ils savent ressusciter quelqu’un d’entre les morts.

Ma vie étant canonisée par les tribulations, fendue en deux


par les voyages en Orient, j’ai reçu ces mots comme du poison.
C’est élastique, l’âme humaine, ça s’empêtre dans l’hébétude
intérieure. L’étau se resserrait. Alors, je m’entêtai au lieu
d’établir une cohérence dans ma mémoire. Léo arpentait la
pièce. Je sentis monter une imploration, une voix intérieure qui
geignait, insistait, gémissait, s’acharnant à nier la vérité.
Réveillant mes doutes, Léo révélait son rôle.

92
Le persone ricche passano il loro tempo a comprare, ma
non possiedono niente. Dei nulla tenenti, in fondo. Ne hanno
sempre troppo o mai abbastanza.
- Non voglio possederla questa casa. Voglio viverci
in pace.
- Non ce la farai.
- Raccontami tutto.
Léo mi guardò dritto negli occhi, e con voce sorda mi
disse :
- Ne va del tuo passato. Dovresti saperlo. Ma una delusione
d’amore ti costringe davanti a te stessa. Non ti accorgi di niente.
Queste parole implacabili, scelte con precisione chirurgica,
mi fecero arrabbiare. Questo vecchio druido dai capelli rossi
si trasformava in giudice, dubitava del mio discernimento e
pretendeva di conoscere il mio passato, cioè i movimenti della
mia anima… e che dire dei pensieri post mortem…  ? Ebbi
l’impressione di essere cera molle tra le dita di un demiurgo di
ferro bianco.
Léo si alzò, misurava a grandi passi la stanza, ruminando
senza sosta le sue convinzioni, che potrei ricapitolare così :

- Tu hai amato colui che si dibatte nelle tenebre di questa


casa e sai che non farà mai più parte della tua vita. Eppure,
vuoi saldare i tuoi conti con il passato, per conformarti a
questo mondo. Sta lì la tua infelicità. Sei come Prometeo
che si innervosisce contro gli dei perch’essi possiedono la
conoscenza.
Presi le sentenze di Léo come del veleno, perché le mie
recenti tribolazioni mi avevano estenuata. È elastico, l’animo
umano, si impiglia nell’ebetudine interiore. Allentai la morsa.
Invece di fare lo sforzo di capire, mi accanivo, mi intestardivo,
mi compiacevo in un’esaltazione continua. Nel frattempo,

93
- Louis était un homme fini, repris-je, le genre de type
qui va droit dans le mur pour accomplir ses projets. Quand
je repense à ses crises, j’ai l’impression d’avoir côtoyé un
cadavre. Tu sais, un de ces cadavres vivants qu’on ramasse
dans les bas-fonds des villes. Leurs traits se glacent sous l’effet
de la colère.
- Tu l’as aidé, tu l’as protégé ?
- Hélas !
- Tu es dans le monde des épreuves. Reste sur tes gardes !
- La violence mesquine, quotidienne, ça fait tout basculer.
Ça entraîne dans sa chute tout autre forme de vie. J’en tremble
encore.
- De rage et de fureur.
- De peur  ! Regarde ce qui se passe à Amboise  : cela
va du pendu retrouvé pieds et poings liés pour des histoires
d’adultère au petit grand-père qui un matin rend visite à sa fille
pour lui dire : « Quel drame épouvantable ! j’ai tué ta mère »,
rentre chez lui, assassine le petit chien et se tue. Ce sont les
faits divers de la bêtise humaine.
Léo essaya de sourire.
Les crimes passionnels appellent la haine. Une haine qui me
plongeait dans la délectation des meurtres les plus sanglants. Je
me voyais en train de couper en morceaux des brutes humaines
aux yeux injectés de rouge, comme si la possession de cette
maison m’obligeait à affronter la violence. Je savais que je
dilapidais de la sorte une énergie précieuse. Mon verre explosa
sous l’effet d’une pression trop forte. Je me mordis les lèvres
pour ne pas m’engager avec Léo dans des discussions qui ne
laissent personne intact. Le silence retomba.
Le besoin de dominer la terreur m’obligea à continuer.
- Ces chiens sanglants ne sont pas des hommes. S’ils
naissaient sans violence, ils accepteraient de perdre ce qu’il

94
Léo andava su e giù per la stanza in preda a un’orribile
ardore. Sentii salire un’implorazione, una voce interna che
piagnucolava, insisteva, gemeva senza interruzione, accanita
a rifiutare l’evidenza, l’improbabile verità. Risvegliando i miei
desideri, Léo cominciava ad assumere un ruolo importante
nella mia esistenza.
- Louis era un uomo consumato, ripresi, pronto a sfondare
muri, se necessario, per realizzare i suoi progetti. Quando
mi ricordo delle sue crisi, ho come l’impressione di aver
frequentato un cadavere, uno di quei cadaveri vivi che tiriamo
su dai bassifondi delle città. Louis apparteneva a quel tipo. Mi
ricordo, ad Aleppo, i suoi tratti si ghiacciavano in preda alla
collera.
- L’hai aiutato, l’hai protetto ? Chiese Léo
- Ahimé !
-Tu attraversi il mondo delle prove. Stai in guardia !
- La violenza meschina, quotidiana, fa muovere tutto. Porta
nella sua caduta ogni altra forma di vita. Fremo ripensandoci.
- Di rabbia ?
- Di paura  ! Guarda Amboise  ! Dall’impiccato appeso
piedi e pugni legati per adulterio al nonno che una mattina va a
trovare sua figlia per dirle « Che dramma pazzesco ! Ho ucciso
tua madre ». Poi rientra a casa, uccide il cane e si ammazza.
Ecco risultati diversi della stupidità umana !
Léo si sforzò di sorridere.
I crimini passionali generano odio.
Questa violenza mi affondava nel diletto di assassinii
sanguinosi. Come se possedere quella casa m’obbligasse ad
affrontare la follia distruttrice, mi vedevo fare a pezzi delle
bestie umane dagli occhi iniettati di sangue. Il mio bicchiere
si ruppe perché lo stringevo troppo forte. Mi accorsi che
stavo sprecando energie preziose. Mi morsi le labbra per non

95
y a à perdre. Je suis condamnée à l’errance à cause de cette
brutalité. Dis-moi enfin que je dois vivre dans cette demeure et
que j’y trouverai la paix ! J’apprivoiserai le spectre des lieux.
Très contrarié, le vieil homme se leva, alla chercher une
bouteille de Montlouis, la déboucha et me servit un verre. Je
trempai mes lèvres en pensant à autre chose. J’aurais voulu
m’enfuir, mais une force inconnue me rivait à ma chaise.
- C’est parce que j’aime Léonard de Vinci que j’ai
découvert cet endroit, continuai-je. Je sais maintenant que
Louis est mort dans la Maison des Pages. C’était un séducteur
blasé, un petit coq de village. « Beaucoup de baratin et peu de
résultats », comme disent les femmes. Il était escroc, libertin,
ambitieux, tous les défauts. Son plaisir l’a rendu petit, et son
art aussi puisqu’il s’y consacrait de façon égoïste. Il a dû se
rendre compte qu’il s’est trompé de vie. Sa mort est sa seule
supériorité, sans preuve, essentielle. Il importe que les gens
comme ça disparaissent.
- Un jeune homme a acheté dans la région une maison où
des morts violentes ont eu lieu. L’endroit l’attirait. Il se disait
prêt à remuer ciel et terre pour y vivre. Il a lutté pendant sept
ans contre des fantômes et il s’est aperçu que c’était la maison
où sa mère avait tué son père.
- Des histoires comme ça, j’en entends chaque fois que je
parle de cette maison. Au moins, les gens dont les habitations
ont été rayées de la carte se contentent de se plaindre, et ils
n’inventent pas.

Léo resta silencieux. Je songeai aux diverses façons de se


conformer à une croyance. Je commençai à soupçonner que sur
ce plan, tout le monde évoluait de la même manière. Cet antre

96
intavolare con Léo una discussione che non avrebbe con ogni
probabilità risparmiato nessuno dei due. Ricadde il silenzio.
Il bisogno di vincere il mio spavento mi obbligò a
continuare.
- Questi sciocchi non sono uomini. Se nascessero senza
violenza, accetterebbero di perdere ciò che bisogna perdere.
La loro acredine, la loro bestialità mi condannarono a errare.
Per favore, esortami a vivere in questa casa ! Vi troverò pace.
Calmerò lo spirito dei luoghi.
Visibilmente contrariato, il vecchio uomo si alzò e andò a
cercare una bottiglia di vino di Montlouis. La aprì e mi servì un
bicchiere. Lo bevvi pensando ad altro. Avrei voluto scappare,
ma una forza nascosta mi inchiodava alla sedia.
- È perché adoro Leonardo da Vinci, che ho trovato
Amboise, continuai. Sei tu che mi hai insegnato che Louis
è morto nella Maison des Pages. Era un seduttore seriale, il
galletto del villaggio. «Molto rumore per nulla», direbbe mia
madre. Era un imbroglione, un libertino, un ambizioso, tutti
i difetti possibili e immaginabili. Il suo egoismo l’ha reso
piccino. La sua volontà di diventare famoso anche. Dovette
rendersi conto che aveva sprecato la sua vita. La sua morte è la
sua sola superiorità, senza prova, essenziale. Le persone così
sornione spariscono da loro stesse.
Léo raccontava con voce stranamente sentenziosa :
- Un giovane uomo ha comprato nella regione una casa in
cui sono avvenute morti violente. Il posto lo attirava. Si diceva
pronto e muovere le montagne pur di abitarci. Ha lottato sette
anni contro dei fantasmi e si è reso conto alla fine che era la
casa in cui suo padre uccise sua madre.
- Delle storie di questo genere ne sento ogni volta che parlo
della Maison des Pages. Vai a sapere perché le persone di cui le
abitazioni sono state depennate dalle piante geografiche a causa

97
abyssal, à demi enterré allait tout simplement me délivrer des
mirages de l’Orient. Ce n’était pas un caprice, une toquade, une
protestation contre la tournure prise par mon existence, mais la
rencontre de ce qui durait, pour ne plus se fourvoyer dans le
luxe artificiel de l’exil. Seuls les propos de Léo maintenaient
encore la distance, rien qu’en réveillant le sentiment de devoir
régler des comptes.

Louis… sa mine et son regard suffisants, ses secrètes


rancœurs… Pourquoi l’ai-je rencontré à Alep, cette ville qu’on
appelle « La Lointaine » ? Ce fut des déchirements, des leurres,
des épreuves. L’éloignement nous avait fait vivre deux ans de
haine et d’amour à distance, de différence meurtrière. Depuis,
j’ai cessé de croire que les déchirures sont nécessaires aux
abstractions qui s’étirent entre la naissance et la mort. Dans
cette confrontation, j’ai ressenti l’influence des forces qui
nous gouvernent et acquis la conviction que leur maîtrise voue
l’être à la réparation. Louis revivait dans la voix de Léo et son
suicide s’abattait sur cet univers de déchets, grâce à la voix du
ferrailleur, une voix juste qui attirait beaucoup de sympathie.
La pluie frappait de plus en plus fort au-dessus de nos
têtes. Le toit menaçait de s’écrouler. Je rompis le silence  :
- Pourquoi essaies-tu de me prendre en mains ?
- Pour te guérir de tes attirances morbides qui te coupent
de la réalité. Si je pouvais te faire passer cela !
- Tes attirances morbides, on pourrait en parler… Tu
essaies de contrer la force qui me pousse à vivre dans la Maison
des Pages. Tu te trompes ! J’y arriverai. Ceux qui ne dialoguent
pas avec la maison s’écrasent contre une vitre qu’ils voient trop
tard. Il est très vite trop tard lorsqu’on se contente de l’air du
temps. Toi, hélas ! tu ne sortiras jamais de ton capharnaüm de
ferblanterie !

98
di una catastrofe naturale si accontentavano di lamentarsi  !
Non sentono il bisogno d’inventare storie.
Léo restò in silenzio. Pensavo ai diversi modi che esistono di
conformarsi a una credenza, a una superstizione, e cominciavo
a intravedere la possibilità che, su questo piano, tutti gli esseri
umani reagiscono allo stesso modo. Ritenevo che la Maison
des Pages, quest’andro abissale incavato per metà nella roccia,
mi avrebbe offerto un riparo dai miraggi d’Oriente. Non era
un capriccio, una mania, ma una protesta contro la piega presa
dalla mia esistenza ma l’incontro di ciò che sarebbe durato,
per non perdermi più nel lusso affettato dell’esilio. Soltanto
le frasi di Léo mantenevano una distanza tra i miei sogni di
realizzazione personale e questa casa. Risvegliarono in me il
sentimento di dovermi liberare dai sentimenti del passato.
Louis… il suo volto… il suo sguardo sufficiente, i suoi
rancori segreti…
Perché l’avevo incontrato ad Aleppo, questa città
soprannaturale che chiamiamo «La Lontana» ? Un susseguirsi
di illusioni e di prove infernali. L’esilio ci era stato imposto
dall’odio e dall’amore. Abbandonando Aleppo, seppi che non
è necessario straziarsi in questa breve esistenza.
Durante il tragico confronto con Louis, capii l’influenza
delle forze che ci governano, e acquisii la convinzione che
controllarle destina l’essere alla riparazione. Louis resuscitava
la parola di Leo. Il suo suicidio si abbatteva su un universo di
rifiuti, grazie alla voce di un ferravecchio, una voce che mirava
al giusto. La pioggia picchiava sempre più forte sopra le nostre
teste. Il tetto minacciava di sfondarsi. Ruppi il silenzio.
- Leo, perché cerchi di occuparti di me ?
- Per guarirti dalle tue inclinazioni morbose, potremmo
parlarne… Tu cerchi di oltrepassare la forza che mi spinge ad
abitare la Maison des Pages. Ti sbagli, questa forza vincerà.

99
Léo répondit en déclamant un poème de Rutebeuf :
« L’amour est morte »

Quatre syllabes, peut-être cinq. La quarte et la quinte, le


parfait et l’humain. Tout était là. La voix de Léo, ses gestes
posés parvinrent à me faire douter d’une réalité tangible. Il
jouait avec mes émotions pour que mes craintes n’aillent pas
s’agripper à la pierre. Il arguait de sentiments que je croyais
incommunicables, d’impressions s’emparant de moi par des
assauts spasmodiques, jusqu’au dépouillement. Cet amour,
personne ne devait savoir qu’il avait existé. Une aberration de
la jeunesse retournait au néant.
L’orage redoubla de violence. Les rafales attaquaient les
formes chaotiques et ridaient la matière dissoute sous la tôle
ondulée. Les assauts du vent finissaient en lamentations. Les
sons qui émanaient des murs cannelés aggravaient l’impression
d’une lente décomposition.
Mon regard rencontra les yeux jaunes de l’automate,
des yeux souriants qui m’incitèrent à voir ce mannequin de
ferraille comme un châtiment. La dislocation se déployait sans
se laisser distinguer. Sous le tonnerre et les éclairs, les objets
prenaient un sens nouveau. Le regard protecteur de l’automate
me convia à partir, car je savais que je ne l’oublierai pas.
- Sans étincelle, dis-je à Léo en ouvrant la porte, et si je ne
cours plus aucun risque, je m’effondre. Je deviendrai pire que
toi… un Vulcain rouillant dans sa forge et qui ne peut imposer
sa personnalité car il manque d’élégance.
Je sais faire vivre ce qui est beau. Adieu.

J’enfourchai le vélo. Il pleuvait toujours. Des éclairs


fêlaient le ciel. Un vent glacial me faisait suffoquer et pleurer

100
Coloro che non dialogano con questa casa si schiacciano contro
un vetro che vedono sempre troppo tardi. Diventa velocemente
troppo tardi per le persone che non cercano la soddisfazione dei
loro desideri. E tu, ahimé ! Non uscirai mai dalla tua baraonda
di ferraglie !
In tutta risposta, Léo declamò una poesia Rutebeuf :
« L’amore è morto »

Quattro sillabe, forse cinque, per l’ultimo verso. La quarta e


la quinta. La cifra della perfezione e la cifra dell’umano. Il
mistero era là. Il canto di Leo, i suoi gesti posati, le sue parole
prese in prestito riuscirono a farmi dubitare della tangibilità
della realtà. Giocava con le mie emozioni affinché i miei
rimorsi e le mie paure non intaccassero la pietra. Avanzava dei
sentimenti che credevo incomunicabili, delle impressioni che
si impossessavano di me quando sfidavo i loro attacchi.
Quest’amore, nessuno è in grado di sapere se sia o no
esistito. Un’aberrante disposizione tornata al nulla.
La pioggia invade il cielo. Le raffiche raddoppiarono
di violenza. Parevano raggiungere le forme confuse della
dimora, urtare la materia viziata sotto la lamiera ondulata. I
suoni prodotti dalle pareti scanalate aggravarono l’impressione
generale di decomposizione.
Il mio sguardo incontrò gli occhi gialli dell’automa,
degli occhi ridenti che mi allontanarono per un momento da
quest’ammasso di ferraglia, invitandomi a considerarle come
una condanna. La distruzione del luogo si apriva da tutti i lati,
esibendo il proprio caos sotto gli scrosci dei lampi e i colpi di
tuono. Capii che questo sguardo vivace mi stava invitando ad
andarmene.
- Questa casa è un pericolo, ripetei a Léo socchiudendo la
porta. Se non corro più nessun rischio, mi lascio andare, crollo.

101
de froid. Obligée de m’arrêter sur le pont de pierre, je plongeai
mon regard dans la Loire noyée de remous. Ces corps… ces
éboulements… La volonté de prendre en main ma vie pour
me protéger de Louis. La Maison des Pages allait-elle mettre
un terme à ces déplacements permanents  ? Mais si la vie se
répétait, identique, dans un autre lieu ?
Une secousse violente me fit courber les épaules. Encore
un éclair au loin… L’eau du fleuve fouettée par la pluie
frissonnait, plissée de rides. Là bas… le fer tordu, les planches
qui se décollaient, les portes arrachées pourrissant sous l’orage.
Ce paysage dégradé s’insinuait en moi comme un univers
mourant. Les mises en garde de Léo s’effaçaient déjà.

19 janvier 1986 - Je ne veux plus entendre parler de guerre,


de fange, et de brutalité. Louis représente un sépulcre, un
charnier plus vaste qu’un champ de guerre, l’humanité dans
ses distensions révoltantes, le mythe de l’homme dangereux
et, à parts égales, secourable. Comment m’a-t-il caché qu’il
avait acheté la Maison des Pages ? Ce cinéaste jetait des plats
de choux fleurs à la tête de sa femme en hurlant  : «Éléonor,

102
Sai, diventerà peggio di te. Un vulcano che è arrugginito nella
sua fucina per paura dell’autentico, e che sta bene così.
Su, arrivederci !
Il tempo di slegare la bici, pioveva già meno forte. Lungo
il tragitto, dei lampi fendevano il cielo. Cadevano come frecce
in posti molto lontani. Pensai a degli esseri fulminati nel bel
mezzo della città. Un vento gelato mi fece quasi soffocare.
Piansi dal freddo. Fui obbligata a fermarmi sul ponte di pietra,
affondai il mio sguardo nella Loira annegata di gorghi. Questi
corpi scolpiti nella casa, queste pietre smottate… la volontà di
prendere in mano la mia vita per proteggermi dall’influenza
di Louis… La Maison des Pages avrebbe messo fine al mio
spaesamento  ? Se, per sfortuna, la vita si dovesse ripetere,
identica, in un nuovo rifugio ?
Il rumore di un tuono mi fece curvare le spalle. Ancora un
tuono in lontananza… l’acqua del fiume frustata dalla pioggia
vibrava, piegata di righe. Da Léo tutto si rovinava sotto la
tempesta, i ferri contorti, assi che si staccano, porte scardinate.
Questo paesaggio di degrado s’insinuava dentro di me come
un universo morente. Nonostante questo, i consigli di Léo si
cancellavano già.

19 gennaio 1986 - Non voglio più avere a che fare con Louis,
alla sua bassezza, alla sua disumanità. Ai miei occhi rappresenta
un sepolcro, un carnaio più vasto di un campo di guerra,
l’umanità nelle sue rivoltanti estensioni, il mito dell’uomo
pericoloso e allo stesso tempo caritatevole. Come ha potuto
nascondermi che viveva da così tanto alla Maison des Pages ?
Questo cineasta, mi è stato detto, gettava i piatti in faccia a
sua moglie urlando  : «Éléonor, non cucinare più cavolfiori  !
Non mi piacciono i cavolfiori !» Il suo ricordo risvegliava in

103
ne me fais plus de choux fleurs, je n’aime pas le chou fleur».
Son souvenir réveillait des chagrins sauvages. Il m’avait
piégée avec ses mots d’amour. Des mots  ? Ses conceptions
coutumières étaient mensongères.
Le bourreau est parfois l’être que l’on croit tenir prisonnier.
Hier, en quittant Léo, j’aurais donné n’importe quoi pour me
raccrocher au pâle sourire de l’automate enfermé dans ce
dépotoir, une idole sans âge qui n’attendait rien de la vie. Les
objets sans emploi offrent une résistance au monde de nos
illusions.

21 janvier 1986 - Pourquoi ai-je entrepris ce livre des Jours ?


Les événements réels n’empruntent pas facilement la forme du
récit. Quand je relis ces pages, je les juge incapables de nouer
un lien solide avec la Maison des Pages.
Depuis ce début d’année, j’ai suivi le fil d’histoires
maintes fois racontées pour entretenir la magie et le mystère de
la Maison des Pages (l’Amboisien manifeste ainsi sa hantise
des réalités). J’ai oublié de dire que ces chemins faussés de
l’imaginaire m’ont conduite à la boutique d’un antiquaire,
où je retrouvai un portrait de la femme de Louis. C’était une
gouache brossée par le sculpteur des bacchanales, le sculpteur
des deux femmes au taureau, qui devait être peintre à ses
heures. Représentée de trois quarts, le regard mort et dévasté
exactement comme les regards des portraits du Fayoum,
Éléonor m’indiquait qu’elle n’était pas dupe de ce monde, ni
de moi, mais qu’elle se conformait à tout. Je compris qu’il était
inutile de dialoguer avec cette veuve libérée par l’arme qui tue,
par le corps du mari gisant dans la chambre aux colombages.
Amante vengeresse ou victime ?
Être hybride en tout cas, elle est redevenue accorte et
joyeuse après son veuvage.

104
me delle sofferenze selvagge. Mi aveva intrappolata con le sue
parole d’amore. Parole ? Tutto ciò che diceva erano menzogne.
I suoi pensieri ? Imposture.
Il carnefice, a volte, è colui che si crede tenere in pugno.
Ieri, lasciando Leo, avrei dato non so cosa per attaccarmi al
sorriso radioso dell’automa rinchiuso in quel deposito, un viso
senza età che non si aspettava niente dalla vita. Gli oggetti
senza destinazione esercitavano su di me un grande fascino.

21 gennaio 1986 - Cosa mi ha convinta a tenere questo diario ?


Degli avvenimenti apparentemente irragionevoli non prendono
più facilmente la forma di racconto. Rileggendo queste pagine,
le trovo assai lontane dal senso veritiero della casa come
potrebbe esserlo il diario di una liceale.
Dall’inizio dell’anno, ho seguito il filo delle storie talmente
tante volte raccontate per accendere la magia e il mistero della
Casa delle Pages. Gli abitanti di Amboise manifestano così il
loro assillo per il vero. Ho scordato di dire che il cammino più
veloce mi ha condotto al negozio di un antiquariato vicino al
Clos Lucé, dove ho trovato un ritratto della moglie di Louis
Deville, Éléonor. Era una tempera abbozzata dallo scultore
dei baccanali della Maison des Pages, lo stesso scultore delle
due donne col toro, che si guadagnava da vivere dando corsi
di scultura. Rappresentata di tre quarti, lo sguardo devastato,
uguale agli sguardi dei ritratti mortuari ritrovati vicino al lago
Fayoum, in Egitto, Éléonor sembrava dire ch’ella non era
vittima, né di questo mondo, né di me, ma che si piegava agli
obblighi dell’esistenza. Capii che era inutile dialogare con
questa vedova liberata dalle armi che uccisero il marito, o,
forse, con le quali essa stessa lo uccise. Éléonor vide il corpo
di Louis che giaceva nella stanza con il tetto di legno ? Amante

105
Joyeuse ?
le temps d’exorciser une solitude imposée, dont le vide
effrayant est ennemi de l’ascèse. L’amant d’Éléonor, pauvre
petit substitut du mort, la photographiait, la peignait nue, la
vautrait dans l’exhibition maladive. Une cinquantaine de nus,
selon un chauffeur de taxi. Éléonor eut la réputation d’une
femelle nuisible, d’un vers rongeur sur qui Lou exerçait ses
maléfices. Les tableaux disparurent. À force de narguer la mort
par des indécences, à force de se dévaster, cette mère, et veuve,
fut détruite.
Sa personnalité s’est effacée.

7 février 1986 - J’ai quitté Amboise et la France depuis deux


semaines pour reprendre mon errance dans des pays en guerre.
J’ai retrouvé Alep la Blanche, ses palais repliés sur eux-mêmes
dans une cavité du désert. D’un espace démesuré a surgi la
ville, mirage scintillant autour de la forteresse de Malik al
Zahir, avec ses cachots, bâtis en 1210 pour tenir captifs les
prosélytes chrétiens. J’ai séjourné à Damas où m’attendaient
les cartons de mon déménagement et une vieille BX avec
laquelle j’ai traversé Irbid, Jéricho et Jérusalem, en quête
d’émotions. Quatre mille ans d’amour et de guerre, des peuples
harassés par l’exode, une infinie cargaison d’âmes, de nomades
dont les chants émerveillent par une régularité à l’image de la
vie. Cette musique-là s’élève au-dessus de la Rushalimum des
Textes d’Exécration des Pharaons.

106
vendicativa oppure vittima ? Ad ogni modo, una creatura ibrida.
Tornò ad essere futile e felice dopo la sua vedovanza ? Felice,
il tempo di esorcizzare un isolamento imposto ? Lo scultore,
amante probabile di Éléonor, fungeva da contrappeso al vuoto
lasciato dalla morte di Louis, un vuoto spaventoso e nemico
dell’ascesi. La fotografava, la ritraeva nuda, la esponeva in
un’esibizione malsana. Una cinquantina di nudi, secondo un
tassista. Éléonor si guadagnò la reputazione di donna nociva, di
un tarlo sul quale Louis esercitava la propria cattiva influenza.
Nessuno sa che fine hanno fatto i quadri. A forza di benedire
la morte con indecenze, a forza di devastarsi, questa madre e
vedova si distrusse poco a poco.

7 febbraio 1986 - Lasciai la Francia dopo due settimane per


andare a recuperare le mie cose che avevo lasciato in un paese
in guerra. Ritrovai Aleppo la Bianca, i suoi palazzi piegati su
sè stessi in una cavità del deserto. In questo spazio disabitato
è sorta una città, miraggio scintillante intorno alla terrazza
di Malik al Zahir, con le sue immonde celle che risalivano al
1210, costruite per imprigionare i proseliti del cristianesimo.
Soggiornai dalle sorelle Damas. Mi là aspettavano i cartoni
del mio trasloco e una vecchia BX con cui più volte avevo
attraversato la triste città d’Hirbid, Jerash e Gerusalemme, alla
ricerca dell’armonia scaturita da quelle distese mute. Quattro
mila anni d’amore e di guerra, di popoli insanguinati di esodi,
un carico infinito di anime e, nelle piane fertili del Giordano,
delle tribù nomadi di cui i canti meravigliavano per una
regolarità dell’immagine della vita. La loro musica si alza al
di sopra del Rushalimum dei Testi d’Esecrazione dei Faraoni.

107
21 février 1986 - Ma place est aux quatre coins du monde. J’ai
besoin de l’immanence de l’Orient, où les peuples versent le
sang pour la terre, où les frontières s’érigent sur tout ce qui
s’émeut, pour conforter mon attirance envers la Maison des
Pages, son exubérance et ses détails étrangers aux mirages du
désert. Ici, la certitude de retrouver un antre protecteur et des
sommets chargés de mémoire, de recueillement, de destinées
bizarres, un microcosme qui m’attend, où j’ai d’avance relégué
une partie de mes meubles, m’aide à subsister dans un réduit
moderne où je vis dans la hantise des coupures d’eau et dans
les plaintes du vent.

Une marée lente, une phase d’attente… Au cours de ce


voyage, la maison à dos de pierre cogne dans ma tête comme la
pluie sur le toit. Dans les soulèvements de sable et de vent, loin,
très loin, je ne sais plus où, s’agitent les tempêtes d’un monde
en miniature. Près de la Loire, un immense papillon continue
à vaciller au-dessus des caves et des galeries souterraines,
échafaudant des hallucinations où se meuvent des statues, où
murmure un oracle réfugié dans des failles.

1er juillet 1986 - Reverrai-je un jour les routes défoncées de


Syrie ? Aurai-je l’occasion de reprendre le bateau d’Antalya,
en Turquie, qui arrive à Venise par le Grand Canal…? Puis le
retour en Range Rover, le métro parisien…

108
21 febbraio 1986 - I paesi hanno un’esistenza misteriosa che
si coglie per illusioni. Mi sono impossessata di questa terra
d’elezione quando il mio posto era Amboise. A intervalli
regolari, ho bisogno dell’immanenza dell’Oriente in cui i
popoli versano il loro sangue alla terra, in cui le frontiere si
erigono su tutto ciò che si smuove. Questa desiderio di Oriente
ha confortato la mia scelta della Maison des Pages, per la sua
esuberanza e i suoi dettagli materiali che ricordano miraggi
del deserto. Il passaggio da un paese all’altro ha reso possibile
il mio faccia a faccia con la casa. La certezza di ritrovare un
antro protettore, una roccia carica di ricordi, un luogo propizio
al raccoglimento e ai destini bizzarri, un micro-cosmo che
mi aspetta e in cui ho messo una parte dei miei mobili, mi ha
aiutata a sopravvivere in un vasto appartamento di Aleppo
in cui ho vissuto con la paura che tagliassero l’acqua e con
l’ossessione del lamentio del vento.
Laggiù, il tempo non passa più. Come una marea lenta,
una fase d’attesa. Ci si immerge e non se ne esce più. Durante
questo soggiorno, il ricordo della casa dalla schiena- di pietra
mi picchiava in testa come la pioggia sul tetto. Nel sollevarsi
della sabbia e del vento, lontano, molto lontano, no so più
dove, si agitavano le tempeste di un mondo in miniatura.
L’universo di questa casa. Vicino alla Loira, quest’immensa
farfalla continuava a vacillare al di sopra delle cantine e delle
gallerie sotterranee, che davano luogo a delle allucinazioni
in cui le statue si muovevano, in cui mormorava un oracolo
rilegato nelle faglie.

I° luglio 1986 - Rivedrò mai un giorno le strade deteriorate


della Siria  ? Avrò mai ancora l’occasione di riprendere il
battello che lega Turchi e Italia ed entra a Venezia dal Canal
Grande ? Ci ho pensato senza sosta. Dopo il labirinto parigino,

109
Je rapporte de mon séjour en Orient deux selles de
chameaux et des lanternes de verre et de métal doré. En
conduisant sur l’autoroute impeccable qui mène en Touraine,
je pense au « poète impeccable » - «qui ne pêche pas» -
(Baudelaire). L’autoroute rectiligne, monotone, menant aux
bords de Loire empêche de déborder dans l’espace.
Je suis revenue après la montée des eaux. Les inondations
furent plus fortes que celles de l’année dernière.
à l’entrée d’un chemin de randonnée sur le plateau des
Chateliers, à l’entrée d’un escalier, le Service technique de la
Mairie avait fait ériger un grand panneau aux lettres rouges :

DANGER D’éBOULEMENT
RUE CONDAMNéE

Le péril s’écrit en rouge. Troublée par des pressentiments,


je me glissai à travers les barbelés, préparée à découvrir des
cavités analogues à celles de la rue Léonard Perrault. Le
mot « danger » appelait le danger. Toutes les perceptions
se retiraient, anéanties par cette information. Je n’osai pas
descendre les marches en béton. Elles se dérobaient sous mes
pas tant l’idée de danger me submergeait. En bas de l’escalier,
d’autres barbelés. Des panneaux apparurent, répétant ce mot
qui m’enlevait mes forces : DANGER, DANGER.
Pas de fissure, pas la moindre cavité, pas de faille. Le
cœur battant, je remontai les marches. Ce panneau devait être
un présage. Il fallait décrypter les messages et déjouer le flux
intarissable des oracles pour goûter à une pause du temps. Le
panneau à lui seul perpétrait des ravages. Une chance, la rue
restait intacte.

110
corro a gran velocità sull’autostrada impeccabile, l’autostrada
diritta che porta alle Rive della Loira.
Quest’estate, sono tornata dopo la monta delle acque. Le
inondazioni furono più forti di quelle, insignificanti, dell’anno
scorso. Ritrovai la strada della passeggiata dell’altipiano dei
Chateliers. Finiva in un vicolo cieco. Una scalini dai larghi
gradini sboccava in mezzo alla via del Rocher des Violettes.
All’entrata della scala, i Servizi tecnici del Municipio hanno
affisso un cartello sul filo spinato. Si leggeva, scritto in grandi
caratteri rossi :

PERICOLO DI FRANA - ZONA FRANOSA


STRADA CHIUSA

Turbata da alcuni presentimenti, scivolai attraverso il filo


spinato, pronta a scoprire delle caverne tanto profonde quanto
quelle scoperte a gennaio, dall’altra parte dell’altipiano, nella
via Léonard Perrault. Il pericolo era riferito alla terra. Tutte
le percezioni svanirono, si ritirarono, annientate da questa
informazione inquietante. Ridiscesi con attenzione i gradini di
cemento. Parevano mancare sotto i miei passi, tanto l’idea del
pericolo mi levava ogni forza, mi sommergeva. Alla base della
scalinata c’era ancora del filo spinato. Apparvero dei pannelli
che ripetevano l’anatema : PERICOLO, PERICOLO.
I gradini erano intatti. Nessuna crepa, nessuna cavità
né faglia. Il cuore batteva, risalii le scale. Questi cartelli
esprimevano forse un presagio. Dovevo decriptare, sventare il
flusso inesauribile degli oracoli per far sedimentare il luogo,
godermi alla fine il riposo. I cartelli generavano apprensione.
Fortunatamente, la via era preservata.

111
12 juillet 1986 - La maison s’avisa du risque. Ce matin, elle
a abandonné quelques briques, des morceaux de toiture, des
fragments de meneau, des petits bouts sans doute trop pesants
et abîmés qui sont partis se fondre dans le bitume du sentier
des Violettes.
Je ressentis une peur panique, la peur de la perdre. Les
voix se firent entendre. Elles me rassurèrent. Elles gommaient
la distance entre mon cerveau et la matière de la réalité :

écoute-moi je tombe
disloquée par la sécheresse
saturée par les intempéries
comme les femmes qui coupent les cadavres
regarde-moi
j’enlève mes pierres une à une morceau par morceau
J’enlève les briques elles cassent au pied du rocher
les corps nus du pressoir reviennent au jour
Pierre de lumière
dans l’Ivresse de l’été

15 juillet 1986 - L’éboulement eut lieu la veille du 14


juillet. Il commença par la chute d’une girouette en zinc
sectionnée par l’orage. L’objet détaché du sommet de la tour
tomba dans le sentier des Violettes, où il demeura un instant,
inutile et étrange. La pointe grise qui s’élevait avec arrogance
dans le ciel disparut aux ordures.
Quelques heures plus tard, des briques s’échappèrent du
colombage, dans l’angle formé par la façade et la tour, à droite
des baies vitrées de la chambre du mort. La chute des briques
m’embarrassa, mais j’interprétai l’accident à mon avantage.
J’accusai la girouette, qui un soir d’orage, avait dû cogner
sur les briques, descellées sous ce choc. Les jours suivants,

112
12 luglio 1986 - La Maison des Pages ha forse anticipato le mie
inquietudini ? Stamattina, si è alleggerita di qualche mattone,
di frammenti di finestre. Questi pezzi rotti sono stati frantumati
sull’asfalto del sentiero delle Violette.
Provai un timor panico, il timore di perdere, di non essere
in grado di restaurarla. Le voci della casa si fecero sentire.
Trovo le loro parole rassicuranti :

Ascoltami io cado
Dislocata dalla secchezza
Saturata dalle intemperie,
come le donne che fanno a pezzi i cadaveri,
guardami
mi tolgo le pietre una ad una, pezzo dopo pezzo
tolgo i mattoni, essi si rompono ai piedi della roccia
i corpi nudi del frantoio riprendono vita
Pietra di luce
nell’ebrezza dell’estate.

15 luglio 1986 - La catastrofe ebbe luogo la veglia del 14 luglio.


Era cominciata con la caduta di una banderuola di zinco rotta
dal temporale. Staccata dalla sommità della torre, l’oggetto
riposava nel sentiero delle Violette. Rimarrà là più giorni,
inutile e bizzarro. Stamattina ho buttato via questa punta grigia
che si alzava impudente verso il cielo.
Qualche ora dopo, dei mattoni caddero dal tetto, più
precisamente dall’angolo formato dalla facciata e dalla torre,
a destra delle vetrate della camera del morto. La caduta dei
mattoncini mi allarmò, ma riuscii a trovare del positivo in
questa nuova peripezia. Diedi la colpa alla banderuola, che in
una sera di tempesta aveva dovuto sbattere contro i mattoncini,

113
d’autres briques s’envolèrent. Elles se détachaient les unes
après les autres, provoquant ce que le notaire nomme « une
perte de contenance ». Le sentier se couvrait d’éclats rouges.
Ce brusque éclatement se métamorphosait en poussière. Le
sable des briques conserva des empreintes de pas et me révéla
de nombreuses allées et venues dans le chemin des Violettes,
au pied de la Maison.
- Les vieilles maisons sont boursouflées, pensai-je. En se
promenant dans Paris, on observe toutes les constructions qui
bougent et que les propriétaires colmatent avec respect. Trois
siècles et c’est fini ! Une maison gonfle et se lézarde en dessins
étonnants.
Ce n’était qu’un début. Elle me prévenait. Que souhaiter
de plus ? Je m’efforçai de croire qu’elle m’alertait à temps et
qu’après toutes ces contrariétés, le calme reviendrait. Chacun a
besoin de retourner en sa faveur les signes les plus désespérants.

16 juillet 1986 - Les pérégrinations en Syrie et en Palestine


ont été harassantes. Après la traversée de Jérusalem, j’ai dû
remonter en Turquie pour prendre le ferry à Antalya. Je suis
rentrée bien plus tard que prévu. L’agence a repoussé la durée
de la promesse de vente, qui engage le vendeur, non l’acheteur.
J’ai eu des mois pour réfléchir. Aujourd’hui, il est encore
possible d’annuler cette folie, de revenir en arrière. Personne
ne peut s’accomplir « à reculons ». La vie est faite de pentes
inévitables, suivies d’ascensions. Vue de loin, cette maison
m’apportait un puissant réconfort. A présent, les impressions
sont d’une tout autre nature, et je m’en trouve fort contrariée.

114
scossi dal colpo. Nel pomeriggio, caddero altri mattoncini.
Si staccarono l’uno dopo l’altro provocando ciò che il notaio
chiamò «perdita di capacità». Il sentiero si coprì di schegge
e di sabbia rossa. Il brusco scoppio dei blocchi d’argilla si
trasformò in polvere, polvere di mattoni che conserva le
impronte dei passi. Mi rivelò in seguito numerose andate e
ritorni nel cammino delle Violette, ai piedi della casa.
«Le vecchie case sono gonfie di tempo, pensai.
Passeggiando a Parigi, vediamo che le costruzioni si muovono.
I loro proprietari le colmano di rispetto ? Tre secoli ed è finita !
Una casa gonfia e screpolata forma delle figure stupefacenti.»
Era solo l’inizio. Me lo stava preannunciando, cosa
augurarsi di più ? Mi sforzai di credere che mi stava dicendo
in tempo e dopo tante contrarietà, che sarebbe tornata la calma.
Ognuno ha bisogno di interpretare in suo favore i segni del
destino più scoraggianti.

16 luglio 1986 - I viaggi in Siria, in Giordania e in Palestina


mi hanno sfinita. Dopo la visita a Gerusalemme, i conflitti
territoriali mi hanno obbligata a evitare il Libano. Ripresi
l’autostrada di Damasco per passare la frontiera turca dal
passaggio nella montagna, attraversare la Turchia e prender
il traghetto d’Antalaya. Tornai ad Amboise ben più tardi di
ciò che avevo previsto. Sotto mia richiesta, l’agenzia aveva
respinto la durata della promessa di vendita, a causa del mio
espatrio. Ebbi mesi e mesi per riflettere se comprare. Oggi è
ancora possibile annullare questa stravaganza, tornare indietro.
Ma chi può realizzarsi a ritroso ? L’esistenza è fatta di pendii
inesorabili, seguiti da ascensioni prodigiose. Vista da lontano,
la casa mi dava un potente conforto. Al momento, la sua
supposta fragilità evocava le impressioni di un’altra natura ; io
me ne rammaricavo.

115
Le jour du 14 juillet, la Mairie a placé des barrières
le long du sentier, des barrières grises, sans panneau pour
expliciter le danger. D’autres auraient invoqué la loi des
séries, l’acharnement du sort… Je me sentais tranquille pour
avoir demandé ces barrières. Au moins, quelque chose se
concrétisait.
La nuit, une foule compacte qui ne percevait rien de mes
agissements s’est rendue au bal, suivi d’un des plus beaux feux
d’artifice de la région. Le sentier des Violettes était l’unique
passage pour les habitants du plateau voulant rejoindre le
centre-ville. Ils s’agglutinaient sur les quais et contemplaient
les gerbes de feu puis se retrouvaient bloqués une heure dans
les embouteillages. Ces piétons n’avaient plus le droit de
remonter le sentier condamné à cause des éboulements.
Vers minuit et demi, la plupart des piétons soulevèrent les
barrières, au mépris des écriteaux interdisant le passage. Je
tentai de les arrêter :
- Ne passez pas par là  ! Regardez les briques par terre  !
Elles risquent de vous tomber sur la tête à tout moment.
Pourtant, ils avançaient, inconscients, inexpressifs,
martelant le goudron craquelé au pied de la façade. Les adultes
poussaient des berceaux, laissaient les enfants leur ouvrir le
chemin, après avoir écarté les barrières censées les protéger.

Le lendemain, j’allai exposer la scène au propriétaire, qui


s’avéra être le directeur d’une agence immobilière d’Amboise.
Stupéfaite et indignée, je m’exclamai :
- Imaginez qu’un enfant ait été écrasé. Une foule
monstrueuse passe dans ce sentier que je croyais désert. Vous

116
Il giorno del 14 luglio, il comune ha fatto mettere delle
barriere lungo il sentiero ai piedi della casa, delle barriere
grigie, con dei pannelli che vietavano il passaggio senza
pertanto esplicitare il pericolo di smottamento. Altre avrebbero
invocato la legge delle probabilità, l’accanimento della sorte…
Ero tranquilla di aver chiesto queste barriere. Almeno si faceva
qualcosa per salvare l’edificio.
La notte, una folla compatta giunse al ballo lungo la Loira,
che era seguito da uno dei più bei fuochi d’artificio della
regione. Il sentiero delle Violette era l’unico passaggio per
gli abitanti dell’altipiano che si affrettavano a raggiungere il
ballo. Ammassati sulle strade, gli spettatori contemplavano lo
scoppiettio dei fuochi e si ritrovano bloccati un’ora nel traffico.
I pedoni non avevano più la comodità di risalire il sentiero
bloccato a causa del tetto rotto.
Verso mezzanotte, la maggior parte di loro sollevarono
le barriere, disprezzando i cartelli che vietavano il passaggio.
Cercai di fermarli :
- Non passate di qui ! Guardate i mattoni per terra ! Altri
rischiano di cadervi sulla testa in ogni istante.
Ma le persone procedevano, incoscienti, inespressive,
calpestando il catrame crepato ai piedi della facciata. Gli adulti
spingevano passeggini, lasciavano che i bambini aprissero il
cammino, dopo aver aperto le barriere che avrebbero dovuto
proteggerli.

L’indomani, raccontai la scena al direttore dell’agenzia


immobiliare. Solo allora mi confessò essere il proprietario
della casa. Stupefatta e indignata, esclamai :
- Immagini se un bambino avesse avuto un incidente  !
Tanta gente imbocca quella strada che io credevo deserta. Lei è

117
êtes coupable de défaut d’entretien d’un monument. Ne niez
pas ! Vous devez réparer.
- C’est sans gravité, bégaya-t-il.
Je m’emportai.
- Et s’il y a mort d’homme ? Vous voulez en arriver là ?
Remboursez-moi, je n’achète plus la maison !

17 juillet 1986 - à huit heures ce matin, j’ai entendu un bruit


sec contre les carreaux. Le propriétaire avait envoyé deux
maçons avec un panier rempli de briques et une longue échelle
en bois. Les araignées tremblèrent et regagnèrent l’angle des
vitres. L’échelle vertigineuse venait de s’affaisser sur les baies
métalliques. Le maçon et son apprenti cherchèrent à stabiliser
leur frêle dispositif. Malgré mes mises en garde, l’un d’eux
s’enhardit  : il escalada l’échelle jusqu’au deuxième étage.
Cette présomption lui attira le châtiment classique : une masse
de pierres déboula sur son dos. L’homme s’arc-bouta, rivé aux
barreaux et encaissa les coups un à un, le dos courbé, pétrifié.
L’éboulement terminé, le maçon redescendit à vive allure, avec
son panier sous le bras. Ils s’enfuirent sans demander leur reste.

30 juillet 1986 - Le propriétaire feignait l’ignorance. J’ai passé


dix jours à écouter des architectes pour vérifier la solidité de
la maison.
Certains se précipitèrent, beaucoup abusèrent, mus par
l’indigence et la curiosité. Tous s’efforcèrent d’adopter un
grand naturel, croyant comme le Boccador, œuvrer pour

118
responsabile del non mantenimento di un monumento. Non lo
neghi, deve porvi riparo !
- Non è successo niente, balbettò lui.
Mi arrabbiai.
- E se fosse morto qualcuno  ? Voleva arrivare a questo
punto  ? Se le cose stanno così, non sono più interessata a
comprare la casa.

17 luglio 1986 - Alle otto del mattino, ancora mezza


addormentata, sentii un rumore secco sul pavimento. Il
proprietario aveva mandato due muratori forniti del materiale
per riparare il tetto. I ragni tremarono e tornarono nell’angolo
vetrato. La scala vertiginosa dei muratori si era appena poggiata
alla base metallica. I muratori cercarono di rendere saldo il loro
fragile dispositivo per partire all’assalto della casa. Malgrado
li avessi messi in guardia, uno dei due si imbaldanzì. Salì fino
al secondo piano, e la sua presunzione fu pagata con un castigo
inatteso. Un masso di pietre franò sulla sua schiena. L’uomo
riuscì a reggersi, inchiodato-attaccato alle sbarre e incassò
i colpi uno a uno, la schiena piegata, pietrificato. La caduta
dei massi terminò, il muratore riuscì a scendere velocemente,
il secchio di cemento sotto al braccio. Spaventati, i due
scapparono senza dare spiegazioni.

30 luglio 1986 - Il proprietario decise di ignorare lo stato


dell’edificio. Quanto a me, passai dieci giorni a ascoltare le
perizie degli esperti cui mi ero rivolta per verificare la solidità
della casa.
La gente era curiosa. Si precipitarono e si sforzarono di
adottare un’aria tranquilla credendo, come il Boccadoro,
l’architetto di Francesco I°, di operare per l’eternità, ed invece

119
l’éternité, mais s’égarant dans les labyrinthes et les cavités du
lieu. Ainsi s’ouvrit le cycle des profanations.
Le premier architecte, un vieil homme gros et chauve,
proclama :
- D’abord, les plans. Téléphonez à un géomètre ! Les plans
vous coûteront vingt mille francs. Après, vous saurez tout.
Il réfléchit et proposa :
- Le mieux serait de construire un pavillon neuf dans le
parc, quelque chose de vivable, voyez-vous, et de défendable
surtout. Vous pourriez conserver ces jolies pâquerettes. Ici, on
mettrait une véranda, tout à fait étanche.
- Combien ?
- Trois cent mille francs. (Il marqua une pause). Bon, on
peut s’arranger.
J’ai lu l’escroquerie dans son regard. Je n’ai pas rappelé,
j’ai tracé les plans et le flibustier au teint graisseux est revenu
ce matin pour me menacer de poursuites judiciaires.
Un second architecte, maigre et sans âge, disséqua la
roche du jardinet, essuyant sans arrêt le sable collé à sa veste
élimée. Il affirma, d’une voix de fausset, qu’il était nécessaire
d’attendre quelques dizaines de milliers d’années pour que la
roche durcisse.
- Voyez, elle s’effrite ! me dit-il.
Il gratta la pierre du bout des doigts. Il essuya ses ongles
avec un mouchoir. La poussière de roche le faisait éternuer.
Il s’intéressa à la faille traversant le roc et continuant au-
delà de la maison. D’où venait cette faille ? De la fusion des
roches ? De quinze milliards d’années d’évolution ?
J’observai :
- Dans les tableaux du Florentin, les êtres sacrés sont au
bord d’une faille géologique, d’une cassure du roc, à deux
doigts d’un abîme.

120
si perse nei labirinti e nelle cavità del luogo. Allora si aprì un
grande ciclo di profanazioni.
Il primo architetto, un uomo anziano, pingue a calvo,
proclamò :
- Innanzitutto, c’è bisogno della pianta. Si rivolga a un
geometra. Fare le piante della casa costerà circa ventimila
franchi. Solo dopo potrà avere una visione d’insieme che le
permetta di farsi un’idea.
Rifletté, poi propose :
- La cosa migliore sarebbe costruire un padiglione nuovo
nel parco, qualcosa di vivibile, e di sostenibile soprattutto. Così
potrà conservare il prato e i fiori. Qui si potrebbe mettere una
veranda, che non faccia filtrare l’acqua quando piove.
- Quanto verrebbe fare tutto ciò ?
- Trecentomila franchi. (Fece una pausa). Ci possiamo
mettere d’accordo..
Gli lessi nei suoi occhi un raggiro. Non lo richiamai
e tracciai le piante. Quell’uomo è tornato stamattina per
sollecitarmi. Un secondo architetto, magro e senza età, strofinò
la roccia del giardino, asciugando la sabbia appiccicata alla
sua giacca limata. Affermò, con voce falsa, che era necessario
aspettare qualche decina di migliaia di anni perché la roccia
diventasse dura.
Vede, si sgretola, mi disse.
Grattava la pietra con la punta delle dita. Si asciugò
minuziosamente le unghie con un fazzoletto. La polvere della
roccia lo fece starnutire. Si interessò alla faglia che attraversava
la roccia e che continuava al di là della roccia. Da dove veniva
questa faglia ? Quindici miliardi di anni di evoluzione…
- Nel dipinto di Leonardo, osservai, i personaggi biblici si
raccolgono lungo una faglia geologica, dalla spaccatura della
roccia, a due dita dall’abisso.

121
Le troisième architecte, d’allure plus sympathique, était
persuadé que la maison avait surgi à un endroit clef de la planète.
Il avait vécu et travaillé à Alep au début des années 1960, une
ville qu’il plaçait au centre de la création. Selon lui, Amboise
était le résultat le plus abouti des migrations protohistoriques.
Il déplia des plans qui reliaient la ville de Marguerite de
Navarre au cap de Bonaventure et au Détroit de Béring et il
me demanda si je pouvais l’aider à les commercialiser. Des
plans qu’il avait longuement élaborés pour relier Amboise à la
citadelle d’Alep ! Il émaillait ses théories de mots d’arabe et
avait consacré son existence à calculer les parcours migratoires.
Il mesura l’observatoire. Je l’aidai à déployer le mètre. Il
prit toutes les postures possibles dans le pigeonnier et ressortit
couvert de toiles d’araignées. Il traça des plans dans un carnet
qu’il usa tout entier. Il proposa une véranda pour contempler
le magnifique paysage de la Loire et il m’expliqua que les
escaliers et les grottes correspondaient à une physiologie
mystique.

1er août 1986 - À gauche de la faille s’étendaient les Greniers


de César, d’anciens silos à grain où se déroulent des festivités
culturelles et des initiations. À droite, dans des caves de cent
cinquante mètres de long, la municipalité entreposait des cars
pour touristes. Les machines s’engouffraient sous la faille dont
les bords s’ouvraient dans la grotte du haut, où subsistaient les
vestiges du second pressoir, effondré en 1974. Une chapelle
creusée après la révolution de 1789 complète cet ensemble.
Et sur l’autre versant du parc ? La rue Léonard Perrault,
défoncée par les cars, hantée par ses expropriés, passait par-

122
Il terzo architetto, un uomo dall’aria simpatica, era persuaso
che la casa fosse stata costruita in un punto chiave del pianeta.
Aveva vissuto e lavorato ad Aleppo, città che situava al centro
del creato, all’inizio degli anni ’60. Secondo lui, Amboise
era non solo disposta sul meridiano di Greenwich, ma anche
costruita ma anche all’incrocio di costruzioni protostoriche. Mi
mostrò dei progetti di piante che legavano Amboise a Capo
di Buona Speranza e allo stretto di Béring. Mi chiese se avrei
potuto aiutarlo a commercializzarlo. Infiorò le sue teorie con
formule arabe, e mi disse che aveva consacrato la sua esistenza
a calcolare dei percorsi migratori immaginari.
L’uomo prese le misure dell’ultimo piano della casa,
chiamato osservatorio. Lo aiutai a aprire il metro. Nella
mansarda, adottò tutte le posture possibili e ne uscì coperto
di tele di ragno. Abbozzò degli schizzi sul suo taccuino. A sua
volta, propose di costruire una veranda per contemplare dal
parco il paesaggio della Loira e dell’Isola d’Oro al centro. Si
sentì a suo agio e mi raccontò che le scale e le grotte della casa
possedevano un significato mistico.

1° agosto 1986 - Sulla destra della casa si stendevano i «Granai


di Cesare», degli antichi silo a grano in cui si svolgevano, ieri
come oggi, festività culturali e riti iniziatici. Sulla sinistra, nelle
cantine da centocinquanta metri di lunghezza, la municipalità
aveva fatto un parcheggio per i turisti. I veicoli si infilavano
sotto la roccia le cui altezze formavano la via dei Chateliers.
E al di là del parco  ? La via Léonard Perrault, sfondata
dalle macchine, visitata dai propri espropriati, passa al di sopra
delle sale trogloditiche del castello. I sotterranei conducono
lontano da Amboise. Mi si apprese l’esistenza di una galleria

123
dessus des salles troglodytes du château. Des souterrains
conduisaient loin d’Amboise. On me révéla l’existence d’un
souterrain reliant les Greniers de César au Mur de César, un
vulgaire mur romain dont on voit les vestiges au-delà du fanum.
S’il existe, ce souterrain traverse le parc. Par chance, ces voies
dans la terre ont été conçues à la même époque, pour le château,
la maison de Léonard et la Maison des Pages. Avec ses escaliers
sans issue, elle a été enfantée par ce réseau d’oubliettes de la
Renaissance, par d’interminables ondulations, des courbures,
des cavités, par l’intérieur du monde.

2 août 1986 - Un quatrième architecte, spécialisé dans l’habitat


rural, tenait dans ses bras des instruments démesurés. D’une
voix trahissant l’impatience, je lui fis part de mes résolutions :
- Je vais faire circuler une pétition pour qu’on cesse
d’entreposer des cars touristiques dans les caves au-dessous.
Quant aux gens qui s’entassent dans les Greniers de César, un
jour viendra où leur inconscience se retournera contre eux.
- Vous tenez vraiment à cette maison ? soupira l’architecte.
La faille ouvrait ses profondeurs dans les deux pressoirs de
la maison, le pressoir du bas où s’étalait l’orgie, et le pressoir
du haut, avec la poutre effondrée. La faille était la cause
probable de la chute de la poutre rongée par les vers et qui
gisait encore dans ce pressoir collectif, que les architectes ont
estimé antérieur à la maison. Il était dépourvu de sculptures
et de souterrains, mais il avait une faille. Le dernier architecte
me montra des témoins sans date posés en haut de l’escalier du
pressoir aux corps sculptés :
- Voyez, les deux pylônes construits devant la roue en bois
servent à modérer l’expansion de la faille.

124
che metteva in comunicazione i «Granai di Cesare» e il «Muro
di Cesare», antico bastione gallo-romano, il più lungo di
Francia. Se esiste, questa galleria attraversa il parco. Questi
labirinti sotterranei sono stati pensati nella stessa epoca del
castello, del Clos Lucé, e della Maison des Pages, che sembra
esser stata concepita da questa rete segreta del Rinascimento.

2 agosto 1986 - Un quarto architetto specializzato nell’habitat


rurale, teneva tra le braccia degli strumenti di misura. Da una
voce che tradiva l’impazienza, lo resi partecipe delle mie
intenzioni :
- Diffonderò una petizione perché la si smetta di lasciare le
automobili dei turisti nelle cantine sottostanti. Quanto a coloro
che si servono dei Granai di Cesare, verrà il giorno in cui non
si potranno più riunire.
- Lei è molto affezionata a questa dimora ? Chiese l’uomo
in un sospiro. La faglia rimaneva aperta, i due frantoi nelle sue
profondità, essendo situato il primo in basso, nel mezzo delle
sculture, il secondo in alto, con la trave che si era sfondata
nel 1974. Riposa ancora in questo frantoio collettivo, che si
presume sia antecedente alla casa, ma sprovvisto di sculture
e di entrate dei sotterranei murati. L’ultimo architetto designò
dei paletti senza date piazzati sopra le scale del frantoio con le
sculture :
- Guardi ! I due piloni costruiti davanti alla ruota di legno
servono per sostenere la roccia.

125
3 août 1986 - Ce matin, le dernier architecte présenta ses
conclusions :
- Examinons votre situation ! Vous avez payé les dix pour
cent, vous avez versé une indemnité d’occupation, vous avez
entreposé une partie de vos affaires. Je vous donne un conseil :
abandonnez. Achetez une maison normale.
Il m’exposa les catastrophes encourues par les propriétaires
de châteaux : les fissures à la première sécheresse, les travaux
colossaux à entreprendre, les incendies de cheminée, les fuites
de gaz, le gel, et des moments de rémission consacrés aux
réparations. Les quelques minutes de bonheur ressenties dans
ces lieux impliquaient le versement d’un lourd tribu de regrets,
d’énervement, voire d’états cataleptiques. J’écoutai, l’œil
perdu dans le vague.
- Au centre de Loches, continua-t-il, il y avait une maison
à colombage avec des frises sculptées. On l’a vendue pour un
franc symbolique à celui qui serait assez téméraire pour se
charger des travaux. Elle a fini par s’écrouler.

7 août 1986 - Le dernier architecte a convié des « spécialistes »


de la roche pour en étudier les mouvements. Quant au
remède… Un projet de réancrage de la Maison des Pages dans
le rocher vient de voir le jour. L’architecte s’est mis à dessiner
des plans, à prendre des photos, à élaborer des idées utiles à la
consolidation.
Ces mises en scène frôlaient la perfection. La maîtrise
et le pouvoir s’étaient abattus sur ce monde en gestation qui
baignait dans la sensualité. Je ne sais ce qui m’a empêchée de
croire que l’édifice était condamné.

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3 agosto 1986 - Questa mattina, l’ultimo architetto è giunto a
propormi le sue conclusioni.
- Esaminiamo la sua situazione ! Lei ha pagato il 10 % della
promessa di vendita, ha versato un’indennità d’occupazione,
ha depositato una parte dei suoi affari. Le do un consiglio, lasci
perdere ! Faccia un acquisto ragionevole.
Uomo d’arte, quest’architetto mi espose le catastrofi in cui sono
incappati proprietari di castelli, fessure a partire dalla prima
aridità, i grandiosi lavori da cominciare, gli incendi del camino,
le fughe di gas, il gelo, e qualche momento di remissione da
dedicare ai risarcimenti. Le preziose sensazioni di felicità
provate in questi luoghi avrebbero implicato il versamento di
un pesante tributo di rimpianti, nervosismi, seguiti da apatia.
Lo ascoltai, con lo sguardo perso.
- Al centro delle Loches, continuò, esiste una casa col tetto
triangolare con dei fregi scolpiti. L’abbiamo venduta per un
franco, prezzo simbolico, a colui che si credette abbastanza
temerario per portare bene a termine la restaurazione. Alla fine,
è franata.

7 agosto 1986 - L’ultimo architetto si è informato presso lo


«specialista» della roccia per studiarne i movimenti. Quanto
ai rimedi, mistero… L’uomo mi parlò del ri-radicamento della
casa nella roccia. Cominciò a disegnare i piani, a fare foto,
a elaborare progetti destinati ad assicurare il consolidamento
dell’edificio. L’aspetto celebrale della sua messa in scena
avrebbe dovuto impressionarmi. La padronanza ed il potere,
queste patologie incurabili, si erano abbattute su una roccia in
gestazione che bagna nell’indefinibile sensualità delle sculture.
La fortuna, o un senso certo della felicità, mi impedì di credere
che l’edificio fosse condannato.

127
Les « spécialistes » du tuffeau ayant quitté la Touraine, il
fallut prospecter à Paris, où la roche n’influençait pas tous les
jours la vie des habitants. L’architecte m’envoya aux Beaux-
Arts et dans les rayons « bricolage » des grandes surfaces.
Parcours accablant. Après de vaines recherches parmi les
peintures et les enduits, les vendeurs me renvoyèrent en
Touraine  :
- Dans le cañon de la Loire, vous allez rencontrer des
troglodytes. Ils vous renseigneront.

8 août 1986 - Un voisin m’a présenté un vieux maçon


nommé Trébuchay. Il connaissait à merveille les habitations
construites dans la roche. Il s’est installé toute l’après-midi
dans le sentier redevenu désert. Très affable, il m’a raconté
sa vie et ses voyages. Vers six heures, il me conseillait le lait
de chaux et la dépose des torchis. Vaincue par la fatigue, j’ai
téléphoné à plusieurs entreprises qui m’accablèrent d’histoires
de fantômes, de défenestrations, de commérages sur Louis et
d’autres excentriques du voisinage. Pour s’immiscer dans mes
affaires, ils usèrent de malice et déclarèrent avoir renoncé à
acheter la maison pour des raisons morales. Les sculptures et
les morts violentes frappaient leur imagination. L’accord que
j’éprouvais avec cet endroit me valut à parts égales leur dégoût
et leur curiosité.

128
L’architetto mi suggerì di andare ad informarmi alle Belle
Arti a Parigi, e anche nel reparto « Bricolage » delle grandi
superfici. Sembrava che gli «specialisti» del tufo avessero
disertato la Val de Loire, bisognava andare a cercare nelle città,
in cui nessuno si preoccupava di loro. A Parigi, la roccia non
influenza ogni giorno i cittadini, la cui testa è piena di ossido e
di nevrosi. Dopo molteplici ricerche infruttuose nel bel mezzo
dei reparti di pittura e intonaco, i commercianti parigini mi
consigliarono di tornare in Touraine e di chiedere a coloro che
vivevano nelle case trogloditiche.

8 agosto 1986 - Una vicina mi presentò un vecchio muratore


che si chiamava Trébuchay. L’uomo possedeva una
conoscenza infallibile delle dimore costruite nella roccia. Per
tutto il pomeriggio si fermò a parlarmi nel sentiero, che nel
frattempo era ridivenuto deserto. Molto affabile, prese piacere
a raccontarmi la sua vita ed i suoi viaggi. Verso le sei, giunse
a preconizzare un latte della calce e mise dell’argille che
avrebbe dovuto appesantire i soffitti. Vinta dalla stanchezza,
e dall’assillo di questo periodo di restaurazione che non finiva
mai, lo ringraziai. Mi ricordai di ciò che i vicini dicevano, le
loro storie di fantasmi, di defenestramenti, i pettegolezzi su
Louis ed altre eccentricità. Mossa dal desiderio incosciente
di immischiarsi negli affari miei, alcuni vicini erano stati
maliziosi. Dissero di aver rinunciato a comprare la casa per
ragioni morali. Le sculture e le morti violente colpivano la
loro immaginazione. L’empatia che potevo provare per questo
posto mi valse la loro curiosità.

129
9 août 1986 - Je retournai à la Mairie. Une partie du parc était
mise en « Zone rouge », ces zones à risques naturels élevés,
et le reste, en une zone qui dégageait la municipalité de ses
responsabilités, un terrain cavé, semble-t-il. Le certificat
d’urbanisme s’avéra incomplet. Les employés s’interrogèrent
sur les conséquences de leurs erreurs, tandis que l’un d’eux
remplissait comme si de rien n’était un nouveau document. Il
me conseilla de porter plainte car, des lenteurs de procédure,
les gens ineptes tirent leur unique fierté.
J’ai obtenu un arrêté de péril et j’occupe la maison le temps
qu’il faudra pour enrayer les dérapages de l’administration.

10 août 1986 - Les propriétaires spoliés de la rue Léonard


Perrault sont venus me voir, galvanisés à l’idée que la Maison
des Pages, qu’ils appelaient « le château », était dans une
situation aussi critique que leur propre maison, écroulée depuis
treize ans. écrasés par tant d’indignités, ils voulaient entamer
une guérilla sans relâche contre la Mairie. Ils voulaient…
Campant au milieu des étais, je les réconfortai. On passa
en revue les solutions possibles à leur problème de logement.
Rassérénés, ils visitèrent, s’égarèrent dans les escaliers et les
pressoirs. Je les retrouvai dans le parc, exténués mais ravis.
Un des visiteurs m’avait apporté des épis de blé :
- Ça vous protégera…
Il raconta l’histoire de la mère Laval, une voisine  :
- Vous voyez la petite maison là-haut !
- Oui, oui, je la vois.
- Et derrière ?
- Un champ, des noyers, je crois, à flanc de coteau.
- Il y avait une maison. Elle s’est effondrée à trois heures

130
9 agosto - Tornai al comune. Una piccola parte del parco
era una zona rossa, una di quelle zone esposte ai rischi di
catastrofi naturali, mentre il resto era una zona che sollevava
il comune dalle proprie responsabilità, un terreno scavato,
pare. Il certificato di urbanistica si rivelò essere incompleto.
Gli impiegati si interrogarono sulle conseguenze del loro
documento, mentre alcuni compilavano, come se non fosse
niente, una nuova copia. Mi consigliò di denunciare la
cosa presso il Tribunale amministrativo. Uscii dal comune
con un decreto di pericolo. Promisi a me stessa che avrei
occupato la casa il tempo necessario a bloccare il controllo
dell’amministrazione.

10 agosto 1986 - I proprietari delle case fatiscenti in via


Leonard Perrault vennero a cercarmi, galvanizzati dall’idea
che la Casa delle Pages, che chiamavano «il castello», fosse
in questa situazione critica. Le loro case erano abbandonate da
undici anni ? Cercarono di arruolarmi nella loro guerra contro
il comune. Reclamavano l’impossibile.
Provisoriamente installata nel bel mezzo di stralli, li
confortai. Passammo in rassegna le varie soluzioni che si
presentavano al loro problema di alloggio. Perplessi, visitarono
la casa, si persero nelle scale e nei frantoi. Li ritrovai nel parco,
esteuati ma entusiasti. Uno di loro mi offrì delle spighe di
grano :
- La proteggeranno…
Mi raccontò la storia di Laval, una vicina :
- Vede la piccola casa là in alto ?
- Sì sì, la vedo
- E dietro ?
- Un campo, dei noccioli, credo, a picco della roccia.

131
du matin ! Pauvre Madame Laval, on la crut ensevelie. Quelle
mort atroce ! À quatre-vingt-quatorze ans, le corps écrabouillé,
un magma de chair et de pierre. Mais la vieille dame prenait
l’air dans son jardin.
- Que faisait-elle dehors à trois heures du matin  ?
demandai-je.
- Une chance, elle n’a pas eu la moindre blessure !
Les visiteurs étaient nombreux et, en fait, m’affaiblissaient
en me narrant des catastrophes. Les voix de la Renommée,
cette déesse bardée de bouches et d’oreilles, menaçaient
de s’infiltrer par toutes les portes de la demeure. Sa finalité
repoussante, c’était la noyade dans le maelström immense et
invisible du doute. Si, par malchance, je me trouvais à la place
de la mère Laval, mon sens de la contemplation me conduirait
devant les statues du pressoir aux premiers craquements et
je recevrai l’édifice sur la tête pour avoir, dans le vain espoir
d’apprendre, ouvert les portes à de fugaces apparitions.

17 août 1986 - L’ardeur des premiers jours s’est usée. J’en arrive
à envisager l’ultime résolution : ne pas ramener mes quelques
meubles en Syrie. Des tensions pénibles me tourmentent à
chaque déplacement en voiture ou en T.G.V. à quoi bon le
nier  ? La joie pure de l’ascension vers le parc, l’espérance
qui gonfle l’esprit tendu vers les sommets me sont désormais
nécessaires. Sans elles, mes projets ne sont que des lambeaux
d’âme perdues dans un labyrinthe.

à défaut de s’inscrire dans une évolution de quelques


milliards d’années, la vie humaine n’est qu’un passage. Un
état provisoire qui s’enlise dans des obstacles imaginaires.

132
- C’era una casa. Si è sfondata alle tre del mattino ! Povera
mamma Laval, la credemmo sepellita. Che morte atroce  ! A
novanta quattro anni, il corpo schiacciato sarebbe stato un
magma di carne e di pietra. Ma la signora usciva ancora a
prendere l’aria in giardino.
- Cosa ci faceva fuori in giardino alle tre del mattino  ?
Chiesi io.
- Una fortuna incredibile, non aveva una sola ferita !
Ci furono altri visitatori. Mi rabbuiarono parlandomi di
catastrofi naturali. Le voci della Renommée, dea bardata di
bocche e di orecchie, minacciavano di infiltrarsi da tutte le parti
della dimora. La sua finalità disgustosa era l’annegamento nel
maelstrom immenso e invisibile del dubbio. Se, per sfortuna,
mi fossi trovata al posto di mamma Laval, il mio senso della
contemplazione mi avrebbe condotto davanti alle statue del
frantoio fin dai primi scricchiolii. Invece di darmela a gambe,
svignarmela, l’edificio mia avrebbe schiacciata. Mi pentii di
aver accolto, nella vana speranza di comprenderli, dei visitatori
così disperati.

17 agosto 1986 - L’ardore dei primi giorni si era esaurito. Non


voglio in nessun modo essere obbligata a portare i miei mobili
in Siria. È la mia ultima decisione. Mi presero grandi angosce
ogni volta che prendevo la macchina o il TGV. Ma, perché
negarlo ? La gioia pura dell’ascensione verso il parco sopra
la casa, la speranza che gonfia lo spirito teso verso la sommità
mi siano divenuti necessari. Senza quest’attesa, i miei progetti
somigliano a dei pezzi di anima, a delle vaghe chimere che si
perdono in un labirinto, all’infinito.
Meglio iscrivere la durata dell’esistenza umana in
un’evoluzione di molteplici miliardi di anni. Altrimenti, non è
che un passaggio, uno stato provvisorio che si sfalda in ostacoli

133
De nouvelles certitudes s’érigent dans mon esprit quand
je m’efforce d’être lucide. C’est inexplicable, la lucidité.
J’ai adressé à l’agence immobilière une dizaine de lettres
contradictoires, en veillant à ne pas rompre tout à fait
l’engagement.
- On vous rembourse, proposèrent-ils. Laissez-nous
tranquilles ! Que voulez-vous de plus ?
L’émotion avait été trop forte. Impossible de vivre sans
la houle caverneuse qui se soulève entre le rocher et les murs,
impossible de lâcher prise sans un sentiment de douleur et de
dépouillement.

18 août 1986 - Ma curiosité pour l’asile des Pages a pris l’allure


d’une histoire d’amour (un phœnix renaissant de ses cendres
en même temps que l’espoir). Cette maison occupe toutes mes
pensées. Désirs et volonté se font la guerre, passant leur temps
à se dominer à tour de rôle afin de mieux s’anéantir. à travers la
beauté de ce qui passerait un rêve allait s’élever de mon regard
comme une transparence dont mon corps ferait aboutir en lui
le pressentiment, écrit en substance Joë Bousquet. Hélas ! je
n’ai que ces phrases maladives pour m’enfoncer un peu plus
dans mes rêveries.
Les déplacements à la campagne me fatiguent davantage
qu’un voyage à Damas. Je me sens traquée dans le tohu-bohu
des gares et des embouteillages. Au milieu de cette agitation,
mes liens avec l’asile des Pages gagnent en intensité.

134
immaginari. Nuove certezze si alzano nel mio spirito quando
mi sforzo di essere senza illusioni. È inspiegabile, la lucidità…
Finii per inviare al vecchio proprietario una decina di lettere
che chiedevano spiegazioni, stando attenta a non rompere
l’accordo preso.
- Le rimborso l’indennità. Cosa vuole di più  ? Mi lasci
tranquillo.
Allora, capii che l’emozione era stata troppo forte. Mi era
impossibile vivere senza la houle cavernosa che si alzava tra
la roccia e i muri della mia ragione, impossibile mollare l’osso
senza un sentimento di perdita, di essere spossessata, alienata.

18 agosto 1986 - Il mio interesse per la Maison des Pages


prese l’allure di tante storie d’amore. La curiosità, come una
fenice, è appena rinata dalle proprie ceneri, insieme alladella
speranza. Questa casa occupa tutti i miei pensieri. Desideri e
volontà si fanno la guerra, passano il loro tempo a dominarsi
vicendevolmente per annientarsi in modo più efficace. Pensai
al poeta Joë Bousquet, che scrive  : «Attraverso la bellezza
di quello che potrebbe succedere, un sogno si alza sul mio
sguardo, come la trasparenza di cui il mio corpo coglie il
presentimento. Non ho nient’altro, a parte queste letture
malsane, per sprofondare ancora di più nei miei sogni.»
I miei spostamenti nella campagna di Tour mi affaticano
più di un viaggio a Damasco. Mi sento braccata nel tumulto
delle stazioni e del traffico. In mezzo a questa agitazione, il
mio legame con la nuova casa si intensificò.

135
19 août 1986 - Il arrive un temps où l’on choisit. Désormais
habituée aux difficultés des déplacements entre Amboise et
Paris, je m’apprête à déposer mon fardeau d’hésitation. Le
doute attise les troubles des amours impossibles, mais depuis
quelques jours, il me paraît tellement illusoire. Quelle excuse
inutile  ! Au moment où je me demandais comment revenir
en arrière, les allées et venues entre la Maison des Pages et
la capitale ont produit l’effet d’un contrepoison aux ragots
écoutés avec complaisance.

Je pouvais passer cinquante ans dans cet antre


miraculeusement épargné par les conflits familiaux, les
occupations étrangères et l’indécente série des catastrophes
naturelles. Je note que la reconquête du XVe siècle, après les
trêves de Tours, en 1444, est partie de là. Dans ce refuge voltige
une poussière plus radieuse que l’or. J’ai cru instinctivement
aux effets bénéfiques de son étrange beauté et cette confiance
m’a rendue plus aimable, m’incitant à parler avec les voisins.
Paisiblement établis face à la Loire, ils vénéraient l’endroit.
Ils dirent :
- La mère Laval, elle n’a jamais entretenu sa maison ! On
vous a raconté des histoires. Les éboulements  ? Mais c’est
normal. Ils ont mis un rebord en béton dans les années 1950,
sous les baies vitrées. C’était trop lourd pour la hauteur, ça
a tout entraîné. La zone rouge  ? Vous n’avez pas vu qu’ils
n’y connaissent rien  ? La rue Léonard Perrault, ils l’ont
laissée s’écrouler. Maintenant, ils veulent y couler du béton.
Les entreprises inondées, les lotissements près de la centrale
nucléaire, ils les ont classés en zone neutre de peur qu’on
en parle. Les villages de vacances au-dessus de chez nous
retiennent l’humidité ! Ce n’est ni fait ni à faire ! Écoutez votre
cœur et cessez de vous compliquer l’existence ! »

136
19 agosto 1986 - C’è un momento in cui la scelta si deve imporre
allo spirito. Ormai abituata alle difficoltà degli spostamenti tra
Amboise e Parigi, mi apprestavo ad abbandonare il mio fardello
di reticenze. Anche se il dubbio accende i turbamenti degli
amori impossibili, da qualche giorno l’indecisione si dimostrò
inessenziale. In nessun caso si tratta di una scusa utile. Nel
momento in cui mi chiedevo come tornare indietro, le andate e
ritorni tra la Maison des Pages e la capitale produssero l’effetto
di un controveleno dai molteplici pettegolezzi ascoltati con
troppa condiscendenza.
Potrei passare cinquant’anni in questo alloggio
già miracolosamente risparmiato da conflitti familiari,
occupazioni straniere, catastrofi naturali e guerre. Constato che
la ricostruzione della Francia nel XV secolo, dopo la tregua
di Tours, nel 1444, cominciò da lì. In questo rifugio volteggia
una polvere più radiosa dell’oro. Credetti istintivamente agli
effetti benefici della sua strana bellezza e questa confidenza mi
rese ancora più socievole, mi incitava a conversare con i vicini.
Tranquillamente costruita di fronte alla Loira, veneravano
quella posizione.
Dissero :
- La signora Laval non si è mai occupata della casa ! Le
abbiamo raccontato le storie. La frana del tetto ? È normale.
Negli anni 1950, abbiamo costruito un davanzale di cemento
sotto le vetrate. Era troppo pesante per quell’altezza, ed è
crollato tutto. La zona rossa  ? Non ha visto che non sanno
niente al comune  ? La via Léonard Perrault l’hanno lasciata
franare. Ed ora vogliono colare cemento. Le imprese costruite
sui terreni insondabili, i lotti di terreno vicini alla centrale
nucleare non sono stati classificati «zona rossa» perché non
vogliono che se ne parli. I villaggi vacanze al di sopra di noi,
ha visto come si sono riempiti di infiltrazioni ? Non è né fatto

137
Je buvais du petit-lait. Il ne fallait plus maugréer mais
vivre à flanc de dispersion, de craquements, de jaillissements,
entretenir ma fascination pour l’ascèse et le recueillement à
l’heure où les pierres s’éveillent comme de grands oiseaux
rocheux. La lumière qu’elles répandent est à l’inverse des
lueurs glauques d’une époque où les trois quarts du château
sont rasés, où Chanteloup, le château du duc de Choiseul,
frère jumeau de Versailles, a disparu corps et biens, alors que
subsistent les excroissances d’une Maison de Mignons d’un
roi reconnu par Jeanne d’Arc. Restaurée, elle mettra un point
final à mes palinodies. Elle est assurée d’exister après ma mort.
J’aime croire que la mort seule me poussera à lui dire « adieu ».

20 août 1986 - Reste à me concilier la faille ! Cette faille sied


à merveille à la maison. Elle fait corps avec le paysage. Elle
absorbe les caresses des courants de la Loire comme les assauts
du roc.
D’une nudité virginale, elle est l’ouverture de l’horizon
rocailleux de la maison. Les années à venir n’auront guère
d’incidence sur le mouvement d’une faille évoluant depuis la
formation du monde. Une faille, certes, mais d’une solidité
paradoxale et ouvrant les hauteurs du pressoir aux ruissellements
du sol, aux purifications qui effaceront l’opprobre et la violence
du monde. Mon cœur bat plus fort quand j’imagine qu’elle a
avalé les feux du second soleil, éteint depuis trois cent quarante
mille ans, qu’elle pourrait m’éblouir en me contant la mémoire
de l’univers.

138
né da farsi ! Un orrore, e sono stati costruiti pochissimo tempo
fa ! Ascolti il suo cuore e cessi di tormentarsi.
Ero raggiante. Decisi di non lamentarmi più, e di vivere
a fianco della dispersione, degli scricchiolii, degli zampilli,
decisi di mantenere la fascinazione per l’ascesi e per il
raccoglimento nel momento in cui le pietre si svegliano
come grandi uccelli rocciosi. La luce emanata dalla roccia
è, contrariamente ai bagliori oscuri di un’epoca capace solo
di preservare un terzo dell’inestimabile castello di Amboise.
Chanteloup fratello gemello del palazzo di Versailles è sparito
nella foresta. La Maison des Pages, rifugio dei paggi del re
sacralizzato da Giovanna d’Arco, è sempre là, addossato a una
roccia. Talvolta, la si chiama la Maison des Sages. Restaurata,
metterà fine ai miei capovolgimenti, alle mie palinodie. Mi
piace credere che solo la parola morte mi obbligherà a dirle
addio.

20 agosto 1986 - Resta da capire come conciliare la faglia che


percorre la roccia. Questa faglia siede a meraviglia sulla casa.
Fa corpo con il paesaggio. Assorbe le correnti della Loira allo
stesso modo che gli assalti della roccia.
Gli anni a venire non avranno nessun’incidenza sul
movimento di una faglia che che si muove dal tempo dei tempi.
Una faglia, certo, ma di una solidità paradossale e che apre
le altezze del frantoio al riverbero del sole, alle purificazioni
che cancelleranno l’avvilimento e il furore del mondo. Il mio
cuore batte più forte quando immagino che la faglia inghiotte
gli innumerevoli fuochi del sole e ch’essa può impressionare
contando i ricordi della terra.
Nessuno sa se questa dimora addossata alla roccia vivrà
ancora dieci o trent’anni, o dei secoli. Tanto vale scommetter

139
L’oubli et la mémoire sont incapables de traiter avec
les chiffres. Personne ne sachant si la maison adossée au
roc vivrait encore dix ans, trente ans, ou des siècles, autant
miser sur la plus longue durée, éviter le chaos des exils et des
déménagements, regagner la confiance qui rend les sentiments
si délicats à vivre. Les éboulements  ? Une embuscade
tendue par les architectes, les entrepreneurs véreux, toujours
prêts à commettre des erreurs sans précédent. Il n’est pas
d’anéantissement plus répugnant que celui d’une architecture
imprécise et fausse !
Je n’ai rien à gagner à la reconstruction. Elle est toujours là,
la faille blanche et pure. Elle recueille l’écoulement du temps
qui fond dans ses profondeurs. Lorsqu’elle aura drainé toutes
les impuretés, la précarité et la force seront indissociables.

1er octobre 1986 - Après les rénovations, je passe ma première


nuit dans la chambre du mort, la seule pièce refaite et habitable.
La chambre de mort ou la chambre des morts  ? Le cadavre
de Louis y aurait été retrouvé un matin. C’est une chambre
mansardée au troisième étage, une chambre lumineuse,
introvertie, calme et gardée par deux statues. Les lieux clos
font naître une certaine lassitude. Repos forcé. Certaines
configurations que l’éclairage nocturne modifie trahissent la
dimension physique de la peur. Après, il y a les glissements
dans les mots, les légendes ajustées au silence.
Toute la soirée, les têtes coupées de la façade semblèrent
gémir au-dehors.

140
sulla più lunga durata, evitare il caos degli esili e dei traslochi,
riconquistare la confidenza che rende i sentimenti così deliziosi
a vivere. Gli smottamenti mostravano le trappole tese dagli
«uomini d’arte», gli architetti, gli imprenditori affaristi, sempre
pronti a fare lavori inutili. Le costruzioni moderne, fatte con
materiali artificiali, si mostrano spesso ripugnanti.
Io intendo consolidare questa casa. Non smetterà mai di
stregarmi. È sempre là, così varia, così ardente, con la sua
faglia bianca e pura. Raccoglie il flusso del tempo che si perde
nelle sue profondità. Quando avrà assorbito tutti gli obblighi
dell’umanità, la sua fragilità e la sua forza si arricchiranno
mutualmente.

1° ottobre 1986 - I lavori di consolidamento sono finiti.


Trascorro la mia prima notte nella camera del morto, unica
stanza rifatta a nuovo e abitabile. La camera del morto ha
un’ampia vetrata davanti alla quale volano gli uccelli. La
costruzione è in armonia con la natura. Il cadavere di Louis
sarebbe stato trovato una mattina in questa camera al terzo
piano, luminosa e calma, a cui fanno da guardia due statue
di donne. I luoghi chiusi suscitano in me una certa pigrizia.
Riposo forzato. La camera modificata dal chiarore notturno
tradisce la dimensione fisica della paura. Per tutta la sera, le
leggende aggiustate al silenzio, gli scivolii nelle parole e la
magia del linguaggio hanno occupato il mio spirito. Le teste
tagliate della facciata sembrano gemere fuori.

141
L’eau de la Loire m’attire dans ses profondeurs. L’attraction
est encore plus forte les jours où le fleuve est lisse comme une
plaine inoffensive. Toutes les maladresses et les superstitions
m’en avaient éloignée. à présent, je ne m’inquiète plus, je
suis passée de l’autre côté, derrière les têtes, derrière le mur,
devant le courant immuable de l’eau. De petites lames rapides
se déplacent vers Tours, sans arrêt, charriant les égouts de la
ville, les poissons, les brins d’herbe et les pluies. Immobiles,
les têtes sculptées font face à l’étendue d’eau.
Noires, elles étaient noires, comme le chant de souffrance
qui s’évadait de la pierre. Maintenant, j’habite leur corps usé,
un corps brisé. Je le veille. Je n’inventerai pas d’autres causes
pour légitimer l’engourdissement de ce soir.

4 octobre 1986 - L’avancée paisible de l’eau a été intégrée aux


murs obliques de la chambre. La température ne dépasse pas
dix degrés. Ce froid asphyxiant est l’ennemi de toute sensation
agréable.
Enfouie sous les couvertures, j’ai lu, il y a trois jours,
une histoire fantastique. Dans son sommeil, le narrateur
se métamorphosait en loup garou, ou en serpent ailé, ou en
ours aux longs crocs, et tuait sans le vouloir, mais dans les
plus atroces supplices, ses fidèles amis. Une splendide rousse,
atteinte de lycanthropie, peaufinait chaque nuit les apparences
chimériques du narrateur. Elle finit par s’unir à lui sous forme
d’une louve blanche.
Trois nuits durant, la présence de ces monstres se répandit
dans la pièce. Voués à dire l’Inconnu, ils rôdèrent au dessus
du livre, émettant des craquements insolites. Terrifiante
atmosphère  ! Aux moments où je relâchai la tension, ils
réussirent à frôler mes bras glacés. Après quelques minutes,

142
L’acqua della Loira mi attira nelle sue profondità.
L’attrazione è ancora più forte i giorni in cui il fiume è liscio
come una piana inoffensive. Le goffaggini, le superstizioni del
vicinato mi hanno quasi tenuta lontana. Ora non cerco più di
capire, sono passata all’altro lato, dietro le teste ed i muri, di
fronte alla corrente d’acqua fatta di piccole lame rapide che
si spostano verso Tours, senza sosta, trasportando pesci, fili
d’erba e legni morti. Immobili, le teste scolpite sono di fronte
alla distesa d’acqua.
Nere, le teste erano nere, come il canto della sofferenza
che evade dalla pietra. Ora io abito il loro corpo logoro, un
corpo spezzato le cui particolarità mi rapiscono. Veglio su
di loro. Non vedo nessun’altra spiegazione per giustificare
l’intorpidimento di stasera.

4 ottobre 1986 - Con il tetto mansardato, la mia camera domina


l’avanzata tranquilla delle correnti della Loira. La temperatura
non supera i dieci gradi. Questo freddo paralizzante è nemico
di ogni sensazione gradevole.
Scappata sotto copertura, lessi, tre giorni fa, una storia
fantastica. Nel sonno, il narratore si trasformava in lupo
mannaro, in serpente alato, in orso dai lunghi zanne affilate
che uccide senza volerlo i suoi amici più fedeli, nei supplizi
più atroci. Accompagnato da una rossa stupenda, lucidava a
puntino ogni notte le sue apparenze chimeriche. Malata di
licantropismo, una volta trasformata in lupa bianca, finì con
l’unirsi a lui.
In tre notti, la presenza dei mostri di estese nella stanza.
Votata a dire non so cosa, camminavano sul libro facendo
rumori strani. Che atmosfera terrificante ! Nei momenti in cui
io diminuivo la mia attenzione, riuscirono a sfiorare le mie
braccia gelate. Dopo qualche minuto, le preoccupazioni si

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les inquiétudes s’évanouirent. Aussitôt, un combat féroce se
produisit sur le toit : un fracas d’animaux, me sembla-t-il, des
bruits sourds comme une momie arrachée de son sarcophage.
Un chat hurla. Les yeux des monstres préhistoriques me
fixèrent dans la nuit, avec une intensité déjà coutumière. Je
redoutai qu’ils entrent par l’escalier. Je me voyais jeter sur eux
des feuilles blanches, fuir en levant les bras au ciel, ma robe
de chambre en satin flottant autour de moi, et me précipiter
dans les ténèbres opaques pour fendre l’air silencieux de mes
bras, de ma tête, de mes jambes. L’agitation me semblait apte à
chasser ces visions fatales.
Le songe est un art pour comprendre la réalité. La mise
en place d’une Vita Nuova à la Maison des Pages s’est lestée
d’ombres remplissant cette mission. J’appréciai le don si
spécial du lieu à créer des présences. Il était bon d’y croire,
d’aller y voir.
- Rester là trente ans ! pensai-je. Et de ma propre volonté…

13 octobre 1986 - Une infinité de veines parcourt la roche.


La vieille radiesthésie locale, pratiquée à l’aide de baguettes
de coudrier, a permis aux bâtisseurs du Moyen Age de choisir
le terrain idéal. Chaque nouvelle découverte prouvait qu’ils
ne s’étaient pas trompés. Un désir de perfection les avait
guidés, afin que l’édifice soit la preuve éclatante de leur art.
Conséquence  : l’air extérieur se matérialisait en colonne
de poussière pour affleurer la nuit sur la roche tiède, sur les
parois humides et respirantes. Au-dedans, l’air était d’une autre
saveur. Il creusait un abîme au cœur de la roche habitée de
sculptures aux formes éperdues et humaines, aux jouissances
grandement exhibées. Et les têtes… les têtes aux rictus figés,
leurs extases gémissantes, échappées des parois !

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dissolsero. All’improvviso si svolse un combattimento feroce
sul tetto : il rumore degli animali produceva rumori sordi. Un
gatto urlò. Occhi di mostri preistorici mi fissavano nella notte.
La loro intensità mi era già familiare. Dubitai che entrassero
per la scala. Già mi vedevo buttare loro addosso i miei libri,
scappare con le braccia al cielo, la veste da camera che fluttuava
intorno a me e precipitarmi nell’oscurità, tutti questi gesti mi
sembravano adatti a cacciare visioni funeste.
Il sogno e una deviazione per apprezzare la realtà.
L’organizzazione di una Nuova Vita alla Maison des Pages
si realizzava in mezzo alle ombre propizie a questa missione.
Apprezzai il dono particolare del luogo a creare delle presenze
illusorie. Era bene crederci, ed andare a vedere ma non riuscivo
a decidermi.
- Restare là trent’anni ! pensai. Sono io che l’ho voluto…

13 ottobre 1986 - La vecchia radioestesia locale, praticata con


dei bastoncini di legno di nocciolo, indicò ai costruttori del
Medio Evo il terreno propizio. Ogni dettaglio della costruzione,
di cui scoprivo poco a poco l’uso, provava che non si erano
sbagliati. Li guidava un desiderio di perfezione, affinché
l’edificio fosse la prova eclatante della loro arte. L’aria esterna
generava dei vortici di polvere. Si depositavano durante la
notte sulla roccia tiepida, ricoprendo la pareti umide e porose.
All’interno, l’aria era di un altro sapore, scavava un’infinità di
vene che percorrevano la roccia abitata da sculture dalle forme
sperdute e umane, dal godimento largamente esibito. E le teste
della facciata... le teste dai tratti rigidi, le loro estasi di gemiti,
scappati dalla parete !

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Dedans, le temps s’arrêtait. On assistait au spectacle de ses
propres peurs, de ses failles, de ses exils. La maison puisait sa
force dans les racines qui plongeaient au fond du sol, annonçant
l’immuabilité. La pierre irradiait. La pierre bougeait, suintait.
Ressemblant par endroit à une éponge, la pierre coulait
et se couvrait de mousse blanche. Faire corps avec la roche
tenait lieu d’expérience… Je me débattais dans un labyrinthe
d’ombre et de lumière, dans une immense orgie de pierre, la
plus grande orgie sculptée que peut contenir une maison. Je
n’avais plus qu’à me fondre dans les tableaux de Léonard de
Vinci. J’accrochai les héliogravures sur les murs. Les draperies
et les mains produisirent un effet des plus heureux, une gaieté,
un enchantement. La Jeune fille coiffée d’un bonnet, peinte
vers 1493-1495, aurait pu vivre ici.
Des sécrétions de sable jonchaient les sols humides. Des
filaments pendaient le long des voûtes. Laisser la maison agir à
sa guise revenait à accepter qu’elle se referme, action toujours
possible avant l’aube.

1er novembre 1986, 10 heures - J’ai acheté de la colle à


tapisserie pour enduire la roche, la tenir à distance, éviter
qu’elle recouvre ma vie. La poudre se trouvait dans un paquet
bleu. Il fallait la diluer dans six litres d’eau, en essaimant les
flocons à l’extérieur du tourbillon pour éviter les grumeaux. Et
attendre vingt minutes pour que ça se fige...
Vingt minutes…! Comment contempler de la glu vingt
minutes ? J’ai pensé à monter l’armoire qui reposait en pièces
détachées. Si j’essayai de me dérober aux tâches matérielles ?
Le problème est que la roche absorberait mon énergie.
Cette pierre me captivait et me révulsait en même temps.
Elle ne me laissait pas un moment de répit puisqu’elle s’étalait
en permanence sous mes yeux. Elle formait un toit au ras

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All’interno, il tempo si fermò. Stavo assistendo allo
spettacolo delle mie proprie paure, dei miei sbagli, dei miei
esili. La casa trovava la sua forza nelle radici della roccia.
Sprofondava nel fondo del suolo, annunciando la sua perennità.
Soltanto la pietra irradiava. La pietra si muoveva, sudava.
In alcuni punti sembrava una spugna, colava e si copriva di
mousse bianca. Dovevo fare tutt’uno con la roccia per captare
la sua esperienza. Mi dibattevo in un labirinto di ombra e di
luce, un’immensa orgia di pietra che portarono la mia mente
alla contemplazione dei quadri di Leonardo Da Vinci. Attaccai
altre eliogravure sui muri. I tendaggi e le mani rappresentati da
Leonardo produssero uno degli effetti più felici, una gaiezza,
una contentezza, un incantamento. La «  Giovane donna con
cappello », realizzato tra il 1493-1495, avrebbe potuto vivere
qui.
Avrei dovuto lasciare che la casa si evolvesse a modo
suo ? Avrebbe significato accettare che si potesse chiudere per
sempre.

1° novembre, 1986, ore 10  : 00 - Mi procurai della colla da


spalmare sulla roccia per evitare che si sgretoli. La polvere
si trovava in un pacchetto blu. Bisognava diluirla in sei litri
d’acqua spargendo i fiocchi all’esterno del turbine per evitare
che si facessero grumi. E aspettare venti minuti perché il
liquido si seccasse.
Venti minuti...! Come contemplare per venti minuti della
colla ?
Per occupare il tempo, pensai di portare un vecchio
armadio da una stanza lontana a una camera più centrale. Se
provavo a darmi alle occupazioni materiali ? La roccia avrebbe
assorbito la mia energia ? Questa pietra mi rapiva e mi rivoltava
allo stesso tempo. Si stendeva davanti ai miei occhi, senza

147
de mon crâne. Partout, elle s’effritait, rongée par la lèpre du
tuffeau. Si cette pierre friable doutait de ses limites, comment
pouvais-je savoir ce qui se formulait à travers elle ? Comme
lorsqu’on arrive très loin en âge, elle avait dû trouver la sagesse
de renoncer à sa vie personnelle.
Les paquets de colle étaient restés plusieurs semaines dans
l’ancienne chapelle en décombres. Je les avais oubliés près du
mât de navire où traînaient les outils, le tout étant disséminé
dans une masse de débris inutiles. J’ai choisi la colle guidée par
un simple souci pratique. Le lait agissait davantage - je l’ai su
plus tard.
Durcir la pierre en la laissant respirer, était-ce possible ?
Une représentante des Monuments historiques m’avait
négligemment conseillé la résine. Trébuchay, le vieux tailleur
de pierre, a voulu m’emmener à l’école des Beaux-Arts pour
faire les analyses appropriées. De prime abord, le lait n’a pas
semblé durcir les plaques de sable qui se désagrégeaient. La
résine étant un matériau plus rare que le lait ou la colle, je n’en
trouvai pas.
à quoi bon me donner tant de mal  ? Les « experts »
répétaient que rien ne pouvait sauver ce tuffeau si friable.
Un matériau trop facile à sculpter, procurant aux artistes du
précaire, à ces inspirés du temporaire - ou bien encore, l’on
pouvait parler d’eux comme d’irréductibles fourmis du
momentané - , l’achèvement de la dissolution.

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tregua, interrogandomi permanentemente. Formava un tetto
tra le diverse stanze  ; questa pietra friabile non aveva limiti.
Mi sarebbe piaciuto sapere ciò che si formulava attraverso di
lei. Come quando si arriva parecchio in là con gli anni, aveva
saputo come conciliare saggezza ed equilibrio.
I pacchetti di colla erano rimasti tra più settimane in una
piccola stanza che si supponeva essere una vecchia cappella.
Avevo scelto la colla guidata da un problema pratico. Il latte
sarebbe stato più efficace, ma lo appresi solo in seguito. I
pacchetti non erano lontani dalla scala in cui erano rimasti
abbandonati gli attrezzi da lavoro, disseminati in una massa
di cocci inutili. Era una bella scala a vite, realizzata in legno
intorno all’albero maestro di una nave che, un tempo, aveva
viaggiato sulla Loira. Quest’albero maestro si era fossilizzato
nelle sabbie del fiume. Le scale a vite erano generalmente
costruite in pietra nelle dimore del Rinascimento.
Indurire la pietra per lasciarla respirare, era possibile ? I
monumenti storici mi avevano consigliato una soluzione più
onerosa, l’impiego di resine chimiche. Trébuchay, il vecchio
tagliatore di pietre, aveva proceduto con le analisi appropriate.
Si era concluso che il latte non induriva le placche di sabbia che
continuavano a sgretolarsi. La resina sintetica era un materiale
più raro che il latte o la colla. Per il suo costo, non si poteva
pensare di utilizzarlo per rivestire la superficie della casa.
Perché quindi darmi tante difficoltà ? Gli esperti dicevano
che niente può salvare il «tufo», una pietra troppo friabile.
Un materiale troppo facile da scolpire. Procurava agli
artisti dell’effimero, ispirati da un materiale cosi friabile, la
realizzazione del disgregarsi.

149
10 heures 20 - Le liquide avait pris. À mon grand étonnement,
la colle coula partout. Ça faisait des taches, de gros flocs
sur le sol. C’était moins dégoûtant que le lait. Je les essuyai
pour ne pas m’engluer davantage. Le mélange de colle et
de sable anticipait la fabrication de la roche. Les statues
tressaillirent, parurent changer de pose. On aurait cru qu’elles
m’enveloppaient de leurs regards langoureux. En fermant les
yeux, j’eus l’impression de tanguer et de heurter les murs.
J’ai recouvert ma tête d’un foulard. Parvenue à un quasi
aveuglement, j’ai été prendre des lunettes de plongée. Alors, le
sable ne me brûla plus les yeux.
J’ai commencé par enduire les lianes, grattant, collant,
ponçant, les poignets exténués par cette activité. Un crapaud
debout, une salamandre perpétuaient les anciennes croyances
de l’humanité. En proie à un mystérieux mouvement, ces
animaux se dressaient pour recevoir les caresses du pinceau.
Je les polis au papier de verre, choisissant un grain différent
selon la corpulence de l’animal ou du végétal. La queue de la
salamandre était grosse comme une poignée. Je m’y accrochai.
Elle résista, et aussitôt, une grosse liane cassa sous l’action du
pinceau. Je me plaquai juste à temps contre l’escabeau.
Il faut dire que le bout de liane avait la taille d’un bras.
S’il y avait eu une table au-dessous, un invité penché sur son
assiette, la liane de pierre tombant subitement sur sa nuque
- sans parler du poison de la mandragore -, les gens auraient
raconté qu’un fantôme était venu s’asseoir à ses côtés. En
réalité, toutes sortes d’insectes fuyaient dans cet entrelacs de
cordes rappelant la signature cryptographique de Léonard de
Vinci.

Je ne voulais oublier aucun recoin. J’avalai du sable. Ma


bouche devint dure et blanche.

150
Ore 00  : 20 - Il liquido si era solidificato. Con mia grande
sorpresa, la colla colava da tutte le parti non appena la applicavo
alla roccia. Questa procurava macchie, grandi macchie, sul
suolo. Era meno disgustoso del latte. Dovevo asciugare il
suolo per non sguazzare nella colla. Il mescolio di sabbia e
di colla partecipava alla fabbricazione della roccia. Le statue
sussultavano, sembrarono cambiare posa. Si sarebbe detto
che mi avvolgevano con i loro sguardi languidi. Chiudendo
gli occhi, ebbi l’impressione di ondeggiare e di urtare i muri.
Mi coprii la testa con un foulard. Accecata dalle proiezioni di
colla, trovai una soluzione proteggendomi gli occhi con degli
occhialini.
Cominciai con lo spalmare le liane delle sculture, grattando,
incollando, levigando. I polsi mi facevano male. Un ranocchio,
una salamandra e una mandragora perpetuavano le antiche
credenze dell’umanità. In preda ad un movimento misterioso,
questi animali si alzavano per ricevere le carezze del pennello.
Levigai le sculture con la carta vetrata, scegliendo un grano
diverso secondo la corpulenza dell’animale o del vegetale.
La coda della salamandra era grossa come un pugno. Mi ci
attaccai. Rimase lì. All’improvviso, una grossa liana si ruppe
a causa della mia goffaggine. Mi addossai contro lo sgabello
evitando giusto in tempo di prendere il blocco di pietra in testa.
C’è da dire che il pezzo di liana era della taglia di un braccio.
Se ci fosse stato un tavolo al piano di sopra, un invitato che si
sporgeva sul suo piatto, la liana di pietra sarebbe caduta sulla
nuca, e la gente avrebbe raccontato storie stravaganti. Questo
intreccio scolpito mi ricordava le curve e i dedali della firma
crittografica di Leonardo Da Vinci.

Cominciai a spalmare sul muro senza trascurare nessuna


zona. Inghiottii della sabbia. La mia bocca era dura e bianca.

151
Autour des lunettes, mon visage prit une couleur rocheuse
du plus mauvais effet.
Pour finir, je découvris une large fleur à quatre pétales - un
trèfle peut-être - me souriant de toutes ses forces.
À défaut d’une aide pour réparer les ravages du temps,
cette végétation sculptée était condamnée à ne pas renaître
avec les saisons, à contempler avec patience et intelligence son
retour au néant.

2 novembre 1986 - Le jour, la roche était morte, froide,


sépulcrale, tailladée comme un antre préhistorique qui
m’inquiétait. Un caveau qui transpirait, une crypte servant de
chrysalide aux phalènes et aux chauve souris.
Je la palpais pour m’assurer qu’il s’agissait bien de la
roche et non d’un morceau de corps démesurément développé
avant d’être pétrifié. Qui pourrait s’habituer à une enveloppe
de pierre, son absence de bruit et sa pâleur profonde ?
Il était difficile de vivre sans disparaître dans cette grotte
calfeutrée, ce cul de sac du paysage, se terminant en un long
boyau humide. Je caressais la pierre comme on tâte un chien qui
risque de transmettre une maladie mortelle, par ses morsures,
ses dents blanchies, son haleine barbouillée de moisissures.
J’espérais l’arracher aux dégradations du temps.

11 novembre 1986 - Pendant des jours, j’ai peint les statues les
plus hautes, les statues représentant deux femmes, devant la
chambre du mort.
- Les plus maléfiques, avoua une ancienne locataire,
vaincue par les paroles d’un médium qu’elle avait éprouvé le
besoin de consulter.

152
Intorno agli occhiali, la pelle del viso prese un colore
roccioso.
Scoprii un grande fiore a quattro petali, forse un
quadrifoglio, che mi sorrideva con tutte le sue forze.
In mancanza di un aiuto per migliorare i danni del tempo,
questa vegetazione scolpita era condannata a non rinascere con
le stagioni, a contemplare con pazienza e intelligenza il suo
ritorno al nulla.

2 novembre 1986 - Di giorno, la roccia era fredda, sepolcrale,


tagliuzzata come un antro preistorico carico di minaccia, una
cantina che sudava, una cripta simile a una crisalide, che serve
da rifugio alle falene e ai pipistrelli.
Più volte al giorno, io la toccavo per assicurarmi che fosse
roccia e non il pezzo di un corpo smisuratamente sviluppato
poi pietrificatosi. Chi si sarebbe potuto abituare a un baccello
di pietra, alla sua assenza di rumori e al suo pallore ?
È difficile vivere senza sparire in questa grotta calcarea,
questo vicolo nel paesaggio che finiva in cavità umide. È
vero, accarezzo la pietra come si tocca un cane che rischia di
trasmettere una malattia grave con la sua morsa, i suoi denti
bianchi, il suo alito pesante di muffa. Il mio desiderio più
grande era di strapparla al degrado del tempo.

11 novembre 1986 - Per dei giorni, dipinsi le statue più alte,


quelle che rappresentavano due donne davanti alla camera del
morto.
- Le più malefiche, aveva precisato una vecchia inquilina.
La donna aveva lasciato la casa dopo aver ascoltato le parole di
una veggente che aveva voluto consultare.

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Le parfum ensoleillé de la jeunesse ruisselait sur ces deux
femmes. Du fond du silence, elles connaissaient l’extase en
muselant de leurs mains la gueule d’un bouc. Une main en
corrélation totale avec l’animal donnait l’impression que la tête
de bouc était née de la puissance d’une main, rien d’autre. Une
des cornes de la bête s’incorporait à la paroi rocheuse. Fine, elle
était faite de la même manière que la queue de la salamandre
dans la salle du deuxième étage. Quant à l’autre corne, épaisse
comme la liane que j’avais cassée, elle prolongeait le bras
de la statue frêle. Un bras humain s’enfonçait dans une tête
animale - à moins qu’il ne s’agisse d’une corne s’enfonçant
dans un bras humain. Les corps féminins et les morceaux de
roc s’interpénétraient étrangement.
Les statues appartenaient au monde de la maison, un
monde épuré, glabre, d’une puissance universelle. Certains
éclairages - notamment le reflet de lumière sur les vitres de
la porte de la chambre, quand les lampes du couloir étaient
éteintes - jouaient sur ces corps de pierre pour les modifier de
façon terrifiante. Les gens restaient subjugués face à ces statues
impudiques. Ils reculaient, n’en comprenaient pas le sens, mais
s’apercevaient que les lueurs de la matière les menaçaient
d’égarement. En fait, les études anatomiques de Léonard,
montrant les nerfs, les muscles, les articulations, ne désignent
pas un rite aussi puissant.
Un sentiment de calme m’envahit. Captivée par ces
présences, je couvris de colle les épaules et les seins de la statue
la plus fine - ces deux formes féminines auraient pu incarner
un sonnet de Mallarmé : la « beauté forte », la « beauté frêle ».
Leurs faces mutilées ne renvoyaient pas à un monde convulsif,
non. Le visage de la plus forte s’était résorbé dans la pierre et
l’effritement de la roche donnait à son extase la conscience
aiguë de la mort. La bouche et les yeux se distinguaient encore,

154
Il profumo soleggiato della gioventù grondava sulle due
donne. Dal silenzio più profondo, esse conoscevano l’estasi
imbavagliando con le mani la bocca di un caprone. Una mano
fondeva con l’animale, dando l’impressione che la testa del
capro nascesse dalla potenza di questa mano, e da nient’altro.
Una delle corna della bestia prendeva corpo dalla parete
rocciosa. Sottile, ricordava la coda di una salamandra della
stanza del secondo piano. Quanto all’altra corna, spessa come
la liana che avevo rotto al piano inferiore, prolungava le braccia
dell’altra statua, in una forma più gracile. Un braccio umano
affondava in una testa di animale - a meno che si trattasse
di una corna trasformata in braccio. Le forme femminili e la
roccia si interpenetravano curiosamente.
Le statue appartenevano al mondo della casa, un mondo
depurato, glabro, di universale potenza. Le illuminazioni,
riflessi dal vetro della porta della camera, quando le luci
del corridoio erano spente, giocavano sui corpi di pietra per
modificarli in modo insolito. Davanti alla serena impudenza
di queste statue, i visitatori restavano soggiogati. Poi,
indietreggiavano, percependo confusamente le onde della
materia, le sue minacce, il suo smarrimento. Ai miei occhi,
queste statue completavano gli studi anatomici di Leonardo,
rivelavano più o meno precisamente i nervi, i muscoli e le
articolazioni del corpo.
Catturata da queste presenze, coprii di colla le spalle e i seni
della statua più sottile. Queste due forme femminili avrebbero
potuto incarnare i personaggi di un sonetto di Mallarmé, la
«bellezza forte» e la «bellezza gracile». I loro volti mutilati
non rimandavano a un mondo convulso, ma celebravano il
ritorno al caos. Il viso della bellezza forte si era infiltrato nella
pietra. Lo sgretolamento della roccia concedeva alla sua estasi
la consapevolezza acuta della morte. La bocca e gli occhi si

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mais le nez avait disparu. La beauté frêle rejetait en arrière son
visage. Elle jouissait en maintenant son pied dans le sexe de
l’autre. Sa jambe était tendue à l’horizontale sous la gueule
du bouc que la statue sans visage caressait. Un nid d’oiseau,
rond et fragile, subsistait dans les têtes de biches cachées par la
beauté forte.
Corne de bouc et bras de femme étaient cassés.
Pourtant, un vide les reliait - de ces tensions naît l’union.
La cavité creusée devant la chambre recueillait les lignes et les
expansions des sculptures, de la chair devenue pierre, exempte
de sensation. Je pensai que la planète toute entière était évidée.
Un creux, d’où surgissaient nos sensations avant de participer
aux bruissements de l’extérieur. La tête de bouc incarnait la
jubilation de ces femmes, l’exaltait avec une ironie exagérée,
pour attirer l’attention sur l’amère satisfaction de l’union
charnelle.
Je ramassai les bouts de bras, de corne et de liane qui
gisaient autour des statues, quand elles ne reposaient pas sur
les rebords des murs ou les marches carrelées, et les rangeai
dans un sac.
Les fragments de pierre étaient dénués de sens. Juste des
formes démantelées, impuissantes à rendre la totalité qu’elles
formaient avant d’être séparées.
Ces morceaux étaient tombés comme des organes morts.
Il n’était plus possible de les recoller à leur place d’origine, de
ressusciter l’œuvre primordiale.
Au crépuscule, la pierre irradiait. Le soleil couchant
nimbait ces corps de lumière dorée.
Quelle sublime beauté ! J’avais eu raison de répéter à Léo
que cette maison était unique au monde… Mes bras couverts
de lait colle me donnèrent l’impression d’accéder au secret
des fantômes. Ils dormaient à l’intérieur des statues. Des sons

156
distinguevano ancora, ma il naso era sparito. La bellezza
debole gettava la testa indietro. Godeva nel tenere il piede nel
sesso dell’altra. La sua gamba era piegata orizzontalmente
sotto il muso del capro, retto nelle mani della statua senza
volto. Un nido di uccelli, rotondo e fragile era posto sulle teste
dei cerbiatti scolpiti dietro la bellezza forte.
Le corna del capro e le braccia della donna erano rotti.
Eppure, erano riuniti nel vuoto. Per realizzare queste
sculture, c’era stato bisogno di scavare una cavita davanti alla
camera. Questa cavità raccoglieva le linee e le espansioni delle
sculture, della carne che si faceva pietra, una carne esente da
sensazioni, che mi faceva pensare al mito dei figli di Caino,
quegli esseri maledetti dalla loro intelligenza, condannati a
frugare nelle profondità del pianeta. Da questo vuoto sorgevano
le sensazioni che partecipavano ai rumori dell’esterno. La testa
del capro incarnava il giubilio delle due donne, le esaltava
per attirare l’attenzione sull’amara soddisfazione dell’unione
carnale.
Raccoglievo i pezzi di braccia, di corna e di liana che
giacevano intorno alle statue, quando esse non riposavano sui
bordi dei muri o sui gradini piastrellati della scala, e li mettevo
in un sacco vuoto. Le pietre in frammenti erano sprovviste di
senso. Solo in forme smantellate, impotenti da rendere la totalità
che formavano prima di essere separate. Questi pezzi erano
caduti come accessori morti. Non era più possibile incollarli
nel loro posto originario, di resuscitare l’opera inziale.
Al crepuscolo, la pietra irradiava luce.
Il sole calante decorava questi corpi di luce dorata. Che
bellezza meravigliosa, avevo avuto ragione a ripetere a Léo
che questa casa era unica la mondo. Le mie braccia coperte
di colla mi convincevano ad accedere ai segreti dei fantasmi.
Dormivano all’interno delle statue. Dei suoni uscivano dalle

157
sortirent de la roche. L’hymne qu’entendent les mourants ou
les enfants qui naissent.
Ce chant déferlait en sources vivifiantes.
Personne d’autre ne toucherait les statues. J’avais
consolidé la poussière pour enrayer leur disparition, leur lente
métamorphose en sable d’or. Les rythmes de la roche creusaient
ces corps nus, couraient en strates le long des seins. La nudité
de la pierre ne suggérait pas un dépouillement ; elle était tout
simplement le masque de l’activité du monde.

20 novembre 1986 - « Tu dois quitter cette maison. Des sorciers


y pratiquent des rites sabbatiques », a déclaré Léo. Il ne prend
pas ses propos au pied de la lettre, car il est revenu ce matin
pour montrer le pressoir sculpté à son fils.
Ils sont arrivés à onze heures. Le jeune homme, racorni et
roux, au regard absent, qui accompagnait Léo était brocanteur.
Il avait vidé la bibliothèque recouvrant naguère les murs de
ma chambre. Il éprouvait une véritable fascination pour les
sculptures de la maison.
- Les statues, vous savez ce que veulent dire les statues
devant la chambre du mort ? demanda le fils.
- Les statues avec le taureau ?
- Les femmes au troisième étage. Il baissa la voix : Elles
sont sataniques.
- Elles sont protectrices !
- Non. L’ancien propriétaire a trouvé la mort dans cette
chambre.
- Il aurait pu mourir dans le parc, rétorquai-je d’une
voix ferme. Ici, rien n’est sûr. Les légendes circulent dans les
labyrinthes de la maison. Je n’aurais jamais assez de temps pour

158
rocce, l’inno che si suppone sentano i morenti o i bambini
quando vengono alla luce.
Un canto che irrompe.
Questo sortilegio mi indusse a credere che nessun altro oltre
a me avrebbe toccato le statue. Avevo consolidato la polvere
per irraggiare la loro sparizione, la loro lenta metamorfosi in
sabbia d’oro. Gli strati di roccia affondavano nei corpi nudi,
correvano lungo i seni. Lontano dal suggerire l’austerità, la
nudità della pietra mascherava l’attività del mondo.

20 novembre 1986 - « Devi lasciare questa casa, disse Léo ? Le


streghe ci fanno dei riti sabbatici ».
A discapito delle sue parole, Léo tornò questa mattina
per far vedere il frantoio al figlio. Sono arrivati alle undici.
Il giovane uomo dai capelli rossi, dallo sguardo assente che
accompagnava Léo, era rigattiere. Aveva svuotato la biblioteca
che copriva fino a poco tempo prima i muri della mia camera.
Le sculture della casa sortivano in lui un vero sortilegio.
- Le statue, lei sa cosa significa che ci siano le due statue
davanti alla camera del morto ? Mi chiese il figlio.
- Le statue col caprone ?
- Le donne al terzo piano. Abbasso la voce e aggiunse :
Sono donne sataniche.
- E perché non protettrici ?
- Ci pensi ! Il vecchio proprietario è stato trovato morto in
quest a stanza.
- Avrebbe potuto morire nel parco, ribattei con voce
decisa. Qui, niente è sicuro. Circolano leggende sugli occupanti
e sui labirinti della casa. Non avrei mai abbastanza tempo per
ascoltare tutte queste maldicenze. Io vivo in questa dimora.

159
explorer ces images déraisonnables. Je vis dans cette maison,
je ne cherche pas à connaître son passé, ni ses morts plus ou
moins matérialisés. Son état actuel me distrait davantage.
Ils me regardèrent avec réprobation, l’air de dire qu’il ne
fallait pas défier la mort en la croyant lointaine, reléguée dans
un arrière paysage du passé. Je les laissai visiter le parc. Une
heure plus tard, ils redescendirent. Le visage du fils exprimait
un profond désarroi. Je leur ai offert un café car les visiteurs
éprouvent de l’embarras pour sortir de la maison. D’après
leurs estimations, le parc avait été massacré, dépouillé de
ses statues de nymphes et de faunes. Leurs souvenirs me
paraissaient rafistolés et douteux. Léo constatait le désordre,
l’effet malencontreux du présent sur la beauté du passé, tandis
que son fils approuvait. Je discutai avec eux, dans l’espoir
qu’ils puissent me transmettre les figures d’autrefois, des
fragments de vérité qui tombent en poussière si l’on tente de
les ressusciter.
- Avez-vous retrouvé les statues ? demandai-je, sur un ton
de commisération.
- Lorsque je les regardais, elles ont changé de pose,
répondit Léo en plongeant son regard dans mes yeux.
- Tu plaisantes ! Les as-tu bien observées ? Elles sont plus
érotiques que maléfiques. Je ne t’enlèverai pas tes superstitions,
mais tu devrais savoir que c’était les Pages qui vivaient ici, les
mignons, les nobles valets, et non les fées ou les «sorcières».
Ce terme dévoyé par l’église sert à blâmer l’accouplement des
humains dans l’éternelle nature.
- Sorcellerie, magie ou Pages, tu ne réussiras pas à vivre
dans une maison aux prises avec la terre.
- Les morts violentes laissent des traces, renchérit le fils.
- Cette maison ne lutte pas contre la terre, répondis-je, elle
vit dans la paix du roc. Je n’en peux plus de vous écouter. Vous

160
Non cerco di conoscere il suo passato, né i suoi morti. Il suo
stato attuale basta a occuparmi a tempo pieno.
I due uomini mi guardarono sdegnati, come a dire che non
si doveva sfidare la morte credendola lontana, relegata in un
retropassaggio del passato. Lasciai che visitassero il parco.
Un’ora dopo, ridiscesero. Il volto del figlio esprimeva un
profondo sgomento. Offrii loro un caffè. Quasi tutti i visitatori
provavano imbarazzo prima di uscire da questa casa. Secondo
le stime di Leo, il parco era stato massacrato, spogliato delle
sue statue di ninfe e di fauni. I suoi ricordi mi sembrarono
condiscendenti, quasi dubbiosi. Léo constatava il disordine,
l’effetto malaugurato del presente sulla bellezza del passato,
mentre suo figlio si limitava ad approvare. Parlai con loro,
nella speranza che potessero trasmettermi delle figure d’altre
epoche, frammenti di verità che si dissolvono in polvere se si
prova a riportarli in vita.
- Hai rivisto le statue del terzo piano ? Chiesi a Léo.
- Mentre le guardavo, hanno cambiato posa. Rispose
fissandomi negli occhi.
- Stai scherzano ! Le hai viste bene ? Dovresti sapere che
sono più erotiche che malefiche. Ah  ! Se potessi eliminare
le tue superstizioni. Erano i paggi che vivevano qui, i nobili
valletti, e non queste donne quasi divine che un Medioevo
barbaro chiamava streghe.
- Stregoneria, magia o paggi, non riuscirai a vivere in una
casa alle prese con la terra, decretò Léo.
- Le morti violente lasciano tracce, rincarò suo figlio.
- Questa casa non lotta contro la terra, ribattei esasperata.
Risplende della forza della roccia. Vive sotto la sua protezione.
Ne ho abbastanza di ascoltare i vostri discorsi. Riportate senza
sosta sempre lo stesso argomento  : verità, poi pettegolezzi,
e tutto per delle storie infantili che testimoniano una grande

161
reprenez sans cesse le même processus : vérité, ragot et tout
ça pour les histoires les plus ennuyeuses du monde, toujours
les mêmes et toujours différentes. La tradition orale attribue
ce logis aux Pages de Charles VII, un contemporain de Gilles
de Rais, mais rien n’est prouvé. On n’arrive pas à savoir quoi
que ce soit sur cette maison. Les gens me signalent un puits
nauséabond dans la cuisine, des bruits de hantise dans le
grenier, des voisins malades et estropiés, etc. Et vous affirmez
l’existence de rites sabbatiques parce que deux femmes
jouissent autour d’un taureau…
- D’un bouc !
- … qu’importe ! La vraie origine du monde, ce qui fut la
matière avant tout, est la grotte. Une forme visible dissimule
son évidement, si je puis dire. C’est fait pour que l’on tourne
autour. à époques particulières, on pense à creuser tout cela.
On se souvient, on étudie, on colle avec perspicacité, mais on
fait du faux.
Ces sculptures, je vous le dis, sont récentes. Il y a la date et
le nom du sculpteur gravés à côté des femmes, et on déchiffre
encore cette inscription sous le boa du pressoir.
Là, venez voir ».
Nous avançâmes le long des sculptures et nous lurent cette
inscription :
«Al Sarcy, 1947».
Une expression farouche transforma le visage de Léo.
Pendant quelques secondes, il resta écrasé par d’inexplicables
pressentiments, ressemblant au maçon terrifié par l’éboulement,
parce que les pierres avaient l’air de tomber du ciel pour le
recouvrir. Il est difficile de dire pourquoi les visiteurs ressentent
une attraction inquiétante et s’immobilisent à la façon qui m’a
toujours paru très suicidaire d’un animal paralysé par la peur,
et qui se fige au lieu de fuir. D’autres fois, les gens adoptent

162
ignoranza. La tradizione orale attribuisce questa dimora ai
paggi di Carlo VIII, anche se non riusciamo a avere certezze
su questa casa. La gente mi segnala l’esistenza di pozzi
nauseabondi in cucina, dei rumori inquietanti nel granaio, dei
vicini malati e storpi, e così di seguito. Ed ecco che affermiamo
l’esistenza di riti sabbatici perché due donne godono intorno a
un toro…
- A un caprone !
-… poco importa ! La vera origine del mondo, ciò che fu
prima di tutto la materia, è la grotta.
Una forma scolpita dissimula una cavità ; una forma creata,
il vuoto che la circonda e la aureola.
Tutto è fatto perché gli si giri intorno. Sono necessarie
epoche particolari perché ci si possa consacrare a lavorare la
pietra.
Dopo, ci si ricorda, si scava, si rincollano i pezzi con
ostinazione ma non si fa che costruirli.
Queste sculture, credetemi, sono recenti. C’è la data ed il
nome dello scultore incisi a fianco alle donne.
Si può leggere quest’iscrizione sotto la boa del frantoio.
Là, venite a vedere.
Avanzammo a fianco delle sculture e mostrai loro
un’epigrafe sotto le scale :
«Al Sarcy, 1947».
Un’espressione timida trasformò il viso di Léo. Per
qualche secondo, restò schiacciato da inspiegabili sentimenti,
assomigliava al muratore terrificato, qualche giorno prima,
dallo smottamento. Le pietre erano cadute dal cielo e l’avevano
quasi coperto. Difficile dire perché i visitatori provavano questa
forma d’attrazione, poi s’immobilizzavano dalla paura, come
animali, come un corpo vivo che resta immobile quando vuole
scappare. Arrivano ad adottare un’espressione di supplizio,

163
une mine de supplice, voire un air affolé, comme s’ils étaient
encerclés par des voix, des souffles et des turbulences.
Louis ne pouvait s’être suicidé en 1947. Le brouillage
des dates faisait partie de la mise en scène fabriquée par ceux
qui s’intéressaient à cette maison. Une curiosité inassouvie
les poussait à inventer. J’ai cessé de questionner les gens sur
la chronologie en commençant à comprendre que le récit des
peines et des joies résiste au temps lorsqu’il s’épanche et se
rétracte. Mes questions réactivaient des situations pénibles.
Les uns disaient que le cadavre de Louis avait été retrouvé dans
le parc, les autres qu’il n’était pas vraiment mort. Cet entrelacs
de multiples paroles, c’était le brouhaha obligé pour masquer
un décès inexpliqué, dans une ville où l’égarement confine au
silence.
Soudain, je m’aperçus que fils de Léo était abattu par
l’angoisse. Il s’était affalé sur la table, les yeux fermés, le
visage blême. Son père le secoua avec inquiétude, et cria :
- Qu’y a-t-il ? Pourquoi es-tu si pâle ?
Était-ce la mort violente de Louis, l’ancien propriétaire,
qui le tenaillait, après avoir dépouillé ces lieux et goûté à la
compagnie oppressante des statues  ? Il se leva avec peine
et marcha à reculons vers la porte. On aurait dit que ses
sensations le condamnaient à subir jusqu’à la fin de ses jours
l’envoûtement de la roche.
- Louis a choisi de se donner la mort, certifiai-je pour le
rassurer.
Le jeune homme murmura d’une voix terne, en détachant
chaque syllabe :
- On peut être acculé au suicide.

164
un’aria spaventata, come se fossero circondati da voci, soffi e
turbolenze.
Il confondersi delle date faceva parte della messa in scena
elaborata da tutti quelli che si interessavano da vicino o da
lontano a questa casa. Una curiosità inappagata li spingeva
ad inventare mille fantasie. Smisi di chiedere alla gente
informazioni sulle epoche, essendomi accorta che il racconto
delle pene e delle gioie resiste al tempo quando ci si confida e
si smentisce. Ho anche capito che le mie domande facevano
nascere reazioni penose. Alcuni dicevano che il cadavere di
Louis era stato ritrovato nel parco, altri che questo eccentrico
cineasta non era morto veramente. Questo allacciarsi di mille
parole, era il brusio obbligatorio per nascondere una sparizione
inspiegata, in una città in cui ogni destino confina con il
silenzio.
All’improvviso, mi accorsi che il figlio di Léo era crollato
sulla tavola, occhi chiusi, pallido in volto, così distrutto come
se fosse stato seppellito sotto corpi di pietra. Suo padre lo
scuoteva preoccupato, e gridava :
- Che cos’hai ? Perché sei così pallido ?
Era la violenza del decesso di Louis che lo attanagliava,
lui che aveva svuotato questi luoghi e aveva goduto della
compagnia opprimente delle statue  ? Il giovane si alzò con
fatica e camminò indietreggiando fino alla porta. Si sarebbe
detto che le sue sensazioni lo stessero condannando a subire il
sortilegio della roccia fino alla fine dei suoi giorni.
- Louis ha scelto di darsi la morte, certificai per rassicurarlo.
Il giovane mormorò con voce spenta, accentuando ogni
sillaba.
- Si può anche essere indotti al suicidio.

165
Je me mis à rire - le rire trace un cercle autour de nous et
aucune peur n’y entre. Je renchéris par ces évidences :
- Hitler a procédé comme ça avec Rommel, trop populaire
pour être exécuté. Louis, cet être versatile, s’occupait
impunément de frapper et de tromper sa femme. Croyez-moi !
aucun fantôme n’aurait réussi à pousser au suicide un tel tyran.
Seul l’amour est un crime parfait.
Il me faut mettre un point final à cet échec et vous ne
pouvez rien y faire. Au fond, je regrette de vous avoir laisser
visiter.
C’était au tour de Léo de se montrer sensible aux
émanations de la roche. Il grelottait et transpirait selon les
déplacements de l’air. La mort de l’ancien propriétaire et le
déménagement le hantaient, expériences ineffaçables dont il
refusait de parler. Le contact avec les exhalaisons de la maison
réveilla en lui des impressions à la fois trompeuses et sublimes.
- Quand on a fait le déménagement, articula-t-il avec
peine, cet endroit était invivable. Il y avait une humidité
terrible. La veuve et son amant ont essayé les paillettes, les
déshumidificateurs. Rien n’y a fait.
Le pressoir fourmillait d’araignées. Elles étaient fossilisées
par le salpêtre, ainsi que leurs innombrables nids blancs.
Je frémis à cette évocation.
J’avais trouvé des araignées noires exagérément
développées dans un bocal fermé et observé des araignées
blanches, momifiées par le givre, en nettoyant les parois
rocheuses. L’une d’elles s’étirait entre la roue et la poutre du
pressoir, réseau de fils distordus dans l’atmosphère. Le pressoir
était effrayant, large roue rongée par les vers, mécanique
de supplice ou d’ivresse, suspendue au-delà des carreaux,
immobile derrière nous, le souffle glacial qui s’en échappait,
les moisissures, les souterrains, les corps de pierre…

166
Scoppiai a ridere - il riso traccia un cerchio intorno a noi e
nessuno ci può entrare -, e rincarai, come se andasse da sé :
- Hitler ha operato nel modo in cui ha operato con Rommel,
che era ben troppo popolare per essere giustiziato. Louis, uomo
versatile, si occupava in tutta impunità di destabilizzare e di
tradire sua moglie. Mi creda ! Non è un fantasma che è riuscito
a spingere al suicidio un tal uomo. Solo l’amore è un crimine
perfetto. Devo farla finita con tutte queste storie su Louis, e lei
non può farci niente. In fondo, rimpiango di non avervi fatto
fare la visita della casa.
Ora era Léo a mostrarsi sensibile alle emanazioni della
roccia. Batteva i denti e sudava a causa della corrente d’aria. La
morte del vecchio proprietario ed il trasloco lo ossessionavano,
erano esperienze incancellabili di cui rifiutava di parlare. Il
contatto con i soffi della casa aveva risvegliato in lui delle
impressioni ingannatrici, degli stati d’animo estremi.
- Quando abbiamo traslocato, articolò a fatica, questo
posto era invivibile. C’era un’umidità terribile. La vedova ed
il suo amante cercarono con tutti i mezzi di togliere l’odore
di acqua putrida. Non funzionò nulla. Il frantoio era pieno
di tele di ragni. Erano fossilizzate dal salnitro intorno ai loro
innumerevoli nidi bianchi.
Fremetti dopo questa invocazione. Trovai dei ragni neri in
un boccale chiuso e pulendo le pareti rocciose osservai dei ragni
bianchi, mummificati dalla brina. Uno dei ragni si stendeva
tra la ruota e la trave del frantoio, una rete di fili spiegati
nell’atmosfera. Questo frantoio era veramente impressionante,
una larga ruota tutta rosicchiata, una meccanica di supplizio
o di ebbrezza, sospesa dietro il tramezzo vetrato della cucina,
immobile dietro di noi. Un soffio glaciale passava da una
fessura, carico di muffa. Nello stesso punto si trovavano
l’entrata ai sotterranei e i corpi scolpiti.

167
- Elles reparaissent le soir, conclut Léo.
Les rites de sorcellerie ne m’avaient pas découragée mais
les araignées… Si le chauffage au gaz me laissait quelque répit,
que faire avec les araignées…?
Le père et le fils descendirent le sentier. Ils me laissèrent
en proie à leurs répulsions. Ils le savaient bien. Dehors, ils se
redressèrent. La neige recouvrait la ruelle. Les deux hommes
respirèrent à plein poumon l’air froid où s’esquissait la dureté
des pierres.
Ils tournèrent à l’angle du sentier et de la rue du
Rocher des Violettes, et leurs silhouettes s’évanouirent par
enchantement. C’est étrange, je sentis qu’ils retrouvaient une
audace renouvelée par les heures de fièvre éprouvées près de
la roche. Mais cette complicité ne pouvait pas durer. Elle était
condamnée à s’anéantir dans l’immense dépotoir de zinc, de
carreaux et d’émail traçant la forme de leur exil.

21 novembre 1986 - Léo et son fils m’avaient laissée seule


pour affronter les araignées. Hôtes perpétuels de la maison,
ces insectes innombrables s’étiraient puis se réduisaient en
nid de poussière, leurs corps sans fin se tassant subitement
dans le vide. Les toiles d’araignée se collaient aux vêtements,
balayaient les visages lorsque mille curieux, me lassant de
leur science stérile, venaient auréoler leurs fantasmes en
contemplant pendant des heures les formes rebondies des
statues. Fanfarons, prétentieux, ces visiteurs, ces intrus, m’ont
conseillé de fuir l’humidité, l’enchevêtrement des odeurs et,
avant tout, les araignées.

168
- I ragni ricompaiono la sera, concluse Léo.
I riti di stregoneria non mi avevano scoraggiata, ma i
ragni…? Se il dover istallare un sistema di riscaldamento mi
avesse lasciato qualche tregua, mi sarei incaricata innanzitutto
della disinfestazione dei ragni. Dopo tutte queste critiche, il
padre ed il figlio scesero lungo il sentiero. Mi lasciarono in
preda alle loro fobie e lo sapevano bene. Una volta usciti, si
si drizzarono, forti di una riconquistata singolarità. La neve
copriva le stradine. I due uomini respirarono a pieni polmoni
l’aria brumosa e glaciale, temperata al contatto con la pietra.
Svoltarono l’angolo del sentiero e della strada del Rocher des
Violettes. Le loro sagome svanirono come per incanto.
Stranamente, percepii ch’essi condividevano un’audacia
rinnovata dalle ore di febbre sentite vicino alla roccia. Questa
complicità non sarebbe durata. Mi sembrava condannata a
annientarsi nel vasto deposito di zinco, di piastrelle e di smalto
che mostravano i contorni del loro esilio.

21 novembre 1986 - Léo e suo figlio mi avevano lasciata


sola con i ragni. Senza riguardo, Léo aveva appena regolato i
conti con gli insetti che abitavano la casa. La sua visita aveva
rianimato degli spaventi arcaici. Il regno degli insetti mi
immergeva in uno strano stato. Padroni perpetui della casa, si
espandevano, poi si riducevano in un nido di polvere, i loro
corpi senza fine si stringevano subito, polverizzati. Le tele di
ragno si appiccicavano ai vestiti dei visitatori. I curiosi, mi
stancavano della loro scienza sterile, e venivano a nutrire i
loro fantasmi contemplando per ore le forme voluttuose delle
statue.

169
Les araignées  ! Léo venait de régler ses comptes avec
les insectes vivant dans la maison. Sa visite avait ranimé
l’agglomérat de ces noires présences, écœurantes par la
sensation d’éloignement qu’elles suscitent. L’inconsistance du
règne animal me mettait mal à l’aise.
Qu’allaient m’apprendre les araignées  ? J’escaladai
l’escalier à vis déployant autour de son axe (un mât de navire
fossilisé), une spirale de chêne. Les marches empoussiérées
me cisaillaient les mollets. Sur l’une d’elles reposait un
scarabée mort que les araignées avaient couvert de bave. Dans
l’embrasure d’une fenêtre, un papillon collait l’une contre
l’autre ses ailes inertes devant une toile remplie de moucherons.
Munie d’une balayette et d’une pelle, j’enlevais les toiles,
tantôt filandreuses, tantôt étirées à l’angle d’une paroi, comme
des vasques de poussière trahissant l’au-delà du monde vivant.
Le jeune rouquin avait prédit :
- Vous verrez, elles vous envahiront et là  ! vous serez
obligée de fuir.
Son père avait surenchéri :
- Elles sont recroquevillées comme des edelweiss dans
le givre. Ces crispations montrent qu’elles sont mortes dans
d’horribles souffrances. Crois-moi, elles ne te laisseront jamais
en paix.
Dans quel pays les hommes pensent que le Créateur est
une immense Araignée qui tisse l’univers ?

22 novembre 1986 - Sous la balayette, leurs corps inanimés


ont fondu en poussière. Ils tombaient sur mes cheveux. Une
impression d’enfance me revint. Je sortais de la mer et chassais
un cheveu devant mes yeux, un cheveu qui me chatouillait la
tempe. Dans ma main, le cheveu s’est transformé en araignée.

170
Fanfaroni, pretenziosi, questi intrusi mi consigliavano di
rifuggire l’umidità, l’intrico degli odori, e soprattutto, i ragni.
Cosa mi avrebbero insegnato i ragni ?
Salivo la scala a vite che apriva intorno al suo asse una
spirale di castagno. La mia corsa sulle scale polverose mi
tagliava i polpacci. Su un gradino, vidi uno scarabeo morto
che i ragni avevano intrappolato nei loro fili. Nel vano della
finestra, una farfalla incollava una contro l’altra le sue ali inerti
su di una tela carica di moscerini.
Munita di una testa di lupo, di uno scopino e di una paletta,
tolsi una a una le tele di ragno, filamentose e stirate agli angoli
della parete, come vasche di polvere che tradivano l’aldilà del
vivente.

Il figlio aveva predetto :


- Vedrai, invaderanno la casa, e tu sarai demoralizzata !
Suo padre aveva rincarato :
- Sono accartocciate come stelle alpine nella neve. La loro
tensione mostra che sono morte tra orribili sofferenze.
Mi creda, non la lasceranno mai in pace.
Qual è il paese che crede che Dio sia un ragno che tesse
l’universo ?

22 novembre 1986 - Sotto la testa di un lupo, le tele di ragno


sono fuse in polvere e mi sono cadute sui capelli. Un ricordo
d’infanzia mi tornò in mente. Uscivo dal mare dopo aver fatto
il bagno, e con un gesto, tolsi un capello davanti agli occhi,
un capello che mi solleticava la tempia. Nella mia mano, il
capello si trasformò in ragno. Le sue zampe avevano la forma

171
Ses pattes étaient en forme de cheveux, tordus, cassés, avec
l’apparence de choses inconnues et vibrantes fixées sur nous
malgré le tumulte des corps. Le monstre s’était enfui dans mes
vrais cheveux. Je ne criai pas. Quoi de plus brûlant qu’un cri
retenu…? Je me sentais devenir une vieille femme aveugle et
sourde, allant en répétant :
- Autant mourir dans l’heure !
Les araignées tissaient entre ma peau et la réalité un voile
vivant. Ces choses fébriles, innombrables, fuyaient à toute
allure, chassées par la balayette, avec une célérité qui aurait
dû montrer que ma peur était vaine. Elles fuyaient… comme
la fuite d’un cafard ! Quel mépris pour ces insectes flasques,
insupportables, effrayés de surcroît et si vieux, d’une vieillesse
plus considérable que celle des humains  ! Dire que cela
s’apprivoise  ! Ces bêtes moitié mourantes, moitié hagardes,
sont rétractées dans l’humidité de la grotte. La pensée qu’elles
ont précédé la naissance des humains de centaines de milliers
d’années me donnait une pleine conscience de la situation. Il
y a toutes les chances qu’elles survivent à l’espèce humaine,
promise à être dévorée par les infusoires, les blattes et les
araignées. L’atroce procession funèbre…!
Je résistai à la peur.
Cette peur donne des frissons si matériels, charnels donc…
Je la sentais plus vivace que la peur face aux menaces de
mort de Louis. Une peur normale, en somme, pas de la peur
humaine, comme face au patriarche qui va tuer sa femme et
ses gosses, au voleur qui menace d’un flingue, au nazi posté
devant les chambres à gaz. Pas la peur des tortionnaires, pas la
barbarie «humaine» qui organise les valeurs d’une société dont
l’épanouissement ampute la Nature de ses membres vivaces.
Cette peur était due à mon ignorance de l’animal, à
l’ignorance des associations d’insectes, du plus petit vivant

172
di un capello piegato, rotto, sembravano un corpo sconosciuto
e vibravano fisse sul mio volto. Il ragno era scappato sul mio
viso. Scossi la testa senza gridare. Cosa c’è di peggio di un
grido trattenuto  ? Mi sentivo una vecchia cieca e sorda, che
ripeteva :
- Tanto vale morire, allora !
I ragni tessevano tra me e la realtà un velo vivente.
Quest’insetto febbrile, dalle innumerevoli zampe, che
scappava a tutt’andare, cacciato dallo scopino, con una celerità
che avrebbe dovuto provare che la mia paura era vana. I ragni
scappavano…come gli scarafaggi  ! Che disprezzo per questi
insetti, spaventati e per giunta cosi antichi, di un’antichità
ben precedente a quella degli uomini. E pensare che alcune
persone sono convinte che si possano addomesticare. Queste
bestie che mi sembrano mezze morenti, mezze stravolte,
ritirate nell’umidità della grotta. Hanno preceduto la nascita
degli uomini di centinaia di migliaia di anni e hanno tutte le
probabilità di sopravvivere alla sparizione della specie umana,
promessa di essere divorata dagli insetti. Orrenda processione
funebre...! Resistei alla paura.
Questa paura la danno dei brividi così veri, così carnali !
La percepii più densa, più ricca della paura che provavo di
fronte a Louis. Una paura compatta, molto lontana dalla paura
primitiva che si sente di fronte al bravo padre di famiglia che si
appresta a uccidere i suoi figli e sua moglie, di fronte al ladro
che minaccia armato, al nazista incaricato delle camere a gas.
Non la paura torturatrice, non la barbarie della figura umana
che cerca di servirsi dei codici della società. Era una paura
dovuta alla mia ignoranza del mondo animale, all’ignoranza
stessa delle associazioni di insetti, del sussurro del più piccolo
essere vivente. Affannandomi a distruggerlo, scoprii con
emozione un mondo di insetti devastato dalla sua finalità.

173
venu pour se nourrir de cadavres et tirer sa substance de mon
inertie.
Un monde ravagé par sa finalité : m’écraser.

24 novembre 1986 - Cette peur, l’habitude peut la vaincre.


Les araignées sont là, venimeuses, solitaires. Avais-je
encore assez de peur pour détourner leurs sortilèges  ? En
quoi me dérangeaient-elles ? Une centaine par pièces eut été
insupportable (comme les fourmis). Mais quelques araignées ?
On a inventé la notion de «seuil de tolérance», notion
inquiétante sous-tendant l’intolérance. Qui «tolère» un tapis de
fourmis sur le sol, sans avoir d’acrimonie particulière contre
ces insectes appréciés par d’autres peuples, ceux-là même qui
mangent des scorpions ?
Il y eut cette mygale gavée pendant vingt-deux ans par le
personnel de studios de cinéma à Londres. Quel autre animal
introduire pour dévorer les araignées  ? La mangouste qui
rongeait les entrailles des crocodiles d’égypte, l’ichneumon ?
Prôner l’utilité de ces aranéides, quelle ineptie ! C’est l’autre
face de l’inquiétude que suscite leur agressivité sexuelle.
Agressivité, bien qu’il n’y ait pas de mâle, comme dans
une sur-nature. En fait, le mâle de la veuve noire lui sert de
nourriture.
Je ne m’y trompais pas  : les araignées fuyant dans des
toiles qui piègent des insectes me réveilleront toujours. La
campagne sera toujours portée par cette vie larvaire, patiente et
affairée. Le minimum de vie qui gît dans un logis.

174
Esistevano, senza eccezione, per nutrirsi della passività
umana.

24 novembre 1986 - L’abitudine può domare questa paura. I


ragni sono là, e riflettono la mia solitudine. Avevo ancora in
scorta abbastanza paura per contrariare i loro malefici  ? In
che cosa esattamente mi disturbavano ? Un centinaio a stanza
sarebbe stato insopportabile, ma se fosse stato solo qualche
ragnetto ? È stata inventata la «soglia di tolleranza», nozione
inquietante che sottintende l’intolleranza. Chi potrebbe
sopportare un tappeto di formiche sul suolo, senza provare
una particolare acredine contro questi insetti che sono invece
apprezzati da altri popoli, che addirittura li mangiano ?
Pensavo alla celebre migale rimpinzata per ventidue anni
dal personale dello studio di un cinema a Londra. Quale altro
animale introdurre per divorare i ragni ? Sapevo che, secondo
Erodoto, nell’antico Egitto la mangusta rosicchiava le interiora
dei coccodrilli, ichneumon, ma oggi non sarebbe stata di alcuna
utilità.
Lodare l’utilità di questi ragni, che sciocchezza  !
L’aggressività sessuale delle femmine spaventa i maschi.
Aggressività provocata da un maschio rachitico. Infatti, il
maschio della vedova nera poi le serve da nutrimento.
Non mi sbagliavo, i ragni rannicchiati nelle ragnatele
che intrappolavano gli insetti mi svegliavano tutte le notti.
La campagna sarà sempre retta da questa vita primitiva, di
paziente febbrilità. Il minimo di vita che infesta una dimora.

175
3 décembre 1986 - Dans la chambre du mort fraîchement
restaurée, des cauchemars m’assaillirent. J’avais rempli cette
pièce de papiers, de vêtements et de meubles, amassant un
capharnaüm indescriptible dans ce triangle de lumière qu’on
discernait de l’autre rive de la Loire. Des voix multiples me
harcelaient. Je fourmillais d’insectes et me sentais dévorée
par les vers. Sans parler des sueurs froides, comme des fièvres
amibiennes. Ces tensions inexplicables terrassaient mon corps
livré aux visions d’animaux. Les bêtes montraient leurs crocs
avant de s’enfuir en hurlant. Leurs têtes étaient grosses, donc
proches. Ces visions issues de mes lectures confinaient à
l’hallucination. Une veilleuse allumée toute la nuit m’apaisa.
Mon corps était exsangue et se calmait peu à peu sous
l’effet de la lumière. Mon corps… nerfs, chair et poils  !
cinquante kilos !
Ce poids déformait à peine le vieux matelas sur lequel
des heures durant, il restait allongé. Extérieurement inerte,
mais réparti en trois centres névralgiques  : le cerveau, l’œil
et le souffle. Ce corps fédérait des pensées menacées par
l’écroulement du monde.
- Comment éprouver tant d’inquiétude en représentant
une masse si infime sur la planète, me disais-je. Cinquante
kilos dans l’univers, cinquante kilos et les hordes de monstres
invertébrés vivant dans cette maison ? Allaient-ils avoir raison
de moi, réussir à m’imposer leur vivacité fébrile qui se jouait
de mon existence ?

28 décembre 1986 - Cette nuit, les bruits de la maison m’ont


privée de sommeil. La fuite fulgurante des araignées se déroulait
dans un bruissement imperceptible, qui se rapprochait et me
faisait l’effet d’une liqueur glaciale coulant sous ma peau. Des

176
3 dicembre 1986 - Nella camera del morto fresca di restauro,
mi assalirono gli incubi. Avevo riempito quella stanza di
carte, vestiti e mobili, creando un’accozzaglia incredibile in
questo triangolo di luce che si vedeva dall’altro lato della
Loira. Molteplici voci mi interrogavano. Temevo la presenza
di insetti nella stanza. Mi sentivo consumata dai sudori freddi,
uguali a quelli tipici delle febbri amebiche. Delle tensioni
inesplicabili affliggevano il mio corpo, mentre il mio spirito
traboccava di visioni di animali. Le bestie mostravano le loro
zanne prima di scappare urlando. Queste visioni, esito delle
mie letture, confinavano con l’allucinazione. Solo con una
lampada accesa tutta la notte riuscì a rasserenarmi. Il mio corpo
si tranquillizzava poco a poco sotto l’influenza del nitore.
Il mio corpo…nervi, carne e peli !
Cinquantacinque chili  ! Il mio peso deformava appena
il vecchio materasso sul quale restavo sdraiata per ore. Il
mio corpo inerte era allora ripartito in tre centri nevralgici  :
il cervello, l’occhio e il respiro, tre parti che riunivano dei
pensieri minacciati dal crollo del mondo.
- Come provare tanta inquietudine se io rappresento una
massa così infima sul pianeta, mi chiedevo. Cinquantacinque
chili nell’universo, cinquantacinque chili e le orde di mostri
invertebrati che vivono in questa casa ?
L’avranno vinta loro ?
Riusciranno a impormi la vivacità febbrile che agisce sulla
mia esistenza ?

28 dicembre 1986 - Stanotte, i rumori della casa mi hanno


impedito di dormire. La fuga improvvisa dei ragni si svolse
con un rumore impercettibile, che si faceva sempre più vicino,
e che faceva l’effetto di un liquore ghiacciato che colava sulla

177
milliers de moucherons gisaient sur le sol. Les cheveux défaits,
les mains agrippées aux draps, je sentis une chose putride
effleurer mon bras. Une main, j’en suis sûre, me saisit par les
poignets. Elle me serrait fort, elle était lourde et visqueuse.
Je vis cette main remonter sur ma poitrine et sortir des draps.
Une main qui me happait vers les ténèbres, qui m’attirait
vers des enfers innommables. Un instant, elle faillit gagner,
m’emportant hors du lit avec une lenteur extrême. Impossible
de crier  ! Je sentais un abîme cotonneux et intangible. Je ne
pouvais plus respirer. La sueur collée à ma peau se transforma
en une cuirasse.
Les rongeurs opéraient tandis que les moineaux poussaient
de petits cris stridents. Les moineaux… leur chant redevient
mélodieux sous l’œil du soleil. Cette nuit-là, le chant d’une
fauvette fit un vacarme monstrueux. Il était impossible qu’une
petite chose aux plumes si douces puisse hurler à ce point. Une
fine pointe de bois devrait transpercer ce gosier déployé. Un
bataillon de chauvesouris allait s’abattre sur ce piaf hurleur.

6 janvier 1987 - Un ami avait apporté une armoire du XVIIe


siècle qui gisait en pièces détachées dans la salle des lianes. Ce
meuble en morceaux était habité par les vers. C’était un puzzle
qui exigeait une grande capacité d’abstraction pour redevenir
un objet utile, une forme définie - les meubles résultent
d’un prodigieux travail d’emboîtement. Les gens d’Alep ne
s’encombraient pas de tels meubles, mais se donnaient autant
de mal en incrustant de la nacre de mer ou de rivière dans des
panneaux d’ébène. Il fallut coucher l’armoire sur le sol pour
réussir à assembler les bouts de bois équarris et luisants, qui
allaient protéger les vêtements de l’humidité. Au moment où

178
mia pelle. Migliaia di moscerini giacevano al suolo. I capelli
disfatti, le mani afferrate alle lenzuola, sentivo qualcosa di
putrido sfiorarmi il braccio. Una mano, ne ero sicura, mi strinse
i polsi. Mi stringeva forte, era pesante e viscida. Vidi questa
mano risalirmi sul petto e uscire dalle lenzuola. Una mano che
mi afferrava nelle tenebre per attirarmi in indicibili inferni. Ad
un momento, quasi vinse, trascinandomi fuori dal letto con una
pesantezza estrema. Impossibile gridare  ! Sentivo un abisso
stopposo e intangibile. Non riuscivo più a respirare. Il sudore
incollato alla fronte si trasformò in carapace benefico.
I roditori agivano mentre dei passeri emettevano grida
stridenti. I passeri… il loro canto ridivenne melodioso grazie
alla magia del sole. Quella notte, il canto di una capinera
faceva un baccano mostruoso. Era impossibile che una piccola
bestiola dal piumaggio così morbido potesse urlare a un tal
volume. Finii per augurarmi che una finta punta di legno
andasse a trafiggere quella gola spiegata. E se un battaglione di
pipistrelli si fosse abbattuto contro quest’uccello urlatore ?

6 gennaio 1986 - Un amico mi portò un armadio del XVII


secolo che giaceva, smontato, nella sala del secondo piano, non
lontano dalla mandragora e dalle liane scolpite. Questo mobile
in pezzi era patinato dal tempo. Era un puzzle che esigeva una
grande minuzia per ritornare ad essere oggetto utile, una forma
definita - i mobili erano il risultato di una superba operazione
di incastro. Gli abitanti di Aleppo non si portavano appresso
tali mobili, ma si davano tante difficoltà a intarsiare della
madreperla in dei pannelli di ebano che mi sarebbe piaciuto
poter portare a Amboise. Con l’aiuto di un amico, riuscii a
rimontare l’armadio. Fu necessario poggiarlo a terra per poter

179
l’on pense avoir réussi, la forme déçoit : elle a révélé le secret
de ses origines.
La maison, à l’instar de cet objet, était émiettée. Emboîter
un morceau dans un autre signifiait qu’une forme virtuelle
donne son sens à la matière. Je réussis, avec l’aide de l’ami,
à remonter l’armoire. Un insecticide éradiqua les vers qui
menaçaient de réduire le meuble en poussière. L’armoire était
présente comme le cœur de la maison, où chaque chose est
à sa place. Intemporelle, elle freinait l’altération des lieux,
l’anesthésie, le lent travail de désintégration.
Ce travail d’assemblage me donna de l’assurance.
L’armoire resplendissait, lumineuse, imposante. L’éclat du jour
se reflétait sur ses portes. Les cauchemars, ou les visions - que
je ne sais pas déterminer - vont être tenus à distance.

23 février 1987 - Vers la fin de l’hiver, je m’aventurai dans


le parc. Sur ces hauteurs, la présence nonchalante des arbres
m’incitait à rassembler mes idées éparses. Un grand cèdre
couleur de suie bleutée, un des plus beaux arbres du parc,
conservait dans ses branches régulièrement étagées les
bruissements de la maison, tandis que le vent pliait les herbes
rases qui grandiraient d’un mètre au printemps.

180
assemblare i pezzi di legno squadrati e lucenti. Avrebbero
composto una cassapanca che avrebbe protetto i miei vestiti
dall’umidità. Ma, dall’istante in cui si pensa aver ricomposto
l’oggetto, la sua forma compiuta ci disincanta. I suoi pezzi
disassemblati, pietosi e pesanti, hanno tradito invano il segreto
delle loro origini.
Al posto di questo mobile, la casa era stata messa sottosopra.
L’incastro di un pezzo di legno in un altro mi rivelò che una
forma fittizia può dare un senso alla materia più elementare.
Alla fine, un insetticida sradicò i vermi che minacciavano a
lungo andare di distruggere l’armadio. Questo mobile era
così presente, nel cuore della casa, che faceva pensare a un
leone drizzato sulle zampe posteriori che esibisce un ventre
completamente liscio. All’interno di questa superficie lustra,
ogni oggetto avrebbe trovato il posto che gli conveniva. Ero
persuasa che quest’ordine avrebbe rallentato l’alterazione dei
luoghi, il lungo lavoro di smembramento.
Questo compito senza tempo, questa missione di
assemblaggio, assunse ai miei occhi un’importanza
inestimabile. L’armadio splendeva, riunificato, richiuso in
sè stesso per accedere all’essenziale. Lo scoppio del giorno
si rifletteva sulle sue porte. Gli incubi promossi al rango di
«visioni» - devo ancora distinguerli  ? - , sarebbero stati
mantenuti a distanza.

23 febbraio 1987 - Verso la fine dell’inverno, mi azzardai a


scoprire il parco, protetto dalle mura di cinta. Sulle colline, la
presenza indolente degli alberi rallegrava le mie idee. Il grande
cedro bluastro, color fuliggine, uno dei più begli alberi del
parco, sembrava preservare nei suoi rami disposti regolarmente
i fremiti della casa. Il vento piegava l’erba rasa, che crebbe di
un metro in primavera.

181
Ce parc à demi sauvage, cette terre limoneuse, profonde et
fertile me comblaient en répandant l’impression d’une totalité.
À chaque promenade, je découvrais de nouveaux détails qui
m’émerveillaient, je marchais sur des stèles recouvertes de
mousse ou retrouvais la trace des allées disparues sous les
fleurs - violettes, coucous, giroflées -, écloses naturellement au
rythme des saisons.
Des corbeaux s’envolèrent en croassant. Tout à coup, une
des branches latérales du cèdre cassa et tomba devant moi. Il
était impossible que ce phénomène se soit produit tout seul. Les
aiguilles du cèdre dépassaient les cimes des marronniers dans
un luxe de végétation brillante. Abritée par les branches qui,
selon l’expression consacrée, «faisaient la table», je me sentais
protégée du monde. Les visiteurs contemplaient avec intérêt
la haute silhouette de l’arbre dont les branches enserraient des
morceaux de ciel. Cette masse en éveil paraissait toute prête
à se refermer sur eux. Les fruits ovoïdes ressemblaient à de
petits cerveaux bleus, avec des strates plus rapprochées que les
strates d’un cerveau humain.
Quelqu’un se laissa tomber de l’arbre. Les ouvriers avaient
eu raison de m’avertir  : ce parc couronnant la maison était
constamment visité. Les portails s’ouvraient tout seuls, une
bonne partie des adolescents d’Amboise passait par-dessus le
mur, venant casser et voler en s’amusant à chasser les corbeaux
- quoi de plus attrayant qu’un parc abandonné ?
Je reconnus l’adolescent des ruines. Il s’avança vers moi
en clopinant, mais accrocha ses pieds aux ronces et revint
appuyer ses mains blanches sur le tronc majestueux du cèdre.
Il articula avec peine :
- J’ai été mordu par une vipère.
Accident banal, pensai-je, excepté qu’il allait mourir sous
cet arbre si on ne lui injectait aucun remède.

182
Il parco scurito dall’inverno, la vegetazione abbondante,
tornata selvaggia, la terra limacciosa, profonda e fertile,
mi diedero un’impressione di equilibrio. Nel corso della
passeggiata, scoprii delle particolarità la cui eleganza e mistero
mi meravigliavano, perché ero sicura che traevano la loro
forza dall’unità del luogo. Così, camminai sugli steli coperti di
muschio, ritrovai la statua di Venere, da dove zampillavano i
getti d’acqua di una fontana, e la traccia dei sentieri spariti sotto
i fiori, violette, narcisi, violacciocche, millepertius, schiuse in
disordine, al ritmo delle stagioni.
Dei corvi si alzarono in volo gracchiando. Improvvisamente,
uno dei rami laterali del cedro si ruppe e cadde davanti a me.
Fenomeno spontaneo  ? Ripensai ai numerosi visitatori che
contemplano con interesse l’alta figura dell’albero i cui rami
richiudevano pezzi di cielo. Le guglie del cedro superavano
le cime dei castagni nel lusso di una vegetazione brillante.
Protetto dai rami che facevano da tetto, ci si sentiva protetti dal
mondo. Quest’albero in risveglio pareva pronto a chiudersi con
un gesto maestoso per proteggere gli altri vegetali. I suoi frutti
ovoidi sembravano dei piccoli cervelli blu, con circonvoluzioni
più ravvicinate che quelle di un cervello umano.
Qualcuno si lasciò cadere dall’albero. Gli operai avevano
avuto ragione di avvertirmi : il parco che sovrastava la casa era
visitato costantemente. I portoni si aprivano da soli, e una buona
parte della gioventù di Amboise saltava al di spora del muro e
veniva a fare atti vandalici nel parco, divertendosi a cacciare i
corvi. Cosa c’è di più attraente di un parco abbandonato ?
Riconobbi l’adolescente che avevo incontrato
sull’altipiano. Venne verso di me zoppicando. Inciampò con i
piedi nei rovi e fu obbligato ad appoggiare le mani bianche sui
tronchi maestosi del cedro. Articolò con fatica :
- Sono stato morso da una vipera.

183
Il avait un regard fixe, comme la nuit où il m’avait effrayée,
rue Léonard Perrault. Il avait la même chevelure diaphane et
portait le même gilet rouge et or que le mannequin du dépotoir
de Léo. Ses souliers étaient maculés de boue.
- La ressemblance est si frappante, murmurai-je, que vous
me donnez l’impression de venir de ce dépotoir ! S’il n’y avait
cette blessure à la jambe, je croirais…
Ma voix s’étrangla. Cette fois, il resta face à moi. Il
m’adressa un regard inoubliable. En ses yeux demeurait
une trouée de ciel bleu. Une expression de gêne rembrunit
son visage. Tout ce qu’il ressentait s’imprimait sur ses traits
idéalement purs.
- Je voulais vous connaître… Il poursuivit : Cette morsure,
c’est faux. Je ne cours aucun risque. Je ne suis pas de ce monde.
Il restait immobile contre le cèdre, plus réel que l’ombre
nocturne de la rue Léonard Perrault. Pourquoi m’avait-il
exhibé un portrait de fantôme ? Il cherchait à me rencontrer. Je
renonçai à lui demander ses raisons et parlai d’autres choses :
- Vous savez qu’ils jettent des vipères par paquets ? Des
sacs entiers de vipères ! Elles s’entretuent et s’étouffent.
- Qui fait ça ? demanda-t-il.
- Ceux qu’effarouche la disparition de la Nature...
- Ils veulent rétablir l’équilibre disparu.
- Vous êtes sûr que vous ne souffrez pas ?
Il sourit :
- Ne cherchez pas d’explication à ma présence. Connaissez-
vous Les proportions du corps humain d’après Vitruve ?
- Bien sûr, c’est un dessin à la plume que Léonard de Vinci
a exécuté vers 1492.
Vous pouvez le voir à l’Académie de Venise. Un homme
avec quatre bras et quatre jambes déployés dans un cercle et
dans un carré.

184
- Increscioso incidente, risposi, perché non potrà più
camminare se non si interviene immediatamente.
Il suo sguardo era fisso, come l’altra volta, la notte in cui mi
aveva spaventata, in rue Léonard Perrault. La sua capigliatura
diafana e il suo gilet rosso e oro sembravano quelli del
manichino che avevo intravisto nel deposito di Leo. Le sue
scarpe erano maculate di fango.
- La somiglianza è così sorprendente, mormorai, che lei
mi da l’impressione di venire da casa di Léo. Se lei non fosse
ferito alla gamba, crederei che lei sia una creatura sovrumana.
Un paggio, un automa…
La mia voce si strinse in fondo alla gola. Questa volta,
era di fronte a me. Mi indirizzò uno sguardo indimenticabile.
Nei suoi occhi sussisteva un varco blu cielo. Un’espressione
infantile gli abitò il volto.
Tutto ciò che sentiva gli si imprimeva sui tratti
perfettamente puri.
- Volevo conoscerla… Continuò : Questo morso è
inventato. Non corro alcun rischio. Lei ha ragione, io non
vengo da questo mondo.
Il giovane restò immobile contro il cedro, più reale
dell’ombra notturna della via Léonard Perrault, che mi aveva
mostrato il ritratto di un fantasma.
Cercava di conoscermi ?… Rinunciai a capirlo e gli parlai
d’altro :
- Lei lo sa che si dice che gli ecologisti gettano vipere in
grandi quantità. Dei sacchi pieni di vipere buttati da elicotteri.
Altri sostengono che si uccidano tra di loro e si soffochino nei
sacchi stessi, prima di toccare il suolo.
- Chi farebbe tutto questo ?
- Tutti quelli che si preoccupano per la distruzione della
Natura.

185
- Je ne suis pas un déraciné, un intrus qui aurait atterri par
hasard chez vous. Je calque ma vie sur ce dessin.
Sa voix résonnait étrangement, doucement, illuminée
par une force vitale dans laquelle, j’en avais le sentiment, on
pouvait puiser des capacités d’élévation propres à détruire les
peurs. Saisissante par les intuitions qu’elle contenait, cette voix
élargissait l’univers de la maison. Une certitude s’imposa : cet
adolescent était éblouissant pour avoir banni des épaisseurs
de son cerveau les mensonges qui emprisonnent à jamais.
Grâce à cette pureté de conscience, l’atrocité du combat et du
malheur, toutes ces guerres que j’ai fuies ne risquaient plus de
me déposséder de ce lieu.
Tout à coup, de grandes rafales de vent changèrent
l’apparence de cette statue vivante. Son visage prit une teinte
orangée et rayonna d’une profonde intériorité. La force du vent
nous entraîna le long de la pente, jusqu’en haut des escaliers.
L’édifice des Pages se déployait le long de la roche, élevé, mais
invisible de l’endroit où nous étions. On voyait seulement un
atelier en ruine dont le toit en pente coiffait la maison et qu’on
nommait «l’observatoire des Pages».
Je poussai la lourde porte en chêne. L’escalier creusé dans
le roc s’ouvrait comme une gorge tiède, palpitante, couleur de
miel, susceptible de nous avaler dans ses méandres. Entrer dans
la maison avec cet être signifiait me fondre en son envoûtante
personnalité, et ne plus être seule dans cette maison pareille à
corps de femme. J’avançai incrédule sur les marches de bois,
m’arrêtai et me tournai vers lui :
- Vous ressemblez à un Page, dis-je en le regardant, un
Page qui ne connaîtra pas le vieillissement. Une invention de
Léonard !
L’adolescent se tenait sur une margelle rectangulaire
située à mi-étage entre l’escalier et l’observatoire. Il descendit

186
- Vogliono senza dubbio ristabilire l’equilibrio sparito.
- È sicuro di non sentire male alla gamba ?
- Non cerchi una spiegazione alla mia presenza. Conosce
«Le proporzioni del corpo umano secondo Vitruvio ?»
- Si tratta di un disegno a penna che Leonardo da Vinci
realizzò intorno al 1492. È conservato al Museo dell’Accademia
di Venezia. Un uomo doppio, con quattro braccia e quattro
gambe aperte all’interno di un cerchio e di un quadrato.
- Non sono uno sradicato, un intruso che si è avventurato
per caso nella sua proprietà. Io mi sforzo di corrispondere al
disegno che riassume l’armonia del mondo.
La sua voce vibrava musicalmente, una voce dolce in cui
risuonava una vitalità nella quale, lo sentivo, si sarebbe potuto
attingere a delle capacità di elevazione proprie ad annientare
le paure. Sorprendente per le intuizioni che provocava, questa
voce elargiva l’universo della casa. Una certezza si impose,
questo giovane ispirava un certo rispetto per la sua presenza
insolita. Grazie alla purezza della sua coscienza, i conflitti che
tentai di schivare non riuscivano più a privarmi di questa casa.
Ad un tratto, delle grandi raffiche di vento mutarono
l’apparenza di questa statua vivente. Il suo volto assunse un
colore aranciato e risplendette di una profonda interiorità.
La forza del vento ci trascinò lungo il pendio, fino alle scale.
L’edificio dei Paggi si spiegava lungo la roccia, alto ma non
visibile da dove eravamo. Si vedeva un atelier in rovina il cui
tetto a punta pettinava la casa, l’ «Osservatorio dei Paggi».
Spinsi la pesante porta di castagno. La scala scavata
nella roccia si apriva come una gola tiepida, palpitante, color
del miele, capace di ingurgitarci nei suoi meandri. Entrare
in casa con questo individuo significava non essere più sola
nell’immensità dei luoghi. Avanzai incredula sugli scalini di
legno, mi fermai e mi voltai verso di lui :

187
agiliment les premières marches, en longeant le roc qui servait
de mur extérieur. Son visage à la peau blanche proposait un
pétroglyphe avec des ornements, quelque chose de romancé. Il
se présenta sous un nom fleur et d’or, sentant la fraîcheur des
lacs qui recueillent les rayons de la lune, Narcisse.
D’un signe, j’arrêtai sur ses lèvres les mots d’explication
qui mettraient fin à ce songe ou accéléreraient le passage à un
autre état. Pris d’une grande confusion, il ferma les yeux, alors
que je n’éprouvai aucune une peine à me régler aux ondes de
sa présence.
- Vous êtes différent des adolescents du passé auxquels
vous ressemblez, dis-je. Si c’est bien Léonard de Vinci qui
vous envoie, je veux croire en cette illusion.
Narcisse passa devant moi et descendit l’escalier avec une
incroyable légèreté. À l’instant où je me coupai du monde, un
être étrange venait s’accorder aux lignes vertigineuses de la
maison, et je le laissais devancer toute attente. Il m’apportait
les couleurs et les sons d’un lieu où je commençais à retrouver
des émotions normales. L’idée qu’il m’effleurait depuis des
mois pour tenter de lier connaissance m’était agréable. Cette
constance avait la douceur d’un coucher de soleil au-delà du
pont, au lieu de la vacuité dévastatrice des personnalités sans
unité.
Quelle était l’âme de cet adolescent  ? Il déclara être
peintre, mais je ne le crus pas. Nous parlâmes de notre
admiration pour Léonard de Vinci, pour la diversité de son
œuvre, pour l’équilibre magnanime qu’elle établit entre le
chaos et l’harmonie céleste.
« Le rôle de l’intelligence dans la peinture de Léonard a
un pouvoir thaumaturgique qui m’attire irrésistiblement  »,
affirma-t-il. Il énonçait ses jugements en souriant, sans se
départir d’une expression élégante, quelque soient les réserves

188
- Lei sembra un Paggio  ! Anzi, meglio ancora, a
un’invenzione di Leonardo da Vinci, esclamai.
Il giovane si teneva su una vera rettangolare situata a metà
del piano tra la scala e l’osservatorio. Scese agilmente i primi
gradini lungo la roccia che formava il muro interiore. Il suo
volto dalla pelle bianca rimaneva irreale. Si fece conoscere
sotto un nome che si spandeva la freschezza dei laghi in cui si
accumula la luce, Narciso.
Con un gesto, fermai sulle labbra le parole che avrebbero
dovuto mettere fine all’incanto. Preso da confusione, chiuse
gli occhi. Mi resi conto che mi stavo abituando bene alla sua
presenza.

Narciso mi passò davanti e continuò a scendere le scale


con un’incredibile leggerezza. Nel momento in cui mi tagliavo
dal mondo, uno strano essere veniva ad accordarsi alle linee
vertiginose della casa. Qualunque fossero le sue intenzioni, lo
lasciai precedere le mie aspettative. Incarnava il luogo in cui
io cominciavo a ritrovare le emozioni quasi legittime. L’idea
che mi stesse osservando da mesi per cercare di legare la
conoscenza mi era piuttosto piacevole. Questa costanza aveva
la dolcezza di un fatto reale, di un tramonto al di là del ponte,
e si opponeva alla pesantezza devastatrice dell’anima distrutta
di Louis Deville. Qual era l’anima di questo adolescente  ?
Si diceva essere pittore, e aggiunse subito che esercitava
dieci mestieri, come gli uomini completi del Rinascimento.
Parlammo della nostra infatuazione per Leonardo, per la
diversità della sua opera, e per l’equilibrio ch’essa istaura tra
l’esacrazione e l’armonia celeste.
- La preminenza dell’intelletto nella pittura del Maestro
Toscano ha un ruolo taumaturgico, affermò Narciso. Ecco da
dove deriva il suo fascino irresistibile.

189
que j’apportais à des propos qui n’étaient pas provocants mais
se laissaient distinguer.
Nous bavardions en descendant jusqu’à la porte de ma
chambre au troisième étage. La lumière orangée du couchant
tremblottait sur les parois rocheuses, entourait Narcisse et les
statues pour les animer. Sa voix rejoignait leur plantureuse
composition.

1er mars 1987 - Narcisse s’en est pris aux visiteurs qui
n’avaient de cesse d’envahir la maison. Il cherchait à réveiller
leurs sensations devant les statues et les escaliers de pierre. Il
leur parlait de façon polie mais en adoptant un ton n’admettant
aucune réplique. Sa présence fit déguerpir tous ceux qui
abordaient l’endroit avec de mauvaises intentions.
Le contraste de ces êtres chicaneurs et l’assurance de
Narcisse me rendit à la fois plus assurée et plus combative.
Les visiteurs habitués à mêler leurs reniements à tout ce qui est
resté intact et beau s’arrangeaient pour avoir l’air respectable,
plus respectable que les adolescents qui s’était plu à maculer de
sang les murs du premier étage. Ils affichaient une apparence de
droiture. Dès qu’ils pénétraient dans la cuisine, les altercations
fusaient. Les présences du dehors généraient des conflits. Il n’y
avait pour ainsi dire personne pour ne pas se plier au diapason
général, personne de vraiment estimable. Je dus redoubler
d’efforts pour que le climat austère du lieu ne m’incite pas à
les considérer comme des larves à recouvrir d’huile bouillante,
ou de larges araignées qui, une fois écrasées, m’auraient fait
passer pour folle, ou étrangère, perpétuellement étrangère
dans un monde aux échos indésirables. Pour préserver ma

190
Enumerava i suoi giudizi sorridendo, senza perdere la sua
espressione raffinata, nonostante le riserve che potevo portare
ai suoi pensieri.
Discutemmo scendendo fino alla porta della mia stanza al terzo
piano ? La luce arancione del tramonto vacillava sulle pareti
rocciose. Circondava Narciso e le statue come ad animarle. La
voce del giovane uomo aveva come alone la superficie della
pietra.

1er marzo 1987 - All’inizio, Narciso se la prese con i visitatori


che continuavano a invadere la casa. Cercava di risvegliare
le loro sensazioni davanti alle statue e alle scale di pietra, e
parlava loro in modo educato ma sempre adottando un tono che
non ammetteva repliche. La sua presenza scoraggiò in fretta
gli intrusi.
Il contrasto tra questi essere indesiderabili e la sicurezza
di Narciso mi rese più combattiva. Gli intrusi attratti da
tutto ciò che è rimasto intatto e bello, coscienti del valore
del posto, si sistemavano per dare l’impressione di avere
un’aria rispettabile, più degna dei vandali che si divertivano
a macchiare di sangue i muri del primo piano. Ostentavano
un’aria di grande rispettabilità. Ma non appena entravano in
cucina, il loro comportamento cambiava. Facevano domande
indiscrete, ed i loro commenti rasentavano l’irragionevolezza.
Ebbi l’impressione che le presenze fuori generassero esse
stesse dei conflitti. Tutte queste persone si piegavano al
diapason generale, e non c’era nessuno di veramente degno
di stima. Dovetti fare il doppio dello sforzo affinché il clima
austero del luogo non mi incitasse a respingere gli intrusi con
violenza. In un’altra epoca, gli abitanti della casa li avrebbero

191
tranquillité, je barricadai les volets et décrochai le téléphone.
La maison sembla inhabitée.

5 mars 1987 - L’arrivée de Narcisse eut pour effet de réduire


les tensions suscitées par les agressions du dehors. Le
sens des visites s’est révélé clairement. Ces profanations
préparaient à l’apaisement de la roche, constituant une étape
vers la tranquillité annoncée par Narcisse. Lui seul avait la
capacité d’innover dans le monde de la roche. Ses certitudes
le remplissaient d’intelligence et elles insufflaient un véritable
bien-être. Sa voix faisait corps avec la maison. Débordant de
prestige et d’attrait, cette voix captait les sympathies, les vertus
élevées et discrètes de la vie intérieure. C’était un chant qui
avait le pouvoir de me ramener à la vie. Je sentais resurgir, en
l’écoutant, le grand calme terrestre. Nouant avec moi une sorte
d’engagement moral, il insista pour que je sorte de l’inertie, de
l’accablement formant les brouillons dérisoires de mon mode
de vie. Voici le sens de nos propos :
- Le destin, c’est la volonté alliée à la providence, disait-il.
Ne cherche pas à modifier le monde, déchiffre-le, interprète ses
signes ! Si tu peux les unir à ta volonté, tu ne te tromperas plus.
- Pour quoi faire ? répondais-je avec lassitude. Tu connais
la joie extrême puisque tu es libre de partir, à toute heure. Le
temps coule sur toi. J’enrage de voir les limites du calendrier.
La fuite du temps est le dérèglement fondamental.
- Certes  ! pour l’éviter, vis au-delà de tes perceptions  !
Oriente-toi vers un but qui sera la réponse à ta description du
monde. Tu connaîtras un épanouissement et tu franchiras en un
jour des distances qui ne t’ont rien apporté jusqu’à ce jour.

192
accolti spandendo sulle loro teste olio bollente. La risposta
estrema, anche per me, perpetuamente straniera in un mondo
dall’eco indesiderabile. Per preservare la mia tranquillità, mi
accontentai di barricare le finestre e di staccare il telefono. La
casa ebbe l’aria inabitata.

5 marzo 1987 - L’arrivo di Narciso ridusse le tensioni suscitate


dalle aggressioni esterne. Oggi, il senso delle visite si è rivelato
chiaramente. Queste intrusioni mi predisposero al conforto
della casa, costituendo un momento di tranquillità annunciato
dall’arrivo di Narciso. Lui solo aveva la capacità di innovazione
in quest’ambiente. Le sue certezze lo riempivano d’intelligenza
e mi infondevano un senso di benessere. La sua voce era un
tutt’uno con la casa. Traboccante di prestigio e di attrazione, la
sua voce captava le simpatie, le virtù irreprensibili e discrete
del distacco interiore. Le armonie di questo canto avevano
il potere di far tornare in vita. La grande calma terrestre,
ascoltandolo, si amplificava. Stringendo con me una specie di
patto morale, Narciso insistette affinché io abbandonassi il mio
stato di inerzia, di scoraggiamento creati dai pasticci derisori
del mio stile di vita. Ecco a grandi linee il senso della nostra
conversazione  :
- Il destino, è la volontà legata alla provvidenza, diceva lui.
Non cercare di modificare il mondo, decifralo, interpreta i suoi
segni  ! Se tu potessi unirli alla tua volontà, non ti sbaglierai
più.
- Per fare cosa ? Risposi stancamente. Tu sai cos’è la gioia
estrema perché sei libero di andartene, in ogni momento. Il
tempo cola su di te, mentre io sono stanca di vedere i giorni
scorrere. La fuga del tempo è il fondamentale sregolamento.
- Certo ! Per evitarlo, guarda al di là delle tue percezioni !
Orientati verso una stabilità che sarà la risposta alla tua

193
11 mars 1987 - Hors de ce havre de paix, l’univers se détériorait.
L’époque répandait son désordre dans des esprits pressentant
l’imminence d’une révolution, ou voyant naître dans un déclin
irréversible les métaphores du futur.
Sous le règne de la discorde, de la corruption et des
palabres, toute conduite visant à protéger les sens, l’intuition,
l’émotion, constituait une gageure. La roche renouvelait
chaque jour le monde sensoriel, l’élevant à un degré élevé.
Je sentais les voûtes de pierre exsuder au-dessus de ma tête
en des impressions d’infini, de stabilité et d’effusion tendre.
J’éprouvais des mouvements d’âme dépassant les sentiments
d’amour. L’emprise de la matière, les transports de désir et les
passions humaines faisaient figure de pantins excités, livrés
aux tourbillons du dehors.
Dans les pièces de la maison, le calme régnait grâce à la
sérénité de Narcisse qui rendait notre voyage intérieur exempt
de déchirement et de séparation.
Sa voix résonnait dans les pièces et me prodiguait des
conseils. Il connaissait les pôles de la terre. Jour après jour,
il essayait de développer mes sens pour que je perçoive les
impulsions de la maison et retrace la topographie du lieu.
- Vis le plus près possible de la pierre ! Ses changements,
sa cadence te donneront des sensations exaltantes.
- Je ne connais pas la roche. Je crains qu’elle n’amplifie la
mémoire. Ça me fait penser aux djinns qui sommeillent dans
les maisons d’Alep. Les gens croyaient qu’ils éteignaient les
lumières et guettaient leurs pensées. Heureusement, la clarté
de la Loire m’attire vers les baies vitrées, vers la lumière du
ciel. J’ouvre les fenêtres et j’aime regarder les changements de
l’eau au fil des heures. As-tu vu l’unique barque de pêcheurs
immobile au milieu du fleuve ? Il faudrait faire comme eux. Je
crois qu’il vaut mieux s’éloigner de la roche.

194
descrizione del mondo. In questa atmosfera sovrannaturale, tu
conoscerai la prosperità, diventerai te stesso. La conoscenza
della casa ti arricchirà più del tuo esilio.

11 marzo 1987 - Fuori da quest’oasi di pace, l’universo si


deteriorava. L’avvicinarsi del terzo millennio risvegliava
delle paure negli spiriti che preannunciavano una rivoluzione
imminente. Altri vedevano nella decadenza i germi del futuro.
Sotto il regno della discordia, della corruzione e della
predicazione, gli esseri capaci di intrattenere un’emozione sono
pazzi. La roccia rinnovava ogni giorno il mondo sensoriale.
Sopra la testa, sentivo le volte di pietra stillare impressioni
di infinito, di stabilità e di effusione tenera. Sentivo i moti
dell’anima oltrepassare i sentimenti d’amore. L’influenza
della materia, i trasporti del desiderio, e le passioni umane
passavano per fantocci eccitati, abbandonati ai vortici esterni.
Nelle stanze della casa regnava la calma grazie alla serenità di
Narciso che rendeva il nostro viaggio interiore esente da strazi
e separazioni.
La sua voce copriva l’estensione della casa. Mi prodigava
incessantemente dei consigli perché conosceva il mondo e le
sue polarità. Giorno dopo giorno, cercava di affinare i miei
sensi affinché percepissi le impulsioni della casa.
- Vivi il più vicino possibile alla pietra ! Le sue variazioni
ti trasmetteranno delle sensazioni insostituibili.
- Non conosco la roccia. La temo. Penso a volte ai djinns,
folletti orientali, che sonnecchiano nella casa di Aleppo.
La gente credeva che spegnessero le luci e leggessero nel
pensiero. Fortunatamente, le vetrate mi attirarono verso
la chiarezza della Loira, verso la luce. Apro la finestra per
guardare i cambiamenti dell’acqua secondo le ore del giorno.
Hai mai visto l’unica barca dei pescatori immobile nel mezzo

195
- Pas du tout, elle redonne vie. Dans un premier temps,
vous autres mortels vous arrêtez aux limites de vos sens. Vous
dormez, vous épuisez votre énergie contre les apparences.
Après, vous dormez encore. Prends patience, la masse terrestre
va faire jaillir dans tes pensées les volontés les plus audacieuses.
- Facile à dire...
- émerge des eaux insalubres du monde. Son avidité n’est
qu’un vide. Ne te laisse pas prendre au piège. Ne parle pas des
autres, sauf en bien. Cache tes sentiments. Fixe leur intensité.
Fuis la société qui te prive de ta liberté et te contraint à la
précarité.

13 mars 1987 - Les paroles avisées de Narcisse traçaient les


grandes lignes d’un tableau dont je discernais encore mal les
couleurs. En quoi mon existence pouvait constituer une alliance
avec un être si lointain ? Il découvrait à travers moi l’enfer du
monde humain, ses échos faussés, ses agissements soumis aux
contrariétés. Pour toute réponse, cet être éternellement jeune
me transmettait une joie profonde. Ce sentiment de plénitude se
reflétait sur lui, le magnifiait, bien qu’il refusât l’épanchement
de ses émotions, chose dont je ne me formalisais pas. Il devait
avoir ses raisons, et son silence développait la conscience
d’habiter un lieu unique.
La maîtrise de mes comportements me donna l’impression
de retrouver intacts les cycles du jour et de la nuit. L’étude, les
tableaux et les livres ont cédé la place à la réalité tangible.

28 mars 1987 - Peu à peu, j’ai gagné la confiance de Narcisse.


Je n’ai cessé de lui témoigner de la bienveillance, mais sa
voix posée me répondait avec une certaine défiance. Plus il
demeurait impassible, plus mon attention pour lui augmentait.

196
del fiume ? Dovrei fare come loro, spiare e restare inattiva, per
non essere più incomodata dalla potenza della roccia  ;
- Eppure, essa ridà vita.

13 marzo 1987 - I consigli di Narciso aprivano prospettive


infinite, tracciando le grandi linee di un quadro di cui percepivo
i colori sublimi. In cosa la mia esistenza poteva costituire
un’alleanza con un essere tale ? Scopriva attraverso di me le
debolezze della specie umana, le sue eco sfalsate, il suo agire
dominato dalle contrarietà. In risposta, quest’uomo dalla
gioventù eterna mi trasmetteva una gioia profonda. La sua
persona emanava un sentimento di pienezza, e la magnificava,
sebbene rifiutasse il travaso delle sue emozioni. Io non mi
formalizzavo perché lui doveva avere le sue ragioni. Scoprivo
ogni giorno che era l’emanazione di questo luogo unico.
Il controllo dei miei comportamenti mi diede l’impressione
di ritrovare intatti i cicli del giorno e della notte. Invece di
vivere negli studi, nei quadri e nei libri, ero infine confrontata
alla realtà vivente.

28 marzo 1987 - Ero intenzionata a guadagnarmi la fiducia di


Narciso. Non cessai un solo istante di testimoniargli la mia
benevolenza. Ma la sua voce posata mi rispondeva sempre con
un certo distacco. Più restava impassibile, più la mia attenzione
per lui si intensificava.
Il suo viso dai tratti così puri non mi stancava mai. I suoi
occhi erano aperti in campi incomprensibili, inspiegabili.
Sembrava essere soddisfatto quando io lo ero. Allora, tutto
il suo essere risplendeva. Voleva dire che ogni malinteso

197
À aucun moment, je ne me lassais de ce visage si pur et de
ces yeux ouverts sur des territoires improbables. Il avait l’air
satisfait quand je l’étais.
Son visage rayonnait, signifiant que les malentendus
étaient conjurés et que les difficultés du monde extérieur
restaient en suspens.

4 avril 1987 - Plusieurs jours se sont écoulés sans sortir de


la maison. Les gens vaquaient aux promenades familiales,
arpentant des forêts humides encerclées de prairies, tandis
que nous nous évadions le long des corridors et au fond des
cavernes, attentifs à retrouver nos visions dans les réseaux de
pierre.
Ce dimanche après-midi, Narcisse m’a entraînée dans le
pressoir où gisait une poutre effondrée. Un lierre était parvenu à
traverser la faille. Nos paroles s’échangèrent dans l’atmosphère
protectrice de la cavité. Des millions de particules scintillaient
autour des bougies. On croyait qu’en soufflant les bougies, la
poussière redeviendrait roche. Au delà de la poutre, il y avait
un coffre fort soudé à une stèle en ciment. Personne n’avait
réussi à l’ouvrir.
- À quoi bon lui enlever son mystère ? demandai-je.
- À quoi bon ?
Narcisse se pencha sur le coffre. Une, deux, trois… Des
craquements métalliques résonnèrent au fond de la roche. Il
tordit le métal, arracha les trois portes de l’énorme boîte de
fer. Troublé par son exploit, il introduisit une main tremblante
dans l’orifice qui sentait le vieux papier. De bijoux, point.
L’ouverture exhala des odeurs de moisi. La main blanche de
Narcisse exhiba des débris, des cahiers et des souches de carnets
de chèques couverts de poussière noire, de petits rectangles

198
era scongiurato. Le difficoltà dell’al di fuori rimanevano in
sospeso.

4 aprile 1987 - Trascorsi più giorni senza uscire di casa. In


questa domenica pomeriggio, le persone attendevano le
passeggiate familiari, passeggiando nelle foreste umide
circondate dalle praterie, mentre noi evadevamo la realtà lungo
i corridoi e nelle stanze rannicchiate nella roccia, attenti a
sondare le visioni generate dal nostro isolamento.
Narciso mi trascinò nel frantoio, dove giaceva una
trave caduta. Le nostre parole si ripercossero nell’atmosfera
protettrice della cavità. Migliaia di particelle scintillavano
nella luce delle candele. Cominciai a credere che soffiando le
fiamme blu e oro, la polvere sarebbe ridiventata pietra. Oltre
la trave c’era un’imponente cassaforte, saldata a una stele di
cemento. Nessuno era riuscito ad aprirla.
- Perché togliergli il suo mistero ?, chiesi.
- Perché ?
Narciso si reggeva al di sopra della cassaforte. Uno, due,
tre… Degli scricchiolii metallici risuonarono in fondo alla
roccia. Torse il metallo, tolse le tre porte dall’enorme scatola
di ferro. Sfiancato dallo sforzo, introdusse una mano tremante
nell’orifizio che emanava l’odore di carta vecchia. Dei gioielli,
nient’altro. Dall’apertura esalò un forte odore di marcio. La
mano bianca di Narciso mi mostrò dei cocci, dei quaderni e dei
ceppi di libretti degli assegni coperti di polvere nera, dei piccoli
rettangoli blu in cui l’inchiostro slavato aveva immagazzinato
le settimane e i mesi dello scorso decennio.
Con molta precauzione, Narciso stese il tutto sulla trave
tarlata che ci serviva da seggio. Mi tese un quaderno coperto di
seta, ed esclamò :

199
bleus où une encre délavée avait engrangé les semaines et les
mois d’une décennie écoulée.
Avec précautions, Narcisse les étala sur la poutre vermoulue
qui nous servait de siège. Il me tendit un cahier couvert de suie
en murmurant :
- Sans doute l’œuvre de Lou !
Je pris une liasse de cahiers à demi moisis. C’était le
journal intime et les notes de Louis - sans suite et sans vérité,
la parole coule par la moindre des bouches. Surprise ! il avait
recopié une de mes chansons. Narcisse se pencha sur mon
épaule. Sa voix psalmodia dans la grotte le découragement que
j’éprouvais avant notre rencontre :

Secret. Peur irrémédiable.


Secret d’une peur irrémédiable.
Pas de secret sans peur.
Joie sans la peur du secret.

Ah ! joie sans la peur cachée au ventre.


Joie dans cette peur au centre de la tête.
Une tête de froidure et d’amour
où s’entrelace le cri des pierres.

Nous restâmes immobiles dans la grotte, serrés l’un contre


l’autre. Je feuilletai le journal. Les mots de l’amant mort se
répercutaient sur les parois, s’engouffraient dans la faille, sans
nous atteindre. Le premier cahier, à la couverture veinée de
rouge, comportait des pages grivelées par les années et par
l’humidité. Il m’apprit des détails haïssables, des tromperies,
des insultes, des actes trahissant des promesses et de constants
affronts. Ces pages griffonnées pour ne pas être lues contenaient
les actions morcelées d’une vie sans loyauté. Il éprouvait le

200
- Dev’essere la produzione di Lou !
Presi una pila di quaderni mezzi marci. Erano il diario e gli
appunti di Louis. Anche se senza seguito e senza autenticità, era
la sua voce. Sorpresa ! Aveva ricopiato una delle mie canzoni.
Narciso si appoggiò alla mia spalla. Canticchiava nella grotta
il mio passato scoraggiamento :

Segreto. Paura irrimediabile.


Segreto di una paura irrimediabile.
Niente segreti senza paura.
Gioia senza la paura del segreto.

Ah ! Gioia senza la paura nascosta nel ventre.


Gioia in questa paura al centro della testa.
Una testa di freddo e d’amore
In cui si intrecciano le grida della pietra.

Restammo immobili, stretti l’uno contro l’altro. Sfogliavo


il mio giornale. Le parole dell’amante morto si ripercossero
sulla parete, si riversavano nella faglia, senza aspettare
Narciso. Il primo quaderno, dalla copertina venata di rosso,
comportava delle pagine ingiallite dagli anni e dall’umidità.
Mi fece conoscere i pensieri odiosi di Louis, i suoi inganni,
gli insulti, atti che tradivano delle promesse e sfociavano in
affronti costanti. Le pagine scarabocchiate per non esser lette
racchiudevano gli sparuti gesti di una vita sleale. Quest’uomo
sentiva il bisogno di scrivere, lui, che aveva calpestato la sua
interiorità, la sua sensibilità…Ecco che finiva la sceneggiatura
di un film, un sabato sera. Si ubriacava e correva da sua moglie,

201
besoin d’écrire celui qui avait foulé aux pieds son esprit, sa
sensibilité… Voilà qu’il finissait un film, un samedi soir. Il se
saoulait et courait voir sa femme, disait qu’elle seule comptait,
qu’il allait dépérir :
- Il n’y a que toi, écrivait-il ce samedi 1er mai 19.., il n’y a
que toi…
éléonor ne croyait plus en l’impossible éclat du sacrifice
de sa vie. Pleine de chagrin, elle se taisait et se cloîtrait dans sa
chambre, la salle du deuxième étage, en compagnie des lianes
et des salamandres sculptées. Le misérable livré à la fureur de
son inspiration tirait des coups de revolver dans la porte en
chêne, décharge qui lui faisait lâcher des phrases inspirées par
ses accès de haine :
- Les femmes sont des monstres vides et faux fabriqués par
les capitalistes !
éléonor baissait la tête en esquissant un sourire. Elle
supportait tout, la souffrance destructrice, les crises, l’orgueil,
et jusqu’à l’exigence d’une conduite exemplaire aux côtés d’un
mari s’enfonçant dans ses désillusions. Jusqu’au Jour…
Le suicide s’annonçait au fil des pages. En fait, l’épouse
en deuil n’a jamais été délivrée de sa fascination envers son
tortionnaire. Patiemment, elle l’a tué. Sans estime, en pleine
conscience du danger - l’on sait que le naja ne peut déverser
son poison sans charmer sa victime. Cet homme perdu
s’exprimait comme un criminel de guerre, sans remords sur les
tombes. Comme tous les êtres consumés par le complexe de
domination qui fait leur faiblesse, il avait perdu la guerre. Un
homme de cette espèce ne pouvait vivre, ne devait vivre que
conforté par la vanité lovée dans les coins les plus reculés de
son âme.
Le monde l’estimait. Le monde de ses pairs. Il exhibait
ses conquêtes par orgueil et bluffait ses amis par défaillance.

202
diceva che lei sola era importante, che lui stava deperendo :
- Esisti solo tu, scriveva sabato primo maggio 19.., solo
tu...
Secondo il diario, sua moglie Éléonor aveva smesso di
credere nell’impossibile lampo del sacrificio della sua vita.
Sofferente, ella taceva, si chiudeva nella sua stanza, la camera
del secondo piano, in compagnia delle liane e delle salamandre
di pietra. Mi hanno detto, indubbiamente esagerando, che il
miserabile, abbandonandosi alla sua ispirazione, tirava dei
colpi di pistola contro la porta di castagno, con delle scariche
che gli permettevano di lasciarsi sfuggire frasi ispirate dai suoi
eccessi d’odio.
Éléonor abbassava la testa abbozzando un sorriso.
Sopportava tutto, la sofferenza distruttrice, le crisi, l’orgoglio,
fino ad esigere una condotta esemplare al fianco di un marito
che stava diventando demente.
Fino al Giorno…
Il suicidio si annunciava col passare delle pagine. La sposa
in lutto non si è mai liberata del fascino soggiogante del
suo carnefice. Con pazienza, lei lo ha ucciso. Senza stima,
pienamente consapevole del pericolo - tutti sanno che la
naia versa il suo veleno dopo aver affascinato la vittima -.
Quest’uomo sperso si esprimeva come un mostro assassino,
senza rimorsi, sulle tombe. Come tutti coloro che sono dominati
dal complesso di dominazione che fa la loro debolezza, aveva
perso la sua guerra. Un uomo di questa specie viveva confortato
dalla vanità racchiusa in uno degli angoli più reconditi della
sua anima.

Scoprii che parecchie persone lo stimavano. Il mondo dei


suoi pari. Esibiva le sue conquiste con orgoglio e si prende
gioco dei suoi amici per diffidenza. Le personalità dell’epoca,

203
Des fantoches de l’époque, célèbres à force de servitudes,
traversaient ce journal. Louis se flattait de connaître X et Y,
un besoin de prestige qui s’achevait dans les roucoulements
d’évocations féminines, des rires et des éructations, des
atmosphères suaves aux lumières volontiers tamisées. Il eut
été simplement méprisant, simplement incorrect, incapable
de gouverner les désirs de sa femme, éléonor serait restée
indifférente. Hélas ! l’ignoble sybarite avait consigné ces faits
impérissables. Il n’avait pas déchiré ces pages, il n’avait pas
pratiqué l’autodafé de son journal avant de se donner la mort.
Alors, j’entendais sa voix. Je ne voulais pas être transportée
dans ces voyages d’autrefois, mais pourtant, devant mes yeux
se dévoilaient les fanfaronnades d’une vie, et pire, d’une
vie publique. Il enjôlait son entourage, seules comptaient
l’apparence et la réputation, avant de retomber dans les
habitudes d’un petit propriétaire de province, impuissant à
comprendre quelles erreurs l’avaient fait rejoindre l’immense
cargaison des morts dont il avait si crânement rejeté l’influence.
Un autre cahier, au papier moucheté. Il contenait quelques
pages sur sa mère qu’il comparait à une poupée, quelques pages
sur son père, parti de bonne heure racoler d’autres femmes.
Avili, Louis ressuscitait dans un crescendo d’hystérie, une
rhapsodie de vices menant jusqu’à la haine de soi. Comment
avais-je pu aimer ça, et même le rencontrer  ? J’aurais voulu
me fondre dans un système plein de turpitudes, je n’aurais pas
mieux fait. Les maîtresses de cet homme surgissaient sous
forme d’écervelées enfermées dans les rets d’un maniaque.
Où était-il ce réalisateur qui fabriquait ses films à coups de
corruption d’idées, d’essentiel périssable ? Je l’imaginais voué
à flotter dans l’air de la Maison des Pages, en quête de l’unique
amour, occupation purificatrice et retour à la vie ! Qui peut le
savoir, qui peut le dire ?

204
divenute celebri a forza di favori, attraversavano il giornale.
Louis si inorgogliva di conoscere un tale per bisogno di prestigio,
che si concludeva con il tubare evocazioni femminee, risa e
amplessi in atmosfere soavi dalle luci soffuse. Quest’uomo
fu semplicemente un essere sprezzante, scorretto, incapace di
contenere i desideri di sua moglie, e Éléonor avrebbe accettato
tutto. Mi rattristavo nel vedere l’ignobile sibarite prendersi per
un genio, e si era dato la pena di riferire questi fatti imperituri.
Non aveva strappato queste pagine. Non aveva praticato l’auto
da fé del suo diario prima di darsi la morte. In quel momento
trovai le sue frasi, io che non volevo essere trasportata in questi
viaggi in altre epoche. Si svelavano davanti ai miei occhi anche
le fanfaronate della sua vita pubblica. Ah ! Sapeva abbindolare
la sua cerchia, avvolgerla in un profumo continuo di lodi. Da
sole, contavano l’apparenza e la reputazione. Poi, ricadeva
nelle abitudini di proprietario di provincia. Almeno prima
di morire ha capito gli errori che gli hanno fatto raggiungere
l’immenso carico di anime di cui aveva così spavaldamente
rifiutato l’influenza ?
Un altro quaderno, dalla carta macchiata racchiudeva
qualche pagina sulla madre, che Louis paragonava a un
pupazzo, e qualche pagina sul padre, partito di buon’ora alla
ricerca di altre avventure. Louis resuscitava un crescendo di
dolore e di perversità che lo indicevano ad odiarsi. Come aveva
potuto tutto ciò attirarmi, come avevo potuto incontrarlo ? Avrei
voluto disgregarmi in un sistema ctonio, pieno di turpitudini,
non avrei potuto fare di meglio. Inoltre, le numerose amanti di
Louis tornavano, sotto forma di donne strampalate chiuse tra le
grinfie di un maniaco.
Dov’è ora questo regista che fabbricava i suoi film a colpi
di idee corrotte, di essenziale deperibile ? Chiesi a Narciso. Me
lo immagino destinato ad aleggiare nell’aria della Maison des

205
Le cahier à la main, je déambulai dans le pressoir,
aiguillonnée par un délire morbide. Ces pages, qu’il eût mieux
valu n’avoir point écrit, une pesanteur de papier, la défiance
d’une vie tout entière, ces pages souillées me donnaient la
nausée. Je lisais à voix haute avec le sentiment désagréable
d’avoir piégé ce lieu et de revenir voir si le mécanisme est en
état de marche. En proie à l’exaltation, j’invoquai les démons
de la vacuité, bardés de crânes et de tibias, mordant entre leurs
dents un œil mou, et des fragments de lames de fer restaient
plantés dans leurs chairs. Il semblait que quelqu’un d’autre
agissait pour moi. Les monstres humains avaient voilé ma voix
sans mémoire. Son écho devenait l’émanation courroucée de la
cavité.
Cette agitation était vaine. Je me forçai à m’asseoir, résolue
à ne plus lire ces cahiers d’Amboise, qui avaient échappé aux
ravages du temps. Je classai le plus important, les souches, et
jetai le reste aux ordures.

15 avril 1987 - Cette nuit, une bâtisse a pris feu de l’autre côté
de la Loire. À trois heures du matin, des craquements plus
sinistres que les bruits habituels - les portes qui s’ouvrent, les
claquements secs des volets projetés sur les murs -, m’éveillèrent
en sursaut. J’approchai de la fenêtre. Des flammes crépitaient
de l’autre côté du pont. Une maison s’effondrait sous les
flammes.
Le matin, le téléphone sonna. Je reconnus la voix de Léo.
- C’est pas toi qu’on a retrouvée dans la Loire ?
- Écoute, je déjeune.
- Ils ont repêché le corps d’une jeune femme sous le pont.
- Quand ?
- Ce matin.

206
Pages, alla ricerca dell’unico amore, occupazione purificatrice
e ritorno alla vita ! Chissà…
Con il quaderno in mano, me ne andavo in giro per il
frantoio, spronata da una curiosità morbosa. Queste pagine,
che sarebbe stato meglio non fossero scritte, la pesantezza
della carta, la diffidenza di una vita intera, queste pagine
sudicie, tutto mi dà la nausea. Leggevo ad alta voce con il
sentimento sgradevole di essere catturata dalla coscienza di
Louis. In preda all’esaltazione, mi ricordai delle iniziazioni
druidiche, invocai i demoni della vacuità, bardati di teste e di
tibie, che stringono tra i denti un occhio molle. Frammenti di
lame di ferro erano piantate nella loro carne. Si sarebbe detto
che qualcun altro agisse al mio posto. I mostri umani avevano
velato la mia memoria. Leggevo ad alta voce, e la mia lettura
diventava l’emanazione corrucciata della cavità.
Tutta questa agitazione era vana. Mi sforzai di mettermi
seduta, risoluta a non guardare mai più i quaderni che avevo
sottratto ai danni del tempo. Li archiviai, e gettai via gli altri
fogli.

15 aprile 1987 - La notte scorsa ha preso fuoco una struttura


dall’altro lato della Loira. Alle tre del mattino, degli scricchiolii
sinistri, diversi dai rumori abituali della casa (porte che si
aprono, lo sbattersi secco delle persiane contro i muri), mi
svegliarono di soprassalto. Mi avvicinai alla finestra. Le
fiamme crepitavano dall’altro lato del ponte. Una casa era
distrutta da un incendio.
Il mattino dopo, squillò il telefono. Riconobbi la voce di
Léo.
- Non sei tu che hanno ritrovato nella Loira.
- Ascolta, sono a pranzo.

207
- Quel âge ?
- Vingt, vingt-cinq ans.
- Tu la connaissais ?
- La presse n’a pas révélé son nom. Pour l’instant, ils
brodent. J’ai cru que c’était toi.
Décontenancée, je raccrochai. J’ouvris la fenêtre du
premier étage. Les souches bleues des comptes de Louis
étaient répandues sur le sol. Les restes des dépenses de
l’odieux personnage étaient étalés au pied de la maison ! Les
pages des cahiers avaient été dispersées autour de la poubelle
municipale. Des feuilles jaunies jonchaient le sol, disposées à
égale distance. Une terrible appréhension écrasa ma poitrine.
Mon cœur battait si fort qu’il me semblait l’entendre à l’autre
bout de la pièce. Une certitude s’imposa, la main qui avait
éparpillé les papiers du mort avec autant de soin n’était pas de
ce monde. Je me baissai pour ramasser les pages que la terre
avait refusées. Après avoir regagné la maison sans constater
d’autres phénomènes particuliers, je rangeai les papiers
couverts de suie dans des dossiers neufs. C’était une activité
rassérénante.
La journée s’écoula sans autre incident, excepté une baisse
de température dans certaines pièces. J’ai pensé que Narcisse
était passé par là. Puis il est venu m’apprendre que toutes les
traces de Lou allaient s’éparpiller. La conscience de l’harmonie
du monde lui avait fait détruire ces pages empreintes de
mesquinerie et d’orgueil.

1er mai 1987 - On aurait dit que la maison s’incarnait dans cet
être blond et diaphane. Il évoluait avec une facilité surprenante
dans les escaliers et les chambres aux plafonds de pierre.
Rassérénée par sa présence, je sollicitai sans arrêt ses conseils.

208
- Hanno ripescato il corpo di una giovane donna sotto il
ponte.
- Quando ?
- Stamattina
- Di che età ?
- Venti, venticinque forse.
- La conoscevi ?
- La stampa non ne ha ancora rivelato il nome. Per il
momento ci ricamano sopra. Ho creduto fossi tu.
Sconcertata, riattaccai. Aprii la finestra del primo piano. I
quaderni blu dei conti di Léo erano sparsi dappertutto per terra.
Il ricordo delle sue spese si apriva ai piedi della casa ! Le pagine
dei conti erano sparse intorno ai contenitori della spazzatura
municipale. Dei fogli ingialliti giacevano al suolo, disposti a
distanza eguale. Un’apprensione terribile mi strinse il petto. Il
mio cure batteva così forte che mi sembrava di sentirlo all’altro
lato della stanza. La mano che aveva sparpagliato i fogli del
morto con tanta cura apparteneva a questo mondo ? Riscesi per
raccogliere le pagine che la terra aveva rifiutato. Dopo esser
tornata a casa senza constatare altri fenomeni paranormali,
riposi in diverse scatole i fogli coperti di fuliggine, non senza
la certezza di star compiendo un’attività riparatrice.
La giornata si svolse senza altri incidenti, ad eccezione
di un abbassamento improvviso della temperatura in alcune
stanze della casa. Pensai che fosse passato Narciso. Poco tempo
dopo, venne a dirmi che i quaderni di Louis erano spariti. La
coscienza dell’armonia del mondo l’aveva indotto a strappare
quelle pagine intrise di meschinerie e di orgoglio.

1er maggio 1987 - Ogni giorno, la casa si incarnava in un


essere biondo e diafano. Narciso si muoveva con una facilità
sorprendente dalle scale e alle stanze dai soffitti di pietra.

209
- Rien ne dévoilera le secret du mort, me dit-il. Nul doute
qu’il se trouvait dans un état mental irrécupérable. Si tu dois te
souvenir de lui, c’est pour éviter de perdre du temps avec des
gens qui ont la même ignorance, tous ces complexes inutiles.
Ta raison est libre. Tu vas recommencer à vivre dans cette
maison et cela te détachera de bien de choses.
Il ajouta d’un air tranquille :
- Cette architecture justifie le suicide d’un homme
détruit.
Énoncée d’une voix parfaite, cette vérité se heurta aux
ténèbres qui détérioraient mon esprit. Soit, je voyais les formes,
je ressentais les émanations de la roche, mais en même temps,
je songeai à l’horreur que m’aurait inspiré le cadavre de Louis
s’il était devant moi  : son regard mort, son corps pendu aux
poutres (ou perforé par une balle en plein cœur). J’éprouvais
un mal fou à me libérer de sentiments avortés, de poids morts
remontant à la surface comme des noyés, ou comme ces
sculptures pleines de nébulosités.

5 mai 1987 - Le visage lilial de Narcisse. Il y avait de la victoire


en lui. Ses traits dégageaient une puissance de suggestion
inouïe. Leur blancheur voulait dire qu’il n’était jamais assailli
par le doute. De ses bras d’un blanc parfait émanait une lumière
étrange. Quand il s’éloignait, je me persuadais que la masse de
pierre qui me protégeait l’avait envoyé pour tenir les remords
à distance. Quand il s’approchait de moi, les mesquineries de
la journée s’évanouissaient et je me sentais capable partager le
secret de sa sérénité.
Narcisse réfuta avec humour les histoires tragiques
éternellement ressassées par le voisinage, qui voulait conquérir
un lieu que nul ne pourra jamais posséder. L’équilibre entre
Narcisse et la maison est devenu une source de bienfaits. Il est

210
Rasserenata dalla sua presenza, non smisi mai di reclamare i
suoi consigli.
- Niente svelerà il segreto del morto, mi disse. Nessun
dubbio che si trovasse in uno stato di estrema confusione
mentale. Se ti devi ricordare di lui, è per evitare di fare come
lui. Bisogna essere semplici di spirito, ecco tutto. La tua
ragione è libera. Ricomincia a vivere in questa casa. Questo ti
aiuterà a distaccarti da un bel po’ di cose.

Detto con una voce perfetta, quest’affermazione si urtò


contro le tenebre del mio spirito. Pensavo alla paura che mi
avrebbe fatto vedere il cadavere di Louis disteso di fronte
a me, il suo sguardo morto, il suo corpo appeso alle travi o
perforato da una pallottola in mezzo al cuore. Facevo molta
fatica a liberarmi dei sentimenti abortiti, del peso morto che,
come annegato, risaliva in superficie, o come le sculture piene
di nebulosità incastonate nella facciata.

5 maggio 1987 - I tratti di Narciso emanavano una grande


potenza di suggestione. La loro purezza ai miei occhi
significava che non era stato assalito dal dubbio. Le sue braccia,
di un biancore incredibile riflettevano una luce serena pacata.
Quando si allontanava, mi persuadevo che la massa di pietra
che mi proteggeva me l’aveva mandato per tenere i rimpianti a
distanza. Poi, quando tornava verso di me le meschinerie della
giornata svanivano, e capivo il segreto della serenità.
Narciso rifiutò con humor tutte le storie tragiche trite e ritrite dei
vicini, vicini intenzionati a conquistare un posto che nessuno
avrebbe mai potuto possedere. L’equilibrio tra Narciso e la

211
resté et il a enrayé l’effondrement d’un monde aux apparences
irréelles, en resserrant les forces du lieu sur son achèvement.

9 mai 1987 - En harmonie avec les ondes souterraines,


Narcisse fredonnait des chansons médiévales, comme celle
qu’il improvisait à la guitare, sur un air de Fernando Sor :

Les personnages et le temps des baladins


se reprochaient leur ombre mauve…
Ô rappelle-toi ces Mystères :
Cybèle attache son collier aux épaules des fleurs…

Ce chant, aucune convention ne le transcrivait. Il résonnait


dans l’air raréfié de la caverne. Cette voix merveilleuse
redonnait à la maison sa légèreté. Ce n’était plus une retraite
avant l’heure, comme au temps où j’y vivais solitaire. Narcisse
nimbait le roc de sa présence. Sa voix a transformé la pierre
en un antre modelé d’après le chant de l’univers. Les sons de
la terre sont si envoûtants qu’ils remplacent mes rêveries sur
les leurres de l’humanité, mes propres leurres. Les gouttelettes
qui apparaissent sur les marches du pressoir tremblent sous les
vibrations. Tous ces minuscules diamants captaient la rutilance
de la lumière !

18 mai 1987 - Depuis quelques jours, les refrains trop connus


de l’ignorance humaine me harcèlent systématiquement:

On vient vous aider.


Il faut neutraliser les réseaux de Hartmann qui perturbent
les cellules du corps.
De tous les côtés, je vois des ondes nocives, mais vous
pouvez les réduire par des rites appropriés à vos états d’âme.

212
casa era diventato una fonte di benessere. Ero felice che fosse
restato, che avesse frenato il crollo di questo mondo dal fascino
irreale richiudendo le forze del posto sulla sua ultimazione.

9 maggio 1987 - Narciso canticchiava delle canzoni medievali,


come quella che improvvisava con la chitarra, su un’aria di
Fernando Sor  :

I personaggi e il tempo dei saltimbanchi


si rimproverano le ombre malva
Oh, ricorda questi misteri  :
Cibele si orna di una collana di fiori collana le spalle.

Questa melodia non seguiva alcuna convenzione musicale.


Risuonava nell’aria rarefatta della grotta circondata di statue.
La voce meravigliosa restituiva alla casa il suo splendore
dimenticato. Il mio ritiro solitario acquistava un senso,
completava il ciclo dell’errare in Oriente. Narciso decorava
la roccia con la sua gioia di vivere. La sua voce trasformava
la pietra in un antro modellato secondo i suoni dell’universo.
I rumori della terra erano cosi ammalianti che rimpiazzavano
i miei sogni nelle illusioni dell’umanità, nelle mie proprie
illusioni. Lo sgocciolio che appariva sulle scale del frantoio
tremava sotto le vibrazioni, riusciva a catturare lo scintillio
della luce !
18 maggio 1987 - Da qualche giorno, i ritornelli comuni dello
smarrimento umano mi logoravano insistentemente :

Siamo qui per aiutarla


È necessario neutralizzare le reti telluriche

213
Je vois des entités accrochées à ce lieu.
N’ayez pas peur  : elles n’ont simplement pas compris
qu’elles sont mortes, elles ne vous feront pas de mal.
Priez pour les libérer.
Vous allez régresser dans vos vies antérieures car vous êtes
au seuil d’une métamorphose.
Et ainsi de suite...

Les ondes radiophoniques livrent chaque jour les


témoignages d’un monde en train de se lézarder. Le matin, une
petite fille est écrasée par un rouleau compresseur tombé d’un
camion. Le midi, une adolescente algérienne est exécutée par
balles parce qu’elle ne porte pas le voile. Pour mener l’émotion
à son comble, le soir, une famille est assassinée à coups de
machette tandis que des charniers sont découverts près de
Moscou. J’ai entendu un intellectuel à la mode citer une lettre
de Marx pour consoler un ami dépressif. Marx écrivait : «Va te
distraire au bordel !» L’honnête homme conclue : «Je suis resté
fidèle à ce marxisme-là.» D’autres participants à ces palabres
d’agonie prétendent comprendre le cœur des femmes et sauver
le monde de la déchéance robotique qui serait l’aboutissement
de la pensée rationnelle. Je contemplais les fissures zigzaguant
sur le mur de la cuisine. Le propre des fissures est d’être encore
plus inertes que les failles.

21 mai 1987 - Abritée par mon toit de pierre, je n’éprouvais


plus de révolte contre un monde trop banal, trop gris, dont
les rumeurs venaient troubler mon isolement. Narcisse
s’immobilisait pendant des heures dans le pressoir.
Imperturbable, il fixait d’un regard intrépide les murs de brique
qui obstruaient l’entrée des souterrains.

214
Vedo onde nocive, ma lei può scacciarle con riti
appropriati.
Osservi le entità attaccate a questo posto.
Non abbia paura  : i morti non hanno capito che sono
morti. Preghiamo per liberarli.
Lei si trova alla soglia di un cambiamento importante :
sarà trasportata indietro, nelle sue vite anteriore.
E così via...

L’ondata di false scienze non bastava, le onde radiofoniche


portavano ogni giorno le testimonianze di un mondo che
deriva da certezze menzognere. La mattina, una bambina
era stata schiacciata da un rullo compressore caduto da un
camion. A mezzogiorno, un’adolescente algerina sarebbe stata
condannata a morte perché non portava il velo. Per portare il
pathos al colmo, la sera, una famiglia veniva sterminata a colpi
di machete, mentre in Unione Sovietica venivano scoperti dei
carnai, dove l’accanimento nell’uccidere era messo in bella
mostra. Sentii un intellettuale rinomato citare una lettera di Marx
per consolare un amico depresso. Il suddetto Marx scriveva :
«Vai a distrarti al bordello  !» Il brav’uomo concludeva  :
«Rimango fedele a questo marxismo.» Altri intellocrati, che
partecipavano senza intelligenza a queste povere omelie,
aspiravano a cogliere l’animo femminile con l’intenzione di
salvare il mondo dalla sua decadenza provvisoria, dovuta alle
maschere della razionalità. Mi rallegravo nel contemplare le
delicate fessure a zig zag sul muro della cucina, dicendomi che
le fessure della società, per poco ch’esse fossero penetranti,
sfumate, suscitavano le prese d’aria di cui abbiamo tanto
bisogno.

215
23 mai 1987 - Ce matin, du haut de l’observatoire, la radio
est allée se fracasser dans l’abîme. La boîte aux voix obscures
s’écrasa dans le jardinet. Les sentences définitives, l’information
vouée au vieillissement éclair, la banalité qui me détournait des
émanations de la pierre, s’arrêtèrent net. Quelques secondes
après la chute, de multiples petites ferrailles roulèrent dans les
gravats - gling, clac, ultimes sursauts... Je me frottai les mains
en riant de bon cœur. Narcisse s’en étonna.
- La maison expulse le monde du jetable, expliquai-je
nerveusement. Que peut-elle faire de mieux  ? Hélas  ! toi si
étranger à la condition humaine…
Je n’achevai pas ma phrase.
En un éclair, j’ai ressenti la tragédie de son destin. Ce
n’était pas un être pétri de logique et d’extravagance. Il était lié
à l’univers. Sa capacité à percevoir l’intérieur d’une carapace
humaine, ses désastres et ses consomptions était exceptionnelle.
Certains aspects de son apparence m’indiquaient qu’il voyait
les doutes et les errances qui peuplaient mes pensées.
Pour m’éviter ces petitesses, il voulait le resserrement de la
maison autour de lui, il voulait ouvrir les perspectives infinies
engendrées par la roche, où l’attirance n’est pas la fuite, où le
désir n’est plus empreint de destruction.
Les premiers mois ont été calmes, effaçant les années
consumées dans les maladies et les erreurs. En revanche, la
certitude qu’un monde d’ignorance somnolait au fond de la
maison s’est renforcée peu à peu.

Le 2 juin au matin - Un crépitement plus fort que d’habitude


se fit entendre derrière la porte du pressoir. Elle s’ouvrit avec
fracas. Le loquet qui la maintenait vola sur le carrelage. La
serrure incrustée dans le bois trembla et l’énorme clé bascula

216
21 maggio 1987 - Riparata da un tetto di pietra, non sentivo più
alcuna ostilità contro un ordine morale che valuta, prende nota,
classifica un ordine troppo banale, grigio, chiacchierone, i cui
rumori vengono a disturbare il mio equilibrio incessantemente.
Narciso stava ore ed ore nel frantoio scolpito. Imperturbabile,
lasciava vagabondare il suo spirito. Fissava il suo sguardo
benevolo sui muri di mattone che ostruivano l’entrata dei
sotterranei.

23 maggio 1987 - Stamattina, ascoltavo la radio all’osservatorio,


quando la radio è caduta per terra dal davanzale della finestra e
si è rotta. La scatola dalle voci oscure si è rotta in giardino. Le
sentenze definitive, l’informazione votata ad un invecchiamento
lampo, la banalità che mi deviava dalle emanazioni della
pietra si arrestarono di colpo. Qualche secondo dopo la caduta
dell’apparecchio, dei piccoli pezzi di ferro rotolarono tra le
macerie - gling, clac, gli ultimi sussulti.
Mi sfregai le mani ridendo di cuore. Narciso se ne stupì.
- La casa mette fine ai malintesi. Essa caccia la lingua di
legno, spiegai. Cosa può fare di meglio ?
I suoi occhi riflettevano lo stupore. Improvvisamente,
percepii la verità della sua condotta. Non era qualcuno
impastato di logica e di stravaganza, ma uno spirito completo,
le cui parole ricoprivano un’infinità di significati legati alla
natura. Quello che mi colpiva era la sua capacità di percepire
l’interno della membrana umana, le sue miserie e i suoi
compromessi.
La mia intuizione mi indicava che intravedeva i dubbi e le
erranze che popolavano i miei pensieri. Desiderava che la casa
si rinsaldasse, e anelava alle prospettive infinite generate dalla
roccia, laddove l’attrazione non è insormontabile, laddove il
desiderio non è intriso di distruzione.

217
dans le vide. Deux ou trois chauvesouris s’enfuirent vers
l’escalier.
Louis était là, l’œil fixe, le visage révulsé de haine,
horriblement vieilli. Ses traits cadavériques dégageaient une
odeur insinuante. Il revenait pour se venger. Le labyrinthe des
Pages, cette architecture arachnéenne, avait libéré, après un
rapide signal, sa dangereuse araigne.
- Il n’y a que moi dans cette maison ! hurla-t-il, que moi.
Vous, partez ! bande d’imbéciles !

Le monstre avait une chaîne à la main. Je ressentis


l’égarement des égarements, la conscience fulgurante d’être
entraînée dans un fait divers, un «crime passionnel», une de
ces aberrations humaines dont on ignore la cause. Je vivais
les instants précédant les horribles boucheries par lesquelles
l’homme construit son histoire et ses lois. Louis me toisa d’un
air arrogant, tourna dans la pièce qu’il envahit de sa démarche
pesante, de sa fureur bestiale, avec la précision de la mort.
J’étais pétrifiée par la peur. Narcisse recula lentement vers la
vitre qui séparait la cuisine du pressoir.
Le spectre lui dit sur un ton de haine :
- Tu t’es réfugié ici avec elle pour me narguer, te servir
de moi, me torturer, me kidnapper. Tu vas voir ce qu’est ma
vengeance…!
Il tourna vers moi une face répugnante qui m’inspira une
terreur glaciale :
- Toi, tu m’épargnes ça ! tu détruis ce qui reste mon esprit.
Je vais m’énerver, je brûlerai tout, je vais vous tuer tous les
deux d’un coup, je vais…
Il essaya d’attraper Narcisse à la gorge. D’une agilité
surprenante, l’automate glissa le long de l’escalier, happé vers
les hauteurs. Il disparut, volatilisé dans le parc. La porte de

218
La calma dei primi mesi cancellò gli anni passati nello
strazio e nelle esitazioni. In compenso, la certezza che un
fantomatico mondo dormicchiasse segretamente nei fondali
della casa si rinforzò poco a poco.

2 giugno, mattina - Sentimmo un rumore più forte del solito


dietro la porta del frantoio. Si aprì con grande fracasso. Il
lucchetto che la chiudeva cadde sulle piastrelle. La serratura
intagliata nel legno tremò, e l’enorme chiave cadde nel vuoto.
Uno o due topi scapparono per le scale.
Louis era là. Lo riconobbi, l’occhio fisso, il volto stravolto
dall’odio, orribilmente invecchiato. Il suo corpo cadaverico
emanava un odore pestilenziale. Tornava per vendicarsi.
Il labirinto dei Paggi, quest’architettura trogloditica aveva
liberato, dopo un rapido segnale, la sua immonda tarantola
- Ci sono solo io in questa casa ! urlò. Solo io ! Andatevene,
banda di ladri !
Il mostro aveva una catena in mano. Percepii lo smarrimento
dello smarrimento. Ebbi la folgorante consapevolezza di essere
trascinata in un fatto diverso, un «crimine passionale», una
di quelle aberrazioni di cui ignoriamo la causa. Vivevo gli
istanti che precedevano le orrende carneficine attraverso le
quali l’uomo costruisce la sua storia e le sue leggi. Louis mi
squadrò con aria arrogante, girò nella stanza che invadeva con
il suo passo pesante, con il suo furore bestiale, il suo desiderio
di morte. Ero pietrificata dalla paura. Narciso indietreggiò
lentamente verso il vetro che separava la cucina dal frantoio.
Lo spettro gli disse con tono odioso :
- Ti sei rifugiato qui con lei per sfidarmi, servirti di me,
torturarmi. Vedrai quale sarà la mia vendetta !…
Si volse verso di me con un’espressione aggressiva che mi
ispirò il terrore più assoluto.

219
l’observatoire retomba lourdement comme une pierre funéraire
qui s’abattait au sommet de la maison. Le monstre était trop
amoindri par ses passions pour risquer la moindre ascension.
Usé aussi. Le poids de la mort et de la haine…
En bon prédateur, il détectait les points faibles de ses
proies. Il me toisa d’un air méprisant. Brusquement, il se rua
sur moi. J’étais prête à tout. Je vivais dans la hantise de cette
confrontation avec l’occupant des lieux. Instinctivement, j’y
étais préparée. J’avais accroché un chapelet à une poutre et, à
côté, un couteau à plusieurs lames, au cas où les formules de
conjuration seraient inopérantes.

Exaltée par la peur, je m’emparai du couteau dont les


nombreuses lames se déployèrent avec la souplesse d’un
éventail. Je fis jouer l’instrument sur le visage enduit de sueur
blanche. Elles entaillèrent la chair, puis les bras occupés
à protéger la face rageuse soudain emplie de taches rouges.
La plus longue lame s’enfonça dans la main d’un coup sec.
Le spectre grimaça. Un liquide rouge jaillit de sa main. Je
fis miroiter les lames ensanglantées pour lui montrer qu’il
n’échapperait pas. Il se redressa et lâcha des bordées d’injures.
Il voulut me poursuivre dans le couloir circulaire qui longeait
les statues du pressoir, se prit les pieds dans la chaîne et roula
dans la poussière :
- Regarde ce tu m’as fait ? Tu m’as tué une seconde fois. Je
te torturerai toute ta vie.
Le fantôme se tordit dans les maillons de la chaîne.
à moitié étourdi, il lança quelques insultes ignobles (la
vulgarité caractéristique de l’impuissance). Les cris, dans leur
répugnance, se résorbèrent dans les boyaux de la roche. J’avais
escaladé l’escalier creusé dans la pierre et, d’en haut, prostrée
contre les statues, je le vis gesticuler et se couvrir de sang. Il

220
- Tu, risparmiami questo  ! Tu mi stai uccidendo, mi stai
sfinendo. Mi sto innervosendo, brucerò tutto, vi ucciderò tutti e
due, io…
L’ombra di Louis cercò di prendere Narciso alla gola.
Con un’agilità sorprendente, il giovane scivolò lungo le
scale, afferrando le alture. Sparì, volatilizzato nel parco.
La porta dell’osservatorio ricadde pesantemente come una
pietra funebre che si abbatte sulla vetta della casa. Il mostro,
indebolito dalle sue stesse passioni, non si arrischiò a cercare
di salire. Era alterato, sfinito. Il peso della morte e dell’odio.
Come un predatore, scopriva perfettamente i punti deboli del
nemico.
Mi squadrò con aria sprezzante. Bruscamente, si gettò su
di me. Io ero pronta a tutto. Vivevo ossessionata dall’idea del
confronto con il fantasma del posto. D’istinto, mi ero preparata
un rosario a una trave e, di fianco, un coltello a più lame, nel
caso in cui le formule di scongiuro risultassero inefficaci.

Esaltata dalla paura, mi appropriai di un coltello le cui lame


si aprivano con la facilità di un ventaglio. Brandivo l’attrezzo
sul volto sudato e bianco del fantasma. Sogno o realtà  ? Le
lame trafissero la carne, poi le braccia intente a proteggere la
faccia rabbiosa. La lama più lunga affondò con un colpo secco
nella mano. Il fantasma fece una smorfia di dolore. Un liquido
rosso zampillò dalla mano. Agitai le lame insanguinate per
mostrargli che non mi sarebbe più scappato. Si rialzò e lanciò
una serie di insulti. Mi inseguì nel corridoio circolare lungo
le statue del frantoio ma inciampò in una corda e rotolò nella
polvere.
- Guarda cosa mi hai fatto ! Gridava. Mi hai ucciso ! Io ti
perseguiterò, ti ucciderò per tutta la vita.

221
se débattait au milieu des idoles absorbant sa voix dans leurs
gorges de pierre. Un rire nerveux me transperça. Ce fantôme
emprisonné s’agitait dans une cavité qui étouffait ses menaces
et ses beuglements, pour les réduire en une cacophonie de
gloussements. Il y avait des gouttes d’eau sur le mur et je
pleurai. Des cris stridents m’échappèrent et résonnèrent dans
toute la maison. Mes hurlements furent un rempart contre le
vertige qui saisit la victime face à son bourreau, la fragilise.
En un éclair, mon regard embrassa la ronde des statues.
Leurs têtes étaient comme un foyer de rayons humides et pâles.
Je me recroquevillai sous le corps du boa déroulant ses larges
anneaux dans la roche, au bas de l’escalier.
Écrasé par les maillons de la chaîne, le fantôme de Louis
ne menaçait plus. La chaîne grandissait. Le corps spectral du
monstre ruisselait de sang. Les taches rouges qui l’avaient
recouvert se répandaient en clapotements abominables. Ce
pressoir, ancien théâtre de rites obscurs, me protégeait. La
mort de Louis avait dû se perpétrer ici même. Il était devenu
ce monstre et je l’avais convié. Il se présentait maintenant et
je n’avais pas la force de le tuer pour qu’il gagne les royaumes
éternels. Il me sembla qu’une ombre traversait la cuisine. Il y
eut des bruits de vaisselle brisée, des bouteilles écrasées sur
le sol. La porte se referma comme par elle-même. Est-ce qu’il
descendait le chemin des Violettes  ? Est-ce qu’il s’enfuyait
dans le parc  ? Allait-il partir à la conquête d’autres proies,
après cette lutte dans la grotte  ? Était-il réconcilié avec lui-
même ? La chaîne recouvrait un vieux harnais pourrissant.
La caverne où le fantôme s’était débattu était vide mais
englobante. Je restai quelques instants aux aguets, au bas
de l’escalier, protégée par les courbes régulières du serpent
primordial qui ondulait autour de la statue du Christ. En un
éclair, je revis la tête rousse de Léo en train de se décomposer

222
Il mostro cercò di liberarsi dalla corda. Mezzo stordito,
lanciò qualche insulto supplementare, marca della sua
impotenza. Le grida e gli ingiuri si riassorbirono nel budello
della roccia. Avevo salito le scale scavate nella pietra e,
dall’alto, appiattito contro le statue, lo vidi gesticolare e coprirsi
di sangue. Si dibatteva davanti agli idoli che assorbivano la sua
voce nella loro gola di pietra. Mi attraversò un riso nervoso. Il
fantasma si agitava in una cavità che soffocava le sue minacce
e le sue urla, lo riduceva in borbottii incomprensibili. Vidi
delle gocce d’acqua sula roccia, e questo mi fece piangere. Mi
scapparono grida stridule che risuonarono in tutta la casa. Le
mie urla furono come un muro contro la vertigine che colpisce
la vittima di fronte al suo torturatore e che la rende fragile.
Con un lampo, il mio sguardo abbraccio l’insieme delle
statue. Le teste sembravano guardarmi. Mi rannicchiai sotto
le sculture che rappresentavano il corpo di un boa. Srotolava i
suoi larghi anelli nella roccia, sotto la scala.

Neutralizzato dalla fibbia della corda, il fantasma di Louis


aveva smesso di minacciarmi. La corda si ingrandiva. Il corpo
spettrale del mostro colava sangue. Il sangue che lo copriva si
spandeva sul suolo. Sentivo che il frantoio, vecchio teatro di
riti oscuri, mi proteggeva. La morte di Louis avrebbe dovuto
perpetrarsi fino a qui. Era diventato il mostro che era, e io
l’avevo invocato. Si presentava ora. Non avevo il coraggio
di ucciderlo perché raggiungesse il regno eterno. D’un tratto,
mi sembrò che un’ombra stesse attraversando la cucina. Ci
fu un rumore di stoviglie rotte, di bottiglie lanciate al suolo.
La porta si chiuse da sola. Stava scendendo il sentiero delle
Violette ? Scappava verso il parco ? Partiva alla conquista di
altre prede, dopo questa lotta nella grotta ? Si era riconciliato
con se stesso ?

223
sous la pluie dans son capharnaüm d’objets inutiles. La roche
m’échauffait d’une manière inexplicable. Avec une voix
étrange, je remerciai l’antre aux statues de m’avoir délivrée de
cet univers de sauvagerie.

17 heures - Le soleil déclinait quand je suis remontée dans le


parc. J’appelai :
- Ohé ! Es-tu là ?
Narcisse m’attendait, caché derrière le bassin de Vénus.
- Ah ! tu ne t’es pas envolé. C’est fini. Il ne reviendra plus.
à travers une haie de lauriers, j’aperçus sa figure blanche et
inexpressive. Il avança, mais recula aussitôt en vacillant derrière
la haie. Je le suivis jusque sous la large couronne ombreuse
du cèdre du Liban. Il dansait autour de cet arbre majestueux,
se cognant parfois aux branches horizontales chargées de
chandelles vertes et brunes. Sa danse ressemblait à celle de
Marylin Monroe dans Les Misfits (Les Désaxés) à ceci près
qu’il paraissait sensible aux différentes natures du sol, tandis
que les aiguilles vert foncé de l’arbre de lumière auréolaient ses
gestes. Lorsque ses cheveux blonds recouvraient son visage, il
trébuchait sur des rocailles. Ses chutes à demi interrompues
créèrent un lancinant va-et-vient entre les arbres. Il oscillait
amplement, comme les statues sacrées que les égyptiens ont
transporté pendant des siècles dans l’enceinte des temples.
Je réussis enfin à m’approcher de lui. Je pris son visage entre
mes mains et dégageai avec précaution ses yeux, sa bouche. Il
apparut blême, exténué de fatigue. Machinalement, je peignai
de mes doigts les longs fils de la Vierge qui coulaient de sa tête,
et ce geste dissipa sa panique.
- Il est parti, murmurai-je. Il est peut-être mort.

224
In quel momento mi accorsi che la corda che avrebbe
dovuto tenere legato il fantasma stringeva in realtà una vecchia
imbracatura. La caverna dove avevamo combattuto era vuota.
Restai qualche istante in agguato, sotto la scala, protetta dalle
curve regolari del serpente primordiale che ondulava intorno
alla grande scultura di Dionisio. All’improvviso, rividi sotto
la pioggia la testa rossa di Léo decomposta, in una baraonda
di oggetti inutili. Inspiegabilmente, la roccia emanava calore.
Con voce candida, ringraziai l’antro delle statue per avermi
liberata da questa maledizione.

Ore 17:00 - Il sole stava calando quando risalii al parco.


Chiamai :
- Ehi ! Ci sei ?
Narciso mi stava aspettando, nascosto dietro il bacino di
Venere.
- Ah ! Non sei sparito ! È tutto finito, non tornerà più.
Attraverso un cespuglio di lauro, intravidi la sua figura
livida. Avanzava, indietreggiava subito vacillando dietro
il cespuglio. Lo seguii fin sotto la larga corona ombrosa del
cedro. Ballava intorno all’albero maestoso, colpendo i rami
orizzontali carichi di candele verdi e marroni. Incedeva incerto,
facendo pensare alla danza di un animale ferito, o a quella di
Marylin Monroe dans Les Misfits (Les Désaxés). Sembrava
sensibile alle diverse nature del suolo, mentre gli aghi verdi
scuro del cedro decoravano i suoi gesti. Mentre i suoi capelli
biondi ricoprivano il viso, inciampava sulle pietre. Oscillava
con grande ampiezza, come le statue sacre che gli Antico
Egitti trasportarono per secoli nelle mura dei templi. Riuscii
ad avvicinarmi a lui. Presi il viso tra le mani e scoprii con
precauzione gli occhi e la bocca. Sembrava pallido, estenuato
di fatica. Macchinalmente, ripercorsi con le dita i lunghi fili

225
À ces mots, Narcisse s’effondra sur moi, les yeux révulsés,
la bouche ouverte, comme s’il allait mourir. Cette épouvante
me paru démesurée. Je voulus m’éloigner mais lorsque je tentai
de me dégager, le poids de son corps me retint. Face à cette
étrange douleur, je pensai aux épouvantables virus, tel que le
sabia brésilien qui fait saigner chaque organe du corps humain,
décompose le foie virant au jaune, tourmente le sang jusqu’à le
faire couler par tous les orifices : les yeux, le nez, les oreilles, la
bouche. Même les pores de la peau dégorgent l’épouvantable
chose… Cette tête ravissante allait-elle se mettre à saigner…?
Quelles étaient les substances encloses dans ce corps qui me
semble inhumain ?
Mes mains le palpèrent, le caressèrent sans me donner la
moindre sensation. Sa bouche se referma. Ses yeux me fixèrent
avec une indéfinissable étrangeté. Ils retrouvèrent leur éclat
comme après une éclipse. Alors, le souvenir de Louis, la vision
des statues, les supplices suscités par les maladies me causèrent
un malaise que Narcisse à son tour ressentit sans pouvoir m’en
guérir. Impossible d’enrayer la difficulté d’être et de prendre
les peurs de l’autre... J’essayai de chasser le sentiment morbide
qui m’envahissait pour rejeter au loin ces souvenirs obscurs et
douloureux.
Nous restâmes longtemps allongés sous le cèdre, incapables
d’interrompre notre étreinte, les mains serrées au point que
les miennes devinrent insensibles. Près de lui, je songeai à la
fraîcheur de l’enfance, et au monde intermédiaire et androgyne
de l’adolescence merveilleusement préservé. Au moment où je
levai les yeux vers les siens, il murmura :
- Ta violence te perdra.
- En amour, les crimes restent impunis. J’ai simplement
nettoyé cette maison pour reprendre des forces.
- Fais attention à ne pas détruire ce qui reste !

226
di capelli che gli scendevano sul volto. Questo gesto attento
dissipò le sue paure.
- Se n’è andato, mormorai. Dev’essere morto ora.
A queste parole, Narciso si accasciò su di me, gli occhi
spaventati, la bocca aperta, come se fosse morente. La sua
paura mi sembrò smisurata. Volli rialzarmi, ma quando tentai
di liberarmi, il peso del suo corpo mi trattenne. Mi fece male.
Pensai ai virus spaventosi, come quello che fa sanguinare
ogni organo del corpo umano, decompone il fegato, tormenta
il sangue fino a farlo uscire da ogni orifizio, occhi, nasi,
orecchie, bocca. Anche dai pori della pelle sgorgano liquidi
nauseabondi.
Questa testa incantevole avrebbe sanguinato ?
Quali erano le sostanze racchiuse in questo corpo diventato
così distante ?
Le mie mani lo palparono, lo accarezzarono senza
procurarmi la minima sensazione. La sua bocca era chiusa.
I suoi occhi mi fissarono con un’estraneità indefinibile. A un
tratto, ritrovarono il loro scintillio, come dopo un’eclisse. Il
ricordo di Louis, la visione delle statue, i supplizi suscitati
dalle malattie, tutto mi causò un malessere che trasmisi a
Narciso, senza poterne guarire. Mi accorsi che era impossibile
arginare la difficoltà dell’essere, impossibile intercettare le
paure dell’altro. Cercai di respingere il sentimento morboso
che mi invadeva, di rigettarlo lontano dal reflusso dei ricordi
oscuri e dolorosi.
Restammo a lungo sdraiati sotto il cedro, incapaci
di interrompere la nostra stretta, le mani strette al punto
che persero la sensibilità. Vicino a Narciso, pensai alla
freschezza dell’infanzia, al mondo intermedio e androgino che
quest’adolescente aveva così perfettamente preservato. Nel
momento in cui alzai gli occhi verso i suoi, mormorò :

227
Sous l’arbre tutélaire, je sentis revenir une force intérieure.
J’attirai le visage du jeune homme et plongeai mes yeux dans
les siens pour discerner ce qu’il pouvait m’offrir.
- La volonté est plus forte que tout, continua-t-il. Les êtres
peuvent choisir de laisser un nom de lumière ou un nom de
ténèbres. Quand des crimes ou des suicides sont commis, rien
ne peut effacer leur influence. Un jour, les sentiments trouvent
la fréquence qui leur convient et se développent jusqu’au bout.
Narcisse me regarda avec intensité. Ses yeux s’emplirent
d’une grâce ineffable. Il posa sa tête sur mon épaule. Déployant
sur mon bras le flot de ses cheveux, il resserra son étreinte
avec une ferveur inoubliable. Le pilier majestueux du cèdre
plongeait ses racines dans la terre, et la terre se préoccupait de
ses heureuses métamorphoses.

7 juin 1987 - La lumière d’été réchauffa la roche et lui donna


une clarté inhabituelle. Depuis le cauchemar du 2 juin, l’allure
de la maison s’est modifiée. Une douceur revenue tout à coup
contient la promesse d’une vie nouvelle.
La Vita nuova à la Maison des Pages aurait dû commencer
lors de l’exécution du fantôme. La noirceur de ses sentiments,
ses crises et ses accès de violence avaient dissous mes pensées.
De tels états d’âme n’ont rien à envier à la chimie des sols. Leur
tendance acide les a rendus capables de modifier l’équilibre du
lieu, privant une terre féconde de sa fertilité. L’aigreur et la
hargne de Louis n’exhalaient plus leur odeur de malheur mais
il était difficile de réparer les dégâts, et de ne pas regarder en
arrière. L’air était redevenu tiède. Il embrasa les pièces d’une
délicieuse exubérance.
J’espère que la fin de la malédiction effacera les rumeurs
de sorcellerie, les ragots sur les manifestations de hantise

228
- La tua violenza ti perderà !
- In amore, i crimini restano impuniti. Ho liberato questa
casa dal suo fantasma. Ormai appartiene a me.
- Fa` attenzione a non distruggere ciò che resta !
Sotto quell’albero, sentii ritornare una forza interiore. Attirai
verso di me il viso del giovane e affondai i miei occhi nei suoi,
per discernere quello che poteva offrirmi.
- Il pensiero è più forte di tutto, continuò. Gli esseri
possono scegliere se lasciare un nome di luce oppure un nome
di tenebre. Quando vengono commessi crimini o suicidi, niente
può cancellare la loro influenza.
Narciso mi fissò intensamente. I suoi occhi si riempirono
di una grazia ineffabile. Appoggiò la testa sulla mia spalla.
Sciogliendomi sul braccio la massa di capelli, strinse la
presa con un fervore indimenticabile. Il pilastro maestoso del
cedro affondava le radici nella terra, e la Maison des Pages si
preoccupava delle sue fortunate metamorfosi.

7 giugno 1987 - La luce d’estate rianimava la roccia, offrendole


un chiarore indimenticabile. Dall’incubo del 2 giugno, la casa
si era trasformata. Una certa dolcezza, venuta d’un tratto,
annunciava le primizie di una vita nuova.
L’aria si era riscaldata. Riscaldava la stanza di una deliziosa
esuberanza. La Vita nuova alla Maison des Pages avrebbe
dovuto cominciare con la scena del fantasma. La scurezza dei
suoi sentimenti, le sue crisi e i suoi accessi di violenza avevano
dissolto i miei pensieri. Dei tali stati d’animo non hanno niente
da invidiare alla chimica del suolo. La loro tendenza acida li
ha resi capaci di modificare l’equilibrio del luogo, privando
una terra feconda della sua fertilità. L’acredine e l’astio di
Louis non esalavano più odore di violenza, ma era difficile
riaggiustare i danni e non guardarsi indietro.

229
nourris par l’entourage de la maison, qui n’a plus que la télé et
les écrits de Stephen King pour occuper ses soirées.

11 juin 1987 - Les visiteurs chassés par Narcisse ont rengainé


leurs anathèmes contre des plaisirs inaccessibles. De passage,
ils ont décoché d’hypocrites sourires. Je les voyais de l’intérieur
de la maison. On aurait dit les points d’un tableau peint de
soleil et d’ombre.
Exalté par des fictions morbides, puissants dérivatifs des
tensions familiales, l’entourage s’empressa d’inventer un
fantasme propre à accaparer les nuits les plus paisibles. Un
fantôme très ancien, plus sensuel que l’ombre de Louis, me
retenait en ce lieu. On aurait vu rôder une jeune femme ondoyant
sous une tunique transparente. Son immense chevelure était
ornée de reflets jaunes. Elle venait rechercher les plaisirs de
l’amour. Son spectre parcourait les chemins insondés de la
chair, que sa voix défunte invoquait sans relâche.
Un ami retrouva une gravure de la maison figurant dans un
livre licencieux sur les compagnes et compagnons de Charles
VII. Les gens s’acharnaient à distinguer Charles VII de Charles
VIII - décédé sur une paillasse dans une galerie du château -, ou
s’évertuaient à expliquer les destins de Jeanne d’Arc et Gilles
de Rais. Esclaves de leurs inventions, ces amateurs d’histoires
mêlaient ensemble Anne de Beaujeu et Anne de Bretagne,
discutaient à profusion sur Pierre Gaxotte et Apollinaire. Ces
amalgames visaient à transformer la maison en un lieu de
plaisir et de conspiration. Ces alliances devaient s’effectuer
dans une oasis de volupté et de mystère.
Un des intrus, qui avait les allures aisées d’un homme du
monde, m’avait déclaré sans sourciller :

230
Avrei voluto credere che la fine della maledizione avrebbe
sfumato i pettegolezzi sulla stregoneria e sulla casa infestata,
nutriti dalla cerchia alla quale non restava che la televisione
e le contraffazioni dei romanzi da stazione per predisporsi ai
misteri.

11 giugno 1987 - Gli intrusi cacciati da Narciso hanno infine


taciuto, delusi di non poter contemplare le sculture scandalose
della casa. Da lontano, ci hanno dedicato sorrisi ipocriti,
snaturati da sentimenti di cupidigia o commiserazione. Li
vedevo passare sotto le finestre, componendo un quadro
dipinto di sole e di ombra.
Esaltata da malsane finzioni, potenti diversivi delle tensioni
familiari, il vicinato si premurò ad inventare un fantasma
proprio ad accaparrare le notti più serene. Un fantasma molto
antico, più sensuale dell’ombra di Louis, mi tratteneva in
questo luogo.
Alcuni testimoni sostenevano di aver visto una giovane
egiziana gironzolare vestita solo di una tunica trasparente.
La sua nera capigliatura, ornata da un diadema, rifletteva dei
bagliori d’oro e d’argento. Era alla ricerca di piacere e d’amore.
Quest’apparizione suppliva alle maldicenze, solcando i
cammini indicibili della carne, che la sua voce gutturale
invocava senza riposo.
Un’amica di La Rochelle trovò un’incisione inserita in
un libro licenzioso sulle compagne e sui compagni di Carlo
VIII. Le persone si accanivano a distinguere Carlo VII e
Carlo VII, morto quest’ultimo su un gradino di una galleria
del castello d’Amboise, oppure si divertivano a confondere i
destini di Giovanna d’Arco e di Gilles de Rais. Schiavi delle
loro stesse invenzioni, tutti questi appassionati della storia di

231
- Je sais tout de la Maison des Pages. Je pourrais vous
raconter ses meurtres d’amour jusqu’à demain matin, mais
je ne veux pas vous ennuyer. Sachez que vous vous trouvez
dans une maison exceptionnelle où vous courrez des risques !
Prenez garde à vous!

Les rumeurs m’incitèrent à croire que les visites


insistantes, qui m’étaient devenues si intolérables avant
l’arrivée de Narcisse, n’étaient pas seulement des censures, des
rancunes morales et puritaines, mais instauraient, de façon plus
profonde, la profanation du lieu. Taraudés par je ne sais quel
manque, les gens s’ébahissaient d’entrer en contact avec la
magie du monde. Ils oubliaient la banalité de l’existence pour
retrouver la profusion du règne minéral et les instincts du règne
animal. La luxuriante orgie du pressoir leur montrait qu’ils
étaient incapables de jouir de la vie. Ils rasaient les murs avant
de s’astreindre aux affaires, aux fonctions, aux magouilles et
aux procédures grâce auxquelles l’enfant le plus créatif finit
par ressembler à une baudruche, un épouvantail desséché.
Le plus sensible était la délitescence d’une campagne
rongée par une pathologie plus repérable à l’œil nu que dans
les cités interlopes. Les gens étaient capables de se livrer à
toutes sortes de conjectures sans s’expliquer pourquoi. Un
seul exemple  : l’ombre des Conjurés d’Amboise, pendus ou
défenestrés, décuplait les peurs à une vitesse phénoménale.
Plus on est sclérosé, plus on a la trouille. Une peur viscérale.
Des témoins complaisants m’ont assurée que telle ou telle
personne s’était jetée par la fenêtre de la maison. Une fenêtre
à meneau, où la croix de pierre aurait obligé les désespérés à
d’ultimes contorsions.

232
Amboise confondevano Anna di Bretagna e Anna di Beaujeu,
parlavano a profusione di Pierre Gaxotte e Apollinaire. Queste
considerazioni trasformavano la casa in un luogo di piacere e
di cospirazione. Queste alleanze si effettuavano in un’oasi di
voluttà e di estraneità.
Un signore curioso, che aveva l’aspetto di un uomo di
mondo, mi aveva detto senza batter ciglio :
- Io so tutto sulla Maison des Pages. Potrei raccontarle dei
crimini passionali fino a domattina ma non voglio annoiarla.
Sappia che si trova in una casa eccezionale. Faccia attenzione !

Tante storie mi portarono a credere che le visite insistenti,


che mi erano diventate così intollerabili prima dell’arrivo
di Narciso, non erano solo censure, dei rancori puritani e
moralisti, ma sancivano anche in modo più profondo une
certa appropriazione del luogo. Tormentato da Dio sa quale
mancanza, le persone si stupivano di entrare in contatto con
la magia della roccia. Dimenticavano la banalità dell’esistenza
per ritrovare la profusione del regno minerale e gli insetti del
regno animale. L’orgia lussureggiante del frantoio era la prova
che esisteva un certo godimento della vita. Rasentavano i muri
prima di consacrarsi al lavoro, alle funzioni sociali, a combinare
e alle procedure grazie alle quali anche il più fantasioso dei
bambini può assomigliare a un secco spaventapasseri.
La cosa più incredibile, era la delitescenza della
campagna rosicchiata da una patologia più facile da trovare,
improvvisamente, che nelle grandi città. Gli abitanti erano
capaci di dedicarsi ad ogni tipo di congettura senza il minimo
desiderio di cambiamento. Per esempio, il ricordo dei
Congiurati di Amboise, impiccati o defenestrati, risvegliava
paure ataviche. Degli ammiratori incondizionati della Maison
des Pages, mi assicurarono che delle persone si erano buttate

233
Quand aux terres inconnues de l’amour, si elles n’étaient
plus hantées par une jeune russe en tunique transparente, on
s’empressait d’en inventer une autre, qui se désagrégeait dans
son sang en poussant des supplications sans fin. Des diables
voltigeaient autour de la maison, tandis que des sorcières et
des lutins aux postures lascives s’y donnaient rendez-vous,
tourbillonnant sur de noires araignées et des corbeaux géants.
Les témoins n’avaient plus aucune notion du temps. Ils
croyaient à leurs rêves davantage pour se distraire que pour me
perturber. La parole associée à l’irrationnel les aidait à ne pas
contourner leur affliction au moyen d’un cancer.

12 juin 1987 - Préoccupée par l’urgence des travaux, je


téléphonai à Trébuchay, le maçon doté d’une excellente
réputation pour rénover les monuments. Ses persiflages
calmèrent mes ardeurs.
- Il y a une femme seule à Montlouis qui fait des travaux.
Qu’est-ce qu’ils profitent d’elle…! Ils viennent de lui monter
un escalier à trente mille francs. Un escalier récupéré  ! Ils
changent les carreaux des fenêtres et après, les fenêtres.
Les prix exorbitants, les excès dans les coûts d’entreprise
et de main d’œuvre n’étaient pas pratiqués avec de mauvaises
intentions. C’était la règle. Une lourde présomption pesait sur
les non-tourangeaux. Une discrimination encore plus archaïque
opprimait les femmes, en particulier celles qui n’étaient pas
dépendantes d’un mari. J’essuyai des insultes comparables à
celles reçues par les députées obligées de créer un groupe de
défense, les «chiennes de garde». Il a fallu s’en prendre aux
épouses et aux mères, les filles n’étant pas encore en âge d’être
informées. J’adressai discrètement à l’épouse du maçon la
carte de visite citée dans Débandade, de Sophie Chauveau, en

234
dalla finestra. La finestra a crociera  ? La sua croce di pietra
avrebbe obbligato i disperati a delle ultime convinzioni.
Quanto alle terre sconosciute dell’amore, se non fossero
più infestate da una giovane egiziana vestita di foschia, ci
affretteremmo a inventare un altro personaggio. Dei diavoli
volteggiavano intorno alla casa, mentre alcune streghe e
dei folletti dalla postura lasciva ci si davano appuntamento,
volteggiando su neri ragni e corvi giganti.
I testimoni avevano un’altra concezione del tempo.
Credevano ai loro sogni prima per divertimento che per
umiliazione. La loro parola, gravata d’irrazionale, gli aiutava
a non aggirare la loro afflizione con un cancro, o di qualsiasi
altra calamità a doppio senso.

12 giugno 1987 - Preoccupata dall’urgenza dei lavori, telefonai


al muratore, Trébuchay, dotato di un’eccellente reputazione
in materia di rinnovamento di monumenti storici. Le sue
maldicenze calmarono i miei ardori.
- C’è una donna sola a Montlouis che fa dei lavori, mi
raccontò. Se ne approfittano  !... Le hanno appena fatto una
scala da trentamila franchi. Una scala recuperata no so dove !
Le cambiano i vetri alle finestre. Dopo, cambiano le finestre.
I prezzi esorbitanti, gli eccessi nei costi dell’impresa e
della mano d’opera non erano praticati con cattive intenzioni.
Era la norma. Delle stigmatizzazioni opprimenti pesavano
sulle persone che non erano del posto. Una discriminazione
ancora più ripugnante soffocava le donne, in particolare quelle
che, ad ogni epoca, hanno disdegnato le glorie illusorie degli
uomini. Morale, subivo insulti simili a quelli ricevuti dalle
donne impegnate in politica. Le orecchie trite e ritrite dalle più
aspre frasi, e le calunnie non erano il mio forte, mi accinsi a

235
y joignant une notice décrivant l’attitude de l’époux : «VOUS
VENEZ D’INSULTER UNE FEMME ».
Quand un de ces artisans se trouvait dans une des pièces de
la maison, un sentiment «historique» suscitait des commérages,
et il en oubliait d’effectuer les réparations.
- Elle est tellement historique votre maison ! grommelait
Trébuchay. La preuve, ceux qui n’ont pas compris qu’ils sont
morts brutalement y sont encore.
- Brutalement  ? Et vous avez choisi de disparaître
lentement ?
Je gardai le silence sur les crimes passionnels, des morts
honorables, en somme, car je voyais que les poses des statues
décuplaient son agressivité.

16 juin 1987 - La restauration démarra dans un climat


d’affrontement. La tour, les salles de bains, la cuisine, les
couloirs au-dessus du pressoir étaient en aussi mauvais état que
les maisons bombardées de Beyrouth.
Je voulais une rénovation à l’identique. Respecter la beauté
médiévale, retrouver les règles du compagnonnage et l’art des
sculpteurs de pierre étaient les exigences de cette maison.
On disait que de nombreuses entreprises travaillaient à
l’aveuglette. Du rafistolage en trompe l’œil pour une rentabilité

236
entrare in relazione con le mogli, a volte anche con le madri
di alcuni artigiani così stupidamente misogini. Presi anche un
certo piacere a scrivere alla moglie del muratore una lettera
circostanziata sui comportamenti di suo marito, raccontando
dei piccoli aneddoti che possono rinforzare l’indigenza
coniugale.
Quando uno di questi artigiani si trovava in una delle stanze
della casa, l’aspetto storico dei luoghi, per non paralizzarlo,
dava libero sfogo ai suoi sentimenti di pietà o di benevolenza.
Abbandonato alla mercé dei suoi affetti, si lanciava in
pettegolezzi che rasentavano la calunnia, fino a dimenticarne
le riparazioni.
- È talmente una casa storica la vostra  ! Borbottava
Trébuchay. La prova, che quelli che non l’hanno ancora capito
che sono morti brutalmente, sono ancora là.
- Brutalmente  ? Ne è sicuro  ? Ne riparleremo domani,
nonostante il fatto che se io la ascolto, finirà lei stesso per
credere alle storie che racconta.
Lui, aveva scelto una morta lenta. Avevo cura di non
evocare davanti a lui i crimini passionali, le immagini color
sangue che colavano su questa casa. Dei massacri autorizzati,
insomma, alla portata del primo venuto, e degni di alimentare
le colonne di fatti diversi, anche a rischio di essere glorificati.

16 giugno 1987 - La restaurazione della casa incominciò in un


clima di affronto. C’è da dire che la torre, i bagni, la cucina, i
corridoi sopra al frantoio erano talmente in un cattivo stato che
mi ricordavano alcune case bombardate di Beyrouth. Io volevo
che i lavori rispettassero la natura della casa e la sua bellezza
medievale, ritrovare i segreti del comparabilità e l’arte delle
sculture di pietra era un’esigenza a misura d’edificio.

237
maximum. Les «maîtres d’œuvre» assuraient leurs clients de
la qualité exceptionnelle de leur travail, doté d’une garantie
décennale. Quelle confiance en l’éphémère ils manifestaient !
Ils péroraient à l’instar des coqs de village, alors que,
d’une façon générale, la rénovation opérait en malfaçons
savamment orchestrées pour vider les comptes en banque
des propriétaires. La plupart des demeures - en particulier les
fermettes des Parisiens - s’enlisaient dans des travaux sans
fin. Leurs habitants occasionnels se noyaient dans un fleuve
de tracasseries, de chicaneries innommables, en croyant éviter
de rendre des armes, qu’il leur faudrait déposer tôt ou tard.
Personne ne pouvait démêler l’incompétence de la flibusterie.
Il faut beaucoup de sagesse pour s’abstenir de jouer avec
des tricheurs et de mauvais perdants.
Je réclamais des améliorations au lieu d’accepter l’inaction
continuelle et tous ses faux-semblants. Mon élan a donc
démultiplié les problèmes. Laissant les peintres, les maçons,
les plâtriers, les électriciens, les menuisiers et les serruriers
pavoiser, j’ai porté mon attention sur le pressoir et les statues,
ces œuvres uniques en train de disparaître.
J’ai choisi la meilleure voie et je fais en sorte qu’il ne
pleuve plus dans ma chambre, que les portes ferment, pour
pouvoir me prélasser dans la chaleur de l’été.

21 juin 1987 - Lors de sa dernière visite, Trébuchay s’est


exclamé :
- Ça urge !
Il n’est pas venu trois jours de suite. Aujourd’hui, il est
arrivé à dix heures du matin et m’a conseillé de vendre.
- Ça urge depuis longtemps, observa-t-il goguenard. La
Parisienne de Montlouis, elle, ça fait une semaine qu’elle a
décampé.

238
Era noto a tutti che un buon numero di imprese edili
lavorava senza coscienza professionale. Delle riparazioni
ingannevoli per massimizzare i guadagni. I maestri,
assolutamente disinteressati, assicuravano ai loro clienti la
qualità straordinaria del loro lavoro e garanzie decennali. Che
confidenza nell’effimero, e che arroganza ! Peroravano come
capi di villaggio, quando in realtà le loro ristrutturazioni, di
qualità pietosa erano abilmente orchestrate per svuotare i loro
conti in banca. La maggior parte delle dimore da ristrutturare -in
particolare le piccole fattorie comprate da Parigini- restavano
arenate in lavori senza fine, zeppe di muratori. I loro sporadici
padroni annegavano in un fiume di contraddizioni, seccature,
innumerevoli cavilli, occupando così le loro domeniche, e
credendo di evitare di rendere le armi che un giorno o l’altro
dovranno essere deposte. Nessuno avrebbe potuto snodare
l’incompetenza dalla disonestà.
Nessuno ha la saggezza di astenersi dal giocare sleale
e dall’essere un cattivo perdente. Invece che accettare la
continua inazione e tutti i suoi falsi simili, ho sempre esatto dei
miglioramenti. Il mio entusiasmo riuscì sempre a moltiplicare
i problemi. Lasciando che esultassero i vari imbianchini, i
muratori, intonacatori, elettricisti, falegnami e fabbri, riportai
la mia attenzione al frantoio e alle statue, opere rare, che
stavano sparendo. Scelsi ciò che in quel momento mi sembrava
il compromesso migliore, la più saggia tregua. Feci in modo
che i temporali non attraversassero più le vasistas e le vetrate
della mia stanza, e che fosse possibile chiudere le porte, per
riposarmi nel calore dell’estate.

21 giugno 1987 - L’ultima volte che venne, Trébuchay


esclamò :

239
- Une femme intelligente qui a préféré fuir devant le
spectacle de vos «œuvres», répondis-je avec humeur. Votre
talent s’accompagne d’un enrichissement rapide, inutile d’y
revenir. La corruption détruit le monde de façon irréversible.
Vous ne pourrez plus faire bonne figure devant vos clients.
Son regard se chargea de reproches. Trébuchay crevait
d’envie. Il ne voulait rien savoir de mes inspirations. Mes
sermons l’horripilaient et je n’étais pas plus avancée. Le
contraste entre mes projets de construction et les hochements
de tête du maçon, ses airs courroucés, ses propos bornés que
je devais ignorer pour qu’il travaille un tant soit peu, était
grotesque. Il s’est mis à boire et à dépérir assez rapidement.
L’épouse a pris sa défense. Elle tient la bourse et ferme les
yeux.

22 juin 1987 - Ce matin, le maçon est entré dans la cuisine


alors qu’il devait venir la veille. Je prenais mon petit déjeuner
en compagnie de Narcisse. Je ressentis cette intrusion comme
une agression.
- Je vous remplace  ! lui dis-je. Le mensonge vous fait
détruire tout ce qu’on vous confie.
Trébuchay tortilla son béret entre ses doigts. Vexé, il se
prit les pieds dans les sacs, oublia ses tréteaux et ramassa en
hâte quelques outils. Il rata une marche devant la porte de la
tour et lança des jurons, selon, sa manie, détruisant la confiance
mutuelle.
Après son départ, le calme féerique du lieu se répandit
comme une onde sur mes épaules. Les embrasures des fenêtres
exhalaient une agréable fraîcheur. La chaleur n’envahissait pas

240
- È urgente !»
In realtà, non è venuto per tre gironi di seguito. Oggi, è
arrivato alle dieci del mattino e mi ha consigliato di vendere.
Mentre mostravo il mio disappunto per il suo ritardo  :
- È urgente da tanto tempo, osservò beffardo.
Gli ricordai le prove della Parigina di Montlouis, che si era
rifiutata di continuare i lavori di ristrutturazione.
- Una donna intelligente, epilogai con entusiasmo. Ha
preferito scappare davanti al folle spettacolo dei vostri lavori.
Il vostro talento si accompagna ad un arricchimento edificante,
inutile tornare su questo punto. La cupidigia rovina tutto. Non
fate bella figura davanti ai vostri clienti.
Trébuchay fu toccato nel vivo. Il suo sguardo si caricò
di rimprovero. Non voleva saperne dei miei discorsi. I miei
sermoni lo orripilavano, non ne teneva conto. La contraddizione
tra i miei progetti di costruzione e il fatto che il muratore
scuotesse la testa, la sua aria corrucciata, i suoi buoni propositi
che ero obbligata a ignorare affinché egli giudicasse opportuno
mettersi al lavoro, tutto ciò era carico d’ansia e sfiorava il
ridicolo. A coronare il nostro disaccordo, beveva fino a non
poterne più, sotto lo sguardo complice di sua moglie.

22 giugno 1987 - Stamattina, Trébuchay è entrato in cucina con


un’aria altezzosa e disinvolta. Sarebbe dovuto venire il giorno
prima. Io stavo facendo colazione con Narciso. Vissi la sua
intrusione come un attacco alla mia vita privata.
- Se ne vada ! Torni domani !
Il muratore si girava il cappello tra le mani. Umiliato,
dimenticò i suoi trespoli e raccolse di fretta i suoi strumenti
da lavoro. Non vide lo scalino davanti alla porta della torre e
lanciò delle grida alle quali ero, ahimé, abituata.

241
la maison. J’ai remarqué, dans l’après-midi, que les frénésies du
printemps encourageaient de multiples activités. Les magasins
se sont remplis de piscines en plastic, d’oiseaux, de plantes et
d’angelots patinés, laids à faire pleurer les petits dieux pénates.
Les «hommes de l’art» ne savaient plus où donner de la tête
tant les commandes affluaient. Les beaux jours, les projets de
vacances et les travaux en retard les entraînèrent vers les caves
qu’ils fréquentèrent avec assiduité. Dans ces oubliettes avinées,
le temps fuyait, s’adoucissait et quelque chose d’évanescent
prenait corps pour endormir la malveillance qui frappe le
monde d’impuissance.

23 juin 1987 - Enfoncés jusqu’aux yeux dans l’incurie


administrative, les représentants des Monuments Historiques
sont venus de me prodiguer des conseils :
- Vous sauvez un monument à l’abandon. Vous entreprenez
une «véritable aventure de l’esprit», selon le mot d’André
Malraux. Compte-tenu des quatorze mille monuments classés
et de vingt-sept mille monuments en cours de classement, vous
comprendrez que notre aide financière soit restreinte.
Choisissez vos entreprises et ne commencez rien sans
avoir trois devis !
L’«ancien» et l’«historique» ? Des alibis pour les coupeurs
de bourse et la contrefaçon. Je perdis mes illusions quant à
la protection d’une pierre fragile, d’une pierre aux couleurs
changeantes et de statues crayeuses dévorées par le temps. Les
escrocs aux larges sourires, les «gougnafieux» et les faussaires
étaient habiles à rénover l’ancien, à ne jurer que par l’ancien,
à combiner sur le dos de l’ancien, sans scrupule pour en
fabriquer. Par chance, la Maison des Pages les faisait hésiter!

242
Dopo la sua partenza, il silenzio incantatore del luogo si
versò come un’onda sulle mie spalle. Dai vani delle finestre si
spandeva una gradevole frescura. Il calore non entrava in casa.
Nel pomeriggio notai che la frenesia dell’estate incoraggiava
molteplici attività. I negozi di Amboise si sono riempiti di
piscine di plastica, di uccelli, di piante e di angeli patinati,
brutti da far piangere.
Gli «uomini d’arte» non sapevano più dove sbattere la
testa, tante erano gli ordini che arrivavano. Le belle giornate,
i progetti vacanzieri e i lavori in ritardo li trascinarono verso
le cantine di degustazione ch’essi frequentavano con assiduità.
In queste segrete avvinazzate, il tempo fuggiva, si addolciva e
qualche cosa di evanescente prendeva forma.

23 giugno 1987 - Annegata fino al collo nella complessità


dell’amministrazione, i rappresentanti dei Monumenti Storici
vennero a prodigarmi i loro consigli avveduti :
- Lei sta salvando un monumento dall’abbandono. Sta
cominciando una vera avventura dello spirito», come diceva
Malraux. Con quattordicimila monumenti classificati e
ventisette mila in corso di classificazione, lei capisce che il
nostro aiuto finanziario sia riservato.
Scelga la sua azienda e non inizi senza un preventivo !
L’«antico» e lo «storico» ? Alibi per imprenditori. Perdevo
tutte le mie illusioni quanto alla protezione di una pietra fragile,
di una pietra dai colori cangianti e di statue abbozzate divorate
dal tempo. Gli imbroglioni dagli ampi sorrisi, i villanzoni e i
falsari erano bravi a rinnovare l’antico, a combinare dietro le
spalle dell’antico, senza scrupoli per fabbricarne uno nuovo.

243
De l’humidité, d’obscurs recoins, des beautés délabrées, la
roche agitée de remous. Les fantômes, vous savez… et toutes
sortes de peurs. Réancré dans la roche au moyen de tirants et
de vis, l’édifice s’apprêtait à défier les prochaines générations
d’artisans et d’experts, à leur imposer son silence et ses origines
équivoques.

18 heures - De jour en jour, j’ai abandonné une position


défensive pour passer à l’attaque, au point de vérifier des
factures établies à la tête du client.
Un serrurier au visage creusé de rides, avec des poils
hirsutes et des manières sommaires, tenta de récupérer les
serrures d’époque, croyant que j’ignorais leur valeur. Cette
après-midi, il a rapporté serrures et grosses clefs, non sans tirer
de sa poche une facture froissée, aux chiffres dénués sens.
Un dialogue s’engagea :
- Vous m’avez fait débourser une serrure de sécurité alors
qu’elle n’est pas sur le devis, remarquai-je.
- Qu’est-ce que vous me racontez-là ? fit-il. Il bougonna
des insanités.
- Je sais, vous allez déchanter. Allez voir votre mère si
vous voulez continuer vos jérémiades ! Je vérifie pour ne plus
être victime de votre mauvais vouloir.
- Vous, victime ? Ah ! laissez-moi rire, avec une maison
pareille, victime !
Le serrurier se tapait sur les cuisses. Il me dévorait d’un œil
où ruse et rage étaient indiscernables. Je pensai à une histoire
de duel. Aucun ne gagne. En repartant, le Bon revêt la cape du
Méchant. Ce risque est le plus périlleux. Il empêche de suivre
le cap de sa destinée.

244
Per fortuna, la Maison des Pages li faceva esitare. L’umidità,
l’oscurità, le bellezze scalcinate, la roccia smossa dal risucchio.
I fantasmi, sa… e queste paure indecenti faccia a faccia con
l’eterno movimento della vita.
Ancorata alla roccia grazie a viti e cordoni, l’edificio
si apprestava a sfidare le generazioni future di artigiani e di
esperti. Riuscirà a imporre il silenzio sulle proprie origini ?

Ore 18:00 - Ho abbandonato la posizione di difesa per passare


all’attacco, al punto da verificare le fatture evidentemente
stabilite a guisa dal cliente. Un fabbro dal volto scavato
dalle rughe, irsuto e dalle maniere rudi, cercò di recuperare
serrature d’epoca, convinto che io ne ignorassi il valore.
Questo pomeriggio, ha portato serrature e grandi chiavi non
senza tirar fuori dalla tasca una fattura sgualcita, dal contenuto
stravagante.
Cominciammo il dialogo :
- Lei mi ha fatturato una serratura di sicurezza, che non
appare nel preventivo.
- Cosa sta insinuando ? Borbottò qualche inettitudine.
- Verifico le sue fatture per non esser più vittima di
malintesi.
- Lei, vittima ? Ah ! Ma mi faccia la cortesia, con una casa
simile, vittima !...
Il fabbro tamburellava le mani sulle cosce. Mi divorava,
con uno sguardo in cui si mescolavano astuzia e rabbia. Mi
fece pensare a un duello in cui non c’è vincitore né vinto. Alla
fine, il buono fa il cattivo. Trasformazione pericolosa, che
toglie l’individuo dalla strada che si era tracciato.
Se io non fossi l’unica a introdurre a casa mia degli
imprenditori depressi, veementi e provocatori, nessun’altra

245
Je n’étais pas seule à introduire chez moi des êtres
déprimés, véhéments et chronophages, plus accordés aux
pratiques des Indien Jivaro, réducteurs de têtes, qu’à la
condition humaine, mais aucune autre maison ne pouvait leur
faire éprouver les profonds frissons d’une matière à la fois
désordonnée et envoûtante. Cette matière leur était hostile.
Elle précipita le cours de leurs malversations. En dépit de
mes efforts pour éviter les conflits, la débâcle fut brutale.
Bis repetita. Je fermai violemment la porte à ce commun des
mortels qui voulut s’arroger le chantier en se persuadant qu’il
«fallait des couilles» pour œuvrer en compagnie des fantômes.
«Les médiocres l’ont abusé, écrivait François Mauriac,
ils ont passé». La diplomatie a encore fait ses preuves
d’inefficacité, trop artificielle pour s’ajuster à la puissance du
lieu. Narcisse, qui était resté à l’écart, ne manqua pas de me
rappeler que si la confiance guide les actes mercantiles, on est
perdu d’avance.

23 juin 1987 - Il s’agit de révéler ce qui est subtil en soi. Une


vie cachée éclot, et s’écoule vers une mer qui la submerge.
Quel bonheur de savoir que l’armée des ouvriers a stoppé
sa sordide domination sur la maison, se divisant au rythme des
pulvérisations du chaos !
À midi, j’ai profité de la vue des kayaks qui filent sous
mes fenêtres, entre le quai des Violettes et l’île d’Or. Une
girandole de montgolfières apparut au-dessus de l’île. De petits
bonhommes s’agitaient dans les nacelles qui caressaient l’eau
couleur d’obsidienne. Le bruit du feu crépita dans l’air.
C’était une suite de déflagrations, une succession de
commotions gonflant les énormes ballons jaunes ou blancs
qui louvoyaient tout près de l’eau avant d’être propulsés

246
casa potrebbe fare loro provare delle inquietudini così vive.
Tutta questa bellezza era loro ostile. A discapito dei miei sforzi
per migliorare le cose, fu un disastro. Bis repetita…Chiusi la
porta a questi nuovi intrusi. Dal momento che Trébuchay aveva
tentato di arrogarsi la supervisione del cantiere, persuaso che ci
volesse del coraggio per lavorare vicino a dei fantasmi, decisi
di ingaggiare altre imprese, magari più serie.
«I mediocri hanno esagerato, scriveva Mauriac, e sono
passati».
La diplomazia mostrò la propria inefficacia, troppo
artificiale per adattarsi alla potenza del luogo, troppo finta.
Narciso, che era rimasto in disparte, non mancò di ricordarmi
che se è la fiducia a guidare le azioni, si rischia di essere colpiti
dall’impotenza.

23 giugno 1987 - Quando si mostra ciò che riposa in noi, una


vita latente sboccia, si mette in moto, si risveglia agli occhi
di tutti. Che tranquillità pensare che l’esercito di operai aveva
fermato l’avanzata dei propri danni  ! Verso mezzogiorno,
approfittai della vista dei kayak che sfilavano sotto le mie
finestre, tra il lungofiume delle Violette e l’Isola d’Oro. Una
girandola di mongolfiere apparve al di sopra dell’isola. Alcuni
uomini si agitavano nelle barchette che accarezzavano l’acqua
dai riflessi di ossidiana. Il rumore degli ugelli crepitò, un seguito
di deflagrazioni, una successione di commozioni gonfiavano
gli enormi palloni bianchi o gialli che sfioravano l’acqua prima
di esser spinte verso il cielo. Animati da un riflesso arcaico,
i passeggeri continuavano a nutrire la fiamma, che ne aveva
sempre troppo e mai abbastanza. Tutta questa agitazione non
era indirizzata a creare calore. Essa s’applicava a soddisfare un

247
vers le ciel. Animés d’un réflexe archaïque, les passagers ne
cessaient de nourrir la flamme, qui en avait toujours trop ou
pas assez. Leur agitation ne visait pas à faire de la chaleur.
Elle s’appliquait à satisfaire une envie de s’élever, de voler par-
dessus la maison, pour s’arracher à l’ennui.
Un souffle tranché, que je perçus sous forme d’une
déflagration plus forte que les autres, et un des ballons qui avait
effleuré l’eau du fleuve se dégagea brusquement. Il passa si
près de ma fenêtre qu’il me sembla qu’en tendant le bras je
pouvais palper l’énorme sphère.
Illusion d’optique ! Je faisais face à la réalité concrète d’un
des spectacles colorés de la ville, une réalité extrême qui avait
de quoi me désorienter. Ni féerie, ni poésie, juste de la matière
palpable gravitant dans la nuée d’un instant.
L’une des nacelles continuait à s’enliser dans la Loire. Les
passagers, timides, ne rallumaient le feu qu’à petits coups, pas
assez vite. Des bruits imperceptibles. Avaient-ils peur du gaz,
du feu qui soufflait à l’intérieur du ballon ? Ils périront avant
les autres, pensai-je, car ils se donnent trop de peine au lieu
d’accepter leur fragilité.
Puisqu’il s’agissait d’affronter les ragots de puritains, au
lieu de vivre en amitié dans la beauté de la Maison des Pages,
Narcisse soupira de me voir m’épuiser à faire des réparations.
Il proposa de m’aider. Sa beauté surnaturelle montrait que
ce n’était pas sa fonction, pas davantage que la mienne !
Il me conseilla de fuir ce monde pesant, pour ne plus voir
un théâtre d’ombres se perpétuer, s’amenuiser et s’ennuyer, en
tenant captif le mystère de l’être humain.

1er juillet 1987 - La Loire baissa. La pierre se métamorphosa,


devint fragile comme les torchis composés de résidus, de
coquilles de noix, de vieux journaux et de papiers argentés

248
certo desiderio di elevazione, il bisogno di volare sopra la casa
per strapparsi alla noia.
Un soffio perfetto, netto, che percepii sotto la forma di
una deflagrazione più forte delle altre, e uno dei palloni si
staccò dall’acqua. Passò così vicino alla mia finestra che se
avessi allungato un braccio avrei potuto toccare, accarezzare
o far scoppiare questa sfera gigantesca. Illusione ottica o fatto
concreto  ? Questa estrema realtà mi disorientò. Né racconto
feerico, né poesia, solo della materia liscia che gravitava nel
vuoto di un istante. Un’altra barchetta scivolò nella Loira. I
passeggeri, timidi, riaccesero il fuoco a piccole dosi. Dei
rumori deboli, impercettibili. Avevano paura del gas, del fuoco
che soffiava all’interno del pallone ? Costoro periranno prima
degli altri, pensai.
Narciso non volle che io mi facessi assoggettare ancora
a lungo dalla ristrutturazione avendo capito che si trattava di
affrontare dei pettegolezzi, invece che esprimere la bellezza
della casa. Mi propose di aiutarmi, ma non era il suo compito,
né il mio. Mi consigliò di fuggire questo teatro d’ombre che, ai
suoi occhi, si perpetuava, si assottigliava e si sovraccaricava di
mille e una cosa, per soffocare il fragile mistero dell’umano.

1er luglio 1987 -La Loira era in magra. La pietra della casa si
metamorfizzò, facendo credere alla sua fragilità, un fantasma di
debolezza che evocava la preparazione dell’impasto di argilla e
di paglia spezzata composto anche di residui, di gusci di noci,
di vecchi giornali e di carta argentata, un tempo involucro di
dolciumi. Cominciai a dipingere il gesso del soffitto, in mezzo
alle travi. La polvere nera mi si sparse in mezzo ai capelli.
Era necessario lasciarli riposare, gli impasti, e abituarsi ai muri

249
faits pour enrober des sucreries. J’essayai de peindre le plafond
entre les poutres, mais la poussière noire du torchis coula sur
mes cheveux. C’est qu’il fallait laisser les torchis, s’habituer
aux murs décrépis et aux carreaux cassés, au bruit des portes
grinçantes. La torpeur estivale devint l’occasion d’une dilection
pour la Loire.
Je me réchauffai au soleil de l’été. La chaleur aggravait
l’apathie tourangelle et décuplait les forces de la roche. Les
parois de tuffeau émirent un rayonnement qui m’incita à
gravir les marches branlantes de l’escalier à vis, à arpenter
l’interminable défilé d’escaliers recourbé sur lui-même, entre
la tour et le roc. La lumière m’obligea à fuir les sols moisis
des caves et l’odeur âcre des pressoirs qui s’abîmaient dans
l’humidité. Mon regard s’adapta à la verticale. La chaleur
sculptait la maison et me sculptait par l’action de ses particules
illuminées. Des volutes de chaleur m’emportèrent loin des
miasmes des parois humides.

2 juillet 1987 - Face aux ardeurs éblouissantes de l’été, Narcisse


m’enseigna le repos dans la fraîcheur des grottes. Il disait :
- Doucement ! détends-toi, laisse le monde en paix. Aucun
esprit moderne ne peut résoudre ses conflits avec le temps et
l’espace.
- Je crois que la maison et l’air émollient de la Touraine
m’ont soudain ranimée. Bachelard écrit qu’il ne faut pas faire
visiter une maison parce qu’elle est un rêve véritable, qu’elle est
corps et âme et ne doit pas être dénudée : «La maison première
et oniriquement définitive doit garder sa pénombre»…
Les révélations de Narcisse m’apportaient un message de
renouveau. Ses paroles développaient une ascèse, un mélange
de liberté et de privation. Sa voix me ravissait, elle bâtissait
un monde sans êtres vaniteux, sans la moindre aversion pour

250
decrepiti, ai vetri incrinati, al rumore delle porte che cigolano.
Il torpore estivo autorizzava un certo diletto per la Loira.
Mi scaldai al sole estivo, simile a quello dei mattini egiziani
o delle giornate ad Aleppo, costantemente scintillante di aromi
e di purezza. La calura aggravava l’apatia della regione, e,
allo stesso tempo, moltiplicava le forze della natura. Le pareti
rocciose irradiavano luce. La luce mi obbligava a evitare i
suoli marci delle cantine e l’odore acre del frantoio che, sotto
l’influsso dell’umidità, si stava deteriorando. Il calore scolpiva
la casa e mi circondava delle sue particelle dorate. Il suo
slancio mi elevò al di sopra delle pareti umide, con il gioco di
una vasta spirale scintillante.

2 luglio 1987 - Di fronte al solletico di ardore e di luce, Narciso


mi insegnò, nelle pieghe della roccia, nei labirinti del mondo
interiore, per godere meglio dell’estate. Diceva :
- Piano ! Riposati, lascia in pace il mondo. Nessuno spirito
moderno riesce a padroneggiare i propri conflitti con il tempo e
con lo spazio.
- Alla fine, respiro. La casa e l’aria emollienti della
regione mi hanno pacificata. Bachelars scrive che non si deve
far visitare una casa perché è un sogno, ch’essa è corpo e anima
e non deve essere denudata  : «La casa prima e oniricamente
definitiva deve mantenere la propria penombra…»
Le rivelazioni di Narciso mi portarono un messaggio
di rinnovamento. Le sue parole esprimevano un’ascesi, un
miscuglio di libertà e di privazione. La sua voce mi incantava.
Costruiva un mondo senza creature ignoranti, senza la minima
avversione contro lo spiegamento dello spirito. Quest’essere
ideale mi aveva restituito la freschezza dell’infanzia in un

251
contracter le déploiement des rêves. Cet être idéal m’avait rendu
la fraîcheur de l’enfance quand j’étais si près de m’abandonner
aux vanités du monde. Sa force intérieure m’apportait un
amour capable de bâtir sur des ruines une parole agissant sur
les toutes fibres de mon être, me guérissant de l’exil. Davantage
que Léo masqué par ses pantomimes, cet ange gardien du
passé préservait son secret lorsqu’il m’apprenait à panser mes
blessures au plus profond de la maison.

7 juillet 1987 - Au réveil, je questionnais Narcisse. Mes propos


l’enveloppèrent comme une étreinte. Je voulais rompre le
silence de cet être parfait, si distant, et m’unir à lui jusqu’à
ce que mes obsessions s’effacent. Les mots me soulageaient.
Mais ils semblaient éclabousser une surface immobile, et
ricochaient, fuyaient dans le cerveau de Narcisse, un cerveau
étranger au temps et aux volontés sans appel. Avec patience,
il développait des jugements que rien ne saurait représenter,
et ce feu authentique m’encourageait à reprendre mes efforts
- les déchiffrements qui tiennent lieu d’expérience. Ma voix le
charmait pour l’éloigner du fond de la maison silencieuse, pour
qu’il retrouve avec moi les vagues et la mesure du bonheur.
Parfois, j’avoue que le doute brisait d’un coup tous ces efforts
et recommençait son lent travail de sape. Qu’allait m’apporter
cette statue vivante, qui n’était peut-être qu’une matière dont,
avec beaucoup de croyance, on peut fabriquer un dieu, un
automate ou, comme l’a écrit je ne sais plus quel philosophe
matérialiste, un bar ?
Le réchauffement de la maison ne répétait pas cette année
celui des autres années. Rayonnant dans la vacuité, il me
rendit intelligibles les forces de la pierre. La chaleur créait
une ivresse d’amour qui détruisait le passé. Un sentiment

252
momento in cui stavo per ridarmi alle vanità del mondo. La sua
forza interiore mi portava un amore capace di ricostruire sulle
rovine, una parola che agiva su tutte le fibre del mio essere,
e mi consolava dall’esilio. Più che Léo, mascherato dalle sue
pantomime, quest’angelo guardiano del passato mi insegnava
a rimanere in questa grande casa, sotto un sole di piombo.

7 luglio 1987 - Fin dal primo risveglio, feci parecchie domande


a Narciso. Le mie proposte lo avvilupparono come una forte
stretta. Volli rompere il silenzio di questo essere perfetto,
così distante, e allearmi a lui, perché le mie ossessioni si
cancellassero. Le parole mi consolavano, anche se parevano
infangare una superficie immobile, zampillare e fuggire nella
testa di Narciso, in una testa estranea al tempo e alle volontà
senza richiamo.
Con pazienza, sviluppava dei giudizi che io non potevo
capire. I suoi slanci di allegria mi incoraggiavano a proseguire
nel mio lavoro, questo eterno decifrare che chiamano
esperienza. Io lo affascinavo con una voce, per allontanarlo
dal fondo della casa silenziosa, affinché ritrovasse con me la
misura della felicità. Talvolta, i miei dubbi rompevano d’un
colpo solo tutti questi sforzi di stabilità e ricominciavano il loro
lento lavoro di zappa. Cosa mi avrebbe portato Narciso, statua
vivente fatta forse di una sostanza di cui, con un po’ di fantasia,
si sarebbe potuto fabbricare un dio, un automa, o come scrisse
non so più quale filosofo materialista, un tavolo ?
Il riscaldamento della casa non era uguale a quello degli
altri anni. Splendeva nel cuore dell’immobilità. Il calore
creava un’ebbrezza d’amore che faceva nascere un sentimento

253
inaugural, qui réveilla l’envie de travailler la roche, de sculpter
le corps séraphique de Narcisse pour lui donner une autre vie.
Les forces qui émanaient de lui exercèrent sur moi une action
visible.
À midi, Narcisse reposait encore sous les lianes sculptées,
immobile à l’image de la pierre. J’avais envie de l’émouvoir.
- Pourquoi les exhalaisons de la roche tendent à nous
réunir ? demandai-je.
- Parce qu’aucune chose ne peut se séparer de son essence,
répondit-il.
- Tu es l’autre de moi, alors. Et les statues  ? Souvent,
j’ai l’impression qu’elles s’animent, qu’elles errent dans les
cavernes où pouvoir inexplicable les anime.
- Inconcevable. Faire vivre une sculpture, c’est se substituer
à la Nature. Vois les catastrophes qui en résultent aujourd’hui!
- L’été, repris-je, la poussière, le sable, la terre bourbeuse
qui sortent de la Loire, se confondent avec la pierre. La matière
est en effervescence, elle n’arrête pas de se modifier. L’air
chaud emplit la maison et me détend. On dirait que c’est la
source de la vie.
Narcisse restait impassible.
- Regarde  ! insistai-je. Avec la chaleur les murs se
couvrent d’un enduit couleur de lait. Le sable devient d’une
telle blancheur... et la roche est aussi pure que l’albâtre. Elle
éblouit. On doit plisser des yeux. Tandis qu’en hiver, on dirait
une pierre tombale, couverte de ce coton givré qui ronge les
statues.
- Ta pensée devrait se concentrer, déclara-t-il. Au lieu
d’observer les surfaces, les formes, pose la question de
l’origine. Le temps est court. Il est aussi circulaire. C’est ce
que montrent les métamorphoses de la roche au cours du
réchauffement.

254
inaugurale, e risvegliava la voglia di lavorare la roccia, di
scolpire il corpo serafico di Narciso per offrirgli un’altra
configurazione. Le forze eteree che incarnava senza saperlo
esercitavano su di me un’azione tangibile.
A mezzogiorno, riposava sotto le liane scolpite del grande
bagno al secondo piano. Era immobile come la pietra. Ebbi
voglia di muoverlo, di spingerlo a reagire.
- Perché le esalazioni della roccia tendono a riunirci  ?
Chiesi.
- Perché niente può esser privato della sua essenza, rispose
imperturbabile.
- Tu sei l’altro di me, il mio complemento. Ma le statue ?
Spesso, ho come l’impressione ch’esse si risveglino, errino
nelle caverne, che un potere inesplicabile le stimoli.
- Far vivere una scultura, sarebbe come sostituirsi alla
Natura. Questo non può che generare catastrofi !
- L’estate, ricominciai, la polvere, la sabbia e la terra
melmosa che esce dalla Loira, si avvicinano alla roccia. La
materia evolve, si modifica incessantemente. L’aria calda
riempie la casa e mi tranquillizza. Non è questa la fonte della
vita ?
Narciso non rispondeva.
- Guarda ! Insistei. Con il calore i muri si ricoprono di uno
strato colore latte. La sabbia diventa talmente bianca. La roccia
evoca l’alabastro. Risplende. Siamo obbligati a socchiudere gli
occhi, quando d’inverno, si direbbe una pietra tombale, coperta
di salnitro, cotone gelato che sfalda le statue. Cosa significano
queste trasformazioni ?
- Sarebbe meglio interiorizzare i tuoi pensieri, dichiarò.
Perdi tempo a osservare dal di fuori le superfici e i contorni.
Il tempo è circolare. Ciò che mostrano le transmutazioni della
roccia nel corso del riscaldamento ciclico.

255
Était-il donc possible de concevoir des phénomènes
excédant les limites de nos sens  ? Narcisse parlait souvent
des jugements de l’artiste sur son œuvre. Il en parlait avec
précision et m’expliquait les techniques d’une science aussi
chimérique que les fictions scientifiques de Léonard de Vinci -
pour son époque. Ces étranges conceptions se déployaient dans
une réalité plus passionnante que la réalité humaine, car elle
était dénuée des médiocrités où se terrent les désirs de ceux qui
ont peur.
Je ne ressentais plus d’appréhension face à cette autre
réalité, mais du respect. Mon cœur s’ouvrait à un ailleurs infini
et les incertitudes de l’époque m’apparurent altérées, étouffées
par tous les faux-semblants qui s’opposent à la puissance
intellectuelle, fût-elle embryonnaire dans de nombreux
domaines.
- Me voilà dans un pli du temps, finissais-je par conclure,
un laps d’existence défini par mon corps. Les techniques pour
réparer la faille seront inventées par d’autres. Elle est née de
l’évolution naturelle de la roche et ne changera rien au cours de
ma vie. Elle continuera à me séparer de Narcisse.

9 juillet 1987 - Les échanges avec Narcisse avaient décuplé ma


sensibilité. Je sentais le souffle de la planète raviver l’humidité
du pressoir. Certaines nuits, on frappait aux portes. Je
m’éveillais, j’ouvrais les fenêtres et guettais, dans une frénésie
froide, insoutenable. À la fin, je m’endormais, ayant soin
de laisser une lumière pour éviter les cauchemars. Narcisse
identifiait l’origine de ces bruits, qui, au fond, défiaient la
patience et les sens, et me montraient qu’on se libère rarement
des certitudes issues des extrapolations de son cerveau. Le mien
aspire au détachement, au point que le liquide où évoluent mes
neurones s’épanche dans la maison pour s’unir aux galaxies.

256
Era possibile concepire i fenomeni che eccedevano i limiti
della nostra comprensione ? Narciso parlava spesso dei giudizi
dell’artista sulla sua produzione. Li esponeva con precisione
e mi spiegava le tecniche di una scienza tanto utopica quanto
le erudite invenzioni di Leonardo da Vinci lo erano per la sua
epoca. Queste stupefacenti premonizioni riuscivano a creare
una realtà più appassionante della realtà umana, perché libere
delle mediocrità in cui si rintanano i desideri. Sentivo più
apprensione davanti alle creazioni di questo immaginario,
un’apprensione di grandezza, di dignità. Il mio cuore si apriva
a questi altrove senza limite. Le incertezze dell’epoca mi
sembrarono soffocate dai fac-simile che si oppongono alla
potenza creatrice, anche se embrionale.
- Eccomi in una piega del tempo, finii col concludere, un
momento definito dai miei sensi. Le tecniche per continuare a
riparare la casa saranno prolungate da altri. Dal momento che
lei è nata dall’evoluzione naturale della roccia, si trasformerà
tranquillamente nella vita. Ho ancora bisogno di Narciso ?

9 luglio 1987 - Gli scambi con Narciso avevano decuplicato


le mie percezioni. Riuscivo a sentire il soffio della terra
ravvivare l’umidità del frantoio. Certe notti, bussavano
alla porta. Mi svegliavo, aprivo le finestre e spiavo, in una
frenesia fredda e intollerabile. Alla fine, mi riaddormentavo,
avendo cura di lasciare una luce accesa per cacciare gli incubi.
Narciso identificava l’origine di questi rumori, che sfidavano
la pazienza ed i sensi. Questi suoni mi indicavano che ci
liberiamo raramente delle fantasmagorie che derivano dalla
nostra immaginazione. Aspiro sempre più al distacco. Fintanto
che il liquido nel quale evolvono i miei neuroni si riversa nella
casa per unirsi alle galassie.

257
11 juillet 1987 - Mon imagination ne me laissant jamais en
paix, j’ai encore sollicité les enseignements de Narcisse. Il m’a
donné la réplique, me fascinant par la description des secrets
disparus dont il aimait me faire goûter les plaisirs infinis.
Mes organes me défendaient d’éprouver les influences grâce
auxquelles aucune phase de l’existence humaine n’est ressentie
en vain. Ces échanges presque imperceptibles, seule la parole
avait le don de les établir. Et dans quels paroxysmes... La
sagesse de Narcisse enrayait ces désordres. Par une remontée,
il réfléchissait les messages de la pierre, anticipait mes désirs,
en me faisant comprendre que les jouissances courtes, les plus
faciles, m’empêcheraient l’accès à la gestation de l’univers.
- La pierre est un organisme dans l’organisme terrestre,
répétait-il d’une voix douce. Elle respire, elle transpire, elle
t’emplira d’un calme profond à condition que tu t’accordes
avec elle et que tu respectes son équilibre. On se vide quand on
possède, mais si tu la laisses en paix, et elle t’unifiera.

14 juillet 1987 - Narcisse s’est mis à gratter la roche. Les fissures


l’attiraient et, plus encore, la faille séparant les cavités des
pressoirs en deux blocs distincts. En deux jours, il l’a nettoyée
des herbes et des toiles d’araignées blanchies par le salpêtre.
La faille s’étirait au-dessus de nos têtes. En bas, ce ciel de
pierre avait nécessité la construction d’énormes pylônes pour
le soutenir - et non pour contenir l’extension de la faille. Cela
faisait penser aux cosmogonies égyptiennes, où le ciel était une
voûte soutenue par des piliers, et à la genèse du rayonnement
fossile. À défaut d’un espace criblé de constellations, on
marchait sous cette masse poreuse, irrégulière, qui fabriquait
une sorte de poussière jaune, des nids de poussière humide, un
sable siliceux encore sans forme.

258
11 luglio 1987 - La mia fantasia non mi lascia scampo, ho
di nuovo sollecitato gli insegnamenti di Narciso. Mi rispose
affascinandomi con la descrizione delle tecniche sparite di
cui amava farmi scoprire le infinite risorse. Capii che tutti i
miei sensi, i miei organi, il mio corpo, mi infastidivano per
il fatto di provare queste sensazioni, grazie alle quali nessuna
fase dell’esistenza umana è attraversata invano. Questi scambi
impercettibili, soltanto la parola ha il dono di stabilirli. E in
quali parossismi…La saggezza di Narciso irraggiava questi
disordini. Attraverso un’anamnesi, riportava i messaggi della
pietra, anticipava i miei desideri, facendomi sentire con mano
che i piaceri più corti e più facili mi avrebbero impedito
l’accesso alla conoscenza e all’universo.
- La pietra è un organismo nell’organismo terrestre,
ripeteva con voce dolce. Respira, suda, riempie di una calma
profonda a condizione che ci si metta d’accordo con lei e che si
rispetti il suo equilibrio. Ci si svuota quando ci si possiede ma
se la lasci in pace, ti unificherà.

14 luglio 1987 - Narciso contemplava la roccia. Lo attiravano


le fessure e, ancora di più, la faglia che separava la cavità
del frantoio in due blocchi distinti. Nell’arco di due giorni,
la sgomberò dalle erbe e e dalle tele di ragno imbianchite
dal salnitro. La faglia si apriva sopra le nostre teste. Sotto,
nel frantoio, questo cielo di pietra aveva riconquistato la
costruzione di enormi piloni che la sostenevano, ma che non
contenevano l’espandersi della faglia. Questo fece pensare
alle cosmogonie egiziane, dove il cielo era una volta sostenuta
da pilastri. A costo di sbagliare ad aver creato lo spazio di
costellazioni, vivevo sotto questa massa porosa, irregolare,
che fabbricava una sorta di polvere gialla, dei nidi di polvere
umida, una sabbia silenziosa e informe.

259
À partir de ce jour, l’unique occupation de Narcisse fut de
ramasser pour le manger ce sable compact. Dans une chambre
troglodyte située à la croisée des chemins, en haut du pressoir
sculpté et à mi-étage entre les deux salles, il avait disposé des
assiettes qu’il remplissait de sable, sous les figures ravissantes
de la Vierge, l’enfant Jésus et Sainte Anne, et le paysage non
finito qui déploie dans le lointain la splendeur d’un roc gris et
lunaire.

15 juillet 1987 - Le sable issu de la pierre et les gouttes d’eau


lustrale devinrent la seule nourriture de Narcisse - l’idée de
nourriture fournissait en tout cas une explication à l’échelle
de mes connaissances. J’ai voulu, dans un intérêt irraisonné,
comprendre le changement si étrange de son comportement.
J’ai donc épié ses gestes et découvert l’espèce de prostration
qui le collait pendant des heures le long de la roche, sous la
faille, comme si, en proie à l’éblouissement du silence, il
voulait la recouvrir. Hélas  ! il n’est pas possible de modifier
l’ardeur d’un être seul à contempler sa mémoire.
Lorsque je voulus savoir pourquoi il avalait la poussière
dorée, pourquoi il buvait l’eau s’épanchant des pores de la
roche, il détourna mon attention par d’ineptes plaisanteries.
- Connais-tu l’huile minérale, l’hydromel des roches, en
un mot, l’Ambroisie  ? demanda-t-il. Cette liqueur guérit les
rhumatismes qui atteignent les gens exposés aux endroits
argileux. écoute l’eau sourdre de la pierre ! Fais comme moi,
laisse-toi bercer par sa voix.
Je désignai avec l’index le sourire sibyllin de Sainte Anne,
qui baisse les yeux sur l’éternité immobile, et j’ajoutai :

260
Narciso dichiarò che a partire da quel giorno, la sua
unica occupazione avrebbe consistito nel ramazzare, come
un automa, quella sabbia compatta. Nella stanza trogloditica
in mezzo alla casa, sopra il frantoio e nel piano di mezzo tra
le due sale, aveva disposto dei piatti che riempiva di questa
sabbia densa e madreperlacea, sotto le figure indimenticabili
della Vergine, il bambino Gesù e Sant’Anna. Il paesaggio
volontariamente incompleto del quadro di Leonardo apriva
l’orizzonte allo scintillio conturbante di una roccia grigia e
lunare.

15 luglio 1987 - La sabbia sgretolata dalla pietra e le gocce


d’acqua lustrali rappresentano ormai l’unica preoccupazione di
Narciso. Era il suo nutrimento ? La nozione di alimentazione
forniva una spiegazione. In uno slancio sragionato, volli
capire il cambiamento così improvviso e strano del suo
comportamento. Ho spiato i suoi gesti, ho scoperto che
rimaneva sdraiato ore e ore addosso alla roccia, lungo la faglia,
come se, estasiato dalla profondità del silenzio, avesse voluto
contenerlo. Peccato ! Penso che mi sia impossibile modificare
gli impulsi di quell’essere solo, anche lui, a contemplare la sua
memoria.
Quando volli sapere perché egli amasse tanto questa
polvere dorata, perché bevesse l’acqua che scorreva tra i pori
della roccia, distolse con degli scherzi la mia attenzione.
- Conosci l’olio minerale, l’idromele delle rocce  ? Mi
chiese. Questo liquore guarisce i reumatismi che colpiscono le
persone esposte in luoghi argillosi. Ascolta l’acqua che zampilla
dalle pietre ! Potrei lasciarmi cullare dalle sue risonanze.
Disegnai con un gesto della mano il sorriso sibillino della
Sant’Anna dipinta da Leonardo, i suoi occhi bassi, il suo viso
radioso, e aggiunsi :

261
- Ce tableau, ce visage me font douter de mon existence.
C’est une autre forme de vie qui abolit les défauts du monde.
Il me raconta l’arrivée de Léonard à Amboise, accompagné
des artistes de Florence et des médecins de cour. Quand la durée
de nos échanges s’abolissait, il utilisait une autre langue, une
langue immémoriale que je comprenais. À l’écoute de cette
langue, des instincts s’éveillaient. Mon cœur s’épanouissait
sous l’influence de cette voix qui ravivait une attirance
irremplaçable, car y étaient retenues les âmes du passé.
- J’adore ta voix, Narcisse  ! m’exclamai-je avec
enthousiasme. Elle cristallise la maison de son chant
inépuisable.
Sa belle figure oscilla de droite à gauche. Sans me
répondre, il continua son travail sur la roche. Il grattait, ciselait,
en chantant pour me donner de l’espoir.
Je repris :
- Il y a dans cette maison des influences inexprimables,
des énergies vibrantes, physiques, des voix plaintives de
personnalités indestructibles, des râles parfois. De petits chocs
m’électrisent de la tête aux pieds et s’apaisent en cheminements
vers la vie éternelle.

17 juillet 1987 - à proximité de la faille, Narcisse semblait


s’unir à la pierre. Il ne pensait plus, il n’agissait que pour sa
sculpture. Il s’épanouissait en façonnant les replis de la roche.
Animé par des mouvements réguliers, il travaillait, sans effort
de volonté. Ces gestes l’aidaient à franchir les degrés de la
liberté. Je l’avais entraîné à accomplir cette tâche, quand je
me fixais encore des buts à atteindre et qu’une certaine forme
d’infantilisme m’amenait à les figurer comme des épreuves.
Avant de vivre avec Narcisse, n’avais-je pas réussi à consolider
le sable, n’avais-je pas sauvé la maison de l’effondrement  ?

262
- Questo quadro, questa sensibilità mi fanno dubitare
del mio destino. Sono la più alta espressione dell’eccellenza
umana.
Narciso mi raccontò dell’arrivo di Leonardo a Amboise,
accompagnato dagli artisti di Firenze e dei suoi medici di corte.
Talvolta, utilizzava un’altra lingua, una lingua antica, che
sembrava greco, che riuscivo a interpretare.
Ascoltando questa lingua d’altri tempi, degli istinti si
svegliavano e si appianavano. L’influenza di questa voce
ravvivava un’attrazione in cui erano imprigionati i miraggi di
tempi antichi.
- Mi piace la tua voce, Narciso ! Esclamai con entusiasmo.
Ho l’impressione ch’essa impregni la casa con un canto
inesauribile.
La sua testa oscillò da destra a sinistra. Senza rispondere,
cominciò un lavoro sulla roccia. Grattò, sfregò, cantando per
me. Gli dissi :
- Qui ci sono delle energie che io non riesco a esprimere,
delle vibrazioni piene di eco, che assomigliano a volte a dei
lamenti. Senza parlare di questi piccoli choc che elettrizzano il
corpo dalla testa ai piedi, in un quarto di secondo. Spariscono
nell’acquietamento.

17 luglio 1987 - Quando si trovò in prossimità della faglia,


Narciso si accordò con la pietra. Non pensava più, non parlava
più, non vedeva più, non agiva più, se non per la sua scultura.
Si realizzava modellando gli strati della roccia. Animato da
movimenti regolari, lavorava senza sforzo di volontà. I suoi
gesti cosi agili lo aiutavano a oltrepassare ogni grado di libertà.
Con le mie domande, lo avevo indotto a portare a termine
questa scultura. In quel momento, mi fissavo ancora degli

263
Je ne cherchais pas à aller plus loin par manque de foi et
d’assurance.
Comme s’il avait suivi le cours de mes pensées, Narcisse se
tourna vers moi et poussa un profond soupir avant de reprendre
son travail. S’il s’arrêtait, je le suivais d’une pièce à l’autre et
nos pas s’imprimaient dans la poussière dorée, façonnant sur le
sol de furtives présences.
Qu’attendre d’autre  ? Peu après mon installation, je
réussissais à frôler les statues sans qu’elles s’effritent. Des
profondeurs de la nuit, je levais les yeux vers la pierre taillée au-
dessus de ma tête et contemplais les irrégularités du roc, sachant
qu’après ma mort, je verrai d’autres cieux, recevrai d’autres
échos transmis par le souffle de la terre. Narcisse développait
mon entendement en me procurant des impressions si intenses
que j’en éprouvais parfois de la peine et, lorsqu’il s’absentait
longtemps, un sentiment de vide, suivi d’affolement. Les
profondeurs de la faille exprimaient le retrait. Le ciel de pierre
déployé au-dessus de mon esprit créait l’oubli des désirs et des
agitations, car l’évolution subtile et impassible de la faille tuait
le Temps. À certains moments, je sentais d’agiles caresses sur
mes bras, puis des présences si rapides qu’elles m’incitaient à
la rêverie.
Ces correspondances échappaient à ma compréhension.
Narcisse sculptait, polissait à la lumière de la lune et dormait
quand l’éclat étincelant du soleil déshydratait la roche. En cet
instant, sa présence me faisait espérer plus que tout, espérer
ne pas mourir, espérer en la résurrection des êtres chers. Je
m’imprégnai de la forme séraphique de cet être. Il était
l’émanation la plus sensible de cette faille qui traverse la
maison à l’instar des splendeurs de la vie humaine.
J’étais à ce point séparée de la vie extérieure que l’illusion
dans laquelle je m’enfonçais m’incitait à bousculer Narcisse

264
obiettivi da realizzare. Un rimasuglio di infantilismo mi portava
a immaginarmi questi obiettivi come delle prove. Prima di
vivere con Narciso, non ero forse riuscita a consolidare le
statue e la sabbia ? Non avevo salvato la casa dalle frane ? Non
ero andata più lontano, per mancanza di fede e di sicurezza.
Come se avesse seguito il flusso dei miei pensieri, Narciso si
girò verso di me e sospirò profondamente prima di riprendere
il suo lavoro. Quando si fermava, lo seguivo da una stanza
all’altra e i nostri passi iscrivevano le loro tracce sulla polvere
d’oro, trasmettendo al suolo delle presenze furtive.
Cosa aspettare di più  ? Con un po’ più di esperienza,
riuscivo a sfiorare le statue senza ch’esse si sgretolassero. Le
profondità della notte, alzai gli occhi verso la pietra tagliata al
di sopra della testa e contemplavo le irregolarità della roccia,
consapevole che dopo la mia morte avrei visto altri cieli, avrei
ricevuto altre eco trasmesse dal soffio della terra. Narciso
inaspriva la mia emotività. Mi procurava delle impressioni
così intense che ne avrei provato a volte pena. Quando si
assentava a lungo, provavo una sorta di vuoto, di panico. Ma
le profondità della faglia dicevano altro. Questo cielo di pietra
spiegato al di sopra di noi creava la dimenticanza dei desideri
e delle agitazioni. L’agitazione della faglia anestetizzava il
tempo. In alcuni momenti, sentivo delle carezze sulle braccia e
e delle presenze così pesanti che mi incitavano alla rinuncia.
Queste corrispondenze sfuggivano alla mia comprensione.
Narciso scolpiva, levigava alla luce della luna e dormiva quando
lo sfavillio scintillante del sole disidratava la roccia. Quando
si abbandonava al sonno, mi faceva sperare più di ogni cosa,
sperare di non dover morire, sperare nella resurrezione degli
esseri cari. Mi impregnai della forma serafica del suo corpo.
Era l’espressione la più sensibile della faglia che attraversa la
casa, come nei più bei momenti dell’esistenza umana.

265
comme s’il s’agissait de rompre un rêve créé à mon image. En
le regardant faire, je me forgeai aux sensations de renaissance
enfantées par la stabilité de la roche.

21 juillet 1987 - La nuit dernière, ma chambre bruissait de


souffles dont le mouvement invisible épousait les plis de la
roche. Je suis parvenue à m’expliquer les craquements, une
pierre détachée de la cheminée, une porte mal fermée, ou encore
les chauvesouris voltigeant dans des conduits délabrés où se
décomposaient des cadavres d’animaux. Les souffles, c’est
différent. Ils exhalent une chaleur réparatrice et m’engagent à
percevoir à travers l’abstraction des chefs d’œuvre de Léonard
une présence nommée habituellement « esprit des lieux ».
Depuis que les portes se sont refermées sur l’agitation du
monde, les tableaux diffusent un mystère sacré dans le calme
de la maison. Les murs des pièces rayonnent. Les portraits
féminins donnent vie à la pierre. Il me semble l’entendre
respirer, je donne forme à ses voix souterraines par lesquelles
se manifeste l’Inconnu.

23 juillet 1987 - En fin d’après-midi, le ciel semblait s’effriter


sous des torrents de pluie. Léo frappa à la porte. Je descendis
précipitamment. Depuis notre altercation, son souvenir s’était
amplifié mais j’avais pris garde à ne pas laisser se développer
l’ennui désespéré auquel condamne ce type de rupture. Je ne
l’avais plus revu.
Sa visite avait pour prétexte son nouveau travail au Clos
Lucé. Son visage m’apparut hâve et amaigri. Il me fut pénible

266
Ero ad un tal punto separata dal mondo esterno che
l’illusione nella quale stavo sprofondando mi incitava a
travolgere Narciso come se si trattasse di interrompere un
sogno creato secondo la mia misura. Guardandolo modellare la
sua opera, ero invasa da sensazioni di rinascita, generate dalla
stabilità della roccia.

21 luglio 1987 - Stanotte, nella mia camera rumoreggiavano


dei soffi dai movimenti invisibili, dei sospiri provenienti dalle
pieghe della roccia. Riuscivo a spiegarmi gli scricchiolii, il
fracasso di una pietra che si stacca dal camino, lo sbattersi
di una porta chiusa male, o ancora il soffio dei pipistrelli che
volteggiano nel condotto del camino rovinato in cui marciscono
i cadaveri di piccoli animaletti. Ma i soffi, questo era diverso.
Esalavano onde benefiche. Mi invitavano a percepire onde
salutari, che chiamiamo « spirito dei luoghi ».
Da quando le porte si sono richiuse sull’agitazione del
mondo, i quadri di Leonardo da Vinci diffondono un mistero
sacro nella calma della casa. Le ampie stanze dai camini
rinascimentali impongono la loro tranquillità. I sorrisi di
sant’Anna, di Monna Lisa e della Vergine delle Rocce mi legano
alle esalazioni della pietra. Mentre le sue onde sotterranee e le
sue voci impercettibili operano verso una potenza sconosciuta.

23 luglio 1987 -Verso la fine del pomeriggio, il cielo sembrava


sfaldarsi sotto torrenti di pioggia. Léo bussò alla porta. Scesi
precipitosamente. Dal nostro ultimo litigio, il suo ricordo si
era fortificato. Ciononostante, avevo fatto attenzione a non
lasciarmi travolgere dalla melanconia e dalla solitudine, due
mali ai quali ci condannano le rotture motivate da un’esigenza
troppo grande. Per caso non avevo più rivisto quest’uomo dai
capelli rossi.

267
d’apprendre la mort d’une des petites filles rousses renversée
à vélo. Ce drame avait accentué sa misanthropie. Il refusa
d’en dire plus sur les tourments qui l’habitaient. Depuis cet
accident, il avait pris un travail de jardinier au Clos Lucé où
il débroussaillait les allées. Il s’enfonçait dans un univers qui
n’était que le fruit de son imagination et le faisait céder aux
superstitions. Comme il avait l’habitude de s’occuper des
arbres et des fleurs, il puisait dans cette activité une consolation
qui le détournait du malheur.
Le vieil homme jugea favorablement l’action que
j’avais eue sur cette maison et apprécia de me retrouver de
bonne humeur. Il me sembla qu’il avait renoncé à croire en
l’infaillibilité de ses pressentiments. Pour me rendre justice, il
était venu m’entretenir d’une découverte qui le mettait en joie.
Il venait de trouver l’entrée d’un souterrain reliant la Maison
des Pages au Clos Lucé. Après de longues explications, il passa
dans le pressoir et se posta près d’un des masques sculptés
pour observer l’endroit où aboutissait une galerie murée par
des briques. Fatigué, il bourra sa pipe et demanda à dormir
dans le salon aux lianes sculptées. J’installai un lit dans lequel
avait dormi un ambassadeur d’Alep. Léo alluma un feu dans la
cheminée et s’endormit.

24 juillet 1987 - Au matin, Léo plongea dans mes yeux son


regard étincelant et s’exclama avec force :
- Ça craque !
- Eh bien, ça ne m’étonne pas, répondis-je calmement.
- L’atmosphère est glaciale, proclama-t-il d’un ton
péremptoire. J’avais raison et je t’ai prévenue. Maintenant, je
n’ai pas honte à le dire. Toute la nuit, j’ai flotté comme sur un

268
Il pretesto della sua venuta erano i lavori al Clos Lucé. Il
suo volto mi sembrò a smunto e smagrito. Mi fece una pena
profonda venire a sapere che una delle sue figlie era morta,
investita in bicicletta da un automobilista. Questo dramma,
rimasto impunito, aveva aggravato la misantropia di Leo.
Rifiutò di dirne di più sui tormenti che lo attanagliavano. Da
quell’incidente, aveva accettato di lavorare come giardiniere
al Clos Lucé, di cui decespugliava i viali. Stava sprofondando
in un universo di delusioni e di malcontento, frutto della
sua immaginazione, che lo faceva cedere alle superstizioni.
Siccome aveva l’abitudine di occuparsi di alberi e di fiori,
attingeva a questa nuova occupazione una consolazione che lo
teneva lontano dalle prove della vita.
Léo si complimentò per la mia gestione dei lavori della
casa, e si rallegrò di trovarmi cosi di buon umore. A sentirlo,
sembrava che avesse rinunciato a credere nell’infallibilità dei
suoi presentimenti, e per rendermi giustizia, era venuto con
l’intento di riferirmi una scoperta che lo eccitava. Aveva appena
sgomberato l’entrata di un sotterraneo che congiungeva la
Maison des Pages al Clos Lucé. Dopo un’accurata descrizione,
passò al frantoio. Si mise vicino a una delle grandi maschere
scolpite, osservò il posto in cui terminava una galleria murata,
e attese qualche istante senza proferir parola. Stanco, si caricò
la pipa. Mi chiese di potersi distendere nel salone del secondo
piano, sotto le liane di pietra. Preparai un letto. Léo accese il
fuoco nel camino e si abbandonò ad un sonno profondo.

24 luglio 1987 - Il mattino dopo, Léo affondò nei miei occhi il


suo sguardo scintillante ed esclamò a gran voce :
- Sta cedendo !
- Non mi sorprende, dissi io tranquillamente.

269
bateau. Il y avait une odeur d’eau de mer et les murs suintaient
autour du lit. Un liquide surnaturel...
- Il ne faut pas exagérer, murmurai-je. C’est une maison où
les rêves nous parlent, un endroit qui renvoie les êtres à eux-
mêmes…
- Balivernes ! J’entendais marcher au-dessus, continua-t-
il. Je me disais : Mon petit Léo, ne perds pas la tête. Voyons, tu
n’as pas bu et tu n’es pas sur un vaisseau fantôme !
Rien à faire pour le rassurer.
Il tressaillait aux moindres bruits et imaginait des
revenants venus le recouvrir de leur substance transparente. En
me racontant ses visions nocturnes, il voulut me convaincre
qu’il ne s’agissait pas d’illusions mais de faits tangibles
quoique de nature inexplicable. Je souhaitais garder l’esprit
clair et j’étais résolue à ne plus parler de fantômes. Je répondis
avec assurance que toute personne dormant une nuit dans cette
maison éprouvait une frayeur de type hallucinatoire avant
d’apprendre à reconnaître les bruits, à se familiariser avec les
vents, les odeurs de la roche, à rejeter les superstitions nées
de la peur et qui finiraient par lui faire perdre la tête, s’il n’y
prenait garde.
Avec un étrange respect, Léo essaya de me persuader que,
pendant la nuit, nous avions vécu une expérience, enviable
s’il ne s’agissait pas d’un cauchemar. Cette expérience était le
partage d’un songe.
Je me souvins que, vers quatre heures du matin, j’avais
éprouvé une sensation de murs glacés et mouillés, de
choses informes venues me déloger. Sans l’évocation de
Léo, l’effroyable cauchemar n’aurait jamais remonté à ma
conscience. La veilleuse brillait comme une étoile, pour
tenir l’ombre à distance. Je m’éveillais en proie aux visions,
aux angoisses irrationnelles. J’entendis des frôlements

270
- L’atmosfera è glaciale, proclamò con un tono perentorio.
Avevo ragione, te l’avevo detto. Ora non mi vergogno più a
dirtelo. Ho galleggiato tutta la notte come su una barca. C’era
un odore d’acqua di mare e i muri gocciolavano intorno al
letto. Un liquido sovrannaturale colava sulla roccia.
- Non esagerare, dissi io. C’è una casa in cui l’intuizione si
rivela, un posto che rimanda le persone a loro stesse, all’eternità
in noi.
- Ma quale notte ! Sentivo dei passi al piano di sopra ! Mi
dicevo : mio piccolo Leo, non perdere la testa. Non hai bevuto
e galleggi su un vascello fantasma !
Niente da fare per rassicurarlo ! Trasaliva al minimo rumore e
si immaginava dei fantasmi venuti ad intrappolarlo nella loro
sostanza trasparente. Raccontandomi le loro visioni notturne,
volle convincermi che non si trattava di finzioni né di menzogne
involontarie ma di fatti tangibili anche se di natura inspiegabile.
Io volevo mantenere la calma. Ero risoluta nel non voler più
parlare di fantasmi. Risposi con sicurezza che ogni persona
che dormiva una notte in questa casa si spaventava prima di
imparare a riconoscere i rumori della casa, a familiarizzare col
vento, con gli odori della roccia, a rifiutare le superstizioni nate
dalla paura, tanto quanto le leggi della causalità apparente, le
leggi che rendono matti, se ci si presta attenzione.
Con uno strano rispetto, Léo cercò di persuadermi che
durante la notte, avevamo vissuto un’esperienza memorabile.
Quest’esperienza senza precedenti era la condivisione di un
sogno.

Mi ricordo che, verso le quattro del mattino, ho provato


una sensazione come di muri gelati, di cose informi venute a
disturbarmi. Se non me lo avesse ricordato Leo, questo sogno
non sarebbe forse risalito alla mia coscienza. La lampada

271
dans l’obscurité. Trois créatures épouvantables, trois corps
cadavériques, visqueux et bleuâtres (comme la tête que
Narcisse m’avait présentée rue Léonard Perrault) surgirent
dans la nuit. Un des trois corps était le mien.
Je doutais que mes sens puissent me transporter dans une
telle réalité. Jamais l’idée de tels périls ne m’avait traversé
l’esprit. Une fête splendide avait lieu au Clos Lucé. Les femmes
étaient vêtues de mauve. Des tentures de la même couleur
dissimulaient les murs. Je descendis un escalier accompagnée
de deux hommes en habit de soirée. Des tapis mauves se
déroulaient sous nos pieds. Des vases et des tableaux d’un
violet profond complétaient l’ameublement. Un signe mortel
passa sur les visages de mes deux compagnons, un signe
révélant leur souffrance. Pendant que je les contemplais, leurs
traits devinrent filandreux, putrides, de vrais cadavres vivants.
Je les vis ainsi, sous leurs smokings noirs, deux humanoïdes
informes, des corps noyés depuis des mois. Une sueur froide
recouvrit mon visage. Ces deux hommes se découvraient
brutalement tels qu’ils étaient - ou tels qu’ils seraient et tels
qu’ils avaient été dépouillés de leur distinction. Une odeur
nauséabonde émanait d’eux.
Ces choses me frôlèrent, m’entraînèrent et m’unirent à
elles. Je partageais leur douleur. J’avais levé le voile sur cette
forme d’épouvante. Tout mon être leur pardonnait. L’amour
stérile que j’éprouvais pour eux m’avait rendue à leur image.
Quel désarroi dans cette souffrance  ! La douleur se mettait
au diapason de la ressemblance, la ressemblance tragique et
intime, révélée par les cruelles incertitudes de la passion. Je
ne pouvais penser que ces sensations morbides étaient nées
d’eux, ou furent imposées par des artifices sociaux. Soudain,
un bouillonnement terrible me fit renoncer à ma chair. Un
engourdissement me prit. J’étais en proie à la colère, non à

272
da camera splendeva come una stella, per tenere l’ombra a
distanza. Ma io mi svegliavo, in preda a delle visioni, a delle
angosce irrazionali. Sentii dei gemiti liberarsi nell’oscurità.
Tre figure spaventevoli, tre corpi cadaverici, viscidi e bluastri,
che assomigliavano al volto che Narciso mi aveva presentato
in via Léonard Perrault, comparvero nella notte. Una delle tre
figure, ero io.
Dubitavo che i miei sensi potessero trasportarmi in una
realtà così allucinata. Mi piaceva l’idea che tali pericoli
non attraversassero lo spirito. Nel frattempo, si teneva una
splendida festa al Clos Lucé. Le donne vestivano abiti colore
malva. Lo stesso colore dissimulava i muri. Scesi una scala
accompagnata da due uomini in abito da sera. Dei tappeti colore
malva si aprivano ai nostri piedi. Alcuni vasi e alcuni quadri
di un viola profondo completavano il sontuoso arredamento.
Ebbi il piacere di sentire un organo suonare le Invenzioni di
Bach, ma quasi subito, una traccia mortale passò sul volto
dei miei due accompagnatori, un segno che rivelava la loro
sofferenza interiore. Mentre io li contemplavo, la loro carne
divenne flaccida, putrida, due cadaveri ambulanti. Lo vissi
così, sotto i loro smoking neri, due umanoidi informi, dei corpi
annegati da mesi. Un sudore freddo mi ricoprì il volto. Questi
due uomini si scoprivano brutalmente tali quali erano - o tali e
quali sarebbero stati e tali e quali erano stati -, spogli della loro
bellezza e distinzione. Emanavano un odore nauseabondo.
Queste cose mi sfiorarono, mi intrattennero e mi unirono
a esse stesse. Condivisi il loro dolore. Avevo alzato il velo su
questa forma di paura. Tutto il mio essere li perdonava, perché
l’amore che io sentivo per loro mi aveva trasformato a loro
immagine. Che sgomento in questa sofferenza  ! Il dolore
si metteva il diapason della somiglianza, una somiglianza
disperata, intima, profanata dai raggi neri della passione. Non

273
la peur. Les spectres me tenaient par la main. Cette étreinte
informe créa un ravissement qui me submergea. Je pris
conscience d’une respiration infinie, de l’éternité des choses. A
cause de ces êtres insinuants, j’étais perdue, avalée par la mort,
dans une plongée où les sensations ne venaient plus du corps.
La chose gélatineuse qui tenait ma main droite me fit signe
de ses yeux. Ces yeux blancs et morts étaient ceux de Léo.
L’heure est venue.
Léo, Louis, et moi descendîmes l’escalier recouvert d’un
tapis mauve. épuisés, craintifs, nous essayions de retarder la
perte de nos forces. Je ne souffrais pas en marchant avec eux.
Pourtant, l’avancement vers la destruction commençait, sans
répit, sans retour possible. Retourner en Orient... je n’y pensais
pas.
Nos jambes se déplaçaient ensemble. En bas, une porte
tournante. Le froid noir passait sous les battants, le froid du
vide incarnant notre disparition. Son rendez-vous était fixé
depuis longtemps et il n’avait pas l’intention d’être tendre.
Son haleine soufflait de l’autre côté de la porte. Les battants
nous happèrent l’un après l’autre. Le vide glacial nous saisit
à la gorge. Nous avancions, faiblement, en implorant encore
quelques instants avant d’être privés de voix. La présence du
vide, si loin de la vie, épuisait la volonté, la volonté où naît
l’infime espoir d’échapper au péril (il y a longtemps, l’espoir
atténuait les afflictions).
Un des hommes cadavériques avait franchi la porte de
l’au-delà en premier. Je me propulsai avec l’autre, plus frêle, la
forme de Léo. La fête résonnait au loin. Avec les deux spectres
gluants, je me sentais déchirée par la nuit glaciale. Non loin
de nous, mais inaccessibles, des invités ivres d’alcool et de
joie, passaient sans nous voir, riant parfois aux éclats. Mon
regard ne supportait plus la chose répugnante qui me donnait

274
ho pensato nemmeno per un secondo che queste sensazioni
crudeli fossero nate da loro, o ch’esse fossero imposte da degli
artifici sociali. All’improvviso, un gorgogliamento terribile
mi fece rinunciare alla mia carne. Fui presa da torpore. Ero
in preda alla collera, non alla paura. Gli spettri mi tenevano
per mano. La loro stretta informe trascinò un’esitazione,
poi un’estasi. Fui rapita, sommersa. Presi coscienza di una
respirazione infinita, dell’eternità delle cose. A causa di queste
forme così poco umane, della loro azione insinuante, io ero
persa, inghiottita dalla morte, in un tuffo in cui le sensazioni
non dipendevano più dal corpo.
L’essere gelatinoso che mi teneva la mano destra mi fece
segno con gli occhi. Quegli occhi bianchi e morti erano quelli
di Leo. Era giunta l’ora.
Leo, Louis ed io scendemmo la scala coperta da un tappeto
color malva. Sfiniti, intimoriti, cercammo di ritardare la perdita
delle nostre forze. Camminando con loro, non soffrivo. Eppure,
l’avanzare verso la distruzione cominciava, senza possibile
ritorno. Tornare in Oriente… non potevo pensarci.
Le nostre gambe avanzavano con la stessa cadenza. Giù
in basso, c’era una porta girevole. Il freddo nero passava
sotto le vetrate. Il freddo del vuoto. Io sentivo che avrebbe
dato il cambio alla nostra sparizione. Questo appuntamento
con il vuoto era stato preso da tempo. E i suoi effetti non
furono teneri. Per potersene rendere conto, bastava sentire
l’alito ghiacciato soffiare dall’altro lato della porta. I battenti
ci travolsero lentamente, uno dopo l’altro. Ma avanzammo.
Debolmente, implorando qualche istante di lucidità prima
di essere privati della nostra voce, avanzammo. La presenza
lancinante del vuoto, così opposta alla gioia di vivere, sfiniva
la nostra volontà. La volontà da cui sorge l’infima speranza di
scappare al pericolo.

275
la main. Je sentis cette main visqueuse et flasque devenir la
mienne, devenir mes bras, ma tête. Où était Louis ? Il n’avait
pas le droit de partir. La mort atroce que nous partagions ne le
permettait pas.
Sous une plaque d’égout à demi levée, une main et un
visage lépreux nous firent signe. Louis avait eu l’humilité de
se cacher là pour ne pas horrifier les invités. Dans ces galeries,
l’air pestilentiel étouffera nos plaintes et rendra plus sensible
le supplice des chairs en voie de décomposition - le sexe est le
premier organe qui se décompose.
Un soubresaut me porta au-delà de mes forces. Je poussai
un cri déchirant et arrachai Léo du monde vivant. Il ne pouvait
plus se traîner sur le pavé.
Trois spectres rampaient dans les galeries tapissées de
respirations glacées et d’humidité. Les hommes trahissaient une
terrible conscience. Les voir multipliait le supplice des chairs.
Je suivais des yeux la putréfaction accélérée de leurs corps et
- pensée atroce ! - je l’éprouvais. Nous étions irrésistiblement
poussés au fond des égouts, vers un lieu pour mourir.
Une douleur insoutenable entra dans mes poumons.
Un cadre gris fuyait vers l’infini. Ma respiration brûlante
m’étouffait pour s’éteindre. Je retins une supplication et ce fut
l’arrêt, le silence absolu, le soulagement triomphal. Un éclair
de regret se porta sur les impressions douloureuses qui, une
seconde auparavant, exprimaient la vie.
Le décor de ma chambre réapparut dans la pénombre.
Léo était devenu blême en écoutant ce récit. Rien de plus
horrible ne pouvait arriver mais cela n’appartenait pas au
champ de la conscience éveillée. Je savais que la nuit, peu
avant quatre heures, des apparitions étranges me visitaient
avec plus ou moins d’intensité. Ce pouvait être de simples
frôlements. Le jour, j’oubliais ces cauchemars. Les premières

276
La speranza !... Era da così tanto tempo. Un tempo in cui il
volo della speranza attenuava il dolore.
La forma cadaverica di Louis aveva oltrepassato la porta
dell’altro mondo. Perché era la prima volta  ? Mi mossi con
l’altra forma, più pallida, che assomigliava stranamente a Leo.
La musica della festa risuonava ancora da lontano. In compagnia
dei due spettri, mi sentivo strappata dalla notte glaciale. Vicino
a noi ma inaccessibili, passarono degli invitati ebbri d’alcool,
che ridevano di gioia. Il mio sguardo non sopportava più la
cosa ripugnante che mi teneva la mano. Sentii questa mano
viscida e flaccida che diventava mia, diventare le mie braccia,
la mia testa. Dov’era Louis ? Non aveva il diritto di andarsene.
Questa morte atroce che condividevamo non lo permetteva.
Ad un tratto, nella strada, la mano ed il volto lebbroso di
Louis sollevarono un tombino, e ci fece segno di avvicinarci.
Aveva avuto l’umiltà di nascondersi nei canali della città per
non terrorizzare gli invitati della festa. In queste gallerie, l’aria
pestilenziale avrebbe soffocato le nostre lamentele e reso più
sensibile i dolori della carne in via di decomposizione.
Un soprassalto mi strappò le ultime forze. Lanciai un grido
lancinante e tolsi Léo al mondo dei vivi. Spettava a me farlo.
Non riusciva più a trascinarsi sul pavimento.
Noi tre spettri strisciammo nelle gallerie sotterranee,
tappezzate di umidità e attraversate da respiri ghiacciati.
Riuscivo a percepire, terribile, la coscienza dei miei compagni.
La visione della loro putrefazione esacerbava il supplizio delle
mie carni. Seguivo con gli occhi l’evoluzione accelerata dei
loro corpi e - pensiero atroce ! -, lo subii.

Eravamo inevitabilmente spinti nel fondo del tombino,


in un posto dove morire. Un dolore lancinante mi entrò nei
polmoni. Il grigio dei muri scappava all’infinito. La mia

277
nuits, ils m’avaient donné des sueurs froides, puis je n’y prêtais
plus attention. Léo s’inquiéta pour moi. D’une voix blanche, il
interpréta ces visions et s’étonna de me voir côtoyer l’illimité
sans risquer ma vie.
- Narcisse t’a apporté le savoir vivre, admit-il, l’harmonie
des formes parfaites. Prends garde à ne pas échouer !
Brusquement, Léo parla des fissures, des anfractuosités,
refuges de je ne sais quoi d’ineffable. Il décrivit les galeries
souterraines dont il connaissait les rumeurs, les rythmes
étouffés. Sa voix, à peine audible, se brisa sous une intonation
plus aiguë. Sa peau devint affreusement pâle. Pourtant, le
soleil montait dans le ciel. Il allait faire chaud. Léo dépérissait
comme le dernier survivant d’un combat fratricide. Je l’incitai
à rentrer pour dormir.

278
respirazione bruciante mi soffocava e si allargava piano. Mi
colpì una supplica e tutto si fermò, fu silenzio assoluto. Un
sollevamento trionfale. Una scheggia di rimorso si portò sulle
impressioni dolorose che, un secondo prima, esprimevano
ancora la vita. La mia camera riapparve nella penombra.
Riascoltando il racconto del mio sogno, Léo si era fatto
pallido. Non poteva succedere più niente di insidioso ! Tutto
ciò non apparteneva più al regno della coscienza sveglia.
Pertanto non c’era più nessuno scarto temporale tra questa
esperienza comune e lo sguardo che, al momento, io porto su
essa. Certo, la notte, poco prima delle quattro, delle apparizioni
strane venivano puntualmente a trovarmi. Poteva trattarsi di
semplici sfioramenti. Il giorno dopo, avevo già dimenticato
queste allucinazioni. Le prime notti, avevo avuto sudori freddi,
così simili alle febbri amibiche. Dopo, non vi prestai più
attenzione. Léo si preoccupò per me.
Una voce bianca, mi parlò di queste immagini ossessive.
Si stupì di vedere che frequentavo il fantastico senza esitare tra
la logica e l’irrazionale, senza perciò rischiare la mia vita.
- Narciso ti ha insegnato l’arte di vivere, ammise, l’armonia
e la bellezza delle forme perfette. Ora, la tua intelligenza deve
aiutarti a non allontanarti dalla realtà.
Senza transizione, Léo parlò di fessure, di anfratti, di
rifugi di non si quali presenze. Descrisse i sotterranei di cui
avevo percepito le eco, laddove svanivano i ritmi della terra.
Allora la voce di Leo, appena udibile, si spezzò. Impallidì. Il
sole saliva nel cielo. Doveva fare caldo. Eppure Léo deperiva
a vista d’occhio. Si sarebbe detto l’ultimo sopravvissuto di un
combattimento fratricida. Lo convinsi a rientrare a casa.
Minuit - In serata, venni a sapere che Léo si era buttato dal
ponte. Il suo corpo era stato rinvenuto lungo l’argine del fiume,
ai piedi della casa. Lo aveva trascinato la corrente. Avrei potuto

279
Minuit - J’ai appris dans la soirée que Léo s’est jeté du pont.
Son corps a été retrouvé sur une berge de la Loire, non loin de
la maison. Le courant l’y a déposé. J’aurais pu l’apercevoir de
ma fenêtre. L’autopsie a conclu à un arrêt cardiaque. Comment
était-il mort ? Sans crier ? Sans dénouer les fils qui l’arrimaient
à la désespérance  ? Ce fleuve était réputé pour noyer les
meilleurs nageurs. Il ne subsiste jamais de trace. Plusieurs fois
par an, on repêche des noyés, nul ne pouvant déterminer s’il
s’agit d’accident, de meurtre ou de suicide. Avec la disparition
de Léo, une partie de mon passé s’en allait. Les objets qui s’y
rattachaient fuyaient au loin.
Une nuée de chauvesouris a envahi les pièces troglodytes.
Elles sortaient des murs, volaient avec une régularité inhumaine.
J’éprouvai un malaise devant ces créatures ailées, une angoisse
provoquée par leur tête de vampire. Il m’était impossible
de regarder leurs têtes sans être saisie d’effroi. Leurs faces
triangulaires constituaient un fragment d’image qui, combinée
avec celle d’un corps pouvant être celui d’une hirondelle, me
procurait la peur que suscite une bestialité repoussante. La mort
devait être douce si elle libérait les vivants de tels monstres.
En sentant le cœur d’une de ces bêtes battre sous mes
doigts, j’ai pensé à Léo. Les griffes noires de l’animal
s’accrochaient à mes ongles, les serraient, s’enroulaient autour,
vibraient à cause du contact avec l’humain. La chauvesouris
se redressa. Elle était deux fois plus grosse que ma main. Je la
clouai avec un poignard sur la porte de la tour pour m’habituer
à la présence des monstres qu’enfante la nature.

30 juillet 1987 - Après la mort de Léo, la maison cessa d’être un

280
vederlo dalla mia finestra. Il medico concluse che si trattava
di arresto cardiaco. Com’era morto  ? Senza gridare  ? Senza
lasciare i figli che lo fissavano nella sua disperazione  ? La
Loira era conosciuta per inghiottire anche i migliori nuotatori,
senza lasciarne traccia. Talvolta, si ripescano degli annegati, e
nessuno può determinare se si tratta di un incidente, di morte
o di suicidio. Con lo sparimento di Leo, anche una parte del
mio passato se ne andava. Gli oggetti che mi legavano a lui
fuggivano lontano.
Dopo mezzanotte, un nugolo di pipistrelli invase la stanza
trogloditica. Uscivano da tutte le parti, volavano con regolarità
perfetta, quasi meccanica. Provai un certo disagio davanti a
queste creature alate, un’angoscia provocata dalle loro teste
che evocavano vampiri. Mi era impossibile guardare queste
teste senza essere presa da sgomento. Le loro facce triangolari
costituivano un frammento di immagine che, combinata a
quella di un corpo che poteva esser quello di una rondine, mi
procurava la stessa paura che suscita una bestia ripugnante. La
morte doveva essere dolce se libera i viventi da queste calamità
dalle ali viscide.
Riflettendo sulle ali così poco profilattiche di una di queste
creature, delle ali che io mi immaginavo battere sulle dita, il
ricordo di Léo mi sfiorò di nuovo. Le ali nere dell’animale
si aggrappavano alle mie dita, le stringevano, si rotolavano
intorno alle mie mani, vibravano a contatto con l’umano. Il
pipistrello si rialzò. Era grosso come la mia mano. Lo inchiodai
con un pugnale al muro della torre affinché personificasse la
presenza delle anomalie che la natura generava.

30 luglio 1987 - In seguito alla sparizione di Léo, la casa smise


di essere un vaso comunicante con l’esterno. La lotta contro gli
insetti l’aveva trasformata in uno spazio isolato che mi teneva

281
vase communiquant avec l’extérieur. La lutte contre les insectes
l’avait transformée en isoloir me tenant à l’écart d’un monde
détruit. Des journées ont été consacrées à me replier au cœur
de la pierre, et maintenant, il fallait arriver à bout des milliers
d’espèces rampantes instruisant de la diversité de la vie. La
reptation de l’univers. Mon action s’avéra efficace, dans son
perpétuel renouvellement, une continuité qui m’étonnait. Les
souris se gavaient de substances mortelles avant de se tordre
dans une mare de sang. Les mille-pattes arrivaient au paroxysme
de leur trépidation en sentant la mort les anéantir, et vivaient
encore quelques secondes en tremblant, bien qu’écrasés. Et si
ces larves, en creusant la maison, lui procuraient ses infimes
pulsations  ? J’intervenais sur cette masse grouillante dans
l’espoir de la faire disparaître, en comprenant que l’aversion
qu’elle m’inspirait était le dégoût de la vie.
- Très bien, tu quittes le souci des activités présentes,
constata Narcisse pour m’encourager. Tu es sur la bonne voie.

1er août 1987 - La répulsion des insectes stimula en moi une


volonté d’action. Je prêtai l’oreille à leurs activités, en préparant
les philtres que Narcisse m’enseignait. Ce compagnon idéal
mais factice, j’aurais été capable de l’anéantir lui aussi, avec la
même force morale nécessaire pour broyer une araignée dans du
cinabre. La détresse humaine n’était qu’une question d’échelle
dans le règne du vivant. La nature physique devait renoncer
à prendre le dessus. Nul ne sait «où s’en va la douleur  »,
demande le poète. Nul ne sait pourquoi deux présences
vivantes démultiplient les sortilèges. La lente préparation des
remèdes devint ma tâche de prédilection, un ars magna dans
lequel je retrouvais les chemins bourbeux de l’exil, des voies

282
lontano dal mondo ostile. Ho consacrato giornate intere a
riempirmi il cuore di pietra e ora, bisognava arrivare ai pezzi di
migliaia di insetti che volavano e saltavano, che testimoniavano
della diversità della vita. Il serpeggiare dell’universo.
Il suo perpetuo rinnovamento tradiva una continuità
stupefacente. La mia lotta contro questo mondo di tenebre si
rivelò efficace. I topi si imbottivano di sostanze mortali prima
di stordirsi in un mare di sangue. I millepiedi arrivavano al
parossismo della loro agitazione sentendo che la morte li
annientava. Parzialmente schiacciati, vivevano ancora qualche
secondo tremando. E se questi insetti, scavando nella casa, le
avessero procurato le loro infime pulsazioni ? Mi occupavo di
questa massa brulicante nella speranza di farla sparire, aprendo
che l’avversione ch’essa mi ispirava era il disgusto della vita.
Va bene, tu abbandoni il problema delle attività presenti,
constatò Narciso per incoraggiarmi. Sei sulla buona strada.

1er agosto 1987 - Quegli insetti ripugnanti suscitavano in me


una volontà d’azione. Prestai attenzione alle loro attività,
preparando dei filtri insetticidi che Narciso mi insegnava. Avrei
potuto annientare questo compagno ideale con la stessa forza
morale necessaria per triturare un ragno nel cinabro, come si
usa fare in numerosi riti di stregoneria. La disperazione umana
non è che una questione di scala nel regno animale. Questa
disperazione era stata detronizzata dalla realtà fisica. Nessuno
sa dove se ne va il dolore, afferma il poeta. Nessuno sa perché
due esseri viventi, io e Narciso, moltiplichiamo i sortilegi. La
lenta preparazione di filtri diventò la mia occupazione preferita,
una grande arte nella quale io ritrovavo il cammino dell’esilio,
delle strade senza uscita dei cuori addormentati. Ad ogni
momento, preparare le piante mi sollevava dall’infrangersi dei
sogni. Narciso mi aiutò a richiudere gli insetti, poveri piccoli

283
sans issue, des cœurs ensevelis. À tout instant, les préparations
de plantes et d’insectes m’affranchissaient de l’écroulement
des rêves. Narcisse m’aida à enfermer les insectes, pauvres
petits assemblages de cellules, dans des niches étroites qu’il
avait creusées dans la pierre, entre les masques et les statues.
Ces opérations ravivaient les diableries médiévales, autant
qu’elles me livraient le sens des images de l’Égypte ancienne,
les déesses à tête de serpent, les scarabées ailés, les oiseaux
à tête humaine ou l’ichneumon s’avançant dans la gueule du
crocodile gavé d’ambroisie, jouissant de son sommeil. Un soir,
j’ai vu une araignée escalader les marches, puis, à sa place
un félin géant glisser le long du mât de l’escalier à vis, pour
absorber dans sa gueule rose la tête des chauvesouris. Narcisse
sculptait le long des murs. Désormais, j’accomplissais avec lui
l’interminable travail de la maison.
- Que va-t-elle devenir quand nous disparaîtrons  ?
demandai-je.
Un sourire flotta sur son visage. Le temps était venu. Il me
confia les raisons le poussant à livrer ma vie à ce lieu.

3 août 1987 - Narcisse a commencé une sculpture devant la


porte de ma chambre. Le bruit du stylet emplissait l’air pour
donner vie à un visage dans la roche, un visage avec des yeux
en amande, des lèvres charnues légèrement entrouvertes, des
cheveux bouclés aux couleurs de sable. À force de travail et de
patience, il exhuma de la pierre une tête surmontée d’une tour.
Narcisse sculptait cette tête avec un art infini. Il disait que
cette nouvelle statue nous entraînerait dans une joie paisible,
une éternité sereine, délivrée du silence et de la claustration.
J’éprouvais un grand plaisir à le sentir créer, tenace et
souple, à demi-ployé dans la lumière orangée. Aux cliquetis
du stylet succédaient des frottements de papier sur la pierre, un

284
agglomerati di cellule, in delle piccole nicchie dritte che aveva
scavato nella pietra del frantoio, tra le maschere e le statue.
Queste operazioni ravvivavano le diavolerie medievali,
e mi offrivano il senso delle immagini dell’Antico Egitto,
le dee dalle teste di serpente, gli scarabei alati, gli uccelli
con la testa umana, o l’ichneumon, la mangusta di cui parla
Erodoto quando si addentra nella bocca del coccodrillo, sazio
di ambrosia e addormentato. Una sera, ho visto un ragno che
saliva i gradini poi, al suo posto, un felino gigante scivolò
sulla rampa delle scale a vite, per prendersi in faccia la testa
del pipistrello ; Scolpiva la parete rocciosa. Attraverso le sue
sculture, si realizzava l’evoluzione della casa.
- Cosa ne sarà se ce ne andiamo ? Chiesi.
Un sorriso gli apparve sul volto. Per la prima volta, mi
confidava le ragioni che lo avevano spinto a consacrarsi a
questo luogo.

3 agosto 1987 - Oggi, Narciso ha cominciato una scultura


davanti alla porta della mia stanza. Il rumore del bulino
riempie l’aria per dar vita ad un volto nella roccia, un volto con
occhi nocciola, labbra carnose leggermente socchiuse, capelli
ondulati color sabbia. A forza di lavoro e di pazienza, cesellò
una testa di donna sormontata da una torre.
Narciso plasmava questa testa con grazia infinita. Diceva
che questa statua ci avrebbe portato una gioia tranquilla,
un’eternità serena, liberata dal silenzio della clausura.
Provavo un grande piacere a sentirlo creare, tenace e agile,
mezzo ricurvo nella luce aranciata. Ai clicchettii del burino
seguiva un rumore lancinante, lo scricchiolio della carta di
vetro sulla pietra. Narciso riusciva a modellare una perfezione
ancora più rasserenante della bellezza dei tratti. Questa attività
di scultore mi invitava a fantasticare sulle brevi e multiple

285
cri lancinant donnant à Narcisse une perfection, plus apaisante
encore que la beauté de ses traits. Cette activité de sculpteur
m’incitait à de longues rêveries sur les existences, les brèves et
multiples existences des Pages, ces enfants nobles frémissant
dans une demeure sans fond, sans au-delà, comme l’aspect de
cet être en résonance avec la roche.

7 août 1987 - Dans l’après-midi, un bruit sourd me tira de mes


méditations. Je crus que la roche s’écroulait. Narcisse avait
descellé les briques qui muraient l’entrée des souterrains dans
le pressoir sculpté. Il travaillait à l’endroit où le fantôme de
Lou s’était débattu furieusement contre une chose si puissante
qu’elle était à jamais scellée dans le silence de la caverne.
Je m’interposai avec force.
- Que fais-tu ? Arrête s’il te plaît ! personne n’a le droit de
percer les souterrains. Tout va s’écrouler !
Trop tard ! Narcisse avait libéré les monstres des cavités.
L’ouverture exhalait une odeur de moisi. Ces interminables
galeries, qui reliaient la Maison des Pages au Château et au
Clos Lucé, servaient de cimetière à des ossements humains.
Une sorte de gangrène rongeait les moellons disposés le long
du souterrain, éboulé trois ou quatre mètres plus loin. Le
souffle de la roche était irrespirable. Il attaquait ma chair, il
réclamait mon sang. Je tombais à genoux. Narcisse devenait
fou. Il riait et buvait cet air pestilentiel en psalmodiant des
paroles inconnues. Cette terre humide, ce tombeau aux allures
de cachot, ces os vermineux, voilà tout ce qu’il restait de la
mission des Pages, ces messagers qui couraient sous la terre
pour avertir de la venue de visiteurs, ces êtres angéliques…
Plus qu’un affreux boyau de pourriture et de fermentation  !

286
esistenze dei Paggi, nobili adolescenti frementi in una dimora
senza fondo, senza aldilà, come Narciso, in risonanza con la
roccia.

7 agosto 1987 - Nel pomeriggio, un rumore sordo mi distolse


dalle mie meditazioni. Credetti che la roccia si stesse crollando.
Narciso aveva dissigillato l’entrata dei sotterranei nel frantoio
a piano terreno. Lavorava nel punto esatto in cui il fantasma
di Louis Deville si era abbattuto furiosamente contro una cosa
così potente che non era mai stata sigillata nel silenzio della
grotta. Intervenni con forza :
- Cosa stai facendo ? Smettila ! Smettila ! Non possiamo
intervenire nei sotterranei. Crollerà tutto.
Troppo tardi ! Narciso aveva liberato i mostri delle cantine.
L’apertura esalava un odore di marcio. Le interminabili
gallerie, che collegavano la Maison des Pages e il Clos-Lucé,
erano catacombe piene di ossa umane. Una lepre rosicchiava i
midolli disposti lungo i sotterranei ; franati tre o quattro metri
più lontano. Il soffio della roccia era irrespirabile. Attaccava
la mia carne, reclamava il mio sangue. Cadevo in ginocchio.
Narciso era diventato pazzo. Rideva, beveva quest’aria
pestilenziale recitando parole sconnesse. Ecco cosa rimaneva
della missione dei Paggi, questi messaggeri che correvano
sotto terra per avvertire i re della venuta dei visitatori  : la
terra umida, questa tomba che pareva una segreta, queste
ossa polverose. Questo budello di disgregazione e di rovine
aveva assorbito questi esseri angelici ! Questa necropoli non
era affatto favorevole alla presenza di un essere sveglio, di un
essere in vita. Quanti paggi furono murati in queste gallerie,
schiacciati dal loro smottamento ?
Al di là cominciava l’infinito, era l’unica risposta.

287
Cette putrescibilité interdisait la présence d’un corps
humain. Combien de Pages furent emmurés dans ces boyaux
ou écrabouillés par l’éboulement des galeries  ? Derrière
commençait l’infini ; l’unique réponse. Je repris peu à peu mes
esprits.
- Regarde, dis-je à Narcisse qui humait les ossements avec
un plaisir étrange, tu as dérangé des squelettes. Dommage
qu’ils n’aient pas gardé leur parure, comme les squelettes
coiffés de tiares et de mitres, tenant encore des crosses dans
leurs doigts décharnés que j’ai vu au Krak des Chevaliers. Là-
bas, les gens croient que les os accomplissent des miracles.
Narcisse était si absorbé par l’odeur des os que je dus
agripper son gilet pour l’arracher à cette drogue. Son visage
faisait peur. Il était en proie à une attraction au regard de
laquelle ma volonté ne comptait plus. Une ombre s’emparait de
lui, dessinant une marque fatale sur la blancheur de ses traits.
Je demandai, inquiète :
- Que veux-tu qu’on fasse avec tous ces os ? Ça va attirer
la lèpre, des maladies, est-ce que je sais ? Tu exagères ! Il faut
boucher les souterrains.
Ma confiance en lui était entamée. Il parut s’en
apercevoir. Ses yeux d’émail se ternirent et au prix d’un effort
extraordinaire, il s’éloigna des ossements, recula le long des
statues puis glissa vers un groupe que j’avais remarqué dès ma
première visite, car un des corps était sans tête. Narcisse restait
muet. On eut dit que ses yeux cherchaient à éviter les miens.
Les têtes en souffrance se multipliaient sur les murs. Je posai
mon regard sur les corps déployés autour du jeune homme.
- Quel phénomène étrange  ! m’exclamai-je. La statue à
côté de toi a retrouvé sa tête ! Je suis sûre qu’hier encore, la
tête n’y était pas. Il y avait un montant de fer rouillé, une tige
qui sert à tenir les membres et les têtes.

288
Mi ripresi, poco a poco.
- Guarda, dissi a Narciso che annusava le ossa con un
piacere straniato, hai spostato degli scheletri.
Non rispose. Insistei  :
- Che occasione per l’archeologia  ! Non hanno tenuto i
loro abiti, come gli scheletri che ho visto a Krak dei Cavalieri,
a ovest di Damasco. Pettinati con tiare e mitra, tenevano ancora
delle croci tra le dita disincarnate. Laggiù sembra che le ossa
compiano miracoli.
Narciso era così assorto dall’odore delle ossa che io
dovetti prenderlo per il gilet per tirarlo via da questa droga.
Il suo volto mi fece paura. Era in preda ad un’attrazione così
violenta che la mia opinione non contava più. Un’ombra si
stava impossessando di lui, disegnando una marca fatale sulla
bianchezza dei suoi tratti. Preoccupata, gli chiesi  :
- Cosa vuoi fare di tutte queste ossa  ? Attirerà degli
animali, delle malattie. Ora stai esagerando, bisogna richiudere
i sotterranei.
La mia fiducia in lui era ormai rotta. Sembrò accorgersene.
I suoi occhi si scurirono. Al prezzo di uno sforzo straordinario,
si allontanò dalle ossa, indietreggiò lungo la roccia. Scivolò
verso un gruppo di statue che avevo notato fin dalla prima
visita, perché uno dei soggetti era senza testa.
Narciso restò senza voce. I suoi occhi cercarono di
evitare i miei. Ebbi l’impressione che le teste delle statue si
moltiplicassero sui muri. Posai il mio sguardo sul corpo di
pietra che era intorno al giovane.
- Che strano fenomeno ! Esclamai. La statua vicino a te ha
ritrovato la sua testa ! Sono sicura che ieri, la testa non c’era.
Al suo posto dal collo della statua usciva un ferro arrugginito,
la barra che serviva per fissarlo.
Narciso riprese parola :

289
Narcisse prit la parole.
- Cette nuit, j’ai visité les statues. J’ai retrouvé la tête
décollée. Elle reposait là-bas, rangée parmi d’autres. Je l’ai
remise à sa place. Ce soir, je finirai de sculpter la tête près des
deux femmes, devant ta chambre, pour que tu t’amuses avec
les présences nocturnes.
- Ah ! merci d’offrir cette tête en haut de la maison. Les
statues du pressoir, elles aussi, dégagent une force magique.
As-tu remarqué qu’elles sont tournées vers l’ouest  ? Quand
je pense qu’elles ont contribué aux malédictions de Lou, à
ses paroles trahies, qui lui faisaient dire qu’à chaque film, il
sacrifiait ses illusions. Ces êtres de pierre furent témoins de son
suicide…
- Ne cherche pas à savoir ! Ton amant sera dépositaire d’un
monde crépusculaire.
Non seulement Narcisse attendait de moi un élan, une
volonté, mais encore lui fallait-il le don de ma légèreté pour
l’escorter dans les espaces d’une éternité muette. Il ouvrit la
bouche dans un mouvement triomphal pour annoncer que ces
ossements étaient ceux de Léonard de Vinci.
Aussitôt, un souffle tellurique venu du souterrain le glaça
d’épouvante. Ce souffle prit la forme d’un être aux yeux
exorbités, l’un plus gros que l’autre. La masse rouge, effrayante,
arracha les araignées fossilisées sur la roue du pressoir.

Ce déplacement d’air rempli de parcelles rouges (le mur


de briques qui étayait la grotte) fit naître en moi une jubilation
étrange, une pulsation plus agréable que l’eau autour d’un
corps en mouvement.
Narcisse paraissait terrassé par l’entité nébuleuse.
- C’est ma vie, gémit-il en s’agrippant aux statues pour ne
pas disparaître dans l’ouverture.

290
- È vero, stanotte sono andato a contemplare le statue. Ho
ritrovato una testa staccata. Giaceva là in fondo, in mezzo a
tante altre. L’ho riportata al suo posto. Stasera, finirò di scolpire
la testa vicino a due donne, davanti alla tua camera.
- Ah ! Ti ringrazio di riprodurne una. Splenderà in alto,
sopra la casa. Le statue del frantoio, anch’esse, emanano una
forza magica.
Narciso sembrava d’accordo. Proseguii, sognante :
- Hai per caso notato che sono girate verso ovest ? Quando
penso ch’esse hanno contribuito all’infelicità di Louis Deville,
alle sue parole tradite, che lo spingevano a sostenere che a ogni
film, sacrificava le sue illusioni  ? Questi tra questi esseri di
pietra furono testimoni del suo suicidio ?
- Non cercare di capire ! Louis è depositario di un altro
mondo.

Narciso ammise con un tono birichino che le ossa dei


sotterranei erano quelle di Leonardo Da Vinci. Sentii che si
aspettava da parte mia una premura, una volontà. Avrebbe avuto
bisogno del dono della mia leggerezza per accompagnarlo
negli spazi insensibili, intimidatori e muti dell’immortalità.
D’un tratto, un soffio tellurico proveniente dallo scavo lo
gelò dallo spavento. Questo soffio prese la forma di un essere
dagli occhi esorbitanti. Un occhio era più grande dell’altro.
Questa forma era una massa rossa spaventosa. Strappò i ragni
fossilizzati sulla ruota del frantoio. Questo spostamento d’aria
riempì di particelle rosse dei mattoncini posti al di sopra della
grotta, fece nascere in me uno strano giubilio, una pulsazione
più gradevole dell’acqua intorno ad un corpo in movimento.
Narciso sembrava sconvolto dalla strana entità. Articolava con
un tono che sembrava coraggioso :
- Questo soffio è la mia vita.

291
Secoué de spasmes, il jetait des regards où je vis passer
une lueur immortelle. L’air rouge des galeries le faisait fondre,
mais sans lui dérober la vie.
Je lui saisis un bras et m’efforçai de l’apaiser.
- Ne dis plus rien…
Pour la seconde fois, des larmes coulèrent de ses
yeux jaunes. Ses membres s’entrechoquaient. Il essaya de
ramper vers l’orifice du souterrain, son énigme, l’ascèse
qu’il recherchait dans son intime accomplissement. J’étais
incapable de le retenir, il s’accrochait aux parois avec une force
prodigieuse. Soudain, il s’arrêta, me prit la main et m’entraîna
dans la tour. Il escalada l’escalier en me tirant derrière lui. Les
marches tremblaient. Des blocs de pierre se détachèrent sous
mes yeux. Haletant, accomplissant tous ces gestes à une vitesse
vertigineuse, Narcisse se cognait dans les lustres qui tournèrent
et tracèrent des cercles en mouvement. Il me lâcha devant les
statues pour aller se réfugier sous la vasque en albâtre qui
éclairait la chambre du mort. Nimbé par cette lumière glauque,
Narcisse reprit vie, redevint invincible et beau.

2 heures du matin - J’ai contemplé longtemps la vasque en


albâtre, captivée par l’absence de formes, par ce vide intérieur
qui me plongeait dans une sorte de transe. Incapable de trouver
le sommeil, je suis restée immobile le long des baies vitrées.
Une mouche se cognait contre la vitre, tournait sur elle-
même, revenait se cogner. Elle me faisait mal, réclamait ma
compassion. Cela dura des heures.

8 août 1987 - Dès l’aube, la lumière irisée a perdu sa puissance.

292
Il giovane si aggrappò alle statue per non essere trascinato
nella bocca dei sotterranei. Scosso da spasmi, mi lanciava
degli sguardi in cui io vidi passare il bagliore dell’eternità.
Ahimé  ! L’aria rossa della galleria minacciava di assorbirlo,
di spogliarlo dell’avvenire che noi avevamo costruito al di là
delle nostre forze.
Lo presi per un braccio e cercai di tranquillizzarlo.
- Non dire più niente…
Immediatamente, scesero le lacrime dagli occhi. Le sue
membra si scontrarono. Cercò di farsi strada verso l’entrata
del sotterraneo, verso il suo enigma, l’ascesi che cercava
nella sua oscura realizzazione. Non riuscivo a trattenerlo. Si
teneva alle pareti con una forza prodigiosa. All’improvviso
si fermò, mi prese per mano, e mi portò verso la cucina, poi
dritto nel budello che conduceva alla torre. Salì per le scale
trascinandomi dietro di lui. Gli scalini vibravano. Ansimando,
facendo tutti i gesti a una velocità vertiginosa, Narciso sbatteva
contro le luci, che cominciarono a girare e a tracciare dei cerchi
di luce in movimento. Si separò da me davanti alle statue per
andare a rifugiarsi sotto la vasca in alabastro che chiariva
la mia stanza. Aureolato da questa luce pallida, riprese vita,
ritornò invincibile e bello.
Rimasi sveglia fino alle due del mattino. Non riuscivo a
prender sonno, sono rimasta immobile vicino alla vetrata.
Osservai la vasca di alabastro, catturata dal suo biancore, da
questo vuoto interno che mi affondava in una sorta di trance.
Una mosca sbatteva contro il vetro, girava su se stessa,
ritornava a sbattere contro il vetro. Mi faceva male, cercava la
mia compassione. Durò a lungo.
8 agosto 1987 - Fin dalle prime luci dell’alba, la luce iridata
aveva perso la sua potenza. Una grande macchia nera si è
espansa, spalmata in fondo alla vasca. L’ampolla era troppo

293
Une tache noire a grandi, étalée au fond de la vasque. L’ampoule
était trop forte. Au dedans, l’albâtre avait blanchi. Il y avait un
tapis de moucherons morts dans la lumière - en juin, la Loire
donnait naissance à tant de moucherons qu’en courant sur le
plateau, je les avalais par centaines. J’allumai de nouveau. La
tache noire s’élargit. Le jour chassa la froideur des corridors, le
suintement des ruines et le fragile frémissement des lumières
oubliées. Toute la journée, j’ai été tourmentée par cette pierre
avec son morceau mort.
Le soir, quand je voulus refermer la porte vitrée, j’éprouvai
plus que d’habitude le pouvoir des statues. Le couloir était
sombre, mais une lumière oubliée en haut indiquait la montée
vers l’observatoire. Les ampoules de la tour fonctionnaient
deux par deux. Celle du haut était restée allumée. Elle jetait un
éclairage nouveau sur les deux femmes de pierre. Une lumière
incandescente les animait et effleurait les têtes d’animaux. Cette
lumière traversait les corps, laissait une aura à leur surface,
mais elle aurait pu aussi bien jaillir de leur épaisseur. Depuis
que l’albâtre était taché de noir, cette lumière blanche savourait
sa revanche sur la fixité des corps, les métamorphosait,
comme si leur vie allait chasser la mienne. Parmi toutes les
choses sinistres que la vie la plus ordinaire nous impose, cette
lueur asphyxiante, pareille à un œil sans iris, jetait un éclat
inquiétant. Je dus refermer la porte, la calfeutrer avec des
bouts de moquette pour m’arracher aux sensations funèbres de
la nuit, lutter contre la force inconnue de l’éclairage.
Cette lumière, Narcisse la ressentait comme sa vie
lointaine. Quelques minutes plus tard, je le surpris en train de
s’y baigner avec ravissement, l’air de se retremper dans une
source originelle en étant animé par des forces féériques. Je
restai cachée dans un coin de la pièce. Régénéré par les ondes
de la vasque, il glissa hors de la chambre. Il recommença à

294
forte e aveva attaccato il gesso. Paradossalmente, all’interno,
l’alabastro era sbiancato. C’era un tappeto di moscerini morti
nella luce. A partire da giungo, la Loira dava alla luce talmente
tanti moscerini che correndo, se ne inghiottivano a decine.
Accesi di nuovo la luce. La macchia nera si allargò. L’aurora
cacciò la freddezza dei corridoi, l’umidità delle pareti e il
fremire delle lampade ancora accese. Per tutto il giorno fui
alterata da questa pietra, dal suo segno nero.
La sera, quando volli richiudere la porta vetrata percepii più
che d’abitudine la potenza delle statue. Il corridoio era scuro,
ma una lampada dimenticata nella scala di legno indicava la
salita verso l’osservatorio. I lampadari della scala della torre
funzionavano due a due. Quello di sopra era rimasto acceso.
Gettava un chiarore inabituale sulle due donne di pietra. Una
luce lattiginosa le animava, sfiorava le teste di animali. La luce
decorava questi corpi, lasciando un’aura nella loro superficie,
ma avrebbe anche potuto zampillare dalla loro materia. Da
quando l’alabastro era macchiato di nero, la luce opalescente
vinceva in purezza. Si sarebbe detto che assaporava la sua
rivincita sulla fissità dei corpi, che li trasformò, e che la loro
esistenza lottava contro la mia. Questo barlume misterioso,
simile a un occhio senza iride, gettava uno scoppio inquietante
sugli oscuri doveri che l’attività quotidiana ci impone. Dovetti
richiudere la porta, tapparla con dei pezzi di moquette per
strapparmi alle sensazioni primordiali della notte, e lottare,
abbagliata, contro la forza sconosciuta del chiarore.
Narciso sentiva la chiarezza della vasca come la sua vita
lontana. Qualche minuto più tardi, lo sorpresi mentre stava
contemplando con felicità, con l’aria di ribagnarsi in una
sorgente primordiale. Restai nascosta in un angolo della stanza.
Rigenerato dalle onde lattiscenti dell’alabastro, scivolò fuori
dalla mia stanza. Ricominciò a grattare la parete della roccia, a

295
gratter la roche, à polir, près des deux femmes accouplées, une
tête longue et fine qu’il façonnait dans la pierre, la tête d’une
déesse surmontée d’une tour.
9 août 1987 - Toute la nuit, j’ai entendu Narcisse marteler,
frotter la roche pour ciseler obstinément une tête censée se
déployer dans l’univers de la maison. Cette œuvre est un
simulacre de ravissement, une énigme vêtue de pierre, quasi
divine. Près de cette tête, j’avais fixé au mur les cartes postales
d’un cratère dionysiaque découvert et exposé à Thessalonique.
Ce magnifique cratère hellénistique arbore des femmes pâmées
face à des hommes en érection. Alors que le désir nous met en
mouvement, que le désir est la puissance de vie, et en ce sens,
la joie, le grand vase antique a recueilli les cendres des fous en
état de jouissance.
Au lever du jour, Narcisse avait disparu. Je l’appelai, je
le cherchai dans les pressoirs. Je passai la journée à déblayer
des niches remplies de cadavres d’insectes. J’explorai la
galerie souterraine en écrasant sous mes pieds la poussière des
ossements. Le soir revint. Je remontai devant ma chambre au
troisième étage, inquiète de me retrouver seule. étais-je seule ?
La maison qui répond si bien à ma présence au monde m’avait
absorbée entièrement. Mon attention fut attirée par un sanglot
très léger en provenant des sculptures. Je découvris une tête
tourrelée, lisse et polie, aux veines transparentes d’une statue
de sel. Le regard me captiva, un éclat presqu’humain. Je
tressaillis. Je venais de reconnaître la peau blanche de Narcisse.
Les orbites étaient creuses, privées de leurs yeux de pierreries.
- Narcisse ! soupirai-je, te voilà plus lisse que la pierre. Tu
disparais à jamais. Je voudrais te rejoindre !
Dans cette tête sans yeux, la présence de Narcisse se
répandait et s’amplifiait. Je crus voir le cortex de son cerveau
s’atrophier, les cavités s’élargir pour fusionner avec la pierre.

296
levigare, vicino alle due donne binate, la testa lunga e fine che
creava nella roccia, la testa di una dea coronata di una torre.

9 agosto 1987 - Ho sentito Narciso martellare tutta la notte,


frizionare, sfregare, strofinare la roccia per cesellare con
ostinazione une testa che avrebbe dovuto aprirsi sull’universo
della casa. Questa scultura è un simulacro d’estasi, un enigma
vestito di pietra, quasi divino. Vicino a questa testa, avevo
fissato al muro le cartoline di un cratere dionisiaco scoperto
ed esposto a Tessalonica. Questo magnifico cratere ellenistico
mostra delle donne in visibilio davanti a degli uomini in
erezione. Quando il desiderio ci mette in movimento, il
desiderio di potenza di vita, e in questo senso, la gioia, il
grande vaso antico ha raccolto le ceneri dei pazzi che godono.
Al levarsi del giorno, Narciso era sparito. Lo chiamavo,
lo cercavo nei frantoi. Passai la giornata a sgomberare delle
nicchie piene di cadaveri d’insetti. Esplorai la galleria
sotterranea facendo scricchiolare sotto i piedi la polvere delle
ossa. Tornò la sera. Salii al terzo piano, davanti alla mia stanza,
preoccupata di ritrovarmi sola. Ero davvero sola ? La casa cosi
reattiva alla mia presenza nel mondo mi aveva completamente
assorbita. La mia attenzione fu attirata da un flebile singhiozzo
che proveniva dalle sculture. Scoprii una testa turrita e le
vene trasparenti di una statua di sale, liscia e levigata. Il suo
sguardo mi imprigionava, uno scoppio quasi umano. Trasalii.
Avevo riconosciuto la pelle bianca di Narciso. Le orbite erano
scavate, prive dei loro occhi granulosi.
- Narciso !, sospirai. Eccoti, perfetto come la pietra. Non
scompari mai ! Mi piacerebbe raggiungerti.
In questa testa senz’occhi, la presenza di Narciso si
spandeva e si amplificava. Mi sembrò di vedere la corteccia
del suo cervello atrofizzarsi, le cavità allargarsi per fondersi

297
Je voulais qu’il s’arrête de gémir, mais son rire triste était la
vraie réponse aux demandes. Nous ne pouvions être bien, tous
deux aliénés par des forces étrangères à notre vraie nature. On
ne peut s’accomplir qu’en faisant du bien aux autres. Ce bruit
inlassable, ce bruit continuel se perdait sans fin dans la maison.
La maison avala les soupirs de Narcisse. Ces sanglots ne
pouvaient durer et me frustrer de mon sommeil. Ils reprirent.
Ils s’épanchèrent en un écho dont je reconnus l’ultime appel.
J’étais incapable de posséder la grâce de l’éternel adolescent,
et de comprendre en quoi il participait à ma propre force. Son
insouciance m’irritait.
Les sanglots envahirent la maison. Je ne pouvais supporter
le son de sa blessure. Je me souvins d’une histoire de Perceval
qui crevait un œil à son ennemi. La cervelle jaillissait de
l’autre côté du crâne. Une tête vidée de sa substance périssable,
telle une momie ! Je m’emparai d’un couteau à sept lames et
j’attaquai les contours du visage de pierre pour qu’il se taise.
En voulant soustraire la maison aux ravages du temps, j’ai
dévasté la statue de Narcisse qui n’avait plus ses yeux pour
pleurer.
La tête mutilée apparut furtivement épanouie, transportée
en une sensation brute. Et pire que l’égoïsme, l’irresponsabilité
autoprotectrice d’avoir défiguré ce visage pour que la pierre
survive, une pierre qui, pareille aux déesses, puisait son
gigantesque plaisir dans la mutilation et l’inertie.
En silence j’éteignis les lumières. Je m’endormis dans la
certitude d’avoir compris que j’étais là pour l’éternité.

Cinq heures du matin - Un songe m’arracha au sommeil. Je


l’écris sur le champ pour conserver la force de ses émotions.
Je déposai mon vélo dans l’allée du cimetière d’Amboise où

298
con la pietra. Volevo che smettesse di gemere, ma la sua risata
triste era la vera risposta alle domande. Non potevamo stare
bene, tutti e due alienati alla nostra vera natura da delle forze
straniere. Non ci si può realizzare se non facendo bene agli
altri. Questo rumore instancabile, questo rumore continuo si
perdeva, senza fine, nella casa.
La casa inghiottì i sospiri di Narciso. Quei singhiozzi non
potevano durare e frustrarmi in sonno. Ricominciarono. Si
versavano in un’eco di cui riconobbi l’ultima chiamata. Ero
incapace di possedere la grazia dell’eterno adolescente, e di
capire in che cosa egli partecipasse della mia propria forza. La
sua spensieratezza mi irritava.
I singhiozzi invasero la casa. Non potevo più sopportare
il suono della sua ferita. Mi ricordai della storia di Percival
che cavava un occhio al suo nemico. Le cervella schizzavano-
sgorgavano dall’altro lato del cranio. Una testa svuotata della
sua sostanza peritura, come una mummia ! Mi impossessai di
un coltello a sette lame et attaccai i lineamenti del viso di pietra
perché tacesse. Volendo sottrarre la casa ai danni del tempo,
devastai la statua di Narciso privata degli occhi per piangere.
La testa mutilata apparve furtivamente rischiarata, trasportata
in una sacra ebbrezza. E poi, più niente. Solo l’orgoglio di
avere sfigurato questo viso affinché la pietra sopravviva a se
stessa, una pietra che, eguale alle dee, attingeva il suo grande
piacere nella mutilazione e nell’inerzia.
n silenzio spensi le luci. Mi addormentai con la certezza di
aver capito che ero li per l’eternità.

Ore cinque del mattino - Un sogno mi strappò al sonno. Lo


scrivo immediatamente per conservare la forza delle sue
emozioni. Lasciavo la bici sulla strada che porta al cimitero

299
poussent des thuyas, des cyprès et du houx. La présence des
tombes me donna l’impression de revivre. Je connaissais ces
pierres chargées d’offrandes.
Tout à coup, il me sembla que ma pierre tombale était
camouflée par le haut cèdre du parc de la Maison des Pages.
Je me hâtai, vêtue d’un linceul, les cheveux flottant au vent,
l’esprit désagrégé, convaincue qu’il fallait savoir à présent,
après tant de temps passé à revivre sur terre. Que signifient
ces mots à présent ? La pesanteur, l’inertie, être née avant la
naissance. Une habitude, une force. Plus rien ne pouvait me
réveiller à mon insu. Dans ce présent sans limites, je retrouvais
les impressions d’avant, identiques à celles ressenties face aux
sculptures : la porosité de l’âme, le pressentiment de l’éternité
par le fait d’être là, le désarroi face aux êtres disparus, après
leur brève existence ; j’éprouvais ma venue au jour, puis ma
disparition comme la brûlure du feu souterrain embrasant la
terre avant de céder à son appel.
Je longeai la tombe d’une Algérienne, de la smala de
l’émir algérien Abd el Kader, et le monument funéraire du
duc de Choiseul. Puis j’atteignis la partie neuve du cimetière.
Léo reposait là, seul dans les enfers de la terre. Sa tombe était
grise et nue. Sa crinière flamboyante a dû se ternir dans son
coffre cerné par la boue dont nous venons. La lueur de l’aube
inscrivait ses rais de lumière entre les signes gravés sur la stèle,
levée vers moi comme l’est toujours le visage de Léo. La date
de sa mort luisait dans l’herbe humide. Un chat noir sauta sur la
stèle, me traversa en me faisant ressentir sa féline prévenance.
Je l’enveloppai lentement tout en contemplant les dates jusqu’à
ce qu’elles se mélangent dans ma mémoire. Quel effort pour
renier le plaisir que procure le ruissellement du temps ! Quel
exploit de la volonté pour sauver les rêves évanouis avec le
jour ! Le chat miaula et disparut d’un bond dans la pénombre.

300
di Amboise, dove crescono le tuia, i cipressi e i pungitopi. La
presenza delle tombe mi dava l’impressione di tornare a vivere.
Conoscevo quelle pietre cariche di offerte. All’improvviso, mi
sembrò che la mia pietra tombale fosse nascosta dal grande
cedro del parco della Maison des Pages. Mi affrettai, vestita
di un sudario, i capelli al vento, la mente libera, convinta che
bisognasse sapere immediatamente, dopo tanto tempo passato
a rivivere sulla terra. Cosa significano queste parole ora ? La
pesantezza, l’inerzia, esser venuti al mondo prima della nascita.
Un’abitudine, una forza. Più niente avrebbe potuto svegliarmi
a mia insaputa. In questo presente senza limiti, ritrovai le
impressioni di prima, identiche a quelle provate davanti alle
sculture : la porosità dell’anima, il presentimento dell’eternità
per il fatto stesso di essere là, lo sgomento di fronte a degli
esseri spariti, dopo la loro breve esistenza  ; provavo la mia
venuta al giorno, poi la mia sparizione come una bruciatura di
fuoco sotterraneo che avvampa la terra prima di cedere al suo
richiamo.
Camminavo lungo la tomba di una donna algerina, della
tribù dell’emiro algerino Ab del Kader, et il monumento funebre
del duca de Choiseul. Poi giunsi alla parte nuova del cimitero.
Léo riposava là, solo negli inferi della terra. La sua tomba era
grigia e spoglia. La sua criniera sfavillante ha dovuto scurirsi
nella bara sigillata dal fango da cui noi tutti veniamo. Le prime
luci dell’alba iscrivevano i loro raggi tra i segni incisi sulla
stele, alta verso di me, come lo è sempre il viso di Léo. La data
della sua morte luccicava nell’erba umida. Un gatto nero saltò
sulla stele, mi passò davanti facendomi sentire la sua felina
provenienza. Gli girai intorno lentamente, contemplando le
date finché non si sovrapposero nella mia memoria. Che sforzo
per rinnegare il piacere che procura lo scorrere del tempo ! Che
forza di volontà per salvare i sogni svaniti nel giorno ! Il gatto

301
Je manquais de force pour relever mon vélo. Il ne m’avait
jamais paru si lourd. Au prix d’une concentration intense, je
l’enfourchai et pédalai de l’autre côté du mur. Je volai vers
la partie ancienne du cimetière, aussi paisible qu’une ville
endormie.
L’annonce de l’aube était sublime. Les arbres prospéraient
près des sépulcres, des arbres enracinés dans mon âme. Leur
étreinte était fraîche. La végétation irradiait de beauté, les jolies
plantes des cimetières… Je serais en peine d’imaginer plus bel
exemple des mutations naturelles des éléments de la Nature !
Elles poussaient sur des sépultures affaissées, entourées de
chaînes rouillées devant lesquelles la mairie avait placé de
minuscules pancartes blanches :

CETTE CONCESSION EST À L’ABANDON


DEPUIS DES ANNÉES.
ELLE PEUT VOUS ÊTRE CÉDÉE
PAR UNE PROCÉDURE DE REPRISE.
PRIèRE DE SE RENSEIGNER à LA MAIRIE.

Sur une stèle effritée, avec des parties fracturées, je


ramassai un crucifix en zinc et les débris d’un ange. Une tombe
d’enfant, délaissée, mutilée. La tombe d’un enfant résultant du
hasard, et mort. Sans postérité. Ce nom était la conséquence
de passions, de bifurcations, de configurations nécessaires à
sa genèse, et gardant leur sens au-delà de sa naissance. D’une
main tremblante, je levai le crucifix pour graver sur la pierre le
nom de Narcisse. à sa place, ces vers s’imposèrent, en souvenir
des Affinités électives de Goethe :

Toutes ces fascinations qui vont cœur à cœur,


Ah mon Dieu, mon Dieu, qu’elles créent de douleur.

302
miagolò e sparì con un balzo nella penombra. Mi mancava la
forza per rialzare la mia bici. Non mi era mai sembrata così
pesante. A prezzo di un’intensa concentrazione, la inforcai
e pedalai fino all’altro lato del muro. Volavo verso la parte
vecchia del cimitero, tranquilla come una città addormentata.
L’annuncio dell’alba era sublime. Gli alberi prosperavano
vicino ai sepolcri, degli alberi radicati nella mia anima. La
loro morsa era fresca. La vegetazione irradiava bellezza, le
belle piante del cimitero…Mi sentirei male a immaginare
un più bell’esempio di mutamenti naturali degli elementi
della Natura  ! Esse crescevano su delle sepolture che stanno
cedendo, attorniate da catene arrugginite davanti alle quali il
municipio aveva messo dei piccoli cartelli bianchi  :

QUESTO SPAZIO È IN STATO DI ABBANDONO DA


ANNI. PUO ESSERE CEDUTO PREVIA PROCEDURA DI
RECUPERO. INFORMAZIONI PRESSO IL MUNICIPIO.

Sopra una stele sgretolata, con delle parti che cadevano


a pezzi, raccolsi un crocifisso di zinco e i cocci di un angelo.
Una tomba di bambino, mutilata. La tomba di un bambino
risultato del caso, e morto. Senza posterità. Questo nome
era la conseguenza di passioni, biforcazioni, configurazioni
necessarie alla propria genesi che conservano il proprio senso
al di là della nascita. Tolsi da una mano tremante un crocifisso
per incidere sulla pietra il nome di Narciso. Al suo posto
s’imposero questi versi, in ricordo delle Affinità elettive di
Goethe :

Tutte le fascinazioni che vanno dal cuore al cuore,
Ah mio Dio, esse creano dolore.

303
Ces mots orneront sa tombe. Je reviendrai honorer sa
mémoire comme il m’a invoquée. Privée de curiosité et de la
joie du désir, je profiterai d’une solitude qui, sans la présence
de Narcisse, m’aurait fait bâiller d’ennui. Quelle abomination
s’il pouvait mourir, à l’instar des enfants dont je lis les noms :
Véronique Marsault, Nathalie Duchet, Guillaume Keller…
tant d’âmes couvertes d’une croix de bois ravinée par la pluie.
Parfaites, emmurées dans leur souffrance. L’androïde, lui,
attend des jours futurs, l’époque d’une vraie renaissance.
Des insectes courraient sur les pierres, des lambeaux de
chair évadés de la terre. Le règne animal cohabitait avec les
têtes, les lèvres, les seins, les cuisses des cadavres. Je sentais
des âmes vagabondes, les prenais par les hanches pour voir
avec quel vent de folie elles allaient envelopper tout ce que j’ai
vécu. Le chat est revenu. Il se frotta contre un arbre. J’aurais
voulu pleurer. Les larmes étaient sèches.
Je m’en voulais d’être revenue là, incapable d’effacer les
prétentions auxquelles il fallait croire. Je m’insinuai dans ces
cadavres, Ingrid Coutin, Chantal Thénon, la famille Dupuy-
Dupart en état d’Abandon, car la petite Gilberte de dix mois
était décédée en 1899, et Olga, quinze ans, le 20 mai 1905.
«Regrets éternels». La douleur leur avait ôté tout scrupule et
ils n’avaient pas hésité à graver dans le marbre cette évidence.
Les allées formaient une étoile avec en son centre un
triangle. Sur ce triangle, était érigé un obélisque rehaussé
d’une croix plus haute que les arbres. L’emplacement contenait
davantage de Restes Mortels que l’ensemble des sépultures.
L’obélisque traduisait l’acharnement des hommes pour enrayer
l’usure du temps. Les ossements de l’ancien cimetière du Bout
des Ponts avaient été transférés de l’autre côté de la Loire par
le souci de conserver les traces d’un univers disparu.

304
Queste parole orneranno la sua tomba. Tornerò per onorare
la sua memoria, come mi ha chiesto. Privata della curiosità e
della gioia del desiderio, approfitterò di una solitudine che,
senza la presenza di Narciso, m’avrebbe fatto sbadigliare di
noia. Che abominio se fosse morto al posto dei bambini di cui
leggo i nomi ; Veronique Marsault, Nathalie Duchet, Guillaume
Keller…tante anime coperte da una croce di legno erose dalla
pioggia. Perfette, murate nella loro sofferenza. L’androide, lui,
aspetta i giorni a venire, epoca di un vero Rinascimento.
Degli insetti correvano sulle pietre, lembi di carne evasi
dalla terra. Il regno animale coabitava con le teste, le labbra,
i seni, le cosce dei cadaveri. Sentivo delle anime vagabonde,
le prendevo per le anche per vedere secondo quale vento di
follia avrebbero abbracciato tutto quello che ho vissuto. Nel
frattempo, il gatto è tornato. Si strofina contro un albero. Avrei
voluto piangere. Le lacrime erano assenti. Me ne volevo di
essere venuta fin là, incapace di cancellare le pretese alle quali
bisognava credere e alle quali bisognava votarsi. M’insinuai
tra i cadaveri, Ingrid Voutaing, Chantal Thénard, la famiglia
Dubois-Denon in Stato di Abbandono, perché la piccola
Garance di dieci mesi era deceduta nel 1899 e Olimpia,
quindici anni, il 20 maggio 1905. «Riposa in pace». Il dolore
aveva loro tolto ogni scrupolo e non avevano esitato a far
incidere quest’evidenza.
I viali formavano una stella con un triangolo al centro.
Sul triangolo, era stato eretto un obelisco rialzato da una
croce più alta degli alberi. Lo spazio accoglieva anche i Resti
Mortali, oltre all’insieme dei sepolcri. L’obelisco traduceva
l’accanimento dei mortali ad arrestare l’usura del tempo.
Le ossa del vecchio cimitero di Bout des Ponts erano state
trasferite dall’altro lato della Loira dall’inquietudine viscerale
di rimanere, di conservare le tracce di un universo sparito. In

305
Dans une longue liste qui comprenait des noms de mes
ancêtres était inscrit le nom de Lou. Un cénotaphe ou un
vampire ?
En tout cas, il était délié de la vanité des passions. Un rai
sombre le séparait des autres noms.
Éléonor, et le sculpteur ? Tous jetés dans la fosse commune
du passé. Réunis dans le périmètre d’un obélisque dont la
forme convie, en Égypte, la force solaire. Rien d’autre que ce
pylône aux quatre faces polies dans l’alignement du monument
de Choiseul. Les cendres de Léonard disséminées au fond des
catacombes de la Maison des Pages remuent dans les doigts de
Narcisse.
Léonard partage l’épitaphe de Descartes  : « Son corps
est poussière mais son art vit ». C’est si loin qu’il n’y a plus
de sentiment de deuil, plus un être qui souhaite s’y laisser
prendre. Claude de Saint Martin, cet illuminé surnommé « Le
Philosophe inconnu » s’est laissé émouvoir par cette plaine
d’ossements. Il est venu y récolter les fruits de ses rêveries.
Deux siècles plus tôt, il a écrit un long poème Le Cimetière
d’Amboise qui ne participe pas à la Nature mais à

Ce long aveuglement qu’on appelle la vie.

La plupart des alexandrins qui composent ce poème sont


devenus froids. Soudain, le texte m’interroge. Ses images
jaillissent, limpides, magnifiques. Les pages imprimées se
répandent à travers les feuillages. Impuissante à retenir les
mots qui m’étourdissent, je les déclame dans l’espoir qu’ils
vont rester dans ma mémoire. Leurs sons berceront mon
sommeil. Puis le texte s’efface.
Les dernières lignes voltigent comme des guêpes qui

306
una lunga lista che comprendeva i nomi dei miei antenati, era
iscritto il nome di Lou. Un cenotafio o un vampiro ? In ogni
caso, era stato negato dalla vanità delle passioni. Un raggio
oscuro li separava dagli altri nomi.
Éléonor, e lo scultore… ? Tutti gettati nella fossa comune
del passato. Si ritrovano nel perimetro di un obelisco la cui
forma attira, in Egitto, la forza solare. Nient’altro che questo
pilone dalle quattro facce levigate nell’allineamento del
monumento di Choiseul. Le ceneri di Leonardo disseminate in
fondo alle catacombe della Casa delle Pages si mescolano tra
le dita di Narciso.
Leonardo condivide l’epitaffio di Descartes  : «Il suo
corpo è polvere ma la sua arte vive.» È così lontano che non
non si può più provare alcun sentimento di lutto. Nessuno
più desidera lasciarsi prendere da un tal sentimento. Claude
de Saint Martin, un illuminato soprannominato «Il filosofo
sconosciuto» si è lasciato commuovere da questa piana di ossa.
Venne a raccogliere i frutti dei suoi sogni. Due secoli prima,
scrisse un lungo poema, Le Cimetière d’Amboise, che non
partecipa della natura ma del
Lungo accecamento che chiamiamo vita.

La maggior parte degli alessandrini che compongono


questo poema sono diventati freddi. All’improvviso, il testo
mi interroga. Le sue immagini sprizzano, limpide, magnifiche.
Le pagine stampate si disperdono tra le foglie. Incapace di
trattenere le parole che mi stordiscono, le declamo con la
speranza che resteranno nella mia memoria. Il loro suono mi
cullerà nel sonno.
Poi il testo si cancella. Le ultime linee volteggiano come
vespe che circondano i monumenti silenziosi della necropoli
di Amboise. Mi alzo in volo dalla folla dei morti, è troppo

307
entourent les monuments de la nécropole d’Amboise. Je
m’envole de la foule des morts, il est trop dangereux de rester
avec eux. Grâce aux ailes de cire, je prends mon essor. Elles
m’emportent, sereine, devant les souterrains de la Maison des
Pages. Je me pose sans bruit au milieu des statues. L’allée d’ifs
du cimetière où est localisé le cénotaphe de Louis Deville trace
vers le nord une large parabole. Une ligne d’ombre se répand
comme une encre sainte dans le pressoir la Maison des Pages.
Les ténèbres s’éclaircissent. L’ombre est dissoute par un
blanc seing de lumière où elle demeure en signature. La montée
de la Lumière annonce la naissance du jour, filtré par le carreau
de l’ancienne cuisine. Les reflets se multiplient. C’est un excès
de détermination qui bâillonne mon esprit, l’asservissent à des
passions dont le chef d’orchestre est la peur du merveilleux. Je
franchis le tas de briques effondrées au milieu au milieu des
sculptures et je me faufile dans le souterrain. Je me dirige sous
le parc, sûre de retrouver la place du grand cèdre du Liban.
Du fond de la terre, je sens la clarté se répandre à travers les
branchages. L’Aurore se reflète dans les arbres du parc.
Brusquement, je m’éveille. Mes yeux restent voilés par
les images de la cité des morts, tant de blessures. Fixé sur le
mur, je retrouve le doux visage de la Vierge aux Rochers. Ses
paupières sont baissées. Cette paisible figure est vouée à la
joie, car notre force s’épanouit dans la joie.

308
pericoloso rimanere con loro. Grazie alle ali di cera, prendo lo
slancio. Mi trascinano, serena, fin davanti ai sotterranei della
Casa delle Pages. Mi poso senza rumore in mezzo alle statue.
Il viale di tassi del cimitero dove si trova il cenotafio di Louis
Deville traccia una larga parabola verso Nord. Le tenebre del
frantoio si rischiarano.
La luce annuncia la nascita del giorno. Filtrata dai vetri
della cucina, il barlume dell’aurora si propaga. Varco il cumulo
di mattoni rotti in mezzo alle sculture, scivolo nei sotterranei,
e mi dirigo verso il centro del parco, sicura di ritrovare il
posto del cedro, l’albero di luce. Dal fondo della terra, sento il
chiarore del giorno spandersi attraverso le ramature. L’aurora
si è già arresa al parco.
Mi sveglio, bruscamente. I miei occhi restano velati
dalle immagini della città dei morti, incrocio lo sguardo della
Vergine delle Rocce. L’incisione è affissa alla biblioteca. Le
sue palpebre sono basse. Di fronte a questa figura inaccessibile,
mi sforzo di penare che non è successo niente.

309
15 août 1987 - L’été nourrit le champ d’étoiles de ma conscience.
J’ai fermé la maison. Je l’ai sauvée, je l’ai restaurée, je l’ai
parfaite et je la quitte dans le bonheur d’avoir fait une œuvre
que d’autres vont encore rendre meilleure. Mon vœu le plus
cher est de retrouver la clarté de l’Orient qui me secourt et me
soutient.
Soyez indulgents : j’ai témoigné contre la Terreur.
Les êtres humains friands de rêves et de mystère me
sont reliés par une particularité : ils ne sont pas déçus par les
réponses d’une quête quasi inhumaine. Les paroles font écho
au désarroi qui germe sous nos travaux.
Mes successeurs ouvriront d’autres voies. Mon œuvre sera
indestructible. Je ne crains plus l’éternel recommencement.

310
15 agosto 1987 - Torna l’estate. Ho chiuso casa. La lascio nella
felicità di aver compiuto un’opera che altri proseguiranno. Ora,
devo tornare in Oriente.
Quanto a questa testimonianza, posso dire che solo gli
amatori d’enigmi la apprezzeranno. Mi assomigliano per una
sola caratteristica. Cercando di imparare su loro stessi, non
potrebbero essere delusi dalla vanità delle risposte.

311
312
DE LA MÊME AUTRICE

MYTHE D’ISIS
(la Bibliothèque Nationale l’a jugé assez important pour le mettre en ligne)
CINÉVITA
LIRE LES FEMMES DE LETTRES
LE VOYAGE EN ÉGYPTE DE GÉRARD DE NERVAL
IVRESSES D’ÉGYPTE
L’ÉGYPTE CÉLESTE
POÈMES D’AMBOISE
(éd. bilingues espagnol, italien par des universités,
et japonais, arabe, anglais)
POÈMES SATIRIQUES
(éd. bilingue espagnol par une université)
L’AMBROISIE
IMPRESSION INIMAGINABLE
LA MALCONTENTE
VOYAGE EN ORIENT
CINÉVITA
Sevrage
DES POÈMES D’OFFENSE

313
Bio-bibliographie

En 1979, Camille Aubaude part enseigner à Ghardaïa,


une oasis du sud algérien, où elle refond ses poèmes à Isis. Elle
a dix-neuf ans et a écrit de véritables rébus qui interrogent un
monde où hommes et femmes s’affrontent. Puis elle continue
d’enseigner la littérature au Caire (1986-87), à Chicago
(U.S.A.) et à Irbid (Jordanie) en écrivant Le Mythe d’Isis, une
recherche érudite qui répond à une nécessité intérieure.

Au début des années 2000 paraît le récit gothique La


Maison des Pages (deux éditions) qui se déroule dans la
topographie hétérodoxe d’une maison historique, mystérieuse
et surnaturelle, puis le recueil Poèmes d’Amboise qui la fait
connaître comme l’une des voix les plus irrésistiblement
originales de la poésie contemporaine.

Depuis 2005, plusieurs séjours en Amérique latine, suite


à des invitations dans des festivals internationaux de poésie,
auront une influence déterminante sur la création littéraire de
Camille Aubaude, en particulier le voyage à Cuzco. L’édition
bilingue français-espagnol de ses Poèmes d’Amboise paraît
à l’université Ricardo Palma à Lima, au Pérou, suivie des
Poèmes satiriques. Elle est la poétesse française la plus
traduite aujourd’hui.

écrit à Salta, dans la Cordillère des Andes, en Argentine,


Voyage en Orient illustre le thème de la fragmentation. Cet
oratorio forme un triptyque avec La Maison des Pages et
Sevrage.

314
La narratrice accède à la parole poétique (voir L’Égypte céleste,
et Livre des Heures) qui s’attache à transcrire minutieusement
épisodes et formes imaginaires des paysages et des expériences
vécues.

La véhémence — tentative extrême pour resacraliser la


conscience —, est problématisée dans Impression inimaginable
et La Malcontente, recueils qui recourent au poème militant,
que Camille Aubaude appelle «transpoésie», une tentative de
subvertir la notion malsaine de l’infériorité féminine. Camille
Aubaude est de celles qui ont ouvert la voie aux prises de
parole des femmes, en dévoilant son imaginaire par la poésie.

En 2015, l’élaboration de son second livre multimédia,


Sevrage, a donné un ouvrage collectif : Tant de Philomèles en
ce monde, pour ouvrir un espace poétique féminin, qui ne nie
pas les balbutiements de la poésie. Dana Shishmanian (revue
Francopolis) a récemment parlé d’une «autrice d’exception»
(nov.-déc. 2019, qui republie les poèmes et l’essai de Camille
Aubaude sur l’embrasement de Notre-Dame de Paris).

Enrichi des légendes de l’égypte ancienne, le voyage


poétique de Camille Aubaude se dénoue, en définitive, par
une quête d’elle-même. Tout voir et tout transcrire, par le
symbolisme isiaque, de l’animal à la forêt obscure, du fantasme
à l’autoportrait: voilà la mission qu’elle s’assigne. Elle n’en
poursuit pas moins une voie entièrement libre et singulière,
avec l’obstination tenace d’un bâtisseur qui fait surgir un
monument de ses chimères.

315
Principales études sur l’œuvre
— « Les Femmes de lettres », par Danièle Gasiglia-Laster, Romantisme
85, 1994.
— « Le miroir de Nerval », par Michel Brix, Romantisme 102, 1998.
— Préfaces de Claude Pichois et Claude Vigée.
— « Sur la traduction de la poésie de Camille Aubaude », Rosario
Valdivia, dans VI Congreso International de la Lengua española,
à Panama, 2013, et nombreuses rééditions, dont dans Un espace
poétique pour la femme.
— « Camille Aubaude, Mémoire et terres poétiques », par Marie-
Ange Bartholomot Bessou, 2013. Dans L’Ambroisie et dans Un
espace poétique pour la femme.
— « Mythes et obsessions », entretien avec Paola Gonzales lors d’une
rencontre à l’Université Ricardo Palma, à Lima, Pérou, le 18 février
2013, pour la préparation d’une thèse de doctorat sous la direction de
Rosario Valdivia, dans Un espace poétique pour la femme.
— « Camille Aubaude, les Chemins d’un auteur », Chemins de
traverse, n° 47, 2012.
— Entretiens avec Patricia Godi et Julien Weiss (plusieurs éditions
numériques, dont Temporel.fr et LPpdm, voir ci-dessous).
— « La poesia è conoscenza », par Giovanni Dotoli, étude-préface à
Poesie per Amboise, Rome, 2015. Traduit en français et réédité dans
Un espace poétique pour la femme.
— Actes de la Journée d’étude de Metz (2014) sur l’œuvre poétique de
Camille Aubaude : Un espace poétique pour la femme, 2016. https://r.
academia.edu/CamilleAubaude
— « Édito » des Quatorze chansons par Dina Sahyouni, dans le
Semainier des Muses n° 5, dédié à la poésie de Camille Aubaude. Pan
des muses, éd. de la SIÉFÉGP, Grenoble, août 2016. Voir aussi Dina
Sahyouni sur le Sevrage, dans Tant de Philomèles en ce monde, Le
Pan poétique des muses, n° 4 hors série, sous la direction de Camille
Aubaude, Pan des muses, éd. de la SIÉFÉGP, Grenoble, mars 2016.
— Francopolis, Salon de lecture, avril 2017.
(liste complète en écrivant à : lamaisondespages@orange.fr)

316
QUELQUES LIENS INTERNET

http://levurelitteraire.com/camille-aubaude-3/
http://temporel.fr/Camille-Aubaude-Poeme
http://temporel.fr/Patricia-Izquierdo-par-Camille
n° 6 :
http://temporel.fr/Camille-Aubaude-prose
n° 7 :
http://temporel.fr/Yvonne-Caroutch-par-Camille
n° 10
http://temporel.fr/Camille-Aubaude-prose,653 (Voyage en Orient, «
La Forêt tropicale »)
http://temporel.fr/Renee-Vivien-par-Camille-Aubaude
http://temporel.fr/Camille-Aubaude-invite-Anne-Mounic
n° 12
http://temporel.fr/Jan-Fabre-par-Camille-Aubaude
http://www.pandesmuses.fr/article-dis-le-diable-a-quelle-date-la-
guerre-117626547.html
http://www.pandesmuses.fr/article-conversation-entre-patricia-godi-
et-camille-aubaude-voix-contemporaines-universite-de-clermont-
ferra-116836884.html
http://www.pandesmuses.fr/article-poemes-en-papiers-
plies-116293860.html

FILMS
Poèmes d’Amboise au Cercle Anna de Noailles, par Jérémy Véron
http://www.youtube.com/watch?v=NCoEvLmM63g&feature=youtu.be
Version avec musiciens sur commande.
Un soir à La Vénus noire, par Galya Milovskaya
http://www.youtube.com/watch?v=steLgqcF8RA
La Maison des Pages, reportage sur Fr3
http://www.youtube.com/watch?v=IpCOPj2sT7g
Lorelei, par Marie-Hélène Breillat, et en espagnol, par Rosario
Valdivia, à la Maison de la littérature de Lima, Pérou, le 28 février
2013.
https://www.youtube.com/results?search
query=camille+aubaude+casa+lima
Ode à Adeline, Galerie Templon, filmé par Raphaëlle Gayon.

317
Chant d’ivresse en égypte à l’Iséum de Bretagne, lecture de Delphine
André et figures acrobatiques de Raphaëlle Gayon, filmé par Camille
Aubaude.
Voyage en Orient, lecture en appartement filmée par Laurent Ganiage.
Lecture à la Maison de la poésie-théâtre Molière, filmée par Camille
Aubaude.
Dialogue de poésie à la Maison de la poésie-théâtre Molière, avec
Alberto Sorbelli.

Poètes publiés par la Maison des Pages éditions


30 rue Beaubourg - 75003 PARIS
lamaisondespages@orange.fr

Guillaume MÉTAYER, Fugues. 75 p.


Danielle FOURNIER, Dans le roc la blessure du vent. 56 p.
Matthias VINCENOT, À un océan. Préf. Geneviève Moll. 161 p.
Monique LELOUP, Éclats du monde. 64 p.
Jean-Luc FAVRE, Les corps libres (L’Archange). 80 p.
Agnès ROBINEAU, Au risque de vous déplaire. 80 p.
Gérard COURANT, Le jardin des origines. Préf. Louis Calaferte, 83 p.
Christine de PIZAN, Poésies d’Amour. Préface, choix des poèmes
et traduction de Camille Aubaude. 83 p.
Camille AUBAUDE, Ivresses d’Égypte. 75 p. Mythe d’Isis (rééd.).
L’Égypte céleste. Isis ambacienne. Sevrage.
Jean Marie MONOD, Poèmes à C. 31 p.
Satoko TAMURA, La Lune aux rayons brisés. Traduit par
Camille Aubaude. Préface d’Éva Doucet. 41 p.
Marc-Louis QUESTIN, La Vision d’Osiris. Préf. Thomas Roussot. 80 p.
Bernard GIUSTI, Silences. Préface de Christine Corlay. 63 p.
Patricia GODI, Chemins de la cascade. Préface de Pierre Juquin. 79 p.

318
La maison signifie l’accueil. Cette collection
créée (en 2000) et dirigée par Camille
AUBAUDE, propose des œuvres poétiques
passées et contemporaines, françaises et
étrangères. Elle s’attache à diffuser une poésie en
étroite adéquation avec son époque. « La maison
des pages » inclut les « dialogues de poésie »
enregistrés à Paris (Palais du Luxembourg-
Sénat, Librairie Wallonie-Bruxelles, Maison de
la Poésie-théâtre Molière).

319
Cet ouvrage composé en Times a été achevé d’imprimer
en décembre 2019 sur les presses de l’Imprimerie Quintinaise
N° d’imprimeur : 419 578 75200026
Imprimé en France

320

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